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Le cercueil de Queequeg

1. ainsi que l appel rent les cubistes et les surr alistes ne d signait au fond que la mani re dont les N gres pouvaient outiller les dieux et les d mons Le contre esth tisme d lib r ment affich par les fondateurs du mus e de l Homme amenait technologiser la culture et proposer de ces soci t s une image fonctionnelle voire une interpr tation fonctionnaliste chaque objet remplit un r le non seulement technique mais magique et religieux il est le rouage visible des forces invisibles qui le meuvent ou pour lesquelles il est m Contre esth tisme apparent dont est recherch e une traduction mus ographique objets rituels outils ustensiles armes etc sont plac s sur un m me plan dans le m me espace d exposition suivant en cela une id e directrice rappel e par Rivi re Dans les civilisations qui nous occupent avance t il out se tient tout d pend de tout comme l crit notre collaborateur Jacques Soustelle m urs techniques croyances sont troitement solidaires et un r seau de prescriptions et d interdits enveloppe l individu le fixe ou le soustrait son clan l asservit son totem 3 Contre esth tisme qui rend d autant plus paradoxale comme ne manquait pas de le souligner Leiris la stance de Paul Val ry appos e en lettres dor es sur le fronton du mus e de l Homme Choses rares ou choses belles ici savamment assembl es instruisent l il regarder com
2. 27 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG O sait que la d couverte de l art n gre puis du jazz que la repr sentation du ballet La Cr ation du monde en 1923 les exhibitions de la Revue n gre en 1925 ou de celle des Blackbirds en 1929 d couverte et manifestations sur lesquelles Leiris insiste dans la premi re partie de Afrique noire la cr ation plastique aussi bien que dans son Journal ont constitu des temps forts dans la reconnaissance sinon dans la connaissance des cultures primitives noires en l occurrence mais autre paradoxe am ricanis es Afrique se joue d abord dans sa diaspora et ont contribu les rendre pr sentes dans l imaginaire occidental notamment fran ais Par la m me occasion elles ont t des moments cl s du devenir spectacle de ces cultures De sorte que celles ci ou du moins ce qui tait cens les caract riser paraissent avoir t mises au jour voire mises au go t du jour sous des clairages artificiels Ce faisant elles perdirent en substance ce qu elles gagn rent en popularit Comme si en passant de la lumi re naturelle des ateliers d artistes ou des choppes de brocanteurs o elles avaient d abord t vues aux feux de la rampe les choses n gres non seulement s taient m canis es Walter Benjamin mais avaient fini par se d naturer par se transfigurer et relativement l origine g ographique dans le cas pr sent afric
3. chez les Noirs africains dont l expression n est alors aucunement contest e par lui Sa grande familiarit avec les peintres cubistes qui furent parmi les premiers reconna tre l existence d un art primitif doubl e de sa participation au mouvement surr aliste qui en reconnut tr s t t la forte expressivit ont probablement jou un r le dans son approche et sa mise en vidence du sens esth tique au sein de soci t s dont on avait pu douter qu elles en fussent pourvues Ce sera l une des originalit s mais aussi un des probl mes de son ouvrage Afrique noire la cr ation plastique crit de 1957 1967 en collaboration avec Jacqueline Delange 18 ill 3 Des membres de la mission Dakar Djibouti avec quelques uns de leurs interlocuteurs dogons en octobre 1931 De gauche droite au premier plan Ambib Babayi le lieutenant Wousso Dologien personnes non identifi es au second plan Jean Mouchet Andr Schaeffner rice Lutten Marcel Griaule Michel Leiris DR coll particuli re 19 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG lomen son programme de collecte qui ne se fera pas sans heurts ni sans ce qu on appelle aujourd hui bavures la mission Dakar Djibouti eut pour projet d organiser en deux ou trois endroits en particulier chez les Dogon du Mali actuel et chez les Amhara d thiopie des enqu tes ethnographiques ponctuelles de forme intensive C est ces occasions que Griaule ex
4. la mission Dakar Djibouti s appr tait entrer en thiopie crivait dans son journal C est en poussant l extr me le particulier que bien souvent on touche au g n ral en exhibant le coefficient personnel au grand jour qu on permet le calcul de l erreur en portant la subjectivit son comble qu on atteint l objectivit 20 48 NOTES 1 Voir Herman Melville Moby Dick Paris Gallimard 1997 1941 p 621 Je me r f re ici cette traduction parfois fautive mais superbe de Jean Giono 2 Paris Gallimard 1967 repris in Miroir de l Afrique Paris Gallimard 1996 dition de Jean Jamin gt 3 Allusion l ouvrage de Marcel Griaule et Germaine Dieterlen Le Renard p le Paris Institut d ethnologie 1965 qui expose et analyse le mythe cosmogonique des Dogon gt 4 Pseudonyme sous lequel Marcel Griaule qui devint le chef de la mission Dakar Djibouti publia compte d auteuren 1922 une profession de foi a ronautique Le Br viaire du Captain B Hol o sont fil es des m taphores color es ench ss es dans des r cits mythiques ou bibliques aux accents fantastiques ou transgressifs tels que Jonas voir ric Jolly criture imag e et dessins parlants Les pratiques graphiques de Marcel Griaule L Homme n 200 2011 pp 43 82 gt 5 Michel Leiris L Afrique fant me Paris Gallimard 1943 repris in Miroir de l Afrique op cit gt 6 In Herman Mel
5. Paris ditions de Minuit 1993 gt 27 Voir Michel Leiris De Bataille l impossible l impossible Documents in Bris es Paris Gallimard 1992 pp 288 299 gt 28 Voir sur ce point mes articles Documents et le reste De l anthropologie dans les bas fonds La Revue des revues n 18 1994 pp 15 24 et Documents revue La part maudite de l ethnographie L Homme n 151 1999 pp 257 265 ainsi que outre la pr face d j cit e de Denis Hollier la r impression de Documents James Clifford Ethnographie polyphonie collage Revue de musicologie 68 1 2 1982 pp 42 56 gt 29 Voir Georges Henri Rivi re propos de l art n gre Le Figaro artistique juillet ao t 1931 pp 81 83 gt 30 Ibid gt 31 Et en m me temps que lui Robert Goldwater qui dans Le Primitivisme dans l art moderne Paris PUF 1988 pp 26 27 avait d montr que la plupart des expositions qui eurent lieu au Mus e d ethnographie du Trocad ro et ce jusqu sa transformation en mus e de l Homme en 1937 taient en r alit des expositions d art gt 32 Voir Jean Jamin De l humaine condition de Minotaure in Charles Goerg d Regards sur Minotaure la revue t te de b te Gen ve Mus e d art et d histoire 1988 pp 79 87 gt 33 Les tudes d ethnographie et d arch ologie ne seront pas seulement des catalogues ou des simples descriptions d objets El
6. arch ologie pr histoire Documents n 2 pp 130 134 Rivi re Georges Henri 1931 propos de l art n gre Le Figaro artistique juillet ao t pp 81 83 Roux Gaston Louis 1934 Un drame de l espionnage Voil 20 janvier n 148 pp 8 9 1935 Un peintre fran ais en Abyssinie La B te noire 1 octobre n 5 p 3 Sartre Jean Paul 1943 L tre et le n ant Paris Gallimard 61 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG 1940 L Imaginaire Paris Gallimard 1947 Les Mouches in Th tre Paris Gallimard Schaeffner Andr 1926 Notes sur la musique des Afro Am ricains Le M nestrel 25 juin 2 9 16 30 juillet 6 ao t 1927 Le jazz Revue musicale 1 novembre pp 72 76 1929 Des instruments de musique dans un mus e d ethnographie Documents n 5 pp 248 254 1936 Origine des instruments de musique Introduction ethnologique l histoire de la musique instrumentale Paris Payot La Haye Mouton puis Paris ditions de l EHESS depuis 1968 1980 Essais de musicologie et autres fantaisies Paris Le Sycomore 2006 Introduction Musique et danses fun raires chez les Dogons de Sanga L Homme n 177 178 pp 207 250 Schaeffner Andr amp Andr C uroy 1926 Le Jazz Paris Claude Aveline R dition Paris ditions Jean Michel Place 1988 avec une pr face de Frank T not et deux postfaces de Lucien Malson et
7. l ethnographie doit pouvoir concevoir un espace d exposition o les objets ne seraient pas r duits leurs seules propri t s formelles un espace d exposition o leur valeur d usage disons leur fonction ne serait pas exclue c est dire un espace o ils seraient montr s en tat de marche Il ne fait pas de doute remarque Denis Hollier que la prise en compte de cet tat de marche pose la question de l introduction du corps dans le mus e en l occurrence du geste de l instrumentiste du mode d emploi de l instrument sans lesquels l instrument serait non seulement inaudible ce qui est un comble mais totalement illisible Documents photographiques et phonographiques doivent donc l accompagner L objet lui m me en tout cas sa forme tend se dissoudre c est moins un objet qu un savoir sur l objet qui se trouve expos Les choses ethnographiques ne peuvent plus se penser que dans le lieu m me o on les montre dans l espace de l exposition condition pour que les choses recueillies sur le vif conservent comme l crivait Leiris 36 quelque fra cheur Bien qu impr gn de ces id es et durant ses tudes d ethnologie ou ses activit s au Mus e d ethnographie du Trocad ro puis au mus e de l Homme mis devant l obligation de les appliquer Leiris n aura de cesse par la suite de s en d marquer et de chercher comprendre les expressions et analyser les formes du sentiment esth tique
8. pandue dans le pays Le chef de l glise d Antonios vint nous demander de remplacer les vieilles peintures de l glise par de nouvelles ex cut es avec ce merveilleux produit dont on lui avait vant la r sistance l humidit Griaule accepta d enthousiasme l occasion inesp r e d acqu rir pour le mus e du Trocad ro une collection unique de peintures abyssines anciennes D ailleurs ces peintures dans les ruines d Antonios taient condamn es une destruction rapide et compl te Pendant plusieurs semaines j ex cutai de vastes compositions qui furent maroufl es la place des anciennes peintures sur les murs d Antonios L ensemble fut termin en septembre 1932 la satisfaction des pr tres et des fid les de la paroisse Je fus aid dans cette grande entreprise par Griaule lui m me qui se r v la un peintre religieux d une belle imagination et d une grande virtuosit 4 22 Gondar 6 ao t 1932 Devant la villa M dicis abri construit par la mission Dakar Djibouti sur le territoire du consulat italien de Gondar De gauche droite Marcel Griaule Deborah Lichitiz Gaston Louis Roux Abba J r me une domestique et Michel Leiris au premier plan accroupi tenant un enfant le cuisinier de la mission DR coll Particuli re 23 ill 5 Gondar 8 ao t 1932 Michel Leiris ric Lutten et Gaston Louis Roux se retournant en train d ex cuter des copies d
9. 244 voir galement Marianne Lemaire Un parcours sem de terrains L itin raire scientifique de Denise Paulme L Homme n 193 2010 pp 51 74 gt 10 Joseph Conrad Une victoire Paris Gallimard 1923 traduction d Isabelle Rivi re et Philippe Neel gt 11 Voir Michel Leiris L Afrique fant me in Miroir de l Afrique op cit p 532 gt 12 Voir Marcel Mauss L ethnographie en France et l tranger in uvres II Paris ditions de Minuit 1960 pp 395 435 gt 13 En ce sens la rh torique du retard participe de cette strat gie du pouvoir et de l id ologie qui paradoxalement vise carter les autres et vacuer toute intervention critique puisqu il s agit de rattraper voir Thomas Pavel Le Mirage linguistique Essai sur la modernisation intellectuelle Paris ditions de Minuit 1988 p 18 sg et p 192 gt 14 Sur un rapport de la Commission des finances du 26 mars 1931 pr sent par H Ducos Chambre des D put s n 4877 Annexe IV quatorzi me l gislature le Parlement fran ais vient de la voter l unanimit gr ce aux interventions 49 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG de Mario Roustan ministre de l Instruction publique et de Gaston Palewski chef du cabinet de Paul Reynaud ministre des Colonies 15 Sur la vie et l uvre de Paul Rivet voir l ouvrage de Christine Lauri re Paul Rivet le savant et le politique Paris Publications scientifiques du Mus
10. LUTTEN charg des observations technologiques et l occasion op rateur cin matographique membre permanent ANDR SCHAEFFNER musicologue charg des observations ethnomusicologiques et des enregistrements musicaux il rejoint la mission Bandiagara au Mali le 18 octobre 1931 et la quitte au Cameroun le 19 f vrier 1932 Jean Moucer charg des tudes linguistiques il quitte la mission au Cameroun le 20 f vrier 1932 JEAN MOUFLE m canicien qui participe la mission jusqu au 20 octobre 1931 Gasron Louis Roux artiste peintre charg de l tude de la collecte et des copies des peintures thiopiennes il rejoint la mission Gondar en thiopie le 8 juillet 1932 D BoraH Lircxitz ou Lifszyc tel que son nom est orthographi dans L Afrique fant me avant qu il ne soit francis linguiste l ve comme Griaule de Marcel Cohen charg e de l tude et de la collecte de manuscrits thiopiens elle rejoint la mission avec Roux le 8 juillet 1932 ABEL FAIVRE g ographe naturaliste scout selon le mot de Leiris qui ne l appr ciait gu re de loin rattach au Mus um national d histoire naturelle il rejoint la mission Gedaref le 17 mai 1932 OUKHTOMSKY probablement une relation de Georges Henri Rivi re l poque sous directeur du Mus e d ethnographie du Trocad ro mais qui ma pu tre plus pr cis ment identifi un ancien prince russe selon des informat
11. La toiture laissait passer la pluie et dans son chaume clairci abritait un nombre consid rable d oiseaux dont la fiente avait recouvert en partie les peintures murales de l difice Ces peintures qu une l gende attribue un Blanc d origine grecque du nom de Kis won qui v cut la fin du xvni si cle taient ex cut es la colle de peau sur des cotonnades recouvertes d un enduit de chaux Compte tenu de l tat de l glise elles risquaient d tre d t rior es par l eau de pluie C est pourtant la cro te blanch tre form e par les fientes d oiseaux que selon Gaston Louis Roux l artiste peintre de la mission Dakar Djibouti les peintures durent leur relative conservation D s son arriv e Gondar en juillet 1932 Roux s tait livr une exp rience visant prouver au clerg de la ville l indiscutable sup riorit de l huile sur la colle peinture l huile que les peintres thiopiens ne connaissaient pas Apr s qu il eut ex cut une crucifixion dans la plus pure tradition abyssine Roux invita plusieurs 21 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG membres du clerg de Gondar venir admirer son uvre sur laquelle la surprise de tous il jeta le contenu d un seau d eau Cette preuve note t il laquelle la peinture r sista victorieusement me valut un concert de louanges et la nouvelle d un proc d magique apport par un peintre blanc fut aussit t r
12. aspect r ducteur et pour tout dire p joratif In vitablement la mise en sc ne mus ographique de ces cultures conduisait souvent les pr senter comme indiff renci es Dans ces cultures ainsi mises plat bien quon e t cherch les mettre en relief la question de l esth tique tait sinon cart e du moins d clar e sans objet Ou bien tout en elles ou bien rien en elles men relevait Ces deux termes de l alternative revenaient en r alit d nier aux soci t s dites primitives l aptitude concevoir et cr er un art sinon authentique du moins autonome En 1931 Georges Henri Rivi re soutient que dans les soci t s primitives le 15 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG sentiment esth tique loin de s accumuler dans les objets sp cialis s circule dans les institutions dans les m tiers dans les croyances comme le sang de nos veines dans tous les points de notre corps La r action contre la vogue de l art n gre mais aussi et surtout le souci de contextualiser chaque objet collect am nent donc Rivet et Rivi re remettre en cause la notion d art dans les soci t s primitives puisque tout objet per u ici comme artistique tait l bas travers par des croyances et tait fabriqu en vue de remplir une fonction symbolique rituelle religieuse De sorte que les statues ne purent tre que d anc tres les figurines que f tiches les masques que rituels L art n gre
13. campement d tablissement En ethnologie tant d un point de vue m thodologique que professionnel la m taphore devient loquente creuser le terrain c est aussi disons faire son trou puisque le errain prend valeur de viatique dans la sph re 45 Jean jamin acad mique s impose comme un lieu et un milieu d accr ditation Tout terrain ainsi compris suppose un travail en d autres termes un ensemble d op rations de transformation qui s appliquent aussi bien l objet qui le d limite qu au sujet qui se meut non pas sur mais dedans l int rieur d une cha ne d interactions en vue de produire de la valeur qu elle soit d usage ou d change 8 La mission n est elle alors comme le voyage auquel elle se superpose que ce qui m ne au terrain Ou au contraire ne le subsume t elle pas au niveau des enqu tes qui sont appel es s y effectuer Dans l Introduction m thodologique du num ro de Minotaure Marcel Griaule a bien per u le probl me essayant non sans embarras d associer les deux types d enqu te auxquels toute mission ethnographique se trouverait confront e l une de fait extensive en raison de son itin rance et de son calendrier o ne peut se concevoir que la constitution de s ries de documents ou d objets plus ou moins bien inform s plus ou moins bien recueillis sur une technique une institution une repr sentation ou un th me cens s tre analogues dans les soci t s re
14. dans la mesure o un mus e d ethnographie doit tre un instrument de propagande culturelle et coloniale et pour les futurs coloniaux ou pour les coloniaux tout court un centre pr cieux et indispensable de documentation sur les populations qu ils sont appel s administrer Cependant m thodologiquement et pist mologiquement c est dire scientifiquement l apport de la mission Dakar Djibouti est assez mince ce qui contraste avec la notori t qu elle a connue et conna t encore dans l histoire de l anthropologie fran aise Le bilan tabli par Rivet et Rivi re reste essentiellement d ordre mat riel documentaire pour ainsi dire archivistique Tout restait en quelque sorte faire Mais aucun ouvrage collectif mis part le num ro de Minotaure n en sortira Ce n est que quinze ans plus tard pour le premier ouvrage et vingt cinq pour le second que Leiris agencera et publiera les mat riaux qu il avait recueillis au cours de cette mission Deborah Lifchitz ne fait para tre ses Zextes magico religieux thiopiens qu en 1940 Schaeffner quant lui n crivit jamais son livre sur la musique des Dogon Et c est sur une autre mission 7 que Griaule s adossera pour r diger sa th se consacr e aux masques dogon D s le retour en f vrier 1933 des rivalit s et inimiti s entre les protagonistes taient apparues elles ne feront que s amplifier moins d un an plus tard en janvier 1934 avec la publ
15. faisant il touchait un public plus large plus populaire Mais surtout il tait appel mettre en sc ne en jeu plut t le corps n gre dans ses performances les plus physiques et par d finition les plus naturelles Toutefois de n gre Al Brown n avait que la peau Pas m me la corpulence ni la puissance ni donc la brutalit qu on lui e t volontiers pr t es poids coq il n avait pas r ussi percer aux tats Unis o semble t il l on pr f rait les poids lourds tel Jack Johnson Grand lecteur de Joseph Conrad d une mise toujours l gante qui allait de pair avec son c l bre jeu de jambes Al Brown tait soign de sa personne aussi bien que de son esprit en un mot civilis au point d tre admis dans le Tout Paris de l poque C est pourtant gr ce lui en partie que les cultures n gres d Afrique allaient tre bient t vues et mieux connues Autre paradoxe qui faisait d un N gre disons factice ou occidentalis au regard d une certaine id ologie car accultur le promoteur certes symbolique d une des plus grandes entreprises de r cup ration d objets n gres que l ethnologie fran aise ait jamais con ue Mais tait ce l un paradoxe Dans la biographie qu il a consacr e Al Brown Eduardo Arroyo rapporte f information que devait me confirmer Georges Henri Rivi re que le soir du gala donn au profit de la mission Dakar Djibo
16. fait du film de King Vidor Je m aper ois maintenant qu il tait raciste tant donn que je me contentais de prendre en bien tous les st r otypes qui avaient cours sur les Noirs la sexualit d cha n e la pr disposition la transe etc gt 53 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG 61 Voir Marcel Mauss Sociologie et anthropologie Paris Presses universitaires de France 1950 L Essai sur le don paru en 1923 1924 dans L Ann e sociologique est repris dans ce recueil d articles de Mauss pr fac par Claude L vi Strauss gt 62 Ce paradoxe comme on l a vu avait d j t soulign par Robert Goldwater dans son ouvrage Le Primitivisme dans l art moderne op cit p 27 gt 63 In Miroir de l Afrique op cit pp 1079 1101 gt 64 Voir Michel Leiris Fourbis Paris Gallimard 1955 pp 44 45 repris dans le volume de la Biblioth que de la Pl iade dition Denis Hollier Paris Gallimard 2003 gt 65 Voir Andr Schaeffner Essais de musicologie et autres fantaisies Paris Le Sycomore 1980 gt 66 Voir Fran oise Michel Jones Retour aux Dogons Paris Le Sycomore 1978 gt 67 Voir Marcel Griaule Introduction m thodologique Minotaure n 2 1933 pp 7 12 num ro sp cial Mission Dakar Djibouti gt 68 Voir Michel Leiris Lethnographe devant le colonialisme article paru dans Les Temps Modernes en 1950 repris dans Bris es op cit gt 69 Voir Marcel Griaule L
17. homme o Leiris parle de sa propre d couverte du jazz Dans la p riode de grande licence qui suivit les hostilit s le jazz fut un signe de ralliement un tendard orgiaque aux couleurs du moment Il agissait magiquement et son mode d influence peut tre compar une possession C tait le meilleur l ment pour donner leur vrai sens ces f tes un sens religieux avec communion par la danse l rotisme latent ou manifest et la boisson moyen le plus efficace de niveler le foss qui s pare les individus les uns des autres dans toute esp ce de r union Peut tre est ce en cela qu il fut dit n gre un peu la mani re dont Rimbaud avait d j compris le terme dans Une Saison en enfer cet air louche mauvais gar on paum r volt cet air qui videmment 3 A Fa 3 A n avait rien voir avec les soci t s noires que l on imaginait plut t bon enfant N gre ce mot qui somme toute disait quelque chose contre les bonnes m urs contre la raison occidentale et qui voquait un monde sauvage pa en rebelle lequel lui aussi n avait que peu voir avec les soci t s africaines que voulant soumettre l on n tait pas loin de croire naturellement soumises Au d but des ann es 1920 c est un musicien celui ci europ en et de formation classique qui au terme d un s jour de quelques mois New York fit part de sa d couverte d un alliage inou de
18. il comportait et qui semblait persister dans l id e qu on se faisait de lui N avait il pas t d abord vu N avait il pas d abord t per u comme un spectacle Il y eut certes ces musiciens noirs dilettantes en soi spectaculaires ils jouaient de leur corps aussi bien que de leurs instruments Sorte de personnages sonores qui paraissaient tre au bord de la transe poss d s 28 Jean jamin par le rythme moins que ce ne f t comme on le soup onnait par la drogue ou par l alcool Il y eut ces fa ons insolentes ou ironiques de traiter les instruments pour la plupart d origine classique et que les musiciens de jazz bricolaient trafiquaient parfois d saccordaient ou dont par un jeu subtil ou par l ajout d un l ment tranger ils d naturaient le timbre sans craindre l effet ni les notes sales discordantes les faisant voir autant qu entendre Il y avait eu surtout cette g ographie sociale bouges bordels et autres lieux interlopes de La Nouvelle Orl ans o il s tait d velopp qui avait associ le jazz un univers de d bauche et lui avait donn une couleur milieu que l on pr tait d ordinaire au monde du jeu des bo tes de nuit ou de la boxe Le jazz venait en quelque sorte de ces zones interdites vers lesquelles Andr Breton et ses compagnons surr alistes voulurent aller plus tard Il est utile de rappeler ici m me ce passage devenu c l bre de L ge d
19. jamais ex cut es du Saint Louis Blues de William C Handy gt 58 Voir le discours que pronon a Andr Schaeffner au mus e de l Homme lors de sa mise la retraite en 1965 publi par mes soins la suite de la notice n crologique que je lui ai consacr e Andr Schaeffner 1895 1980 Objets et mondes n 20 fasc 3 1980 pp 131 135 Toute la jeunesse de Paris courait voir ce spectacle la Revue n gre Jos phine paraissait en sc ne tout juste v tue de plumes d autruche sur le post rieur et de quelques bananes suspendues je ne sais o Elle chantait mieux vaut dire qu elle poussait de petits cris elle dansait mais cela se bornait quelques mouvements de l arri re train et un hochement de la t te d avant en arri re limitation d une poule Elle ne faisait rien d autre Elle tait irr sistible gt 59 Voir Michel Leiris Journal 1922 1989 op cit la date du 11 juin 1929 p 190 gt 60 Voir Michel Leiris Z brage Paris Gallimard 1992 en particulier l article Saints noirs compte rendu crit en 1930 du film Hallelujah de King Vidor Dans C est dire Paris Jean Michel Place 1992 p 22 recueil qui reprend entre autres un long entretien que Leiris nous accorda Sally Price et moi en 1988 Leiris exprime un repentir par rapport aux id es qu il avait faites siennes cette poque Je faisais allusion tout l heure au compte rendu que j avais
20. l article de Marianne Lemaire L empreinte du faux L Homme n 203 204 2012 pp 545 554 et dans cette m me collection son tude sur la mission Paulme Lifchitz de 1935 gt 20 Selon la stance de Paul Val ry inscrite en lettres dor es sur le fronton du mus e de L Homme voir infra gt 21 Le Mus e d ethnographie du Trocad ro avait t fond en 1878 par Ernest Th odore Hamy 1842 1908 aide naturaliste au Mus um national d histoire naturelle puis assistant d Armand de Quatrefages professeur au Mus um et premier titulaire de la chaire d anthropologie auquel il succ da en 1892 Apr s la mort d Hamy au d but de ce si cle le mus e fut laiss l abandon C est donc d un fantastique magasin de bric brac selon leur mot que Rivet et Rivi re 50 Jean jamin h rit rent en 1929 Sur l histoire du Mus e d ethnographie du Trocad ro voir N lia Dias Le Mus e d ethnographie du Trocad ro 1878 1908 Anthropologie et mus ologie en France Paris ditions du CNRS 1991 gt 22 Marcel Griaule Projet de la Mission ethnographique et linguistique Dakar Djibouti Paris janvier 1931 dactylogramme d partement d Archives de l ethnologie mus e de l Homme gt 23 Bien que situ sur la colline de Chaillot et d volu aux cultures humaines le Mus e d ethnographie du Trocad ro fait partie int grante du Mus um national d histoire naturelle dont l administration centrale et la plup
21. l humble le pauvre le grossier cette incursion dans les bas fonds de la raison culturelle s est d abord exprim e dans le cadre de la revue Documents dont Marcel Griaule avait t pressenti pour en devenir le secr taire de r daction Comme le signale Leiris 7 cette revue s tait aventur e sous la f rule de Georges Bataille et de son bas mat rialisme vers les c t s g n ralement d laiss s sinon r pudi s ou r prim s de la nature humaine en l occurrence vers ses c t s obscurs sauvages inqui tants aussi bien que vers ses c t s h t roclites quelconques si ce n est triviaux Rivi re qui avec Bataille et l historien d art Carl Einstein avait t l un des fondateurs de cette revue pr conisait pour sa part l abolition de toute hi rarchie en art et de toute lectivit en ethnologie allant m me jusqu vouloir lib rer les objets de la tyrannie du go t et des chefs d uvre Le mus e d ethnographie devait se penser comme une machine rimbaldienne une machine sinon d r gler tous les sens du moins d former le go t et la sensibilit 28 Toutefois une telle conception qui en Europe avait une dimension s ditieuse et contestataire dans la mesure o l objet d art ainsi associ des objets communs ou transform s en ready made se voyait d mystifi d sacralis cela donc ne risquait il pas propos d autres cultures d avoir un
22. la sorte le c t Pieds Nickel s que la mission avait eu d s l origine fl et qui ne fut pas sans laisser comme un go t de fiel dans la communaut ethnologique fran aise De nos jours le vol des kono bambara l enl vement des peintures d Antonios l existence d une mitrailleuse dans les bagages de la mission le double enterrement du colonel Peluzo ou le rachat d une esclave Gondar jettent le doute sur l thique professionnelle de cette mission autant que sur ses objectifs r els Mais c est m conna tre le contexte dans lequel elle s est d roul e Bien s r un esprit d aventure et de conqu te des comportements par moments dignes de flibustiers ont t tout aussi pr sents que la raison scientifique ou que les gestes m thodiques du savant D s sa conception l op ration s tait voulue spectaculaire se mettant en concurrence avec La Croisi re noire Elle le fut Non seulement elle attira l attention sur une discipline qui en France tait en train de na tre et qu elle contribua malgr tout l gitimer mais par le volume et la vari t de sa collecte son butin elle fit conna tre et reconna tre la diversit culturelle de ce qui tait encore et plus que jamais des colonies De ce point de vue la mission Dakar Djibouti remplit l un des r les que dans une note dat e du 14 d cembre 1931 Rivet avait assign s au mus e d ethnographie un r le qu il qualifie de national
23. les id ologies racistes ou bien par les fascismes naissants selon laquelle ces peuples d outre mer taient peine civilis s ne formant que des soci t s inf rieures ou primitives sans histoire sans criture sans machinisme sans tat donc tout enti res plac es sous le signe de la n gativit Cependant urgence de la collecte des mat riaux objets artefacts ou de l tude des us et coutumes rites croyances traditions avanc e comme motif pouvait tenir lieu d alibi dans la mesure o un tel sauvetage culturel mus al patrimonial dirait on aujourd hui s effectua dans bien des cas malgr incidemment contre les populations indig nes qui se virent de la sorte doublement condamn es par la politique coloniale et par la d marche ethnographique n tre plus que des objets de mus e L un des m rites de L Afrique fant me de Michel Leiris est d avoir apport un t moignage de premi re main sur cette position ambigu de l ethnologie et ses entreprises de sauvegarde au m pris parfois de toute m thodologie sinon de toute thique 12 Jean jamin Le motifs et les objectifs de la mission Dakar Djibouti prolongent et concr tisent le projet de r organisation du Mus e d ethnographie du Trocad ro en 1937 il devait aboutir la cr ation du mus e de l Homme un projet form d s son rattachement en 1929 la chaire d anthropologie du Mus um national d histoire naturelle et dont
24. mal fam de la Nouvelle Orl ans o pris en charge par Bunk Johnson il fit ses premiers apprentissages de musicien de jazz De m me restait elle loign e du monde noir par la couleur de sa peau que mul tresse elle avait claire Ce qui probablement contribua renforcer son succ s populaire elle demeurait proche Par sa couleur ou par ses traits elle apprivoisait l exotisme elle le rendait familier elle repr sentait la n gritude sans en avoir lair En somme Jos phine Baker avait plut t l allure d une Brigitte Bardot de l poque ainsi que l crivit Andr Schaeffner en 1965 lui donnant par ce rapprochement inattendu avec celle qui devint un des sex symbol des ann es 1960 une pr sence sensuelle rotique Quatre ans plus tard Leiris sera subjugu par une nouvelle revue n gre qui se donnait au Moulin Rouge celle des Lew Leslie Blackbirds observant que les danseurs semblaient pouvoir d placer leur point fixe et le situer volont dans n importe quelle partie de leur corps 5 Le 9 ao t 1929 il crit Zette sa 30 Jean jamin femme Je ne me consolerai jamais de ne pas tre un de ces gens l naturellement pas cause du talent mais cause de leur fa on d tre dans la vie Mises en sc ne donc donn es en spectacle les choses n gres que le corps d nud ou d hanch tait cens personnifier se voyaient r duites leur plus simple express
25. part au monde il ne peut en pr exister aucun cadre ni r f rent fixes 8 Et des certitudes il n y en aura eu gu re au cours des deux ans que dura la mission Dakar Djibouti en d pit des d clarations d intention des ambitions des modes op ratoires de ses promoteurs et participants d o l arrogance n tait pas exclue et du butin d objets dont ils empar rent et qu ils rapport rent L Afrique fant me nous le rappelle presque toutes les pages et elles ne sont pas seulement l expression des tourments int rieurs ou de limaginaire tortueux de son r dacteur m me si parfois des r f rences litt raires et romanesques les inspirent puisant en l occurrence chez Joseph Conrad autre crivain de la mer de l exotisme de l quivoque de la solitude du signifiant flottant qui Leiris empruntera le nom du protagoniste d Une Victoire Axel Heyst pour l id e d un conte qui lui vient l esprit et sous sa plume tandis que la mission touche sa fin le 29 d cembre 1932 et qu il s enfonce dans le cafard s identifiant au caract re r veur irr solu sans doute l che un peu du personnage principal confront la forbanterie de ses compagnons d infortune perdus et se perdant dans les sables et courants d une le lointaine dont Gondar sur les hauts plateaux thiopiens entour de ruines parsem de lieux de culte b tis sur du fumier isol dans la brume et les pluies ceintur de
26. que la premi re implique elle invit t corriger les m thodes de colonisation et faire en sorte que les colonies devinssent visage humain 11 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG cette fonction sociale d volue l ethnologie et qui avant la lettre lui donne une couleur n ocolonialiste elle en fait la complice sinon l auxiliaire de la colonisation ce que ne manqu rent pas de d noncer les surr alistes 18 s ajoute une fonction culturelle de sauvetage qui traduit des ambitions humanistes voire humanitaires au risque de l anachronisme Sous l effet du contact avec les Europ ens les soci t s que l ethnologie tudie ont tendance se transformer rapidement et profond ment perdre leurs traditions et le contr le social de leurs m urs d laisser leurs artefacts en un mot dispara tre Il devient donc urgent de les sauver de Poubli en pr levant en conservant en sappropriant les l ments jug s significatifs et repr sentatifs de leurs cultures Alors per us comme les t moins de moments techniques conomiques ou sociaux de l volution et de la diversit de l humanit ces l ments sont consid r s comme partie int grante du patrimoine mondial au m me titre que les vestiges arch ologiques ou les sites pr historiques Cette id e aujourd hui commun ment admise faisait l poque figure d id e progressiste par rapport l opinion largement r pandue et entretenue par
27. torrents pouvait tre l aussi la m taphore 11 Mannequins du Mus e d ethnographie du Trocad ro photo ins r e dans la revue Documents n 5 1929 DR coll particuli re LE CERCUEIL DE QUEEQUEG Qu par l Institut d ethnologie de l universit de Paris et par le Mus um national d histoire naturelle notamment par l un de ses satellites le Mus e d ethnographie du Trocad ro la mission ethnographique et linguistique Dakar Djibouti de 1931 1933 occupe une position quelque peu ambigu dans l histoire de l anthropologie elle inaugure officiellement l re des grandes enqu tes de terrain de l ethnologie fran aise en m me temps qu elle cl t celle des grandes exp ditions ethnographiques et naturalistes que les nations colonisatrices d Europe occidentale avaient promues ou suscit es avant la Premi re Guerre mondiale Grande Bretagne Allemagne ou Pays Bas ce titre elle accuse le retard assez consid rable que par rapport ces nations la France a pris dans le domaine des recherches ethnologiques de terrain retard que Marcel Mauss avait d j signal en 1913 2 mais en vain et qui ne justifie gu re la spectacularisation parfois exag r e que connut cette mission avant son d part en mai 1931 Ou au contraire elle la justifie pleinement puisqu il s agit d une mission de rattrapage et dans la foul e de l Exposition coloniale internationale de Paris inaugur e en mai 1931 de se hauss
28. um national d histoire naturelle 2008 gt 16 Par ailleurs connu pour ses travaux ethnologiques sur les Ashanti voir notamment Ashanti Oxford The Clarendon Press 1923 ainsi que Ashanti Law and Constitution Oxford The Clarendon Press 1929 gt 17 Voir Lucien L vy Bruhl LInstitut d ethnologie de l Universit de Paris Revue d ethnographie et des traditions populaires n 23 24 1925 pp 1 4 gt 18 Ancien surr aliste outre sa rupture fracassante avec le mouvement en 1929 Michel Leiris se verra reprocher par les compagnons d Andr Breton et par Alberto Giacometti en particulier sa participation une exp dition colonialiste gt 19 De tous les membres de la mission seuls quatre entreprirent une carri re d ethnographe et ou de linguiste Leiris y compris Marcel Griaule 1898 1956 fit de nouvelles missions en Afrique de l Ouest notamment dans l ex Soudan fran ais Mali actuel chez les Dogon dont il appara t comme l inventeur voir notamment l tude d ric Jolly dans cette m me collection Ayant soutenu sa th se en novembre 1938 il est nomm professeur la Sorbonne en 1942 et devient en 1943 le titulaire de la premi re chaire d ethnologie g n rale cr e dans l universit fran aise Andr Schaeffner 1895 1980 avait fond en 1929 le d partement d ethnologie musicale du Mus e d ethnographie du Trocad ro Transform en d partement d ethnomusicologie du mus e de l
29. une collection ad hoc qu un jour peut tre un responsable d dition pourrait trouver en proposant de le faire entrer ne serait ce qu en hommage l esprit surr aliste de son auteur dans une des deux fameuses s ries cr es en 1945 et 1949 chez Gallimard par Marcel Duhamel autre ancien surr aliste C est dire la S rie bl me ou plus pertinemment la S rie noire SERIE NOIRE a direction de Marcel Dodane nrf GALLIMARD S D Chez layant droit 43 SCOLIE D s le d but de ce texte j voquais les ambigu t s qui ont marqu la mission Dakar Djbouti au premier rang desquelles la s rie de motifs ayant pr sid sa mise en uvre rattrapage m thodologique captures scientifiques sinon rapines pures et simples accumulation d objets et de documents de toute sorte remplissage de caisses constitution d un butin mise en cartes et en fiches de faits culturels et rituels ou de ph nom nes sociaux etc Cela ne co ncide gu re avec l image que de nos jours on se fait de enqu te ethnographique de terrain alors que ladite mission travers le discours de ses promoteurs j y ai insist et c est ainsi qu elle est toujours pr sent e dans les manuels 1 se pr tendit en tre un moment inaugural du moins en France Toutefois au del des quivoques pesant sur ses attendus son d roulement et sa r ception c est le terme m me de mission f t il accoupl aux qualificat
30. une fonction essentiellement documentaire et m me testimoniale limitation de celle que dans le domaine des sciences de Phomme on accorde aux ensembles arch ologiques ou aux s ries pr historiques ou de celle que dans le domaine des sciences de la nature on r serve aux collections naturalistes botaniques zoologiques entomologiques min ralogiques etc 14 Jean jamin Ea organisant la collection ethnographique sur la base de P quivalence repr sentative des l ments des objets qui la composent c est dire qu une serrure dogon a la m me valeur de t moignage qu un masque ou une statue selon un principe que Denis Hollier nomme si justement de charit pist mologique lequel am ne prendre en compte le tout de l Homme c est dire le tout des soci t s 2 les fondateurs du mus e de l Homme et leur suite les membres de la mission Dakar Djibouti ne vont pas sans bouleverser la notion m me de mus e Car somme toute montrer des objets usuels quotidiens pour ainsi dire banals serrures portes houes calebasses paniers jarres etc n est ce pas d tourner le r le qu on lui pr te d ordinaire conserver concentrer exposer les tr sors d une culture ce qui donc rel ve de l exception en m me temps que de l exemplarit voire de la pr ciosit Sans doute n est ce pas un hasard si cette vulgarisation ou plus exactement cette p joration de l objet de l ethnologie
31. 0 12 Voir dans cette m me collection Marianne Lemaire Celles qui passent sans se rallier La mission Paulme Lifchitz janvier octobre 1935 Disponible en ligne http www berose fr spip php rubrique240 13 Voir galement dans cette m me collection Mich le Coquet Un destin contrari la mission de Th r se Rivi re et Germaine Tillion dans l Aur s 1935 1936 Disponible en ligne http www berose fr spip php rubrique240 14 Bertrand Pulman Pour une histoire de la notion de terrain art cit p 27 gt 15 Voir aussi l article de Marianne Lemaire dont le titre emprunt certes Virginia Woolf est on ne peut plus vo cateur La chambre soi de l ethnologue Une criture f minine en anthropologie dans l Entre deux guerres L Homme 2011 n 200 pp 83 112 gt 16 Outre les missions Paulme Lifchitz et Rivi re Tillion signalons les missions Jacques et Georgette Soustelle 1934 au Mexique Dinah et Claude L vi Strauss 1935 au Br sil 17 Voir Deborah Lifchitz amp Denise Paulme Lettres de Sanga Paris CNRS ditions 2014 dition de Marianne Lemaire 18 Voir Michel Leiris Organisation sociale des Dogon L Homme 1998 n 147 p 15 gt 19 Voir G rard Leclerc Le Sceau de l uvre Paris Seuil 1998 notamment pp 41 sq gt 20 Michel Leiris Miroir de l Afrique Paris Gallimard 1996 p 395 dition de Jean Jamin gt 57 ma Les Documents Bleus s
32. 185 186 2008 pp 401 440 ainsi que Jean Jamin amp Patrick Williams Une anthropologie du jazz Paris CNRS ditions 2010 pp 285 333 gt 54 Darius amp Madeleine Milhaud H l ne amp Henri Hoppenot Conversation op cit p 73 gt 55 La premi re de La Cr ation du monde eut lieu au th tre des Champs lys es le 25 octobre 1923 ex cut e par un ensemble de dix sept musiciens Darius Milhaud lenregistrera plus tard en 1956 pour la firme d Andr Charlin la t te d instrumentistes de l orchestre du th tre des Champs lys es version r dit e sur CD en 2005 La Varenne ditions Andr Charlin ND 217 noter que la Rhapsody in Blue de George Gershwin ou le Concerto en Sol de Maurice Ravel o pointent comme on sait les m mes accents bluesy et jazzy ne seront compos s respectivement qu en 1924 et 1931 et le Concertino d Arthur Honegger qu en 1925 ce titre Milhaud fait figure de pionnier Ce qu a tr s bien vu Andr Schaeffner 1988 109 m me si probablement gar par son stravinskysme sourcilleux il qualifia La Cr ation du monde de Milhaud d uvre de seconde zone gt 56 Voir Journal 1922 1989 op cit p 190 gt 57 Allusion Gertrude Ma Rainey originaire du sud de la G orgie qui d s le d but du xx si cle s imposa comme The Mother of the Blues Bessie Smith devint son l ve et enregistra avec Louis Armstrong en 1925 une des plus belles versions
33. 2 Le cercueil de Queequeg Mission Dakar Djibouti mai 1931 f vrier 1933 Jean Jamin Les Carnets de B rose Copyright 2014 Encyclop die en ligne B ROSE Laic Minist re de la Culture et de la Communication Direction g n rale des patrimoines D partement du pilotage de la recherche et de la politique scientifique ISSN 2266 1964 Illustration de couverture Couverture de Minotaure n 2 peinture de Gaston Louis Roux d tail 1933 Fabrication de l dition lectronique Adeline BERJOT Textes et Martin MONFERRAN Images Lahic DPRPS Direction g n rale des patrimoines 2014 Le cercueil de Queequeg Mission Dakar Djibouti mai 1931 f vrier 1933 Jean Jamin Les Carnets de B rose AVERTISSEMENT Ce texte reprend quelque peu remani s et compl t s les mat riaux et analyses que j ai pr alablement expos s dans trois articles et dans le texte de pr sentation des uvres africaines de Michel Leiris publi es Paris en 1996 aux ditions Gallimard Objets trouv s des paradis perdus propos de la Mission Dakar Djibouti in Jacques Hainard amp Roland Kaehr d Collections passion Mus e d ethnographie Neuch tel 1982 pp 69 100 L Ethnographie mode d inemploi De quelques rapports de l ethnologie avec le malaise dans la civilisation in Jacques Hainard amp Roland Kaehr d Le mal et la douleur Mus e d ethnographie Neuch tel 1986 pp 45 79 Aux origine
34. Homme en 1937 il en assure la direction jusqu en 1965 ann e de sa mise la retraite du Centre national de la recherche scientifique CNRS qu il avait int gr d s sa cr ation en 1939 Entre temps il a effectu d autres missions en Afrique de l Ouest notamment chez les Kissi de Guin e Il est surtout connu comme l auteur d un ouvrage qui a fait date et fait toujours r f rence de nombreuses fois r dit Origine des instruments de musique Introduction ethnologique l histoire de la musique instrumentale Paris Payot 1936 La Haye Mouton puis Paris ditions de l EHESS depuis 1968 Deborah Lifchitz 1907 1944 a entrepris en 1935 un long s jour chez les Dogon avec Denise Paulme qui deviendra en 1937 la femme d Andr Schaeffner Attach e au Mus e d ethnographie et charg e d un enseignement d amharique l cole des langues orientales elle fut contrainte en tant que juive d abandonner ses fonctions en 1940 Ayant trouv asile chez les Leiris qui la prot g rent elle fut probablement d nonc e Arr t e par la police fran aise en f vrier 1942 d tenue la prison des Tourelles puis au camp de Drancy elle est d port e Auschwitz en septembre de la m me ann e o elle p rit gaz e peu de temps apr s son arriv e Michel Leiris d diera sa m moire son livre sur La Langue secr te des Dogons de Sanga publi en 1948 r dit en 1992 chez Jean Michel Place sur Deborah Lifchitz voir notamment
35. Jacques B Hess Sperber Dan 1974 Le Symbolisme en g n ral Paris Hermann 62 Fu b UNE COLLECTION DU LAHIC ET DU D PARTEMENT DU PILOTAGE DE LA RECHERCHE Do A Peres ET DE LA POLITIQUE SCIENTIFIQUE R PUBLIQUE FRAN AISE FO i A R A Direction g n rale des patrimoines Minist re de la Culture et de la Communication Cultura ommunication DIRIG E PAR DANIEL FABRE ET CLAUDIE VOISENAT LECOLE COMIT DE LECTURE HAUTES ETUDES Giordana Charuty Jean Jamin SOCIATES Arnaud Dhermy Fanch Postic Nelia Dias Nathalie Richard David Hopkin Fran oise Zonabend SECR TARIAT DE R DACTION Annick Arnaud Les manuscrits doivent tre adress s au Lahic 11 rue du S minaire de Conflans 94220 Charenton Le Pont T l 01 40 15 76 20 Fax 01 40 15 76 75 e mail claudie voisenat cnrs fr Fa 2 Les Carnets de B rose LoaHIC
36. LA MISSION DAKAR DJIBOUTI Collecte de 3 600 objets qui sont venus enrichir les collections du Mus e d ethnographie du Trocad ro et qui furent conserv s au d partement d Afrique noire du mus e de l Homme jusqu la cr ation en 2006 du mus e du quai Branly Constitution d un ensemble d chantillons zoologiques entomologiques et botaniques destin s au Mus um national d histoire naturelle Notation de 30 langues ou dialectes Formation d une importante collection de peintures thiopiennes anciennes et modernes comprenant donc les peintures murales de l glise d Antonios Recueil de plus de 300 manuscrits et amulettes thiopiens destin s la Biblioth que nationale Prises de 6 000 clich s photographiques dont pr s de 3 000 ont t d pos s la phototh que du mus e de l Homme R daction de 15 000 fiches d observation etc Ce butin fut en partie expos dans une salle r nov e du Mus e d ethnographie du Trocad ro du 2 juin au 29 octobre 1933 au retour de la mission Parmi les visiteurs la chanteuse Jos phine Baker le boxeur Al Brown 41 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG C est de fa on p remptoire et la mani re de corsaires que dans le num ro 2 1933 de la revue Minotaure enti rement consacr la mission Dakar Djibouti Paul Rivet et Georges Henri Rivi re dressent le bilan de ladite mission un bilan qu ils n h sitent pas qualifier de butin accentuant de
37. Michel Place Premi re dition Paris Le Sycomore 1978 Dias N lia 1991 Le Mus e d ethnographie du Trocad ro 1878 1908 Anthropologie et mus ologie en France Paris ditions du CNRS Durand R gis 1980 Melville Signes et M taphores Lausanne ditions L ge d homme Goldwater Robert 1988 Le Primitivisme dans l art moderne Paris PUF Griaule Marcel 1933 Introduction m thodologique Minotaure n 2 pp 7 12 num ro sp cial Mission Dakar Djibouti 1938 Masques dogons Paris Institut d ethnologie R ditions 1963 1983 1952 L enqu te orale en ethnologie Revue philosophique octobre d cembre pp 547 548 1957 Les M thodes de l ethnographie Paris PUF Griaule Marcel amp Germaine Dieterlen 1965 Le Renard p le Paris Institut d ethnologie Hollier Denis 1991 La valeur d usage de Pimpossible pr face la r impression de la collection compl te de Documents Paris ditions Jean Michel Place pp vn xx v Repris dans 1993 Les D poss d s Paris ditions de Minuit Jamin Jean 1980 Andr Schaeffner 1895 1980 Objets et mondes n 20 fasc 3 pp 131 135 1981 Quand le sacr devint gauche LIre des vents 3 4 pp 98 118 59 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG 1982 Objets trouv s des paradis perdus propos de la Mission Dakar Djibouti in Jacques Hainard amp Roland Kaehr d Collections passion Mus e d eth
38. aine que l emploi insistant de l adjectif n gre leur accordait malgr tout par devenir presque aussi artificielles que la lumi re qui les baignait d sormais Le jazz fut un curieux exemple d un tel glissement de sens et d espace Musique hybride faite d emprunts de m langes de collages au reste issue d un fonds socioculturel h t rog ne le jazz avait r ussi mettre en uvre une mati re sonore et un jeu instrumental originaux formellement coh rents recherchant ses sources et puisant son inspiration dans un folklore lui m me hybride qui de ses origines africaines meut bient t plus que la couleur c est dire la surface Le blues et le spiritual taient n s d une transplantation pour laquelle il n y avait pas de retour Andr Schaeffner devait s en apercevoir sur le terrain pendant la mission Dakar Djibouti contre toute attente il observa que les Africains restaient impassibles l coute des disques de jazz qu il leur jouait sur le phonographe de la mission Hormis son c t expressif th tral m me que Schaeffner avait soulign tr s t t et qu il retrouvait dans la plupart des musiques noires le jazz avait conserv peu de traces de ses racines africaines lorsqu il fut introduit en France la fin de la Premi re Guerre mondiale Cela toutefois n emp cha pas qu on l appel t n gre cause peut tre de cette part visuelle son c t expressif qu
39. anit manipule obsessivement des instruments dont il n a pas l usage et ressasse ind finiment des messages dont il ignore le sens Voir Dan Sperber Le Symbolisme en g n ral Paris Hermann 1974 pp 33 35 gt 74 Noir Jean Paul Sartre L rre et le N ant Paris Gallimard 1943 p 87 sq gt 75 Ibid p 95 sq gt 76 Voir Alfred M traux La com die rituelle dans la possession Diog ne n 11 1955 pp 26 49 gt 77 Voir Jean Paul Sartre L rre et le N ant op cit p 108 gt 78 Voir Jean Paul Sartre L maginaire Paris Gallimard 1940 Les Mouches in Th tre Paris Gallimard 1947 la pi ce a t cr e en 1943 et Leiris publie son compte rendu dans Les Lettres fran aises clandestines n 12 en d cembre 1943 texte repris dans Bris es op cit gt 54 Jean jamin 79 Voir Jean Paul Sartre L Imaginaire op cit p 243 gt 80 Voir Denis Hollier Les D poss d s op cit p 46 gt 81 En 1982 lors d une entrevue que j eus avec lui Gaston Palewski avait ent rin cette comparaison voquant non sans amusement la fa on dont accompagn des trois Pieds Nickel s Rivi re Griaule et Leiris il uvra pour que la loi du 31 mars 1931 instituant la mission f t adopt e par un S nat qui 4 h 45 du matin de ce fait passablement ensommeill ne put tre qu unanime la voter Voir aussi l Agenda de la mission Dakar Djibouti en grande partie r d
40. antes Le chercheur tour tour camarade affable pour le personnage mis sur la sellette ami distant tranger s v re p re compatissant m c ne int ress auditeur apparemment distrait devant les portes ouvertes sur les myst res les plus dangereux ami complaisant vivement attir par le r cit des ennuis familiaux les plus insipides doit mener sans r pit une lutte patiente obstin e pleine de souplesse et de passion ma tris e Le prix est fait de documents humains Le ton quelque peu ironique ne doit cependant pas masquer que ce discours de la m thode se fonde entre autres sur une attitude de suspicion laquelle r appara t non sans insistance dans les notes de cours de Griaule publi es apr s sa mort Pourtant il convient de ne pas garder trop d illusions enqu ter sur des faits humains r els revient dans bien des cas demander un accus de se mettre en rapports d amiti avec le juge d instruction 2 M me si de temps en temps agac Leiris stigmatise cette conception judiciaire voire polici re de l enqu te ethnographique dans L Afrique fant me Quant moi je continue mon travail de pion de juge d instruction ou de bureaucrate 22 ao t 1931 Pourquoi l enqu te ethnographique ma t elle fait penser souvent un interrogatoire de police 31 mars 1932 il en demeure malgr tout impr gn comme le montrent ses tentatives d explication de la possession par les g nies zar c
41. art des laboratoires sont concentr s quelques kilom tres de l au jardin des Plantes de Paris Cette d pendance institutionnelle administrative et scientifique laquelle a t per ue parfois comme une servitude par les conservateurs et chercheurs dudit mus e remonte la fin du xvn si cle c est dire au moment de la cr ation du Mus um et plus pr cis ment au mouvement des Id ologues du Consulat qui s attach rent fonder une histoire naturelle de l Homme suivant donc les m thodes et concepts utilis s dans les sciences de la nature voir Jean Copans amp Jean Jamin Aux Origines de l anthropologie fran aise Les M moires de la Soci t des observateurs de l Homme en l an vin Paris ditions Jean Michel Place 1994 1 dition Paris Le Sycomore 1978 ainsi que Yves Laissus Le Mus um national d histoire naturelle Paris Gallimard 1995 gt 24 Voir Paul Rivet L tude des civilisations mat rielles ethnographie arch ologie pr histoire Documents 1929 n 2 pp 130 134 gt 25 Instructions sommaires pour les collecteurs d objets ethnographiques 1931 Paris Mus e d ethnographie du Trocad ro et Mission Dakar Djibouti voir infra gt 26 Voir Denis Hollier La valeur d usage de l impossible pr face la r impression de la collection compl te de Documents Paris ditions Jean Michel Place 1991 pp vn xx1v repris dans Denis Hollier Les D poss d s
42. aule avait insist sur cet objectif et lavait m me rendu prioritaire Je tiens attirer sp cialement l attention sur l int r t qu il y a de rassembler syst matiquement des collections nombreuses accompagn es de tous les renseignements concernant chaque objet et de donner des directives ceux qui vivent sur le terrain et qui rattachent pas toujours assez d importance la valeur de cette documentation Le Mus e d ethnographie du Trocad ro qui contient des richesses inestimables ne poss de au point de vue africain que peu de collections parfaitement d termin es et comprenant des s ries compl tes pour une contr e donn e Par ailleurs les objets manquent pour certaines r gions Il importe de combler ces lacunes et de doter le premier mus e ethnographique fran ais de collections in galables qui continueront l uvre de l Exposition coloniale La notion de collection ethnographique qui d s ce moment l acquiert un statut scientifique s inspire en r alit du mod le naturaliste il s agit de constituer des s ries organis es selon une syst matique fonctionnelle afin que s en d gagent des types La collection ethnographique doit tre aux sciences de la culture ce que par exemple un herbier est aux sciences de la nature De ce point de vue il importe 13 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG que l objet ethnographique soit d hi rarchis c est dire class non pas en fonction de sa valeur es
43. bien m me faudrait il pour cela le traquer et le forcer En proc dant donc l instruction de sa culture on rapportera outre des confessions des d positions ou des aveux ces pi ces conviction que sont les objets Tel tait l un des paradoxes de cette ethnographie elle ne pouvait amener l indig ne sur notre territoire et lui donner place dans les lieux privil gi s de notre identit culturelle mus es biblioth ques qu en le d nudant un peu plus qu en en faisant le proc s n est il pas per u comme un accus ou du moins qu en recourant des m thodes qui ne reconnaissaient son innocence qu apr s l avoir d clar sinon coupable du moins suspect Peut tre tait ce l le prix payer pour que des soci t s jusqu alors minoris es voire m pris es fussent admises partager cette humanit dont la soci t occidentale se pr tendait l talon En second lieu cette mauvaise foi dont parle Claude Reichler ne peut manquer d voquer la formulation que Jean Paul Sartre en a donn e en 1943 se r sumant cette attitude pour ainsi dire fondamentale de l tre au monde qui force par une d cision plus ou moins consciente son adh sion des v rit s incertaines laquelle adh sion le dispense d affronter lucidement sa condition La possession serait elle donc une forme de mise en sc ne sociologique et rituelle de ce mensonge soi dont parle Sartre et qu
44. ce la th orie locale laquelle on accorde une valeur explicative mais dont on vacue par la m me occasion la dimension normative ou disons id ologique le savoir de quelques uns devient non seulement le savoir de tous mais le savoir du tout tant donn le mode de transmission des connaissances dans ces soci t s l essentiellement fond sur ce qu on appelle la tradition orale la parole le dire se trouvait privil gi au d triment du faire de l sans doute le peu d informations que jusqu une date r cente la litt rature ethnologique tait capable de produire sur l organisation sociale et conomique des Dogon En r sultait la mise au point de techniques d enqu te destin es surtout saisir cette parole en un mot 4 faire parler Les proc dures d investigation pr conis es par Griaule laissent entrevoir une telle conception cryptologique du fait social et culturel n gre et viennent par ailleurs souligner la duplicit que s agissant de choses cach es on est toujours pr s d imputer ceux qui les mettent en sc ne De ce qui tait dissimul dans les soci t s indig nes il n y avait qu un pas faire pour qu on pens t qu elles voulaient le tenir cach Le pas fut franchi Si bien que ces proc dures s inscrivirent dans ce que j appellerai une probl matique de l aveu et sinspir rent ouvertement d un protocole d enqu te de type judiciaire Que ce soit dans des article
45. conception de l objet t moin et de toute vis e mus ographique pas plus que le renard p le ou le dieu d eau les zar thiopiens ne sont vraiment tangibles gt 89 J ai utilis ce propos l expression gaffe pist mologique mais ceci avec le recul me semble euph mistique voir Jean Jamin Quand le sacr devint gauche L Ire des vents 3 4 1981 pp 98 118 Leiris lui m me et pour 55 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG lui m me prendra moins de gants lorsque en 1987 commentant la publication de L Afrique fant me dans la collection Biblioth que des sciences humaines de Gallimard il s exclama a n a fait plaisir comme un truand tr s content si on lui fout la L gion d honneur 7 Michel Leiris C est dire Paris ditions Jean Michel Place 1992 p 42 gt 90 Voir Jean Jamin Les m tamorphoses de L Afrique fant me Critique 418 1982 pp 200 212 voir aussi Michel Leiris Journal op cit pp 302 303 o Leiris fait part d j du refus d une commission du minist re de l ducation nationale d acheter en 1936 des exemplaires de L Afrique fant me pour les biblioth ques scolaires ou universitaires relevant de sa tutelle au motif que l ouvrage d une apparente intelligence est en fait l expression d une tr s grande bassesse de sentiments gt Nores de la Scolie 1 Voir notamment Philippe Laburthe Tolra amp Jean Pierre Warnier Ethn
46. e conviction en quelque sorte sp cimen d une culture dont il manifeste l essence c est dogon c est bambara La partie signale le tout Perspective id aliste qui ne tient compte ni des changements ni des tensions ni m me de la question du style peine de celle des emprunts des influences ou des m tissages perspective que pr cis ment Leiris tentera de redresser quelque trente cinq ans plus tard dans son Pr ambule une histoire des arts plastiques de l Afrique noire ill 7 Jos phine Baker et Georges Henri Rivi re devant une vitrine du Mus e d ethnographie du Trocad ro avant le d part de la mission Dakar Djibouti en avril 1931 DR coll particuli re 32 Jean jamin S la mission Dakar Djibouti s int ressa principalement la dimension spectaculaire des soci t s africaines elle fut amen e dans un m me mouvement se pr occuper de Penvers des coulisses c est dire de leur dimension cach e ou tenue secr te qui tait parfois aussi pr sente presque autant visible et dont on n tait pas loin de penser qu elle orientait expliquait donnait sens la premi re Langue secr te et savoir sot rique mythologie esprits et g nies ce qui th oriquement demeure cach devinrent galement des objets de la mission Dakar Djibouti De m me que le corps n gre avait t per u comme naturellement expressif de m me les spectacles n gres furent ils con u
47. e le trac g ographique la marque l empreinte onomastique l autorit missionnaire proprement dite officielle ou d l gu e Le fait est qu en dehors de rivalit s de personnes et de diff rences de personnalit s qui ne sont pas n gligeables Denise Paulme et Deborah Lifchitz d cideront de ne pas communiquer leurs fiches de terrain au chef de mission avec lequel pourtant elles se sont rendues sur le terrain et ne correspondront pas autrement que le plus formellement avec lui 7 comme sera dissoci e la collection d objets ethnographiques qu elles en rapporteront sans compter l inflexion pist mologique que manifesteront leurs travaux notamment ceux de Denise Paulme dont Michel Leiris pouvait crire qu ils ont le m rite de ne pas tre une s che description de coutumes non plus qu un expos abstrait 47 Jean jamin de repr sentations mais une peinture au naturel de ce qu est dans sa complexit de chose vivante la soci t dogon 18 Comme sont choses vivantes et nomm es ceux et celles qui en mission sur le terrain chez d autres humains se sont donn pour t che de les observer et de les tudier au cours d enqu tes de longue dur e non pour en faire choses soi mais choses partag es C est la fonction de tout texte la vertu de toute criture malgr la signature mais peut tre aussi cause d elle 1 N est ce pas Leiris lui m me qui en panne d enqu te au moment o
48. e nouvelle d finition de l homme de la soci t de la culture des arts et m tiers d Occident pour reprendre une id e de Marcel Duchamp Il reste que l aventure ditoriale du num ro 2 de Minotaure ne sera qu un feu de paille f t il de belle ampleur D une part elle sera la seule publication collective des membres de la mission que brouilleront par la suite rivalit s et inimiti s d autre part et ce malgr une des propositions du pri re d ins rer de la revue les diteurs Skira et T riade d laisseront sous l influence de Breton et luard le premier ne supportant pas qu un savoir serait il asymptotique s interpos t entre le regard et l uvre les travaux et objets ethnographiques dans la suite des num ros ces deux raisons s ajoute celle d une reprise en main ouvertement fonctionnaliste par les diles du Mus e d ethnographie du Trocad ro Ce qui va pr sider en tout cas la fondation du mus e de l Homme c est bien le rejet de la forme au profit de la fonction de ce que l on pourrait appeler la valeur d usage de l objet ethnographique et sa plus value symbolique Comme le remarque Denis Hollier qui j emprunte les r flexions qui suivent 34 C est Andr Schaeffner qui dans son article de Documents sur les instruments 17 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG de musique dans un mus e d ethnographie 35 avait explicit clairement ce refus d opposer utilisation et exposition
49. e traverserait la mission au cours de son p riple afin que les objets recueillis au hasard de leurs tourn es ou de leurs activit s soient d sormais accompagn s d une masse de renseignements normalis s qui permettent ais ment de les identifier authentifier et r pertorier elles indiquaient non seulement ce qu il faut collecter mais comment il faut collecter cet gard les Jnstructions jou rent le r le d un aide m moire ou bien plus d un mode d emploi elles proposaient un syst me de classement et un mod le de fiche descriptive des objets ethnographiques qui jusqu une date r cente taient toujours utilis s pour cataloguer et tudier les collections entrant au mus e de l Homme L entreprise de collecte ainsi r gl e semblait devoir rester li e au spectacle pour la raison peut A b F4 2 amp 2 gt 1 b o tre que celui ci en avait t l origine et en tait d une certaine mani re la fin avec lexposition pour la raison galement que cette entreprise se tournait vers des soci t s que la civilisation occidentale avaient mises peu peu en situation de spectacle comme si leur compr hension ne pouvait d couler que des repr sentations au sens strict que l on se faisait d elles 26 ill 6 Assis dans une salle du Mus e d ethnographie en avril 1931 Georges Henri Rivi re Al Brown et Marcel Griaule contemplant un masque bambara DR coll particuli re
50. enqu te orale en ethnologie Revue philosophique octobre d cembre 1952 pp 547 548 gt 70 Voir Marcel Griaule Les M thodes de l ethnographie Paris PUF 1957 p 14 gt 71 Voir Michel Leiris La Possession et ses aspects th traux chez les thiopiens de Gondar Paris Plon 1958 chapitre v repris dans Miroir de L Afrique op cit Le th tre jou renvoie aux faits de simulations que Leiris sur le terrain a pu tablir quant au th tre v cu il d signerait des cas de possession dont l authenticit n est pas douteuse Pr sent e ainsi la distinction est sch matique pour ne pas dire simpliste dans la mesure o la m taphore du th tre serait impropre rendre compte de ce que Leiris nomme le th tre v cu correspondant plut t la croyance qui th oriquement n est pas un jeu et qu on ne joue pas Mais en recourant cette m taphore du th tre qu il soit jou ou v cu Leiris a peut tre l esprit une conception moins m caniste du th tre et du jeu que dans la suite je m emploie mettre en lumi re pour faire court une conception sartrienne gt 72 Voir Claude Reichler La litt rature comme interpr tation symbolique in Claude Reichler d L Interpr tation des textes Paris ditions de Minuit 1989 p 93 gt 73 Mais qu il s attache critiquer observant que si la conception cryptologique tait valide il faudrait admettre que le gros de l hum
51. entrevoyait en 1932 l importance et la fonction de mise en relation entre le monde des humains et celui des g nies mais qui curieusement dispara t de ses analyses de 1958 o il men souligne que le c t spectaculaire ill 8 Gondar septembre 1932 Gaston Louis Roux offrant Malkam Ayyahou un portrait du Ras Haylou qu il vient d ex cuter DR coll particuli re 39 DATES 19 mai 1931 31 mai 14 juin 28 juin 17 juillet 4 ao t 31 ao t 3 septembre 4 septembre 10 septembre 21 septembre 29 septembre 28 novembre 30 novembre 4 d cembre 6 d cembre 11 d cembre 21 d cembre 27 d cembre 1 janvier 1932 12 janvier 21 f vrier 9 mars 14 mars 15 mars 24 mars 28 mars 20 avril 1 juillet 19 d cembre 22 d cembre 10 janvier 1933 17 f vrier 1933 PRINCIPALES TAPES DE LA MISSION DAKAR DYJIBOUTI En caract res gras tapes prolong es ayant donn lieu des enqu tes intensives VILLES OU BOURGADES Bordeaux Dakar Tambacounda Kayes Kita Bamako Sikasso Koutiala S gou Mopti Djenn Sanga Ouagadougou Natitingou Djougou Cotonou Niamey Birni Nkoni Mora Garoua Ebolowa Bertoua Bangui Bambari Bangassou Bondo Juba Gallabat Gondar Agordat Djibouti Marseille Pays ACCROISSEMENT DES COLLECTIONS France S n gal Mali Haute Volta Dahomey Niger Cameroun Oubangui Chari Congo belge Soudan Anglo gyptien thiopie rythr e France 40 BUTIN DE
52. er pour le gouvernement fran ais qui va l encadrer et la financer au niveau des autres grandes puissances occidentales f t ce coup de publicit d annonces d interviews d expositions et autres manifestations publiques voire populaires jusques et y compris un combat de boxe donn au b n fice de la mission Dakar Djibouti avant son d part ce que Thomas Pavel a appel l influence du second march c est dire des outils de communication les m dias sur la promotion et la l gitimation d une discipline ou d une d marche scientifique court circuitant de fait l valuation des pairs et des instances acad miques en l occurrence internationales 15 Cette position paradoxale n est cependant pas la seule qu on peut relever propos de cette mission Fait sans r el pr c dent la loi du 31 mars 1931 porte cr ation de la Mission ethnographique et linguistique Dakar Djibouti De nombreux organismes publics minist res gouvernements g n raux des colonies instituts universitaires mus es des associations et soci t s savantes des tablissements priv s banques entreprises des personnalit s et m c nes David David Weill Charles de Noailles Georges Wildenstein Raymond Roussel la patronnent ou lui apportent leur concours sous forme de subsides ou de dons en mat riels et denr es La direction administrative et scientifique de la mission est attribu e Marcel Griaule un l ve du linguiste et soc
53. es peintures d Antonios DR coll particuli re 24 Jean jamin Au subventions publiques 700 000 F de l poque dont la mission Dakar Djibouti fut dot e tait venu s ajouter d tail cocasse mais hautement symbolique le b n fice d un gala de boxe que le Noir am ricain d origine panam enne Alfonso Brown dit Panama Al Brown champion du monde poids coq donna au profit de la mission le 15 avril 1931 au Cirque d hiver de Paris La notion de roots prenait forme voire prenait corps Ce soir l Al Brown mit son titre en jeu pour que la terre de ses anc tres f t mieux connue pour que ses fr res de couleur fussent mieux consid r s Ce que Marcel Griaule r suma ainsi en conclusion d une note qu il avait envoy e la veille du combat au quotidien grand tirage Paris Soir Al Brown aura su mettre ses poings au service de cette cause d un int r t universel rendre possible entre les peuples coloniaux et les peuples colonis s gr ce une connaissance meilleure des mentalit s de ces derniers une collaboration plus f conde s exer ant sur un plan moins brutal en m me temps que plus rationnel Avec le match Al Brown la th tralisation des choses n gres venait en quelque sorte d atteindre son paroxysme Peut tre m me en fut il la quintessence D abord le spectacle devint sport et entra f t ce par l origine de cette boxe qu on appelle anglaise dans une logique occidentale Ce
54. gie et entomologie en Afrique de l Ouest 1928 1960 L Homme 202 2013 pp 121 150 gt 84 La Langue secr te des Dogons de Sanga Paris Institut d ethnologie 1948 r dition Paris ditions Jean Michel Place 1992 85 La Possession et ses aspects th traux chez les thiopiens de Gondar op cit gt 86 La longue introduction ce livre inachev que Denise Paulme retrouva dans ses papiers ne sera publi e que longtemps apr s sa mort voir Introduction Musique et danses fun raires chez les Dogons de Sanga L Homme 177 178 2006 pp 207 250 87 Voir l tude d ric Jolly dans cette m me collection Disponible en ligne http www berose fr spip php rubrique240 88 Marcel Griaule Masques dogons Paris Institut d ethnologie 1938 r ditions 1963 1983 Le jugement nonc plus haut peut para tre s v re au vu du nombre important de publications auquel cette mission a donn lieu cf les Cahiers Dakar Djibouti dit s par ric Jolly amp Marianne Lemaire ditions Les Cahiers Meurcourt 2014 Je le maintiens cependant Mis part Griaule aucun des membres de la mission ne retournera sur ses chemins et n en fera un terrain bien plus les orientations th oriques prises dans la suite par chacun d entre eux et par Griaule lui m me qui allait privil gier lunivers des croyances du religieux et de la mythologie en d marqueront c est dire s affranchiront de la
55. hez les thiopiens de Gondar o la mission s installe partir du mois de juillet 1932 et o de cette date jusqu la fin de son s jour LE CERCUEIL DE QUEEQUEG Leiris va s atteler l tude de ce culte avec la collaboration d Abba J r me un lettr thiopien qui deviendra comme un double de lui m me Lis ne cessera de balancer entre une interpr tation de la possession en termes de jeu de figurations mythiques ou symboliques des comportements des d sirs des angoisses soit en termes de rapports interpersonnels au sein de la communaut des poss d s et du rapport de celle ci avec la collectivit dans son ensemble la possession devenant un moyen de les mettre en spectacle de les jouer de les d calquer avec une relative impunit et une interpr tation en termes d authenticit de transcendance du sacr o il se passe vraiment quelque chose qui n est pas de l ordre de la com die f t elle rituelle qui n est donc pas de l ordre du jou du simul mais du subi si ce n est du construit Dans un cas le vestiaire de personnalit s expression est de Leiris qu offre la possession par les g nies zar ne serait qu all gorique projections dans le lieu et le moment du rite de frustrations socialement engendr es dans l autre il serait r ellement endoss et conduirait des ph nom nes objectifs de d personnalisation de d r alisation de d doublement bien plus de transf
56. i caract rise la mauvaise foi Les poss d s en viendraient ils affirmer la facticit comme tant la transcendance et la transcendance comme tant la facticit de telle mani re que dans l instant o l une se saisit c est l autre qui brusquement appara t op ration en quoi Sartre voit le prototype m me des formules et des conduites de mauvaise foi 75 Il est certain que dans La Possession et ses aspects th traux chez les thiopiens de Gondar Leiris ne se r f re nulle part Sartre bien qu il Pait lu attentivement lait rencontr en 1942 soit devenu tout de suite l un de ses plus proches amis et sa demande ait rejoint en 1945 l quipe de fondation 37 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG des Zemps Modernes et que sur bon nombre de points il partage les opinions id es et analyses de Sartre en particulier celles ayant trait l authenticit aux moments parfaits et la mauvaise foi Mais ce silence ne signifie aucunement qu il ren ait pas subi l influence une influence tout aussi d terminante que celle en l occurrence explicite reconnue cit e d Alfred M traux qui fut l un des premiers concevoir la possession comme une com die rituelle 7 Dans ses conversations priv es Leiris faisait grand cas de L tre et le N ant qu il avait lu d s sa parution en 1943 et dont le chapitre sur la mauvaise foi lui avait fait alors une tr s forte impression Volontiers il reprena
57. ication de L Afrique fant me qui malgr que son auteur s en soit toujours vigoureusement d fendu fut consid r e comme le journal de la mission et ce faisant mit au jour et sous cette caution des pratiques qui portaient pr judice non 42 Jean jamin seulement ethnographie elle m me mais aux colons et la colonisation bien qu il ne f t aucun moment ouvertement anticolonialiste la diff rence des journaux de voyage d Andr Gide en Afrique centrale ni antiscientiste Leiris tait un novice en ethnographie et lui venant du surr alisme men ma trisait ni les m thodes ni les concepts pas plus qu il men connaissait les codes de bonne conduite comme le lui reproch rent Rivet et Mauss En ce sens le texte crit pendant une mission officielle en large partie financ e par les pouvoirs publics avait toutes les chances d appara tre comme une b vue voire une provocation et de situer son auteur parmi les outlaws au sens strict Le destin ditorial de L Afrique fant me donnerait raison cette perception des choses pas moins de six collections diff rentes chez le m me diteur depuis sa parution en 1934 sans compter son interdiction de diffusion par un d cret du gouvernement de Vichy sous l Occupation rendant l ouvrage en v rit inclassable inassimilable tant du c t de la litt rature f t elle de voyage que du c t des sciences humaines et le mettant de ce fait en attente d
58. ies et ses rituels L id ologie ou les st r otypes concernant les choses n gres se trouvaient consolid s par une th orie du ph nom ne social Quoi qu il en soit pr s de la moiti des objets rapport s par la mission Dakar Djibouti sur les 3 600 collect s et ceci en d pit des d clarations d intention de ses organisateurs qui comptaient ramasser le fout d une soci t furent justement des objets rituels ou de divertissement Ils relevaient la fois de deux cat gories distingu es par les r dacteurs des nstructions sommaires pour les collecteurs d objets ethnographiques Esth tique et Monuments de la vie sociale Le fait que l cole sociologique fran aise issue des th ories de Durkheim ait surtout centr son approche sur les tendances unificatrices de la soci t plut t que sur ses rat s ou ses conflits en somme plut t que sur son histoire ou en d autres termes sur les ph nom nes int gratifs assurant la coh sion et la coh rence sociale linsistance notamment sur la notion de sacr cela donc entra na recueillir des chantillons jug s purs ou mettons conformes Dans cette optique l authenticit de l objet ou la puret de sa facture serait l gitim e par la capacit plastique iconique ou technique qu on lui pr te 31 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG de mat rialiser cet tat social forc ment intemporel et id al Il en serait l image la concr tion la pi c
59. ifs ethnographique et linguistique qui est en soi probl matique Selon le Dictionnaire historique de la langue fran aise d Alain Rey 5 c est au milieu du xrx si cle que le mot mission prend le sens qu on lui conna t aujourd hui dont celle dite Dakar Djibouti relevait pleinement c est dire l envoi d un ensemble de personnes pour effectuer un travail planifi en un temps limit et assorti d une obligation de r sultats quantifiables Ainsi con ue la mission deviendra surtout d exploration de reconnaissance de relev et de collecte Elle se substitue alors au voyage de d couvertes l exp dition la croisi re l quip e mots qui exhalent un parfum d exotisme et de romantisme si ce n est de dilettantisme et place les membres pressentis comme les buts recherch s sous la f rule d une autorit officielle qui pour les l gitimer scientifiquement mobilise aussi bien l acception religieuse du terme porter sinon propager une vision du monde une foi une doctrine une id ologie que son acception militaire obtenir des renseignements op rer des incursions en territoire tranger ou ennemi Le sabre n est jamais loin du goupillon ni la mission de la campagne quivalent pour ainsi dire maritime mais militairement encore plus soulign du premier terme 5 tant par la discipline stricte qu exige toute navigation hauturi re que par le livre jus
60. ig par Michel Leiris conserv la biblioth que ric de Dampierre de l universit Paris x o cette folle nuit au S nat est relat e presque heure par heure l issue du scrutin l hell niste bien connu Victor B rard en outre s nateur et pr sident de la Commission des affaires trang res oppos au projet mais qui s abstint dira Cette mission est inutile attendu qu elle tudie des civilisations qui n ont aucun int r t gt 82 Un agent de renseignements italien qui avait t assassin le 20 juin 1932 sur les rives du lac Tana en thiopie au moment o Gaston Louis Roux et Deborah Lifchitz sy trouvaient et dont le cadavre enterr puis exhum puis enterr de nouveau leur attira bien des tracas de la part des autorit s thiopiennes voir Gaston Louis Roux Un drame de l espionnage Voil 20 janvier 1934 n 148 pp 8 9 gt 83 Sur ces collectes et collections naturalistes de la mission Dakar Dibouti aspect assez mal connu des grandes missions ethnographiques des ann es 1930 mais qui tait en quelque sorte un passage oblig de leur entreprise Marcel Griaule tait pourvu d un permis de capture scientifique d livr par le minist re des Colonies voir les articles de Julien Bondaz L ethnographie comme chasse Michel Leiris et les animaux de la mission Dakar Djibouti Gradhiva n s 13 2011 pp 162 181 et L ethnographie parasit e Anthropolo
61. iologue Marcel Cohen professeur l cole des langues orientales notamment sp cialiste de la langue amharique parl e dans la partie centrale du haut plateau thiopien l poque assistant au laboratoire d ethnologie de l universit de Paris et boursier de la fondation Rockefeller Marcel Griaule avait d j effectu en 1928 1929 gr ce l appui de Marcel Cohen une assez longue enqu te ethnographique et linguistique au Godjam une province du centre ouest de l thiopie qu on appelait l poque Abyssinie ill 2 Quelques membres de la mission Dakar Djibouti avant leur d part photographi s dans une salle du Mus e d ethnographie du Trocad ro devant le bateau offert par la SAMET Soci t des Amis du Mus e d ethnographie De gauche droite au premier plan Andr Schaeffner Georges Henri Rivi re Marcel Griaule Marcel Larget la proue au second plan Jean Mouchet Michel Leiris Oukhtomsky ric Lutten Jean Mouffle Gaston Louis Roux DR coll particuli re MEMBRES DE LA MISSION DAKAR DJIBOUTI MARCEL LARGET second de la mission charg de l intendance des observations et des collections naturalistes qui avait accompagn Griaule en 1928 1929 membre permanent MicHeL Leiris secr taire archiviste qui Griaule en plus de cette fonction confie des enqu tes sur des soci t s d enfants des soci t s s niles et des institutions religieuses membre permanent RIC
62. ion ce n tait point une culture n gre qu on y trouvait mais la nature n gre Les corps noirs restaient marqu s par la nature et il tait dans leur nature d tre expressifs exub rants sensuels Apr s que le jazz eut donn entendre que les Noirs avaient selon une formule consacr e le rythme dans la peau les Revues n gres firent voir qu ils avaient la danse dans le sang moins qu ils n eussent du fait de l rotisme qui s y manifestait le diable au corps Cette perception cette repr sentation que Leiris partage l poque mais dont il cherchera plus tard s amender jugeant qu elles t moignaient d une sorte de racisme rebours n ont pas t sans orienter l approche ethnographique de la mission Dakar Djibouti et par cons quent sans agir sur la construction de ses objets que ce soit propos des fun railles dogon ou des rites de possession chez les thiopiens de Gondar c est surtout le c t spectaculaire th tral expressif si ce n est expressionniste des soci t s indig nes qui fut mis en avant Dans le m me temps et sur un registre plus pist mologique la notion de fait social total introduite par Mauss dans son Essai sur le don 6 invitait privil gier cette dimension visuelle en raison de l accent qu elle conduisait porter sur les mani res dont une soci t pouvait se mettre litt ralement en sc ne se donner en spectacle travers ses c r mon
63. ions orales communiqu es par Leiris tomb malade d s son arriv e Dakar il est rapatri le 11 juillet 1931 2 10 Jean jamin Sous l impulsion d cisive de Paul Rivet professeur au Mus um national d histoire naturelle directeur du Mus e d ethnographie du Trocad ro 5 et de Georges Henri Rivi re la mission Dakar Djibouti devait en les mettant en uvre offrir aux enqu tes de terrain les moyens techniques et scientifiques de leurs r alisations et surtout un cadre institutionnel d exercice qui leur faisait d faut en France Gr ce Rivet et Rivi re la recherche ethnologique tend donc se professionnaliser Jusqu alors entreprise par des professeurs chercheurs et penseurs mile Durkheim Marcel Mauss Lucien L vy Bruhl qui v curent ce paradoxe de la fonder et de l enrichir sans pratiquement jamais quitter leurs chaires ou leurs cabinets d criture cette discipline de rares exceptions pr s Marcel Granet en Chine Maurice Leenhardt en Oc anie Paul Rivet et Alfred M traux en Am rique du Sud ou Maurice Delafosse en Afrique occidentale restait coup e du terrain Elle maintenait un clivage entre ceux qui recueillaient l information ethnographique pour la plupart des non sp cialistes administrateurs des colonies militaires missionnaires voyageurs colons explorateurs et ceux qui la traitaient ou l interpr taient En r gle g n rale ethnographe et ethnologue ne d signaie
64. ire de la mission quand elle atteignit la fronti re thiopienne en juin 1932 mais de toute une s rie de tracasseries administratives et douani res les autorit s thiopiennes soup onnant son chef et son personnel de transporter dans leurs caisses des armes et des munitions destin es au Godjam alors en r bellion presque ouverte Cela seul suffit montrer que l enqu te ethnographique du moins les m thodes et les objectifs que la mission lui avait assign s ne pouvait s exercer dans nimporte quelles conditions Les pays sous tutelle coloniale offraient bien des garanties une certaine libert de mouvement d investigation et de collecte voire un droit de convocation et de r quisition que des nations en revanche ind pendantes taient m me de remettre en cause non seulement en les restreignant mais en les discr ditant 4 La mise en sc ne qui a entour l enl vement des peintures d Antonios est ce titre exemplaire bien que la limite elle ait approch de l absurde sinon du grotesque 1 L glise Abba Antonios construite la fin du xvir si cle sous le r gne de Yohann s Ier fils et successeur de l empereur Fasiladas fondateur de la ville de Gondar en thiopie du Nord situ e une heure de marche au nord ouest de Gondar tait pratiquement en ruine en 1932 quand la mission Dakar Djibouti s installa dans l ancienne capitale de l empire Le mur circulaire tait sur le point de s effondrer
65. it l exemple du gar on de caf dont la conduite analys e par Sartre n est pas sans voquer celle que Leiris pr tera en 1958 la grande pr tresse des g nies zar Malkam Ayyahou laquelle semble jouer avec sa condition de poss d e pour la r aliser Peut tre m me cette distinction que Leiris a introduite entre th tre jou et th tre v cu qui n est nullement pr sente chez M traux f t ce l tat embryonnaire proc de t elle en droite ligne de l analyse sartrienne des conduites de mauvaise foi Cette distinction n est gu re plus paradoxale que la fa on dont Sartre apr s avoir distingu la mauvaise foi et la sinc rit les fait se rejoindre en d montrant que toutes deux reposent sur un m me jeu de glace dans la mesure o leurs conditions de possibilit c est que la r alit humaine dans son tre le plus imm diat dans l infrastructure du cogito pr r flexif soit ce qu elle n est pas et ne soit pas ce qu elle est Mais il y a plus La conception m me que Leiris se fait du th tre rejoint celle de Sartre qui en th orie dans L Imagina re puis en pratique dans Les Mouches dont Leiris a crit l un des premiers comptes rendus redresse et corrige le paradoxe du com dien de Diderot consid rant que ce n est pas le personnage qui se r alise dans l acteur c est l acteur qui sirr alise dans son personnage Ce qui s applique remarquablement aux in
66. itique int rieure sur le point de d g n rer en guerre civile pouvait rendre suspect aux yeux des autorit s tout projet d observation collective Ce fut le cas Jusqu l av nement de l empereur Hail S lassi en 1930 les ras thiopiens sorte de hauts barons f odaux qui depuis le xviri si cle avaient tour tour intrigu pour acc der au tr ne du Roi des Rois ou le contr ler disposaient d un pouvoir quasi absolu dans la province qu ils gouvernaient et dont ils avaient re u l administration des mains de l empereur D truire ce r gime f odal en r duisant leur pouvoir local afin de consolider l unit de l empire telles furent la pr occupation constante du nouvel empereur et la politique qu il s attacha mettre en place En juin 1932 elle l amena faire arr ter puis prononcer la condamnation mort commu e en d tention perp tuit par une gr ce imp riale du r s Haylou prince et gouverneur de la province du Godjam chez qui Griaule avait s journ lors de sa pr c dente mission en 1928 1929 20 Jean jamin et chez qui en concevant l itin raire de la mission Dakar Djibouti il comptait de nouveau s installer pour poursuivre ses enqu tes Le ras Haylou venait en effet de se rendre coupable de trahison en ayant favoris l vasion de l ex empereur idj Yasou et en lui ayant offert asile dans sa province Cet v nement fut l origine non seulement du changement d itin ra
67. la r alisation fut activ e en raison du succ s public que connut l Exposition internationale coloniale de 1931 au bois de Vincennes et de l av nement du Front populaire en 1936 qui devait mettre science art et sport au service de la nation et de l ducation des couches de populations des plus d favoris es ou arri r es aux plus urbanis es ou ais es Cette mission est d abord con ue comme une entreprise de collecte d objets ethnographiques qui viendront combler les lacunes l poque importantes des collections africaines du Mus e d ethnographie du Trocad ro et ici m thodiquement et savamment assembl s apr s avoir t m thodiquement et savamment recueillis t moigner de la diversit comme de la richesse des cultures mat rielles indig nes Face en quelque sorte savante de la vitrine coloniale dont la face conomique et commerciale avait t pr sent e avec clat au bois de Vincennes Ces objets initieront le public de la m tropole aux choses coloniales selon la formule de Robert Delavignette alors directeur de l cole coloniale Ils constitueront des archives autonomes et authentiques sur les diff rents types de civilisation ou de culture Un tel programme impliquait qu on ne laiss t point les ensembles et mat riaux se constituer au hasard des motions esth tiques des collecteurs et qu on guid t leur choix et leurs prises Dans l expos des motifs du projet de mission 2 Marcel Gri
68. les chercheront repr senter les circonstances et les pr occupations vitales auxquelles ces objets ont r pondu et ce avec la contribution de l histoire des religions de la mythologie et de la psychanalyse gt 51 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG 34 Voir Denis Hollier Les D poss d s op cit pp 153 178 gt 35 Voir Andr Schaeffner Des instruments de musique dans un mus e d ethnographie Documents n 5 1929 p 248 sq gt 36 Du Mus e d ethnographie au Mus e de l Homme La Nouvelle Revue fran aise n 299 1938 p 344 gt 37 Familiarit entretenue par ses relations familiales avec celui qui fut leur marchand leur historien et leur critique Daniel Henry Kahnweiler le mari de la m re de la femme de Leiris c est dire son beau p re et non son beau fr re comme il a t dit 38 Les deux premi res parties de ce monumental ouvrage ont t reprises dans Michel Leiris Miroir de l Afrique op cit gt 39 Petit fils de M n lik et h ritier l gitime du tr ne accus de s tre converti l islam idj Yasou avait mis en p ril les fondements spirituels de l empire dont toute l histoire religieuse s tait vertu e lever le christianisme monophysite au rang de religion d tat s tait caract ris e par une r sistance acharn e et souvent arm e la pression islamique gt 40 Il est ce sujet instructif de comparer les taux d accroissement mensuel de la collec
69. me jamais encore vues toutes choses qui sont au monde Tout aussi paradoxal est le lieu de la premi re publication collective de la mission Dakar Djibouti d s son retour avec photos de situations et d objets l appui mises en page par Skira et Leiris la revue Minotaure n 2 mai 1933 fond e au d but de cette ann e l par le m me Skira et T riade Stratis Eleftheriadis une revue luxueuse d avant garde artistique presque toute en couleur o seront reproduites des uvres de Picasso Masson Ernst Magritte Matisse Roux Dali Mir Derain Rivera etc imprim es des photos de Man Ray Brassa publi s des textes de Breton Reverdy luard P ret Tzara Duchamp Heine etc comme si devait s effacer malgr tout ou s oublier la conception fonctionnelle sinon positiviste des artefacts 2 Au fond le culte de la mati re pouvait se combiner 16 Jean jamin avec une passion de l imaginaire l une devenant en quelque sorte le pr cipit de l autre Mieux sans doute qu travers un mus e dont le nom mus e d ethnographie surd terminait la signification des objets entrepos s et expos s et les arrimait l exotisme travers Minotaure l imagination et les cr ations plastiques des soci t s autres en l occurrence africaines atteignaient le c ur de la modernit Elles rejoignaient voire confirmaient le propos de ces artistes en quelque sorte f tiches des premiers num ros de Minota
70. ment dans la personne du capitaine Achab qui observant le man ge de Queequeg s tait cri Oh diabolique tentation des dieux la position de l ethnographe face aux objets LE CERCUEIL DE QUEEQUEG d art primitifs ceux l m mes que dans Afrique noire la cr ation plastique il semploiera quelque trente cinq ans plus tard remettre sur pied en les rapprochant du corps Qu il y ait eu de sa part consciemment ou non une transposition m taphorique de la poursuite de la baleine blanche la traque du renard p le 3 du capitaine Achab au captain B H ol du narrateur malgr lui de Moby Dick Ishma l celui malgr lui aussi de la mission Dakar Djibouti 5 cela n est pas douteux La tentation est grande d y voir en effet et la fois des points de fuite et de convergence Call me Michel Leiris aurait il pu crire lui le secr taire archiviste de ladite mission l instar du c l bre incipit du premier chapitre de Moby Dick d ailleurs intitul Mirages et que Jean Giono avait magnifiquement traduit par Je m appelle Ishma l Mettons signalant d embl e que ce sont la nomination des gens et la d nomination des choses que Melville ainsi qu il le fera plus syst matiquement dans Bartleby l crivain f entreprend de faire vaciller dans leur certitude mettant en avant la labilit angoissante des signes et la mise en crise du sens par le fait que nulle
71. mmencement tait la mauvaise foi 2 La formule est s duisante voire f conde m me si Reichler dans son article n en tire pas toutes les cons quences En premier lieu du fait de ce jeu cache tampon avec le sens elle implique et justifie une enqu te de type policier l instar sinon la suite de Griaule Leiris croit encore la mat rialit 36 Jean jamin des choses cach es l existence d un savoir sot rique et sa positivit la r alit et au contenu des secrets qui donneraient sens au visible En ce sens tous deux d veloppent ce que l ethnologue Dan Sperber appelle une conception cryptologique du symbolisme selon laquelle l interpr tation du symbole fait l objet d un savoir sp cial tant t facilement accessible tant t r serv des experts ou des initi s tant t oubli aujourd hui mais ayant exist par le pass Il s agit d atteindre les zones secr tes des soci t s indig nes pensant qu en elles se trouve la cl du fonctionnement et de l ordre de ces soci t s Pour ce faire il faut contourner voire briser les r ticences et les r sistances p n trer au sens propre la conscience des informateurs L indig ne n est plus con u comme le sauvage ignorant et immature que les Id ologues du consulat avaient d peint Il devient un objet et un sujet de savoir Mais avant tout examen il est per u comme un dissimulateur il devra passer aux aveux quand
72. ncontr es au fil du chemin ou leur p riph rie L autre l enqu te intensive ne peut s exercer videmment qu au cours d tapes prolong es impliquant l immersion de l observateur et permettant la contextualisation des donn es ne serait ce que par l apprentissage de la langue Mais quelle en est la mesure Autrement dit comment estimer la dur e et la port e de ce qui dans l enqu te devient intensif Il est surprenant que Griaule voquant l enqu te du deuxi me type prenne pour seul exemple celui de Frank Hamilton Cushing qui malade tuberculeux crit Griaule demeura cinq ann es 1879 1884 chez les Zuni ce qui laida p n trer cette soci t indienne de l int rieur voire suivre respecter ses us et coutumes et m me les adopter En quelque sorte un terrain par d faut comme le fut celui de Bronislaw Malinowski aux Trobriand que bien qu tant son presque contemporain Griaule ne cite pas alors qu il est consid r comme l inventeur non du terrain ethnographique mais de l observation participante Il appara t en tout cas que pour Griaule l enqu te intensive et de longue dur e n est pas satisfaisante en raison d un principe d urgence celui de recueillir le maximum de donn es sur des soci t s et cultures vou es la disparition ou des changements pr cipit s sous l effet entre autres de la colonisation et propos desquelles une enqu te de ce type serait vou e sui gene
73. nographie Neuch tel pp 69 100 1982 Les m tamorphoses de L Afrique fant me Critique n 418 pp 200 212 1984 Aux origines du mus e de l Homme La Mission ethnographique et linguistique Dakar Dijibouti Cahiers ethnologiques n s 5 pp 7 84 1986 L Ethnographie mode d inemploi De quelques rapports de l ethnologie avec le malaise dans la civilisation in Jacques Hainard amp Roland Kaehr d Le Mal et la douleur Mus e d ethnographie Neuch tel 1986 pp 45 79 1988 De l humaine condition de Minotaure in Charles Goerg d Regards sur Minotaure la revue t te de b te Gen ve Mus e d art et d histoire pp 79 87 1994 Documents et le reste De l anthropologie dans les bas fonds La Revue des revues n 18 pp 15 24 1996 Introduction Miroir de l Afrique de Michel Leiris Paris Gallimard 1996 pp 9 59 1999 Documents revue La part maudite de l ethnographie L Homme n 151 pp 257 265 2008 L Afrique en t te L Homme n 185 186 pp 401 440 Jamin Jean amp Patrick Williams 2010 Une anthropologie du jazz Paris CNRS ditions Jolly ric 2011 criture imag e et dessins parlants Les pratiques graphiques de Marcel Griaule L Homme n 200 pp 43 82 Laissus Yves 1995 Le Mus um national d histoire naturelle Paris Gallimard Lauri re Christine 2008 Paul Rivet le sava
74. ns bluesy tierce et septi me diminu es rythmes afierbeat et traditions musicales europ ennes savantes un interm diaire crivait il Hoppenot le 4 ao t 1923 54 entre les phonographes de Broadway et La Passion selon Saint Matthieu le tout jou et dans dans un d cor monumental con u par Fernand L ger aux longs plats de couleur noirs blancs et ocres o se fondaient les danseurs tels des minstrels masqu s et m canis s En 1925 ce fut pourtant une image factice du jazz que pr senta la Revue n gre sur la m me sc ne du th tre des Champs lys es ce dont Leiris devait se rendre compte quelques ann es plus tard quand il la qualifia d article pour l exportation M me si ce fut l occasion de d couvrir l un des premiers jazz bands venus Paris et d entendre un clarinettiste et saxophoniste qui deviendrait bient t de premier plan Sidney Bechet la Revue n gre dut surtout sa c l brit et sa popularit sa vedette f minine Jos phine Baker Bien qu originaire de La Nouvelle Orl ans cette chanteuse et danseuse de couleur ex cutait un num ro qui n avait que peu voire pas du tout de rapport avec ce qu e t produit une Ma Rainey ou une Bessie Smith 7 Elle restait aussi loign e de univers du jazz que Bechet ici sage marchand d oranges dans un d cor de pacotille repr sentant une art re de New York l tait des rues redoutables de Storyville le quartier
75. nt et le politique Paris Publications scientifiques du Mus um national d histoire naturelle Leiris Michel 1934 L Afrique fant me Paris Gallimard 1948 La Langue secr te des Dogons de Sanga Paris Institut d ethnologie R dition Paris ditions Jean Michel Place 1992 1950 L ethnographe devant le colonialisme Les Temps Modernes Repris dans Bris es Paris Gallimard 1992 1955 Fourbis Paris Gallimard repris dans le volume de la Biblioth que de la Pl iade dition Denis Hollier Paris Gallimard 2003 1958 La Possession et ses aspects th traux chez les thiopiens de Gondar Paris Plon 1973 1939 L ge d homme Paris Gallimard coll Folio 1992 1948 La Langue secr te des Dogons de Sanga Paris Jean Michel Place 1992 De Bataille l impossible l impossible Documents Bris es Paris Gallimard pp 288 299 1992 Journal 1922 1989 Paris Gallimard dition de Jean Jamin 60 Jean jamin 1992 Z brage Paris Gallimard dition de Jean Jamin 1992 C est dire Paris ditions Jean Michel Place 1996 Miroir de l Afrique Paris Gallimard dition de Jean Jamin Lemaire Marianne 2010 Un parcours sem de terrains Litin raire scientifique de Denise Paulme L Homme n 193 pp 51 74 2012 L empreinte du faux L Homme n 203 204 pp 545 554 L vy Bruhl Lucien 1925 L Institut d ethn
76. nt li e l id e m me d envoi et de d placement m rite d tre signal la d signation de la mission par sa destination ou par son itin raire qui mis en apposition prend une valeur presque adjectivale mission Dakar Djibouti bien s r mais aussi mission le de P ques 6 mission Sahara Soudan mission Sahara Cameroun etc La revue Minotaure pourtant peu soucieuse d chelle ou de g od sie titrera en couverture de sa deuxi me livraison tout simplement mais symptomatiquement ces mots Mission Dakar Djbouti 1931 1933 les pith tes ethnographique et le linguistique tant renvoy s en page int rieure de la revue Et ce n est pas sans cons quence s agissant surtout d une science humaine comme l ethnologie Le lieu devient l objet le trajet une d marche le calendrier une mesure Mais s agit il en d pit de la co ncidence apparente voire de la confusion entre le mot et la chose le signe et son r f rent de terrain C est dire non seulement une tendue de terre une cat gorie chtonienne avec ses d riv s l aussi s mantico militaires occuper le terrain battre gagner ou perdre du terrain etc mais une exp rience au long cours qui n exclut pas ce qu en g ologie on appelle carottage fouille excavation soit un terrain sond en profondeur et dont l exploration m me n cessite une dur e plus ou moins longue plut t plus que moins de pr sence de
77. nt pas le m me homme l un manquait la formation th orique l autre le contact humain avec ces soci t s sur lesquelles il discourait et partir desquelles il th orisait En 1925 l Institut d ethnologie que viennent de fonder le sociologue Marcel Mauss le philosophe Lucien L vy Bruhl et l anthropologue Paul Rivet cherche rem dier cette situation Des cours et des stages y sont propos s et dispens s en vue de former des ethnologistes professionnels le mot est de L vy Bruhl qui s engagent dans des enqu tes de terrain de longue dur e S inspirant du service d anthropologie cr par le Britannique Robert S Rattray en Gold Coast Ghana actuel 16 ces ethnologistes ajoute L vy Bruhl 17 deviendraient tout aussi n cessaires la bonne marche des colonies que les ing nieurs m decins ou forestiers ne serait ce qu en mettant en valeur la premi re des richesses naturelles des colonies la population indig ne En s ouvrant donc aux enqu tes de terrain l ethnologie fran aise se voit confront e d embl e avec la r alit sociale et politique qui en conditionne l exercice la situation coloniale laquelle am ne concevoir son objet d tude les soci t s colonis es comme son objet d intervention et faire valoir en m me temps qu une pratique scientifique une pratique sociale dont on attendait que guid e par la connaissance approfondie des soci t s indig nes
78. ologie anthropologie Paris Presses universi taires de France 1994 p 26 Jean Copans Introduction l ethnologie et l anthropologie Paris Nathan 1996 p 43 Daniel C fa d L Enqu te de terrain Paris La D couverte 2003 gt 2 Et il le demeure quand bien m me n aurait il plus qu une connotation administrative voire bureaucratique qui transpara t dans les expressions telles que ordre de mission autorisation de mission frais de mission rapport de mission o pr vaut toujours l id e d une p r grination f t elle de courte port e que pourtant ni l tymologie ni l usage ne valident vraiment ainsi qu en t moignent le syntagme charg de mission personne qui de pr s ou de loin on confie l ex cution d une t che ou la d signation de b timents abritant des religieux il est vrai transplant s et leurs ouailles le film de Roland Joff palme d or au festival de Cannes en 1986 qui s intitule justement The Mission et relate la destin e tragique d une mission j suite en Am rique du Sud chez les Guaranis au milieu du xvin si cle propose des images assez r alistes de ces implantations missionnaires en terre trang re gt 3 Paris Dictionnaires Le Robert 1998 4 noter que la langue anglaise ne semble privil gier que les acceptions religieuses militaires ou diplomatiques du terme mission r servant au seul mot exp dition une conn
79. ologie de l Universit de Paris Revue d ethnographie et des traditions populaires n 23 24 pp 1 4 Mauss Marcel 1950 Sociologie et anthropologie Paris Presses universitaires de France 1960 L ethnographie en France et l tranger in uvres III Paris ditions de Minuit pp 395 435 Melville Herman 1997 1941 Moby Dick Paris Gallimard traduction de Jean Giono 1951 Benito Cereno et autres contes de la v randa Paris Gallimard traduction de Pierre Leyris M traux Alfred 1955 La com die rituelle dans la possession Diog ne n 11 pp 26 49 Michel Jones Fran oise 1978 Retour aux Dogons Paris Le Sycomore Milhaud Darius amp Madeleine H l ne amp Henri Hoppenot 2005 Conversation Correspondance 1918 1974 Paris Gallimard Pavel Thomas 1988 Le Mirage linguistique Essai sur la modernisation intellectuelle Paris ditions de Minuit Paulme Denise 1989 Lecture de C ur des t n bres in Singularit s les voies d mergence individuelle Textes pour ric de Dampierre Paris Plon pp 231 244 Rattray Robert S 1923 Ashanti Oxford The Clarendon Press 1929 Ashanti Law and Constitution Oxford The Clarendon Press Reichler Claude 1989 La litt rature comme interpr tation symbolique n Claude Reichler d L Interpr tation des textes Paris ditions de Minuit Rivet Paul 1929 L tude des civilisations mat rielles ethnographie
80. ormation de soi Pour d passer ce qui dans ses observations semble bien relever d un flottement de sens et de comportements lequel renvoie peut tre ses propres incertitudes quant aux effets sur lui du voyage qu il vient d entreprendre peut on changer de peau en changeant de d cor Leiris n a semble t il d autres ressources que d introduire ce qui est toutefois curieux sous sa plume une distinction 7 et par cons quent suivant la distance sociale des adeptes entre th tre jou et th tre v cu aux lieux et aux officiants du culte de supposer des degr s de simulation ou d authenticit dans le ph nom ne de possession comme si ce qui forme une m me communaut devait se partager en manipulateurs et manipul s en poss d s professionnels qui joueraient donc tre en transe et en poss d s amateurs qui n auraient d autres possibilit s que d y entrer vraiment Lexplication ethnologique et sociologique para t ainsi momentan ment trouv e mais comme l observe Claude Reichler dans un article consacr en partie aux modes de description de la possession chez Leiris elle place les indig nes en situation de constante dissimulation occup s d mentir par leurs discours qui professionnels ou amateurs supposent la pr sence d un autre nonciateur qu eux m mes C est dire le zar qui les chevauche et parle par leur bouche la vis e de ces discours Au co
81. otation entre autre scientifique 5 On pense videmment aux campagnes militaires et aux syntagmes d riv s rase campagne batteries de campagne campagne d Italie campagne de Crim e etc Sur les campagnes maritimes voir Jean Pierre Gasc amp Yves Laissus Les campagnes oc anographiques du Mus um xix xx si cles in Voyages et d couvertes Des voyageurs naturalistes aux chercheurs scientifiques Paris Mus um national d Histoire naturelle 1981 catalogue d exposition non pagin gt 6 Sur cette mission outre l tude publi e dans cette m me collection par Christine Lauri re Disponible en ligne http www berose fr spip php rubrique240 voir Particle de celle ci Fictions d une mission le de P ques 1934 1935 dans L Homme 2005 n 175 176 pp 321 344 gt 7 Voir Bertrand Pulman Pour une histoire de la notion de terrain Gradhiva 1988 n 5 pp 21 30 gt 8 La langue anglaise plus limpide en a d ailleurs fait un nom commun fieldwork l o le fran ais impose un com pl ment de nom 9 Du fait de son isolement dans l archipel d au premier conflit mondial gt 56 Jean jamin 10 Voir Marcel Griaule Masques dogons Paris Institut d ethnologie 1938 gt 11 Voir dans cette m me collection ric Jolly D masquer la soci t dogon Sahara Soudan janvier avril 1935 Disponible en ligne http www berose fr spip php rubrique24
82. p rimente une m thode enqu te originale qualifi e d observation plurielle qui consiste d multiplier les proc dures d investigation les r partir entre les membres de la mission lesquels ce faisant saisissent collectivement un m me objet Outre le gain de temps escompt cela devait permettre d obtenir par les confrontations et les recoupements une mesure plus fine et plus objective de l information et de r aliser par une disposition spatiale des observateurs en les situant des points strat giques une meilleure couverture de certains v nements sociaux ou rituels forte participation collective fun railles par exemple Mais cette technique lev e par Griaule au rang de principe m thodologique ne pr jugeait elle pas des capacit s d accueil des disponibilit s voire des libert s des soci t s observ es Il faut bien se repr senter ce que peut tre l installation et la pr sence insistante d une dizaine de personnes et de leur mat riel v hicules y compris dans un village africain d une centaine de maisons Si les Dogon colonis s administr s tol r rent de fait si ce n est de force ce travail d quipe il en alla tout autrement en thiopie D une part ce pays l poque ind pendant avait un dispositif douanier qui risquait de mettre au bord de la fraude ou de la rapine le programme de collecte de la mission D autre part une grave crise pol
83. queg tait donc une nigme r soudre une uvre merveilleuse en un volume mais il ne pouvait pas se lire lui m me bien que son c ur vivant batte sous la page Ces myst rieuses sciences taient donc destin es pourrir finalement avec le vivant parchemin sur lequel elles figuraient et s teindre jamais Les signes ne donnaient pas le sens ni leur transcription la traduction Le cercueil de Queequeg seul l ment qui avec le narrateur s y accrochant comme une bou e de sauvetage surnage au naufrage du P quod ventr par la baleine blanche peut prendre valeur d all gorie celle de la collecte et de l entrep t d objets venus des confins du monde civilis et en particulier des quelque 3 600 pi ces que la fin de son p riple la mission Dakar Djibouti rapporta au Mus e d ethnographie du Trocad ro alors per us comme autant de couvercles de cultures en deuil d vidence vou es dispara tre sinon d j disparues au moment m me o des vitrines taient mont es pour en accueillir une partie et l exposer mais dont la signification profonde quoi qu on fit ou d t demeurerait jamais enfouie inatteignable ind chiffrable objets r ellement trouv s de paradis vraiment perdus Lors des conversations que nous e mes presque chaque matin pendant pr s de quinze ans au bar Le Totem du mus e de l Homme Michel Leiris tait souvent revenu sur cet pisode de Moby Dick il voyait explicite
84. ris l chec Les peuples souligne t il n attendent pas ils nattendent pas les ethnographes Aussi pr conise t il une m thode s re et rapide confi e une quipe au sein de laquelle doit s instaurer une division du travail tant d observation que de collecte En ce sens la notion de mission telle que d finie plus haut se trouve valid e sa d signation toponymique galement le nombre de chercheurs sp cialis s et travaillant de conserve palliant ses sauts de puce par leur distribution 46 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG spatiale sur un parcours donn l image d op rateurs plant s derri re leur cam ra aux quatre coins d un d cor naturel ou pas pour gr ce des travellings des panoramiques des jeux d objectifs donner l impression de mouvement voire de profondeur de champ par plans juxtapos s ou surimpos s La comparaison n est pas gratuite jusqu la fin des ann es 1930 Griaule je lai signal d veloppera une vision cin matographique de l enqu te ethnographique o les fiches pouvaient tenir lieu de rushs et les objets fournir la base de sc narimages Masques dogons en sera un des montages les plus r ussis Il est cependant remarquable d observer que c est dans le sillage d une des missions con ues et dirig es par Griaule ou parall lement elle que va se produire une sorte de rupture pist mologique celle ci d ailleurs annonc e par un changemen
85. s In octavo Notre temps Ke MICHEL LEIRIS MICHEL LEIRIS 15 L Afrique NT ME L AFRIQUE FANT ME fant me illustr de 32 planches photographiques 1951 1968 P MICHEL LEIRIS SCIENCES HUMAINES l afrique fant me L Afrique fant me Uong cas TE gallimard UARTO Q GALLIMARD 1981 1988 1996 BIBLIOGRAPHIE Arroyo Eduardo 1982 Panama Al Brown 1902 1951 Paris J C Latt s Bondaz Julien 2011 L ethnographie comme chasse Michel Leiris et les animaux de la Mission Dakar Djibouti Gradhiva n s 13 pp 162 181 2013 Lethnographie parasit e Anthropologie et entomologie en Afrique de l Ouest 1928 1960 L Homme n 202 pp 121 150 Bosc Tiesse Claire amp Ana s Wion 2005 Peintures sacr es d thiopie collection de la Mission Dakar Djibouti Paris S pia Clifford James 1982 Ethnographie polyphonie collage Revue de musicologie 68 1 2 pp 42 56 1993 N grophilie in Denis Hollier amp al De la litt rature fran aise Paris Bordas pp 844 850 Conrad Joseph 1923 Une victoire Paris Gallimard traduction d Isabelle Rivi re et Philippe Neel 1925 Au c ur des t n bres Paris Gallimard traduction de G Jean Aubry et Andr Ruyters Copans Jean amp Jean Jamin 1994 Aux Origines de l anthropologie fran aise Les M moires de la Soci t des observateurs de l Homme en l an vi Paris ditions Jean
86. s comme naturellement signifiants Ce qui d une certaine fa on leur d niait tout espace de jeu sauf chez Leiris qui privil giant les aspects th traux de la possession dans le culte des g nies zar en thiopie devait mettre en vidence mais bien plus tard ses composantes ludiques et dramatiques En fait parler de th tralit rel verait d un abus de langage puisque personne et personnage masque et figure cheval et cavalier dans le cas des zur thiopiens avaient tendance se confondre La sc ne du rituel du sacrifice n est pas comme celle du th tre le lieu de la mort feinte Ces spectacles ne demeuraient ils pas au fond d sesp r ment s rieux L ordre du monde de leur monde nen d pendait il pas Prisonnier de son corps le Noir ne l tait il pas tout autant de ses croyances Esclave de sa nature il semblait l tre aussi de sa culture Le sens se trouvait en dehors de lui L encore il restait agi agi par des superstitions des symboles des traditions qu il ne pouvait ou ne savait pas expliquer moins qu il ne cherch t les dissimuler Le spectacle ne se suffisait donc plus lui m me Il devenait signe voire signal si l on se repla ait dans la logique du fait social total il r v lait un code culturel ou plut t indiquait qu il y avait l n code Il renvoyait en somme autre chose qu ses manifestations une conception du monde Une religion Une my
87. s de journaux des interviews ou dans ses travaux scientifiques vis e m thodologique Griaule a eu souvent recours cette image l ethnographe est comme un juge d instruction Dans l introduction m thodologique la mission Dakar Djibouti 7 venant d exposer les principes de l observation plurielle qui permet propos d un m me objet de confronter les informations recueillies et de confondre les informateurs Griaule conclut L examen tourne peu peu l auscultation et celle ci la confession Surpris d entendre l Europ en faire allusion des faits qu il ma pas d crits qu il a peut tre volontairement cach s ignorant les d positions faites par ses camarades gr ce Dieu on ne va pas au rapport de Pautre c t de la barricade inquiet sur les cons quences d un mensonge inutile rassur par ailleurs en conscience puisqu il n a plus l impression de r v ler mais bien celle de simplement confirmer l informateur donne le ban et l arri re ban de ses connaissances Au vu de cette conception de la relation ethnographique et de la position que Griaule fixe l informateur on peut comprendre son tonnement si ce n est sa fureur quand parut L Afrique fant me ouvrage dans 34 Jean jamin lequel au fond Leiris avait retourn vers soi c est dire non seulement vers lui m me mais aussi vers ses compagnons ainsi mis sur la sellette ce protocole d enqu te labor po
88. s du mus e de l Homme La mission ethnographique et linguistique Dakar Dijibouti Cahiers ethnologiques 1984 n s 5 pp 7 84 Introduction Miroir de l Afrique de Michel Leiris Paris Gallimard 1996 pp 9 59 Une version abr g e a t galement publi e dans le catalogue de l exposition La Misi n etnogr fica y ling stica Dakar Djibouti y el fantasma de Africa 1931 1933 organis e par le Museu Valenci de la Il lustraci i de la Modernitat MuvLm du 27 f vrier au 10 mai 2009 sous la direction de Nicol S nchez Dur amp Hasan G L pez Sanz Valenci Laimprenta CG 2009 pp 266 282 EST peu de temps avant le d but de la chasse au cachalot que Queequeg le bon sauvage des mers du Sud compagnon quasi intime du narrateur de Moby Dick et harponneur du P quod tombe malade Se sentant rapidement d p rir il demande au charpentier du navire de lui fabriquer un cercueil dans lequel sit t les planches assembl es il se couche et apparemment r sign attend sa fin qui ne survient pas R tabli aussi vite qu il avait t terrass Queequeg emploie alors ses moments de veille graver sur le couvercle du cercueil les tatouages qu il a sur la peau uvre d un proph te de son le natale qui avait trac sur son corps une th orie compl te des cieux et de la terre sorte de ruse myst rieuse crit Herman Melville sur l art d atteindre la v rit Le corps de Quee
89. sons et de couleurs de peaux et de voix d un corps corps in dit de la mesure et de la syncope bord du paquebot Rochambeau le ramenant en France Darius Milhaud s enthousiasmait encore dans une lettre adress e son ami Henri Hoppenot et dat e du 20 f vrier 1923 d avoir entendu Harlem dans de simples estaminets remplis de Noirs des jazz populaires magnifiques des danses et chants de N gresses aux voix cuivr es des combinaisons inusit es de rythmes de timbres et d accords qui allaient le hanter pendant une bonne partie de l ann e et au del Dans une boutique de Harlem il s tait procur toute une collection de disques du label Black Swan premi re compagnie 29 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG d dition phonographique noire am ricaine dont le pianiste et chef d orchestre Fletcher Henderson tait depuis 1921 le directeur musical Ils devaient l inspirer pour la composition et l instrumentation cuivres anches percussions de la musique de La Cr ation du monde que lui avait command e Rolf de Mar le fondateur et directeur de la troupe des Ballets su dois rivaux des c l bres Ballets russes de Serge Diaghilev Dans ce Ballet n gre dont l argument s inspirant d une l gende africaine fut r dig par Blaise Cendrars et la chor graphie r gl e par le danseur toile de la troupe Jean B rlin Darius Milhaud s tait attach combiner accents jazzy growl glissando inflexio
90. t s mantique d envergure la mission Sahara Soudan succ de en effet dans un m me lieu la mission Paulme Lifchitz qui en plus d un renversement d notatif op re un renversement m thodologique La d signation de la mission par des anthroponymes qui se substituent donc aux toponymes mest ni incidente ni de pure convenance Elle marque le passage d une enqu te extensive une enqu te intensive tout comme en faisant valoir un terrain de longue dur e elle marque exemplairement dans sa d signation m me son appropriation sa personnification 1 La mission ainsi nomm e et parce que nomm e laquelle suppose donc le terrain et l enqu te intensive r v le qu il se joue l comme le note Bertrand Pulman 1 quelque chose qui est de l ordre du quant soi de l identit propre du ou des locuteur s 5 et dont l expression d sormais bien connue jusqu tre moqu e mon terrain donne la juste mesure Le nom patronymique vaut inscription non seulement sur la page des comptes rendus de mission mais dans le lieu m me o elle s est d roul e mani re dy apposer sa griffe Et sa seule griffe La mission est d sormais auctoriale m me si l auteur en vient se d doubler du moins dans un premier temps 16 Le nom propre fait que la mission devient une mission en propre Ce qui ne peut manquer de remettre en question ne serait ce qu travers ce seul jeu de noms o l on passe de la trac
91. tement dit de bord qu une loi prescrit aux officiers de marine de tenir rigoureusement et 44 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG chronologiquement sorte de bo te noire de la campagne dont lagenda de mission tel celui de la mission Dakar Djibouti ne sera jamais qu un p le reflet Toute mission comme toute campagne traduit en quelque sorte une soumission de la part de ceux qui se la voient confier et laquelle ils participent son chef d abord puis l autorit d institution ou d tat qu il est cens repr senter et incarner sur place mais qui signifie bel et bien qu il est en d placement et mandat pour l tre Ce qui explique en partie la r probation que certains anthropologues de l poque Marcel Mauss Paul Rivet Henri Labouret Lucien L vy Bruhl pour ne citer qu eux exprim rent lors de la publication de L Afrique fant me en 1934 dont l auteur bient t vu comme un ren gat avait d ailleurs pressenti le danger en d dica ant avec une malice qui n tait pas loin de se vouloir conjuratoire le volume son ami Marcel Griaule le chef de la mission Dakar Djibouti d dicace qui dispara tra de la r dition en 1952 au vu des r actions n gatives de celui ci Un autre aspect de la notion de mission qui dans le champ scientifique et en particulier dans les disciplines empiriques s est impos e dans le premier tiers du xx si cle d ailleurs troiteme
92. terpr tations que Leiris propose de la possession d un individu par son g nie zar ce n est pas lui qui le guide mais c est lui qui devient cheval du zar Dans l tude qu il consacre Sartre Denis Hollier commente cette version sartrienne du paradoxe de Diderot en ces termes Le personnage sartrien r ve toujours de faire oublier l acteur qui parle pour lui sa d finition c est d esp rer parvenir un jour parler sans doublure parler en son nom propre avec sa propre voix faire en sorte que sa premi re personne ne soit pas constamment d doubl e par l hypocrite ventriloque qui le joue et le parasite En somme faire que le th tre jou devienne un th tre v cu sans quitter l espace de la sc ne Le protagoniste sartrien ajoute Hollier dans le m me texte se reconna t son impatience vis vis de l acteur dont il doit emprunter la voix et endosser la silhouette C est bien l le probl me moins 38 Jean jamin paradoxal qu il ny para t que Leiris per oit dans la possession par les g nies zar sauf que les zar sont peut on dire orphelins Acteurs et personnages poss d s et zar se trouvent d pourvus d auteur C est un th tre sans dramaturge Pas m me ce sacr auquel en 1934 Leiris accordait encore une signature une transcendance ne serait ce que par le sacrifice qui paraphait sa pr sence et dont Leiris dans ses observations prises sur le vif
93. th tique ou de sa raret lesquelles demeurent subjectives mais en fonction de sa repr sentativit de sa valeur d usage et de t moignage Paul Rivet crit que pour l ethnologue la maison du pauvre est aussi sinon plus pr cieuse tudier que le palais du riche l outil le plus humble le plus imparfait la poterie la plus grossi re a autant sinon plus de valeur ses yeux que le vase le plus finement d cor et ce n est que sur l tat culturel moyen dans une r gion d termin e que doivent porter ses comparaisons Dans une boutade qu aimait rapporter Michel Leiris Marcel Mauss avait d j insist sur le fait qu une bo te de conserve par exemple caract rise mieux nos soci t s que le bijou le plus somptueux ou que le timbre le plus rare et qu il y a autant sinon plus apprendre dans les tas d ordures d une soci t que dans ses palais L objet ethnographique devient un t moin une pi ce conviction en d autres termes un chantillon de civilisation Il est la fois signe reflet sp cimen Quels que soient sa nature ou son int r t esth tique c est donc sa valeur de preuve mat rielle qui est d abord mise en avant Alors qu un t moignage oral ou crit peut omettre ou tromper dissimuler ou mentir l objet lui ne ment pas il constitue une archive plus s re et r v latrice que les archives crites En cons quence la collection ethnographique a doit avoir
94. thologie Un syst me de croyances Bref il semblait tre la traduction ou la projection dramatique d un univers mental Tout spectacle indig ne tendait sous les yeux de l ethnographe se transformer en rituel bien que Schaeffner vit dans le rituel un pr th tre Il s agissait d en comprendre la mise en sc ne d en d gager la symbolique d en rechercher les significations que l on supposait tre inscrites et d tenues par quelqu un quelque part pour ainsi dire hypostasi es Un des paradoxes m thodologiques de Griaule fut celui ci tout en ne devant pas se satisfaire de ce que la soci t lui donnait voir l ethnographe pouvait se contenter de ce qu elle lui donnait entendre Au commentaire ex g tique indig ne dont la valeur et la v racit paraissaient tre inversement proportionnelles son accessibilit selon l quation mieux il tait tenu secret et cach plus il devait tre fond tait d volu 33 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG le principe explicatif de l ordre social De sorte que comme l a montr Fran oise Michel Jones 6 la description de cet ordre s appuie sur la transcription des fondements de la vie collective De sorte que son explication scientifique s identifie au m talangage que la soci t tient sur elle m me et dont quelques initi s seraient le r ceptacle ou les traducteurs Dans cette perspective la d marche ethnographique se borne mettre en viden
95. tion d objets ethnographiques de la mission Dakar Djibouti selon que celle ci traverse des territoires colonis s ou ind pendants pour les territoires l poque sous domination coloniale fran aise il est de 8 5 par mois pour les territoires ind pendants telle l thiopie il tombe 0 5 par mois gt 41 R solument diff rente en tout cas de celle qui a accompagn l enl vement des f tiches du kono dans une r gion de l ex Soudan fran ais elle ne s embarrassa d aucun jeu ni stratag me et proc da au rapt pur et simple 42 Voir galement Claire Bosc Tiesse amp Ana s Wion Peintures sacr es d thiopie collection de la Mission Dakar Djibouti Paris S pia 2005 43 Voir Gaston Louis Roux Un peintre fran ais en Abyssinie La B te noire 1 octobre 1935 5 p 3 gt 44 Dans l interview qu il a accord e en f vrier 1987 aux commissaires de l exposition Regard sur Minotaure la revue t te de b te Gaston Louis Roux revient sur cet pisode presque dans les m mes termes voir Charles Goerg d Regards sur Minotaure Gen ve Mus e d art et d histoire 1988 p 254 gt 45 Voir Eduardo Arroyo Panama Al Brown 1902 1951 Paris J C Latt s 1982 46 Voir Eduardo Arroyo Panama Al Brown ibid p 92 gt 47 Paris Mus e d ethnographie du Trocad ro et Mission scientifique Dakar Djibouti mai 1931 Cette brochure de 32 pages porte en premi re page la mention sui
96. ur lautre et lui tant prioritairement destin Au d but des ann es 1950 soit trente ans plus tard Griaule persiste et affermit m me ses vues les maillant de m taphores judiciaires pour d crire l enqu te ethnographique d position contre expertise commission rogatoire convocation d informateurs etc Cela laisse penser qu elles n ont jamais t de simples figures de style et que sous sa plume ces images prenaient une valeur didactique voire une valeur de pr ceptes Dans le m me laps de temps Leiris s tait engag quant lui dans un anticolonialisme militant et sans d daigner le recours des m taphores judiciaires revendiquait plut t pour l ethnographe la place d un avocat naturel des populations colonis es 8 Dans un article intitul l enqu te orale en ethnologie et publi dans la tr s s rieuse Revue philosophique Griaule crit Le r le de limier du fait social est souvent dans ce cas enqu te ethnographique comparable celui du d tective ou du juge d instruction Le crime est le fait le coupable est l interlocuteur les complices sont tous les hommes de la soci t Cette multiplicit des responsables l tendue des lieux o ils agissent l abondance des pi ces conviction facilitent apparemment l enqu te mais la conduisent en r alit dans des labyrinthes qui sont parfois organis s La table de travail devient le th tre de sc nes viv
97. ure Picasso et Masson qui balayant d un geste assur les conventions picturales de l Occident avaient con u d autres mani res de figurer ou m me de transfigurer la nature humaine et d autres mani res de repr senter les mythes ou fables qui cherchaient donner un sens sa condition Sous une couverture qui par exc s venait t moigner de ces m tamorphoses du fait que Gaston Louis Roux y avait peint un motif de facture tr s moderne sinon ironique mais librement inspir de la plus pure tradition picturale thiopienne le num ro 2 de Minotaure pr sentait des mat riaux in dits dont le montage ditorial le cadrage photographique et la mise en sc ne parfois insolite comme cette photo repr sentant les m res des masques dogon couch es sur le parquet en point de Hongrie d une salle vide du Mus e d ethnographie du Trocad ro taient en soi une interrogation sur la repr sentation et l exposition D une certaine fa on un des objectifs de l ancienne quipe de la revue Documents Rivi re Bataille Einstein Leiris Schaeffner Griaule tait atteint Les uvres les artefacts des autres dont par leur ex g se l ethnologie devait montrer l efficacit non seulement pratique mais symbolique contribuaient la mise en question du mat riel du formel du fonctionnel voire du rationnel comme ils contribuaient ce qui tait en revanche un des horizons pist mologiques de Pethnologie poser un
98. uti quatre gardiens en uniforme du Mus e d ethnographie du Trocad ro avaient t post s aux quatre coins du ring Ainsi mis sous surveillance le Noir qui combattait ce soir l pr figurait ces objets n gres que deux ans plus tard la mission rapporterait 25 LE CERCUEIL DE QUEEQUEG de la terre de ses anc tres et exposerait dans les galeries en partie r nov es du Mus e d ethnographie dans la m me proximit du regard des gardiens Sans doute peut on voir dans la mise en sc ne de ce combat de boxe une autre all gorie le boxeur noir en somme d poss d de ce qu il pouvait y avoir de n gre ou d africain en lui se retrouvait dans une position comparable celle des objets dont on d poss da par la suite les cultures pour la connaissance et le respect desquelles il allait combattre Une partie du b n fice du gala d un montant total de 101 350 F servit couvrir les frais de publication d une brochure con ue par Griaule et r dig e par Leiris d apr s les cours profess s par Marcel Mauss l Institut d ethnologie de l universit de Paris Le titre on ne peut plus explicite annonce donc l un des objectifs majeurs de la mission Dakar Dijibouti Instructions sommaires pour les collecteurs d objets ethnographiques Tir es plusieurs milliers d exemplaires les Instructions devaient tre diffus es aupr s des administrateurs et colons r sidant dans les territoires qu
99. vante Les pr sentes instructions ont t r dig es d apr s les cours profess s l Institut d ethnologie Les frais de leur publication ont t pr lev s sur le Fonds Al Brown Khaett Lumiansky b n fice du gala de boxe organis par Paris Ring le 15 avril 1931 au Cirque d Hiver au profit de la Mission scientifique Dakar Djibouti gt 48 Voir Michel Leiris La crise n gre dans le monde occidental Miroir de l Afrique op cit pp 1125 1159 voir galement Michel Leiris Journal 1922 1989 Paris Gallimard 1992 p 190 sg gt 49 Voir James Clifford N grophilie in Denis Hollier amp al De la litt rature fran aise Paris Bordas 1993 pp 844 850 gt 52 Jean jamin 50 Voir Andr Schaeffner amp Andr C uroy Le Jazz Paris Claude Aveline 1926 r dition Paris ditions Jean Michel Place 1988 avec une pr face de Frank T not et deux postfaces de Lucien Malson et de Jacques B Hess Andr Schaeffner Notes sur la musique des Afro Am ricains Le M nestrel 25 juin 2 9 16 30 juillet 6 ao t 1926 Le jazz Revue musicale novembre 1927 pp 72 76 gt 51 Voir Michel Leiris L ge d homme Paris Gallimard 1973 coll Folio pp 161 162 gt 52 Darius amp Madeleine Milhaud H l ne amp Henri Hoppenot Conversation Correspondance 1918 1974 Paris Gallimard 2005 p 68 gt 53 Voir Jean Jamin L Afrique en t te L Homme
100. ville Benito Cereno et autres contes de la v randa Paris Gallimard 1951 traduction de Pierre Leyris gt 7 Notons que ce ne sera pas le cas des autres traductions en fran ais voulues plus litt rales mais qui ce faisant perdent toute la nuance introduite par ce Call me du narrateur cela va donc de Appelons moi Ismahel tr Armel Guerne aux ditions du Sagittaire Paris 1954 Appelez moi Isma l tr Henrielle Guex Rolle aux ditions Garnier Flammarion Paris 1970 sans omettre la derni re en date qui reprend textuellement la pr c dente tr Philippe Jaworski dans la Biblioth que de la Pl iade Paris Gallimard 2006 gt 8 Voir R gis Durand Melville Signes et M taphores Lausanne ditions L ge d homme 1980 p 59 sg 9 Voir son fameux Au c ur des t n bres Paris Gallimard 1925 traduction de G Jean Aubry et Andr Ruyters mise en r cit d une alt rit inassimilable et d une Afrique qui fait peur lorsqu elle se montre mais plus peur encore lorsqu elle se cache avant que les Tropiques fussent d clar s tristes les Afriques furent jug es spectrales C tait Pun des livres culte de Denise Paulme lamie et coll gue de Leiris pouse d Andr Schaeffner livre auquel elle consacra un de ses derniers textes Lecture de C ur des t n bres in Singularit s les voies d mergence individuelle Textes pour ric de Dampierre Paris Plon 1989 pp 231

Le cercueil de Queequeg

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