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La Boutique obscure

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1. qu une sorte de scrabble N 3 Novembre 1968 Itin raire d dale secret connu portes de coffres rondes blin d es couloirs tr s long p riple vers la rencontre puis ce m me chemin maintenant connu de tous N 4 D cembre 1968 L illusion Je r ve Elle est pr s de moi Je me dis que je r ve Mais la pression de sa main contre ma main me semble trop forte Je me r veille Elle est bel et bien pr s de moi Bonheur fou j allume La lumi re surgit un centi me de seconde puis s teint une lampe qui claque Je l enlace je me r veille je suis seul N 5 D cembre 1968 La dentiste Tout au fond d un d dale de galeries couvertes un peu comme dans un souk j arrive chez un dentiste Le dentiste n est pas l mais je trouve son fils un jeune gar on qui me demande de revenir plus tard puis se reprend et me dit que sa m re va revenir d un instant l autre Je m en vais Je me heurte une toute petite femme jolie et rieuse C est la dentiste Elle m entra ne dans le salon d attente Je lui dis que je n ai pas le temps Elle m ouvre toute grande la bouche et me dit en clatant en sanglots que toutes mes dents sont pourries mais que ce n est pas la peine de me soigner Ma bouche grande ouverte est immense J ai la sensation presque concr te d une pourriture totale Ma bouche est si grande et la dentiste si petite que j ai l impression qu elle va mettre t
2. Georges Perec La boutique obscure 124 r ves Extrait de la publication La boutique obscure DU M ME AUTEUR Ces ouvrages ont paru en premi re dition dans la collection Les Lettres Nouvelles dirig e par Maurice Nadeau Les choses Julliard 1965 Quel petit v lo guidon chrom au fond de la cour Deno l 1966 Un homme qui dort Deno l 1967 La Disparition Deno l 1969 W ou le Souvenir d enfance Deno l 1975 La boutique obscure Deno l Gonthier collection Cause com mune 1973 Chez Hachette P O L Je me souviens Les Choses communes I 1978 La Vie mode d emploi 1978 La Cl ture et autres po mes 1978 Th tre I 1981 Penser Classer 1985 Chez d autres diteurs Les Revenentes Juilliard collection Id e fixe 1972 iaie e s Galil e collection L Espace critique 1974 A ts Galil e collection Ecritures figures 1976 Un cabinet d amateur Balland 1979 Les Mots crois s Mazarine 1979 L ternit Orange Export LTD 1981 Mots crois s II P O L Mazarine 1986 Ouvrages en collaboration Petit Trait invitant l art subtil du go Christian Bourgois 1969 Oulipo Atlas de la litt rature potentielle Gallimard collection Id es 1981 R cits d Ellis Island avec Robert Bober ditions du Sorbier 1980 Traductions Harry Mathews Les Verts Champs de moutarde de l Afghanistan Deno l Les Lettres nouv
3. e bascule une des tag res de l armoire est creus e int rieurement et son couvercle se soul ve comme un couvercle de pupitre Pourtant cette cachette est jug e peu s re et je suis en train d actionner le m canisme qui la d voile afin d en retirer l argent lorsque quelqu un entre C est un officier Instantan ment nous compre nons que de toute fa on tout cela est inutile En m me temps il devient vident que mourir et sortir de la pi ce sont quivalents La troisi me s quence aurait sans doute pu si je ne l avais presque compl tement oubli e donner un nom ce camp Treblinka ou Terezienbourg ou Katowicze La repr sentation th trale tait peut tre le Requiem de Paco Les Temps modernes 196 n pp La morale de cet pisode effac semble se r f rer des r ves plus anciens On se sauve parfois en jouant N 2 Novembre 1968 Les plateaux Avec un rire que l on ne peut que qualifier de sardonique elle s est mise faire en ma pr sence des avances un inconnu Je n ai rien dit Devant son insistance j ai fini par quitter la pi ce Je suis dans ma chambre avec A et avec un ami de rencontre qui j apprends jouer au go Il semble comprendre le jeu jusqu au moment o je me rends compte qu il croit tre en train d apprendre jouer au bridge En fait le jeu consiste distribuer des plateaux de lettres plut t une sorte de loto
4. e bout du compartiment Soudain je sens que quelque chose quelqu un me passe doucement la main dans les cheveux Je suis effray Je hurle Ce n est certainement pas la femme qui a l air encore ffray veill e que moi plus e Extrait de la publication Georges Perec La boutique obscure Il existe une troublante relation entre le r ve et l criture le surr alisme l avait pressenti Freud l a exp riment Chez Georges Perec le cheminement onirique prend la forme d actions multiples de sc narios de matrices de contes de r cits de films figures qui ne doivent rien la rh torique et tout une logique de la nuit qui peut tre est notre logique Cette parole nocturne se d veloppe de page en page avec une intensit que la plupart des romans actuels ne poss dent plus Bien diff rente de celle qui le conduisit aux Choses ou un exercice de style comme La Disparition ou encore son roman picaresque La Vie mode d emploi la d marche de Georges Perec ici d couvre une forme d criture nouvelle et sugg re au moment o l expression traditionnelle doute d elle m me un mode d criture in dit et d une inqui tante intensit Dans un commentaire terminal Roger Bastide montre comment depuis l tablissement de la psychanalyse les r ves renvoient aujourd hui une nouvelle r alit une figure logique jusque l inconnue
5. elles 1975 Harry Mathews Le Naufrage du stade Odradek Hachette P O L 1981 Georges Perec La boutique obscure 124 r ves En application de la loi du 11 mars 1957 il est interdit de reproduire int gralement ou partiellement le pr sent ouvrage sans l autorisation de l diteur ou du Centre fran ais d exploitation du droit de copie by ditions Deno l 1973 73 75 rue Pascal 75013 Paris ISBN 2 207 23481 9 B 23481 4 pour Nour puisque je pense que le r el n est r el en rien comment croirais je que les r ves sont r ves Jacques Roubaud et le Moine Saigy Extrait de la publication Tout le monde fait des r ves Quelques uns s en souviennent beaucoup moins les racontent et tr s peu les transcrivent Pour quoi les transcrirait on d ail leurs puisque l on sait que l on ne fera que les trahir et sans doute se trahira t on en m me temps Je croyais noter les r ves que je faisais je me suis rendu compte que tr s vite je ne r vais d j plus que pour crire mes r ves De ces r ves trop r v s trop relus trop crits que pouvais Je d sormais attendre sinon de les faire devenir textes gerbe de textes d pos e en offrande aux portes de cette voie royale qu il me reste parcourir les yeux ouverts Dans la mesure o j ai recher ch une certaine homog n it dans la transcription puis dans la r daction de ces r ves il ne me semble
6. isais inlassablement le m me r ve comme si je ne faisais jamais d autre r ve comme si je ne faisais jamais rien d autre que de r ver de ce camp Il est bien vident que cette menace de la toise suffit d abord concentrer en elle toute la terreur du camp Ensuite il appara t que ce n est pas si terrible D ail leurs j chappe cette menace elle ne se r alise pas Mais c est pr cis ment cette menace vit e qui consti tue la preuve la plus vidente du camp ce qui me sauve c est seulement l indiff rence du tortionnaire sa libert de faire ou de ne pas faire je suis enti rement soumis son arbitraire exactement de la m me fa on que je suis soumis ce r ve je sais que ce n est qu un r ve mais je ne peux chapper ce r ve La seconde s quence reprend ces th mes en les modifiant peine Deux personnages dont l un est tr s certainement moi m me ouvrent une armoire dans laquelle ont t pratiqu es deux caches o sont entas s es les richesses des d port s Il faut entendre par richesses tous objets susceptibles d augmenter la s curit et les possibilit s de survie de leur possesseur qu il s agisse d objets de premi re n cessit ou d objets poss dant une valeur d change La premi re cache contient des lainages norm ment de lainages vieux mit s et de couleurs ternes La seconde cache qui contient de l argent est constitu e par un m canism
7. oute sa t te dans ma bouche Plus tard je cours dans les galeries marchandes J ach te un r chaud gaz trois feux qui co te 26 000 francs et un r frig rateur de 103 litres N 6 Janvier 1969 L adieu Un jour je lui dirai que je l abandonne Elle appel lera presque imm diatement sa fille au t l phone pour lui dire qu elle n ira pas Dampierre Pendant le temps de la conversation t l phonique son beau visage se d composera N 7 Janvier 1969 Sur mes vieux jours Bien que tu aies la certitude d tre encore jeune tu ne dois plus l tre tellement puisque d j deux de tes plus Chers amis sont morts et qu un troisi me est en train de mourir Cela ressemblait ces lettres de Flaubert Nous avons enterr Jules ou bien est ce Edmond Qui taient ces deux morts L un des deux n est il pas Claude R gis N 8 Septembre 1969 Dans le m tro Apr s ce qui fut peut tre d innombrables aventures je parviens remonter dans le train au moment o il s appr te d marrer alors que les porti res noires et mates sont d j en train de se fermer automatiquement Le compartiment est long et troit Il est presque vide Il y a seulement de l autre c t du wagon une femme immens ment grande qui est allong e sur plusieurs si ges non pas en travers mais le long du wagon ses pieds tant approximativement ma hau teur et sa t te presque l autr
8. pas inutile de donner ces quelques pr cisions sur la typo graphie et la mise en page l alin a correspond un changement de temps de lieu de sensation d humeur etc res senti comme tel dans le r ve l emploi de l italique qui ne peut tre qu exceptionnel signale un l ment du r ve parti culi rement marquant la plus ou moins grande paisseur des blancs entre les paragraphes voudrait corres pondre la plus ou moins grande importance de passages oubli s ou ind chiffrables au r veil le signe signale une omission volontaire N 1 Mai 1968 La taille La taille dont le nom m chappe m tronome perche o devoir rester ad lib plusieurs heures Comme de bien entendu L armoire les deux caches La repr sentation th trale L humiliation L arbitraire C est une pi ce avec plusieurs personnes Il y a dans un coin une toise Je me sais menac de devoir passer plusieurs heures dessous c est une brimade plut t qu un v ritable supplice mais extr mement inconfor table car rien ne retient le haut de la toise et force on risque de rapetisser Comme de bien entendu je r ve et je sais que je r ve comme de bien entendu que je suis dans un camp Il ne s agit pas vraiment d un camp bien entendu c est une image de camp un r ve de camp un camp m taphore un camp dont je sais qu il n est qu une image famili re comme si je refa

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