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1. mais faire du nouveau authentique avec de l ancien sauv 81 La rationalisation instrumentale initi e par Thermidor s est acharn e d samorcer les bombes retardement du temps messianique r duire le temps la g om trie rassurante d un espace vide dissoudre dans les lois de 31 l encha nement m canique les surprises ris qu es de l v nement De m me qu elle pr tendit d christianiser et rationaliser l espace en le ramenant sa froide mesure elle voulut neutraliser le temps rendu mesurable par les calculs les plus exacts et les plus sym triques Au moment de la proclamation de la R publique le conventionnel Romme exi geait de nouvelles mesures de la dur e afin d liminer la diversit et l incoh rence qui lt entravent sans cesse l industrie et le com merce D j un d cret du 22 septembre 1792 r pudiait l heure et la minute avec leurs dou zaines incommodes au profit de cadrans d ci maux Dans cette fr n sie de mesure et d abs traction se profilait sournoisement la r duction du travail la simple carcasse de temps impitoyable support temporel d une infinie perfectibilit Benjamin s merveilla de d couvrir que les insurg s de 1830 avaient tir sur les horloges publiques comme si Josu s des temps mo dernes ils avaient voulu arr ter la marche d vorante de ce temps m canique Savait il que la sc ne dans un de ces b
2. Alors seulement l illusion du destin peut tre en fin dissip e L utopie remani e du Principe esp rance devient ainsi ligne de r sistance l ordre bureaucratique stalinien et riposte la sous alimentation de l imagination socia liste Chez Benjamin en revanche la cat gorie de l Utopie s efface pour livrer passage la venue intempestive du Messie Blanqui et Sorel avaient exprim leur rejet de l utopie le pre mier lui opposant l imp ratif de la conspiration au pr sent le second le mythe dont se nourrit la volont lib ratrice Pour Benjamin le futur utopique n claire plus le pass de sa lumi re r trospective Le pr sent de l action l insaisis sable pr sent devient la cat gorie temporelle strat gique l instant d cisif o tout se joue et rejoue en permanence Car chaque pr sent est charg d une mission r demptrice Alors que Bloch explore le potentiel mancipateur du r ve veill Benjamin cherche r veiller le monde de ses cauchemars f tichistes et le lib rer des sortil ges de la marchandise Son messianisme s cularis inverse ainsi le sens des attentes Il n a plus rien de la confiance en un salut r pa rateur Il rel ve de la vigilance d une sentinelle sur le qui vive l aff t du danger qui peut sur gir tout instant Les notions d attente de r veil d v nement de rem moration d pr sent de bifurcation articulent alors une nouvelle r
3. Ernst Bloch messianisme et utopie 7 Wal ter Benjamin et l histoire Itin raire philoso phique d un marxisme m lancolique 77 tous ces chemins ramenaient l uvre et au destin fascinants de Walter Benjamin Fran ois Maspero avait publi en 1969 un recueil de ses essais sur Bertolt Brecht Les deux recueils Po sie et R volution et Mythe et Violence taient parus en 1971 dans la collec tion de Maurice Nadeau chez Deno l Il fal lut attendre 1978 pour la traduction de Sens Unique Deno l 1979 pour les deux tomes en fran ais de la Correspondance Aubier les ann es quatre vingt et suivantes pour les tra ductions fran aises du Journal de Moscou L Arche 1983 de l Origine du drame baroque allemand Flammarion 1985 du monumen tal Paris capitale du XIX si cle Cerf 1989 des Ecrits autobiographiques Bourgois 1990 des crits fran ais Gallimard 1991 En 1986 paraissait le livre collectif sur Walter Benja min et Paris Cerf Cette piste benjaminienne fournissait les clefs d une lecture renouvel e de Blanqui de P guy de Sorel de Proust des surr alistes La filiation entre la Clio de P guy et les Th ses sur le concept d histoire est claire D s une let tre Scholem du 15 septembre 1919 Benja min se reconna t avec le langage de P guy une incroyable parent Rien d crit ne m a jamais atteint par tant de proximit Cette proximit est saisie comme le partage d
4. celle de la politique Marx d clare bien non par m prise mais en toute conscience la fin d une certaine id e de la politique celle de la politique lt comme sph re s par e sous emprise de l tat Il invente une politique de l opprim et de l v nement guerres et r volutions r intriqu e dans le social Il proclame que l tat est ap pel d p rir en se socialisant la politique revenant alors ses conditions non poli tiques qui se r v lent minemment poli tiques Il n y a pas sur ce point entre Marx et Arendt m prise ou malentendu mais un dif f rend irr ductible Elle pr tend mettre la po litique l abri de la contamination du social dont l irruption en politique serait l ultime res sort de la logique totalitaire Il entend au contraire que le seul avenir d mocratique pen sable passe par le d p rissement de l Etat et la socialisation de la politique Au risque d craser au passage les m diations de la so ci t civile de rabattre le droit sur la force d ignorer la dimension institutionnelle et les paradoxes de la repr sentation Tout l effort de Marx vise en effet lib rer la politique de l tat auquel la philosophie h g lienne du droit l avait annex e Ses textes de jeunesse ont ainsi pour but d manciper la question politique de la question religieuse et de la sp culation philosophique en lui conf rant sa consistance propre 1 La perspec
5. pr hension du monde tait indissociable de la pratique visant le changer 7 Il ne fait gu re de doute que le marxisme original de Rosa Luxembourg ou de Roman Rosdolski doit beau coup cet h ritage politique et intellectuel L onde longue r cessive de l entre deux guerres avec sa succession de crises et de d faites catastrophiques de la r volution alle mande avort e au d sastreux pacte germano sovi tique en passant par la victoire du fas cisme en Italie par l av nement du nazisme par l crasement de la deuxi me r volution chinoise et les massacres de Canton par la d faite du Schutzbund viennois en 1934 par la guerre civile espagnole et bien s r par la contre r volution bureaucratique stalinienne a profond ment modifi les interrogations et les d bats au sein du mouvement ouvrier in ternational Les grandes questions qui l ont alors travers toucha ent A la compr hension de l conomie mondiale de l accumulation du capital et de ses crises Ce fut notamment l objet d uvres majeures comme celles de Hilferding de Kondratieff d Henryk Grossmann d Otto Bauer de Trotski de Schumpeter ou de contributions orthodoxes comme celles de Varga C est aussi dans ce contexte qu interviennent les premiers efforts de compr hension d une forme in dite et to talitaire de domination le fascisme Gramsci dans les Cahiers de prison Trotski dans les Ecrits sur l Allemagne Daniel Gu r
6. tive d extinction de l Etat politique et du droit semble cependant remettre en cause cette autonomie peine tablie Le moment machia 100 Voir Miguel Abensour La D mocratie contre l Etat Paris Puf 1996 v lien para t alors s effacer devant la passion du social Mais ce changement de terrain r sulte de la d couverte de la r volution radicale ou de l mancipation universelle ment humaine irr ductible la r volution purement politique accomplie par la r volu tion fran aise Il ne s agit pas pour autant souligne Miguel Abensour de renoncer la politique mais de la d prendre de la fascina tion de l Etat de la d s tatiser et de la d pro fessionnaliser pour ouvrir sa cit interdite ceux qui en sont exclus Marx rompt ainsi avec le f tichisme du pou voir et avec une statol trie d autant plus viru lente en Allemagne que la r volution populaire s y trouve bloqu e Il pense la politique sous la forme d un mouvement populaire in dit qui est l autre nom de la souverainet Il s l ve vigou reusement contre l exag ration pr somp tueuse du facteur politique qui fait de l tat bureaucratique l universel incarn L tat ne vaut pas pour le tout Il ouvre en revanche la perspective d une soci t transparente et paci fi e o s teindrait le conflit de classe r vant d un peuple total inqui tant par lequel l tre social du prol tariat s accomplirai
7. Maurice Blan chot note que le disparate maintient ensem ble ces discours troitement tress s mais que Marx ne vit pas commod ment avec cette pluralit de langages qui toujours se heurtent en lui Il est significatif que cette aptitude d celer et r activer des possibilit s m con nues du texte de Marx fut souvent le fait non de docteurs patent s es marxisme ma s d out siders la lecture oblique Avec un groupe d tudiants j ai donc consa cr les ann es quatre vingt la gen se du Capital Non point la recherche d un Marx perdu mais la d couverte d un Marx possible enfoui sous la cro te des mythologies offi cielles A investir son h ritage sans mode d em ploi circuler dans ses multiples survies re visiter les interpr tations dont il a fait l objet certaines l gitimes d autres fertilement b tardes d autres encore carr ment contre sens Cette incubation aboutit en 1995 au Marx l intempestif et La Discordance des temps Il s agit d une remise en jeu th orique au pr sent l preuve de la confrontation avec Pop per sur la question de la connaissance avec Schumpeter Kondratieff Mandel et l cole de la r gulation sur celle des cycles et les crises avec Rawls sur la th orie de la justice avec individualisme m thodologique et la th orie des jeux sur la question des classes sociales avec Andr Gorz Claude Meillassoux Chris t
8. cu notre post histoire en pens e dans la philo Nous sommes des contemporains philoso phiques du pr sent sans tre ses contempo rains historiques Des contemporains non contemporains de leur propre histoire Des m contemporains en somme C est pourquoi vouloir expliquer l histoire par l histoire on tourne en rond Pour briser ce cercle vicieux et mettre la totalit circulaire en perce on ne peut partir de l histoire comme principe explicatif On doit au contraire poser la question de l histoire comme ce qu il faut expliquer L appr hension correcte du pr sent fournit alors la clef pour la compr hen sion du pass Par ailleurs cet examen se lon une perspective juste m ne aussi des points o s esquissent l abolition de la confi guration actuelle des rapports de production et donc la naissance d un mouvement qui pr figure lavenir sans garantie ni certitude d une fin pr visible Dans une lettre de 1877 ses correspondants russes Marx critique 52 Lettre de Marx Kugelman 17 avril 1871 53 Karl Marx Contribution la critique de la philosophie du droit 54 Karl Marx Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte in crits politiques I Paris Gallimard coll La Pl iade 1998 55 Gramsci Cahiers de prison volume VI Paris Gallimard 1978 p 17 56 Karl Marx Adresse la Ligue des communistes in crits politiques op cit ainsi la transformat
9. ditions Maspero en France de Feltrinelli en Italie des revues comme la New Left Review en Grande Bretagne la Monthly Review aux tats Unis Les Temps modernes en France ont contribu ce renouveau Il en est r sult une culture critique pluraliste renaissante ainsi qu une reprise des interro gations strat giques laiss es en suspens depuis les ann es trente Perry Anderson soulignait alors l puise ment d une tradition philosophique et esth tique du marxisme occidental tenue l cart non seulement de la politique pratique mais aussi des recherches contemporaines en histoire en sociologie en conomie Ce mar xisme singulier s tait caract ris par un penchant paradoxal pour la philosophie l esth tique et l thique et par une inculture cono mique criante La disparition de Della Volpe d Horkheimer puis au cours des ann es qua tre vingt d Adorno de Lukacs Bloch Mar cuse Althusser Lefebvre symbolisait la fin d une poque La fin de cette g n ration an non ait une d cennie de mise en quarantaine de la pens e critique et un d placement des termes du d bat au sein de la gauche La r cession mondiale synchronis e de 1973 1974 avait initi un nouveau retourne ment de l onde longue la baisse dont la r ces sion allemande de 1967 et la crise du dollar en 1971 ont t les signes avant coureurs par tir de 1974 en Angleterre du coup d arr t de
10. du fond de leurs d sesp rances miser sur le sens improbable d une Histoire qui finirait bien par reprendre ses droits et par rendre justice aux fid les La temporalit historique fut alors saisie comme continuit et succes sion mouvement et cumulation c est dire comme une temporalit s quentielle o la pro bl matique de l chec est ramen e une dou ble origine l erreur strat gico politique et le retard de la conscience de classe sur la matu ration des conditions objectives Il n y a par cons quent plus de place pour une temporalit du renouvellement et de la rupture impli quant de nouveaux rapports entre pass pr sent et futur Les promesses inaccomplies du pass joignent leurs effets aux possibilit s ac complir du futur pour d pouiller le pr sent de son unidimensionnalit et de sa conscience re pli e sur elle m me Sur cette voie l histoire ne peut devenir malgr les r f rences r volu tionnaires r alit simultan e et discontinue mise en communication de r alit s spatio tem porelles discr tes h t rog nes les unes par rapport aux autres mais susceptibles de cr er par leurs collisions de nouveaux champs pra tiques Elle n apprend pas devenir autre se faire historicit diff rente elle reste ce qu elle est dans des affrontements et des catas trophes r currents 30 D s 1923 Karl Korsch avait bien mis en vidence le changement de cap initi par l
11. e universelle par l interm diaire d un temps op ratif le pr sent comme temps du sujet Au croisement du pass et du futur ce pr sent appara t comme l image par la quelle incessamment une parcelle de futur se r sout en parcelle de pass gt J en concluais par une extrapolation audacieuse que la crise r volutionnaire est aussi sa fa on le pr sent o la double d termination de l histoire se consume Concernant la crise r volutionnaire propre ment dite le m moire part des d finitions de L nine dans La Faillite de la Deuxi me Inter nationale et de Trotski dans son Histoire de la R volution russe Le premier tablit une inter action variable entre divers l ments de la situation lorsque ceux d en haut ne peuvent plus gouverner comme avant lorsque ceux d en bas ne supportent plus d tre opprim s comme avant et lorsque cette double impos sibilit se traduit par une soudaine efferves cence des masses Trotski reprend ces crit res son compte en insistant sur leur r ciprocit La r ciprocit conditionnelle de ces pr misses est vidente plus le prol tariat agit r solu ment et avec assurance et plus il a la possibi lit d entra ner les couches interm diaires plus la couche dominante est isol e plus la d moralisation s accentue chez elle et en re vanche la d sagr gation des couches diri geantes porte de l eau au moulin de la classe r volutionna
12. individualisme m thodolo gique expliquent la dislocation rapide de ce courant Sous l impact de la crise sociale Roemer et Cohen se sont en effet rapproch s de l gali tarisme lib ral Pour Cohen le plus urgent devint d sormais de d finir loin de la logique du conflit les pr conditions d une soci t ga litaire Il s loignait ainsi des r f rences marxistes pour revenir une variante forma liste de socialisme utopique Certains intellec tuels r solument antistaliniens furent eux m mes affect s par la chute du mur de Berlin au point d en para tre assomm s Marxism is over d cr tait ainsi Ronald Aronson La dis solution de l Union sovi tique ferme les yeux du projet marxiste Ces adieux Marx et la lutte des classes ne rel vent pas principalement de d faillances th oriques mais avant tout comme le sugg re Alex Callinicos de la d t rioration int rioris e des rapports de forces sociaux sous l effet de 17 la contre r forme lib rale Callinicos recon na t cependant qu il y a une question sur la quelle la th orie de Marx est mise au d fi celle des th ories du d veloppement historique qui r duisent comme la probl matique des champs selon Bourdieu l exploitation une forme de domination parmi d autres Para doxalement c est Richard Rorty qui se permet aujourd hui de critiquer la gauche culturelle au nom de l actualit de la lutte des
13. na t une parole argument e et d monstrative La contingence de l action et une nouvelle pro bl matique de la d cision impliquent une soci t multiple Si elle devenait trop une 97 Max Weber Le Savant et le Politique Paris UGE 1963 98 Aristote Politiques 99 Voir Daniel Bensa d Le Pari m lancolique Paris Fayard 1997 elle retournerait l tat de famille ou d indi vidu La politique doit donc tendre l unit mais pas compl tement Depuis ce point de d part politique his toire science et philosophie ont parcouru une longue aventure commune Elles ont connu une incessante transformation de leurs rap ports r ciproques dessinant un lent mouve ment de s cularisation jusqu l av nement de la politique profane moderne On ne parle plus d sormais de la m me politique ni de la m me histoire Sans sacrifier au jeu truqu des d finitions la politique moderne peut se concevoir comme l art de d placer les lignes et d actualiser des possibles Fran oise Proust y voit un art de la conjoncture et du contre temps Un art des rapports de forces aussi La politique dit on est en crise frapp e d impuissance et menac e de disparition Quelle est donc cette politique qui est crise Hannah Arendt exprimait d j dans La Condition de l homme moderne la crainte que la politique disparaisse compl tement du monde L tatisation totalitaire de la soci t l abso
14. novembre 1975 la r volution portugaise du compromis historique de 1976 en Italie de la transition monarchique n goci e en Espa gne de la d sunion de la gauche en France en 1977 l lan social initi par 1968 en Europe s puisait Un reflux analogue se produisit parall lement aux Etats Unis et au Japon apr s les grands affrontements autour de la construction de l a roport de Narita Bien que sans d faite majeure comparable celles des ann es trente cette d faite silencieuse mar qu e par celles des mineurs britanniques des sid rurgistes en France de la construction navale ou de l industrie automobile ouvrait une crise de perspective concernant aussi bien le but le mod le de soci t apr s les d sil lusions de la r volution culturelle chinoise et l crasement du printemps de Prague que les moyens et le sujet strat gique du changement avec l affaiblissement de la radicalit ouvri re dans les m tropoles imp rialistes et le trau matisme de la d chirure cambodgienne Alors que la r volution cubaine et la chute de Saigon en 1975 inspiraient encore la radi calisation de la jeunesse des ann es soixante dix les guerres sino vietnamienne et sino cam bodgienne l archipel du Goulag et l intervention bureaucratique en Afghanistan finirent de ruiner les l gendes dor es du so cialisme tatique r ellement existant Si l horizon d attente s est obscurci alors durablement en
15. pens e marxiste semble constamment reproduire une d composition antinomique 19 Gyorgi Markus Langage et production Paris Gonthier 1982 p 80 20 IT est significatif que le proc s id ologique intent au Ve congr s de l Internationale communiste par D borine et Rudas contre Lukacs repose sur une accusation de subjectivisme Lukacs y a r pondu par un texte de 1926 intitul Chostuismus und Dialektit rest longtemps in dit et publi en 1996 Budapest Il est paru depuis en anglais aux ditions Verso 2000 21 Sur la r ception de Darwin aussi probl matique que celle de Marx voir les travaux de Patrick Tort ou de Stephen J Gould 22 Karl Korsch L Anti Kautski Paris Champ Libre 1973 du rapport dialectique originel du subjectif et de l intersubjectif chez Marx d composition a en th ories d un processus sans sujet c est le m rite d Althusser d avoir exprim cette interpr tation du marxisme sous une forme purement th orique mais il nous sem ble vident que dans sa tendance fondamen tale sa conception s inscrit dans la continuit de ce marxisme scientiste dont les racines remontent la Ie Internationale b en th o ries du sujet collectif Lukacs Gramsci Gold mann etc Il est assez clair que ces deux ten dances oppos es de la pens e marxiste sont g n ralement rattach es des interpr tations antith tiques du paradigme de la production lui m me la premi re tend
16. re ainsi la partition entre sciences de la nature et sciences de l homme ou de Pes prit comme un moment de division provisoire vou au d passement en une seule science de la nature humanis e et de l humanit natu ralis e o jugements de fait et de valeur de viendraient indissociables La critique de l co logie politique pourrait alors prendre le relais de la critique de l conomie politique La piste spinoziste m ne Leibniz opposant la rigoureuse m canique cart sienne la contingence irr ductible de ce qui arrive l al a toire n est pas une illusion imputable la fi nitude de notre savoir et rien n chappe l effectivit des possibles La Monadologie invo que une logique allant de l universel au parti culier du possible au r el une math matique des concepts approchant sans jamais les atteindre les v rit s contingentes inacces sibles la seule math matique du nombre Dans une histoire rythm e par la singularit du temps effectif appara t un mode de v rit assign e un temps et un lieu d termi n s Elle porte sur les v nements alors que la science de simple intelligence s applique aux v rit s possibles et n cessaires et la science de vision aux v rit s contingentes et actuelles la science moyenne vise les v rit s possibles et contingentes La distinction entre n cessi t s absolues et hypoth tiques permet ainsi de d jouer les quivo
17. sans la moindre inten tion de s y associer effectivement un int r t universel non go ste o se r v le une dis position morale du genre humain dans sa to talit Pour Alain Badiou au contraire l v nement tire son sens de la subjectivit qui se constitue dans la fid lit son acte fondateur et dans sa capacit le continuer Ainsi la R volution fran aise ne serait pensable que du point de vue de Robespierre ou de Saint Just qui en sont les acteurs et non du point de vue de Furet et des historiens qui en sont les spec tateurs et les observateurs La R volution russe devrait de m me tre pens e du point de vue de L nine et de Trotski de leur subjecti vit strat gique et non du point de vue des archives dont St phane Courtois ou H l ne Carr re d Encausse s approprient l objecti vit J estime et ce n est en rien par esprit de compromis que la pens e de v nement doit travailler dans la contradiction entre la subjectivit de l action et l examen critique de son r sultat dans le dialogue entre histoire et m moire dans la controverse inconcluse entre acteurs et spectateurs Marc Ferro mwa dit un jour qu il y avait entre nous un malen tendu il aborde l histoire sous un angle histo rique et non sous un angle strat gique L his torien enregistre en effet les faits advenus comme s il ne pouvait en avoir t autrement Pour Ferro l lan r volutionn
18. suicid de la so ci t il fut un suicid de la religion apr s quinze ans de r sistance et de conflits Il fut accus de nier l immortalit de l me l Enfer et le Purgatoire pour consid rer le bien et le mal comme une affaire d ici bas une affaire profane Malgr la r sipiscence de 1633 sa nuque ne plia pas Il tint bon sept ans encore avant de c der une seconde fois en 1640 apr s avoir souffert l indicible Attach au pilier de la synagogue il subit alors l humiliation des 39 coups de fouets comme autant de marches d un calvaire Comme Jeanne Uriel fut seul face ses juges Pour d truire ma r puta tion mes ennemis ont l habitude de dire ce lui l n est pas juif ni chr tien ni musul man Alors qui ou quoi Un mutant Un juif non Juif Au nom de la loi oubliez moi laissez moi me confondre dans la multitude des hommes sinon je my autoriserai moi m me cause de la religion il a souffert dans sa vie des choses inconcevables Les gens l ont mau dit harcel le traitant d h r tique et de tra tre Comme lui Spinoza fut stigmatis par le herem de 1656 Maudit soit il de jour et mau dit soit il de nuit de sorte que personne ne puisse lui parler oralement ni par crit Il fut condamn l exil int rieur l exode de soi m me Mais il en fit une force la charge explosive de cette fureur tranquille minant avec la m
19. v ne ment 15 Jai eu la surprise de constater que plus de trente ans plus tard la discussion sur les philosophies de la r sistance et de l v ne ment dans le contexte de la restauration li b rale me ramenait aux m mes interroga tions sur la notion de crise strat gique Elle fait l objet de R sistances Essai de taupologie g n rale 15 Les questions pos es dans les ann es soixante sur les rapports entre histoire et structure historicit et v nement quilibre et crise objet et projet classe et parti social et politique ne m ont plus l ch A partir de 1989 ayant accumul une ex p rience pratique en Europe et en Am rique latine je me suis mis au travail sous le dou ble effet des changements politiques dans le monde et de circonstances personnelles J ai produit en une dizaine d ann es une douzaine de livres dans un d sordre apparent de sujets et de propos y regarder de plus pr s sans que ces travaux aient r pondu le moins du monde un plan leur d sordre relatif finit par r v ler une coh rence latente Elle sor donne autour de trois fils entrecrois s Le premier pourrait s intituler La recher che d un Marx sans ismes formule em prunt e Francisco Fernandez Buey Devant la faillite du communisme irr el ou du socia lisme r ellement inexistant il devenait n ces saire de dresser l inventaire d un h ritage sans propri taires ni mode d emploi non pour
20. Europe aux Etats Unis et au Japon l esp rance r volutionnaire connaissait un sursis en Am rique latine et en Europe de l Est Les coups d Etat militaires au Br sil en 1965 1969 en Bolivie en 1971 au Chili et en Uruguay en 1973 en Argentine nouveau en 1975 semblaient clore le cycle des luttes ini ti sur ce continent par la r volution cubaine Pourtant la victoire sandiniste au Nicaragua en 1979 et ses perspectives d extension l Am rique centrale paraissaient susceptibles de relancer le mouvement alors que les Etats Unis encore sous l effet du syndrome vietna mien avaient fort faire en Iran apr s le ren versement du shah Parall lement l mergence de Solidarnosc en Pologne annon ait malgr le coup d Etat de Jaruzelski le cr puscule des dictatures bureaucratiques en Europe orien tale Leur faillite tait consomm e une d cen nie plus tard avec la chute du mur de Berlin et la dislocation de l empire bureaucratique sovi tique vermoulu La vieille taupe semblait s tre retir e d Europe occidentale pour mieux creuser ses nouveaux crat res en Am rique 14 latine dans le Golfe persique dans les ancien nes colonies portugaises et l Est de l Europe L offensive n olib rale men e sous l impul sion de Thatcher et de Reagan commen a faire sentir ses effets d s le d but des ann es 1980 En 1981 Andr Gorz publiait ses Adieux au prol tariat Une vive discussion sur l ana lyse d
21. Paris VIII Institut de philosophie Le jury tait compos de Ren Sch rer professeur m rite de l universit de Paris VIII directeur de travail Jacques Derrida directeur de recherches l Ehess Georges Labica professeur m rite de l universit de Paris X Nanterre Michael L wy directeur de recherches au CNRS Andr Tosel professeur l universit de Nice 45
22. ar rache Marx ses cauchemars staliniens De la passion linguistique dans laquelle ont baign mes ann es de formation en classe pr paratoire j avais gard un int r t pour les pro bl mes du langage et pour les noms secrets dont celui de communisme c l br par Heine Cette curiosit m a conduit vers la fin des an n es soixante dix la cabale et la mystique juive chez Gershom Scholem notamment et remplir et noircir des cahiers de notes sans destination particuli re Ces lectures paral l les celles des classiques du marxisme me poussaient vers un continent culturel celui du juda sme et de son histoire tumultueuse sans lequel l irruption des pens es h r tiques de Marx ou de Freud au c ur du rationalisme occidental reste mal compr hensible Cette exploration permettait aussi d tablir des rapprochements et de nouer des dialogues entre Marx et Proust le Capital et la Recher che avec sa critique radicale du f tichisme marchand fouiner du c t de Landauer de Mauthner de Kraus de Rozenzwe g de Bloch de Tucholsky de Kracauer s interroger sur le r le des r volutionnaires juifs dans l oppo sition de gauche au stalinisme Les travaux de Michael L wy particuli rement R demp tion et utopie Le juda sme libertaire en Europe centrale 72 d Enzo Traverso Les marxistes et la question juive Siegfried Kracauer 4 L Histoire d chir e S ou d Arno M nster
23. aussi prodigieusement mystique que sa mesure dont le mesurant varie avec le me sur comme un instrument de mesure qui va rierait selon l objet de la mesure La double existence de la marchandise porte en elle le risque permanent de la scis sion Le germe des crises est pr sent dans l argent comme forme d existence devenue autonome de la valeur En vertu de la scission originelle entre les deux actes ind pendants l un de l autre d achat et de vente qui ont acquis des formes d existence spatialement et temporellement indiff rentes l une l autre la discorde s installe entre production et circu lation plus value extraite et profit r alis Leur identit imm diate cesse La crise est la manifestation de ce malaise identitaire Elle traduit l unit bris e des moments promus 20 l autonomie les uns par rapport aux autres Cette unit ne peut tre r tablie que par la force et la violence La th orie critique de Marx n est pas une philosophie sp culative de l histoire D cons truction d clar e de l Histoire universelle elle jette les bases d une histoire profane sans pro messe de salut o nulle r paration finale de l injustice n est assur e Cette histoire prend la forme d un devenir incertain conjointement d termin par la lutte et la n cessit Il ne s agit donc plus de fonder une nouvelle philo sophie de l histoire mais d en explorer un
24. cas singulier en jugement d termi nant Il en fait le cas particulier d une norme g n rale en l amenant sous l universalit de la loi Le probl me du jugement historique et du jugement politique est autrement pineux Il est impossible de leur appliquer une loi des lois dans la mesure o leur enjeu consiste pr cis ment d terminer et noncer la loi Alors que le tribunal affirme que nul ne sau rait ignorer la loi p nale nul ne saurait invo quer la loi de l histoire et la supposer connue Le jugement historico politique est donc radi calement r fl chissant La difficult devient d autant plus inextricable que l on se r f re exclusivement au mode esth tique du juge ment r fl chissant Alors que le beau y est d fini comme ce qui pla t universellement sans concept peut on d cr ter juste ce qui passe universellement pour tel sans concept Il n est pas de sens commun auquel adosser le jugement politique Il s exerce toujours dans l incertitude de la lutte et du conflit Mieux vaut donc chercher du c t injuste ment d laiss du jugement t l ologique Alors que la facult de juger esth tique se caract rise comme la facult particuli re d appr cier les choses universellement sans concept la facult de juger t l ologique n est pas une facult par ticuli re mais la facult r fl chissante en g n ral Elle ob it selon Kant une liaison des choses par les causes fin
25. crime historique ma toujours occup Exor bitant pouvoir de juger Qui est le juge demandait L nine Et quelle est la l gitimit du jugement 192 Elle ira dans l Enfer o clament les Damn s Dans les hurlements fous des Embras s vivants Dans les folles clameurs des Damn s affol s Dans tous les hurlements de tous les tourment s Devant ses juges Jeanne en vint peut tre se demander si elle n tait pas devenue h r tique pour de bon A douter de sa cause et de son orgueil Avoir raison toute seule contre l Eglise et ses docteurs contre l histoire et son tribunal D o le moment d humaine faiblesse et d humaine d faillance Pour Jeanne ce fl chissement n aura dur que quelques heures Le temps d un aveu d h r sie pire que la damnation et les flammes qui d fait et d truit de l int rieur i Quand un membre de l Eglise est malade toute l glise est malade Il faut le couper le retrancher Pour ses juges Jeanne est un mem bre contagieux tout juste bon r tir Son pro c s est bien un proc s en h r sie en double h r sie religieuse et politique Elle fait une 102 Voir Daniel Bensa d Qui est le Juge Pour en finir avec le tribunal de l Histoire Paris Fayard 1999 103 Voir Daniel Bensa d Jeanne de guerre lasse Paris Galli mard 1991 104 Voir Daniel Bensa d Walter Benjamin sentinelle messia nique Paris Plon 1990 h r tique magnif
26. de revenu seconde vue cependant il appara t vident que ce pre mier point de vue conduirait un miette ment sans fin de statuts d une sociologie clas sificatoire L inventaire des formes de revenus et de leurs diff rences quantitatives n en fini rait pas les classes deviendraient solubles dans les cat gories socioprofessionnelles de la statistique positive Cette distinction s ap pliquerait m me l infinie vari t d int r ts et de situations que provoque la division du travail social l int rieur de la classe ouvri re de la classe capitaliste et des propri taires fonciers ces derniers par exemple tant divi s s en viticulteurs propri taires de champs de for ts de mines de p cheries etc Ici s inter rompt donc le manuscrit de Marx Sur un for midable suspens th orique Il en ressort cependant que contrairement la sociologie positive qui entend traiter les faits sociaux comme des choses Marx les aborde toujours comme des rapports Il ne d fi nit pas un objet statique mais suit la logique intrins que de ses multiples d terminations Au terme du livre III les classes pourraient ainsi recevoir encore les d terminations nou velles qu impliquerait l analyse de la famille de l ducation de l tat du march mondial Il faudrait alors recouper le d veloppement inachev du Capital partir du chemin in verse allant de la lutte politique des classes a
27. dernes fond e sur la libert formelle de la force de travail par rapport aux soci t s hi rarchiques de castes et de corporations 2 pour introduire le rapport d exploitation qui d termine le temps de travail socialement n cessaire l extraction de la plus value Le livre IT aborde les rapports de classes selon unit de la production et de la circulation Ici les classes apparaissent sous l angle du rap port salarial entre achat et vente de la force de travail Il s agit d un rapport mon taire o achat et vente supposent dans l acheteur un capita liste et dans le vendeur un salari Ce rapport r sulte du fait que les conditions requises par l actualisation de la force travail sont s par es en tant que propri t d autrui du possesseur de la force de travail Le proc s de circulation du 24 livre II se pr sente ainsi comme une succes sion d actes d achat et de vente o l antago nisme n appara t plus sous l angle du partage du temps de travail mais sous celui de la n go ciation conflictuelle du prix de la force de tra vail existant comme marchandise Contraire ment ce que pr tend une r duction conomiste et ouvri riste du rapport de classe au rapport nu entre producteur et patron la morphologie des classes se dessine donc autant au livre IT qu au livre I L accumulation du capital pr suppose en effet l existence de la classe des travailleurs salari s l chelle de
28. et non Ulmard Nan terrois et non Sorbonnard il y avait de quoi se sentir petit chose au c ur d une m l e politico th orique aussi confuse que la bataille de Waterloo pour Fabrice Le vent d Est de la Grande r volution culturelle prol tarienne soufflait en rafales Il fallait la poigne du grand timonier pour tenir la barre et son grand soleil rouge irradiait le front des cat chum nes nor maliens Il ne manquait plus que le petit livre rouge de pri res Il arriva en masse l au tomne 1966 L esprit de corps et de secte qui r gne dans la retraite conventuelle des Ecoles normales tait propice la nouvelle liturgie De la rue dUlm soufflaient les esprits Pour ma part les marques taient prises et les choix taient faits avant de subir l preuve de la capitale L engagement politique l empor tait sur les prudences th oriques 1966 1968 ce furent les ann es Saint Cloud et Nanterre Je ne les ai pas vues passer occup d couvrir Pa ris nouer de nouvelles amiti s faire mon apprentissage Je n ai pas bien compris la chance que repr sentaient les cours de Desanti sur les id alit s math matiques de Philonenko sur la philosophie allemande ou les conf rences de Pontalis et de Nicolas Ruwet A la rentr e 1967 ma licence exp di e je dus m inscrire en ma trise Tout naturelle ment je me suis adress Henri Lefebvre pour lui proposer un travail sur La notion de crise r v
29. expression de toute cette fa on qu ont les Allemands d crire l histoire dans laquelle il ne s agit pas d in t r ts r els mais d id es pures une concep tion vraiment religieuse o chaque poque appara t comme simple annonciatrice de la v ritable poque historique comme une sim ple pr paration destin e faire resplendir la gloire insurpassable du pr sent rig en fin des temps Il est conforme ce but de ne pas voquer les v nements r ellement histo riques ni m me les intrusions r ellement his toriques de la politique dans l histoire et d of frir en compensation un r cit qui ne repose pas sur une tude s rieuse ma s sur des mon tages historiques et des cancans litt raires Ainsi chez Stirner comme chez Proudhon il n y a plus d histoire mais tout au plus l his toire dans l id e c est dire l histoire qui se r fl chit dans le mouvement dialectique de la raison pure Dix ans plus tard l introduction aux Grun drisse retient sous forme de pense b te lapi daire les notes ne pas oublier 1 La guerre ant rieurement la paix comme matrice de nouveaux rapports sociaux et la boratoire d innovations techniques 2 Le rap port critique entre l histoire r elle et l his toire id ale des civilisations telle qu on l a crite jusqu ici 8 La prise en compte des rapports internationaux et du d veloppement spatial in
30. grand livre de Gabriel Albiac La sinagoga vacia Madrid 1987 traduction fran aise La Synagogue vide Paris Puf 1994 En Am rique latine la r volte mill nariste de Canudos illustr e par Euclides da Cuhna inspirait le roman de Vargas Llosa La Guerre de la fin du monde Les r cits de Graci liano Ramos ou l essai de Rui Faco sur les h r sies religieuses et le mill narisme social Cangaceiros et fanaticos m ouvraient Puni vers mystique des r bellions agraires Au Mexique Sergio Rodriguez me donnait des lec tures sur les utopies indiennes sur la r sis tance la modernit de la Christiade ou sur la personnalit de Sor Juana de la Cruz c l br e par Octavio Paz Apparemment fort disparates mes livres de 1989 1990 et 1991 sur la R volution fran aise sur Jeanne d Arc et sur Walter Benja min sont au carrefour de ces chemins de tra verse Ils constituent le mat riau pr paratoire du Marx l intempestif de 1995 et de La Discor dance des temps dont la derni re partie His toire fins et suites est d ailleurs constitu e essais sur P guy Blanqui Bloch et Benja min Tir e d un article publi en 1926 Lima une citation de Jos Carlos Mariat gui figure en exergue du livre sur Jeanne d Arc Elle r sume le souci de combiner la critique ratio naliste de la modernit avec le cheminement souterrain des r sistances populaires Le pass meurt et rena t en chaque g n ratio
31. l his toire mais un pionnier avec Nietzsche Blan qui Sorel P guy Gramsci Benjamin de la critique de la raison historique Les figures singuli res de l v nement s inscrivent et s effacent sur le sable mouvant du possible Elles se temp rent ainsi au pr sent dans la conjonction de la n cessit et de la contingence de la lutte Marx radicalise ainsi la la cisation d une immanence temporelle qui n est plus la forme d chue de l ternit divine Et si Le Capital peut tre lu par Lukacs notamment comme une ontologie de l tre social c est seulement comme une ontologie n gative L o Heidegger ontologise et sacralise Marx s cularise et d sontologise traiter politique ment l histoire c est la penser du point de vue de ses bifurcations et de ses points critiques C est pourquoi la pr sence d esprit est la qualit politique par excellence de cet art du pr sent En proie au f tichisme d une histoire ven triloque le Roubachof de Koestler comme le Boukharine de Merleau Ponty n a pas vrai ment r fl chi l id e d une histoire dialec tique Car si l histoire n a ni fin ni conclusion qui aura raison en fin de compte Pour Trotski au contraire souligne Merleau Ponty la raison historique n est pas une divinit qui guide l histoire du dehors Il n y a qu un sens de l histoire bauch dans les convulsions de l histoire spontan e et
32. largement inspir e par celle de Lukacs Insis tant sur le fait que la crise conomique corri geant les d s quilibres p riodiques du cycle d accumulation remplit chez Marx une fonc tion r gulatrice il affirme en effet que seule la conscience du prol tariat peut montrer com ment sortir de la crise du capitalisme tant que cette conscience n est pas l la crise reste permanente revient son point de d part et r p te la situation La diff rence qualita tive entre la derni re crise du capitalisme sa crise d cisive et les crises ant rieures ne r side donc pas dans une m tamorphose de leur extension et de leur profondeur bref de leur quantit en qualit Ou plut t cette m ta morphose se manifeste en ceci que le prol ta riat cesse d tre simple objet de la crise et que se d ploie ouvertement l antagonisme inh rent la production capitaliste 8 La crise de la formation sociale devient donc crise r volutionnaire lorsqu une subjectivit se dresse face l objectivit du capital et de l Etat Comme s il fallait se pr valoir d autres cau tions th oriques l intervention d cisive du sujet et du projet faisait nouveau appel la science moderne selon Bachelard pour qui la m ditation de l objet par le sujet prend tou jours la forme d un projet ou la critique sartrienne de la raison dialectique d finis sant le projet comme d passement subjectif de object
33. marxisme Le second se confond avec un discours de propagande insipide dont l ineffable brochure de Staline Mat rialisme historique et mat ria lisme dialectique a fix les canons Le premier fort h t rog ne embrasse les variantes de dis sidence qui ont contribu la survie d un 29 Voir Georges Labica Le Marxisme l ninisme Paris Bruno Huisman 1984 Andr Thirion R volutionnaires sans r volu tion Paris Actes Sud col R volution 1998 marxisme critique du Lukacs d Histoire et conscience de classe Gramsci en passant par les francs tireurs comme Karl Korsch Jos Carlos Mariategui Ernst Bloch Le plus singu lier d entre eux Walter Benjamin a achev son itin raire tragique par le suicide sur la fronti re close des Pyr n es Il symbolise les impasses et les d chirements du si cle devant la catastrophe imminente sans les moyens de la conjurer Certaines trajectoires individuelles comme celles de Lukacs ou de Politzer sont l illustra tion m me de ces contradictions En France le parcours de Politzer accompagne ce thermi dor intellectuel La curiosit th orique poly morphe d Henri Lefebvre n a donn sa pleine mesure qu apr s sa rupture avec le stalinisme et sa mise l cart du parti La vie th orique fut ainsi rel gu e aux marges non seulement du parti communiste mais du mouvement ouvrier lui m me o elle a cependant produit de grandes figures comme Pierre Naville ou David R
34. monologue la premi re personne de la bicentenaire in digne Je mai pas eu davantage la pr ten tion d crire une biographie rudite de Jeanne une de plus une de trop mais seulement de me mettre l coute de sa voix ou de ses voix heureuse ambivalence du g nitif et de dialoguer avec son spectre ou avec ses spec tres Jeanne de guerre lasse ne cherche pas la v rit vraie de Jeanne Ce n est pas non plus une travers e de son mythe mais une 96 Kant Le Conflit des facult s promenade tonn e travers ses repr senta tions contraires ses images changeantes les esp rances et les d sillusions dont elles fu rent tour tour investies C est le pr texte un exercice de philosophie historique sur la re lation du pr sent au pass et sur la dialec tique des temps historiques La Sentinelle messianique pouse la recom mandation benjaminienne d une criture frag mentaire et aphoristique proc dant par mon tage et composition aux antipodes de l expos syst matique et didactique Dans Marx lin tempestif ce choix ne dispara t pas au profit d une th se de facture classique Il subsiste comme un contrepoint cach entre les lignes comme un texte invisible qui court sous le texte visible et en commande les seconds degr s Ce double registre souligne un probl me sans pr tendre le r soudre Kant pense l v nement du point de vue des spectateurs du public qui manifeste
35. n cessaire des promesses de 1789 A quel point ce marxisme comtis rel ve d un malentendu il suffit de conna tre la pi tre opinion de Marx sur le p re du positivisme pour le mesurer J tudie ces jours ci acces soirement Comte puisque les Anglais et les Fran ais font un tel battage autour de ce type Ce qu ils trouvent s duisant c est son c t en cyclop dique la synth se Ma s c est lamenta ble compar Hegel bien que Comte math maticien et physicien de profession lui soit sup rieur dans le d tail Hegel tant m me dans ce domaine infiniment plus grand dans l ensemble Et dire que cette merde de positi visme est parue en 1832 23 Plus explicite ment encore Marx estimait au sein de la Fe Internationale que les principes du com tisme sont en contradiction directe avec ceux de nos statuts et il mettait d finitivement les points sur les i Comme homme de parti je prends une position tout fait hostile l gard du comtisme et comme homme de science j ai de lui une bien pi tre opinion 24 La foi en un progr s abstrait continu et uni versel n a pas grand chose voir avec les in termittences et les ambivalences du progr s historique selon Marx Un livre comme celui publi en 1907 par Paul Lafargue Le D terminisme conomique la m thode historique de Karl Marx est repr sentative de cet accommodement positiviste de Marx Il contribue au malenten
36. n cessaire et du contin gent dans le mouvement de la n cessit for melle la n cessit absolue via la n cessit relative En tant que possibilit d termin e elle porte en elle une imperfection dont il r sulte que la possibilit est en m me temps une contradiction ou une impossibilit Pour Marx penseur du possible la n ces sit fixe l horizon de la lutte dont la contin gence contredite les d crets du destin C est pourquoi la dialectique de la n gation de la n gation qui conclut le livre I du Capital requiert les pr cisions d Engels En caract risant le processus comme n gation de la n gation Marx ne pense pas en d montrer par l la n cessit historique La n gation de la n gation n est plus alors ni le deus ex machina ni la sage femme accoucheuse de l histoire On ne saurait tirer en son nom des traites sur l avenir Elle op re dans un champ de possibi lit o la loi g n rale ne s applique qu tra vers le jeu des singularit s des conjonctures et des situations Si la n gation de la n gation consiste en ce passe temps enfantin de poser et de biffer alternativement a ou de dire alter nativement d une rose qu elle est une rose et qu elle n est pas une rose il n en ressort rien que la niaiserie de celui qui s adonne ces en nuyeux exercices bons entendeurs du formalisme dialectique salut Marx n est donc pas un philosophe de
37. orthodoxe de la R volution fran aise nous pr f rions celle de Daniel Gu rin Sans oublier Henri Lefebvre dont la curiosit paraissait toutefois fort clec tique et d une prolixit suspecte par rapport l asc se scientifique et au laconisme th o rique des ma tres de la rue d Ulm L autre point d appui contrastant avec le penchant philosophique et esth tique dominant du marxisme occidental fut la culture cono mique et la connaissance d un autre Marx auxquels les articles et les livres d Ernest Man del nous donnaient acc s Dans un hoquet d une histoire l heure tait donc la rh torique structurale Au del de l int r t des recherches disciplinaires en lina guistique en anthropologie ou en psychana lyse sous couvert d une coupure pist molo gique radicale avec l enfer des id ologies ce discours remplissait plusieurs fonctions Sa pr tention faire science conf rait un statut minent aux petits ma tres du savoir en m me temps qu il leur promettait la respectabilit acad mique Il permettait ainsi de concilier un projet subversif d clar avec l h ritage posi tiviste dominant les sciences humaines dans l universit fran aise Dans un essai de 1971 Henri Lefebvre de vait caract riser l id ologie structuraliste comme une id ologie de pouvoir et comme la naissance d une id ologie sous couvert de lutte contre l id ologie Elle a permis
38. ou de Harold 41 Voir Bowles et Gentis Recasting Egalitarianism Verso Lon dres 1998 42 Making Sense of Marx de Jon Elster parut en 1985 43 John Roemer Theory of Distributive Justice Cambridge 1995 Isaacs sur La Deuxi me R volution chinoise C est apr s la seconde guerre mondiale que le prestige acquis par l Union sovi tique dans la lutte contre le nazisme allait rejaillir sur le petit parti communiste britannique et attirer lui une g n ration brillante d historiens comme E P Thompson Eric Hobsbawn Georges Rude ou Christopher Hill A la notable exception d Hobsbawn la plu part se sont loign s du stalinisme lors du sou l vement hongrois de 1956 et de l interven tion sovi tique Budapest Il en est r sult un marxisme critique ind pendant qui s ex prime aussi bien dans les travaux historiques d Isaac Deutscher que dans la critique esth tique d un John Berger ou plus tard dans le cin ma de Ken Loach Outre atlantique les intellectuels comme Paul Baran Paul Sweezy ou Harry Magdoff regroup s autour de la Monthly Review fond e en 1949 alimentaient une critique tiers mondiste de l imp rialisme moderne Ce marxisme anglo saxon est cependant rest relativement marginal hant par un complexe d inf riorit devant les grandes figu res du marxisme occidental Perry Ander son y a vu la cons quence d un d veloppement anormal du capitalisme britannique domin
39. par la R volution fran aise et les journ es de juin 1848 ce dilemme structurel du trop t t trop tard du d j plus et pas encore tra verse l histoire des r volutions C est pourquoi la diff rence des r volutions bourgeoises qui se pr cipitent rapidement de succ s en suc c s les r volutions prol tariennes se criti quent elles m mes constamment inter rompent chaque instant leur propre cours reviennent sur ce qui semble d j accompli pour recommencer nouveau jusqu ce que soit enfin cr e la situation qui rende impos sible tout retour en arri re 54 Contrairement aux r cits lisses de l Histoire universelle o advient ce qui devait advenir selon les n cessit s du concept chaque pr sent est gros d sormais d une pluralit de pos sibles Gramsci per oit ainsi chaque moment du devenir historique comme une lutte en tre le rationnel et l irrationnel Car si dans l histoire le g n ral triomphe toujours le par ticulier lutte aussi pour s imposer dans la me sure o il d termine un certain d veloppement du g n ral et non un autre Seule la lutte avec son r sultat et m me pas avec son r sultat imm diat mais celui qui s exprime dans une victoire permanente dira ce qui est rationnel et irrationnel 55 Lorsque le Capital interrompt le cours et d chire le tissu de tout le mouvement histo rique c est comme un coup de tonnerre inau dible u
40. pass Sans cesse il se nie et se contredit C est pourquoi il ne peut tre prouv que dans l attente 1 Selon cette temporalit sp cifique le messia nisme appara t comme une anti utopie Ernst Bloch et Walter Benjamin ont tous deux conju gu les promesses de lib ration avec la r demption annonc e du pass opprim Tous deux ont partag une m me d fiance envers les vainqueurs et une m me dette envers les vaincus Tout pass qui m rite d tre relat dit Bloch propos de Thomas M nzer est l pour nous assigner une t che Nous 91 Voir Walter Benjamin sentinelle messianique p 140 sommes attendus r pond Benjamin les forces du combat mancipateur s alimentent non point l id al des petits enfants lib r s mais l image des anc tres asservis Pourtant l Utopie s efface chez Benjamin au profit de l apparition incertaine du Messie Il serait facile d en conclure que ce Messie n est jamais qu une Utopie invers e une Utopie n gative pour temps de crise et de d sesp rance Chez Bloch utopie est le point d inscription d une morale dans l horizon pratique d une po litique un pressentiment constitutif ou un savoir du but l anticipation dialectique d une possibilit effective En elle palpite ce qui pousse et r ve dans l obscur du v cu ce vers quoi nous tendons dans le plus int rieur de nous m mes et vers quoi nous nou
41. peine d tre cras Cette obligation de lutter et l impossibilit de se retirer de la partie interdisent toute repr sentation du conflit dans les termes de la th orie des jeux sans commencement ni fin le conflit est un corps corps impitoyable dont les r gles varient avec la force En toute rigueur la logi que du capital et l individualisme m thodolo gique sont donc incompatibles car travail abs trait et valeur sont d embl e des formes sociales du travail Tant t Marx est accus de d terminisme conomique tant t on lui reproche au contraire de d roger aux exigences scientifiques de pr dictibilit et de r futabilit Ces critiques ont toutes deux leur part de v rit mais elles pas sent c t de l essentiel Marx est sans aucun doute habit par une volont de faire science conforme l id al scien tifique inspir de la physique classique qui domine le XIX si cle Fascin par les progr s vertigineux de la physique de la chimie de la thermodynamique de la biologie il les prend pour mod les de sa critique de l conomie poli tique la forme marchandise est compar e une forme cellulaire de l conomie et les lois naturelles de la production sont cens es se ma nifester avec une n cessit de fer Charm par les sir nes de la science anglaise Marx est cependant retenu par celles de la science alle mande o se m lent les voix de Leibniz de Goethe d Hegel En
42. quilibre sur la pointe ac r e de la critique sa pens e tend une m ca nique organique ou une science des bords et des remplissements Dans la science allemande se joue en effet la rencontre entre la repr sentation archa que d une science ou connaissance encore intri qu e la philosophie et l av nement d une science na tre de la crise des sciences euro p ennes Science d concertante en effet que la science de Marx Dans une qu te de la logi que organique o l ordre du concept se d fait dans l ordre charnel du combat elle m le constamment synchronie et diachronie l uni versel de la structure et la singularit de l his toire Le style m taphorique et esth tique du Capital a parfois suscit des sarcasmes Il s agirait d un faux fuyant litt raire t moi gnant d une imposture intellectuelle Il r v lerait une nostalgie sp culative incurable Marx se d bat en effet avec ses fant mes avec les incertitudes de la langue ou avec la cami sole de force de la syntaxe la fran aise En allemand Marx paurait jamais crit comme a sexasp re Engels propos de la traduc tion fran aise du Capital Sa cr ativit m taphorique exprime le besoin d une connaissance simultan ment analytique et synth tique scientifique et cri tique th orique et pratique Elle remplit selon Karl Korsch une fonction heuristique qui caract rise des phases de transit
43. relative contre leurs erreurs et leurs injus tices respectives contre les errements in vi tables d un jugement unilat ral La facult de juger dont on ne peut se dessai sir et dont il faut oser user n est donc ni ceci ni cela ni froidement judiciaire ni orgueilleu sement historique ni passionn ment politi que Elle s exerce dans les intervalles dans les interstices dans les rapports sp culaires de l un l autre dans le mouvement tourbillonnant constitutif de ce qu on appelait jadis les m urs et qu il convient de travailler sans rel che Le jugement n est l affaire d aucune comp tence professionnelle C est un art profane qui intervient entre les tentations r currentes d une Histoire sacr e et les renoncements r si gn s d une histoire en miettes entre les garan ties illusoires de la grande Histoire et le menu plaisir de se raconter de petites histoires Une v rit c est toujours quelqu un qui juge crit Merleau Ponty dans Les Aventures de la dialectique Mais qui jugera ajoute t il aussit t de la vraie situation et de la vraie histoire Qui est le juge Qui est coupable Et surtout qui est innocent La charge de r pondre ces questions est trop lourde pour quelque juge que ce soit Ni le juge ni l historien ni le citoyen ne sauraient pr tendre la porter seuls C est le jugement qui juge travers le proc s sans sujet ni fin de leur dispute
44. se r sument dans la production d une plus value relative toujours plus importante ont des limi tes fix es techniquement par exemple par lex tension de la r sistance lastique de la ma ti re et socialement par le taux de ch mage supportable par une soci t La contradiction conomique devient politique et se r sout poli tiquement dans un renversement de la praxis 54 Ceux qui pr tendent d duire de la baisse tendancielle une th orie de l effon drement du capitalisme se m prennent donc sur ce que signifie la tendance Si Marx ne pouvait pr voir les bouleverse ments scientifiques intervenus depuis un si cle dans les sciences naturelles ou exactes son combat contre les arguties th ologiques de la marchandise le porte au del de l horizon scientifique de son si cle C est pourquoi face 62 A Gramsci Cahiers de prison volume X Paris Gallimard 1980 p 53 63 Ernst Bloch Experimentum Mundi Paris Payot 1981 p 138 64 A Gramsci op cit p 112 65 Pour Yirmiyahu Yovel Le Capital s inscrit clairement dans le sillage spinoziste Spinoza et autres h r tiques Paris Seuil 1991 aux controverses contemporaines sa pens e appara t la moins vieillie de son temps Manuel Sacristan s est tonn de la d cou verte tardive d une modernit scientifique de Marx qui contredit les pesantes tentatives du Diamat pour le r duire l id al scientifique dominant Il aurait e
45. t rog nes conduit ainsi au concept de d veloppement in gal et combin contre Le progr s devient l ennemi de lui m me Cette discordance des temps oppose le temps rythm des alternances et des intermittences l coulement lin aire d un progr s sens unique Elle rend pensable le temps bris de la politique et de la strat gie Chaque individu participe en effet d une pluralit temporelle La dur e n agit plus la mani re d une cause mais la mani re d une chance Le hasard n est plus un pur accident parasite de la cau salit ma s le corr lat imm diat du d veloppe ment n cessaire l autre de cette n cessit la libert de sa contrainte Il serait certes fort commode de faire l histoire universelle si l on n engageait la lutte qu condition d avoir des chances infailliblement favorables Cette histoire serait par ailleurs fort mys tique si les hasards n y jouaient aucun r le 21 Naturellement ces hasards entrent dans le cadre de la marche de l volution et sont com pens s leur tour par d autres hasards Mais l acc l ration ou le ralentissement d pendent beaucoup de hasards de ce genre et parmi eux figure aussi cet autre hasard le carac t re des gens qui se trouvent d abord la t te du mouvement 5 C est pourquoi le retard conomique et politique allemand d termine son avance phi losophique Nous Allemands avons v
46. tapes de la science h g lienne de la sim ple m canique extractive de la valeur livre I ses m tamorphoses chimiques livre Il pour atteindre la complexit organique du vivant livre III 66 Si le r el selon Hegel est vivant le capital selon Marx l est aussi Le vivant est en effet l individuel l irr ductible singularit Dans Le Capital comme dans la Logique c est au niveau de la reproduction d ensemble seulement que la vie devient concr te et vraiment vivante et c est dans la 66 Cette approche est confirm e par une lettre d Engels Pour le faible entendement des chercheurs scientifiques la Grande Logique n est utilisable que par endroits bien que pour ce qui est de l aspect proprement dialectique elle aille beaucoup plus au fond des choses 21 septembre 1974 Dans une autre lettre du 30 mai 73 il d veloppe la progression du mouve ment m canique forme du mouvement la plus simple la physique proprement dite en tant que science des formes du mouvement et la chimie qui constitue la transition vers la science de l organisme Quant l organique propre ment dit il ne se hasarde pas pour l instant quelque dialec tique que ce soit 67 Hegel Logique tome II Paris Aubier p 478 68 Jacques Derrida Spectres de Marx Paris Galil e 1993 p 64 69 Maurice Blanchot Les trois paroles de Marx in L Ami ti Paris Gall
47. une fantastique m lancolie domin e Dans une autre lettre du 23 juillet 1920 Benjamin souhaite pouvoir lire l int gralit de ce que P guy a crit de mani re pouvoir expri mer dans un article mon adh sion qui admire et qui approuve Le P guy de la p riode socialiste et militante r cuse d avance l alibi historique de tous les post romanes tranquilles Attach e la faible force messianique dont chacun est investi l irr ductible responsabilit humaine n est pas so luble dans les nappes huileuses d une histoire sens unique On ne peut se d fausser se d rober l imp rieuse citation du pr sent au nom de g n ralit s et de l galit s historiques abs traites On ne peut compter sur les r parations d un improbable jugement dernier pour chap per au devoir redoutable de d cider faillible ment au risque de se perdre Car c est l effet d une singuli re inintelligence que de s ima giner que la r volution sociale serait une conclusion une fermeture de l humanit dans la b atitude des qui tudes mortes C est l effet d une ambition na ve et mauvaise idiote et sournoise que de vouloir clore l humanit par la r volution sociale Faire un clo tre de l hu manit serait l effet de la plus redoutable sur vivance religieuse Loin que le socialisme soit d finitif il est pr liminaire pr alable n ces saire indispensable mais insuffisant Il est avant le s
48. une prise de distance voire une petite infid lit envers 35 l h ritage de Marx ou comme une tentation mystique laquelle bien d autres ont suc comb pour cause d clipse messianique Il s agit en r alit les dates en t moignent d un cheminement parall le et d un d tour ou d un raccourci pour revenir par le chemin des h r sies la question de Marx et du commu nisme Autrement dit la recherche d une rationalit messianique ou proph tique d une pens e de l v nement et du d s quilibre d une temporalit proprement politique et d une critique immanente la logique du capi tal Il s agit de s installer dans la tension entre le r el et le possible entre la science alle mande et la science anglaise entre les d terminations de l histoire et la contingence de l v nement Il s agit en somme de nouer en tre elles les trois paroles de Marx Et de retrouver pour cela le ton de sa parole C est ce qui a guid un choix partielle ment inconscient d criture N tant pas his torien je n ai pas pr tendu crire une histoire scientifique de la r volution fran aise une de plus une de trop J ai seulement voulu prou ver l actualit encore active de l esprit de la r volution exprimer le d saveu de sa comm mo ration officielle monumentale et marchande D o la subjectivation du r cit historique le choix de la prosopop e et du
49. 1 De la signification complexe dont Marx et Engels avaient dot le concept de d veloppement il ne retient que le d velop pement comme devenir historique objectif dans la nature et dans la soci t 22 En France la r ception du marxisme fut aussit t victime de l id ologie positiviste do minante dans les institutions politiques et uni versitaires de la III R publique Le r sultat de ces noces th oriques improbables ce fut ce marxisme introuvable la fran aise qui fait pi tre figure compar la cr ativit alle mande russe italienne ou autrichienne La pens e critique de l histoire inspir e de Blan qui grand pourfendeur d Auguste Comte s est trouv e du m me coup rejet e aux marges du mouvement ouvrier naissant et prise en charge par des outsiders trangers l h ri tage de Marx comme P guy ou Tarde ou entretenant avec lui un rapport probl ma tique comme Sorel Occupant une position ori ginale Jaur s lui m me adh rait l id e de l unicit totale du sens de l histoire et de la marche du progr s dans toutes les sph res de la vie humaine Ce marxisme positiviste la fran aise d samor ait la bombe de la critique au profit d une g n alogie de la raison pro gressiste allant du tableau de Condorcet la sociologie socialisante de Durkheim en pas sant par Saint Simon Comte Littr Guesde Le socialisme y appara t ainsi comme l accom plissement
50. Actuel Marx 1999 38 Francisco Lou a Turbulences in Economies An Evolu tionary Appraisal of Cycles and Complexity in Historical Process Edward Elgar Publishing Cheltenham 1997 Brian Berry Long Waves in Economic Development and Po litical Behaviour Baltimore 1991 question sociale et annonc un renouveau de la recherche sociologique illustr par les livres de Boltanski et Chiapello sur Le Nouvel Es prit du capitalisme ou de St phane Beaux et Michel Pialoux avec leur Retour sur la condi tion ouvri re Sur le plan philosophique une nouvelle radi calit s est exprim e dans les philosophies de la r sistance et de l v nement Badiou Bali bar Ranci re Fran oise Proust Le divorce en tre v nement et historicit entre th orie et pratique aboutit cependant la tentation d une posture de r sistance esth tisante tan dis que Tony Negri essaie de d finir une poli tique du pouvoir constituant dans les condi tions nouvelles de la mondialisation et de la domination imp riale Les Spectres de Marx ont donn en France le signal de r surrection d un Marx trop vite enterr Elle fut confirm e par le succ s des Congr s Marx internationaux de 1995 et 1999 l initiative de Jacques Bidet et de la revue Actuel Marx Comme si la chute du mur avait lib r Marx de ses ismes et relanc le tra vail de r ception critique 3 Parall lement le marxisme anglo saxon a suivi un autr
51. Daniel Bensa d M moire d habilitation Une lente impatience La politique les r sistances l v nement Sommaire Pr sentation I Le trou dans la structure Il H ritage sans mode d emploi Ill Marx amp fils IV Critique de la raison messianique V La vocation politique Prospective Avant le seuil Pr sentation La notice d inscription une soutenance d ha bilitation sp cifie que le dossier doit fournir une synth se de quelques dizaines de pages qui devrait faire appara tre nettement d une part le parcours scientifique du candidat sa m thodologie et la coh rence des diff rentes pi ces du dossier d autre part les prolonge ments possibles de ses recherches Ma vie mon uvre en somme Toujours pr matur cet exercice d autobiographie in tellectuelle postule la coh rence d un par cours universitaire identifi d finissant un programme de recherche suivi avec pers v rance Ayant r solu tardivement de me soumettre cette preuve je me suis demand comment en jouer le jeu sans introduire a posteriori un ordre artificiel dans le d sordre des curiosi t s des passions et des t tonnements Quelle unit donner un itin raire plein de fausses pistes et de rebroussements qui doit tant aux 1 tienne Balibar Lire le Capital Paris Maspero 1965 sollicitations et aux interpellations Comment enfin tablir un lien dans cette suite d essais et d erreur
52. Il lui reprochait de communier et de comm morer la r volution Ba lourde m prise Pire un contresens un dialogue de sourds Michelet ne comm more pas il rem more Il ne visite pas le pass comme un mus e Il ne longe pas le mur de ses souvenirs et de ses troph es Il va sa ren contre en tremblant comme un rendez vous d amour Il s y jette corps perdu Il ne se contente pas de penser l v nement il pense dans l v nement Les vaincus ont une m moire Bien souvent ils n ont m me plus que cela C est leur seule chance d chapper au cort ge triomphal des vainqueurs de se soustraire leur butin et de faire mentir ne f t ce qu une fois une seule et d cisive fois ce jour qui n est plus comme tous les jours de narguer le destin des d faites tou jours recommenc es Ils savent trop bien en effet rappelle Benjamin que si l ennemi gagne encore ils sont condamn s la r p tition ter nelle des supplices Leur m moire et leur fi d lit aux anc tres asservis peuvent seules inverser les signes et sauver la tradition me nac e par le conformisme des victoires aux hanches lourdes Tant que cette m moire se consume sans s teindre le dernier mot n est jamais dit car la m moire r clame justice et promet des r surrections Le fin du fin la v ritable invention la cr ation cr atrice ne consiste pas alors faire du nouveau avec du neuf ce qui est la port e du premier venu
53. a IIe Internationale Tandis que pour la concep tion mat rialiste de l histoire correctement comprise c est dire dialectique dans sa d marche th orique et r volutionnaire quant 30 Jean Marie Vincent Critique du travail Paris Puf 1987 p 126 31 Karl Korsch Marxisme et philosophie Paris Minuit 1964 ses objectifs pratiques des sciences parti culi res autonomes cloisonn es et juxtapo s es eussent t tout aussi inconcevables qu une recherche th orique pure sans pr sup pos s scientifiques et coup e de la pratique r volutionnaire les marxistes ult rieurs ont d velopp une conception du socialisme scien tifique qui l identifiait de plus en plus une somme de connaissances purement scienti fiques sans aucun rapport imm diat la pra tique politique ou celle plus g n rale de la lutte des classes 31 Il d non ait la double cons quence perverse de cette volution le divorce entre une th orie rig e en science positive d une part et une philosophie d sin carn e rejet e vers les t n bres id ologiques de l autre Lune et l autre se trouvaient ainsi amput es de leur puissance critique et pra tique Cette mutilation introduisait une rup ture durable entre une science raidie en dogme et une pi tre philosophie apolog tique de parti La cristallisation positiviste bureaucratique d une science instrumentale du social et la re constitution d une phil
54. a fin sans les moyens Que faut il demande Alain Badiou entendre par politique pour en venir un tel cart Sa r ponse est l exact oppos de celle d Arendt Bien entendu le point d o une politique peut tre pens e celui qui permet d en saisir la v rit est celui des acteurs et non des specta teurs C est partir de Saint Just et de Robes pierre que vous entrerez dans cette v rit singuli re que d livre la R volution fran aise que vous en constituez un savoir et non par tir de Kant ou de Fran ois Furet La v rit n est pas de l ordre de l opinion mais de l v nement et de sa subjectivisation Ainsi la R volution russe ne saurait tre pens e partir de St phane Courtois ou d H l ne Carr re d Encausse mais partir de L nine et de Trotski C tait du reste la conviction de ce dernier Seul l acteur peut tre profond comme spectateur 1 5 Il ajou tait cependant une pr cision capitale le d doublement du sujet en acteur et spectateur Ni l acteur seul ni le spectateur seul ne pour raient acc der la v rit de l v nement Elle se ferait jour dans la tension irr ductible en tre ces deux regards dans le dialogue entre ces deux r les aussi n cessaires aussi com pl mentaires et oppos s l un que l autre Le jugement op re donc dans cette r ciprocit o l acteur joue pour un public imaginaire pr sent et venir et o le specta
55. abso lument noir Il n est rien au nom de quoi il faille mourir si je voulais mourir sans avouer mes torts Au nom de quoi Quel est le sens d une vie laune de sa fin Cette redoutable question hante le tribunal Moscou comme Prague ou La Havane Avoir raison contre ses juges c est s avouer soi m me qu on a peut tre eu tout faux Que tout est revoir et refaire Le double bind parfait si je suis dans mon bon droit j ai contribu difier un syst me monstrueux et si je suis coupable je m rite mon sort Autant que l puisement les pressions et les menaces cet inextricable dilemme commande la terrible logique de l aveu Principe moyen geux conclut Bou kharine l aveu sanctionne une d faite int rieure Car au regard de la raison historique la d faite vaut crime Vae Victis Contrairement au jugement dernier s cu laris de l histoire la politique trace pas pas les embranchements et les bifurcations o se d cident l actualit et la perte des possibles En mati re de jugement politique ou histo rique qui est le juge Et au nom de quoi De la Providence divine du sens de l Histoire de la v rit scientifique Au nom du peuple fran ais ou du prol tariat mondial D Hannah Arendt Dick Howard certains auteurs confront s au crime contre l huma nit se sont efforc s de penser le jugement partir du jugement r fl chissant kantien Il est
56. aire tait donc puis en Russie d s l automne 1918 L encha nement devenait alors in luctable la spirale de l chec in vitable Greffi re du fait accompli l histoire histo rienne risque alors d exon rer les thermido riens de leurs responsabilit s L histoire stra t gique ou messianique cherche au contraire dans chaque conjoncture d chiffrer le fais ceau des possibles formuler les termes d un choix peser les conditions d une d cision sans jamais se r signer ce que ce qui s est produit f t le seul r sultat possible d une loi implacable de l histoire et le seul d nouement possible d une situation d termin e Inversement tout n est pas possible dans une conjoncture donn e ses conditions ses cir constances ses multiples d terminations d terminent un champ de possibilit s fixent les marges de l action font que la politique n est pas affaire de pure morale ou de pure volont Le regard du spectateur doit alors mesurer l cart machiav lien entre l intention des ac teurs et le r sultat qui toujours s en carte J ai donc essay non par go t du compro mis et du juste milieu de penser l v nement dans son rapport l historicit en relisant Marx la lumi re de Benjamin et de Gramsci J ai essay d en saisir la possibilit effective et non la possibilit abstraite l o la volont des acteurs rencontre le jugement des spe
57. ales et non par une simple causalit m canique Ici les choses peuvent tre possibles sans tre effectives et on ne peut conclure de la possibilit l effecti vit Le jugement r fl chissant t l ologique proc de donc de l v nement de la d cision de la production d une subjectivit historique La finalit appara t comme une l galit du contingent en tant que tel et peut parfaite ment se r v ler une finalit sans fin Cette notion de finalit sans fin permet de conce voir l horizon r gulateur du jugement histo rique la mani re dont la libert sert de prin cipe r gulateur universel Car la seule esp ce au monde dont la causalit soit t l ologique est dit Kant l esp ce humaine dont la pr sence a la plus haute fin en soi m me La t l ologie selon Kant n appartient aucune doctrine Elle rel ve exclusivement de la critique d une facult particuli re de la connaissance la facult de juger Plut t que du jugement de go t le jugement historique participe de cette t l ologie Ni constat factuel ni verdict normatif il est index sur la finalit sans fin du d veloppement et sur l anticipa tion rationnelle du proc s d humanisation C est ce que nous appelons un jugement strat gique Ou politique d s lors que nous restons fid les la maxime benjaminienne se lon laquelle la politique prime d sormais l his toire et le jugement politi
58. alit du jugement de go t semble ainsi prise dans une insurmontable contradiction La m diation permettant d chapper ce cercle vicieux est celle du sens commun qui ne se confond pas avec le simple bon sens mais exprime l id e d une facult de juger qui lorsqu elle pense tient compte du mode de repr sentation de tous les autres humains afin d tayer son jugement pour ainsi dire de la raison humaine dans son entier Pour Han nah Arendt jugement et opinion vont ainsi de pair Gr ce au jugement qui fournit l opi nion sa dignit propre en lui accordant face au poids de la v rit une dimension de respecta bilit opinion et v rit sophistes et philo sophes peuvent se r concilier Le jugement n est plus alors la prise de possession d une v rit mais l expression d un rapport social En quoi le jugement judiciaire ou le juge ment historique peuvent ils se revendiquer du sch ma kantien Le jugement du citoyen constitue une exp rience subjective qui pr tend n anmoins une validit suppos e uni verselle Il fait appel un autre qu il veut convaincre Le jugement de go t implique de m me qu on ait appris se mettre la place de l autre et penser publiquement avec lui Cet apprentissage constitue selon Howard la condition de possibilit de la politique Dans le jugement judiciaire le sens commun retourne en quelque sorte le jugement r fl chissant du
59. amin sentinelle messianique Paris Plon 1990 et comprend les deux essais Moi la r volution Remem brances d une bicentenaire indigne Paris Gal limard 1989 et Jeanne de Guerre lasse Paris Gallimard 1991 mais aussi la troisi me par 7 tie de la Discordance des temps des essais consacr s Benjamin P guy Blanqui Bloch Cette piste de v nement des crises et de la rythmologie historique trouve un prolonge ment et une synth se provisoire dans R sis tances Essai de taupologie g n rale Paris Fayard 2001 La question des rapports entre temporalit historique et politique est gale ment pr sente dans de nombreux passages de Marx l intempestif de la Discordance des temps du Pari m lancolique Paris Fayard 1997 ou de Qui est le Juge Pour en finir avec le tribunal de l histoire Fayard 1999 Enfin le troisi me fil conducteur tress aux deux autres est celui de la politique et de l en gagement dans leur rapport au pr sent stra t gique Il traverse notamment les questions des rapports entre mouvement social et poli tique Le Retour de la question sociale en col laboration avec Christophe Aguiton Editions Page 2 Lausanne 1997 Eloge de la r sistance lair du temps Textuel 1999 de l espace temps de la politique d mocratique Le Pari m lancolique Qui est le Juge Eloge de la r sistance lair du temps du jugement poli tique Qui est le juge de l action
60. ance le r duit la notion de travail en tant que processus tech nologique entre l homme et la nature tandis que la seconde lui fait subir une g n ralisa tion philosophique excessive par le concept de praxis en tant qu activit d auto cr ation humaine illimit e Et s il est permis de discu ter la conformit de ces deux tendances aux in tentions th oriques originales de Marx il faut admettre que leur r surrection historique constante appara t comme un signe de ten sion interne la propre th orie de Marx 1 La controverse n a rien d acad mique Dans les tumultes de l histoire r elle certains ont toujours tendance rallier le c t du manche d autres restent fid les au c t qui re oit les coups Tr s t t la diffusion du marxisme partir des lectures de Karl Kautsky ou de Enrico Ferri privil gia une lecture influenc e par un volutionnisme vulgaire D s 1880 le premier livre de Kautsky L Influence de la croissance d mographique sur le progr s so cial t moigne de cette inflexion Un demi si cle plus tard sa Conception mat rialiste de l histoire confirme un go t prononc pour les lois d terministes de l histoire dont le sage respect s oppose au volontarisme et au subjec tivisme excentriques du bolchevisme Kautsky fut fondamentalement un adepte de la nouvelle philosophie populaire darwi niste qui eut son heure de gloire la fin du XIX si cle 2
61. aris La D couverte 1987 35 Perry Anderson In the Tracks o Historical Materialism Londres Verso 1988 36 Tony Smith The Logik of Marx s Capital Albany 1990 Dia lectical Social Theory and its Critics New York 1993 tion du livre de Jon Elster sur Marx et d un nu m ro de la revue Actuel Marx 2 cette influence est rest e limit e en France et a m me reflu apr s les gr ves de l hiver 1995 En revanche la contre r forme lib rale a suscit un int r t nouveau pour les questions conomiques longtemps d daign es par le marxisme fran ais Le caract re in dit de la phase r cessive de l onde longue avec l encha nement de la reprise am ricaine de 1982 du krach de 1987 de l embellie de la fin des an n es quatre vingt de la nouvelle r cession europ enne et de la mont e spectaculaire du ch mage au milieu des ann es quatre vingt dix a suscit dans un premier temps l espoir d une sortie douce de la crise et d un pas sage tranquille d une r gulation fordiste une r gulation toyotiste ou fujitsuiste Initi dans l entre deux guerres par les travaux de Kondratieff de Schumpeter d Henryk Gross mann ce d bat sur les rythmes conomiques et les ondes longues tait rest pratique ment oubli pendant les trente glorieuses except dans des travaux comme ceux d Ernest Mandel Il a rebondi avec les livres de Pierre Dock s et Bernard Rosier o
62. as Coutrot sur l organisation du tra vail et l entreprise n olib rale de Fran ois Chesnais et Claude Serfaty sur la mondiali sation et les politiques d armement de G rard Dum nil et Claude L vy sur la nouvelle conomie am ricaine ou encore d Isaac Joh sua sur les rythmes conomiques et la r gula tion 37 Sur le plan international l preuve de la mondialisation stimule les travaux de Robert Brenner aux Etats Unis Makoto Itoh au Japon Immanuel Wallerstein Samir Amin ou encore Francisco Lou a sur les ondes lon gues et les rythmes conomiques et Brian Berry sur les ondes longues et les comporte ments politiques 8 D s les ann es quatre vingt dix la publica tion de la Mis re du Monde sous la direction l quipe Bourdieu l apparition d un mouve ment des ch meurs dont la premi re marche date de 1994 puis les grandes gr ves de lhi ver 1995 ont marqu un retour en force de la 37 Voir notamment de Michel Husson Mis re du Capital Paris Syros 1996 Les Politiques de l emploi Lausanne Page 2 1999 Sommes nous trop Paris Textuel 2000 de Thomas Coutrot L Entreprise n olib rale Paris La D cou verte 1998 de Fran ois Chesnais La Mondialisation du capital Paris Syros 1996 de Claude Serfaty Le D s qui libre de la terreur Paris Textuel 2001 de Dum nil et L vy Crises et sorties de crise Paris Actuel Marx 2000 d Isaac Johsua La Crise de 1929 Paris
63. as une science et m me si elle en tait une la r volution n en resterait pas moins ferm e tout traitement scientifique Du moins tout traitement scientifique positif elle ne se laisse pas trai ter comme une chose Elle ne veut rien tre d autre et m me ne peut rien tre d autre qu une mani re de nous mettre en route Heureux v nement Bonne nouvelle mes sianique Non celle de l arriv e en quelque terre promise ni de quelque happy end de l Histoire mais d un commencement d un d part joyeux dans la fra cheur ensoleill e d un petit matin Une porte nouveau entrou verte sur le possible Le dernier Althusser voque le miracle du clinamen Apr s avoir t tent de broyer l v nement dans l engrenage de la machinerie structurale il y a l la tentation inverse de le d raciner de toute historicit Son surgisse ment de rien a alors quelque chose de religieu sement miraculeux La r volution devient r v lation Cette r volte contre les appareils de la raison historique cette table vide sur la quelle roulent les d s de la contingence abso lue cette page blanche sur laquelle le pr si dent Mao pr tendait redessiner sa guise une humanit nouvelle l id alisme de la libert signifient alors une rechute laquelle Althus ser cherchait pr cis ment chapper L v nement est une entaille dans les veines obscures du temps Il r pond
64. aspirations disparates une r f rence ados s e l autorit d une nouvelle patrie du socia lisme apparemment moins embourgeois e Les interrogations les plus profondes por taient sur les ressorts de ce dynamisme n oca pitaliste contrastant fortement avec la d com position et les crises de l entre deux guerres Mandel Sweezy Baran sur les transforma tions des rapports de classe Mallet Gorz Gid dens Olin Wright ou sur le r le de l Etat dans cette nouvelle phase d accumulation Poulant zas Altvater Jean Marie Vincent R sultat des grandes d faites sociales des ann es trente le divorce durable entre th orie et pratique nourrissait aussi bien des ten dances technocratiques et scientistes que refl te l engouement structuraliste qu un radi calisme abstrait Tout et tout de suite tra duisant dans une utopie volontariste les r ves d abondance n s d une expansion sans pr c dent que d aucuns croyaient illimit e Le r veil social du d but des ann es soixante en Belgique puis en Italie et en France per mit d entrevoir une r conciliation possible entre th orie et pratique Ce d gel s exprimait notamment par un renouveau ditorial bat tant en br che le monopole id ologique du marxisme officiel On red couvrait une litt ra ture marxiste vari e mise l index par lor thodoxie stalinienne On se r appropriait une m moire collective confisqu e Le catalogue des
65. asseurs entre deux r gimes et entre deux ordres incapables de se poser dans l un ou dans l autre condamn s la pr carit de l entre deux toujours contre temps toujours d sajust s C est aussi le se cret de la m lancolie laconique de Saint Just Ils n ont pas encore achev leur r volution que pousse d j sur leurs talons le germe d une r volution inconnue Les r publicains clas siques constate Michelet avaient derri re eux un spectre qui marchait vite et qui les eut ga gn s de vitesse le r publicanisme romantique aux cent t tes aux mille coles que nous ap pelons aujourd hui socialisme La r volution est bien affaire de spectres et de messies de ceux qui reviennent et de ceux qui viendront peut tre Tout com mence par l apparition du spectre rappelle Jacques Derrida Tout Le Manifeste commu niste Par le spectre qui hante l Europe et qui finira par hanter le monde la fois cauche mar inqui tant et promesse de d livrance Nos temps de d sordre sont pr ts nouveau pour ces apparitions spectrales Mais l ambivalence du spectre est telle qu on ne sait jamais tr s bien s il t moigne en revenant d un vivant pass ou d un vivant futur Ou des deux Le communisme s annonce ainsi la fois comme d livrance d un pass captif et comme irr duc tible nouveaut comme restauration et comme r volution Lorsque l ordre des choses les a
66. au courant mao ste de concilier une r volte g n rationnelle anti hi rarchique identifi e une R volution culturelle chinoise id alis e avec un solide app tit de puissance Les deux termes restaient cependant contradictoires sur le fond et le mao sme fran ais n a pas r sist longtemps cette contradiction Le formalisme de l id ologie structuraliste avait galement pour cons quence un refou lement des contenus Althusser crivait Le febvre fait le vide il prend les concepts in abstracto dans la puret et la rigueur sans les confronter un contenu Il en r sultait un tonnant dogmatisme de la structure une notion troite du r el qui lude ou limine le possible La conscience du possible dans la pratique n est pas identique la connais sance th orique des possibles pas plus qu aux possibilit s de la conscience Une conception du r el qui lude le possible ou le s pare du r el risque de structurer le r el selon des codes accept s et ent rin s sans critique L erreur 2 Henri Lefebvre L Id ologie structuraliste Paris Anthropos 1971 3 Ibid m thodologique fondamentale d Althusser est de rester l int rieur de la forme et des ques tions formelles en proc dant une formalisa tion sans avoir lucid la forme et son rapport au contenu Cette lision des possibles ren dait th oriquement possible une apolog tique structurale de l or
67. avers les interrogations sur le rapport entre question politique et question sociale in Retour sur la Question sociale Eloge de la r sistance lair du temps Le Sourire du Spec tre Les Irr ductibles sur la guerre et ses m tamorphoses in Walter Benjamin sentinelle messianique Jeanne de Guerre lasse Moi la R volution Le Pari m lancolique Contes et l gendes de la guerre thique sur la mondiali sation et la question des souverainet s popu laires in Moi la R volution Jeanne de guerre lasse Le Pari m lancolique Le sourire du Spec tre Les Irr ductibles sur la construction eu rop enne et la repr sentation de l tranger in Moi la R volution Le Pari m lancolique Leur gauche et la n tre sur les rapports de la morale et du droit la politique in Walter Benjamin Le Pari m lancolique Qui est le Juge Contes et l gendes sur l v nement r volutionnaire Moi la r volution Le Pari m lancolique l Essai de taupologie g n rale Lorsque Walter Benjamin proclame que la politique prime d sormais l histoire le pr sent v nementiel l emporte comme cat go rie temporelle strat gique sur le futur du juge 7 ment historique La politique se lib re ainsi du verdict final du tribunal de l histoire et de son jugement dernier De Socrate J sus de Jeanne d Arc Uriel da Costa de Louis XVI Boukharine la struc ture du proc s pour crime th ologique ou pour
68. cacit Seules quelques voix discordantes diagnostiquaient l poque l mergence d une nouvelle structure sociale d accumulation autour d un nouveau compro mis capital travail Ce compromis tait fond sur la domination plut t que sur la n gocia tion contractuelle l accord capital citoyens tant vant par le discours populiste anti ta tique Frapp s de plein fouet par l h g monie id ologique lib rale de ces ann es certains ra dicaux se sont alors ralli s au socialisme de march sous couvert d une utopie sociale marchande pr nant au nom d un galita risme propri taire la d concentration com pl te des moyens de production et le libre jeu des march s Ils entendaient d montrer ainsi la sup riorit d un nouveau capitalisme sala rial fond sur l actionnariat salari et les fonds de pension sur le capitalisme patri monial traditionnel La grande muraille qui s parait les radicaux des lib raux est tom b e avec le Mur de Berlin constatait sobre ment Thomas Coutrot Dans l entre deux guerres le marxisme anglo saxon tait rest relativement st rile La lecture de Marx par Sidney Hook tentait une synth se entre le marxisme h g lien de Korsch ou de Lukacs et l apport du pragma tisme de Dewey Les dissidents influenc s par le trotskisme produisaient certaines uvres historiques de valeur comme celle de C R L James sur Les Jacobins noirs
69. ce sens n est pas s r Dans son foisonnement et son buissonnement l v nement ouvre de loin en loin des clair cies La r volution appara t alors comme le point sublime o la collision peut se r soudre en connivence du singulier et de l universel du sujet et de l objet du pass et de l avenir des faits et des valeurs Ce point sublime est de l ordre de l instant et de l interruption messianique Telle est bien l nigme de la r volution permanente qui fascine Merleau Ponty N gation continu e immanente au m canisme de l histoire elle est l image m me du travail souterrain du n gatif qui jamais ne cesse car on ne saurait concevoir un flux institu De Marx Trotski la r volution en permanence marque donc la suture de l v nement et de l historicit de la rupture et de la continuit de l instant et de la dur e Merleau Ponty se demande cepen 23 dant si elle ne repr senterait pas une derni re ruse de la raison historique un ultime avatar d une philosophie sp culative de l histoire lin dice par cons quent d une la cisation man qu e La notion g n tique de transcrois sance et l id e d une r volution dont chaque tape est contenue en germe dans la pr c dente donne un certain cr dit ce soup on Pour se d livrer des s quelles de cette his toire id ale il faut donc travailler la jointure de l v nement et de
70. choc de la guerre d Auschwitz d Hiroshima de la r v lation grande chelle des crimes de Staline les ann es cinquante ont connu un regain d inqui tude thique quant la signification de l histoire illustr e par les que relles de l humanisme et de l existentialisme entre Sartre Merleau Ponty Lukacs Lefeb vre Goldmann l cole dite de Francfort ou par les aventures collectives de revues comme Les Temps modernes Socialisme ou barbarie Arguments en France L expansion capitaliste retrouv e de l apr s guerre alimentait d autre part une r flexion sur le n ocapitalisme qui trouvait un cho strat gique dans les d bats p riph riques au mouvement communiste h g monique sur le r formisme r volutionnaire Lucien Gold mann Andr Gorz ou sur les r formes de structure anticapitalistes Ernest Mandel Bruno Trentin Serge Mallet Andr Gorz Parall lement les esp rances quant au d ve loppement d un tiers monde d colonis se heur taient d j la perplexit critique d un tiers mondisme radical Frantz Fanon Samir Amin Arghiri Emmanuel Pierre Jal e Jean Paul Sartre m fiant envers l go sme de la nou 13 velle aristocratie ouvri re du premier monde et envers les formes na ssantes d un n ocolonia lisme perp tuant les rapports de domination et de d pendance L image mao ste de l encercle ment des villes par les campagnes fournit ces
71. classes 45 Dans les pays anglo saxons le renouveau du marxisme est donc plut t venu de l appari tion d un marxisme politique Cette appel lation fut initialement attach e un corpus de recherches sur la transition du f odalisme au capitalisme illustr notamment par les tra vaux de Robert Brenner et d Ellen Meiskins Wood Le terme fut repris dans un sens p jo ratif par l historien fran ais Guy Bois pour re procher Brenner une vision volontariste de l histoire qui conf rerait la lutte des classes une autonomie excessive par rapport aux lois de d veloppement historique La querelle n est videmment pas strictement th orique Elle entre en r sonance avec les d bats qui depuis la grande pol mique des ann es vingt entre r volution permanente et r volution par tapes ont oppos un marxisme positiviste et 44 Ernst Gellner Plough Sword and Book Oxford 1989 A Giddens A Contemporary Critique of Historical Materia lism Londres 1985 Michael Mann The Sources of social Power Cambridge 1986 1989 W C Runciman Treatise on Social Theory Cambridge 1989 45 Rorty Back to Class Politics in Philosophy and Social Hope Londres 1999 46 Edward P Thompson La Formation de la classe ouvri re anglaise Paris Seuil Gallimard 1988 47 Robert Brenner Bourgeois Revolution and the Transition to Capitalism Cambridge 1989 Merchants and Revolution Cambridge 1993 Ellen Meiskins W
72. cta 36 teurs l intersection critique entre l inten tion de l action et son r sultat incertain V La vocation politique Dans les derni res lignes de son essai sur la politique comme vocation Max Weber crit que la politique consiste en un effort tenace et nergique pour tarauder des planches de bois dur Cette vocation appartient celui qui ne s effondre pas et reste capable de dire quand m me lorsque le monde lui para t trop stupide ou trop mesquin pour s efforcer de le changer 97 Dans quelle politique au juste nous tions nous engag s dans les ann es soixante Nous avions appris proclamer avec une pointe de d fi et de m pris envers nos condisciples beso gneusement scolaires que tout est politi que Certes Mais dans une certaine mesure et jusqu un certain point Cette mesure et ce point sont importants si l on ne veut pas que le tout de la politique d vorant ses restes ne devienne totalitaire Chez les Grecs la notion de politique est li e au temps des alarmes Son surgisse ment va de pair avec une exp rience de l his toricit Quand Eschyle crit les Eum nides Thucydide est enfant La naissance d une tem poralit politique sp cifique ouvre la possibi lit d une temporalit historique Politisation et temporalisation vont de pair Il y a bien une source commune o s origine une pens e de l histoire de la politique et de la science o
73. culation et de reproduction C est donc du livre III que rel vent les formes concr tes auxquelles donne naissance le mouvement du capital consid r comme un tout L esth tique du concept va ainsi droit au malaise interne de tout ce qui existe 48 Le Capital se pr sente donc comme une organisation conceptuelle et contradictoire du temps social conomie de temps voil quoi se r sout en derni re instance toute l cono mie politique Marx fait ici figure de pionnier Il lui fallut d abord forger toutes les cat go ries conceptuelles relatives au facteur temps cycle rotation temps de rotation cycle de ro tation C est bon droit qu il reproche la th o rie classique d avoir n glig l tude du facteur temps Il reprend pour cela son compte la d termination r ciproque du temps et du mouvement La valeur se mesure au temps ou plus pr cis ment au temps de travail re quis pour produire la puissance de travail D termin comme temps de travail n cessaire dans des conditions historiques pr cises il ne saurait tre lui m me imm diatement sa propre mesure La mesure doit tre elle m me mesur e Le temps et le mouvement du capital se d terminent mutuellement Le temps appa ra t simultan ment comme mesure et subs tance de la valeur mais une substance qui ne cesse de se modifier en fonction des conditions historiques de la production sociale Elle ap para t
74. cumula tion capitaliste mondiale Dans les productions du marxisme analy tique et de l individualisme m thodologique l influence du pragmatisme et de la th orie des jeux l emportait cependant sur la critique de l conomie politique Contrairement aux esp rances d Anderson les d faites sociales inflig es par Reagan et Thatcher dont celle des mineurs britanniques en 1984 1985 fut le symbole clatant se sont traduites par un repli philosophique et esth tique de la recher che marxiste anglo saxonne Ces d bats demeu rent d une vidente f condit en comparaison avec le d sert fran ais ou italien des ann es quatre vingt qu il s agisse des controverses sur la postmodernit Marshall Bermann Perry Anderson Fredric Jameson David Har vey Alex Callinicos Terry Eagleton des lec tures critiques d Althusser ou de Derrida de l interrogation sur la culture Ellen Meiskins Wood Williams Fredric Jameson sur la science Roy Bashkar sur la dialectique Tony Smith 56 Inversement en France le marxisme phi losophique d clinait au profit d un renouveau de la sociologie et de l conomie critiques Au creux de la vague une nouvelle g n ration se formait en lien troit avec les r sistances mo l culaires du mouvement social Elle est illus tr e notamment par Michel Husson Mis res du Capital tudes sur les politiques de l em ploi critique du n omalthusianisme lib ral de Thom
75. d fini dans la troisi me critique comme le pouvoir de subsumer le particulier sous universel la diff rence de la raison qui est le pouvoir de d terminer le particulier par l universel et de l entendement qui est le pou voir de conna tre l universel Dans Critique de la facult de juger Kant introduit cepen dant une distinction importante entre juge ment d terminant et jugement r fl chissant galement appel pouvoir appr ciatif de juger qui permet de sp cifier le concept uni versel en amenant le divers sous lui Cette facult r fl chissante exerce de deux mani res selon un usage esth tique et 41 selon un usage t l ologique Exemple type du jugement esth tique le jugement de go t est toujours singulier Mais en comparant l ob jet sous l angle de la satisfaction avec le juge ment d autrui l entendement peut parvenir prononcer un jugement universel Il ne s agit plus alors d un jugement de go t mais d un jugement logique qui permet de discuter des go ts et des couleurs Le go t comme facult de juger d un objet ou une repr sentation ind pendamment de tout int r t mod le donc du jugement d sint ress comme celui des spectateurs dont l motion d sint ress e l int r t universel non go ste devant la R volution fran aise r v le l aptitude morale universelle de l humanit La tension entre la singularit et l univer s
76. dans le L nine de Que Faire son expression th o rique radicale serait ainsi le produit d un stade de d veloppement encore embryonnaire du prol tariat o les groupes intellectuels et les soci t s conspiratives peuvent jouer un r le pionnier Au fur et mesure que le d ve loppement du capital entra ne un d veloppe ment corr latif de la classe de sa concentra tion de son exp rience de son organisation la classe en soi deviendrait spontan ment classe pour soi sujet th orique et sujet pra tique de la r volution sociale tendraient alors co ncider Ce d terminisme sociohistorique s opposait la vision certes balbutiante du r le de v nement de l opportunit kairo tique de la crise du pr sent strat gique du projet et du parti au profit d un processus or ganique En r action l gitime la direction bureau cratique de l appareil social d mocrate alle mand Rosa Luxemburg d veloppe en effet une dialectique de la conscience selon laquelle le prol tariat ali n serait conduit par l exp rience historique la r alisation de son concept Chaque d faite chaque erreur chaque revers deviennent alors les moments n cessaires de ce proc s Il en r sulte contre la pr tention du parti et de ses chefs diriger que le seul sujet auquel incombe le r le du dirigeant est le moi collectif de la classe qui r clame le droit de faire elle m me les fautes Rosa Luxemburg affirm
77. de la pens e politique de Marx aux conditions historiques pr cises de l poque et non en faire 101 Neue Rhe insche Zeitung 1850 uvres politiques I Paris Gallimard Pl iade 1994 p 1079 une th orie a historique un sch ma m tahis torique de la politique Le d passement de l tat n a de sens chez les communistes que comme cons quence n cessaire de la suppres sion des classes avec lesquelles dispara t aussi le besoin du pouvoir organis pour une classe de rabaisser les autres classes Dans les pays bourgeois le d passement de l tat signifie la r duction du pouvoir d Etat l chelle de ce lui qui existe en Am rique du Nord Dans les pays f odaux l abolition de l tat signifie l abolition du f odalisme et la cr ation de l Etat bourgeois ordinaire 41 Pol miquant contre l hypostase f tichiste d une forme his torique particuli re de l Etat Marx rattache ainsi initialement sa suppression communiste l tablissement du suffrage universel qui si gnifierait la dissolution simultan e de la so ci t civile et de l tat politique abstrait Cette perspective assez vague pour donner prise des interpr tations contradictoires s oppose assez clairement l tatisme bureaucratique de Lassalle comme l anti tatisme abstrait de Bakounine Pour pr server la politique des disparitions qui la menacent il est aujourd hui n cessaire de la repenser c
78. de l his toire Giard et Bri re 1902 Benedetto Croce Mat rialisme his torique et conomie marxiste Slatkine 1981 Antonio Gramsci Cahiers de prison Paris Gallimard Georges Labica et Jacques Texier Labriola d un si cle l autre Paris Klincksieck 1988 Jean Pierre Pottier Lectures italiennes de Marx Lyon PUL 1986 Andr Tosel Sur le marxisme italien in Praxis Vers une refondation en philosophie marxiste Editions sociales 1984 27 Voir Lezsek Kolakowski Histoire du marxisme Paris Fayard 1987 28 Voir Giaccomo Marramao Le politico e le transformazione Bari 1979 applicable m caniquement toutes les soci t s Ludwig Kriwicki 1859 1941 critiquait les ten tations de darwinisme social et s opposait une conception anthropologique ethnicisante de la nation De m me fermement oppos au positi visme l volutionnisme vulgaire et au culte du progr s Stalinislas Brzozowski 1878 1911 consid rait le marxisme fin de si cle l excep tion des contributions de Labriola et de Sorel comme une mani re extraordinairement effi cace de d tourner le mouvement ouvrier des questions essentielles soulev es par la th orie critique de Marx L unit processuelle du monde social et de sa connaissance signifiait ses yeux la ruine de toute vision d terministe de l his toire et interdisait l nonc de pr dictions histo riques calqu es sur les lois de la nature la com
79. dre tabli commencer par la c l bration de l ordre bureaucratique au sein m me du parti Ce formalisme du vide ne laissait en effet gu re de place au d r gle ment et au conflit La scientificit proclam e refoulait l historicit Erig e en programme la d shistoricisation devenait une d politi sation Avec l historicit tombent et la re cherche du sens et la contradiction dialec tique et le tragique On d dramatise 3 L ordre de la reproduction capitaliste et son double bureaucratique devenaient ainsi l hor i zon ind passable de notre temps Au lieu de parler de quelque chose ce structuralisme dont Althusser s est farouche ment d fendu se contentait donc de discou rir sur le discours Dans tous les domaines de tous les c t s on tente un m talangage La pens e marxiste tendait ainsi vers son degr z ro r duite un marxisme gel d pouill de capacit critique de style et de passion un squelette qui pourrait pr parer de nou veaux dogmatismes Poussant cette lucidit ses extr mes limites Lefebvre allait jusqu reprocher perfidement Althusser son manque de sensualit Eros contre Thanatos Il reste que l inertie de la structure justifiait un curieux compromis entre la critique th o rique et l accommodement politique D barquer Saint Cloud en septem bre 1966 c tait plonger dans un tourbillon gri sant et p rilleux Cloutard
80. du dura ble qui du socialisme guesdiste au mat ria lisme vulgaire du Parti communiste stalinis caract rise la mis re du marxisme fran ais obstin ment r fractaire la dialectique et la science allemande La foi positiviste et les illusions du pro gr s s expliquent en partie par le contexte socio conomique dans lequel s est constitu e l orthodoxie social d mocrate entre la fin du 23 K Marx Correspondance Paris ditions sociales tome XX p 290 j 24 K Marx Correspondance Paris Editions sociales tome X lettres du 19 mars 1870 et du 12 juin 1871 25 Paul Lafargue op cit r dition Paris L Harmattan 1999 XIX si cle et la Premi re guerre mondiale Cette phase d expansion imp rialiste fut mar qu e par lessor de l nergie lectrique par le d veloppement des industries sid rurgiques navales automobiles et par le r le des pro ductions d armement C est aussi la p riode de gestation et de formation des syndicats et des partis ouvriers parlementaires de masse en Allemagne en Angleterre en France en Belgique en Italie C est enfin l poque des grandes controverses o se forge la culture commune du mouvement socialiste interna tional dont se sont nourris un si cle durant tous les courants de pens e sociaux d mo crates communistes libertaires syndicalistes r volutionnaires conseillistes Les grands d bats constitutifs de ce champ th orique port
81. e ainsi sa foi dans un renforcement croissant de la conscience de classe suivant une marche volutive et con oit la social d mocratie d bu reaucratis e comme le simple mouvement pro pre de la classe ouvri re Elle reprend une id e de Martov fort r pandue d s le d but du si cle dans le mouvement socialiste internatio nal selon laquelle le parti est l interpr te conscient d un processus inconscient Alors que L nine en conclut qu il n y a pas d identifi cation imm diate entre le parti et la classe car en ce cas l nigme de la r volution serait aus sit t r solue Rosa d finit l organisation comme un produit spontan de la lutte dans lequel la social d mocratie se contente d intro duire en p dagogue simplement la conscience politique Elle se pr te ainsi une interpr tation m canique du cheminement de l inconscient au conscient C est ce luxemburgisme vulgaire des pigones que vise Lukacs lorsqu il crit dans sa brochure sur L nine impr gn e de impatience volontariste des ann es vingt Ce serait se bercer d illusions que de s imagi ner que la conscience de la classe vraie et sus ceptible de conduire la prise du pouvoir peut na tre au sein du prol tariat sans heurts ni r gressions comme si le prol tariat pouvait peu peu se p n trer id ologiquement de sa vo cation r volutionnaire 1 Penseur de la crise en tant que moment d une m tamorphos
82. e nouvelle criture dont les notes introductives aux Manuscrits de 1857 1858 pellent l alpha bet Le Capital met ainsi en uvre une nou velle repr sentation de l histoire et une orga nisation conceptuelle du temps comme rapport social dont cycles et rotations rythmes et crises moments et contretemps strat giques fournissent la conceptualisation L ancienne philosophie de l histoire s teint ainsi dans la critique du f tichisme marchand et dans la subversion politique de l ordre tabli L histoire ne fait rien proclamait Engels d s la Sainte Famille Elle n est que la succes sion des g n rations qui viennent l une apr s l autre C est par des artifices sp culatifs qu on pr tend nous faire croire que l histoire ve nir est le but de l histoire pass e 5 R ver Pavenir n est donc pas notre affaire Ce que nous avons r aliser dans le pr sent c est la critique radicale de tout l ordre existant 51 Le passage de l histoire sacr e l histoire pro fane signifie un renoncement d finitif aux plans de cit parfaite ou de meilleur des mondes au profit d une logique de l mancipation enraci n e dans le conflit r el 50 Karl Marx Friedrich Engels L Id ologie allemande Paris ditions sociales 1968 p 65 66 51 Lettre de Marx Arnold Ruge septembre 1843 La philosophie de l histoire d Hegel a bien t la derni re et la plus pure
83. e cours Aux Etats Unis tait fond e d s 1968 une association interdisciplinaire pour l appli 39 Paraissent ainsi en quelques ann es Jacques Bidet Th orie de la Modernit Paris Puf 1992 et Th orie g n rale Paris Puf 2000 Jacques Texier R volution et d mo cratie chez Marx et Engels Paris Puf 1999 Andr Tosel Etudes sur Marx et Engels Pour un communisme de la fi nitude Paris Kim 1995 Henri Maler Convoiter limpos sible Paris Albin Michel 1995 Antoine Artous Marx l tat et la Politique Paris Sylepses 1999 Michel Vad e Marx penseur du possible Paris Klincksieck 1992 Stavros Tombazos Les Temps du Capital Paris Cahiers des sai sons 1995 40 P Doeringher et M Piore Segmented Work Divided Wor kers Cambridge 1982 cation de l conomie politique radicale aux pro bl mes sociaux l Union pour une conomie politique radicale URPE Elle se dotait d une revue Reviewfor Radical Political Economies Son programme de recherche partait de trois consid rations fondamentales a les proces sus conomiques sont aussi politiques dans la mesure o ils d pendent dans une large me sure d arrangements institutionnels b ces arrangements qui reproduisent l autorit du groupe dominant ne sont pas les plus effi cients possibles c les structures conomiques existantes sont le r sultat de d veloppements historiques sp cifiques ne r pondant pas a pri
84. e d une Histoire universelle Le pr sent est la cat gorie temporelle cen trale de cette histoire ouverte le temps de la politique qui prime d sormais l histoire un pr sent qui n est point passage ma s se tient immobile sur le seuil du temps 57 C est le temps proph tique par excellence Il d fie la fatalit car il n y a pas de temps pour la venue du Messie dont on puisse faire d pendre ses actions en disant de lui il est proche ou il est loin 58 La catastrophe peut tre imminente mais il y a encore moyen de la conjurer Elle est certaine si condition que Ce qui signifie qu elle n est pas fatale La n cessit historique nonce ce qui devrait tre mais ne sera pas n cessairement Car la n cessit selon Hegel est galement contingence et la n cessit absolue n est au tre que l unit de la n cessit et de la contin gence D s sa th se doctorale sur D mocrite et Epicure Marx s approprie cette dialectique Le hasard est une r alit qui n a d autre valeur que la possibilit or la possibilit abs traite est pr cis ment l antipode de la possibi lit r elle La possibilit r elle est l expli 57 Walter Benjamin Paris capitale du XIX si cle Paris Cerf 1989 g 58 Ma monide Ep tres 7 59 F Engels Anti D hring Paris Editions sociales 1969 p 12 cation de la n cessit relative Elle s inscrit donc dans le jeu du
85. e la science au savoir tait repr sent topologique ment par le fameux n ud borrom en dont les deux faces s interp n trent la th orie ne dit pas le vrai sur le vrai mais la v rit parle tra vers la th orie La crise r volutionnaire op re rait alors sur cette bande o la v rit est tres s e dans le langage comme un coup de ciseau elle marquerait la rupture entre les bavar dages de la science ordinaire et une v rit un instant lib r e de son mutisme Pour la soci t pour la classe et pour le parti lui m me la crise devient proprement parler l heure de v rit Ce qui importe en temps de crises crit L nine c est qu elles ma nifestent ce qui jusque l tait latent rejet tent ce qui est secondaire superficiel secouent la poussi re de la politique mettent nu les ressorts v ritables de la lutte de classe telle qu elle se d roule r ellement 12 De m me l preuve de la guerre les partis grands et forts ont eu peur de voir leurs organisations dissoutes leurs caisses saisies leurs diri geants arr t s Mon m moire de ma trise mettait ainsi en parall le trois syllogismes inspir s du syllo gisme h g lien d existence o le singulier sert de m diation entre le particulier et l universel Ce qui donnait Formation sociale Crise r volutionnaire Mode de production Spontan it asservie Parti organisation classe sociale Id ologie V rit
86. e lecture arendtienne soul ve un double probl me D une part elle postule que la pen s e de Marx est celle d une implacable n ces sit historique supposition incompatible avec la critique des philosophies sp culatives de l histoire et du f tichisme de la puissance his torique d velopp es d s La Sainte Famille et LId ologie allemande Elle fait ensuite comme si le d p rissement de l tat signifiait pour Marx la fin de toute politique or les notions d tat et de politique comme celles de classes sociales ou de travail productif ont chez lui un double sens Pun strict relatif aux rap ports de production d termin s et l autre large anthropologique La disparition d une forme historique de la politique au sens strict en tant que sph re s par e ne signifie donc pas la disparition de toute politique mais sa m tamorphose et sa socialisation contre sa r duction la forme exclusive de l tat Ainsi la Commune de Paris est elle pens e comme la reprise du pouvoir d Etat par la soci t dont il devient la force vivante au lieu d tre la force qui la domine et la subjugue Elle est m me caract ris e comme la forme politique de l mancipation sociale C est donc bien l Etat bureaucratique l tat parasite cet avorton surnaturel de la soci t dont le Se cond Empire constitue le prototype qui est sp cifiquement vis Il faut donc rapporter les apories r elles
87. e m tho dologique et rejette cat goriquement la disso ciation entre conomie et politique dans la logique du Capital l Etat et le droit sont tou jours pr suppos s par la critique de l cono mie politique ainsi que le montrent les cha pitres sur l accumulation initiale ou sur la journ e de huit heures Ellen Mekiskins Wood reproche au contraire Max Weber une identification apolog tique entre le d veloppement du capitalisme et le proc s de rationalisation instrumentale La dynamique des Lumi res inclua it selon elle la possibilit d une modernit non capitaliste Dans une perspective analogue Robert Bren ner consid re propos de la R volution fran aise que la notion de r volution bourgeoise devrait tre abandonn e Comme Isaac Johsua il juge d fectueuse une explication de la tran sition du f odalisme au capitalisme ax e sur l essor du commerce urbain et met l accent sur l volution pr alable des soci t s rurales On peut ainsi parler de capitalisme lorsque tous les producteurs sont s par s de leurs moyens de subsistance commencer par la terre et o les exploiteurs ne peuvent se main tenir qu en s appropriant le surtravail par des moyens de coercition essentiellement extra conomiques Il n y a donc pas insiste Meiskins Wood identit automatique entre bourgeoisie et capitalisme C est pourquoi une voie d acc s non capitaliste la modernit est conce
88. e sub jective Lukacs accorde peu d attention au d veloppement in gal et multiforme de la conscience ses flux et reflux Penseur d une politique de l v nement il l gitime en th orie le gauchisme politique illustr par l action de mars 1921 en Allemagne Dans le contexte de l apr s 68 marqu par les images de l action exemplaire du foyer de gu rilla qui met le feu la plaine ou du d tonateur dans la poudri re sociale ce gauchisme th orique n tait pas pour nous d plaire Il y avait pourtant de quoi avoir la puce l oreille En somme par le d veloppement historique la classe en soi deviendrait classe pour soi et le sujet th orique sujet pratique Cette th se s inscrit dans une dialectique h g lienne qui marche encore sur sa t te Elle re l ve d une lecture de Marx que Poulantzas qualifiait d historico g n tique Le r le du parti s en trouvait paradoxalement relativis par l auto d veloppement de la classe sociale en sujet directement politique Sous l influence structuraliste Poulantzas soulignait que si la classe est bien un concept il ne d signe pas une r alit qui puisse tre situ e dans les structures Cette r serve pou vait para tre coh rente avec la distinction de L nine entre le social et la politique et avec son refus de la confusion d sorganisatrice entre le parti et la classe Il fut en effet l un des premiers concevoir le cham
89. en forme de pari Le Pari m lancolique de la guerre et du droit Contes et l gendes de la guerre thique Textuel 1999 de la critique de la postmodernit Les Irr ductibles Th or mes de la r sistance lair du temps Textuel Paris 2001 Ces orientations recoupent plusieurs reprises les th mes r currents de l oppression des femmes La Discordance des temps Le Sourire du spectre de l cologie Marx l in tempestif Le Sourire du spectre de la nation et de l Europe La Discordance des temps Le 17 G rard Granel Pr face Husserl La Crise des sciences euro p ennes Paris Tel Gallimard 1989 18 Maurice Blanchot L Amiti Paris Gallimard 1971 Pari m lancolique de la guerre et de ses m ta morphoses Moi la r volution Jeanne de guerre lasse Walter Benjamin Le Pari m lan colique Contes et l gendes Je me suis attel ce m moire d habilitation avec auto ironie et perplexit doutant que l on puisse suivre sur plus trente ans le fil conducteur qui permettrait de d gager la coh rence requise par l exercice Je suis plut t parti de l id e qu une curiosit polymorphe m avait dispers au gr des rencontres et des vents J ai donc eu la surprise de constater que sans pr tendre avoir t toujours le m me et n avoir point chang j avais plus de suite dans les id es que je ne l imaginais Certaines interrogations r currentes mont ramen par mi
90. en pure fiction grammaticale Cette subjectivit ni e se rebiffe pourtant dans l interrogatoire du proc s car admettre une faute objective c est encore une mani re d affirmer qu elle peut subjectivement ne pas l tre Dissocier la puret subjective de linten tion de son r sultat objectif reviendrait Bou kharine le sait parfaitement r cuser le juge ment de l histoire Sa joute mortelle avec le procureur Vichynski t moigne d une path tique lucidit Il d clare lui m me un singu lier d doublement de conscience une para lysie de la volont un ralentissement des r flexes une double psychologie une foi incompl te Une schizophr nie historique en somme Parfois je m enthousiasmais moi m me en glorifiant l dification socialiste mais d s le lendemain je me d jugeais par des actions pratiques de caract re criminel Il va m me jusqu confesser une conscience criminelle malheureuse qui diff rait de la conscience ordinaire On retrouve ce m me d doublement chez Racovski qui conc de ses juges avoir voulu restaurer le capitalisme mais pas ouverte ment pas consciemment donc pas subjecti vement pas comme en conscience comme un but avou net mais dans la subcons cience objectivement en somme Si tu meurs au nom de quoi mourras tu se demanda publiquement Boukharine C est alors qu appara t avec nettet un gouffre
91. ent Sur les formes contemporaines de l accumu lation du capital et les caract ristiques de l im p rialisme moderne Le Capital financier d Hilferding en 1907 L Accumulation du Capi tal de Rosa Luxembourg L Imp rialisme stade supr me du capitalisme de L nine L Accumu lation du Capital d Otto Bauer les contribu tions de Parvus et Trotski sur le d veloppe ment in gal et combin celles de Kautsky Boukharine ou Piatakov sur l ultra imp ria lisme ou encore les th ses de Van Kol sur la mission civilisatrice du colonialisme Le corol laire de ces d bats fut une discussion anim e sur la question nationale comme question d mocratique illustr e notamment par les contributions de Bauer Rosa Luxembourg L nine Pannekoek Strasser Medem Sur la question strat gique des chemins du pouvoir le livre de Bernstein sur les Prin cipes du socialisme R forme et r volution de Rosa Luxembourg Les Chemins du pouvoir de Kautsky l tat et la R volution de L nine les R flexions sur la violence de Sorel Sur les questions d organisation et les rap ports entre partis politiques et mouvement syndical Que Faire de L nine Gr ve de masse partis syndicats de Rosa Luxembourg 1905 de Trotski Les Partis politiques de Roberto Michels Les Partis d Ostrogorsky Mat riaux pour une th orie du prol tariat de Sorel les bourses du travail de Pelloutier Le Socialisme en danger de Domela Nieuwenhuis S
92. epr sentation de l histoire celle de la raison messianique Rai son strat gique elle est capable de nouer des 34 d terminations au d nouement impr visible de conjuguer le n cessaire et le possible lhis toricit et v nement le singulier et l univer sel ainsi que de saisir au vol l opportunit d une conjoncture Renouant avec la tradition proph tique elle n est plus religieuse mais r solument profane politique de part en part C est un art des rap ports de forces et du contretemps 2 L poque messianique est donc celle de la lutte politique Il n y a pas d utopie proph tique La proph tie n est pas une utopie Elle harc le le pr sent au nom de la tradition me nac e de conformisme Elle ne pr dit pas un avenir en forme de destin elle alerte au condi tionnel sur la probabilit de la catastrophe qui ch tie l infid lit Le proph te est un em p cheur de somnoler en paix un fauteur de r veil et de trouble car il n est pas un seul instant qui n ait avec lui sa chance r volution naire f t elle minime infime et peut tre m me d risoire 3 L attente messianique est donc un guet une garde La pers v rance d une d sesp rance qui ne d sarme pas Une exp rience actuelle du futur annonc qui tarde et ne vient pas L moi d un premier rendez vous et d une d couverte L exact contraire de l ennui qui est un sentiment du vide temporel de l in
93. es classes sociales s engageait alors dans les pays anglo saxons tant du point de vue des mutations structurelles Anthony Giddens John Roemer Eric Ohn Wrignht Geoffrey de Sainte Croix Ellen Meiksins Wood que des identit s ambigu s et des nouveaux sujets sociaux Immanuel Wallerstein Etienne Ba libar Andr Gunder Frank Le reflux des luttes ouvri res dessinait un nouveau paysage id ologique La question sociale passait au second plan alors qu on assistait un retour en force de la philosophie politique classique comme des questions thiques et juridiques Le paradigme de la justice avec Rawls ou ce lui de la communication avec Habermas pre naient le pas sur celui de la production Dans les recherches se r clamant encore de l h ritage marxiste le recul du marxisme cri tique eut pour contrepartie dans les ann es quatre vingt une influence ph m re du marxisme analytique anglo saxon Gerald Cohen Jon Elster John Roemer tentant une synth se entre la th orie de Marx l individua lisme m thodologique et la th orie des jeux Faute de traductions importantes l excep 32 Jon Elster Karl Marx essai d interpr tation analytique Puf 1989 et Actuel Marx Puf 1990 33 Ernest Mandel Le Troisi me Age du capitalisme Paris Edi tions de la Passion 1999 Long Waves of capitaliste Develop ment Cambridge University Press 1980 34 Robert Boyer L Ecole de la r gulation P
94. es du si cle Non par des spectres l gers et souriants revenants ou venir mais par des fant mes aigris charg s de d ceptions et de ressentiments Nous avions voulu croire ferm e la parenth se de leur grand th tre de la cruaut effac es les traces de leurs crimes venue enfin l heure des justes Nous nous r veillions soudain en proie aux cauche mars d une m moire hant e Malmen e par l preuve des d sastres l poque s acharna it jeter du lest Plus de pass plus de lendemain Plus d attentes plus de r ves vers l avant Vivre vite dans le d racinement de l instant furtif Ce n tait plus minuit dans le si cle mais une terrible fin d apr s midi qui s attar dait voluptueusement dans un rougeoiement de mise mort 71 Mise mort de Marx mise mort du com munisme Fin annonc e de l histoire Fin de partie En ces temps de Contre R forme et de Res taurations comme pour Blanqui l enferm 70 Karl Marx Le Capital livre II Paris ditions sociales 209 71 Voir Walter Benjamin sentinelle messianique p 215 72 Paris Puf 1988 73 La Br che 1990 74 La D couverte 1994 75 Cerf 1997 76 Puf 1989 77 Kim 1996 apr s l crasement de la Commune seul le chapitre des bifurcations semblait encore ou vert l esp rance A condition que la derni re sentinelle puis e r veille toutes les autres et que le Messie intempestif de Benjamin
95. euil Il n est pas la fin de l humanit Il n en est pas m me le commencement 78 La v ritable preuve de l incroyance et de la raison profane leur r sistance la tentation de remplacer la vieille religion c leste par une nouvelle religion historique est dans cette vo lont de rester avant le seuil dans une tran sition permanente dans un inconfortable pas sage sans repos ni certitude finale dans l inqui tude vigilante du pr sent Autour de P guy et de ses Cahiers se des sine la constellation libertaire o brillaient les toiles de Sorel de Bernard Lazare An dr Suar s Jos Carlos Mariat gui le grand r volutionnaire p ruvien a s journ en Italie au moment de la formation du Parti commu niste Il y a d couvert l influence de Sorel sur Labriola Il apparaissait lui m me la lu mi re de ces lectures comme une r surgence lointaine de ces pens es souterraines Cer taines affinit s surprenantes entre h t ro 78 Charles P guy De la Raison Paris Gallimard Pl iade I p 841 79 Lima 6 f vrier 1926 doxie de Benjamin et celle de Gramsci deve naient de m me clatantes A travers Blanqui et ses bifurcations stra t giques une autre conception des rapports entre histoire et v nement r gle et excep tion r p tition infernale du m me et irrup tion messianique du possible prenait forme La co ncidence quelques mois pr s de la r daction dans la pris
96. ff rence sceptique et le relativisme indif f rent pr t tout comme envers la certitude dogmatique d un jugement absolu Il suffit de savoir qu il y a toujours eu des Justes peu nombreux souvent une poign e parfois qui ne faisaient ni le Dieu ni le Juge pour marquer le cap pour rappeler l ordre non du vrai mais du juste non de la v rit mais de la justesse qui est une justice ajus t e Non d une justice de la r paration ou de la compensation mais d une justice de l action au del des incertitudes du jugement En politique comme en histoire il n est pas facile de suivre cette ligne incertaine peine lisible souvent Il est difficile de s y tenir si difficile qu aucun jugement ne saurait y suf fire ni le jugement judiciaire qui est le plus clair mais aussi le plus pauvre ni le jugement historique qui est le plus riche mais le plus incertain ni le jugement politique m me qui est le plus honn te sans doute mais aussi le plus inqui tant Car celui qui juge en politique sait qu il sera jug son tour et ne peut igno rer la r ciprocit du jugement Il faut donc que les modes du jugement s y mettent tous qu ils s y mettent trois au moins pour s pauler les uns les autres tant bien que mal quitte se contredire parfois le juridique l historique le politique Leurs controverses et leurs contradictions sont le seul recours la seule correction la seule garan tie
97. ff rence totale d ext riorisation et d ali na tion Les moyens de production lui appara s sent comme des moyens d exploitation qu il tend consid rer avec hostilit Il se comporte envers le caract re social du travail comme envers une puissance trang re Le capital se dresse devant lui comme un pouvoir so cial ali n devenu autonome une chose qui s oppose la soci t S accomplit ainsi la forme f tiche pure du capital Il est le seul sujet dont les produc teurs sont les membres et les organes Les produits mat rialis s et les conditions d acti vit de la force de travail vivante en face de cette force de travail sont personnifi s dans le capital La loi de la valeur s impose aux individus comme une loi naturelle et suscite une v ritable religion de la vie quotidienne Par quel prodige dans ces conditions le pro l tariat ali n subjugu mutil mentalement et physiquement expos la d vastation de la concurrence par le march du travail pour rait il s arracher aux sortil ges de ce monde enchant C est pr cis ment parce que les rapports sociaux ne sont pas des choses que les 61 C est notamment le cas dans Mis re de la philosophie 1847 classes n existent que dans la dialectique de leur lutte d o surgissent la r sistance et la conscience C est aussi pourquoi la lutte n est pas un jeu L opprim y est condamn r sis ter sous
98. ffaires cou rantes le business as usual reprennent le des sus lorsque la r volution embourgeois e s ins talle dans les meubles de la r publique lorsque la flamme de l v nement devient cen dre bureaucratique les h ros et les messies tombent de fatigue Ils prouvent leur tour la lassitude de Mo se puis au seuil de Cha naan Celle de Jeanne toute plate terre sous les murs et les portes closes de Compi gne Celle d Uriel da Costa l guant la commu naut des rabbins le fardeau de son suicide blasph matoire Celle de Saint Just en sa der ni re nuit muette de Thermidor Celle de Gue vara captif d fiant le coup de gr ce Elles sont sto quement m lancoliques ces lassitudes solitaires lorsque se referme la porte du pos sible ou la fronti re des Pyr n es sur laquelle Benjamin vient mourir bout de forces intel lectuelles et physiques Pas plus que le coup de foudre amoureux ou que l insurrection victorieuse l apparition mes sianique n est faite pour durer Avant Orl ans Jeanne savait et disait qu elle tiendrait un an gu re plus Elle tait press e Elle br lait de la d vorante impatience des h r tiques Car l h r sie aussi est une forme d impatience 5 A premi re vue Moi la R volution Remem brances d une bicentenaire indigne Jeanne de Guerre lasse Walter Benjamin sentinelle mes sianique et certains essais de la Discordance des tempsapparaissent comme
99. fractions de classe s laborent les repr sentations et se trament les alliances Ce proc s de diff renciation des classes fon damentales est subtilement analys dans les textes politiques comme La Lutte des classes en France Le Dix huit Brumaire les crits sur la r volution espagnole ou sur la guerre de S cession sans oublier les contributions d En gels sur La Situation des classes laborieuses en Angleterre La Guerre des paysans R volu tion et contre r volution en Allemagne Le rap port entre conflit social et lutte politique y ap para t m di par les relations de d pendance et de domination entre nations l chelle in ternationale C est aussi pourquoi la caract risation directement sociale des partis et des Etats constitue un exercice p rilleux Il est 25 pourtant arriv Marx de c der dans ses crits de jeunesse la redoutable dialectique de l en soi et du pour soi d affirmer que le des tin du prol tariat est d termin par son tre et d annoncer ce que conform ment cet tre il sera contraint de faire historique ment 1 Dans le Capital se trouve clairement expo s e l id e contraire d une boucle infernale de la r ification de la marchandise laquelle est aussi soumise la marchandise force de travail L conomie comme force inh rente au capital place alors l ouvrier l gard des conditions de son propre travail dans une situation d in di
100. fs la rh torique de la proxi mit traduit cette perte angoiss e du lieu o s exerce la d lib ration collective D un autre c t le temps sp cifique des mandats lectifs de la discussion et de la d cision politique est court circuit et mis sous pression par le temps court de l urgence de l information en temps r el des d cisions r flexes de la Bourse ou des proc dures de commandement militaire il est aussi d bord par le temps long des rythmes cologiques ou d mographiques Cette crise de la politique et de ses condi tions spatio temporelles t moigne du d sajus tement et de la mal mesure du monde Les temps et les espaces sont d saccord s Ceux de l conomie du droit de l cologie de la culture ne jointent plus La commune mesure qui organisait tant bien que mal l change entre les tres humains et leur milieu naturel est d r gl e Fin de la politique Il s agit plus vrai semblablement de l puisement d une figure de la politique de l ach vement d une poque et d une forme de souverainet historiquement d termin es La politique n est pr cis ment nullement n cessaire estime Hannah Arendt Elle aurait exist rarement et en peu d endroits 37 Sa tradition commenc e avec Platon et Aris tote se serait achev e avec Marx qui croyant annoncer la fin de la philosophie aurait par une ironique ruse de la raison dialectique pro nonc en r alit
101. gaiements dont l his toire a le secret s est r p t e sous la Com mune Comme Cipriani gagnait l avenue Vic toria avec Dussali et Sapia il eut l id e d arr ter l horloge de l H tel de Ville et tira sur le cadre qui se brisa Il tait quatre heures et cinq minutes cet instant m me fut tu Sapia d une balle dans la poitrine 8 Notre faible force messianique s efforce ainsi de briser la lourde cha ne du temps de se lib rer des boulets du pass et des verdicts du futur de saisir par les cheveux la chance fur tive de l instant pr sent Cette libert est exac 82 Louise Michel La Commune Paris Stock 1898 p 123 83 Voir Walter Benjamin sentinelle messianique p 137 84 Jean Christophe Bailly La Comparution Bourgois 1992 85 Jean Luc Nancy ibid tement pour Franz Rosenzweig celle de Pamour qui ne conna t que le pr sent ne vit que du pr sent n aspire qu au pr sent un pr sent toujours aussi neuf et toujours recommentc Car l amour comme la r volution n est pas un attribut mais un v nement un pur pr sent sans m lange jamais plus grand qu au mo ment de son veil une r v lation qui est le pr sent par excellence qui ne retourne vers le pass que pour mieux d chiffrer les pr sages de l ternit et en acc l rer la venue dans la rencontre amoureuse comme dans l insurrec tion r volutionnaire l aujourd hui devient Pins
102. gal de l accumulation du capital 4 L opposition de ce mat rialisme historique original au mat rialisme naturaliste 5 La dialectique des concepts de forces productives et rapport de production dialectique dont les limites sont d terminer et qui ne supprime pas les diff rences r elles 6 Le rapport in gal entre le d veloppement de la production mat rielle et celui par exemple de la produc tion artistique qui conduit r cuser le concept de progr s sous sa forme habituelle en enregistrant le d veloppement in gal en tre rapports de production et rapports juri diques 7 Le constat que l histoire univer selle n a pas toujours exist elle est un r sultat dans lequel le hasard a sa part en d pit d un d veloppement apparemment n ces saire 8 Le point de d part de cette nouvelle criture de l histoire reste la d terminit na turelle subjectivement et objectivement Les tentatives d criture objective de l his toire prisonni res d une histoire id ale ont t incapables de produire l intelligibilit de lhis toire r elle La nouvelle criture introduit les concepts strat giques de contretemps et non contemporan it Bien loin de r aliser une cor respondance m canique harmonieuse entre in fra et superstructures les rapports politiques et sociaux de l poque moderne sont r gis par le contretemps Zeitwidrig L articulation de temporalit s h
103. glaise ou posi tive et de la science allemande ou sp culative articul s sous la condition de la Critique D s les uvres de jeunesse il s est propos de ne point excommunier en saint mais de railler en critique Savoir ironique et n gatif cette in lassable critique fait lien entre les moments d totalis s de la science positive et l ambition totalisante de la science allemande R cusant les antinomies st riles du tout et de la partie du sujet et de l objet de l absolu et du relatif du singulier et de l universel de la th orie et de la pratique cette Critique est vou e d mystifier la religiosit diabolique de la moder nit la r ification des rapports sociaux et le f tichisme triomphant de la marchandise Dans la mesure o ce f tichisme n est pas une simple illusion une fausse conscience que les lumi res du savoir authentique suffiraient dissiper mais l effet r el d un rapport social objectiv l ali nation peut tre combattue mais non point supprim e sans supprimer ses conditions r elles C est pourquoi la critique n est jamais quitte envers l id ologie jamais lib r e de ses pi ges par la coupure pist mo logique Elle ne peut faire mieux que de poser les conditions du d sabusement r el Son com bat sans cesse recommenc contre les brous sailles envahissantes de la folie et du mythe dont parle Benjamin conduit seulement des claircies v nement
104. haire glacial et bureaucratis a triomph la faveur de la contre r volution thermidorienne par la puissance de la raison d Etat au d triment des courants chauds de la subversion Fond e sur une repr sentation du temps homog ne et vide dont Benjamin fait dans ses Th ses sur le concept d histoire la critique testamentaire sa philosophie normative de l histoire sous tend les politiques catastrophi quement compl mentaires des sociaux d mo crates et des staliniens face la mont e du nazisme Pour les premiers il ne pouvait s agir que d un cart temporaire sur la route balis e du progr s et d une histoire rationnelle sens unique Pour les seconds il s agissait de l ul time p rip tie l preuve du pire dialectique ment n cessaire l closion du meilleur avant le triomphe universel et d finitif du socialisme Par une ruse cruelle de la raison cette pi tre philosophie du r confort et du Jugement der nier s cularis a contamin jusqu aux opposi tions trotskistes libertaires conseillistes au stalinisme tent es de r duire la terreur stali nienne une d viation ou une d g n res cence monstrueuse mais passag re par rap port au cours normal de l histoire au lieu d y voir une catastrophe part enti re apr s la 12 quelle rien ne serait jamais plus comme avant Lorsque minuit sonna dans le si cle nom bre de rebelles intraitables s obstin rent
105. ielles La suite se joue dans la lutte O les armes de la critique ne peuvent plus se passer de la critique des armes et o la pens e devient strat gique Indiciaire suivant la plus value la trace le savoir critique du Capital suit une logique de enqu te Il constitue donc une science nar rative plus que normative une travers e des apparences sans laquelle il faudrait pouvoir fournir la science avant la science La d ter mination de la valeur par le temps de travail social livre en effet un secret cach sous le mouvement apparent des prix des marchan dises Cette connaissance ne peut s offrir la commodit de d finitions originelles Elle doit passer par un patient travail de d termina tion antinomique avec la logique statique et classificatoire de la d finition Il ne s agit pas ici de d finitions sous lesquelles on clas serait les choses de fonctions d termin es qui s expriment par des cat gories d termi 28 n es 70 Les concepts ne sont donc pas en captivit dans une d finition statique mais d velopp s selon le proc s historique et logi que de leur formation IV Critique de la raison messianique Au d but des ann es quatre vingt en des temps d obscurcissement du futur s aventu rer la rencontre des spectres de Marx suppo sait un point de vue critique Naviguant sur les eaux troubles d un pr sent opaque nous nous sentions entra n s vers le fond par les fant m
106. ies et de m tamorphoses de d placements et de condensations d apparitions et de transfigura tions o le monde repose soudain en quili bre instable sur la pointe du possible la poli tique est alors bien autre chose que le simple reflet des d terminations conomiques et sociales En la pensant d abord comme r sistance et comme v nement mouvement par lequel s abolit l ordre existant des choses Marx vite cependant d avoir penser son inscription ins titutionnelle dans les conditions spatiales et temporelles concr tes ou du moins parvient il mal articuler les formes sociales de l manci pation et ses formes politiques R duite unit de lieu et de date de ce jour et de ce lieu comme le dit Goethe sur le champ de bataille de Valmy la forme enfin trouv e de la Com mune permet ainsi d luder le redoutable pro bl me de la repr sentation suppos r solu par la formule exp ditive de la d mocratie directe Hannah Arendt a cru trouver dans l apolo gie de la n cessit historique la raison d un effacement de la politique dans l histoire et de l clipse du concept de libert Pour elle l hypoth se finale d une humanit sans Etat 38 ce qui veut dire chez Marx d barrass e de la politique n est pas utopique mais tout sim plement effrayante tant le d p rissement du politique fait pr cis ment partie des tendances totalitaires de l poque moderne Cett
107. imard 1971 reproduction que r side sa v rit et c est en elle que la vie trouve sentiment et force de r sistance 57 Science du troisi me type dit Spinoza Science du contingent ajoute Leibniz Science sp culative poursuit Hegel Science alle mande r sume Marx Notre si cle n a cess de se confronter au d fi de d sinsulariser et de p ninsulariser le concept de science L id e d une science philosophique qui ne d sarme pas face au sacre des sciences positives c est aussi le coup de tonnerre inaudible de la logi que h g lienne auquel fait cho celui du Capi tal Comment rester sourd cette autre pen s e du savoir qui tout en rendant hommage aux sciences positives en bouleverse et en d borde l id e La science ni la pens e ne sortent en effet intactes de l uvre de Marx et cela au sens le plus fort pour autant que la science s y d signe comme transformation ra dicale d elle m me th orie d une mutation tou jours en jeu dans la pratique ainsi que dans cette pratique mutation toujours th ori que Cette troisi me parole scientifique de Marx est distincte mais non s par e de la deuxi me parole politique br ve et directe qui appelle une d cision de rupture et la recommandation de la r volution en per manence comme exigence toujours pr sente 69 La rationalit scientifique circule chez Marx entre les p les de la science an
108. in dans Fascisme et grand capital Sur les oppositions strat giques entre un projet r formiste et tatiste illustr par la tradition autrichienne de Hilferding et Karl Renner par les th ses planistes d Henri de Man et l assimilation strat gique des le ons d Octobre Trotski Neuberg Bordiga la question des revendications transitoires Trotski Tahlheimer et le d bat du VI congr s sur le Programme de l Internationale commu niste la question de l unit du front unique et de l h g monie Trotski Gramsci Dimi trov 8 Sur la question de la r volution coloniale et de l imp rialisme partir notamment de l exp rience chinoise et indochino se Mao Ho Chi Minh Roy Sneevliet Tan Malaka C est donc une p riode d universalisation de la r ception de Marx propice des m tissages f conds comme ceux r alis s au P rou par Jos Carlos Mariat gui Cuba par Antonio Mella ou ult rieurement au Mexique par Jos Revueltas Du point de vue strat gique la dis cussion sur la question nationale et coloniale s est traduite par l opposition entre les th ses staliniennes de la r volution par tapes et du socialisme dans un seul pays et celles de l Opposition de gauche sur la r volution permanente Sur la r action bureaucratique en Union sovi tique et la caract risation de la soci t in dite qui s y constitue Ce d bat d cisif fut marqu par les th ses du thermid
109. ine Delphy sur les rapports sociaux et les modes de production avec Max Weber ou John Dewey sur la logique de l enqu te et la d tresse de la raison historique avec Hannah Arendt sur le probl me du jugement politique et historique avec Andr Gorz Alain Lipietz ou Martinez Allier sur l cologie poli tique avec Pierre Bourdieu et le construc tivisme sociologique avec Lucien S ve sur la critique de la raison bio thique avec Hans Jonas sur les quivoques du principe respon sabilit L actuel encore actif du Manifeste commu niste et du Capital exige de mettre en effet l h ritage l preuve d un monde qui s miette mesure qu il se mondialise de la mondialisa tion imp riale et des identit s ambigu s nationales religieuses ethniques du lien entre exploitation et domination de la notion de personne et d humanit face l exp rimenta tion biotechnologique de la relation la nature et l cosyst me dans une perspective d colo gie critique de la d mocratie participative l heure de la r volution communicationnelle D s la fin du XIX si cle la diffusion inter nationale des uvres de Marx a co ncid avec la premi re crise du marxisme C est l po que o Sorel crivit son essai sur la d com position du marxisme La r ception de la th orie de Marx fut ainsi d embl e l enjeu de diverses strat gies de lecture L histoire de la
110. ion de son esquisse his torique de la gen se du capitalisme en Europe occidentale en une th orie historico philosophique de la marche g n rale impos e tous les peuples Il r cuse le passe par tout d une th orie historico philosophique g n rale dont la supr me vertu consiste tre supra historique et rejette cat goriquement tout sch ma g n ral d volution historique plaqu sur l impr dictibilit d termin e du mouvement r el Marx n est pourtant pas tout fait d bar rass d une approche g n tique concevant le passage au socialisme par analogie avec la transition du f odalisme au capitalisme L hu manit ne se proposerait alors que les t ches qu elle puisse r soudre Si l histoire humaine n est pas pr destin e elle demeure donc han t e par une distinction entre la normalit du d veloppement et sa pathologie ou sa diffor mit La post rit de Marx paiera un assez lourd tribut aux ambigu t s de ce vocabulaire approximatif o les monstruosit s et au tres d g n rescences obscurcissent la com pr hension de l in dit historique Marx saisit pourtant bien l asym trie entre le d veloppement des rapports marchands et la dynamique des r volutions sociales Com ment concilier alors la maturit du processus et l al atoire de lacte la lenteur du premier et la vitesse du second De la guerre des pay sans la Commune de Paris en passant
111. ion th orique Il ne s agit donc pas d opposer au Marx scien tiste des d tracteurs press s un Marx pion nier des r volutions scientifiques venir Attir par les succ s de la science positive il n en pense pas moins sous la contrainte d un objet sp cifique vivant le capital dont la logi que intime requiert une autre id e de causa lit d autres lois une autre temporalit bref un autre mode de scientificit dont la science allemande exprime le manque Qu est ce qu une n cessit historique sin guli re et v nementielle Une libre n ces sit r pond Spinoza Une n cessit incli nante r pond Leibniz Une loi tendancielle 26 Car la n cessit historique a la contingence chevill e au corps Marx s inspire de ces n cessit s pour d couvrir dans la logique conomique des lois tendancielles qui ne butent pas sur un obstacle ext rieur ma s sont min es par les contradictions internes de la loi portant en elle sa n gation La d cou verte du principe de logique formelle de la loi de tendance n implique t elle pas une nouvelle immanence demande Gramsci 2 La ten dance n est pas en effet une loi emp ch e mais le mode selon lequel le contenu d un but qui n est pas encore se fait valoir C est peut tre encore Gramsci qui saisit toute la port e de ces causalit s nouvelles Les forces qui contrecarrent la loi tendancielle et qui
112. ions historiques La notion de crise je prenais soin de sou ligner la difficult d lever cette notion poli tique op ratoire une dignit conceptuelle situait ce qui fait trou rupture de continuit d r glement de l ordre tabli Quant L nine il donnait un nom propre toute forme d irrup tion du sujet la classe mobilis e ou le parti comme forme enfin trouv e de la subjectivit r volutionnaire Face la structure imperson nelle tout sur le sujet et la subjectivation Contre l impassibilit savante des structures ventriloques tout sur la parole jaillissante des groupes en fusion Dans mon m moire de ma trise cette qu te d une subjectivit cr atrice irr ductible au pra tico inerte des structures faisait fl che de tout bois J avais glan en psychanalyse en linguis tique ou en pist mologie des analogies fort discutables Mais l poque tait friande de ces 4 Gustave Guillaume Science et science du langage Paris Librairie A G Nizet 1964 p 199 transpositions souvent arbitraires Le rapport de l v nement l historicit tait ainsi com par la dialectique du continu et du discon tinu chez Bachelard consid rant l onde et le corpuscule comme des moments diff rents de la math matisation de l exp rience la for mation sociale r glait la probabilit de la crise r volutionnaire la mani re dont l onde r glait la probabilit de la pr
113. ique inflexible irr ductible for ce bref moment de peur qui rend son in soumission si humaine Elle a su prendre ses voix au s rieux D s Domr my elle a bien pes le choix de partance sachant que partie il n y aurait pas de retour point de rebroussement 103 Uriel da Costa est une autre figure d h r tique moderne d j cartel entre la singu larit proph tique du peuple lu et l univer salit d senchant e de la raison Avant de tremper sa plume pour crire son testament sa chronique d une vie exemplaire et difiante avant de charger l l gant pistolet et de l ar mer avant de presser la d tente dans l assour dissante d tonation qui suspendit peut tre le pinceau de Rembrandt il avait d subir lui aussi l preuve solitaire le sort du membre retranch du corps Ce Juif fendu d doubl avait cru pouvoir rena tre en Hollande la normalit Il avait m me par lassitude sans doute par extr me fatigue de brosser ainsi l poque rebrousse poil fait une fois amende honorable Mais on ne revient pas facilement en arri re apr s avoir touch l universalit de la raison Amsterdam le temps tait venu pour la douloureuse m moire marrane de sol der les comptes de ses d chirements 1 4 A la fin Uriel ne croyait plus rien Il a r dig son t moignage puis il s est tu Son suicide blasph matoire a la forme d un ultime d fi Comme Van Gogh est un
114. ire L ultime condition du d nouement de la crise celle qui en combine les divers l ments en une conjoncture propice c est l action m me du sujet identifi au parti r volutionnaire en tant qu avant garde unie et tremp e de la classe L nine fait explicitement de cette pr sence active le point de diff renciation d cisif entre une simple situation r volutionnaire et une crise r volutionnaire La r volution ne surgit pas de toute situation r volutionnaire mais seulement dans le cas o tous les chan gements subjectifs num r s vient s ajouter un changement subjectif savoir la capacit pour la classe r volutionnaire de mener des actions de masse assez vigoureuses pour bri ser compl tement l ancien gouvernement qui ne tombera jamais m me une poque de crise si on ne le fait choir Cette capacit im plique un proc s de subjectivation o les domi n s tirent leur force de l affaiblissement de l adversaire La cl de la crise ne r side plus dans l un ou l autre de ses l ments objectifs mais se trouve au c ur m me du sujet qui les synth tise en les int riorisant 5 La crise n est donc pensable que du point de vue de son sujet Encore faut il d terminer de quoi elle est la crise Sur ce point je restais largement tri butaire de la probl matique mise en place par Nicos Poulantzas dans Pouvoir politique et classes sociales Il combinait l abstracti
115. ital sont bien le lieu d un crime originel o l on passe de vie tr pas de la peau vivante la peau morte et tan n e Descendu dans les sous sols du march le travailleur n est plus en effet que du temps de travail personnifi ou une carcasse de temps Suivant le guide dans cet escalier des souffrances corporelles et morales nous d couvrons le martyrologe circonstanci du tra vail humain la d g n rescence physique les maladies du travail et les marchandises frelat es toutes les formes de mutilation phy sique et mentale provoqu es par le travail forc Mais l humanit ni e se rebelle La nor malit du rapport social est d termin e par la lutte et l tablissement d une journ e de travail normale est le r sultat d une lutte de plusieurs si cles entre le capitaliste et le tra vailleur Le livre II du Capital introduit les nouvelles d terminations sp cifiques au proc s de cir culation telles que capital fixe et capital cir culant temps de rotation production lar gie Il ne s agit plus seulement d lucider l origine de la plus value mais la fa on dont elle se r alise Car la continuit du proc s de production d pend de la discontinuit ou de 48 Lettre de Marx Engels du 31 juillet 1865 49 Henryk Grossman Marx l conomie politique classique et le probl me de la dynamique Paris Champ Libre 1975 la d synchronisation des c
116. ivit tendu entre les conditions objectives du milieu et les structures objec tives du champ des possibles il repr sente en lui m me l unit mouvante de l objectivit et de la subjectivit Je n h sitais m me pas mobiliser la fameuse formule freudienne du Wo est war soll ich werden pour traduire le mouvement qui porte le prol tariat ali n vers sa v rit et pour identifier le parti non au a de la conscience spontan e ni au moi de la censure mais l effort par lequel le prol tariat s arrache son imm diatet pour d cou vrir en tant que classe sa v rit historique latente Ce mouvement aboutissait une trange dialectique entre un sujet th orique aussi abs trait qu absent le prol tariat tel qu il s inscrit logiquement dans la structure du mode de pro duction et le sujet pratique que constitue son avant garde en tant qu elle incarne non le prol tariat en soi domin conomiquement politiquement id ologiquement mais le pro l tariat pour soi conscient du processus de production et de reproduction dans son ensem ble et de sa propre place dans ce processus M me si ce pour soi tait affubl de pru dents guillemets la probl matique inspir e de Lukacs plus que de Marx ou m me de L nine tendait par un coup de force h g lien faire du parti l quivalent de l esprit absolu et l incarnation parfaite du pour soi hors de
117. l histoire le chapitre des bifurcations savoir saisir le jour dit la Heau viette de P guy qui n est plus comme toujours car il y a toujours un jour dans la vie qui n est pas la m me chose que toujours il y a un jour qui n est pas la m me chose que la veille il y a un jour qui n est pas la m me chose M me lorsqu on fait tous les jours la m me chose que la veille un jour a n est plus la m me chose C est l le myst re de l histoire et de l v nement Non que l v nement se d tache de l histoire comme un miracle mais que sa diff rence naisse de la r p tition m me et que le m me jour soit soudain diff rent Pas plus qu il n est un philosophe de l his toire Marx n est un sociologue des classes sociales Sa critique de l conomie politique se pr sente comme une critique de la raison sociologique pour autant que la sociologie s identifie la tradition positiviste tablie de Comte Durkheim On ne trouve pas chez lui de d finitions formelles et de cat gories clas sificatoires D concert s par ce manque vi dent chez celui pour qui l histoire de l huma nit se d finit comme l histoire de la lutte des classes nombre d auteurs y ont vu le r sultat une confusion coupable entre conomie et sociologie ou entre science et philosophie C est 60 Trotski La R volution permanente Paris Gallimard coll Id es 1964 le cas notamment de Joseph Schum
118. l trange proc s sans Juge su pr me ni Jugement dernier Prospective Avant le seuil Comment il y a bient t trente cinq ans par une interrogation politique comment chap per au pr sent infernalement ternis par la fatalit structurale ce parcours subjectif y ram ne apr s les longs d tours d un appren tissage pratique autant qu intellectuel quelles sont d sormais les conditions de possibilit de la politique menac e par l atrophie de l espace public et par le despotisme de la globalisation marchande La d finition officielle de exercice d habili tation r clame non seulement le bilan d un tel parcours mais encore de faire appara tre les prolongements possibles de ces recherches Me voici donc parvenu un nouvel embran chement o plusieurs pistes se pr sentent dans la continuit des chemins peine d frich s gt Un nouveau chantier du cycle sur Marx qui porterait sur sa politique bel et bien r elle en d pit des reproches qui lui sont souvent adres s s sur ce point partir notamment des ma t riaux encore trop peu exploit s de la corres pondance et des articles de presse sur les institutions la d mocratie et le d p rissement de l tat sur la nation le territoire et la guerre sur les rapports entre social et poli tique dans la formation du mouvement ouvrier gt Un retour critique dans le prolongement des tudes benjaminiennes sur les notions de totalitaris
119. l ne s agissait pas d un v nement fon dateur d un magnifique lever de soleil mais d un d sastreux cr puscule o ne point au cune nouveaut qui ne d livre aucune pro messe et ne r v le aucune nouvelle mani re de commencer Nous voici donc rendus au moment o sem ble referm e la porte entrouverte du possible La r volution est le nom de l v nement qui n est pas venu auquel c est tout le nom d v nement qui tenait Ou qui est venu ce qui est pire sous la forme de son d menti absolu S il n y a pas d v nement sauver c est que le seul qu on aurait voulu pouvoir sauver a fait cette m tamorphose affreuse 58 Nous voici aussi parvenus cet instant pr cieux de l tonnement qui est un savoir bris et la condition de tous les recommencements C est l heure des d sillusions et des d sabuse ments L heure du r veil proustien propice la relecture de Marx Arch type de l v nement la r volution d fie la pens e de concevoir sa singularit et sa fugacit Comment les conceptualiser Du point de vue d sint ress des spectateurs seuls m me d en saisir l universalit r pond Hannah Arendt apr s Kant Du point de vue des acteurs seuls m me d en prouver la subjectivit r pond Alain Badiou L approche sociologique ou conomique ou historique de l v nement se r v le toujours trop courte car la sociologie n est p
120. la soci t enti re Et par cons quent la lutte des classes Chaque livre du Capital apporte ainsi sa d termination sp cifique Au livre I celle du rapport d exploitation Au livre II celle du tra vail productif ou indirectement productif Mais ni l une ni l autre ne sont suffisantes les classes ne se r duisent ni la seule extrac tion de plus value ni au caract re productif ou non du travail C est donc logiquement qu elles n appara issent sous forme syst ma tique qu au livre III sur le proc s de reproduc tion d ensemble Alors et alors seulement les classes peuvent tre d termin es concr te ment d un point de vue d ensemble autrement que comme une somme d individus remplis sant des fonctions sociales analogues car le taux de profit moyen d pend du degr d ex ploitation du travail total par le capital total C est ainsi que par del la concurrence qui les oppose les capitalistes constituent n an moins une v ritable franc ma onnerie vis vis de l ensemble de la classe travailleuse La question vient donc au terme d un patient cheminement de l abstrait au concret Quest ce donc qui constitue une classe Si c tait le revenu profit rente ou salaire classe et revenu se d termineraient mutuellement dans une tautologie parfaite Qu est ce donc qu une classe A premi re vue mais pre mi re vue seulement l identit des revenus et des sources
121. la lutte et l issue des batailles se m le habituellement notre appr ciation des fondements du droit 106 Il faut faire avec cette relativit et avec cette pr carit du jugement avec les incertitudes d une finalit sans Fin et d une l galit sans Loi avec l humilit de la facult de juger avec ses d faillances et ses injustices On ne saurait s en dessaisir car le savoir historique n est h 43 las ou heureusement jamais cat gorique C est pourquoi les grands proc s conduits en son nom demeurent comme le constate fort bien Merleau Ponty des actes politiques L instruction pas plus que l histoire n a de fin L affaire n est jamais class e L appel est jamais ouvert dit Blanqui en proie au ver tige de l ternel recommencement des d faites Pourtant si le partage entre le vrai et le faux entre le bien et le mal entre le juste et l in juste reste ind cis il n est jamais nul Il peut se r duire presque rien mais ce presque est un peu plus que rien Il suffit faire la diff rence Si p le et tremblante peine d chif frable parfois cette ligne de partage des eaux suffit faire qu il y ait des justices non point absolues et p remptoires mais des moments et des actes de justice des justices en devenir et des devenir juste Il suffit tablir une dis tance si minime soit elle une ligne de d marcation assez pr cise et ineffa able envers l indi
122. la promesse d une rencontre incertaine Il prend par sur prise un pr sent toujours en manque jamais rassasi condamn une irr m diable d fail lance entre un pass jamais inachev et un futur toujours improbable 33 Il est donc un messager Mais porteur de quelle nouvelle bonne ou mauvaise Sans lim patience messianique et sans la volont achar n e de faire venir le Messie avant son temps l avenir ne serait plus lavenir mais simple ment un pass tir qui n en finit pas quelque chose disait Rosenzweig qui se tra ne interminablement sur la longue route strat gique du temps Pour la raison messia nique au contraire le pas encore de la r demption r pond au d j plus de la cr a tion puis e Car dans la boucle du temps la R demp tion est aussi ancienne que la Cr ation Contre un pass neutralis qui absout et perp tue l injustice Benjamin partage la r volte de Rosenzweig Dans les temps mes sianiques la diff rence des temps modernes et de leur homog n it vide un si recouvre un autre si un peut tre se cache sous un au tre peut tre Ce p le m le orgiastique du possible invite au d chiffrement des proph ties A l preuve du futur le proph te n est ni sorcier ni magicien Il suit les pistes du pr sent dans les embranchements de l avenir La r alit du futur ne cesse en effet de se d rober Le futur accompli est d j
123. la tradition marxiste qui peut tre relev de diverses mani res soit en campant sur un classicisme n o orthodoxe qui ne verrait dans les th mes postmodernes qu un p le reflet de l air du temps lib ral soit en accueillant les interpellations dont ce d bat est porteur sans en faire une machine de guerre non seulement contre la critique marxiste mais contre l h ritage des Lumi res C est dans cet esprit que je me suis engag dans une recherche dont Les Irr ductibles Th or mes de la r sistance lair du temps tracent une bauche de programme Ill Marx amp Fils La maison Marx amp Sons est une petite entre prise de d construction et de travaux publics Une entreprise m thodique et pers v rante qui ne l che pas le fil de la critique critique de la philosophie de l tat critique de la philoso phie du droit critique de l conomie politique Critique de part en part travail patient du n gatif qui ne d bouche sur aucune positivit en forme de trait de cours ou de manuel G rard Granel dit de la publication du Capi tal qu elle constitue un coup de tonnerre inau dible pour ses contemporains Sa teneur sub versive estime Blanchot dans Les trois paroles de Marx tient un mode de pen s e th orique qui bouleverse l id e de science Ni la science ni la pens e ne sortent en effet indemnes de cette preuve o la parole scien tifique est indissolublement li e la
124. les le quelque chose de commun qui se montre dans la valeur d change et qui n est autre que du travail humain mat rialis La marchandise n est pas une chose mais un rapport social d termin qui rev t en elle la forme fantastique d un rapport des choses entre elles De la m l e confuse des marchan dises qui se bousculent sur la place du mar ch merge celle en laquelle elles peuvent toutes se mirer et se reconna tre leur quiva lent g n ral le niveleur radical qui efface les distinctions et m tamorphose une Verdurin en Guermantes l argent La fantasmagorie mar chande est alors son comble Pour comprendre par quel stup fiant pro dige la richesse non contente de circuler aug mente il faut quitter la sph re bruyante o tout se passe la surface et aux regards de tous suivre les protagonistes d un march de dupe celui qui poss de l argent et celui qui 19 poss de la force de travail dans le labora toire secret de la production au seuil duquel est crite l interdiction d entr e sauf pour affaires L homme aux cus marche devant Le simple possesseur de la force de travail le suit t te basse timide et h sitant comme quelqu un qui a port sa propre peau au mar ch et ne peut plus s attendre qu une chose tre tann Ces catacombes inqui tantes o s op rent l alchimie de la plus value et la transubstan ciation du travail en cap
125. lle d tours aux m mes points de bifurcations Il H ritage sans mode d emploi Apr s l activisme f brile des ann es soixante dix il tait devenu clair au seuil des sinistres ann es quatre vingt que ce serait long comme disait le proph te J r mie bien plus long qu esp r Le temps tait venu de s ar mer d une lente impatience et de commen cer par lire Marx Non de seconde main tra vers Althusser Korsch Mandel ou Rosdolsky mais Marx dans le texte crivant noir sur blanc quelque chose de rouge 47 Non pour retourner Marx mais pour mieux en repar tir pour lui rester fid le en apprenant lui r sister pour s quiper avant l embarquement vers de nouvelles aventures Non pour opposer un vrai Marx originel ses caricatures et ses contrefa ons mais pour secouer le sommeil de plomb des orthodoxies r gnantes Une uvre foisonnante vit de sa diversit de ses contrastes de ses contradictions m me et de la pluralit des interpr tations auquel elle se pr te Cette pluralit des marxismes est inh rente l ind cidabilit relative d un texte qui lie troitement le d cryptage des hi roglyphes sociaux un projet de subversion de l ordre existant Relevant la multiplicit des paroles de Marx la parole critique directe la parole politique toujours excessive puisque l exc s est sa seule mesure et la parole indi recte du discours scientifique
126. me application qu il mettait polir ses lentilles les nouvelles barbaries Peut on avoir raison seul Contre les pr tres et les docteurs Contre l ar opage des rabbins Contre le Parti Contre Dieu et contre l Histoire Les juges d Uriel s indignaient cette id e Que peux tu seul face tant Comme Jeanne il admet sa part d humaine faiblesse mais ne se rend pas Vaincu peut tre mais pas d fait vaincu mais pas humili Je confesse que votre multitude ma confondu mais plus j entends vos pens es et sermons plus la col re br le mes entrailles Je ne dirai qu une chose les forces me manquent C est toujours l ultime lassitude Celle de Mo se au seuil de Chanaan de Jeanne au b cher de Saint Just au pied de chafaud 40 thermidorien de Walter Benjamin pi g sur la fronti re close des Pyr n es de Joff de Ma a kovski de Tucholsky Tous furent an antis par cette solitude o Spinoza a puis sa force Pour r sister aux Juges aux jugements de Dieu ou de l Histoire il faut oser r cuser la voix de la Providence ou celle de la raison his torique Sinon l erreur devient crime le d s accord trahison et le suspect objectivement coupable Merleau Ponty note que le Rouba choff de Koestler n a pas vraiment r fl chi l id e d une histoire dialectique Si l histoire n a ni sens unique ni fin garantie qui aura raison en fin de compte Il n y a plu
127. me et de droits de l homme tra vers une confrontation entre Benjamin Hei degger Karl Schmitt et Lukacs en actualisant notamment les questions de la technique et de la guerre Sans exclure ces possibilit s tentantes et suivant la pente qui ma toujours port pri vil gier un d fi d actualit et une urgence in time probablement commencerai je par tra vailler sur le bouleversement de la s mantique des temps historiques R Ko selleck h rit e de la R volution fran aise plus pr cis ment sur la m tamorphose des temps le d sajustement des rythmes de d ci sion et des espaces le chevauchement des champs dans lesquels nous sommes accoutu m s nous mouvoir et inscrire une action po litique en forme de projet A l preuve de la globalisation marchande tout un lexique familier qui associait raison et r volution pro gr s et programme semble d faillant D aucuns cherchent dans cette d faillance les signes pr curseurs d un paradigme mer geant celui d une postmodernit notion fort controvers e con ue trop simplement comme une sorte de modernit invers e ou bien comme une nouvelle s quence dans lor dre chronologique de succession entre un 107 Voir Giovanni Arrighi The Long Twentieth Century Lon dres Verso 1998 dont la th se contredit en partie la probl matique esquiss e par Michael Hardt et Toni Negri dans Em pire Paris Exils 2000 Dans cette perspective j a
128. ment continu vers un mieux il ne reste que de multiples foyers de civilisation qu aucun artifice ne pourrait r duire On ne peut donc ramener une identit effective de causes ou de formes la vari t des sources de la civilisation Les m mes civilisations que semblent relier des liens pr cis ont par ail leurs leur volution propre en raison aussi bien de leurs traditions respectives que d changes de valeurs Ceci nous contraint reconna tre que des facteurs pr existants les influencent La contemplation de tant de s ries d v nements ind pendants les uns des autres de tant de facteurs irr ductibles les uns aux autres de tant de hasards impr visi bles nous contraint consid rer comme illu soire et invraisemblable la conception d une unit v ritable qui serait le point de r f rence le sujet permanent et le sens profond de toutes les impulsions et de toutes les actions de Pori gine nos jours Critique de la raison historique la philoso phie de la praxis h rite de cette probl mati sation constitutive du marxisme italien Labriola et Gramsci ont ainsi cherch chez Machiavel et Vico les racines d une interpr ta tion originale 26 Nation l existence menac e au confluent de plusieurs cultures la Pologne a galement t propice une r ception non positiviste de Marx Rejetant le sch ma d une histoire universelle 26 Voir Labriola Essais sur la conception mat rialiste
129. mpl te et la mieux d finie de la lutte des classes politique c est la lutte des partis 4 Se trouve ainsi r p t e maintes reprises l id e selon laquelle la politique n est pas un reflet du social mais sa transposition dans une syntaxe et une grammaire propres du conflit La crise appara t alors comme le moment de mutation par excellence o la th orie devient art du conflit L histoire en g n ral et plus particuli rement l histoire des r volutions est toujours plus riche de contenu plus vari e plus multiforme plus vivante plus ing nieuse que ne le pensent les meilleurs partis les avant gardes les plus conscientes des classes les plus avanc es Et cela se con oit puisque les meilleures avant gardes expriment la conscience la volont la passion de dizaines de milliers dhommes tandis que la r volution est un des moments d exaltation et de tension particuli res de toutes les facult s humaines l uvre de la conscience de la volont de la passion de l imagination de centaines de mil liers dhommes aiguillonn s par la plus pre lutte des classes L nine en tire la conclusion pratique d une n cessaire disponibilit poli tique l impromptu de l v nement qui r v le la v rit des rapports sociaux Nous ne savons pas nous ne pouvons pas savoir quelle tin celle pourra allumer l incendie dans le sens d un r veil particulier des masses Aussi devons nous mettre e
130. n En ces temps secou s par les puissants cou rants de l irrationnel et de l inconscient il est logique que l esprit humain se sente plus proche de Jeanne d Arc mieux m me de la comprendre et de l appr cier Jeanne est re venue vers nous port e par la houle de notre propre temp te 79 Il s agissait de rechercher des cat gories permettant de r pondre une nouvelle crise des temps historiques Sans la r sistance de la 30 premi re heure au stalinisme triomphant l obscurit de l histoire aurait t totale et rigoureusement d sesp rante Pour chapper cette d tresse il fallait arracher aux d com bres du si cle les mat riaux conceptuels et pratiques des reconstructions futures faute de quoi l intelligibilit du devenir risquait d tre bris e pour longtemps 8 Dans cette perspective Benjamin joue avec Gramsci le r le d un irrempla able passeur au c ur d une galaxie m lancolique dans laquelle les toiles jumelles de Baudelaire et de Blanqui de P guy et de Sorel de Kracauer et de Tucholski exercent leurs attractions r ciproques Cette constellation d outsiders et de francs tireurs ne fonde pas une doctrine coh rente Mais elle fournit les points d appui et de r sistance la recherche d une temporalit historique irr ductible au temps homog ne et vide du pro gr s m canique Le concept benjaminien d histoire inverse en effet le sens de l atten
131. n et par contraste la couardise rou tini re des appareils la disproportion des rap ports de forces le d calage entre les possibili t s exprim es dans la rue et l inertie des repr sentations lectorales tout concourrait une apologie d une spontan it populaire r demptrice Chez les plus sophistiqu s ou les plus cultiv s cette orientation privil giant le mouvement par rapport l organisation la spontan it par rapport au programme se r clamait de Rosa Luxemburg On venait tout juste de r diter Histoire du bolchevisme d Ar thur Rosenberg En Italie Rossana Rossanda traduisait cette esp rance dans les vertus r g n ratrices du mouvement social par l affir mation que le centre de gravit s tait d plac des forces politiques vers les forces sociales Lorsque la situation politique pa ra t bloqu e cette formule a forc ment sa part 10 G Lukacs L nine Paris EDI 1969 de v rit Seule l irruption de forces sociales nouvelles peut faire bouger les lignes et r no ver le champ politique lui m me On a connu une situation analogue en France depuis les mouvements de l hiver 1995 Mais Rosenberg proposait une th orie g n rale de la conscience et de l organisation se lon laquelle la th orie du parti est directement fonction de l tat sociologique et du d velop pement historique du prol tariat L id e d un parti distinct de la classe qui trouve
132. n action nos principes commu nistes pour pr parer le terrain tous les terrains m me les plus anciens les plus amorphes et les plus st riles en apparence Sinon nous ne serons pas la hauteur de notre t che nous serons exclusifs nous ne prendrons pas toutes les armes Car le communisme surgit de tous les points de la vie sociale il cl t par tout que l on bouche avec soin une issue la contagion en trouvera une autre parfois la plus impr visible Cultiver tous les terrains et rester l aff t des issues les plus impr visibles Contre 14 L nine uvres ditions de Moscou tome XXXI p 91 15 Il a fait l objet dans une version adapt e et partielle cosi gn e avec Samy Na r d un article de la revue Partisans octo bre 1968 16 Daniel Bensa d R sistances Essai de taupologie g n rale Fayard 2001 l esprit troit d un ouvri risme born et contre la fausse humilit d un populisme vou ser vir le peuple c tait parole d or Nous nous le tenions pour dit et la mesure de nos moyens nous nous efforcions de suivre cette recommandation R dig dans le feu de l v nement ce m moire de ma trise fournit la mati re d inter ventions directement pol miques dans les d bats passionn s de l automne 1968 et de l ann e 1969 pendant lesquels les diff rents courants de la gauche extraparlementaire s effor aient de d finir leur fid lit l
133. n effet suffi de pr ter attention son lexique particulier pour viter les accusations press es de scientisme posi tiviste Enrique Dussel constate galement que si nous jugions Marx d apr s la signification que l on donne la science normale dans son acception actuelle popperienne notamment nous ne pourrions rien comprendre son exercice de la rationalit scientifique Dans ses lettres Marx sugg re le type in dit de science laquelle il aspire L conomie en tant que science au sens allemand du terme reste faire Dans une uvre comme la mienne les multiples connexions constituent un triomphe de la science allemande deustche Wissenschaft Contre les pr tentions de la science absolue comme du m pris h g lien envers le truc qui s apprend il entend ne pas renoncer la totalit sous pr texte d lu cider les parties mais de d fricher la voie d une connaissance scientifique des singularit s et des remplissements Cet autre savoir revendiqu face la math matisation instrumentale d une modernit d senchant e a ses ant c dents dans la connaissance spinozienne du troisi me type ou dans la Grande Logique de Hegel pre mi re source de science ses yeux S5 Corri geant Spinoza par Hegel et r ciproquement Marx fait du travail la relation pratique la nature par laquelle l homme se contemple lui m me dans un monde de sa cr ation Il consid
134. n silence une marge crivait G rard Granel dans sa pr face La Crise des sciences europ ennes Nous n avons pas fini d appren dre couter ce silence Il en ressort une cri tique radicale des notions de correspondance de maturit de d terminisme historique La crise du capitalisme rend sa subversion possi ble sans rendre du m me coup possible la construction d une soci t socialiste Condi tionnellement compossibles destruction et construction ne sont pas imm diatement accord es Le d veloppement in gal et com bin actualise leur possibilit mais le d pas sement de l tat des choses existant suppose un bouleversement spatial et temporel continu l intervention ininterrompue d un su jet constituant la r volution en permanence C est la conclusion que Marx a tir des r volu tions avort es de 1848 56 22 Les r volutions sont le signe de ce que l hu manit peut historiquement r soudre d une puissance en formation dont peut tre le der nier mot n est jamais dit Dans ce travail pour l incertain la seule r gle c est de prendre le parti de l opprim une axiomatique de l ac tion qui n est subordonn e aucun calcul d opportunit temporelle Car les r volutions n entrent pas dans les p les mod les supra temporels d une m ta histoire Elles naissent ras du sol dans les mis res du pr sent Leur v nement chappe donc ordonnancement arbitrair
135. nd renouveau socialiste et que l histoire rendrait justice aux derniers de ses justes Nous avions oubli que l histoire ne fait rien Quelque chose tait irr m diablement bris La dialectique de la d faite ouvrait un nouvel ventail de possibles Il n tait plus 32 question de fermer la parenth se et de revenir la case d part Nous avions aussi oubli ce qu est une Restauration bien plus qu une an nulation ou un r tablissement Quand les usurpateurs thermidoriens sont leur tour renvers s ce n est pas la r volution qu ils ont trahie qui vient les juger dans son droit Au contraire les hommes effray s par la ten sion de l avenir cherchent alors restaurer avec ardeur l ordre ancien qui les tenait en lice Mais pas plus que la Restauration qui a suivi la R volution fran aise n a pu effacer de la m moire l hypoth se du citoyen et de las semblement du peuple la restauration pr sente ne saura vincer quel qu en soit son d sir l hypoth se du partage que le commu nisme r el a trahie 56 Aux prises avec une autre Restauration He gel se consolait l id e que la r action puisse peine se hisser aux cordons des chaussures du colosse et les enduire d un peu de cire ou de fange mais qu elle est hors d tat de les d lier et encore moins de lui ter ses chaussures ail es Notre fin de si cle obscure et balafr e ne pouvait m me plus se permettre ces
136. nt de ratio nalit et d intelligibilit Le d roulement dans le temps devient simultan it crit Guefter Les poques ne sont pas dans un rapport de succession mais c te c te et les vivants administrent en toute libert les morts Peut tre s agit il d une g n ralisation abusive de notre propre syn drome russe incompr hensible pour toute personne trang re qui de la christianisation de la Russie ou de la R volution d Octobre pr c de l autre Qui de Staline Jean IV Gorbat chev ou Alexandre IT est venu le premier Le d sordre des temps est tel qu avancer aujourd hui c est aussi repartir en arri re Reculer pour mieux sauter en somme Remettre en jeu le pass pour donner une nou velle chance aux vaincus d hier et de toujours Cette critique de la raison historique claire l attirance de P guy pour Michelet lequel n tait historien qu moiti quand il travail lait mais qui savait se lib rer de l histoire et de l inscription pour s enfoncer dans la m moire et le vieillissement lorsqu il devenait l enthousiasme en bras de chemise Pour Furet au contraire la r volution est deve nue une histoire puisqu elle est finie Enfin termin e achev e archiv e Affaire class e Chose jug e sur laquelle il n y a plus lieu de revenir Tellement anti Michelet Furet telle ment son oppos et son contraire qu il ne pou vait plus le comprendre
137. ntion en France Parchi tecture du Capital et sa construction d en semble Depuis les travaux d Enrique Dussel sur les brouillons et les manuscrits ont consi d rablement enrichi cette connaissance Para doxalement l invitation d Althusser Lire le Capital a plut t fait cran ce travail indis pensable beaucoup crurent que Lire le Capi tal pouvait dispenser de lire Le Capital Une fois encore le Nouveau Testament clipsait le Deut ronome et le Cantique des cantiques Au commencement tait la marchandise Spinoza commence par Dieu Marx par cette forme l mentaire de la richesse Ce com mencement ne va pas de soi La question des commencements est la question difficile par excellence Il faut viter les pi ges de l origine comme ceux de la chronologie La marchan dise est donc le point de d part logique d une enqu te sur les myst res de l accumulation de la valeur qui se valorise de largent qui fait de l argent en un mot de l immacul e concep tion du capital Il faut fendre la coque de cette chose mystique et duplice qu est la marchan dise pour en faire surgir comme d un chapeau magique un monde trange de couples dialec tiques valeur d usage et valeur d change tra vail concret et travail abstrait capital constant et capital variable capital fixe et capital cir culant et pour d gager la commune mesure de cet univers disparate d objets premi re vue incommensurab
138. olutionnaire chez L nine Un tel intitul n apparaissait pas l poque philoso phiquement incorrect du moins Nanterre et avec Lefebvre Il avait lui m me publi un li vre sur la pens e de L nine et Althusser ve nait de prononcer en Sorbonne sa conf rence iconoclaste sur L nine et la philosophie Va donc pour L nine et la crise Muni des u vres compl tes aux ditions de Moscou je leur ai consacr pendant l ann e 67 68 le temps que me laissait le militantisme sur le cam pus de Nanterre Je ne sais plus tr s bien de ce qui m a conduit choisir ce sujet Je n ai jamais relu de puis trente cinq ans le m moire r dig en ao t 1968 et soutenu en septembre chez Henri Lefebvre rue Rambuteau Le moins que l on puisse dire c est qu il tait en pleine actualit dans le n ud entre th orie et pratique dans le pressentiment de l v nement A la relec ture il appara t comme davantage qu une co n cidence Maladroitement il d finit une sorte de programme de recherche Les grands quilibres structuraux avaient quelque chose d intimidant d angoissant presque Comment en sortir Comment chap per leur immobilit O chercher la faille ou le trou d chappement dans leur difice p trifi Comment trouver le passage la porte troite par o pourrait surgir un messie intem pestif ou un spectre souriant Comment arti culer l v nement r volutionnaire et ses d ter minat
139. omme le lieu et le moment o se noue une pluralit d espaces et de temps Les sph res disjointes de l conomie de l in formation de l cologie du droit ou de lan gage ne s accordent pas spontan ment et ne se r duisent pas l espace unifiant du poli tique Leurs temporalit s sp cifiques ne sont pas davantage r ductibles au temps homo g ne unique de la mesure horlog re Il faut donc renoncer l id e d un espace politique homog ne et vide comme celle d un temps lin aire unique pour penser les espaces et les temps de ceci et de cela les lieux et les mo ments La r organisation plurielle des cadres spatio temporels commande en effet la capa cit construire des perspectives spatiales territoriales et locales et temporelles de m moire et d attente sans lesquelles la d mo cratie se d politise et d g n re en gestion d un pr sent quotidien sans pass ni lendemains L an mie de la politique trouve en effet son expression dans la d valuation syst matique de la notion de projet sous pr texte que les programmes auraient mutil le r el et d fi gur l histoire une sage prudence recomman derait de s en tenir d sormais une gestion prosa que de l ordre existant en laissant en jach re la question du projet Ces consid rations sur la fa on de penser la politique sont mises l preuve de fa on r currente tout au long des ann es quatre vingt dix tr
140. on th orique des modes de production et la r a lit concr te des formations sociales au sein desquelles ils s articulent et se chevauchent C est cette articulation que se situait le lieu de la crise en tant que moment sp cifique de la politique On peut juxtaposer des mod les structuraux mais on ne peut d duire l un de l autre et faire la th orie de leur encha ne ment sans faire le d tour par la politique La crise r volutionnaire n est donc pas la crise d un mode de production mais celle d une 5 M moire de ma trise Nanterre octobre 1968 6 Nicos Poulantzas Pouvoir politique et classes sociales Paris Maspero 1967 7 M moire de ma trise op cit 8 G Lukacs Histoire et Conscience de classe Paris Minuit 1967 9 Cette lecture unilat rale de Lukacs devrait tre corrig e la lecture de sa d fense alors in dite d Histoire et Conscience de classe en 1926 A Defense of History and Class Consciousness Londres Verso 2000 formation sociale d termin e o les contradic tions du mode de production s actualisent travers les forces sociales r elles qui y sont impliqu es 7 Se dessinait ainsi un dispositif o faisaient syst me la cat gorie du pr sent comme temps sp cifique de l action politique et la notion de crise comme n ud de temporalit s d saccor d es o surgit la possibilit v nementielle du changement Cette lecture de L nine tait
141. on du Fort du Taureau de L Eternit par les astres et de celle de la Deuxi me intempestive de Nietzsche attirait l attention sur les tranges correspondances jusque dans leurs formulations entre ces deux critiques parall les de la raison historique Contre un mat rialisme m caniquement d terministe la critique blanquiste du positi visme actualisait le clinamen des atomistes grecs et le kairos des sophistes Elle remon tait les r seaux m connus de ce que le dernier Althusser appelle le mat rialisme souterrain de la rencontre La lecture d Ernst Bloch sur Thomas M nt zer et d Engels sur La Guerre des paysans avait veill chez moi un vif int r t pour les h r sies et les dissidences contretemps non contemporaines des d buts du capitalisme Celle de Scholem le go t des irruptions de fer veur messianique dans le sillage de Sabbata Tsevi de Nathan de Gaza ou de Jacob Frank Celle de Gramsci l int r t pour le mouvement dolcinien et ses r surgences Celle de Kola kowski une curiosit envers la r sistance des chr tiens sans glise l institutionnalisa tion de la R forme et leur influence probable sur la formation de Spinoza Le hasard des voyages enrichit cette empa thie envers les dissidences et les h r sies de nouvelles sources En Espagne se d veloppait toute une litt rature sur la cabale sur le juda sme marrane et sur leurs influences intellectuelles avec notamment le
142. ood The Pristine Culture of Capitalism Verso Londres 1991 Democracy against Capi talism Cambridge 1998 Rational ChoixeMarxism Macmilian Londres 1995 Ellen Merskins Wood et Alan Wood Trumpet of Sedition Pluto Londres 1997 objectiviste un marxisme dialectique sou vent tax de gauchisme Ellen Meiskins Wood pr cise en effet que le marxisme politique corrige les faiblesses d un pr tendu mar xisme orthodoxe en prenant au s rieux la di mension sociale du mode de production Il se veut en cela l h ritier du livre pionnier de E P Thompson sur La Formation de la classe ouvri re anglaise Contrairement au d terminisme m caniste r gissant selon la fameuse pr face de 1859 la Contribution la critique de l conomie poli tique les rapports entre infrastructure et superstructure le changement des rapports sociaux importe autant ou plus que le d ve loppement technique des forces productives Le marxisme politique combine ainsi l apport de la sociologie historique de Thompson et ce lui de Robert Brenner sur les formes de tran sition pour jeter les bases d une conception non t l ologique de l histoire Chez Ellen Meis kins Wood cette approche est explicitement li e une critique du d terminisme post al thuss rien appliqu aux structures sociales alors que le monde empirique r el reste contingent et irr ductiblement particulier Elle puise chez Thompson sa r f renc
143. or bureau 11 cratique et de la r volution trahie Trotski de la professionnalisation bureaucratique du pouvoir Racovski de l accumulation socia liste primitive Pr obrajenski Boukharine de la critique conseilliste de l Etat Otto R hle Anton Pannekoek de la bureaucratisation des soci t s hi rarchiques Karl Wittfogel sur le despotisme oriental des diverses th o ries du capitalisme d Etat et du collectivisme bureaucratique Rizzi Souvarine Schacht mann Burnham C R L James Sur le plan culturel et philosophique la r action bureaucratique s est aussi sold e par linstitutionnalisation d un marxisme dogma tique d Etat par la cristallisation d une ortho doxie r solument hostile aux apports de la psychanalyse ou au surr alisme en litt rature tous deux formellement condamn s en 1934 au congr s de Karkhov 9 En Union sovi tique des pistes prometteuses pour un lar gissement de l investigation th orique ont t durablement effac es ou abandonn es en psy chologie concr te le premier Politzer en lin guistique et en critique litt raire Vygotski Bakhtine en cologie sociale Vernadski Kas harov Stanchisky Les exp riences artistiques d avant garde sont r prim es au profit du r a lisme socialiste Cette r action a entra n plus g n ralement une fracture irr versible entre ce qu Ernst Bloch qualifiera de courants chauds et de courants froids du
144. ori des crit res d efficacit optimale Ce programme de recherche inspir de l ou vrage fondateur de P Doeringer et M Piore In ternal Labor Markets and Manpower Analy sis Lexington 1970 et de la recherche marxiste h t rodoxe de H Braverman Tra vail et capitalisme monopoliste 1974 fut appliqu par Richard Edwards David Gordon et Michael Reich aux ph nom nes de discri mination sociale devant l emploi et de contr le hi rarchique de la force de travail Il aboutit la repr sentation d un march du travail di vis en sous march s segment s Les au teurs expliquent les ondes longues de l cono mie par l usure ou le d clin d un ensemble d institutions destin es canaliser le conflit de classe dans l entreprise et sur le march Si le rapport capital travail reste central leurs yeux ce dispositif institutionnel inclut aussi bien la division internationale du tra vail que le syst me mon taire et financier ou les rapports de domination imp riale dans le monde Ils forgent ainsi un concept de struc ture sociale d accumulation dont l influence sur la notion de mode d accumulation utili s e en France par l cole de la r gulation est patente 16 Comme les r gulationnistes fran ais ces radicaux am ricains ont sous estim les effets de la contre r forme lib rale reaganienne met tant d abord l accent dans les ann es quatre vingt sur son ineffi
145. osophie sp culative de l histoire au d triment de la th orie critique de Marx sont bien en effet les deux avatars com pl mentaires d une m me r action intellec tuelle Le retournement la hausse de l onde lon gue r cessive de l entre deux guerres ne fut pas le r sultat m canique de la crise boursi re de 1929 de la formation d une arm e de r serve industrielle de la pression sur les salaires et de la restauration des profits Il pr supposait un nouveau partage violent du monde par les guerres et les r volutions ainsi que l mergence d un nouveau leadership imp rialiste dans le monde o la puissance ascendante des Etats Unis prenait le relais de la puissance britannique d clinante De 1945 la r cession de 1973 1974 qui marque un nouveau retournement la baisse de Ponde longue l expansion dite des trente glorieu ses permit l av nement de l Etat social key n sien une mutation massive du salariat avec la g n ralisation de la production en s rie et de la consommation de masse la mise en place de syst mes de protection sociale d indexa tion salariale et de conventions collectives ainsi que l institutionnalisation du syndica lisme d entreprise Cette grande transformation a boulevers les pratiques et les pr occupations du mouve ment social tout comme l expansion imp tueuse du troisi me quart du XIX si cle avait model le mouvement ouvrier moderne Sous le
146. ousset L existence ph m re au d but des ann es trente de la revue Critique sociale o l on trouve les signatures de Boris Souvarine de Georges Bataille de Simone Weil de Paul B nichou de Raymond Queneau de Jacques Lacan t moigne de cette margi nalisation et de ce g chis La scolastique du Diamat stalinien s est propag e d autant plus facilement dans le mouvement ouvrier qu elle a pu dans une large mesure embo ter le pas l orthodoxie d j majoritaire dans la Ile Internationale d un marxisme sans Marx dont une partie im portante de l uvre est rest e ignor e jusque dans les ann es cinquante et soixante Les Manuscrits de 1857 58 ne furent dit s qu en 1939 en Russie et en 1967 en France o le travail de Roman Rosdolski sur La Gen se du Capital reste aujourd hui encore pratiquement inconnu sans parler de celui d Enrique Dus sel L orthodoxie stalinienne a tabli pour plu sieurs g n rations le dogme des deux sciences le mat rialisme historique science de l his toire et le mat rialisme dialectique m tho dologie g n rale et m ta science D s le Manuel de sociologie populaire de Boukharine impitoyablement an anti par Gramsci du fond de sa prison cette hypostase de la m thode s est impos e avant de triompher dans les cat chismes du mouvement ouvrier internatio nal Sans remporter la moindre victoire th o rique probante ce nouveau marxisme de c
147. p politique comme un jeu sp cifique de contradictions et d antagonismes sociaux transfigur s exprim s dans un langage pro pre plein de ce que la psychanalyse d signe rait comme des d placements des condensa tions et des lapsus r v lateurs Suivant cette analogie le parti jouerait un r le d analyste l coute du social dont il inter pr te les sympt mes Cette relation du poli tique et du social con ue sur le mode non du reflet mais de la transposition n a cess de puis de m intriguer 4 La crise r volutionnaire appara t ainsi 11 Voir Le Retour de la question sociale en collaboration avec Christophe Aguiton Page 2 Lausanne 1997 Le Pari m lan colique Paris Fayard 1997 Eloge de la r sistance lair du temps Paris Textuel 1999 12 L nine uvres ditions de Moscou tome XXXI p 99 13 L nine uvres Editions de Moscou tome VII p 287 comme l op rateur d une v rit v nementielle qui s coute mais ne s nonce pas Dans le texte de Lacan sur la v rit publi dans Cahiers pour l analyse et repris dans les Ecrits de 1967 l objet de la science tait d fini comme son sujet en exclusion interne l objet Si selon la c l bre formule de L nine la th orie de Marx est puissante parce qu elle est vraie encore fallait il s interroger avec Lacan sur le fait de savoir pourquoi d en faire la th orie en accro trait la puissance Le rapport d
148. par une aristocratie modernis e qui aurait bloqu le d veloppement id ologique propre des classes domin es bourgeoisie et prol ta riat Les ann es soixante ont cependant t marqu es par les influences contraires de Mar cuse et d un althuss risme d importation Alors que dans ses Considerations on Western Marxism Perry Anderson prenait en 1976 le parti d Althusser E P Thompson r agissait vivement cette r ception acritique dans The Poverty of Theory 1978 Alors qu Anderson accueillait tr s favorablement le livre de Gerald Cohen consid r comme un livre de r f rence du marxisme analytique Karl Marx s Theory of History 1978 il continuait subir l influence contraire d Isaac Deutscher et d Ernest Mandel dont le ma tre ouvrage sur Le Troisi me Age du capitalisme parut en 1977 D s la fin des ann es soixante dix cepen dant l althuss risme britannique se sabor dait Devant la r action lib rale et sous Pin fluence des recherches f ministes l heure tait d sormais un postmodernisme temp r d un c t illustr en 1985 par le livre de Chantal Mouffe et Ernesto Laclau Hegemony and Socialist Strategy de l autre aux tentatives n o ou post structuralistes du marxisme ana lytique 4 L h t rog n it de cette cole connue comme Groupe de Septembre en raison de la date de ses r unions annuelles et sa mission impossible consistant marier la carpe et le lapin au nom de l
149. parole politique et son exigence toujours pr sente de r volution en permanence Dans sa correspondance le jeune Marx se fixait pour but de railler en critique et non excommunier en saint Ce programme de d niaisement de d mythification et de ren versement des idoles a t tenu dans une large mesure La critique est moins une nouvelle doctrine qu une rupture th orique et pratique avec les philosophies sp culatives Elle se re fuse galement figer l intelligibilit du r el dans les hypostases de la science Critique de l conomie politique elle constitue une sorte de science n gative irr ductible aux nonc s dog matiques Car elle n aura jamais le dernier mot il s agit au mieux de conduire la pens e au seuil de la lutte o elle prendra son envol strat gique Emp cheuse de penser en rond la critique fait ainsi lien entre le moment n cessaire des sciences positives et l effort de to talisation de la science allemande Le c ur de la critique c est le Capital Com ment pense Marx Comme le capital qui est son objet sp cifique il p n tre son esprit pour en d chiffrer et en d truire la logique diabo lique Le texte inachev et toujours recom menc les quatorze plans successifs du projet est l image m me de cette critique sans cesse remise sur le m tier Jusqu l dition partielle de La Gen se du Capital de Roman Rosdolsky on a peu pr t atte
150. peter de Raymond Aron ou de Ralf Dahrendorf Or c est bien parce que Marx ne proc de pas par d finition ma s de fa on h g lienne par d terminations que la question des classes vient en dernier dans le livre III du Capital qui s interrompt brutalement sur un v ritable suspens th orique Ici s interrompt le manuscrit note laconiquement Engels au pied de la derni re page Pas de sociologie des classes donc pas de rangement ni de classement socioprofession nels mais une th orie dynamique qui se d ploie travers le Capital et les crits poli tiques Faire des classes des r alit s sup rieures celles des individus qui les compo sent ce serait retomber dans l illusion f tichiste qui transforme la soci t l histoire ou les classes en autant de sujets mythiques Marx reproche pr cis ment Proudhon de traiter la soci t comme une personne de c der la fiction de la soci t personne Il raille ceux qui avec un mot font une chose Il rejette aussi bien chez les philosophes la pr existence de la classe aux individus qui la composent que l individualisme m thodolo gique qui hypostasie l individu et l abstrait du rapport social qui le d termine Chercher chez Marx une sociologie confor me aux crit res de la discipline acad mique rel ve donc d un contresens Personne n est moins sociologue et moins statisticien que lui sa critique de l conomie politi
151. port e des flux des reflux et des diff rencia tions de la conscience de classe Il y avait bien l le fondement th orique d un volontarisme politique exacerb et d une politique qu il faut bien qualifier de gauchiste La notion de crise r volutionnaire permet tait en effet de r concilier dans une pipha nie historique le sujet pratique avec son fan t me th orique Les deux visages de ce sujet introuvable s y trouvaient exceptionnelle ment conjoints le sujet th orique dans la mesure o porteur d un autre avenir il sous tend la possibilit d un projet strat gique et le sujet pratique dans la mesure o il la bore assume et r alise cette strat gie La no tion de strat gie venait ainsi compl ter le dispositif conceptuel de la crise de la poli tique du pr sent et du parti Curieusement cette logique de la subjecti vit r volutionnaire semble partiellement contredite par un passage qui s explique trente ans apr s par le contexte pol mique de Mai 68 Apr s l lection en juin de la cham bre introuvable gaulliste et le retour un ordre normalis les militants enthousiastes et d us taient surtout pr occup s de savoir comment continuer comment faire pour que la crise ne soit pas aussit t cicatris e Lam pleur m me de la gr ve g n rale la d cou verte enivrante de l audace et de l inventivit des masses soudain lib r es du cercle de fer de l ali natio
152. que le jugement his torique Hannah Arendt constate propos du pro c s Eichmann que l poque est troubl e par cette facult de jugement de l tre humain ou par ceux qui osent juger Le crime contre l hu manit introduit en effet une p rilleuse am bigu t entre le droit et la morale la singula rit de l affaire ou du cas vis par la proc dure et l exemplarit universelle du proc s Devant des tribunaux o les t moignages tendent de venir d tranges t moignages de moralit his torique juge t on Eichmann ou l antis mi tisme Papon ou Vichy 42 Dans la conclusion du livre sur le proc s de J rusalem Arendt interpellant directement l accus affirme qu en politique ob issance et soutien ne font qu un Parce qu Eichmann a refus de partager la plan te avec le peuple juif personne ne pourrait accepter de la par tager avec lui C est pour cette raison et pour cette raison seule que vous devez tre pendu Comme le r gicide des conventionnels cette sentence sans jugement est fondatrice d une nouvelle ligne de partage entre l humain et linhumain Il s agit d une d cision politique et non d une chicane proc duri re La respon sabilit politique existe mais elle ne saurait tre jug e en termes moraux ni pes e par un tribunal Quelle est alors l instance de ce jugement Si la politique prime l histoire et si l histoire ne conna t plus de jugement dernier a
153. que serait plu t t une sociologie n gative ou une anti socio logie La critique f roce par Gramsci du Manuel populaire de sociologie marxiste de Boukharine lui est tout fait fid le fond sur un volutionnisme vulgaire le Manuel repr sente en effet une tentative d appr hen sion du social dans la d pendance du positi visme volutionniste alors qu il faudrait au contraire trouver la forme litt raire la mieux appropri e pour que l expos soit non sociolo gique Soit donc le Capital comme expos non so ciologique de la lutte des classes Comme dans une mise au point photographique les classes s y r v lent dans et par le mouvement m me du capital Leur premi re d termina tion appara t au livre I dans le chapitre sur la journ e de travail et sur la lutte pour sa limitation qui oppose le capitaliste global c est dire la classe des capitalistes et le tra vail global ou la classe ouvri re Dans la me sure o elle pr suppose l expos du rapport d exploitation la th orie de la valeur travail et de la plus value exprime une relation de classe antagonique Il reste cependant encore bien des m diations parcourir pour aller du simple producteur organe du capital la classe d termin e comme classe politique Le livre I se contente donc d une d termi nation abstraite des classes d un double point de vue 1 pour introduire la sp cificit des classes mo
154. ques li es la notion ind ter min e de n cessit L id e h g lienne d une philosophie de la nature et d une connaissance de la vie s op pose enfin au d membrement et la cohabita tion indiff rente des savoirs Contre la divi sion disciplinaire du travail scientifique elle cherche ressaisir le mouvement de totalisa tion de la connaissance La Ph nom nologie de l esprit pr tend pr senter ce devenir de la science en g n ral ou du savoir dont les v rit s math matiques ne sauraient d tenir le dernier mot Les sciences positives tirent fiert d une science fautive tant par la pauvret de 27 son but que par la d fectuosit de sa mati re Elles n atteignent pas la chose m me car l effectivement r el n est pas quelque chose de spatial comme il est consid r dans la math matique D o la n cessit d un savoir philo sophique visant la d termination en tant qu elle est essentielle De m me que l essence est pour Hegel la v rit de l tre la valeur est la v rit du capi tal son pass intemporel par del ses m tamorphoses De m me que l essence se ph nom nalise dans l existence la valeur se ph nom nalise dans le capital d terminant en tant que relation son propre contenu mesu rable Cet appara tre n est pas un costume de parade ou un travestissement mais bien l ap para tre de son tre Le Capital parcourt ainsi les
155. re comme un hiatus irrationnel entre deux p riodes qui sont soumises au fonctionnement d une structure La transition ne peut tre un moment si bref soit il de d structuration Elle est elle m me un mouvement soumis une structure qu il faut d couvrir 1 Il y avait d j entre Althusser et nous un contentieux politique Notre querelle avec le parti n tait pas la m me Nous tions d j r solument antistaliniens Nous consid rions que l Union sovi tique avait connu une contre r volution bureaucratique et n tait plus r formable d un point de vue communiste Nous n avions plus gu re d illusions sur un ven tuel redressement ou une autor forme du parti Mais comment penser cette rupture Althusser apparaissant de plus en plus comme la r f rence et l inspirateur d un mao sme dogmatique naissant nous devions chercher ailleurs les appuis et les munitions permettant de r sister ce puissant vent d Est A Toulouse les cours de G rard Granel exer aient une indiscutable s duction Pour le reste notre h t rodoxie fit fl che de tout bois les recherches de F lix Guattari et de ses disciples de l h pital de Laborde des r f rences sartriennes les traductions encore rares de Marcuse de Korsch de Lukacs ou celles encore clandestines de Wilhelm Reich Nous cherchions chez Lucien Goldman des ar guments contre les d rives d un marxisme po sitiviste l historiographie
156. reve nir Marx mais pour passer ou repasser par Marx convaincu selon la formule de Jacques Derrida que l avenir se ferait avec ou contre Marx mais certainement pas sans Marx Tout au long des ann es quatre vingt qui sont ses ann es d clipse et de disgr ce Jai main tenu contre vents et mar es un cours sur Marx l universit de Paris VIII devant un auditoire clairsem mais passionn et chaleu reux o se c toyaient Cor ens Iraniens Maghr bins P ruviens Grecs Turcs Kurdes Chypriotes S n galais Maliens Br siliens jusqu une douzaine de nationalit s selon les ann es une petite internationale en diaspora Ensemble nous avons lu Le Capital un livre par an et les Grundrisse discut accumul notes et brouillons C est de l que viennent les mat riaux de la trilogie Marx sans lt ismes gt ou Marx hors des murs Marx l intempestif Paris Fayard 1995 La Discordance des temps Paris Editions de la Passion 1995 Le Sourire du spectre Paris Michalon 2000 Le second fil conducteur est celui de la rai son messianique ou strat gique En suivant la question des rapports entre histoire et struc ture v nement et historicit temporalit et politique il s enroule autour de la figure de Walter Benjamin et de la galaxie dont il consti tue le centre de gravit Blanqui P guy So rel Cette recherche s ordonne a posteriori autour du livre Walter Benj
157. rption du droit de l art de la morale dans la totalit abstraite est l une des formes de cette menace Le laminage de l espace publi que entre les meules de l conomie et le rabot de l thique en est une autre celle d un tota litarisme doux o la politique devient soluble dans le despotisme marchand Avec la priva tisation g n ralis e du monde elle perd sa substance et ses enjeux Avec ses diverses facettes despotisme de l opinion an mie de la controverse divorce du social et du politique d composition du parlementarisme et des par tis indiff rence lectorale sa crise annonc e appara t en r alit comme une crise de la d mocratie consensuelle et de sa diversit sans diff rence Mais la politique est aussi une organisation d termin e des espaces et des temps sociaux telle que puisse s y exercer une souverainet Dans les Politiques Aristote met en vidence un calcul des distances et un d coupage du territoire faisant que le peuple puisse s assem bler pour d lib rer il souligne galement une organisation des rythmes concr tis e par la dur e des mandats lectifs L espace temps de la politique qui fut celui de la cit antique des empires de la ville m di vale de l Etat nation est remis en cause par la mondialisa tion marchande et imp riale D un c t cette mondialisation des changes et de l informa tion m le les espaces uniformise les lieux aplanit les relie
158. s lan ons neuf Entre cet Esprit de l Utopie et Le Principe esp rance se sont coul es trente an n es terribles de meurtrissures et de d sillu sions Dans cette preuve l utopie critique est devenue le contraire d une confiance b ate dans les promesses du futur une attente active et un apprentissage difficile de esp rance Une attention de tout instant pr occup e du monde au pr appara tre et au non en core Une tension m ticuleusement entrete nue entre le sens du r el et celui du possible Une pens e orient e vers la transformation du monde qui fait mouvement vers la ligne de front car le seul lieu o l optimisme mili tant puisse se d rouler est celui qu ouvre la cat gorie de Front La R volution fran aise a d truit l utopie th ologique de la r alisation terrestre du royaume de Dieu au profit de l accomplisse ment pratique du droit naturel L re du ca pital et le r gne glac du calcul go ste ont ranim au contraire le souffle utopique de l exp rimentation sociale Rompant avec un empirisme exag r ment coll aux choses comme avec l utopisme qui les survole Marx donne ce que l utopie eut de meilleur un sol sur lequel se poser Eliminant l chauf fement de la premi re fois du r ve vers l avant comme le prosa sme et son remugle moisi il inaugure l unit de l esp rance et de la connaissance du processus r el
159. s de divinit plus de transcendance pour tirer les ficelles mais seulement un sens qui merge dans les convulsions de l v nement La r vo lution appara t alors comme un point sublime o faits et valeurs sujet et objet par tie et tout au lieu de demeurer en collision devraient entrer en connivence Ce point critique est de l ordre de la conjonc ture du moment pr sent du maintenant ph m re Comment faire durer cet instant par fait Comment sauver l instant pr cieux de l habitude l v nement de la routine l illumi nation amoureuse de l usure et du d samour C est nigme m me de lamour comme de la r volution en permanence Qui ta fait juge Du proc s de Jeanne celui de Boukharine c est toujours la m me question de la culpabilit objective et de sa terrible logique devant la raison d Etat ou la raison d Eglise Objectivement Artur London est coupable m me s il n est pas conscient de ses mauvaises fr quentations Au Tribunal de Dieu ou de l Histoire th ologique ou politique la dissidence est forc ment une h r sie ou une trahison objective En appeler de l Eglise visi ble l Eglise invisible de la loi crite la Loi non crite du parti la classe de l tat Phu manit c est toujours aggraver son cas C est toujours ajouter au d lit d insoumission un impardonnable p ch d orgueil Dans le cachot de Roubachoff le je se transforme
160. s sans entrer dans les circonstances non seulement de la biographie intellectuelle mais de la biographie tout court puisque les pi ces du dossier universitaire ne sont gu re dissociables en ce cas du dossier militant et puisque la m thodologie requise appara t subordonn e un engagement bien peu m thodique soumis aux al as des rencontres des d fis et des bifurcations I Le trou dans la structure Mes ann es de classe pr paratoire 1964 1966 furent des ann es de d finition politique et intellectuelle Les pr pas litt raires du lyc e Pierre de Fermat Toulouse n avaient pas grand chose voir avec les grandes curies concours parisiennes C taient des pr pas ambition limit e Nous nous nourrissions des miettes du festin parisien Pour Marx et Lire le Capital nous arriv rent comme des v ne ments consid rables Ces livres semblaient pouvoir combler un grand vide th orique en haussant le marxisme au rang d une science qui imposerait le respect nos pairs Nous tions fascin s par la majest de cette science qui nous offrait le continent histoire et perplexes cependant l id e qu une telle connaissance ne f t pas plus historique que celle du sucre n est sucr e L effort pour rame ner l histoire sous la structure semblait rendre la r volution impensable sinon improbable L intelligence du passage d un mode de pro duction un autre ne peut jamais appara t
161. sence des cor puscules Le remaniement de la topologie freudienne puis dans Au del du principe de plaisir o l inconscient ne s oppose pas au conscient permettait cependant d viter la redoutable dialectique de l en soi et du pour soi qui tend opposer un parti conscient une classe inconsciente Enfin et surtout la linguistique tant la r f rence oblig e du moment j exploitais un article de Greimas sur la difficult d accorder la dimension temporelle aux structures sp cifiques de signification la seule dur e ne sau rait servir de pont entre histoire et structure Greimas reprenait son compte une hypo th se de l pist mologie contemporaine selon laquelle le temps agirait par r p tition plut t que par dur e la transformation r sulterait alors de l action du rythme sur la structure L action r p titive de la parole sur la langue comme celle du sujet sur la structure parais sait ainsi fournir une piste pour chapper au pi ge de l immobilit et pour penser l improba ble diachronie L articulation du continu et du discontinu de la diachronie et de la synchronie renvoyait ainsi la m diation probl matique d un su jet insaisissable moins de pr ter au temps lui m me par simple dur e ou par r p tition rythmique le r le d une subjectivit sans su jet D o l int r t pour les travaux de Gustave Guillaume d duisant la dur e v nementielle d une dur
162. subter fuges th ologiques Sur quel communisme pouvaient d boucher cet affaissement et cet effondrement Sur quel apr s s il n y a plus d apr s mais seulement un pr sent sur la pointe duquel pass et avenir se maintiennent en quilibre pr caire L hori zon ne s est pas d chir sur un monde nouveau Les lendemains n ont pas entonn le chant de victoire annonc Nous avons t reconduits au bercail du vieux monde rest d sesp r ment le 86 Jean Christophe Bailly ibid 87 Fran oise Proust Kant ou le ton de l histoire p 290 88 Michel Surya La Quinzaine litt raire n 790 ao t 2000 89 Gustav Landauer La R volution Paris Champ Libre 1974 90 Voir les chapitres sur Althusser et le mat rialisme de la rencontre Badiou et le miracle de l v nement in Essai de taupologie g n rale m me pire peut tre par del le triste specta cle de ses m tamorphoses sans changement et de ses modes sans nouveaut Fin de l histoire ou fin de ses grandes illu sions Le simple passement destructeur ou la sim ple usure du temps ne sauraient an antir la force proph tique de l v nement qui ne s ou blie plus que d autres v nements venir remettront en m moire des peuples car seul un commencement est capable d couter d au tres commencements 87 Tel est bien sans doute le secret du profond silence qui suivit l effondrement du socialisme r ellement inexis tant i
163. t dans son existence politique Si cette probl matique passe au second plan apr s les r volutions de 1848 elle ne dispara t pas pour autant Le th me quivoque du d p rissement de l tat demeure cependant plus complexe que ne le pr tendent de nombreux commentateurs Marx part en effet de ce qu ont compris les Fran ais modernes savoir que dans la vraie d mocratie l tat politique disparaf trait L tat d signe i ici l tat s par l tat f tichis de la philosophie h g lienne du droit Condition de la vraie d mocratie sa dispari tion ne signifie pas celle de la politique comme telle mais la fin de sa subordination l tat qui se pr sente abusivement pour le tout Croire que le politique puisse dispara tre avec l tat rel verait selon Abensour de la m me illusion que la croyance en une disparition du salariat dans une soci t o r gne encore la p nurie C est pourquoi il parle de disparition grossi re la mani re dont Marx raille la p rilleuse utopie d un communisme grossier Plus qu il ne trahit une passion unilat rale du social l effort de Marx porte donc partir de 1843 sur la recherche d une politique de l opprim qui constituerait entre la soci t civile et l tat des corps politiques non ta tiques C est pourquoi il pense essentiellement la politique sous la condition de l v nement guerres et r volutions Lieu d alchim
164. tant qui s envole la vitesse d une fl che Aussi longtemps que la fl che fend l air l instant ne pourra se p trifier Et l initial r volutionnaire ne pourra se bureaucratiser 83 L attente de l v nement messianique tient t te la fatalit d une histoire bureaucrati s e La fin du XX si cle restera comme un temps d v nementialit s froides et de noces de cendres La mort proclam e du commu nisme n est pourtant que la deuxi me mort d un cadavre bureaucratique depuis long temps d j d compos Mais quel est ce cada vre Et quel vide laisse t il s il y a lieu de se demander maintenant ce que nous pouvons encore avoir faire avec le vide ou avec l om bre que laisse derri re lui le mot de commu nisme 4 C est toute l ambigu t de cette double mort de cette mort deux fois consom m e de cette mort double d tente le para site bureaucratique ne dispara t qu apr s avoir rong jusqu los le corps qu il a d truit Aussi loin qu on se retourne on ne peut plus d sormais se souvenir d un bon vieux temps r volu regretter et sur lequel soupirer Nous nous tions pourtant crus solidement adoss s une indestructible montagne magi que un Sina sanctifi par la foudre divine Comme si ce qui avait t fait tait d finitif Comme si ce ne serait plus jamais refaire Comme si quels que soient les d tours il n y aurait plus revenir s
165. te Nous n attendons pas le Messie nous sommes attendus Car insiste l historien antistalinien Mikha l Guefter nous sommes les commissionnaires des morts La m moire est toujours de la guerre proclame Benjamin A l histoire comme la guerre r pond Guefter en cho La nouvelle temporalit historique se consti tue l dans cette tension dialectique entre l histoire et la rem moration dans le dialogue de Clio et de l me pa enne entre la pr ten tion judiciaire de l histoire et l incertitude d mocratique de la m moire entre les d rives journalistiques de l histoire et les tentations romanesques de la m moire entre les regards de pierre vides de l histoire monumentale et les yeux de braise de la m moire amoureuse 80 Voir La Discordance des temps p 261 81 Voir Moi la R volution p 232 et 278 entre la manie collectionneuse de l histoire antiquaire et les remembrances s lectives de la m moire oublieuse dans les chass s croi s s entre une histoire critique et une m moire politique qui refusent les r conciliations apai santes et les affaires mal class es Les portes d une histoire ouverte battent sur des lendemains en friche Le simple cou lement d une dur e sens unique ne peut tenir lieu de lien n cessaire entre ce qui pr c de et ce qui suit sur le fil d une chronologie sans ruptures ni d chirures L ordre de suc cession n est plus un ordre suffisa
166. teur ne cesse d interpr ter l acteur et d en rejouer les dilem mes Ils ont besoin l un de l autre Faute de quoi l acteur gesticulerait devant un parterre vide et le spectateur resterait bouche b e devant une sc ne d serte Nul ne peut se dessaisir de sa facult de ju ger dit Spinoza Dur et redoutable devoir que celui de cette impitoyable facult Il fit dire P guy qu il pr f rerait condamner que juger Condamnation sans jugement Comment juger sans douter du jugement Il n est pas facile de tenir bon sur l immanence et de ne pas reculer devant la fragilit de l hu maine condition sans le secours des grandes transcendances d chues sans le r confort de l Histoire ou de l Humanit majuscules Invo quer ces gros mots c est pourtant sacrifier encore aux f tiches modernes Mais l histoire r elle celle qui se fait dans l incertitude de la lutte n est pas l Histoire et l humanit qui se construit dans le tumulte des conflits n est pas l Humanit Il faut tenir bon malgr tout Ne pas c der sur les principes et affronter l preuve d une histoire o le fait accomplir contredit la fatalit du fait accompli Ne pas c der sur l im manence de l action qui s invente sans les r conforts t l ologiques de l origine et de la fin Ne pas l cher sur la fragilit d un jugement contraint de produire en permanence ses pro pres crit res Tout s engendre par
167. th orie La lecture verticale de ces syllogismes ta blit une correspondance entre l id ologie la formation sociale et la spontan it asservie de la classe d une part la crise r volution naire l intervention subjective du parti et la manifestation v nementielle d une v rit d autre part le mode de production la struc ture de classe et la th orie enfin Cette construction sous tendait une id e de la politique con ue toujours selon une formule de L nine non comme arithm tique mais comme alg bre comme une pratique et un lan gage irr ductibles aux d terminations sociales imm diates sa n cessit est d un autre ordre beaucoup plus complexe que celui des revendications sociales li es au rapport d exploitation C est contrairement ce qu imaginent les marxistes vulgaires de la Rabotcha a Mysl un terrain o la politique ne suit pas docilement l conomie o contrairement ce qu affirment ceux du Rabotch i Di lo on ne saurait d duire direc tement des luttes conomiques les objectifs politiques du parti La division en classe crit encore L nine propos des luttes tudiantes est certes l assise la plus profonde des grou pements politiques certes c est elle qui d ter mine en fin de compte ces groupements mais cette fin de compte c est la lutte politique seule qui l tablit C est pourquoi l expres sion la plus vigoureuse la plus co
168. u avec les contro verses autour de l cole fran aise de la r gula tion D s 1987 cependant l tirement sans d nouement de la crise du mode d accumula tion mettait en chec les nouveaux compro mis positifs pr conis s en mati re de flexibi lit notamment par les r gulationnistes Robert Boyer constatait alors limpasse th o rique et l clatement de ce courant 4 Dans une suite son livre Sur le marxisme occidental Perry Anderson consid rait en 1983 encore la France l Allemagne et l Italie comme les pays refuges du marxisme apr s les grandes d faites de l entre deux guerres en Russie en Allemagne en Autriche en Espa gne et la distorsion du lien entre th orie et pratique qui en est r sult 55 Cette retraite aurait signifi un rebroussement du chemin parcouru par Marx un retour vers la philoso phie et la morale traditionnelles au d triment de la critique conomique et sociale Le nou veau d placement du centre de gravit th o rique vers les pays anglo saxons la fin des ann es soixante dix annon ait selon lui une normalisation prometteuse Alors que les trois sources du marxisme voqu es par L nine la philosophie allemande la politique radicale fran aise et l conomie anglaise n avaient cess un demi si cle durant de jouer cache cache sans parvenir la syn th se annonc e le foyer de production intellec tuelle rejoignait enfin le c ur de l ac
169. u nom de quoi et comment oser juger Alain Ba diou voit dans ce courage de juger une paresse et une redoutable confusion entre politique et opinion Pour Arendt l audace du jugement est d autant plus n cessaire au contraire que nous vivons dans un monde sens dessus des sous o il est impossible de s orienter selon les r gles qui r gissaient autrefois le sens com mun Nous aurions perdu l aune et les r gles de la mesure et serions donc condamn s ju ger sans les fondements traditionnels de la morale Le jugement politique prend d autant plus d importance et de gravit un jugement humain faillible toujours au p ril de l erreur politique et non plus seulement judiciaire Dans cette compr hension perdue l action po litique a pour essence d engendrer un nou veau commencement Chez Arendt comme chez Kant le sens de 105 Trotski Journal d exil Paris Gallimard 106 Kant Th orie et Pratique Paris GF 1997 l v nement est donn par la mani re de pen ser des spectateurs qui manifestent un int r t universel d sint ress Au c ur de enga gement l acteur serait aussi aveugle que Fabrice del Dongo ou Pierre Bezoukov sur le champ de bataille Seul le spectateur saurait de quoi il retourne et serait en tat de juger la r volution est admirable comme spectacle public mais ses acteurs en sont odieux Kant voudrait donc le r gime r publicain sans la r volution qui le fonde l
170. ur ces actes fondateurs C tait sous estimer encore la puissance d effacement et de d vastation du syst me dont le stalinisme fut la forme perfectionn e Une forme puissante au point de mettre en p ril non seulement l v nement d Octobre mais de menacer celui attach au nom propre de Marx et de rendre nouveau inaudible son assourdissant tonnerre Sartre pouvait pro clamer le communisme horizon ind passable de notre temps et affirmer que notre poque ne se laisse pas penser autrement que comme l poque d une question communiste Le ca pital tait devenu dans les ann es quatre vingt l horizon ind passable de tous les temps L histoire s achevait dans la d solation ter nelle des march s Il tait impossible de faire comme si de rien n tait comme s il s agissait d une simple clipse de la raison messianique et comme si tout allait bient t redevenir comme avant Rien ne pourrait se faire d sormais sans l opi ni tre travail de deuil d une pens e qui fit comme aucun autre v nement la fois de la philosophie et de la politique 85 La d b cle n avait rien de surprenant Nous avions pro nostiqu depuis longtemps l asphyxie d une conomie de commandement bureaucratique Nous avons pourtant sous estim les cons quences durables de cette contre r volution Nous voulions croire que les choses repren draient leur cours interrompu que sonnerait l heure d un gra
171. ur la crise de la physique le mat rialisme et la religion du progr s la tendance dominante est nettement scientiste et historiciste Kautsky Plekhanov Guesde mais des voix discordantes s l vent comme celles de Labriola et de l cole napolitaine en Italie celle originale de Gus tav Landauer en Allemagne celles de L nine et de Trotski en Russie On remarque cette seule num ration la pauvre contribution du mouvement ouvrier fran ais majoritaire aux controverses tra vers lesquelles se constitue la conscience th o rique du mouvement socialiste moderne Au sein de la IIe Internationale d abord de la III ensuite orthodoxie de parti et d Etat ne s est cependant pas cristallis e sans r sis tances et luttes acharn es En France la conso lidation de l ordre r publicain post r vo lutionnaire la rivalit culturelle entre l influence de l Eglise et un rationalisme ma connique le poids de l institution scolaire et universitaire furent particuli rement propices une r ception sous h g monie positiviste Apr s trois si cles de pi tinement cons cutifs la contre r forme le culte d un progr s continu sens unique tait plus difficilement concevable en Italie Dans une conf rence de 1887 sur Les probl mes de la philosophie de l histoire Labriola s inqui tait des cons quences possibles de ce d senchantement his torique S il n y a ni unit de l histoire ni mou ve
172. urai largement recours la controverse anglo saxonne encore mal connue en France faute de traduction avant et un apr s Je prendrai au contraire comme point de d part hypoth se selon la quelle les cat gories de modernit et de post modernit dont la p riodisation s appuie sou vent sur les productions esth tiques rapport es ce que Fredric Jameson appelle la logique culturelle du capitalisme tardif sont deux p les contradictoires d un mouve ment pendulaire du capital entre territoriali sation productive et d territorialisation finan ci re selon la th se de Giovanni Arrighi inspir e de Braudel et de Pirenne 107 Il s agirait alors de d gager la part de nou veaut effective dans l agencement mondia lis de la pluralit des temps et des espaces sociaux qui d terminent les conditions pr sentes de l action politique Non pour tein dre les Lumi res avant de refermer la porte du futur mais pour mieux saisir l effet d j pr sent du nouveau non encore advenu sur lan cien et l actualit toujours active de l ancien dans le nouveau annonc Car les lumi res si tamis es et tremblantes soient elles ne se confondent pas avec l extinction des feux avant de tirer la porte sur les esp rances d funtes qui quivaudrait un path tique suicide col lectif de la pens e 21 janvier 2001 Soutenance d habilitation diriger des recherches de M Daniel Bensa d Universit
173. uti lit des r p titions du morne coulement des travaux et des jours L attention de lattente gouverne l aptitude au projet ses expectatives ses pr visions et ses programmes Tout futur est incertain et opaque mais cette incertitude est constitutive d une libert dont l accomplis sement a besoin de conditionnels et de par 92 Voir La Discordance des temps p 207 et suivantes 93 Walter Benjamin Le Livre des passages p 28 94 Jules Michelet Histoire de la R volution fran aise Paris Robert Laffont coll Bouquins II p 474 95 Georges Steiner preuves Paris Gallimard ticipes futurs comme l amour la r volution r pond l attrait du futur inaccompli Les temps messianiques sont des temps d s ajust s o un ordre se brise sans qu un autre wait encore pris forme Ils sont propices aux rumeurs aux prodiges et aux jaillissements Propices aussi aux charlatans aux prestidigi tateurs et aux marchands d illusions propices enfin aux apparitions messianiques et aux pr sences spectrales C est l tout le myst re profane de Jeanne d Arc une passante une passeuse amazone cheval entre deux poques entre deux croyances entre deux arts de la guerre C est le secret de sa force et de sa faiblesse inextri cablement m l es de sa faible force r tive aux injonctions de l autorit et la fatalit des choses De m me les r volutionnaires de PAn II sont ils des p
174. ux rapports de production Le livre initiale ment pr vu et finalement abandonn sur l Etat constituerait ainsi le point de fuite d une th orie des classes introuvable dont la maladie et la mort qui interrompirent la plume du Maure ne sauraient constituer le seul emp chement L affrontement des partis politiques mani feste en effet la r alit de la lutte des classes en m me temps qu il la dissimule Plus pr ci s ment il la manifeste sous une forme mysti fi e Car sur les diff rentes formes de pro pri t et d existence sociale s l ve toute une superstructure d illusions d impressions de fa ons de penser Il faut donc distinguer en core davantage dans les luttes historiques entre la phras ologie et les pr tentions des partis et leur constitution et leurs int r ts v ritables entre ce qu ils s imaginent tre et ce qu ils sont en r alit La th orie r volu tionnaire pr sente ainsi quelque parent avec la psychanalyse la repr sentation politique n est pas la manifestation ad quate d une na ture sociale et la lutte des classes le miroite ment de surface d une essence Articul e comme un langage elle op re par d place ments et condensation des contradictions Elle a ses r ves ses cauchemars et ses lapsus Dans ce champ sp cifique du politique les rapports de production s articulent l Etat Ce lien est pr cis ment celui par lequel se dif f rencient les
175. vable Ces consid rations prolongent bien videm ment les controverses strat giques de l entre deux guerres sur la r volution par tapes et la r volution permanente Les enjeux en sont explicitement actuels pour Brenner diteur militant de la revue Against the Current Il entend r habiliter contre le tiers mondisme inspir dans la gauche am ricaine de Gun der Frank de Paul Sweezy d Immanuel Wal lerstein ou de James Petras le potentiel r vo lutionnaire de la lutte des classes au c ur m me des centres imp rialistes 47 L un des apports les plus riches des d bats anglo saxons de la derni re d cennie restera probablement celui sur la postmodernit fai blement r percut en France faute d une poli tique cons quente de traduction et d dition A la diff rence des discours philosophiques de la postmodernit comme ceux de Lyotard en France des travaux comme ceux de David Harvey ou Fredric Jameson ne se d finissent pas en rupture avec une tradition marxiste critique La r f rence insistante de Jameson 18 au Late Capitalism Ernest Mandel t moigne vigoureusement d un souci inverse il s efforce de lier la logique culturelle du capitalisme tardif une p riodisation des modes d accu mulation du capital Cette discussion fait lob jet aux tats Unis et en Grande Bretagne de nombreuses publications concernant notam ment les rapports de genre Elle constitue sans aucun doute un d fi pour
176. ycles de rotation du capital commercial du capital industriel et du capital mon taire Le livre IT est donc celui o se d voile le jeu des apparitions et disparitions de ces formes de leurs m tamor phoses jusqu ce que la marchandise soit finalement consomm e A la temporalit lin aire du temps de pro duction se superpose ainsi la temporalit cir culaire de l change Le couple capital fixe capital circulant se superpose au couple capi tal constant capital variable de la production Le livre IT met ainsi en vidence l importance d cisive du facteur temps La d termination du rapport entre capital fixe et capital circu lant repose exclusivement sur la quantit de temps socialement n cessaire pour que cha cune des deux parts retourne sa forme originelle La question de la production de plus value qui se r alise dans la circulation sous la forme ali n e du profit faisait l objet du livre I En tant que forme transfigur e ce profit est au centre du livre III Le livre I perce le secret de la plus value Le Livre IT d monte la logi que de ses m tamorphoses Le Livre II expose sa m tempsychose en profit Dans le livre ITI nous arriverons la transformation de la sur valeur en ses diff rentes formes et en ses com posantes distinctes les unes des autres Car la vie du capital d borde le proc s de pro duction imm diat Dans le monde r el il ne peut tre s par des proc s de cir

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