« Les archives mode d`emploi. Enquête sur la photographie d
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1. Les archives mode d emploi Enqu te sur la photographie d architecture et ses lieux de conservation Florent Miane Introduction Aujourd hui avec le lancement de grandes campagnes de num risation des fonds d archives un nombre croissant de photographies d architecture sont accessibles par le biais d Internet Etant donn la facilit et la rapidit avec laquelle on obtient ces images elles n ont plus gu re d usage que celui d tre une simple illustration de l histoire urbaine Livr es directement au public d poss d es de tout contexte elles ne sont bien souvent que l vocation pittoresque d un pass r volu Pour restituer cette imagerie toute sa richesse cette tude propose une valuation des archives publiques de Bordeaux au travers de la photographie d architecture du XIX si cle II s agit de comprendre quelle est la nature de ces fonds qu est ce qui a t conserv et pourquoi qu est ce qui a disparu et comment puis de montrer la pertinence de ces fonds dans l interpr tation des images c est dire voir comment l image photographique a transform les sch mas de pens es de ceux qui d cident construisent ou habitent la ville Le but de cette tude n est pas de pr senter l int gralit des fonds d archives mais de montrer les principaux usages de la photographie d architecture A l aide d un exemple significatif et repr sentatif la tour Saint Michel nous nous int resserons aux atten2. tre un outil particuli rement efficace dans la pr sentation et l analyse des images qui constituent notre m moire Ibid p 16 25 8 Ibid p 62 72 Miane F Photographies d architectures et imaginaires photographiques l uvre d Alphonse Terpereau 1839 1897 dans le Midi de la France universit de Bordeaux 3 th se de doctorat 2009 Bibliographie Bann S Photographie et reproduction grav e L conomie visuelle au XIX si cle dans Etudes photographiques n 9 p 22 43 Baridon L L imaginaire scientifique de Viollet le Duc Paris L Harmattan 1996 Barthes R Mythologie 1857 Paris Seuil 1970 Belhoste B La formation d une technocratie l Ecole polytechnique et ses l ves de la R volution au Second Empire Paris Belin 2003 Dethier J dir mages et imaginaires d architecture Paris Centre Georges Pompidou 1984 Didi Huberman G Devant l image Paris Minuit 1990 Gunthert A La r tine du savant La fonction heuristique de la photographie dans Etudes photographiques 2000 n 7 p 28 48 Krauss R Les espaces discursifs de la photographie 1982 dans Le photographique Pour une th orie des carts Paris Macula 1996 p 37 56 Laroche C Je suis le chirurgien Abadie restaurateur dans C Laroche dir Paul Abadie architecte 1812 1884 Paris RMN 1988 p 64 68 Loyer F Du romantisme l arch ologie l invention de la notion de patrimoi
3. au pr alable il soit fait une photographie de la fa ade telle qu elle est aujourd hui et qu une Commission sp ciale soit nomm e pour surveiller les travaux 8 IDF folio X 216 Terpereau saisi la tour dans toute son l vation depuis les toits des maisons environnantes La vue en hauteur donne l difice une certaine monumentalit en limitant les d formations optiques dues une trop forte contre plong e La tour appara t entour e du tissu urbain complexe issu de la p riode m di vale habitat dense ruelles troites La fl che est ainsi restitu e dans son contexte historique et g ographique entour e d un foisonnement de toitures et de chemin es dont elle est en quelque sorte le prolongement L architecte a tr s bien su utiliser la photographie La vue anonyme proche du dessin technique rend compte de l difice avant son intervention deux photographes talentueux valorisent son uvre par des compositions recherch es Au cours des travaux des fissures sont apparues dans la ma onnerie de la base de la tour L architecte dut r aliser avec une commission un projet de consolidation Ce projet est reproduit par la photographie et envoy la Commission des monuments historiques de la Gironde Son acceptation par la commission favoriserait le vote rapide du conseil municipal Cette image inconnue aux archives municipales est conserv e aux archives d partementales Par comparaison aucun autre archit
4. l chafaudage ou la tour ne sont pas diffus es comme celles des ing nieurs Celles ci se trouvent dans d autres lieux de conservation Trois exemplaires de l chafaudage de la tour par Terpereau sont connus la biblioth que municipale et deux la Biblioth que nationale Les photographies de l chafaudage de la tour destination du grand public ont t moins bien conserv es que celle destination des ing nieurs La consommation des images par le grand public laisse moins de trace que les commandes officielles dans les archives publiques Il en est de m me pour les portraits r alis s par le photographe dont il reste seulement une vingtaine d images aux archives municipales alors que l on sait par sa biographie qu ils furent la principale activit de son atelier Cette production est en effet r guli re et abondante l inverse de la commande limit e et ponctuelle Les portraits ont par ailleurs t conserv s par BMB fonds Delpit XVI 52 1 37 IDF Fol X 276 38 BMB fonds Delpit XVI 51 3 XVI 52 1 XVI 52 2 BNF EO 137 a 5 et 6 rapport la c l brit du sujet et non en fonction de l habilet du photographe Ce manque important montre quel point la conservation des photographies d pend d un contexte particulier La conservation des photographies de la tour achev e est du m me ordre Ces images sont conserv es dans trois lieux Les archives municipales deux exemplaires la Biblioth q
5. 49 7 ENPC conseil de l Ecole nationale des ponts et chauss es 9562 02 22 f vrier 1840 Monsieur le Directeur de l Ecole d apr s un rapport de l Inspecteur soumet au Conseil des observations sur le concours de dessin l aquarelle remis par la 2 classe le 17 janvier dernier d o il r sulte que le plus grand nombre des l ves n est point assez habile dans l art du dessin pour peindre l aquarelle et que ce genre de travail est sans profit pour l instruction en m me temps qu il est on reux l Ecole qui paie assez ch rement des locations de mod les pour obtenir des copies en g n ral tr s imparfaites 2 ENPC conseil de l Ecole nationale des ponts et chauss es 9562 02 15 d cembre 1848 L inspecteur expose que le nombre des heures actuellement consacr es jusqu ici l ex cution de croquis de machines ne para t point en rapport avec l importance qui devrait tre naturellement attribu e ce genre d tude On s est born jusqu pr sent mettre chaque ann e les l ves en demeure de lever un ou deux croquis de mod les r duits d ouvrages d art ou de machines tr s simples Afin de les familiariser davantage avec les formes les dimensions et les ajustements des parties l mentaires des machines afin de leur montrer comment ils doivent proc der pour obtenir rapidement des croquis nets complets et intelligibles pour tout le monde des objets qui viennent passer s
6. ache dans le ciel La composition repose sur la fusion des diff rents plans et l quilibre des divers l ments Terpereau reprend cette composition pour r aliser deux autres vues l une lors de la suppression de la partie sup rieure de l chafaudage et l autre lors du d gagement complet de la tour notamment celle contenue dans l album d Abadie voqu e pr c demment Parall lement il r alise une autre vue de la tour en d veloppant les effets visuels Le photographe est toujours sur les toits de la rue des Faures Le tissu urbain occupe nouveau le tiers inf rieur de la photographie mais cette fois ci les deux tiers sup rieurs de l image sont occup s par la tour plac e au centre et une maison plac e gauche Le photographe s est approch de l difice La place forme un V entre les bras duquel la tour s l ve A gauche la fa ade et le toit de la maison sont coup s par le bord de l image Juxapos e eux se trouve la fa ade ouest de la basilique Saint Michel Au centre la tour est encore entour e par une palissade de bois rig e lors des travaux A droite la fa ade de la place est domin e par les coteaux environnants Nous saisissons avec ces images les trois principes qui caract risent le travail du photographe La coupe qui instaure le hors champ la juxtaposition qui entra ne la compression de la profondeur et la fragmentation qui multiplie le nombre d image polyptyque Ces preuves
7. de travail elle lib re l atelier de l architecte de certains travaux de reproduction elle est l illustration d un texte le rapport de l architecte lui donne toute son importance AMB correspondances 3040 M 1 7 janvier 1857 Le dessin original se trouve conserv dans le fond iconographique des archives municipales de Bordeaux sous la cote 5 L 204 Il est sign du 7 novembre 1857 technique mixte plume aquarelle et gouache 133 x 54 cm AMB correspondances 3040 M 1 7 janvier 1857 Comme monument elle est le phare qui du plus loin annonce la ville et en caract rise le plus l aspect Pour qui approche de Bordeaux c est l difice principal il domine tout il attire lui seul toute l attention Quel effet saisissant immense devait produire cette tour isol e lorsqu elle poss dait encore sa fl che termin e par une croix lev e trois cent vingt pieds au dessus du val et qui n tait gu re d pass e en hauteur que par la fl che de Strasbourg Quel majestueux aspect elle pr sente encore quand vue de la rive droite de la Garonne elle refl te son norme masse dans les eaux de la rivi re Une autre preuve issue du m me n gatif est pr sente dans le m me dossier Isol e et coll e sur un bristol blanc elle est ais ment consultable et permet la diffusion du projet d cideurs entrepreneurs financiers Faisant pendant ces images une vue de la tour avant travaux est r ali
8. des vues photographiques de ses principales r alisations Pour les restaurations les cath drales Saint Pierre Angoul me et Saint Front P rigueux l glise Sainte Croix et la tour Saint Michel Bordeaux chacun des difices est pr sent par une vue avant et une vue apr s travaux afin de l gitimer son travail et valoriser son oeuvref Dans l album trois photographies repr sentent la tour Deux sont des vues apr s travaux dues Charles Marville 1816 1879 et Alphonse Terpereau 1839 1897 la troisi me est la vue anonyme avant travaux voqu e pr c demment Marville choisit une composition lin aire Son image est une succession de plusieurs registres superpos s horizontalement saisis depuis le pont de pierre qui enjambe la Garonne Le premier plan au bas de l image repr sente des gabares amarr es le long des quais Le second montre la fa ade des quais difi e au XVIII si cle Le troisi me pr sente la fl che de la tour qui s l ve au dessus des fa ades dans un ciel vide 4 AMB correspondances 3040 M 1 sans date 5 AMB iconographie 5 L 35 5 L 164 5 L 165 5 L 166 5 L 167 Le dessin original d Abadie est conserv dans le fonds iconographique des archives municipales de Bordeaux sous la cote 5 L 203 La technique est mixte plume aquarelle et rehaut de gouache Ses dimensions sont 190 x 57 cm 7 AMB d lib rations 12 D 43 21 d cembre 1860 Au surplus la prudence r clame qu
9. du moulage du dessin et de la gravure tels qu ils sont pratiqu s depuis le XVIII si cle relev de structure projection duplication diffusion de l uvre perspective maquette auxquels s ajoutent les m thodes de travail de l architecte reproduction diffusion Elle est aussi un outil technique particuli rement adapt l architecture historiciste Celle ci par rapport l architecture classique ajoute l motion plastique un support onirique Ces difices sont con us comme des assemblages de citations L difice ne renvoie pas seulement lui m me mais des formes issues d poques et de lieux diff rents Les r f rences nombreuses et diversifi es favorisent ainsi la r verie et l vasion La photographie par sa pr cision et sa modernit s adapte parfaitement la recherche de r f rences qui sont ensuite combin es et organis es Elle devient rapidement d s les ann es 1840 une technique graphique symptomatique de ces architectes Notons que dans les archives personnelles de l architecte vers es par ses descendants la biblioth que nationale se trouvent deux vues de la tour recouverte d un monumental chafaudage L une est de Marville l autre de Terpereau Ces images pourtant impressionnantes sont produites par l architecte titre personnel et peu d exemplaires Elles ne font pas partie de l imagerie qu il diffuse album ou correspondance A l inverse les ing nieurs du serv
10. e Celle ci est effectu e apr s la pose de la croix et montre la totalit de la tour recouverte par les chafaudages Cette vue qui r int gre l difice dans son contexte ne correspond pas la commande publique Le photographe s est positionn sur les toits du c t pairs de la rue des Faures qui m ne la place o se situe la tour Le tiers inf rieur de l image montre le tissu urbain les deux autres tiers la basilique et la tour Au premier plan allant du centre 3 M Sicard La fabrique du regard p 137 150 et A Gunthert La r tine du savant p 28 48 32 BMB fonds Delpit XVI 51 1 3 AMB iconographie 5 L 10 5 L 158 167 BMB fonds Delpit XVI 51 1 XVI 51 2 3 ADG 162 T8 la gauche de l image la rue des Faures vue en plong e serpente vers le portail ouest de la basilique Celui ci d gag par la place fait face au spectateur De chaque c t s l vent les murs des maisons et leurs toits h riss s de chemin es A gauche de l image ils sont domin s par les pinacles les clochetons et la toiture de la basilique droite ils sont domin s par les coteaux de l arri re pays De chaque c t l image s arr te sur les angles de murs les bords de toits ou les conduits de chemin es justifiant ainsi le cadrage Au centre s lance l chafaudage de la tour qui occupe en hauteur les deux tiers de l image La base de la tour est au niveau de la basilique et des coteaux La fl che se d t
11. e priv sont vuln rables Elles s ab ment au cours des d m nagements palissent la lumi re puis sont jet es Elles apparaissent occasionnellement aujourd hui dans les ventes publiques et sur Internet Conclusion Cette tude a montr que la conservation des photographies est la fois partielle et partiale Les lieux de conservation poss dent leurs propres crit res de s lection qui sont autant de sources d informations portefeuille du Service des travaux public de la mairie archives de la Commission des monuments historiques de la pr fecture archives personnelle de l architecte Abadie d p t du photographe Terpereau Ils t moignent de m thodes de travail de choix politiques de crit res esth tiques ou de strat gies d ameublement Dans chacun des cas la photographie r pond aux attentes des commanditaires et aux d sirs des consommateurs La photographie d architecture appara t alors comme un outil de pens e qui participe la construction du r el L exemple de la tour Saint Michel auquel nous avons restreint cette tude ne montre que tr s partiellement l tendue des informations que l on peut tirer de la photographie d architecture Nous avons pu reconstituer lors d analyses plus approfondies des r seaux beaucoup plus vaste d images et d imaginaires Parall lement la mise en ligne des fonds d archives il conviendrait de pouvoir acc der de telles informations sur le net A ce titre le web 2 0 semble
12. ecte ne laissera une telle production de photographies Bordeaux pour cette poque 1860 1865 Pierre Auguste Labb architecte d partemental commande des vues de ses r alisations archives d partementales institution des sourdes et muettes Charles Burguet architecte municipal reproduit les dessins de ses projets lyc e Montaigne Cependant aucun des deux n a laiss une production comparable celle d Abadie L activit de restauration et les techniques de l architecte entra nent l augmentation de la production de photographies Cette production iconographique renvoie des m thodes de travail particuli res La place qu occupe la photographie est le signe d un rapport particulier la connaissance Abadie s est form en marge du cursus acad mique traditionnel Son refus de copier des mod les antiques id alis s l am ne comme Eug ne Viollet le Duc r aliser de nombreux relev s d difices m di vaux Son dessin rigoureux et pr cis le conduit une compr hension globale des diff rents difices autant qu une connaissance pr cise des motifs d coratifs Il s agit de rendre compte de la succession des p riodes chronologiques et de la diversit des styles r gionaux AMB correspondances 3040 M 1 1 d cembre 1863 Bien que les travaux projet s soient indispensables la demande des cr dits n cessaires leur ex cution soul vera probablement une vive discussion dans le sein d
13. ent vers es dans un premier temps BNF EO 137 a 4 2 BNF EO 137 a 5 l histoire de la ville et r v lent une lecture particuli rement connot e du paysage urbain Pendant la restauration de la tour Lancelin commandite Terpereau une vue des chafaudages Comme Abadie il a une id e pr cise de ce qu il attend de la photographie Il choisit lui m me le point de vue depuis les toits et le cadrage la fl che Il fait reproduire l image 40 exemplaires et la distribue Les archives municipales conservent la commande les devis ainsi que sept tirages de cette vue Une liste jointe au devis pr cise le nom des personnes et des organismes auxquelles elles sont adress es Les personnalit s sont des membres de l administration municipale le maire Brochon son successeur en 1867 Bethman l adjoint aux Travaux publics Dubreuilh le chef de division Roussane le directeur des Travaux publics Lancelin le chef de bureau Larousse l architecte de la ville Burguet un ing nieur Coureau le directeur des travaux de la tour Lambert auquel est r serv 8 photographies et d autres personnes li es aux travaux Lataste Ma tre Brunet Le Rouzic Messier Troye Parmi les organismes se trouvent la biblioth que municipale les archives municipales la Commission des monuments historiques et le portefeuille des Travaux publics Les ing nieurs tablissent ainsi leur propre culture au sein de la ville ils
14. ice des Travaux public de la ville vont utiliser la figure de l chafaudage de la tour comme un v ritable embl me La tour vue par un ing nieur Louis Lancelin 1823 1902 directeur du service des Travaux publics de la ville va doter la ville d une importante collection de photographies Ces images conserv es aux archives municipales constituent une importante source d information sur C Laroche Je suis le chirurgien p 64 68 5 Ils font d s 1843 des photographies avant travaux du ch teau de Blois pour le premier et de la cath drale Notre Dame de Paris pour le second qu ils joignent aux projets de restauration IS AMB correspondances 4015 M 4 9 juin 1865 D penses relatives aux renseignements artistiques command s par l architecte et reconnus par lui indispensables Compte Poirier photographies de l tat ancien une vue d ensemble deux photographies de d tails en tout trois clich s 240 F Compte Marville photographies du S Georges de Ch teauneuf et de la fa ade de la cath drale d Angoul me Trois clich s et voyages 500 F Estampage du cavalier de l le St Georges pr s Bordeaux compte Gaty 86 50 F Estampage F niaux compte Vidiani 152 F 1 F Loyer L historicisme dans l architecture du xIx si cle p 130 131 8 Les images collect es par l architecte porte le tampon du Centre d architecture contemporain lieu dans lequel elles fur
15. ie la plus int ressante l chafaudage de la fl che La construction occupe toute la hauteur de l image et se d tache sur un ciel vide L image montre tous les d tails de la construction aussi bien dans la diversit les poutres les poteaux les chelles que dans la pr cision les planches les cordes les barreaux d chelles La construction laisse voir les sculptures de la fl che pinacles contreforts baies L architecture de pierre semble enferm e dans une cage h riss e d l ments en bois Un tirage conserv dans le fonds Delpit de la biblioth que municipale montre un pinacle et un clocheton appartenant au portail principal de la basilique et apparaissant dans la partie inf rieure gauche de l image montrant que le photographe a pris la tour depuis l ouest Sur les autres images ces d tails ont t masqu s coupant l difice de son contexte historique et g ographique faisant de l chafaudage une v ritable ic ne Onze exemplaires de cette vue ont t rep r s aux archives municipales deux la biblioth que municipales et un aux archives d partementales Ils sont ce qui reste de la diffusion des images par les ing nieurs La seconde vue des chafaudages de la tour ne correspond pas la commande des ing nieurs Elle fait partie des images que le photographe destine au grand public La tour vue par le grand public Terpereau a outrepass la commande en proposant une autre vue de l chafaudag
16. la consommation des images par le grand public au XIX si cle la lithographie partir des ann es 1820 et la photographie partir des ann es 1860 Ainsi la maison parisienne Goupil fond e en 1827 et conserv e aujourd hui Bordeaux compte son catalogue 1719 num ros en 1847 et 4086 num ros en 1864 Elle exporte gr ce ses succursales de Berlin Bruxelles La Haye Londres et New York Cet engouement est celui de la g n ration de 1848 Celle qui aspire un art d mocratique et une ducation accessible tous Les images acquises par la foule sont des vues architecture paysage et des reproductions d uvres d art issues des salons Elles favorisent une r verie clectique o se m lent l histoire le pittoresque et l orientalisme selon les modes de l poque Chez les collectionneurs les images sont plac es dans un portefeuille labri de la lumi re Elles sont manipul es contempl es compar es class es et rang es Chez 4 AMB iconographie 5 L 3 et 5 4 BNF EO 137 16 et 26 et EO 137 a 7 et 8 2 BMB fonds Delpit XVI 51 4 Dans ce cas les images portent la mention D L et la date de r ception Jules DELPIT 1808 1892 est connu pour avoir recueilli en 1842 dans les archives de Londres les documents relatifs l Histoire de France Ces documents sont dit s par la Soci t des archives historiques de la Gironde 1859 Certains num ros sont illustr s avec des h liographie
17. ne dans J Y Andrieux dir Patrimoine et soci t Rennes Presses universitaires de Rennes 1998 p 113 120 Marin L Le portrait du roi 1994 Paris Minuit 2001 Pesenti Campagnoni D Les machines d optique comme m taphores de l esprit dans D Pesenti Campagnoni et P Tortonese dir Les arts de l hallucination Paris Presses de la Sorbonne Nouvelle 2001 p 111 139 Picon A Architectes et ing nieurs au si cle des lumi res 1988 Marseille Parenth se 2004 Recht R Le dessin d architecture Paris Adam Biro 1995 p 155 p Reni P L Une image sur un mur Bordeaux Mus e Goupil 2005 Saint Aubin J P et Baptiste G dir L architecture en repr sentation Paris Minist re de la Culture 1985 Schaeffer J M L image pr caire Du dispositif photographique Paris Seuil 1987 Schoonbaert S La voierie bordelaise au XIX si cle Paris PUPS 2007 Sicard M La fabrique du regard Paris Odile Jacob 1998 Vinegar A Panoramic photography and the restoration of the ch teau de Pierrefonds dans C Vallet dir Viollet le Duc Pierrefonds et dans l Oise Paris Editions du patrimoine 2007 p 71 80
18. on un sous chef quatre employ s Les autres services comprennent le plan de la ville un dessinateur g om tre un dessinateur adjoint la Direction des travaux de la ville un directeur Lancelin un chef de bureau deux exp ditionnaires la concession d eau un form l Ecole des ponts et chauss s remplace l architecte municipal Durand au poste de directeur des Travaux de la ville Le personnel s accro t les services se diversifient les ing nieurs prennent les postes clefs Les services municipaux se dotent d une culture de plus en plus technique qui implique une utilisation particuli re de l image Les ing nieurs de la ville contrairement aux architectes sont issus d une formation unique Ecole polytechnique puis Ecole des ponts et chauss es Au d part illusionniste carte utopique mod le classique le dessin s oriente tout au long du XIX si cle dans une direction technique et pratique qui vient compl ter une formation scientifique et th orique L aquarelle laisse la place au croquis En 1839 son enseignement est r vis par Fran ois Arago II propose une approche du motif rapide sommaire au trait Pour le dessin de cartes il s agit de pouvoir effectuer un dessin sur le terrain pied ou cheval afin d accompagner les relev s topographiques effectu s sur le terrain Pour l architecture et les machines il confie Nicolas Toussaint Charlet la r alisation de mod les Ceux ci ont un rendu
19. ous leurs yeux il est n cessaire d utiliser autrement et plus compl tement qu on l a fait jusqu aujourd hui pour cette nature de travail B Belhoste La formation d une technocratie l Ecole polytechnique et ses l ves de la R volution au Second Empire p 106 109 3 Ibid p 273 276 directement d une volution des sciences et devient ainsi le pendant du dessin technique Entre 1857 et le fin des ann es 1890 ce sont 10 000 preuves qui sont collect es et conserv es dans les fonds de la biblioth que de l Ecole Ce sont essentiellement des dons faits par les ing nieurs en poste Elles se substituent la visite d un chantier consultation et s offre comme une vitrine de l Ecole diffusion Lancelin a pris soin de constituer pour les archives de la ville une iconographie qui puisse servir ses int r ts Dans ce cadre la repr sentation de l chafaudage est bien plus efficace que l image de la tour achev e pour rendre compte de l ampleur du chantier de l effort engag Par extension cette image montre la capacit des pouvoirs publics r aliser les projets les plus ambitieux Structur e selon sa volont cette image a pour fonction de diffuser la puissance de la ville et le savoir faire des ing nieurs Terpereau r alise deux vues de l chafaudage de la tour La plus ancienne est faite avant la pose de la croix au sommet de la tour Elle montre ce que l ing nieur consid re comme la part
20. r vue par un architecte La plus ancienne photographie concernant la tour a t commandit e par Abadie dans le cadre des travaux de restaurations Cette image est la plus ancienne d architecture identifi e dans les archives publiques de Bordeaux Elle est conserv e dans les correspondances de la mairie d pos es aux archives municipales Ne faisant pas partie du fonds iconographique elle ne porte pas de cote lui permettant d tre accessible en tant qu image Elle est ins r e dans le devis de restauration de la tour commandit par le conseil de fabrique La photographie reproduit un dessin le projet de restauration L image est augment e d une s rie d indications port es l encre les mesures des diff rentes parties qui composent l difice la nature et le prix des pierres employ es Le contexte urbain est ajout au lavis au pied de la tour Deux personnages dessin s tiennent une mire pour indiquer l chelle L ombre est figur e suivant un angle de 45 pour indiquer le relief Le document est sign par l architecte et dat par lui du 7 janvier 1857 Il porte les signatures pour adoption du conseil municipal le 13 ao t 1860 du maire de Bordeaux le 15 septembre 1860 et du pr fet le 16 septembre 1860 Le nom de l auteur de l image n appara t pas Cette image est coll e en premi re page du rapport et du devis de l architecte Elle est la fois un document officiel c est elle qui porte les signatures une m thode
21. s e Cinq preuves sont conserv es aux archives municipales de Bordeaux Celles ci sont contenues dans le fond iconographique et donc rep rable en tant qu images Aucune des preuves ne porte de nom d un auteur ni de date La vue est prise du sol suffisamment loin de l difice pour limiter la contre plong e L image est d coup e de fa on cadrer troitement la tour laissant peine deviner le contexte urbain alentour Cette mise en sc ne r duite au minimum fait r f rence aux crit res du dessin technique et donne l difice l apparence qu il pourrait avoir sur un relev La bonne conservation de ces photographies et leur production en s rie supposent une commande faite par les pouvoir publics Par comparaison il ne reste que deux preuves deux vues diff rentes de la tour apr s son ach vement Aucuns documents crits concernant ces images n a t conserv cependant l glise Sainte Croix restaur e la m me poque par le m me architecte g n re le m me type d image Une vue avant travaux est r alis e par la mairie pour s assurer du bon d roulement des travaux Il s agit de convaincre les conseillers municipaux justifier les travaux aupr s des financiers et permettre le contr le des travaux par la Commission des monuments historiques L architecte utilise l image de la tour avant travaux des fins personnelles Lors de sa r ception l Acad mie 1875 il fait assembler un album regroupant
22. s de Terpereau lettres de Montaigne et de Montesquieu 45 S Bann Photographie et reproduction grav e L conomie visuelle au xIx si cle p 22 43 P L Reni Une image sur un mur p 8 9 les particuliers elles sont accroch es sur un mur le plus souvent plac es sous un cadre Le sujet et la technique sont secondaires par rapport la pr sentation La notion de s rie est tr s importante Elle facilite la t che de l acheteur et vite la faute de go t La r gle d or est la sym trie des sujets et des formats Les images accroch es aux murs des maisons ou des appartements sont associ es au placage moulures en pl tre faux marbres faux bois et participent la d coration tapisseries rideaux meubles tableaux gravures moulages C est la touche finale qui d termine la modernit et le bon go t des occupants La salle de s jour devient un facteur important de l ducation elle incarne l id al du propri taire et indique son statut social La photographie dans ce cadre s ins re dans les usages de l estampe dont elle reprend les codes L image est encadr e d une zone plus fonc e imitant la cuvette de la gravure sur cuivre La signature reprend les conventions de la lithographie Phot signifiant photographe comme Del dessinateur ou Lith lithographe Cette production s est assez peu conserv e compte tenu du volume qui a du tre produit Les images conserv es dans l espac
23. s imposent aux yeux de leurs collaborateurs et produisent les l ments de leur propre histoire La notion de portefeuille t moigne d une v ritable gestion de l image Celle ci est commandit e collect e et stock e Cet usage des images est contemporain d une r organisation des services municipaux qui s op re dans la deuxi me moiti du XIX si cle En 1845 les services comptent 15 personnes r parties en 2 services En 1867 ils comptent 37 personnes r parties en 7 services Entre temps en 1865 l ing nieur Lancelin 2 AMB correspondances 3040 M 5 9 novembre 1865 Avant que l on commence d molir le bel chafaudage du clocher S Michel je vous prie d en relever une vue photographique qui sera prise de fa on voir distinctement la hausse ce que vous obtiendrez probablement en vous pla ant sur la toiture de l glise ou bien sur les maisons du c t de la rue S Fran ois Je pense que nous pourrons avoir dans cette vue au moins depuis la naissance de la fl che jusqu au sommet C est l la partie la plus int ressante de la construction et je tiendrais en conserver la trace Vous aurez nous livrer trente exemplaires de cette vue qui vous seront pay s le m me prix que ceux des vues de la vall e du Peugue Mais avant le tirage vous voudrez bien me soumettre l preuve Notez je vous prie que l on commencera peut tre d molir l chafaudage dans le courant de la semaine prochaine Vo
24. simplifi qui donnent de l objet une connaissance suffisante sa reproduction tout en r duisant le temps de travail lors de la copie Le croquis cot est dans ce cas une technique adapt e il est simple rapide lisible Appliqu la ville le dessin doit r pondre la gestion des flux qu ils concernent l hydraulique arriv e d eau potable vacuation des eaux us es ou la voirie circulation alignement Cette nouvelle culture de l image est marqu e par la pr dominance du plan sur l l vation de la projection sur la perspective Si la photographie r tablie les lignes de fuite et n apporte aucune information quantifiable elle est cependant une machine complexe performante et moderne qui a de quoi s duire les ing nieurs Elle participe une nouvelle vision du monde issue contr leur deux inspecteurs les eaux et gouts un ing nieur des eaux un chef de bureau un conducteur des travaux d art un conducteur de la distribution d eau un dessinateur un comptable un chef m canicien un inspecteur des fontaines les travaux d architecture un architecte de la ville Burguet un inspecteur un dessinateur un garde magasin les voies publiques et les promenades un ing nieur un agent voyer un inspecteur un m treur la surveillance des constructions priv es deux inspecteurs voyer deux sous inspecteurs voyer Ibid p 645 A Picon Architectes et ing nieurs au si cle des lumi res p 145 1
25. st mauvaise le s diment est remani les couches sont perturb es ou d truites II nous reste des images sans contexte ou des textes faisant r f rence des images qui n existent plus Cet environnement permet de replacer les images dans leur contexte et de les dater c est dire de restituer les r cits et les v nements qui ont fond leur puissance La tour Saint Michel La tour Saint Michel est un difice de style gothique flamboyant construit entre 1472 et 1492 C est un campanile il est isol de la basilique dont il est le clocher La fl che de la tour fut d truite par une temp te le 8 septembre 1768 et remplac e par un s maphore Chappe Dans les ann es 1850 le conseil de fabrique souhaite redonner l difice sa destination premi re Il entreprend la reconstruction de la fl che sur ses fonds propres l aide d une souscription publique de subsides de l Etat et d un don du cardinal archev que Donnet La restauration est confi e l architecte dioc sain Paul Abadie 1812 1884 La tour redevient un des difices embl matiques de la ville par sa particularit tour isol e et sa hauteur 114 m Elle est son ach vement le 2 sommet de style gothique en France apr s Strasbourg En 1889 elle acquiert un regain de notori t lors de la construction de la tour Eiffel de nombreuses petites plaquettes montrant les plus hauts difices du monde sont dit es La tour obtient la 12 place La tou
26. tes et aux lectures des architectes des ing nieurs et du grand public Nous verrons que les usages ne sont pas toujours univoques et qu ils renvoient souvent plusieurs lectures et des lieux de conservation diff rents L image est polys mique parfois le m me b timent est photographi selon des points de vue diff rents qui renvoient des usages sp cifiques parfois des tirages issus d un m me n gatif sont lus diff remment selon le r cit qu labore chaque lecteur Dans ce cas pr cis l image n est pas seulement un document ou une illustration elle est le support d un r cit et un moyen de penser Le mode op ratoire retenu est proche de celui utilis pour la fouille arch ologique La caract ristique des archives est en effet de conserver la fois des images dessins gravures photographies et des textes correspondances d lib ration devis Ceux ci sont tr s souvent s par s lors de leur entr e dans les archives pour r pondre deux usages traditionnellement les textes servent l histoire les images servent d illustration Cependant l tude conjointe des images et des textes permet de replacer tr s souvent les uns parmi les autres de mani re leur donner sens usages lectures et imaginaires Ainsi la photographie appara t comme un objet contenu dans une stratigraphie complexe le texte tant le s diment Parfois la conservation est bonne on a les textes et les images parfois la conservation e
27. u Conseil municipal j ai pens que dans la situation des choses l administration obtiendrait plus facilement un vote favorable si le projet pr sent tait approuv par la Commission des monuments historiques 1 ADG 3Z5 1 Abadie bien qu inscrit l Ecole des beaux arts de Paris suit les cours d Achille Lecl re partir de 1832 Entre 1838 et 1844 il effectue ensuite plusieurs voyages en Normandie et ex cute de nombreux dessins au cours de ces excursions Viollet le Duc suit les cours de Lecl re entre 1830 et 1831 et voyage en Normandie en 1832 1834 et 1835 Il r alise entre 1844 et 1848 les dessins de la quasi totalit des difices romans de la Charente Ces tudes jug es remarquables par Prosper M rim e constituent une iconographie unique et in dite cette poque et pour cette r gion 5 L Baridon L imaginaire scientifique de Viollet Le Duc p 125 136 Les restaurations deviennent alors comme les constructions de v ritables cr ations faisant intervenir une profonde connaissance des structures et des styles m di vaux La photographie initi e par F lix Duban et Viollet le Duc est par sa promptitude son exactitude et son automatisme un outil pr cieux pour cet architecte Ainsi pour la restauration de l glise Sainte Croix elle est utilis e au c t du dessin et du moulage afin d acqu rir des mod les de sculptures m di vales La photographie prolonge les usages traditionnels
28. ue nationale quatre exemplaires et la biblioth que municipale un exemplaire Les archives municipales ne nous renseignent pas sur les conditions de leur d p t commande de la mairie collecte d un conservateur Celles de la Biblioth que nationale correspondent aux archives de l architecte vers es par ses descendants et aux envois du photographe dans le cadre du d p t l gal Ce d p t s applique aux graveurs mais certains photographes dans un souci de reconnaissance et de conservation de leur uvre suivent cet usage Terpereau a d pos partir de 1866 des photographies dans ce cadre Ces images sont un t moignage pr cieux sur ce que le photographe consid re comme le meilleur de sa production Nous y retrouvons les vues de la tour avec ou sans chafaudage la vue commandit e par les ing nieurs est absente Celles de la biblioth que municipale correspondent au fonds Delpit Ce fonds riche de 13 000 pi ces est compos de plans d architectes et de vues pittoresques Il a t assembl par l historien Jules Delpit qui est avec Terpereau membre fondateur de la soci t arch ologique de Bordeaux en 1873 C est donc tout naturellement qu il collecte des photographies d autant que Terpereau livre depuis 1865 des photographies la Commission des monuments historiques de la Gironde Elles sont pour beaucoup celles que l on retrouve la Biblioth que nationale Cette production t moigne de l explosion de
29. us n avez donc pas de temps perdre Distribution des photographies de S Michel 1 M le maire 1 M Brochon 1 M de Bethman 1 M Brunet 1 M Dubreuilh 1 M Le Rouzic 1 M Troye 1 M Lataste 1 M Ma tre 1 M Messier 1 M Lancelin 1 M Burguet 1 M Courau 8 M Lambert 1 Biblioth que 1 Archives de la ville 1 Portefeuille des travaux publics 1 Commission des monuments historiques 1 M Roussane 1 M Larousse 27 AMB correspondances 3040 M 2 28 novembre 1865 Fourniture de 30 preuves photographiques d une vue de l chafaudage de la tour S Michel 3 F Pune 90 00 F reporter 90 00 F Total 90 00 F et 3040 M 5 29 novembre 1865 Je vous prie de me livrer le plus vite possible dix nouvelles photographies de l chafaudage de la tour S Michel conformes celles que vous m avez d j livr es AMB iconographie 5 L 10 5 L 58 5 L 59 5 L 60 5 L 61 5 L 62 5 L 63 Le maire un contr leur un commis principal deux exp ditionnaires l architecte de la ville Durand un ing nieur hydraulique un ing nieur voyer un inspecteur des travaux un inspecteur des travaux hydrauliques un inspecteur de la voirie un conducteur des travaux d architecture un conducteur des travaux hydrauliques et de pavage un dessinateur g om tre un conservateur des plans un statuaire Voir S Schoonboert La voirie bordelaise au XIX si cle p 642 5 Le maire un adjoint aux travaux publics un chef de divisi
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