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SHINING

1. Easy Rider Dennis Hopper 1970 Melinda Vincente Minnelli 1974 Chinatown Roman Polanski 19715 Profession Reporter Michelangelo Antonioni 1975 Vol au dessus d un Nid de Coucou Milos Forman 1976 Missouri Breaks Arthur Penn 1976 Le Dernier Nabab Elia Kazan 1980 Shining Stanley Kubrick 1980 Le Facteur Sonne Toujours Deux Fois Bob Rafelson 1985 L Honneur des Prizzi John Huston 1989 TBa man Tim Burton 1992 Des Hommes d Honneur Rob Reiner 1994 Wolf Mike Nichols 1995 Crossing Guard Sean Penn 1006 Mars Attacks Tim Burton 1997 Pour le Meilleur et le Pire James L Brooks 2000 The Pledge Sean Penn 2005 The Departed Martin Scorsese OUVERTURE P DAGOGIQUE 2 Le personnage de Jack n est pas mono lithique IL est hant par diff rents registres et r les Jack Nicholson en effet incarne tour tour la mont e cli nique de la folie comme dans Vol au dessus d un nid de coucou les terreurs enfantines on reconna t le grand m chant loup des contes et des cartoons lorsqu il force sur l expressivit bouf fonne la bestialit r gressive lorsqu il d ambule simiesquement dans les cou loirs empruntant peut tre aux canons du cin ma d horreur des ann es 70 fix s par Tobe Hooper ou Wes Craven Il est aussi un pur esprit un crivain en lutte avec sa n cessaire parano a et pris dans les rets de son imaginaire Creusant ainsi la distance avec ses per sonn
2. STANLEY KUBRICK SHINING par Cyril Neyrat CAHIERS LYC ENS AU CIN MA CINEMA CAHIERS CINEMA Be ME PT on dE bit re g i E E 8 DITORIAL armi les films d pouvante rares sont ceux dont l pais seur de myst re reste intacte pass e la surprise d une pre mi re vision Si Shining est de ceux l c est par la mani re dont Stanley Kubrick inscrit les proc d s connus de la peur dans une logique souterraine plus complexe une angoisse plus tenace Spectaculaire et subtil grand public et exp rimental ce film est exemplaire d un cin ma plusieurs vitesses capable d in vestir en m me temps diff rents territoires D abord le genre Kubrick traverse l histoire du cin ma fantastique en reprend les figures pour les porter un niveau d efficacit qu elles n ont jamais eu Ensuite le cin ma moderne au del du genre Shining s inscrit dans une filiation plus large celle de films cherchant lib rer le r cit des conventions de la progression lin aire Troisi me niveau le plus th orique l analyse de Shining met jour une fiction sur le cin ma comme machine projeter des cofps images dans un espace temps labyrinthique DIRECTEUR DE PUBLICATION V ronique Cayla PROPRI T CNC 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 t l 01 44 34 36 95 www cnc fr DIRECTEUR DE COLLECTION Jean Douchet R DACTEUR EN CHEF Emmanuel Burdeau COORDINATION DITOR
3. nulle panique nulle urgence dans ces souples ondulations mais le sentiment d une fatalit de la rencontre de l accomplissement d un pro gramme Tout en plongeant le spectateur au c ur de la poursuite le steadicam len loigne il la met distance comme un spectacle chor graphi D une part l espace gagne en visibilit et acquiert une lasticit qui en fait la mati re m me de la relation physique et psychologique entre les personnages D autre part les plans subjectifs ne le sont jamais exactement le mouvement du cadre d borde le regard des protagonistes Dans Shining cet cart s inscrit dans la logique de l laboration l chelle du film d un point de vue dominant les personnages d une instance ma tresse du jeu et de sa r p tition Le Loup garou de Londres POINT TECHNIQUE Le steadicam e steadicam est un syst me de stabilisation de l image pour cam ras port es Son invention s inscrit au croisement de deux volutions techniques le d veloppement des cam ras port es plus l g res et maniables et celui d une machinerie permettant la r alisation de mouve ments stables et complexes dans les trois dimensions Le steadicam modifie la relation de l op rateur la cam ra dans le double sens appa remment contradictoire d une plus grande fusion l op rateur fait corps avec la cam ra devenue une proth se et d une d solidari sation accrue la c
4. re ne distingue des vivants Pour le narrateur du roman il ne fait d a bord aucun doute que ces tres sont aussi r els que lui Les pre mi res r p titions ne le perturbent pas davantage Il en conclut sim plement que dans la vie comme au th tre les sc nes se r p tent Quant l improbable insistance de ses voisins ne pas le voir il l in t gre son sc nario parano aque ils font semblant ils lui tendent un pi ge en attendant l arriv de la police Cette non r ciprocit de la vue marque pourtant la limite des images de Morel par rapport celles de Kubrick elles ne vivent pas condamn es r p ter le pr sent enregistr sans pouvoir interagir avec le temps de leur retour Elles habitent le monde y p sent mais ne le touchent pas comme Grady touche la veste de Jack A la sortie de L Ann e derni re Marienbad certains critiques avaient rapproch le film de Resnais du roman de Bioy Casares L Invention de Morel fait figure d arch type narratif d une g n alogie filmique qui passe par Shining Il t moigne aussi inversement de Pin fluence de l imaginaire cin matographique sur la litt rature du XXe si cle La reproduction m canis e nouvelle donne technique de l art conduit les crivains renouveler les figures du fantastique les fant mes projet s par la machine de Morel sont les descendants de La V nus d Ile de M rim e et d autres statues anim es Comme les c
5. triques travelling arri re de face avant de dos Sym trie report e l int rieur du second plan 4 Danny et Wendy tant contraints au demi tour par un cul de sac dead end en anglais comme pour annoncer la mort de Jack en ce m me lieu Le double d doublement accentue l impression d enfermement produite par les hautes haies sombres Un fondu encha n fait retour Jack pass entre temps du salon Colorado au hall d entr e de l h tel 5a Cette figure de montage a pour fonction habituelle de figurer un saut dans le temps Kubrick l utilise ainsi plusieurs reprises au d but de Shining Aucune ellipse ici au contraire le montage fait alterner deux actions simultan es D tourn de son usage d une lenteur inhabituelle le fondu encha n acquiert une puissance expressive L encha nement des plans fait appara tre une troisi me image qui surimprime les corps et les d cors Le dos massif de Jack se superpose aux petites silhouettes de Danny et Wendy image possible mais trompeuse de sa force et de leur faiblesse La fusion des parois vertes et des colonnes orange produit un espace mixte dedans et dehors indiff renci s Overlook comme vaste labyrinthe Fausse piste Apr s s tre d barrass de la balle 5b Jack se dirige vers la maquette rectangulaire En trois plans Kubrick r sume le film 6 au travelling avant chaloup succ de un plan fixe frontal de l crivain
6. Jack qui menace de lui clater la cervelle D un coup de batte sur la t te elle le pr cipite au bas de l escalier 25 Wendy enferme Jack inconscient dans le garde manger Devant son refus de le lib rer il lui annonce qu elle ne pourra pas fuir car il a sabot la radio et le srowcat 26 Grady lib re Jack apr s lui avoir fait promettre d liminer Danny et Wendy Halloran approche de l h tel en snow cat 27 Danny dans un tat second marche dans la chambre de ses parents en r p tant redrum Il crit ce mot sur la porte de la salle de bains Ses cris r veillent Wendy qui lit le mot invers dans le miroir murder 28 Jack d fonce la porte de la chambre coups de hache Wendy se r fugie dans la salle de bains et fait sortir Danny par la fen tre Jack perce une ouverture dans la porte de la salle de bains mais n entre pas surpris par le bruit de l arriv e du snowcat 29 Danny se cache dans un placard du rez de chauss e Jack parcourt l h tel en boitant la recherche de ses proies Halloran entre dans l Overlook 30 Halloran cherche les Torrance Cach derri re une colonne Jack le tue d un coup de hache Danny per oit le meurtre distance et hurle de terreur Jack l aper oit et se lance sa poursui te Errant dans l h tel Wendy rencont re d tranges fant mes 31 Danny court en direction du laby rinthe Jack se lance sa poursuite 32 Wendy
7. Overlook pour enclencher le processus d accomplisse ment du programme 9 Danny et Wendy comme toujours centr s dans le cadre contemplent la sym trie imposante du c ur du labyrinthe Rien ne laisse pr sager que cet espace plut t d gag et accueillant deviendra le pi ge fatal Jack Rien si ce n est le mouvement lui m me inter rompu par le carton repris d s le plan suivant par la voiturette de Danny Tout le film est l image de cette s quence vident et ambigu massif et subtil Double jeu d un cin aste qui d ploie la plus souveraine des mises en sc ne pour d montrer qu se croire souverain on risque de finir esclave ATELIER 1 Au centre de cette s quence un raccord fascinant suscite un trange effet de miniaturisation des per sonnages et des espaces sous le regard d un Jack d miurge tout puis sant Il s agit de celui qui lie Le plan sur Jack pench sur un mod le r duit du labyrinthe 7 et le plan z nithal sur le labyrinthe r el o Danny et Wendy se prom nent 8 Ce n est pas le seul passage o le film travaille vertigi neusement ce proc d swiftien du changement d chelle et de la dupli cation On peut chercher les occurrences les plus marquantes de ce ph nom ne qui fait de Shining un grand film sur le pouvoir du Regard la fois Emprise et Cr ation On retient ainsi la s quence chap 14 o Danny joue avec ses petites voitures sur les motifs g o m triques d
8. c dent gardien y a massacr sa famille il d cide malgr tout de s y installer avec sa femme Wendy et son fils Danny Ce dernier poss de le shining un don qui lui permet de voir des images du pass et de pressentir lavenir Tandis que le manque d inspiration excite les nerfs de Jack Danny rencon tre des tres inqui tants fant mes du pass Contrairement son fils Jack soumis l emprise des lieux ne s effraie pas de ces apparitions Lune d elles le convainc d liminer sa famille Au terme d une course poursuite dans le labyrinthe v g tal qui jouxte l h tel Danny chappe son p re et prend la fuite avec sa m re Jack meurt congel prisonnier de l Overlook SHINING The Shining tats Unis 1980 INTERPR TATION R alisation Stanley Kubrick Sc nario Stanley Kubrick Diane Johnson d apr s le roman Jack Torrance Jack Nicholson homonyme de Stephen King Wendy Torrance Shelley Duvall Danny Torrance Danny Lloyd Dick Halloran Scatman Crothers Stuart Ullman Barry Nelson Grady Philip Stone Lloyd Joe Turkel Jumelles Grady Lisa et Louise Burns Jeune femme dans la baignoire Lia Beldam Vieille femme dans la baignoire Billie Gibson Image John Alcott Op rateur Steadicam Garrett Brown Son Ivan Sharrock Montage Ray Lovejoy D cors R
9. d couvre le cadavre de Halloran et croise un autre fant me Pour chapper son p re Danny inter rompt sa course et se cache derri re une haie du labyrinthe Wendy voit l ascen seur d verser des flots de sang 33 La ruse de Danny fonctionne Jack perd sa trace Le gar on rejoint sa m re devant l h tel Tandis que Jack hurle la mort prisonnier du labyrinthe Danny et Wendy s enfuient en snowcat 34 Jack s effondre puis Il meurt congel dans le labyrinthe Dans l h tel un dernier travelling montre une photo graphie accroch e au mur Jack au milieu de clients en tenue de soir e Le clich porte une l gende Overlook h tel July 4th Ball 35 G n rique de fin ANALYSE DU R CIT Programme accompli e r cit de Shining d joue les attentes des amateurs de fantastique Il ne se pr sente pas comme le d voilement progressif d un myst re mais comme l accomplissement pr visible d un programme Pas d ouverture effrayante au contraire les deux premiers chapitres indiqu s par des cartons constituent une longue exposition en deux temps Premier temps exposition de l enjeu dramatique L entretien d embau che permet Kubrick d annoncer le programme par la voix du directeur de l h tel la possible r p tition d un massacre Parall lement Danny est pr sent d embl e comme poss dant le don de pressentir le caract re mal fique de l h tel D s ce pr
10. de la r daction des Cahiers du cin ma Il se partage entre des parties informatives et d autres plus strictement analytiques L accent y est port sur la pr cision des rubriques dans la perspective de d gager chaque fois des cadres diff rents pour la r flexion et pour le travail r cit acteur s quence ou encore encha nement de plans arch ty pes de mise en sc ne point technique rapports du cin ma avec les autres arts etc Vari t des vitesses et des angles d approche s il veille la coh rence le discours ne saurait viser l unicit De m me l ventail de ses registres critique historique th orique ne pr tend pas offrir une lecture exhaustive du film mais propose un ensemble d entr es la fois locales et ouvertes afin que ce livret puisse tre pour le professeur un outil disponible une diversit d usages Signal par les zones gris es r dig par un enseignant agr g le deuxi me niveau concerne la p dagogie proprement dite Il se d coupe lui m me en deux volets Le premier est constitu d Ouvertures p da gogiques directement d duites du texte principal le second d Ateliers dont l objectif est de proposer des exercices impli quant la participation des l ves SYNOPSIS mbauch pour entretenir pendant l hiver l h tel Overlook perdu dans les Rocheuses Jack Torrance souhaite profiter de l isolement pour crire un livre Averti qu un pr
11. dien de Hollywood aujourd hui l gal des plus grands acteurs de composition du pass comme Spencer Tracy ou James Cagney En 1980 Nicholson est un des acteurs les mieux pay s d Hollywood Ses d buts ne le pr disposaient pourtant pas une telle gloire N en 1937 arriv dix sept ans Los Angeles il multiplie les petits boulots et appara t dans des s ries t l Premier tournant en 1958 Roger Corman le c l bre producteur et r alisateur de s rie B le prend sous contrat Pendant dix ans Nicholson apprend le m tier dans la galaxie Corman il joue collabore aux sc narios et participe la production de films petits budgets dont L Ouragan de la vengeance 1965 et The Shooting 1967 westerns modernes de Monte Hellman En 1969 il remplace au pied lev un acteur dans Easy Rider de Dennis Hopper et le triomphe inattendu du film marque les d buts de sa c l brit Dans la d cennie suivante il tourne avec les plus grands Roman Polanski Chinatown 1975 Michelangelo Antonioni Profession Reporter 1975 Arthur Penn Missouri Breaks 1976 Sa performance dans Vol au dessus d un nid de cou cou de Milos Forman lui vaut son premier oscar en 1976 il en obtiendra trois le dernier pour son r le dans Pour le meilleur et pour le pire James L Brooks 1997 Flamboyant jusqu l exc s usant de la grimace et du geste le jeu de Nicholson convient bien au cin ma spectaculaire de Kubrick Le
12. film commence d s le g n rique et s ach ve au dernier plan lorsqu un ultime travelling avant r v le l enfermement dans le temps cir culaire de l Overlook Le r seau des travellings qui semblent premi re vue se mouvoir chelle humaine fait circuler dans l h tel l id e sensible d une pr sence monstrueuse bigger than life d un regard surpuissant Au cin ma la forme du mouvement d termine aussi celle du temps ici un temps fluide continu L interruption du travelling peut advenir selon deux modes ou bien dans le plan par immobilisation amortie de la cam ra sur un cadre fixe ou bien brutalement par montage cut Dans le premier cas le mouvement m ne un corps dans un lieu pr cis Danny vers la chambre 237 par exemple lieu interdit centre inqui tant du labyrinthe int rieur Dans le second cas au contraire le mouvement autonome semble devoir se prolonger sans fin ni raison A la temporalit humaine du premier s oppose un temps m canique le temps circulaire infini de l h tel Overlook Une s rie de travellings s est impos e comme l image embl matique du film les explorations de l h tel par Danny sur sa voiturette Pourquoi ces plans fascinent ils Peut tre comme l crit Michel Chion parce que le son des roues sur le sol apporte une sensation concr te dans un film o tout est si abstrait et parce qu ils font passer au moins une fois la magie de l enfan
13. ima ges et de leur diff rence Une exploration des limites fragiles contre les quelles s appuie l existence quotidienne r el ou illusion vie ou mort etc OUVERTURE P DAGOGIQUE 1 Qui voit quoi dans Shining Impossible d oublier ici que l cran est par essence un fantasme actua lis une vision rapporter une conscience organisatrice Le monde est ma repr sentation cette maxime du philosophe Arthur Schopenhauer gouverne tout le petit monde de l Overlook Hotel le bien nomm Shining peut se lire comme une lutte pour la conqu te du point de vue omniscient La concurrence que se livrent Jack le Pater fami lias et son fils dou d un pouvoir de t l vision est celle pour la ma tri se du champ et du hors champ Ainsi le film m nage des ambigu t s et des rivalit s de point de vue entre les personnages eux m mes mais aussi entre les personnages et des instances sup rieures Esprits Narrateur Auteur Revoyons par exemple la s quence de shining d Halloran au chapitre 18 qui emboi te diff rents points de vue ceux d Halloran de Danny de Jack ou encore d une myst rieuse instance pour comprendre que les focalisa tions du film sont hant es dou bl es par un Autre Regard ACTEUR PERSONNAGE Jack Nicholson l ironie et le masque orsqu on demandait Kubrick pourquoi Jack Nicholson sa r ponse tait sans nuance C est sans doute le plus grand com
14. petit d jeuner Jack endormi Chapitre 13 37mn25s Danny retrouve son p re prostr sur son lit Chapitre 27 1h33mn29s le mot Murder lu par Wendy dans le miroir prend la place du corps de Jack et annonce son assaut imminent La m tamorphose est achev e Le Loup garou de Londres John Landis 1981 ATELIER 3 Traque et poursuite dans Shining peuvent se comprendre comme la manifestation d un motif plus large celui du th me indien L action du film ne se d roule pas impun ment sur le territoire du Colorado Suivons cette piste avec les l ves Le cimeti re indien sur lequel se tient l h tel les d corations du salon Colorado rappelant les tipis tra ditionnels les coupes de cheveux des per sonnages et certains v tements surtout chez Wendy les paysages du g n rique survol s comme par un Esprit des lieux tous ces l ments font affleurer de mani re persistante l me indienne comme si le thriller gothique n tait que le retour du refoul du western et de la mauvaise conscience du Blanc Une caisse de r sonance d ordre politique est ainsi discr tement offerte au fantastique le spectre errant est d abord celui dont le peuple a t d racin ou extermin La question importait Kubrick dont l un des projets ult rieurs non abouti fut Aryan Papers sur les camps d extermination nazis FIGURE Infernales poursuites a figure de la poursuite n est pas sp cifique au ge
15. plans fixes d ensemble la profondeur de champ creuse l espace dans la troi si me dimension Davantage que de cadre il faudrait parler de cube et de mise en bo te plus que de mise en sc ne La g om trie du visible s appuie bien s r sur celle du d cor d coup en angles droits couloirs tables tapis photos accroch es aux murs Mais il faut un certain type de cadrage frontal et large pour la redoubler et l accentuer Troisi me choix d cisif solidaire du pr c dent le centrage des corps dans le cadre Que les plans soient fixes ou en mouvement les personnages entrent ou sortent rarement du champ le plus souvent pingl s au centre de l image comme des animaux captifs d un pi ge ou des cibles dans un viseur Observons le travelling lat ral de la visite guid e du Colorado Lounge chap 6 Les personnages sortent de l ascenseur et marchent vers la gauche Le mouvement de cam ra commence lorsqu ils sont arri v s au centre du champ l intersection des quatre diagonales du cube et veille ce qu ils ne quittent pas ce point pr cis G om trie qua drangulaire du cadre centrage des personnages constitution d un espace d enfermement La forme sp cifique du labyrinthe v g tal impose d elle m me ce type de mise en sc ne La r p ter dans l h tel c est int grer celui ci au d dale Sortir du miroir L id e de sym trie convoque imm diatement celle de reflet de d doublement Lor
16. pleine mesure de ses pos sibilit s esth tiques et que s impose l effet steadicam Ce proc d a fait appara tre au cin ma une nouvelle qualit de mouve ment libre stable continu et changeant la fois La cam ra devient un il qui explore se faufile dans les d cors tourne autour des corps et des objets Premi re cons quence le steadicam permet la mise au point de parcours complexes film s en plan s quence au d but de Casino Martin Scorsese 1995 visite des coulisses du Tangiers ou cas extr me L Arche Russe Alexandre Sokourov travers e en un seul plan d une heure trente du Mus e de L Ermitage Saint P tersbourg Deuxi me effet le d veloppement de la vision subjective celle d un chat dans Deux yeux mal fiques Dario Argento 1990 ou d un loup garou dans le film de Landis analys pr c demment Enfin la parfaite immobilit tant tr s difficile atteindre en raison du flottement de la cam ra certains cin astes utilisent aussi le steadicam pour affecter le plan fixe d une l g re oscillation ainsi du champ contrechamp inquiet dans le restaurant Winkies juste avant l apparition du monstre de Mulholland Drive David Lynch 2002 Aujourd hui de nombreuses productions ont recours au steadicam pour de simples raisons conomiques la lib ration du mouvement permet de gagner du temps et de l argent La t l vision use et abuse du proc d pour tourner t l films s rie
17. vist bilit selon Kubrick Presses universitaires de Vincennes coll Esth tiques 1987 Deux pages d un livre Gilles Deleuze Cin ma 2 L image temps Paris Ed de Minuit 1985 p 267 268 Analyse lumineuse sous l angle de la relation du cin ma au cerveau 2 SUR SHINING Critiques parues la sortie du film Jean Pierre Oudart Les inconnus dans la mai son Cahiers du cin ma n 319 janvier 1981 La critique lire absolument Suivi d un entre tien avec Kubrick sur le film Le texte d Oudart a t r dit dans l antholo gie Th ories du cin ma Paris d Cabiers du cin ma coll Petite Biblioth que des Cahiers du cin ma 2001 Jean Loup Bourget Le territoire du Colorado Positif n 234 septembre 1980 Alain Masson L indiff rence et le go t Positif n 238 janvier 1981 Etudes parues ult rieurement Deux textes parus dans l ouvrage collectif Le cin ma en d tails Poitiers La Licorne 1998 Gilles Menegaldo La mise en sc ne du d tail dans La F line et Shining Vann Roblov Stanley Kubrick et les Indiens Un article de revue Cyril Neyrat Errance dans les ruines circulai res Vertigo hors s rie Projections baroques 2000 Comparaison autour du motif du labyrinthe de Shining L Ann e derni re Marienbad et Ivan le Terrible S M Eisenstein 1945 Cette tude approfondit certains d veloppe
18. vues a riennes d une voi ture roulant dans la montagne 2 Jack est re u pour un entretien d em bauche dans le bureau du directeur de l h tel Le directeur pr vient qu un pr c dent gardien a sombr dans la folie et massa cr sa famille 4 Des visions sanglantes avertissent Danny des dangers venir Jack confir me Wendy par t l phone qu il est embauch 5 Jack Wendy et Danny discutent sur le trajet de Overlook Jack se montre agac et sarcastique 6 Tandis que le directeur de l h tel fait visiter son tablissement au couple Torrance les jumelles Grady apparais sent Danny dans la salle de jeux 7 Danny communique avec Halloran par t l pathie Ce dernier explique au gar on la nature de son don le shi ning et lui interdit de s approcher de la chambre 237 8 Danny explore l h tel sur sa voituret te Apr s le petit d jeuner Jack doit se mettre au travail mais l inspiration sem ble lui manquer Pendant ce temps Danny et Wendy jouent se poursuivre dans le labyrinthe v g tal 9 Au cours d une de ses explorations Danny tente d entrer dans la chambre 237 mais la porte est ferm e Les jumel les lui apparaissent en un flash Wendy interrompt Jack dans son travail d cri ture furieux il la chasse violemment 10 Tandis que Wendy et Danny jouent dans la neige Jack donne des premiers signes de d rangement mental 11 Jack apparemment inspir tap
19. IALE ET CONCEPTION GRAPHIQUE Antoine Thirion AUTEUR DU DOSSIER Cyril Neyrat R DACTEUR P DAGOGIQUE Renaud Ferreira CONCEPTION ET R ALISATION Cabiers du cin ma 12 passage de la Boule Blanche 75012 Paris t l 01 53 44 75 75 fax 01 53 44 75 75 www cahiersducinema com Les textes sont la propri t du CNC Publication septembre 2005 Dossier ma tre et fiche l ve sont la disposition des personnes qui participent au dispositif sur www lyceensaucinema org SOMMAIRE DITORIAL SYNOPSIS MODE D EMPLOI LE R ALISATEUR Du monumental pour les masses GEN SE Le contr le et l intuition DOCUMENT DE TRAVAIL CHAPITRAGE ANALYSE DU R CIT Programme accompli POINT DE VUE PARTI PRIS Le fantastique c ur du cin ma OUVERTURE P DAGOGIQUE 1 ACTEUR PERSONNAGE Jack Nicholson l ironie et le masque OUVERTURE P DAGOGIQUE 2 MISE EN SC NE Construction d un labyrinthe D FINITION OUVERTURE P DAGOGIQUE 3 ANALYSE DE S QUENCE Tes est pris qui croyait prendre ATELIER 1 12 3 D ici l ternit ATELIER 2 FIGURE Infernales poursuites ATELIER 3 POINT TECHNIQUE Le steadicam ATELIER 4 PROLONGEMENT P DAGOGIQUE LECTURE CRITIQUE FILIATION ASCENDANCE Trois d dales deux formes de la r p tition PASSAGES DU CIN MA La vie des images S LECTION BIBLIOGRAPHIQUE EN LIGNE PHoTos MODE D EMPLOI Ce livret est d coup en deux niveaux Le premier est Le texte principal r dig par un membre
20. Terminale L rela tif l adaptation du Proc s de Kafka par Orson Welles Depuis trois ans il est membre du Jury de l Agr gation interne de Lettres Modernes en charge du programme de cin ma CAHIERS CNC
21. ages Nicholson met en ab me le travail m me de l acteur comme une possession consentie Ainsi lors de la sc ne inaugurale de l entretien d em bauche qui peut tre vue comme un casting le r le tenir est clairement indiqu Jack D FINITION S Mise en sc ne est une notion ambivalente dont l emploi recouvre g n ralement trois significations compl mentaires mais bien distinctes La premi re est tir e de l origine th trale de l expression mise en sc ne signifie alors une certaine mani re de disposer entr es sorties d placements des corps et organisation des d cors dans un espace donn au th tre la sc ne au cin ma le champ La seconde est un transfert sc nique de cette origine vers le cin ma seul la mise en sc ne serait le langage l criture propre au cin ma la preuve de son existence en tant qu art La troisi me est un autre d centrement de cette origine cette fois moins vers l art du cin ma que vers ses artistes mise en sc ne d signant dans ce cas les moyens par lesquels un cin aste imprime sa marque aux films qu il tourne une affirmation de singularit un effet de signature en somme MISE EN SC NE Construction d un labyrinthe bsente du roman de King principale invention de Kubrick et de sa sc nariste la poursuite finale dans le labyrinthe enneig constitue l aboutissement d une mise en sc ne concentr e vers un objectif la tra
22. am ra est moins sensible aux mouvements de l op ra teur Le dispositif est constitu de plusieurs l ments Une veste r partit le poids de la cam ra sur les paules le dos et les hanches Un bras stabili sateur accroch la veste amortit les chocs Une colonne verticale sur laquelle est fix e la cam ra la stabilise gr ce un contrepoids et permet de d placer son centre de gravit Situ au niveau de celui ci un cadran permet de la faire pivoter Une batterie donne l autonomie n cessaire aux longs travellings Enfin un moniteur permet l op rateur de suivre ce que la cam ra enregistre sans regarder travers le viseur Sa manipulation exige la fois force physique pour supporter le poids et d licatesse pour contr ler le cadre que le moindre mouvement de la main suffit d placer Avant d tre op rateur steadicam sur Shining Garrett Brown en a t avec Jack Hauser l inventeur en 1973 Il Pa utilis pour la premi re fois sur le tournage d une publicit pour suivre en courant une bande d enfants Le premier long m trage ayant recours au steadicam fut En route pour la Gloire Hal Ashby 1976 La m me ann e deux autres films Op rateur steadicam suivant la course de Wendy dans le salon de l Overlook marquent ses d buts Rocky John G Avildsen o Brown suit le boxeur pendant ses footings et Marathon Man John Schlesinger Mais c est avec Shining que le syst me donne la
23. ants une femme qui le fascine Il tombe amoureux de Faustine commence l pier s int resser la vie de ces gens qui sans raison ne cessent d ap para tre Son trouble augmente lorsqu il comprend un jour que certai nes sc nes se r p tent devant ses yeux De plus malgr son espionna ge permanent personne ne semble faire attention lui ni m me le voir Il assiste une sc ne qui d voile le myst re Morel propri taire de l le annonce ses invit s qu il a enregistr leur vie depuis huit jours Il a invent une machine sorte de super cin ma qui parvient conserver l image parfaite de la vie pour la projeter ensuite ternelle ment dans l espace r el Le narrateur comprend que Faustine n est qu une image Ne sachant pas si elle vit encore ailleurs il d cide de la rejoindre sur l le de devenir image en se laissant enregistrer par la machine L Overlook cache en son sein une machine de Morel Monstre de cin ma l h tel est la fois la cam ra le projecteur et la salle Commentant son uvre Morel se r f re explicitement au cin ma auquel il reproche d avoir conserv les images de fa on fort imparfaite Faiblesse par lui corrig e rien ne distingue plus les corps r els de leur image enregistr e Parfaite identit de la vie et de sa copie des vivants et des morts En 1980 c est l apport de Kubrick au genre des fant mes qu aucun manque d esprit ou de mati
24. barman Lloyd Jack ne manifeste aucune surprise car il vit d sormais dans un temps double le pr sent de son s jour avec Danny et Wendy et le temps circulaire du retour du pass Chaque apparition de fant me manifeste la mont e progressive de ce second temps dans le pr sent Les cartons qui scandent le r cit de jour en jour puis d heure en heure sont comme les pages et cases d un agenda celui sur lequel est inscrit de tout temps la r p tition du programme La sc ne de bal 1920 consacre l invasion du second temps Grady n prouve d s lors aucune difficult convaincre Jack de passer l acte Mais les nombreux fant mes que croise Wendy lors de sa d ambulation finale attestent que le retour du pass est une donn e objective sensible par tous La photographie sur laquelle s ach ve le film donne un ultime tour d crou Jack est double lui aussi Au pr sent il est la victime choisie par Overlook Dans le temps circulaire il est une cr ature de l h tel fant me immortel comme Lloyd Grady et les jumelles POINT DE VUE PARTI PRIS Le fantastique c ur du cinema i Shining abat ses cartes d entr e de jeu c est que son myst re porte plus loin qu une simple histoire de fant mes Michel Chion a analys la structure trangement d cousue du film surtout dans sa version europ enne qui encha ne les blocs de dur e sans continuit hors de toute logique d explication rationnelle des c
25. ce Vu l chelle et la vitesse du gar on selon son mouvement l h tel ne para t tonnamment pas plus inqui tant Au fil de ces travellings qui pousent si bien les contours de l espace Danny s approprie Overlook se fami liarise avec ses pouvoirs Il enregistre l exp rience qui lui permettra le moment venu de trouver la sortie Comment s chappe t il du labyrinthe En interrompant sa course pour revenir sur ses pas Le premier travelling la voiturette se distingue des autres par la magnifique alternance du bruit fort et du bruit faible selon que Danny roule sur le sol nu ou recouvert de tapis Image et son opposent leurs rythmes continuit visuelle du travelling contre discontinuit sonore du bruit des roues Dans Shining Danny a le privil ge de la discontinuit Lui seul sait interrompre le mouvement infini des travellings et ainsi d jouer les plans de l Overlook L enfermement dans le plan Second parti pris de mise en sc ne l obsessionnelle g om trie qua drangulaire Tout est carr dans Shining commencer par le format de l image le choix du 1 33 est singulier pour l poque et pour le genre qui privil gient plut t le grand spectacle des formats larges 1 85 Cin mascope ou quivalents La premi re s quence dans l h tel celle de l entretien d embauche chap 2 impose le cadrage dominant du film la composition du plan est d une parfaite sym trie Dans les
26. comme des projections de leur int riorit Jack ne peut qu tre l aise dans les vastes sym tries la fran aise l immense lobby de l h tel o tout l espace organis autour d un point est rapportable un regard Les angles morts d un labyrinthe consti tuent au contraire sa phobie naturelle tandis que son fils dont la psychologie est r gie par le d doublement trouve spontan ment refuge au sein de ces choix multiples ANALYSE DE S QUENCE Tel est pris qui croyait prendre Chapitre 8 du DVD de 24mn38s 27mn15s ack a d sert sa machine crire et s amuse lancer une balle contre le mur du vaste salon Pendant ce temps Danny et Wendy explorent le labyrinthe Jack s approche de la maquet install e dans le hall de l h tel et la fixe Son regard exprime un sentiment de puissance Danny et Wendy semblent marcher dans la maquette Arriv s au centre du labyrinthe ils font demi tour Cette s quence est compos e de neuf plans Situ e juste apr s la longue exposition du film elle concentre les principaux enjeux dramatiques et proc d s esth tiques du drame venir Le premier plan est exemplaire de la mise en sc ne d monstrative explicite de Kubrick Passant de la machine crire 1a Jack lan ant la balle 1b le mouve ment de cam ra se lit comme un nonc au lieu de travailler Jack joue plus tard l unique phrase tap e linfini par l cri vain renverse
27. ctacle au second degr Tim Burton surlignera au maquillage ce sourire pour dessiner le masque du Joker dans Batman 1989 Troisi me accessoire du visage les sourcils en accent circonflexe la fois fronc s et lev s Nicholson joue de cette particularit naturelle exag rant sa guise l une ou l autre tendance pour accentuer ses expressions Sourcils lev s le front se recouvre de plis chap 19 1h00mn05s Apr s deux plans de coupe sur une vision de Danny ils reviennent baiss s lissant le front et durcissant le regard 1h01mn27s La combinaison de ces qualit s atteint un sommet de ma trise dans la sc ne de l affrontement entre Jack et Wendy de la machine crire l escalier chap 24 Nicholson complique l exercice d un ballet de mains virtuose encha nement rapide et pr cis de gestes coordonn s au flux de sa parole Les moments o Jack r p te en se moquant les propos de sa femme disent la fois la v rit du personnage et la singularit de l acteur port e un tel degr d intensit la parodie se retourne en son contraire et impose un nouveau premier degr d une terrifiante efficacit JACK NICHOLSON FILMOGRAPHIE S LECTIVE 1960 La Petite Boutique des Horreurs Roger Corman 1962 Le Corbeau Roger Corman 1966 L Ouragan de la Vengeance Monte Hellman 1967 The Shooting Monte Hellman 1968
28. donc dans la logique de notre analyse comme faisant partie du travelling ATELIER 2 Le film s ach ve sur une photographie au centre de laquelle sourit Jack C est La conclusion logique d un pro cessus discret qui traverse le film et fait de l crivain rat une cr ature double autant associ e l image qu l crit Ce devenir s incarne dans deux s ries figuratives dont on peut suivre les tapes 1 Une s rie de plans relie Jack aux ensembles de photographies qui prolif rent sur les murs de l h tel La forme rectangulaire fait de chaque ensemble une image en soi Avant le dernier plan aucune photographie n est montr e d assez pr s ou cadr e assez longtemps pour que le spec tateur s int resse son contenu Seule compte leur pr sence diss mi n e Signalons quelques tapes Chapitre 6 une colonne massive cou verte de photos masque le groupe de personnages dont Jack n est pas encore dissoci Chap 9 29mn10s un travelling avance entre deux murs de photos vers Jack assis son bureau Chapitre 10 32mn travel ling avant sur Jack poss d des photos accroch es au mur du fond Chapitre 27 1h17mn travelling lat ral au ras des photos dans le dos de Wendy pench e sur le bureau de Jack Etrange point de vue comme d un regard qui pr c de celui de Jack 2 Trois plans du reflet de Jack dans le miroir de la chambre coucher Chapitre 8 23mn30s Wendy apporte son
29. e la machine Les lignes t l phoniques cou p es par une temp te de neige Wendy communique avec l ext rieur par radio 12 Au cours d une promenade en voi turette Danny rencontre nouveau les jumelles Grady qui l invitent jouer avec elles Des visions fugitives des m mes jumelles massacr es terrifient le gar on 13 Danny retrouve son p re prostr sur son lit et lui fait part de son inqui tude Jack r p te les m mes phrases que les jumelles j aimerais que l on puisse res ter ici pour toujours 14 Tandis que Danny joue dans un cou loir une balle de tennis roule jusqu ses pieds Intrigu il entre dans la chambre 237 dont la porte est entrouverte 15 Alors qu elle v rifie la chaudi re Wendy est attir e par des cris venant de l h tel Jack a fait un cauchemar dans lequel il massacrait sa famille Au vu des marques rouges sur le cou de son fils Wendy accuse Jack de lavoir bless 16 Furieux Jack rejoint le bar vide de la Gold Room Soudain des bouteilles apparaissent ainsi que Lloyd un bar man qu il semble conna tre 17 Jack se confie Lloyd en buvant du whisky il avoue avoir bless Danny il y a trois ans 18 Wendy accourt dans la Gold Room Elle dit Jack qu une femme a agress Danny dans la chambre 237 Jack y d couvre une jeune femme nue dans la baignoire Lorsqu il embrasse elle se transforme en un cadavre putr fi de vieille femme Il pr
30. e A Clockwork Orange 1968 2001 l Odyss e de l Espace 2001 Space Odyssey 1964 Docteur Folamour Dr Strangelove or How I Learned to Stop Worrying About the Bomb 1962 Lolita 1960 Spartacus 1957 Les Sentiers de la Gloire Paths of Glory 1956 L Ultime Razzia The Killing 1955 Le Baiser du Tueur Killer s Kiss 1953 The Seafarers ICE Fear and Desire 1951 Day of the Fight 1951 Flying Padre DOCUMENT DE TRAVAIL Ce photogramme est tir du documentaire r alis par la femme du cin aste Vivian sur le tournage de Shining Kubrick et Nicholson r p tent la sc ne o Jack est enferm dans le garde manger L objectif en main Kubrick tatonne cherche le meilleur angle de prise de vues Pensant d abord filmer l acteur en plan moyen il a soudain l id e de s allonger pour cadrer Nicholson en gros plan et contre plong e NB le documentaire de Vivian Kubrick est disponible en bonus du DVD de Shining GEN SE Le contr le et l intuition u est ce qui a pu conduire Kubrick auteur d une suite de films aussi s rieux que 2001 Odyss e de l espace 1968 Orange M canique 1972 et Barry Lyndon 1976 s adonner au genre r put mineur du ffm d pouvante Deux raisons dont une conomique apr s l chec commercial sauf en France de Barry Lyndon il avait besoin d un succ s populaire pour conforter son ind pendance l gard des s
31. e du loup garou cadrent au loin Phomme en fuite alors que ceux pris du point de vue de Jack en plong e ne montrent que les traces de pas de Danny emp chant toute appr ciation de la distance qui les s pare Jusqu la ruse de Danny le spectateur ne sait pas si son p re le talonne ou est sem Autre diff rence dans Shining Jack et Danny apparaissent alternativement dans le champ alors que le loup garou n est visible que dans le plan g n ral de l escalator Son invisibilit signale sa sup riorit l homme en fuite n chappera pas au monstre Au contraire l galit de traitement de Jack et de Danny indique qu ils combattent armes gales arme autant que pi ge le labyrinthe permet Danny d chapper son p re Cette galit de traitement caract rise aussi l attribution des plans sub jectifs dans Shining partag s entre les deux personnages plut t attribu s Jack au d but de la poursuite et Danny vers la fin l volution du partage pousant celle du rapport de force entre Danny et son p re Dans le film de Landis ils sont exclusivement r serv s au loup garou l homme poursuivi est une proie condam n e un simple objet sans regard Une cam ra port e l paule aurait autoris la m me mise en sc ne mais le steadicam induit une autre perception du temps de l espace et des corps Autre temporalit car le mouvement amorti du steadicam ne reproduit pas celui de la course
32. e la moquette de l h tel occupant cette fois la position domi nante et semblant t l guider a poste riori La voiture de son p re galement miniaturis e dans le g n rique par le filmage en plan large z nithal ou celle d Halloran en chemin vers l Overlook l 2 2 D ici l ternit Les trois derniers plans du film 1 Travelling avant dans le labyrinthe Jack claudique vers un cul de sac clair par un projecteur puis s affaisse dans la neige Le mouvement de la cam ra pouse celui du personnage elle s immobilise avec lui et pousse le mim tisme jusqu effectuer un tr s l ger recadrage lorsqu il tombe vers la gauche Le plan s ach ve sur un cadre fixe centr sur la masse sombre de Jack et le halo du projecteur La bande son m le le sifflement du vent la plainte inarticu l e de Jack et une musique off nappe stridente monocorde agressive 2 Cut Ellipse de la nuit au jour Plan fixe rapproch poitrine de Jack mort congel dans le labyrinthe On est pass du souple au dur de l oscillation du steadicam la rigidit du plan fixe Cadre p trifi comme Jack La musique stridente se prolonge de 1 2 mais le retentissement tr s rapide de deux notes plus aigu s sur la coupe accentue l effet de rupture de surpri se produit par l apparition de Jack sta tufi La bande son complexifie le point de montage mixte de rupture et de continuit la musique app
33. emier chapitre ses visions sont montr es exactement telles qu elles r appara tront dans l h tel l ascenseur d versant des flots de sang et les jumelles Grady Second temps de l expo sition les lieux m thodiquement pr sent s ou annonc s aux personnages et aux spectateurs comme le d cor du drame venir Un l ment essentiel manque cette sur exposition initia le le labyrinthe Moule dramatique et principe formel du film lui seul est trait selon la loi de gradation dramaturgique Tout le reste est annonc mis plat d embl e La tension n est pas annul e pour autant Elle est simplement d plac e du contenu du programme vers les modalit s de son application Le r cit de cette mise en oeuvre n cessite le tissage de deux fils narratifs l emprise croissante de l Overlook sur Jack et la remont e progressive du pass dans le pr sent l laboration du THE TERME Wa CLEAN DEY ONCAT 4 UHLA Y temps complexe de la r p tition Les deux vont de pair C est parce qu il est rendu disponible l influence du lieu que Jack se laisse manipuler par les fant mes qui y font retour Deux temps L efficacit de ce double m canisme narratif repose sur lop position de Jack et de Danny Wendy incarnant pendant tout le film la na vet impuissante et n cessit du genre le bloc de bon sens r aliste soustrait au fantastique Jack Torrance est une proie id ale pour lh tel Overlook Son m t
34. end la fuite Inquiet Halloran tente d appeler l h tel 19 Conversation dans leur chambre entre Wendy et Jack qui dit n avoir rien vu dans la chambre 237 Danny a des visions sanglantes Lorsque Wendy pro pose d loigner leur fils de l h tel Jack quitte la pi ce dans un acc s de rage Une musique attire son attention Halloran demande aux gardes forestiers de s assurer que tout se passe bien dans l h tel 20 La musique vient de la Gold Room Jack n est pas surpris de la trouver plei ne de clients habill s dans un style ann es vingt Il commande un whisky et Lloyd refuse son argent Un serveur renverse un cocktail sur sa veste et le conduit aux toilettes pour la nettoyer 21 Le serveur r v le son nom Delbert Grady Jack lui dit conna tre son histoi re Grady d ment et dit Jack que c est lui le gardien qu il l a toujours t Il le pr vient que son fils poss de un don gr ce auquel il a appel un cuisinier n gre au secours Il lui conseille de Pen emp cher 22 Jack sabote la radio 23 Halloran en route vers l Overlook Wendy arm e d une batte de baseball cherche Jack Elle d couvre qu il n a crit qu une phrase r p t e linfini 24 Jack la surprend pench e sur son bureau Furieux il lui reproche de vou loir loigner Danny de l h tel et de ne n gliger ses responsabilit s de gardien Wendy monte l escalier reculons ter roris e par
35. ermanent Vertigo hors s rie Changements d identit 2002 INTERNET http kubrickfilms warnerbros com mainme nu mainmenu html Le site officiel de la Warner sur Kubrick Assez pauvre http www visual memory co uk amk The Kubrick Site Base de donn es tr s riche sur l uvre de Kubrick informations pra tiques articles et essais sur les films iconogra phie http www visual memory co uk sk Archives d un site aujourd hui ferm La section The Shining regroupe quelques textes utiles dont le t moignage de Garrett Brown l op ra teur steadicam http www drummerman net shining Un bon site de fan avec des essais int ressants et des informations pratiques utiles notamment sur la musique du film R DACTEUR EN CHEF Emmanuel Burdeau COORDINATION DITORIALE ET CONCEPTION GRAPHIQUE Antoine Thirion R DACTEUR DU DOSSIER Cyril Neyrat collabore r guli rement aux Cahiers du cin ma Il coordonne la revue Vertigo Enseigne l esth tique du cin ma l u niversit Paris 3 Sorbonne Nouvelle Est gale ment membre du comit de s lection et pro grammateur du Festival International du Documentaire de Marseille R DACTEUR P DAGOGIQUE Renaud Ferreira enseigne les Etudes Cin matographiques et la Litt rature en Classe Pr paratoire aux Grandes Ecoles IL a r cemment particip un projet p dagogique destination des professeurs de Lettres de
36. es parois d un couloir Un travelling lat ral accompagne Halloran et Wendy centr s dans le labyrinthe miniature Danny reste immobile d un regard diagonal vers Halloran il impose un autre axe de prise de vue et rompt la sym trie Peu de films exposent leurs partis pris de mise en sc ne comme le fait Shining quelques choix simples tenus avec la plus grande rigueur Le propre d une esth tique est de rendre sensible l id e d incarner la pens e dans des formes De proposer des id es formes Celle de Shining est le labyrinthe un espace temps ambigu monotone et impr visible conti nu et discontinu lin aire et circulaire Droite y sont la courbure d un cercle ou le c t d un carr Le carr n tant jamais qu un cercle d form et vice versa OUVERTURE P DAGOGIQUE 3 Shining est il un film sur la famille et sa structure pathog ne Kubrick semble alors se livrer une exp rien ce de laboratoire grandeur nature Il isole une cellule l mentaire de la soci t dans un grand vide pour en tudier sans interf rences les n vro ses Cette famille t moin les Torrance fait appara tre que le P re est parano aque le Fils schizophr ne et la M re hyst rique Il ne s agit pas pour le cin aste de formuler un essai de psychologie mais bien de mettre en sc ne et en espace ces folies concur rentes Aussi les d cors architectu raux dans lesquels voluent les per sonnages apparaissent ils
37. et retourn L Overlook Hotel est un ch teau hant rebours high tech et en pleine lumi re Le petit gar on du film semble poss d et tout comme la fillet te de L Exorciste se met parler avec une voix d outre tombe Mais cette posses sion loin de le maudire lui est un adju vant et le sauve l inverse de son p re qui ne se d gage jamais d une emprise qui n est autre que l amplification de ses propres tropismes On reconna t galement des topo fantas tiques consacr s Danny marqu au cou est victime d une tentative de vampirisation et le succube de la chambre 237 qui en para t tre l auteur cultivant l ternelle jeunesse dans on ne sait quelle baignoire fontaine ne d pareillerait pas dans l ar o page de charme du Comte Dracula Jack mute progressivement en loup garou loup dont on entend les hurlements sur chaque plan g n ral de l h tel au cr puscule il en prend la pilosit et la d marche bestiale Le cimeti re indien bafou l Esprit de la Nature vengeur sont galement des stan dards du cin ma am ricain des ann es 70 que le cin ma fantastique ne s est pas priv d accommoder en particulier dans les films de John Carpenter ou Tobe Hooper Quant la sc ne centrale avec le barman Lloyd elle ressortit au vacillement fan tastique canonique est on dans l Etrange d un pacte avec le diable ou dans l All gorie d une soumission l alcool Or cette accumulation de figu
38. fant consiste raccorder personnages et objets Jack et Wendy et la machine crire Wendy et la radio Montrer le m canisme du film c est alors mettre jour les relations entre les diverses machines dont il est l agencement L expression fction vid o d signe deux choses D abord ce que le critique Louis Skorecki admirateur d Oudart appelle le post cin ma des films qui venant apr s la fin de l ge classique prennent pour objet le cin ma et ses figures connues C est le cas de Shining la fois somme du fantastique et r cit m taphorique du fonctionnement du cin ma Ensuite le dispositif vid o est au c ur de Shining avec ses boucles ses reprises L Overlook serait alors un mus e le lieu d exposition d une gigantesque installation FILIATIONS ASCENDANCES Trois d dales deux formes de la r p tition vont en commun la variation somme du film d pouvante par Kubrick et un film manifeste de la modernit europ enne qui sa sortie fut jug obscur et litiste par ses nombreux d tracteurs g nial par les autres Presque tout Shining et L Ann e derni re Marienbad Alain Resnais 1961 sont aussi superficiellement diff rents que profond ment jumeaux Il suffit de se d faire des cat gories fig es de l histoire du cin ma et de regarder Lieu commun un h tel isol dont on ne s chappe qu avec difficult L extension de l objet labyrinthe ici un plan du jardin accr
39. ick est obs d par les donn es technologiques du cin ma Deuxi me trait une tendance cadrer et composer les plans comme des photographies de mani re captiver l oeil du spectateur Enfin un souci m ticuleux du r el une passion de l exactitude qui lui vaut un autre clich la froideur de ses images quand il faudrait bien plut t louer l exceptionnelle pr cision de sa saisie du r el en mouvement Dans la continuit de son travail de photo reporter Kubrick fait ses armes de cin aste avec deux courts m trages documentaires r alis s en 1950 Day of the Fight sur la journ e d un boxeur et Flying Padre consacr un pr tre aviateur et un film industriel The Seafarers 1953 Ses deux premiers longs m trages de fiction Fear and Desire 1953 et Le Baiser du tueur 1955 sont des films petit budget sans succ s dont il ma trise d j tous les aspects de la production Puis vient la rencontre d cisive avec le producteur James B Harris L Ulrime Razzia 1956 Les Sentiers de la Gloire 1957 et Lolita 1962 imposent le talent et le nom de Kubrick entre temps il avait tourn Spartacus 1960 unique film dont il ne fut pas l origine Nouvelle rupture apr s Lolita Kubrick quitte Hollywood pour Londres et s installe dans une propri t qu il ne quittera plus centre d un syst me de vie et de travail dont il est le ma tre absolu Nouveau statut Kubrick devient le r alisateur
40. ier d crivain en fait un tre c r bral pr dispos au d lire et fragilis par son manque d inspiration Apr s un mois de travail une seule phrase au compteur All work and no play makes Jack a dull boy Au contraire Danny ne fait que jouer sur son tricycle ou avec ses voitures miniature S il sait chapper son p re et sortir vivant du labyrinthe c est parce qu il a l habitude d y jouer avec sa m re Second atout de Danny alors que Jack ne per oit rien des forces surnaturelles qui animent l h tel il poss de le shining et voit ce qui reste invisible son p re Le r cit de l envo tement de Jack est celui de son retard sur son fils donc sur le spectateur D s sa premi re journ e l h tel Danny rencontre les jumelles Grady en jouant aux fl chettes Elles apparaissent de nouveau lors d une de ses d ambulations en tricycle D s lors l enjeu est simple comment Jack aveugl par son travail sera t il amen fr quenter lui aussi les fant mes et quelle sera sa r action La A NIA LATEH LE E pi n M E rencontre se fait par entremise indirecte de Danny c est parce que Wendy accuse le p re d avoir frapp son fils que Jack se diri ge vers le bar Il sait tr s bien qu il ne trouvera pas de bouteille Il s y rend pourtant signe de l emprise de l h tel sur son cerveau surmen L Overlook choisit cette occasion pour lui envoyer son premier missaire le
41. ing s installe avec autorit dans le second genre par son refus de l explication Caillois pr cise que la d chirure du r el ne peut advenir que sur fond de normalit qu condition d inscrire le r cit dans le quotidien le plus familier Shining respecte cette condition deux gards longue exposition qui prend le temps de camper un monde ordinaire num ration des aliments stock s dans la r serve rituel du petit d jeuner et choix d une photographie naturelle gale sans ombre ni effet de clair obscur oppos des lumi res et d cors expressionnistes souvent employ s contresens dans les films fantastiques Pas de bric brac gothique ou romantique dans Shining mais une stylisation qui appuie sans d former pure sans simplifier les principaux traits de la civilisation post industrielle avanc e accumulation des biens rationalisation des lieux et des comportements vie g om trique Rupture et continuit Les points de vue de Jack et de Danny diff rent quant au mode d in trusion du surnaturel dans le quotidien Danny sujet exemplaire du fantastique est confront deux types d apparition deux formes de rupture de la continuit D une part ses visions images men tales produites par le shining plans tr s courts mont s cut qui d chirent le tissu du film et plongent Danny dans la terreur D autre part les apparitions des jumelles dans l h tel la premi re film e e
42. la r ussite du film il entame sa conception d s les premi res semaines d criture Kubrick ne quittant pas Londres une seconde quipe est charg e apr s une longue recherche de filmer les ext rieurs plans en h licopt re de la montagne et vues de l h tel Timberline sur le Mont Hood dans l Oregon Puis Kubrick envoie son chef d corateur Roy Walker sillonner les Etats Unis pour prend re des milliers de photos dans diff rents h tels Les int rieurs de l Overlook enti rement reconstruits dans les studios Elstree pr s de Londres sont un assemblage de d tails pris dans diff rents lieux r els Kubrick use de la m me m thode pour la musique de Shining au lieu de commander des musiques originales il utilise des morceaux existants parfois r arrang s Le tournage commence en mai 1978 Au lieu des seize semaines pr vues il dure un an Certains plans ont exig plus de cinquante prises trois semaines pour la sc ne de l escalier afin selon Kubrick de mener Shelley Duvall l tat psychologique voulu L accumulation des prises s explique par sa double obsession exactitude de la composition des cadres pr cision du jeu des com diens qui n cessite un ajustement progressif prise apr s prise jusqu atteindre la nuance souhait e Pour Kubrick le tournage n est pas la simple mise en images du sc nario La r p tition de chaque sc ne la veille de son tournage permet de r ajuster les choi
43. le Shining maintient l h sitation tr s longtemps de l aveu m me de Kubrick ce n est que lorsque Grady ouvre le loquet du garde manger et lib re Jack que le doute est lev Les fant mes sont bien r els Peu nous importe de conclure qu ce moment le film cesse d tre fan tastique Retenons de Todorov la notion d h sitation pour pr ciser la nature du doute l uvre dans Shining Contre les clich s du genre Kubrick montre des fant mes opaques volumineux aussi r els que n im porte qui Parti pris d cisif qui tant que dure le doute le nourrit visions en trois dimensions ou fant mes en chair et en os puis une fois l h si tation lev e relance le trouble le d place et le porte au c ur du cin ma Si l gale mat rialit des apparitions nous emp che longtemps de trancher entre corps r els et images de corps c est peut tre qu il n y a pas de diff rence entre les deux Les fant mes de L Overlook sont bien r els mais ce sont aussi des images projet es volont par l h tel pour rejouer le pass C est aussi le sens de la r v lation finale Jack est un tre vivant et une image une image r elle toujours d j projet e un corps toujours d j mort L Overlook est un cin ma intermittent Ce qui fait de Shining plus qu un fleuron du genre une mise en uvre du fantastique comme c ur du cin ma un questionnement permanent de la nature des corps et des
44. lients de L Overlook ils dansent pour l ternit au son d un disque tournant sans fin sur un phonographe S LECTION VID O Stanley Kubrick Shining DVD Zone 2 Warner Home Video En bonus le beau making of du film par Vivian Kubrick John Landis Le Loup garou de Londres DVD Zone 2 Universal Alain Resnais L Ann e derni re Marienbad DVD Zone 2 Studio Canal S LECTION BIBLIOGRAPHIQUE 1 SUR L UVRE DE KUBRICK Deux monographies Michel Ciment Kubrick Paris Calmann L vy 1999 lere dition 1980 Analyse fouill e et synth tique de l uvre accompagn e d une iconographie exemplaire et d une s rie d entretiens indispensables avec Kubrick et ses principaux acteurs et collabora teurs Michel Chion Stanley Kubrick L humain ni plus ni moins Paris Cahiers du cin ma 2005 Analyse de l uvre film par film avec photo grammes en fin de chapitre L auteur met un jugement r serv sur Shining mais son analyse est pr cise et stimulante Deux dossiers sp ciaux de revues Cabiers du cin ma n 534 avril 1999 A la sortie d Eyes Wide Shut retour sur Pen semble de l uvre de Kubrick apr s sa mort Indispensable entretien avec Diane Johnson sc nariste de Shining Positif n 320 octobre 1987 Ensemble de textes sur l uvre l occasion de la sortie de Full Metal Jacket Un essai universitaire Sandro Bernardi Le Regard esth tique ou la
45. ments de Passages du cin ma 3 SUR LE STEADICAM Michel Chion Le syst me steadicam Cahiers du cin ma n 330 d cembre 1981 A propos de Coup de torchon Bertrand Tavernier 1981 et Shining Dossier Le steadicam a t il une me dans Vertigo n 24 2003 Ensemble de textes sur l histoire et l esth tique du steadicam 4 SUR D AUTRES FILMS Last Days de Gus Van Sant Emmanuel Burdeau Etoile maison Cabiers du cin ma n 601 mai 2005 L Ann e derni re Marienbad d Alain Resnais Andr S Labarthe LAnn e derni re Marienbad Cabiers du cin ma n 123 septem bre 1961 R dit dans l anthologie La Nouvelle Vague Paris d Cahiers du cin ma coll Petite Biblioth que des Cahiers du cin ma 1999 Robert Benayoun L ann e derni re Marienbad ou les exorcismes du r el Positif n 44 mars 1962 R dit dans l anthologie Alain Resnais Paris Gallimard 2002 Jean Louis Leutrat Francis Jacques L Autre Visible Paris Presses de la Sorbonne Nouvelle M ridiens Klincksieck 1998 Leutrat y analyse en d tails le film de Resnais Lire aussi du m me auteur mais en anglais L Ann e derni re Marienbad London BFI 1998 Gilles Deleuze Cin ma 2 L image temps Paris d de Minuit 1985 De longs d veloppements sur le film Le Loup garou de Londres de John Landis Herv Aubron Un cin ma p
46. mment le gros plan et le plan rapproch pour saisir la surface du visage l agitation de l me et pour produire des effets de masque jus qu au masque mortuaire de Torrance congel dans le labyrinthe Trois signes principaux composent le jeu de visage de Nicholson Premier signe le front baiss Kubrick tire profit de la superficie inhabituelle du front de l acteur pour figurer la continuit du per sonnage malgr sa m tamorphose Au d but du film le front baiss est la marque de l crivain pench sur sa machine chap 9 29mn20s Puis cette posture s autonomise pour signifier le bas culement vers la folie la possession de Jack par l Overlook chap 10 32mn03s Enfin le front baiss devient l attribut du monstre du labyrinthe mi homme mi taureau tendu vers sa proie chap 32 1h45mn15s Deuxi me constante le sourire fig dont Jack ne se d partit pas de l entretien d embauche jusqu la photographie finale Les l vres peuvent tre pinc es ou entrouvertes d couvrant alors une dentition carnassi re C est le sourire de celui qui sait ou croit savoir et dominer et le signe d une violence rentr e pr te exploser chap 24 1h19mn01s Cette grimace du requin la presse am ricaine nomme ainsi le sourire de Nicholson teinte le jeu de l acteur et affecte le personnage d une ironie permanente Nuance parfaitement ad quate un film qui bien que terrifiant est aussi un spe
47. mouve ment dans le m me temps Un plan bloc de dur e solitaire fait affleurer dans Last Days la monu mentalit g om trique de Kubrick un lent travelling s loigne d une baie vitr e derri re laquelle se tient Blake centr dans le cadre tandis qu une musique lourde et puissante sature l espace sonore Epaules vout es tignasse en avant et marmonnements Blake est un descendant de Jack Torrance son envers positif Jack et Danny m l s Sa r gression dans l espace int rieur plus infantile qu animale lui rend la puissance du jeu l cart des affairements du monde la r p tition des gestes et des pos tures n est plus l uvre d une machination infernale mais le signe d une d multiplication de la vie juste avant la mort Last Days PASSAGES DU CIN MA La vie des images ubrick Resnais Jorge Luis Borges ont en commun d aimer les labyrinthes En 1940 l crivain argentin salue la parution du roman d un compatriote qu il consid re comme un chef d uvre du fantastique contemporain L invention de Morel d Adolfo Bioy Casares se pr sente comme le journal d un homme d sireux de laisser une trace de sa singuli re aventure Condamn mort le narrateur a trouv refuge sur une le d serte Une nuit en un instant la colline se couvre d tres humains qu aucun bateau ou avion n a transport s jusque l Intrigu le narrateur aper oit r guli rement les jours suiv
48. n un sec champ contrechamp interrompt la partie de fl chettes la seconde rencontre dans le couloir provoque l arr t brutal du long travelling au tricycle D chirure ou arr t Danny exp rimente le battement du continu et du discontinu cadence et rythme du fantastique Premi re apparition d un fant me Jack celle de Lloyd en trois temps chap 16 1 plan d ensemble de la Gold Room Jack seul face au bar vide 2 plan rapproch de Jack qui s adresse soudain sur un ton familier un Lloyd hors champ 3 contrechamp Lloyd derri re son bar r pond Jack Ici les points de vue du spec tateur et de Jack diff rent cause du retard du premier sur le second L adresse de Jack Lloyd intrigue puis le contrechamp retenu quelques secondes produit l effet fantastique de stupeur Effet qui n affecte pas Jack cet cart signale qu il a quitt le ter ritoire du fantastique et bascul dans un monde merveilleux o rien m tonne le monde des cr atures ternelles de L Overlook Ses rencontres ult rieures avec les fant mes adviendront sans rupture dans la continuit du mouvement Dans le m me plan il marche dans le couloir au son d une musique des ann es vingt et entre dans la Gold Room remplie de clients la cam ra traversant comme par magie la cloison qui s pare les deux espaces M me approche lente de la femme dans la baignoire de la chambre 237 Les images et Les corps La lu
49. nre fan tastique c est un opos privil gi du film noir et du western Les choix du cin aste d terminent le rapport qu il veut instaurer entre le pr dateur et la proie Un an apr s Shining John Landis r alise Le Loup garou de Londres grand film fantastique des ann es 80 grand film d un cin aste in gal mais important Une poursuite dans le m tro d sert permet d clairer les partis pris de Kubrick pour la s quence finale de Shining dans le labyrinthe ennelg Sans doute Landis s est il inspir du film de Kubrick les deux s quences se ressemblent beaucoup usage du steadicam choix d un espace vide et labyrinthique recours au point de vue sub jectif pour augmenter la tension dramatique et un principe de montage altern passant sans cesse de la proie au pr dateur Dans les deux cas un seul plan situ en fin de s quence r unit dans le champ les deux personnages plan g n ral pr c dant l assaut fatal du loup garou sur l escalator travelling lat ral qui relie Danny cach derri re la haie et son p re passant de l autre c t sans le voir Cette similitude rend les petites diff rences d autant plus significatives Si dans les deux cas le montage altern morcelle l espace et d soriente le spectateur l effet labyrinthe est accentu dans Shining par le choix de ne jamais situer un personnage par Le Loup garou de Londres rapport lautre Les plans subjectifs du point de vu
50. nsformation progressive du film lui m me en un vaste d dale spatio temporel Ainsi un simple l ment de d cor peut faire signe vers une logique sup rieure qui gouverne la totalit de l uvre L emprise du travelling Premier parti pris l usage surabondant et spectaculaire du travelling dans toutes les directions avant arri re lat ral droite et gauche Dans Les Sentiers de la gloire 1957 d j de longs travellings faisaient du r seau des tranch es un vaste labyrinthe Dans Shining Kubrick syst matise le proc d La cam ra circule sans heurt ni opposition dans les longs couloirs de l h tel comme dans ceux du d dale v g tal Cette esth tique commune aux deux espaces int rieur et ext rieur finit par les fondre en un unique d dale qui abolit lop position du dedans et du dehors Kubrick ne cherchant pas ici la subtilit mais l vidence fait dire Wendy d s la visite de l h tel On dirait un norme labyrinthe Seul le steadicam syst me de stabilisation pour cam ra port e permet d obtenir cette qualit de mouvement souple flottant toujours anim d une l g re oscillation plus proche en cela du vol en suspension que de la marche cf Point technique Comme si tous les travellings du film n taient que la d clinaison continue du monumental mouvement originaire encha ne ment de vues d h licopt re entre les montagnes jusqu l h tel Le devenir labyrinthe du
51. och un mur de l h tel la totalit de l espace est obtenue par la combinaison des m mes partis pris de mise en sc ne obs ession g om trique des d cors et des cadres r p tition des travellings dans les couloirs et jardins de l h tel Certes l intrigue diff re chez Resnais un homme X tente de convaincre une femme que l ann e pr c dente dans le m me h tel elle avait promis de s enfuir avec lui Mais c est au fond la m me histoire celle d tres humains dont on ne sait s ils sont vivants ou morts condamn s r p ter linfini les m mes ges tes les m mes drames Inversion Marienbad est aussi un film fantastique et Shining une exp rimentation moderniste des moyens du cin ma Vingt cinq ans apr s Shining Last Days Gus Van Sant 2005 dessine un troisi me labyrinthe Un autre artiste d soeuvr leader d un groupe de Last Days Gus Van Sant 2005 rock vit ses derniers jours dans une maison isol e L imposante b tisse trop grande pour les quelques tres qui l habitent peine se situe dans l Oregon pas tr s loin de l h tel Overlook Si le steadicam avait exist en 1961 peut tre Resnais se serait il pargn l installation des interminables rails de travelling qui font la l gende de Marienbad Gus Van Sant ne s est pas priv de ce confort technique pour suivre pour suivre Blake dans ses d ambulations r p t es entre l int rieur et l ext rieu
52. omportements ou des ph nom nes Chion y voit une des raisons de sa r serve l gard du film Nous y d celons au contraire son trait le plus singulier qui en fait non seulement un sommet du genre mais une exploration de l essence fantastique du cin ma Cette structure la fois massive et lacunaire qui donne l impression d un film taill la hache produit l effet monumental caract ris tique du style de Kubrick dans sa maturit Michel Ciment Kubrick d Calmann L vy rapproche les flots de sang d vers s par l ascen seur du monolithe de 2001 Poussons la comparaison dans deux directions D une part chaque fragment de Shining a cet aspect monolithique net tranchant la fois g om trique et irrationnel D autre part le monolithe de 2001 est la figure m me de l intrusion violente de l inexplicable de la d chirure du tissu du r el par lap parition du surnaturel C est l exacte d finition du fantastique selon Roger Caillois et une premi re piste pour analyser Shining comme exemple et th orie du fantastique Caillois distingue le fantastique de deux autres genres qui le bor dent le merveilleux et la science fiction Nulle d chirure dans le merveilleux le surnaturel ne surprend pas dans un monde o tout est possible l inverse les myst res de la science fiction trouvent toujours une explication rationnelle scientifique Quand 2001 oscille entre science fiction et fantastique Shin
53. oy Walker Costumes Milena Canonero Musiques Wendy Carlos d apr s Berlioz Rachel Elkind Gy rgy Ligeti Bela Bartok Krzysztof Penderecki Producteur Stanley Kubrick Producteur ex cutif Jan Harlan Production Warner Bros Hawk Peregrine Films Distribution Warner Bros Dur e 1h55 version europ enne 2h22 version am ricaine Format 35mm couleurs Watson Barry Dennen Rangers David Baxt Manning Redwood R ceptionniste Kate Phelps Secr taire Allison Coleridge Policier Burnell Tucker Stewardess Jana Sheldon Sortie fran aise Octobre 1980 Invit ensanglant Norman Gay LE R ALISATEUR Stanley Kubrick Du monumental pour les masses eu de cin astes ont su comme Stanley Kubrick se constituer en personnage imposer une l gende tiss s de clich s qu il convient de nuancer Godard peut tre et malgr la diff rence vidente des uvres un point essentiel rapproche les deux cin astes comme le Suisse dans les ann es soixante Kubrick se saisit des genres cin matographiques non pour les subvertir ou les dynamiter premier clich mais pour les exposer au risque de l poque l tat du public du cin ma et de leur rela tion L tat du cin ma et de sa r ception vers 1960 c est la concurrence de la t l vision Quand Godard investit son champ travaille ses formes pour tenter de les tirer vers le cin ma Kubrick la d fie distance e
54. plan 8 To overlook signifie la fois jeter un sort et dominer du regard un pouvoir et une position La plong e surplombante intervient deux autres reprises dans le film au moment privil gi du g n rique et de ses vues d h licopt re et lorsque la balle roule vers Danny et l entra ne dans la chambre 237 C est le point de vue de l h tel dont la transformation en organisme dou de conscience constitue le trajet du film L Overlook regarde par dessus l paule de Jack et voit Danny et Wendy au centre du laby rinthe Jack a tort de sourire il prendra bient t leur place pour mou rir dans un des couloirs Ce point de vue autonome souverain qui suit les personnages la trace mais sait aussi se d tacher de leur mouvement se manifeste parfois l horizontale Par exemple dans le plan 2 lorsque le travelling laisse Danny et Wendy entrer dans le labyrinthe et continue en ligne droite Le pouvoir surplombant de l Overlook s entend aussi sur la bande son Au d but du plan 1 le mart lement r gulier semble sans raison comme si l h tel tonnait de lui m me D s le plan suivant l approche de la carte du labyrinthe une musique s l ve et se superpose aux sons d ambiance D une intensit croissan te elle impose sa continuit l en cha nement des plans et des espaces jusqu l accord plaqu sur le carton Tuesday point nodal du film et jour choisi par l
55. qui attire l attention sur son placement dans l axe de la longueur du rectangle 7 un second plan fixe se rapproche de son visage et insiste sur son regard plong vers la maquette 8 tra velling avant vue a rienne en plong e z nithale du labyrinthe Danny et Wendy deux minuscules points marchent en son centre Une pre mi re lecture rapide de l encha nement en d duit une repr sentation de la puissance mal fique de Jack Pench sur la maquette il voit et contr le le labyrinthe grandeur nature En effet Kubrick feint de lier par un raccord regard le plan rapproch de Jack 7 et la vue a rienne du labyrinthe 8 Une seconde lecture plus attentive d couvre que c est un faux raccord Si 8 tait film du point de vue de Jack l axe du regard serait le m me qu en 6 dans la longueur du labyrinthe et non dans sa largeur Le changement d axe quatre vingt dix degr s indique le changement de point de vue Jack n est pas le sujet de la vision surplombante du labyrinthe Le film tient tout entier dans cette double lecture dans le passage de la fausse impression une v rit la fois manifest e et dissimul e par la ruse du cin aste Shining raconte l histoire d un crivain qui croit contr ler la situation et dominer sa famille Il ne sera finalement qu un pantin impuissant manipul par l Overlook et d fait par sa femme et son fils Regard surplombant Quel est le point de vue du
56. r Shining dessine un trajet cathartique Il s agit de jouer avec des fantasmes univer sels des plus superficiels aux plus primi tifs afin de pouvoir peut tre les purger Film anti refoulement film exorcisme il oblige le spectateur se confronter sa face sombre et le contraint l exp rience fondamentale de la part du feu vivre cette peur cong nitale de la pr sence du Mal en soi pour un jour s en lib rer On lira avec profit l article de J L Bourget Le territoire du Colorado Positif n 234 septemb re 1980 dont cette rubrique s inspire largement LECTURE CRITIQUE Les inconnus dans la maison Jean Pierre Oudart Cahiers du cin ma n 317 novembre 1980 Danny s est greff dans la gorge un transistor qu il appelle Tony Ce n est pas la voix de L Exorciste ni celle de papa maman c est une machine qui fuit le silence corch de Wendy le cannibalisme de ce silence et sans doute aussi celui de Jack Danny fuit le silence du grand h tel il fait de sa voiture une machine de guerre contre ce silence Le petit garcon fait rouler sa voiture sur le parquet sur le tapis Bruit de feutre bruit de planches d mesur ment amplifi s Un soir Danny est entr dans la chambre de sa m re endormie il s est empar d un couteau pour couper le flux de mutisme de Wendy Comme le transistor Tony tongue tone une machine complexe une identit un d bit de production de
57. r Binaire lorsqu il d crit l alternance des bruits produits par la voiture cumulatif lorsqu il nonce la s rie des inventions de Danny La force sp cifique du gar on c est sa capacit faire alliance avec des objets pour construire des dispositifs sonores Danny invente des machines de cin ma des fictions m caniques autonomes dans le grand r cit de L Overlook Gr ce ces fictions il se m nage un espace de jeu l cart des sc narios dans lesquels l h tel et ses parents voudraient l enfermer Kubrick cherchait un quilibre fragile entre le psychologique et le surnaturel Oudart place au m me niveau l h tel et l institution familiale tous deux hostiles Penfant A cette complicit r pond celle de la machine Danny et du film Shining leur fonctionnement identique Tous deux recyclent d tournent des objets pour l un des films pour l autre pour d clarer la guerre aux formes et aux discours dominants La critique d Oudart doit beaucoup la psychanalyse une lecture lacanienne tr s en vogue dans les ann es soixante dix jeux sur les mots importance de l analyse de la structure familiale Le danger inh rent cette m thode c est de faire du film le simple reflet de donn es sociales ext rieures Oudart l vite en ne s int ressant qu au fonctionnement interne de l oeuvre qu il d voile en s appropriant la m thode rep r e chez Danny Le geste principal du critique comme celui de l en
58. r de la maison Le film serpente dans son sillage de part et d autre de la ligne qui au c ur de la vie m me s pare celle ci de la mort Dans cette maison aussi le temps tourne en rond rejoue les sc nes Mais c est une autre r p tition La courbure du temps ne pr cipite pas l issue fatale mais la retarde Elle contrarie le compte rebours lin aire d une mort annonc e Contre l en fer du m me Gus Van Sant explore la possibilit d une r p tition plus joyeuse multiplication et intensification de la vie plaisir musical de la variation Plus subtile que dans Shining la fusion du dedans et du dehors passe aussi par le son claquements de porte bruits domestiques mont s sur les images du dehors comme si l on marchait dans la t te du personnage en m me temps qu ses c t s On qualifie souvent Marienbad et Shining de films cerveaux concept us par la diversit de ses emplois tant t pour d signer la c r bralit de l oeuvre tant t pour r sumer la tentative de s approcher par le cin ma d une vision simpliste du fonctionnement de l organe Peut tre Last Days offre t il la chance d une d finition plus pr cise qui s appliquerait rebours Shining et Marienbad Cerveau se dirait d un film qui bouleversant les chelles et att nuant la diff rence du dedans et du dehors projetterait l me de ses personnages aux dimen sions du monde pour arpenter leur espace commun d un m me
59. ra la proposition All work and no play makes Jack a dull boy Reliant le d tail l ensemble Kubrick manipule le visible bouleverse les chelles La machine crire devient un objet monumental plac au c ur du film et Jack une minuscule figurine pingl e au centre d une composition g om trique Le mart lement sourd des rebonds de la balle contre le mur est mis en valeur par le rejet hors champ de son origine qui n appara t qu la faveur du changement de cadre Ce jeu entre image et son rend imm diatement sensibles la st rilit de Jack et sa violence latente Fusion des espaces Cut Le plan 2 fait passer du dedans au dehors de la gravit lin souciance Un travelling lat ral accompagne la course poursuite de Danny et Wendy le d part et la vitesse du mouvement sont cal cul s de mani re maintenir les personnages au centre du cadre comme si un regard guettait leur apparition Le travelling se pour suit apr s leur entr e dans le laby rinthe et s immobilise face au plan de celui ci affich sur un panneau de bois le d dale est masqu par son image r duite 2b La maquette du labyrinthe dans le salon 5 6 8 s inscrit dans cette logique du mod le du plan aux deux sens du mot carte et programme Apr s l image fixe deux dimensions reprise du mouvement dans le d cor 3 4 La d ambulation de Danny et Wendy dans le labyrinthe est film e en deux plans sym
60. res de l pouvante contribue plut t in fine leur d passement et leur mise distance De m me les apparitions finales des fant mes de l h tel attendues et programm es depuis le d but du film sont d samorc es par leur incongruit m me un homme en smoking mais au cr ne fracass un lapin g ant masqu Mais Shining ne s appuie pas seulement sur le fantastique contemporain Circonscrivant un imaginaire collectif plus large il s ancre dans un merveilleux plus ancien C est ainsi que l univers du conte y est bien repr sent Danny et Wendy dans le labyrinthe chap 7 sont tels deux petits chaperons rouges tan dis que Jack fait tour tour figure de Grand M chant Loup d Ogre ou de Seigneur san guinaire la mani re de Barbe Bleue On ne peut d ailleurs lui chapper qu la faveur d une ruse digne du Petit Poucet Enfin dernier cercle le film plonge ses racines jusque dans les r cits mythologiques fondateurs Faut il rappeler que le motif de la hache est troitement li celui du laby rinthe labrus est l ancien nom lydien de la hache Ce labyrinthe Jack aimerait en tre l architecte le cerveau comme dans la s quence o pench sur sa maquette il en contemple le plan Il devra se contenter d en tre le r sident monstrueux et cach son minotaure Qui veut faire l ange fait la b te semble dire la morale de l histoire Extraordinaire voyage au pays de la peu
61. s ou missions de vari t sans aucune n cessit esth tique banalisant l effet Dernier avatar de la d mocratisa tion du steadicam la mise au point de mini proth ses pour les cam ras DV amateur ATELIER 4 Le steadicam permet Kubrick de r aliser de longs travellings en plan s quences c est une mani re pour le cin aste de modifier notre perception de l espace et de la tem poralit en nous pr cipitant dans un univers di g tique d pourvu de toute r f rence ext rieure Plus rien n existe en dehors de ce glissement continu du regard qui se reboucle ind finiment sur lui m me Cherchons d autres pro c d s par quoi le film brouille tout rep re temporel objectif Ainsi de l u tilisation des cartons indiquant la chronologie Outre qu ils n ont aucune valeur absolue de quel Mardi o Jeudi s agit il ils construisent un rythme paradoxal intervenant de mani re de plus en plus espac e dans l criture du film ils semblent d couper au contraire des tranches de temps de plus en plus resserr es dans la fiction Kubrick obtient l un effet de dilatation qui pouss l extr me tend la p trification Jack se figera ainsi dans la glace ou dans l nigmatique temps gel d une photo PROLONGEMENT P DAGOGIQUE Shining recycle un grand nombre de motifs culturels o s expriment les peurs collectives fondamentales C est d abord l univers du film d horreur qui est convoqu
62. sque Wendy apporte Jack son petit d jeuner au lit chap 8 celui ci n appara t pas directement dans le cadre mais refl t dans le miroir La structure du plan est elle m me sym trique Aller on part de Jack en plan rapproch puis un travelling arri re largit le cadre r v le qu il s agit de son reflet et permet Wendy d appara tre droite du miroir Elle s adresse Jack la fois invisible hors champ et visible dans son dos Retour un travelling avant resserre l espace sur Jack fait dispara tre les bords du miroir pour revenir au cadrage initial Plac au d but du film ce plan annonce la r v lation finale de la double nature de Jack vivant et fant me corps et image Il r sonne aussi avec la fameuse s quence o Danny crit l envers Murder sur la porte de la salle de bains chap 27 Wendy ne traduit l inscription en lettres rouges qu en regardant son reflet dans le miroir S quence nigmatique dont le sens pourrait tre celui ci Danny a compris le fonctionnement de h tel cette sym trie du double qui gouverne tout et emporte son p re Il se l approprie une premi re fois dans la chambre avant de r p ter l op ration dans le labyrinthe chap 33 Pla ant ses pas une seconde fois dans les m mes empreintes il sort de la r p tition par la sym trie d un demi tour Nous sommes dans le garde manger de l h tel chap 6 Le cadrage frontal fait des tag res l
63. star au pouvoir unique en son temps qui signe des contrats avec les majors tout en gardant le contr le total de ses films de l criture la promotion Nouveau rythme jusqu en 1980 sort un film tous les quatre ans con u promu et re u comme un v nement Docteur Folamour 2001 L Odyss e de l espace Orange M canique Barry Lyndon Shining chaque film est une cr ature autonome une mise l preuve orgueilleuse des moyens de son art Kubrick fut le plus exp rimental des cin astes grand public Griffith Resnais l opposition classique moderne ne lui convient pas Et l un des seuls avoir su conserver au cin ma sa capacit produire les mythes collectifs de son poque Mythes double d tente la satire pessimiste des soci t s contemporaines se creuse toujours d une tude m thodique des m canismes de l me humaine Apr s Shining le rythme ralentit la l gende grandit deux derniers films sont r alis s Full Metal Jacket 1987 et Eyes Wide Shut 1999 d autant plus attendu que Kubrick meurt dans son sommeil pendant le mixage du film 1 Michel Chion Stanley Kubrick l humain ni plus ni moins Paris d Cahiers du cin ma coll Auteurs 2005 p 30 STANLEY KUBRICK FILMOGRAPHIE 1999 Eyes Wide Shut 1987 Full Metal Jacket 1980 Shining The Shining 1975 Barry Lyndon 1971 Orange M caniqu
64. t invente le sur cin ma ou comme l crit Michel Chion le cin ma surexpos il en conserve le langage classique tout en mettant son m canisme ses l ments dans une lumi re crue et vive La survie du cin ma passe par le monumental Tout l art de Kubrick vise imposer l vidence de l image retrouver contre le flux t l visuel la puissance d arr t et de signification visuelle du muet autre refrain godardien Tout son m rite tient au souci constant de doubler sa recherche de l effet sid rant d une interrogation inqui te de l humain comme tre pensant animal social et cerveau sous influence Du documentaire aux mythes collectifs Stanley Kubrick est n le 26 juillet 1928 dans une famille juive du Bronx Il occupe son adolescence trois passions le jazz les checs et la photographie Son cin ma ne semble rien devoir au premier et l id e selon laquelle la pratique des checs signalerait un temp rament c r bral et cal culateur n est qu une demi v rit la singularit de Kubrick c est l allian ce de la ma trise et de l intuition de l abstraction c r brale et d une rare attention la mat rialit la pr sence sensible des choses Engag seize ans comme photo reporter par le magazine Look il y d veloppe trois traits essentiels de sa future carri re Premier trait une ma trise parfaite des tech niques photographiques comme Godard l autodidacte Kubr
65. tte entre Danny et son p re oppose ainsi deux mises en sc ne de la ren contre du surnaturel La premi re Danny figure un fantastique exemplai re contre la tendance de Jack a passer la fronti re vers le merveilleux La diff rence des deux propose ainsi une th orie du genre Le fantastique selon Danny se d double entre images du shining et ren contres avec les fant mes Les deux r gimes du surnaturel se court circuitent lorsqu un montage altern rapide vient scander la rencontre des jumelles vivantes dans le couloir de quatre plans des m mes fillettes massacr es chap 12 Cette duplicit entretient tr s longtemps un doute quant la r alit des apparitions et si tout n tait qu illusions images mentales per ues gr ce au don de Danny ou projet es par le cerveau malade de Jack Tzvetan Todorov propose une d finition du genre diff rente de celle de Caillois Selon lui le fantastique tient l h sitation lorsqu il est impossible de dire si les v nements tranges sont ou non surnaturels s ils ont r el lement lieu ou s ils sont le produit explicable naturel d une manipulation ou d un d r glement de la perception ou de la raison Le fantastique effet autant que genre ne durerait que le temps de cette h sitation d s qu elle est tranch e l effet se dissipe Todorov pr cise que tr s peu d uvres rel vent d un fantastique pur Le Tour d crou de Henry James par exemp
66. tudios L autre raison c est son int r t propre pour un genre alors la mode la r f rence est l poque L Exorciste William Friedkin norme succ s de 1973 Barry Lyndon achev Kubrick cherche un sujet Il lit beaucoup au hasard et sans succ s jusqu ce que John Calley producteur la Warner lui envoie le manuscrit d un nouveau livre de Stephen King The Shining qui para tra en 1977 Sans tre conquis Kubrick y trouve la mati re pour se confronter un genre qui selon lui n avait encore produit aucun film digne des r cits de Poe ou de Lovecraft Apr s quelques mois de travail solitaire il fait appel Diane Johnson romanci re am ricaine dont il appr cie l uvre et sp cialiste universitaire du roman gothique Cette double comp tence a s duit Kubrick qui s est toujours m fi des sc naristes professionnels Le cin aste s investit totalement dans l criture du sc nario Le travail commence par de longues s ances quotidiennes de discussion avec Diane Johnson chez lui sur des sujets divers comme l horreur Freud ou les com diens Onze semaines sont consacr es l lagage du roman pl thorique de King pour en d gager le squelette narratif n cessaire au film ce stade du travail Kubrick a d j fait deux choix essentiels l emploi du steadicam et celui de la star Jack Nicholson avec qui il souhaitait travailler depuis longtemps Certain que le d cor sera d terminant pour
67. udication de Jack En 3 priv de r f rent humain il semble programm pour avancer tout droit vers son but la photographie en plein centre du cadre Apr s quelques secondes de silence une chanson des ann es vingt com mence se faire entendre en 3 onctueuse m lodie qui contraste fortement avec la stridence de 1 et 2 Autant celle ci s imposait massivement autant celle l merge lentement du silence Le son na pas la m me qualit froid et pr cis en 1 et 2 chaud et gr sillant en 3 on devine un microsillon d poque Rien ne permet de d cider si la musique est 7 ou off elle flotte dans une zone interm diaire entre le dedans et le dehors Le mou vement ne s arr te que lorsque le cadre de l image s est substitu celui de la photo Au bout du travelling on retrouve la fixit de 2 non plus sculp turale mais photographique L expression de Jack a chang de la terreur la joie mais il n en est pas plus vivant Mouvement programm musique enregistr e photographie d poque on a quitt le temps humain de la mort d un homme 1 et 2 pour l ternit circulaire d une r p tition infernale 3 En toute rigueur il faudrait pr ciser que deux plans succ dent au travelling en fondu encha n simples recadrages de la photographie qui insistent sur le visage de Jack puis sur la l gende Leur fonction est purement informative nullement dramaturgique Nous les consid rons
68. uie la coupe mais contredit l ellipse et sugg re une continuit d un ordre sup rieur M Puis la stridence s teint le plan s ach ve dans un parfait silence quivalent sonore de la p trification de Jack 3 Cut Travelling avant dans le hall d entr e de l h tel De part et d autre de la coupe le mouvement succ de immobilit Le principe d encha ne ment est le m me que de 1 2 la rup ture est abrupte du labyrinthe enneig au hall de l h tel mais le silence pro long quelques secondes apr s la coupe instaure une nigmatique continuit Au bout du travelling une photographie noir et blanc d une foule festive en tenue de soir e assembl e autour de Jack Au bas de la photo une l gende Overlook Hotel July 4th Ball 1921 Quel rapport temporel entre ces trois plans La fixit de 2 ne fait qu in terrompre bri vement l lan continu qui de 1 3 reprend la m me vitesse Pourtant 3 n est pas le pro longement de 1 par del 2 mais leur somme hybride monstrueux de leurs qualit s respectives 1 et 3 m me pro gression vers l avant amortie par le steadicam 2 et 3 m me rigidit s pulcrale de la composition g om trique sym trique peine perturb e en 3 par la pr sence sur la droite du panneau signalant l entr e de la Gold Room De 1 3 ce n est plus le m me mouvement En 1 le steadicam accompagne les al as de la cla
69. ur entente sur le tournage est parfaite la multiplication des pri ses permet d affiner chaque expression sous la direction s v re et pr cise du cin aste Le r sultat constitue sans doute sa perfor mance la plus accomplie un m lange de folie d brid e et d ex tr me contr le du moindre geste de la moindre intonation Certains lui reprochent de surjouer Jack Torrance C est ne pas comprendre le r le ni la logique du film Torrance est lui m me l acteur inconscient d un spectacle crit d avance Nicholson incarne donc un personnage qui r p te rejoue jusqu la cari cature une partition Lapparent surjeu est en r alit un jeu au carr M me si Torrance bascule progressivement dans la d mence la singularit du film est d annoncer d embl e les ressorts du drame venir D s les premiers plans Nicholson doit tout exprimer la vuln rabilit la folie latente la duplicit d un tre d j prisonnier de l h tel Le visage masque Jack Nicholson n est pas grand 1 73 m sa d marche plut t ordinaire Son jeu repose avant tout sur la plasticit de son visage et l inventivit de ses mains L extraordinaire puissance expressive du visage tient l alliance de deux qualit s la vitesse de d formation des traits gr ce autonomie des diff rentes parties front bouche sourcils et sa capacit se figer en une com binaison complexe de signes Kubrick utilise abonda
70. voix elle canalise les flux elle fonctionne comme la tonalit t l phonique embraye sur l autre parlant Elle est ce par quoi Danny n est pas parl dans le sc nario du p re et de la m re jusqu se r fugier dans un silence autistique mais produit avec une voiture un transistor un t l phone une machine symbolisan te qui est aussi la fiction agie comme r elle du sc nario de ses objets IL y a dans l laboration par Kubrick de cette humanit l enfant et les adultes le film sans cesse partag fuyant entre l enfant spectateur et l adulte spectateur dans cette fiction vid o qui parcourt n films am ricains les reprend et les met en pi ces les r labore comme une r ponse qui ressemble une d claration de guerre au cin ma fantastique occultiste d aujourd hui la fois une intelligence un courage et une folie qui sont sans mesure avec ce que le cin ma am ricain produit depuis dix ans Critique aux Cahiers du cin ma de 1968 1980 Jean Pierre Oudart doit sa r putation un texte th orique devenu l gendaire La suture n 211 avril 1969 Dans les ann es soixante dix au sein d une revue plus encline c l brer Godard ou les Straub il d fend Kubrick d montrant la modernit sauvage et g n reuse de ses films A la sortie de Shining il crit une critique fleuve monstre analytique la d mesure de son objet arfois difficile le style d Oudart est pourtant d une parfaite rigueu
71. x de r crire les dialogues en fonction du jeu des com diens l ment central du travail de mise en sc ne Certaines s quences pr vues n ont pas t tourn es des d tails ont t ajou t s comme les apparitions que rencontre Wendy la fin du film Autre moment d cisif le montage Il existe deux versions de Shining une premi re de 144 minutes pour l exploitation am ricaine et une version euro p enne raccourcie de plus de vingt cinq minutes De l une l autre l ex position est court e Wendy et Halloran moins pr sents et nombre de plans repr sentant la vie quotidienne des protagonistes ont t supprim s La version europ enne est donc plus heurt e et plus nigmatique ce qui cor respond au souhait du cin aste de privil gier l effet la compr hension des faits La sortie de Shining a lieu New York en ao t 1980 Si certains spectateurs dont Michel Chion sont d us jugeant le film laborieux et peu effrayant eu gard ses ambitions d accomplissement du genre l accueil critique et public est tr s bon tant en Am rique qu en Europe Depuis le film ressort r guli rement avec succ s La version longue n a jamais t projet e en Europe la mort de Kubrick emp chant toute modification des r gles de distribution qu il avait fix es CHAPITRAGE Ce chapitrage est celui du DVD dit par Warner Home Video 1 Le g n rique de d but d file vertica lement sur des

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