La médiation mode d`emploi
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1. diff rencier la m diation de la conciliation et de l arbitrage Dans la conciliation la tierce partie pourra proposer la solu tion solution qui sera tenue pour obligatoire dans l arbitrage en vertu de clauses pr alables 4 E LE ROY Pouvoir et soci t en S n gambie du lamanat Serer au royaume wolof du Cayor xiv au xvili si cle Paris LAJ P 1979 5 Une exception notable Les actes de l universit d t de Lyon la m diation l cole et dans la cit Lyon 30 ao t 4 septembre 1992 Minist re de l int rieur s l s d 109 p an nexes 4 L accord entre les parties n est pas le fait du m diateur et son intervention n entra ne aucune obligation pour les parties ex cuter cet accord 3 L accord n est que la partie formelle de la restauration d un lien social sur la dur e Ainsi n a t il de validit que dans la mesure o le lien social a t restaur et en fonction de la confiance dans l autre sous la pression plus ou moins forte d autres intervenants qui peuvent appartenir la communaut lo cale nationale o internationale L tude de m diations r cemment r alis es souligne l importance d une acceptation r elle du d pas sement du diff rend de son enterrement ce que les psycholo gues d nomment faire son deuil de la confrontation Il semblerait que la m diation ainsi caract ris e soit un com portement naturel relevant d une science des comportements en2. probl mes familiaux o de sant et qui ne peuvent retrouver leur place dans la soci t que par cette forme de justice douce 15 Souvent des demandeurs sont pr ts participer financi rement aux co ts de la m diation Dans le cas de la m diation familiale les avantages tir s d un divorce par consentement mutuel non trauma tisant et rapidement n goci sont tels que des financements im portants peuvent tre mobilis s permettant une professionnalisa tion r elle de ces m diateurs titre lib ral Les conditions d apparition d un march sont ainsi r unies puisqu il y a offre d une part demande de l autre et un quilibre entre les deux par le jeu de l change mon taire et marchand Si actuellement un tel march est encore embryonnaire limit une partie de la m diation familiale et impliquant des moyens fi nanciers encore modiques il suffirait qu une demande de m dia tion d passe largement l offre pour que la marchandisation de la m diation puisse concerner d autres domaines L avantage de cette marchandisation est li celui du march et autorise la mise en concurrence de diverses formes de m dia tion voire de diff rents m diateurs et ainsi la possibilit de faire privil gier les modes de m diation les plus efficaces 48 Mais cette efficacit peut tre superficielle les m diateurs n tre que des marchands d illusion et les parties ainsi bern es par des attrape nigauds Tout en cons
3. qui en se combinant nous font progressivement saisir l ensemble des enjeux sociaux qu une pratique apparemment sim 40 ple et banale peut recouvrir Mais elle doit aussi sugg rer que cha que tage a sa propre fonction son autonomie Dans cette perspective nous diff rencierons la m diation comme pratique interactive dans un diff rend comme proc d particulier de gestion d un conflit comme proc dure de r glement d un litige et enfin comme une id ologie de la pacification sociale sur une base consensuelle et n goci e Enfin apr s avoir gravi ces quatre tages nous redescendrons la chaufferie l enfer pour consid rer aussi la m diation comme une marchandise La m diation comme pratique d intervention dans un diff rend Sous cet angle fondamental au sens que toutes les autres for mes de la m diation reposent sur cette exp rience primaire la m diation est sinon le plus vieux m tier du monde car la place est d j prise au moins l un des plus anciennement pratiqu s La m diation est l interposition dans un diff rend entre deux ou des acteurs individus ou repr sentant des collectifs parta geant un minimum de r f rences communes qui permettront l la boration d un accord Dans cette d finition on voit appara tre quatre facteurs prin cipaux 1 Le m diateur est un tiers qui n est pas concern par le dif f rend mais qui peut communiquer avec les parties On dira qu il est t
4. et des proc dures qui sont encore mal lucid s tant du point de vue th orique que pratique Approfondir de telles connaissances en partant d observations de terrains construire de nouveaux mod les comme repr sentations la fois simplifi es et globales des ph nom nes consid r s et comparer ces diff rentes interpr tations sont les t ches que nous devons assigner la re cherche interdisciplinaire en sciences sociales C est en effet dans ces conditions que nous pourrons relever les diff rents d fis que nous avons identifi s dans cette pr senta tion en vue de combler notre m connaissance et de restituer l au thentique mode d emploi de la m diation 54
5. l incidence d une red couverte du r le compl mentaire des trois sources du droit substantiel non seulement dans certaines si tuations d anomie individuelle mais aussi face aux nouveaux enjeux de la soci t du xxi si cle Sans pr tendre en approfondir l incidence on en retiendra seulement les diff rences avec la m diation La m diation et le droit comme processus de r gulation sp cifiques Dans les recherches r centes sur les pratiques plus ou moins innovantes originales et m tisses des r gulations dans le champ du droit on a eu souvent l impression voire la conviction que cer tains acteurs se trompaient de registre faute de r f rences satis faisantes Ainsi avons nous vu des magistrats pr ner la m diation p nale laquelle n est pas stricto sensu une m diation De m me parle t on de n gociation dans le droit tout en sachant que tout n est pas n gociable voire que la n gociation fait sortir du droit au sens restreint Sur la base des r sultats encore limit s et imparfaits dont nous disposons et sous r serve de d veloppements nouveaux que ces analyses vont sugg rer il nous appara t int ressant d approfondir l id e que la m diation et le droit proposent deux modes de r gula tion chacun fond sur la pr valence de certaines fins donc auto nomes tout en pouvant tre combin s quand l action sociale sup pose des fins multiples donc une combinaison de formes d intervention La m diation v
6. pour un litige ne peut tre r alis que dans deux conditions Soit l organisation judiciaire se pr te un traitement parall le de certains litiges par des instances judiciaires et non judiciaires selon l accord des par ties et on est alors en face d une alternative institutionnalis e comme c est le cas dans les l gislations d tats des tats Unis d Am rique Soit l organisation judiciaire seule d tentrice du mo nopole l gitime de la violence d l gue sous l autorit d un magis trat le r glement de certains litiges des instances locales sous r serve d un contr le de l exercice de cette d l gation et en gardant la ma trise de la force ex cutoire des mesures propos es par l ins tance d l gu e C est le cas de la m diation la fran aise sauf pour la m diation dans les conflits de travail qui a longtemps t la principale application de cette proc dure dans le cadre de juridic tions ad hoc En effet la d marche la plus typique a t exp riment e en mati re de m diation p nale pour des actes relevant de contraven tions ou qui souvent n auraient pas fait l objet de mesures p nales La m diation pose quatre probl mes particuliers la m diation tout en s inscrivant dans l institution judi ciaire chappe tant au droit qu l acte de juger Si le m diateur ne peut aller contre le droit et dans la mesure o il est sous l autorit hi rarchique d un magistrat il va devoir traduire sa mis
7. soci t d une thologie Pourtant ces pratiques sont cultu rellement d termin es et ce qui para t aller de soi dans certai nes soci t s n a pas n cessairement de correspondances dans d au tres La comparaison entre les repr sentations de certains mythes fondateurs r v le ainsi que les soci t s africaines associent l orga nisation de la vie en soci t au r le d un h ros qui est un m dia teur pacificateur Dans la l gende de fondation de l empire du Dyolof au S n gal dat du x v si cle le futur souverain merge du fleuve S n gal pour r gler un diff rend entre p cheurs et son art impressionne suffisamment ces derniers pour qu ils s en emparent en le consid rant comme un grand magicien capable d organiser non seulement le r glement de leurs conflits mais aussi de les commander 4 D autres traditions en particulier dans les religions monoth istes valorisent le r le d un ordre impos d en haut ou de l ext rieur Suis je donc responsable de mon fr re dira Ca n propos d Abel Le recours la m diation sous cette forme la plus simple pose donc un redoutable probl me celui de la pr valence dans certai nes cultures marqu es par la tradition jud o chr tienne d arch ty pes voir infra qui tant t ne favorisent pas le recours imm diat la m diation tant t s y opposent Le dicton une mauvaise conci liation vaut mieux qu un bon proc s est en effet largement
8. Durkheim Le bulletin du CREDHESS n 3 jan vier 1994 p 4 5 20 A TOURAINE Critique de la modernit Paris Fayard 1992 462 p 21 LABORATOIRE D ANTHROPOLOGIE JURIDIQUE DE PARIS Strat gies de sortie de crise Bulletin de liai son n 18 juin 1993 22 A J ARNAUD Repenser un droit pour l poque post moderne Le courrier du CNRS n 75 avril 1990 Les sciences du droit p 81 E Le Roy La m diation mode d emploi 23 E LE Roy Un droit peut en cacher un autre Informations sociales n 22 1992 24 P BOURDIEU Habitus codes et codification Actes de la re cherche en sciences sociales n 64 1986 p 40 tir de la R volution et de stabiliser un armistice bourgeois subit deux remises en cause est contredit par la multiplication des normes supra et infra tatiques et se trouve d pass par la modifi cation des repr sentations qu ont les citoyens des modes de r gu lation ce qu exprimait ci dessus J P Bonaf Schmitt propos de la m diation comme projet de soci t Ainsi entend on de plus en plus s exprimer le besoin d un autre droit 23 qui prenne en consid ration non seulement les besoins nouveaux qui mergent dans la soci t du tr s prochain xxi si cle mais qui surtout les aborde autrement Cette exigence suppose un approfondissement des analyses relatives l arch type unitariste qui para t tre un obstacle pist mologique majeur l
9. La m diation mode d emploi tienne Le Roy R sum Le mode d emploi de la m diation peut se lire de deux fa ons par les pra tiques ou les proc dures mises en uvre et par les fins sociales poursui vies Forme n goci e du r glement d un probl me la m diation prend un caract re particulier selon que ce probl me est un diff rend un conflit ou un litige qu il s inscrit dans une id ologie de la pacification ou qu il de vient une marchandise soumis aux lois de l change et de la valeur Mais comparativement au droit la m diation se r v le surtout un mode origi nal de gestion du lien social quand les armistices sociaux que sanctionnait le droit doivent tre ren goci s La m diation est donc la proc dure de l ge post moderne Alternatives la justice Conflits r solution des Consensus N gocia tion du droit Summary Mediation Directions for Use The directions for use of mediation can be read in two ways First it is a negotiated form of settlement of a problem and varies according to whether the problem is a controversy a conflict or a dispute Proceedings also differ depending on whether mediation is used as a pacifying ideol ogy or as a commodity However in a second way mediation is an alterna tive not only to justice but also to law When social armistices and formal law are outmoded mediation offers the opportunity to negotiate new goals It is a typical procedure of the post moder
10. a compr hension de la v ritable capacit du droit r pondre aux attentes de la soci t Cela suppose galement d valuer autrement les rapports ambigus entre la loi la coutume et les usages comme sources substantielles du droit donc de ques tionner ce culte de la loi qui caract rise notre soci t depuis le si cle des lumi res Les proc dures proc d s et rituels juridiques dans leur complexit L anthropologie juridique labore actuellement une th orie des sources substantielles du droit sous le terme du tripode juridi que Comme les trois pierres du foyer des pens es animistes le droit para t reposer sur trois fondements seul l un d entre eux tant valoris dans nos soci t s la loi Or la coutume oubli e et caricatur e depuis le code civil et les usages qu la suite des tra vaux de P Bourdieu 24 nous d nommons habitus sont aussi des sources non des textes mais au moins de nos pratiques juridi ques Les travaux r cents relatifs la socialisation juridique de jeunes majeurs appartenant des cultures d immigration en r gion parisienne permettent de mettre en vidence une r alit d ordinaire cach e en raison de l incidence de ce culte de l tat et du droit qui caract rise l endoculturation du jeune Fran ais Dans des situa tions o la transmission de ces repr sentations n a pas t initia lement assur e c est par l apprentissage de syst mes de disposi tions durables ou
11. alit s souvent n glig es dans nos soci t s Le m diateur doit donc se situer de mani re it rative dans le temps des origines du conflit dans le temps actuel de la confrontation entre les par ties et dans le long terme du devenir de relations sociales qui de vront tre restaur es privil gier les faits plut t que les normes l examen des pra tiques des parties plut t que l explication qu elles en donnent les jugements de r alit plut t des jugements de causalit En aucun cas il ne s agit comme un magistrat de juger mais de produire des 43 Droit et Soci t 29 1995 6 E LE ROY Qu est ce qu un champ juridique Communi cation la premi re rencontre franco allemande des anthropo logues du droit Fribourg en B 1988 Le droit dans une pers pective anthropologique les ex p riences fran aises et alleman des doc ron o 7 E LEROY dir La conciliation instance de r glement des litiges enjeu professionnel et institu tionnel Rapport au minist re de la Justice Paris LAJP p 110 126 E Le Roy La m diation mode d emploi 8 J P BONAF SCHMITT dir Les conflits du quotidien les modes formels et informels de r gle ment des petits litiges Rapport C G P et M E N 1986 295 p 9 La m diation dans le do maine du travail in J P BONAF SCHMITT et E LE ROY dir S minaire M diation Lyon Glysi et Paris LAJP 1991 p 225 255 explication
12. alorise avons nous vu la recherche de l adh sion de l acteur une solution la plus consensuelle possible limi tant en cela consid rablement l intervention de la tierce partie Au moins dans sa forme de base tout para t n gociable d s lors que les choix des parties sont d termin s par le maintien ou l appro fondissement de leurs relations dans le futur N gociation consen sus et futur paraissent les mots cl s de cette m diation Quant au droit et en vitant de penser l un comme le contraire de l autre il nonce de fa on plus ou moins g n rale et imperson nelle respectivement travers la loi la coutume ou les habitus la 53 Droit et Soci t 29 1995 E Le Roy La m diation mode d emploi 25 E LE Roy Du pluralisme au multijuridisme in tat des sa voirs sur le d veloppement trois d cennies de sciences sociales en langue fran aise Paris Karthala 1993 p 78 79 mani re de penser la reproduction collective puis les conduites suivre par le sujet de droits le pluriel comme la minuscule tant de rigueur 25 et dont le non respect ouvre la sanction Plus pro sa quement le droit value l cart d j observ entre des normes et les pratiques et d termine qui est en droit ou en faute par rapport des r gles du jeu d j pos es et susceptibles d tre invoqu es dans une soci t r gul e par l tat de droit L invocation de normes pour r gler un conflit pass devant une i
13. contredit dans nos soci t s contemporaines On rencontrera donc des difficult s g n raliser l enseignement de la m diation dans le domaine de pr dilection de cette forme premi re de la m diation les milieux scolaires et les diff rends entre l ves La m diation scolaire peu utilis e en France la diff rence des tats Unis et peu tudi e ne se d veloppera qu avec le support d une p dago gie qui retrouverait les exigences de l ancienne instruction civique pour valoriser les formes de solidarit plut t que les tendances l individualisme et l litisme 42 La m diation comme proc d de gestion d un conflit Passant au deuxi me tage de notre analyse nous allons d couvrir une d marche qui est centrale dans les exp riences actuel les de la m diation bien que son efficacit soit souvent limit e par l interpr tation qui est donn e l intervention du m diateur comme la solution qui est trouv e au conflit Par conflit nous entendons non seulement une opposition ou verte diff rend mais aussi publique connue des voisins de relations ou m diatis e par les radios locales les journaux le qu en dira t on L intervention de la tierce partie ne peut donc rester discr te voire secr te Elle suppose une forme plus reconnaissable par les parties et leur environnement social Ce proc d s accom pagne donc de techniques initialement li es par nous l oralit ju ridique do
14. e Paris PUF 1988 p 401 tive car il est fondamentalement l expression d une vision du monde En deuxi me lieu le droit qui selon la formule d Hauriou constate des armistices sociaux encadre selon une autre formule de Michel Alliot les luttes et organise les consensus sur le r sultat de ces luttes sur la base de ce que le projet de soci t autorise La place et le r le du droit sont ainsi la mesure de la mani re selon laquelle une soci t pense ses ordonnancements sociaux Dans le contexte de crise contemporaine le r le du droit est plus probl matique qu il n y para t Enfin le droit utilise des proc dures des proc d s et des tech niques que notre exp rience fran aise r cente associe la norme mais qui sont beaucoup plus diversifi s comme nous le montre rons bri vement Le droit exprime une vision du monde caract ristique d une tradition Le rationalisme au fondement de la pens e scientifique comme l id alisme la base de la philosophie spontan e des juristes ont fait oublier que l organisation de toute soci t est con ue partir d une cosmogonie r cit de la fondation du monde de mythes puis d arch types qui condensent les choix d organisation sur un mode matriciel reproduisant l empreinte de la mani re selon laquelle en pensant Dieu on a galement construit une repr sentation du monde et de la soci t ce propos Michel Alliot d clare gale ment de mani re lapidair
15. e contemporaine Annales de Vaucresson n 29 1988 La m diation p 63 76 2 Georges GURVITCH Trait de sociologie 2 vol Paris PUF 1960 lisible travers l architecture d un immeuble de la plaine Monceau et l usage que faisaient de leurs appartements ses occupants Peut on relever le d fi lanc par Perec et dresser le mode d emploi de la m diation La m diation est en effet une pratique sociale commu n ment r pandue et apparemment famili re comme mani re de s interposer pour r soudre un conflit ou r gler un diff rend la m diation est constitutive du rapport social m me si dans la so ci t fran aise elle a tant de mal merger comme autonome ou distincte Or c est pr cis ment cette difficult qui est int ressante tant d un point de vue scientifique que politique Comme on l a d j relev dans une tude pr c dente nous succombons en France un culte du droit qui fait que toute exp rience de r gulation ne peut tre saisie qu travers son langage ad majorem iuris glo riam Ainsi si la m diation a un mode d emploi ce mode para t il caricatur par la pr sentation qui en est habituellement faite Elle formalise dans le registre du droit ce qui n en rel ve pas Pour d couvrir non seulement les raisons de la caricature mais aussi la lo gique fondant les pratiques de m diation il faut pratiquer une anthropologie du d tour et consid rer ces questions d institu tio
16. e que penser Dieu c est penser le droit 18 Notre soci t fran aise est rest e sous l apparence de la la ci sation d termin e par sa cosmogonie biblique pr sent e dans le livre de la Gen se La cr ation y est pr sent e comme un acte vo lontaire et discr tionnaire de Dieu qui omnipotent et omnis cient cr a l homme son image puis accepta pour racheter l homme d chu de lui envoyer son fils Si l essentiel de la pens e m di vale resta enferm e entre ces deux dimensions l acte initial de cr ation parfaite expression de l amour divin et la culpabilit de la faute dont l humanit ne pourra tre d livr e qu au dernier jour la pens e moderne y a adjoint d autres mythes tels celui du progr s mat riel synonyme de progression sociale ou celui du contrat social dans lequel l galit entre citoyens est assur e sur la base de l uniformit des conditions Avec le concile de Trente et la Contre R forme la tradition ro maine transforme son arch type initial contenu dans le dogme tri nitaire o Dieu est p re fils et esprit soit le un en trois par une affirmation nouvelle du r le du UN sur le multiple une Eglise un Pape un Dieu Sur ce mod le les deux si cles suivants vont transcrire dans le domaine profane ce principe d organisation la fois r ducteur des 50 diff rences et centralisateur un tat un Roi un Territoire puis un Droit pour une Nation avec la R vo
17. habitus qu il faut commencer le travail de socialisation juridique sanctionn par la pression sociale Puis travers la confrontation des exp riences l individu d couvre le r le de mod les de conduites et de comportements caract ristiques de la coutume et susceptibles d tre sanctionn s par le recours l interdit et l exclusion Si ces r f rences ne suffisent pas ou si l action du jeune doit s inscrire dans le droit positif contrat de tra vail permis de s jour etc alors seulement sa socialisation sera saisie et trait e par la loi et sa r glementation d riv e Car cette r glementation loin d exprimer la totalit de la vie juridique et du rapport au droit n en est que la part merg e la partie visible d un 52 ensemble infiniment plus complexe o se d cident non seulement la conformit individuelle aux attentes de la soci t mais surtout la capacit ma triser les enjeux venir de la socialisation La cou tume et les habitus constituent ainsi le n gatif de notre droit positif et la base incontournable de la juridicisation Comme en outre ces enjeux de soci t sont aussi li s la reproduction indi viduelle et collective dans le champ des institutions ne nous ton nons pas que les proc dures soient ritualis es ou sacralis es que ce soit dans l espace judiciaire ou dans celui de la bande du parti du club Cette br ve restitution des travaux en cours permet de sugg rer
18. id rant cette volution comme structurellement li e au capitalisme lib ral au fondement de la soci t fran aise au moins doit on en contr ler les cons quences Lors d un s minaire international tenu O ati en septembre 1990 16 on a examin un certain nombre de solutions cr ation d un service public de la m diation mise en place d une autorit administrative ind pendante ou en liaison avec les services du M diateur de la R publique constitution d un ordre professionnel cr ation d une association nationale dot e d une mission de service public concurrence ouverte non r gul e Ces formules pr sentent chacune des inconv nients mais il appara t que la deuxi me formule en association avec le M diateur de la R publique pourrait apporter le maximum d avantages pour garder la m diation ses capacit s et ses potentialit s Le champ d intervention de la m diation pourrait en effet se d velopper Lors de travaux du s minaire M diation pr cit Jac ques Salzer remarquait qu on demande maintenant aux m diateurs de mettre en relation des parties d organiser la communication en tre elles de r soudre des probl mes d organisation ou de gestion des structures auxquelles les parties appartiennent voire de pen ser la gestion manag riale d une entreprise ou d une administra tion Enfin on peut demander au m diateur qu il forme la pr vention des conflits On attend donc qu il largisse sa fonction ta
19. ierce partie 2 La m diation interf re dans une communication qui est blo qu e par suite d une opposition que les parties n ont pas accept de d passer ou de n gliger L opposition est ainsi ouverte d clar e et doit logiquement mener une solution explicite la dif f rence de ce que nous pratiquons le plus souvent les parties ne supportent pas leur opposition Elles d clarent vouloir le r soudre mais ne peuvent le faire dans un rapport de face face souvent parce que la communication est compliqu e pour des raisons af fectives que l honneur est invoqu que des statuts sociaux sont en jeu La question de l identit des individus ou de leurs groupes d appartenance est ainsi fort souvent au c ur de l intervention du m diateur comme nous le rappellent des exemples actuels de dif f rends qui ont d bouch sur des conflits arm s en Somalie ou en Bosnie entre autres 3 L interposition de la tierce partie s inscrit dans une ou des histoires et ainsi dans la dur e Elle consiste principalement dans l tablissement des conditions et des moyens d une nouvelle com munication entre les protagonistes Comprendre l enjeu du diff rend puis les conditions explicites et implicites au r tablissement de la communication sont les exigences principales du m diateur 41 Droit et Soci t 29 1995 E Le Roy La m diation mode d emploi 3 C est ce qui permet au moins en premi re approximation de
20. it devient maintenant une question essentielle pour l avenir de nos soci t s non seulement parce que nous recherchons dans quelles conditions promouvoir un v ritable pluralisme mais aussi parce que nous vivons la fin de la conception moderne du droit dans un contexte de mondiali sation des changes conomiques et culturels donc juridiques La contribution du droit la n gociation de nouveaux armistices sociaux R mi Lenoir exprimait r cemment ce rapport du droit au chan gement social en crivant Le droit est ce par quoi un tat de fait se stabilise un rapport de force se fixe et si le droit est essentiel lement conservateur il n en est pas moins un des moyens par lesquels des changements sociaux c est dire les changements de rapports sociaux et des situations sociales adviennent 12 Cette capacit du droit r pondre au changement devient in contournable dans un contexte de crise de la modernit 20 voire de post modernit Les sc narios de sortie de la modernit com mencent tre analys s par l anthropologie 21 et la sociologie du droit 22 dans une perspective qui n est pas seulement europ enne Nous supposons en effet que l id al de la codification qui pr sidait la vie juridique et que Napol on Bonaparte exprimait lorsqu il pr sentait le code civil aux Fran ais en 1804 comme moyen de sor 51 Droit et Soci t 29 1995 19 R mi LENOIR Sociologie et politique chez
21. lution fran aise Avec cet arch type unitariste est pos un principe unifica teur et uniformisant qui d termine nos conceptions de la vie en soci t et qui r gule les diff rentes dimensions de nos institutions conomiques juridiques et politiques Il justifie galement qu on fasse appel l instance ext rieure et sup rieure qui donne sens et coh rence l organisation du monde Dieu de la soci t l tat ou de la justice le magistrat car on attend de chaque autorit qu elle puisse r soudre les probl mes que nous ne savons pas aborder ou r gler Mais ce qui est valable dans une tradition n appara t pas l gi time dans d autres comme le d montre la confrontation avec d au tres pens es qui se construisent partir d autres arch types La philosophie chinoise con ue sur la base d un mod le binaire du ying et du yang pr f re les rites au droit Quant aux pens es animistes africaines elles con oivent le monde comme devant tre organis sur un fondement au moins ternaire sur le mod le des trois pierres du foyer l homme la femme l enfant qui sont la r f rence minimale d une organisation familiale donc sociale Dans ce registre un v ritable pluralisme juridique peut merger car le monde y est construit sur la base d instances multiples sp ciali s es et interd pendantes Loin d tre une simple hypoth se d cole la comparaison entre arch types et mani res de penser le dro
22. n age Alternatives Conflict resolution Consensus Negotiation of law La vie mode d emploi est le titre d un roman de Georges Pe rec paru en 1978 aux ditions Hachette Dans ce beau roman sorte de tir d artifice d un auteur prolixe la vie avait un mode d emploi 39 Droit et Soci t 29 1995 p 39 55 L auteur Professeur d anthropologie du droit directeur du Laboratoire d anthropologie juridique de Paris et du DEA pluridiscipli naire d tudes africaines Uni versit de Paris l Apr s ses premiers travaux de terrain au S n gal la fin des ann es soixante il a exp rimen t en observant les juridictions coutumi res congolaises en 1972 et 1973 les conditions de conceptualisation de mod les anthropologiques dans des contextes fran ais Ses actuelles publications sur la m diation en sont une des applications De puis quinze ans ses recherches ont pour objet principal les poli tiques juridiques en Afrique ou en Europe Il a t entre autres co diteur de L appropriation de la terre en Afrique noire Paris Karthala 1991 La violence et l tat formes et volution d un monopole Paris L Harmattan 1993 Laboratoire d anthropologie juridique de Paris Universit de Paris I 14 rue Cujas F 75231 Paris cedex 5 E Le Roy La m diation mode d emploi 1 E LEROY Les pratiques de la m diation et le droit sp cificit de la probl matique fran ais
23. ns comme opaques ou myst rieuses susceptibles d tre lucid es par l observation des pratiques de nos concitoyens C est dans cet esprit que je pousserai l analogie avec l uvre du roman cier qui fut un grand perturbateur devant l ternel des cours de so ciologie de Georges Gurvitch en Sorbonne au d but des ann es soixante Car on pourrait se demander si la th orie des paliers en profondeur du Trait de sociologie du ma tre ne s est pas retrou v e dans les hauteurs les tages les escaliers et les paliers gravir pour d couvrir les multiples emplois de l immeuble bourgeois que d crit son ancien tudiant II y a l un parall le qui pourra nous in t resser pr cis ment en tant que parall le et pour souligner l im possibilit pour certains points de vue de se rencontrer Je souhaite en effet illustrer dans ce texte deux observations principales d une part la m diation implique li es les unes aux autres cinq r alit s diff rentes aux cons quences sp cifiques qu il conviendrait de ne pas confondre d autre part la m diation et le droit sont des approches in comparables des formes de r gulation et ne peuvent ainsi tre ap pr hend es que de mani re parall le et non r ductive Les quatre tages de la m diation et son enfer marchand Comme l immeuble bourgeois de Georges Perec la m diation n est fonctionnelle qu en raison de l interf rence de plusieurs tages
24. nstance jug e neutre parce qu trang re au conflit le forum judiciaire en vue d obtenir une d cision sanctionnant les conduites marginales ou d viantes sont caract ristiques de la mani re dont le droit est g n ralement inter pr t par nos concitoyens Ce parall le que nous tra ons ici et qui n puise pas la ri chesse tant de la m diation que du droit m riterait sans doute d tre approfondi Mais c est un v ritable programme de recherche interdisciplinaire qu il conviendrait alors de mettre en uvre En conclusion Que retenir de cette pr sentation du mode d emploi de la m diation La premi re id e que nous devrions retenir est l influence tant du juridisme que de la marchandisation sur la m diation ce qui est finalement normal dans une soci t capitaliste marqu e par le d veloppement d un tat centralisateur et d un droit unificateur au moins dans l exp rience fran aise Cette double influence p se sur la possibilit de donner la m diation un statut part enti re dans le r glement des conflits de la vie quotidienne soit en confondant les registres de la m diation et du droit soit en sou mettant une logique marchande et professionnelle des pratiques qui paraissent relever id alement au dire du plus grand nombre de la gratuit Mais la seconde id e que nous devons garder l esprit est que la m diation comme cadre sp cifique repose sur des mani res de faire des proc d s
25. nt en amont qu en aval des pratiques actuelles Est ce possible ou souhaitable face un autre type de concur rence celle des juristes et du droit Il Un bref parall le entre la m diation et le droit Le droit appara t l anthropo juriste infiniment plus complexe que ce qu en disent les d finitions des manuels utilis s dans les fa cult s pour introduire l ars iuris Selon une judicieuse remarque de N Rouland 17 on ne peut d finir le droit mais seulement le penser car il est pr cis ment l expression d une pens e qui va bien au del de la technique juridique pour encadrer la reproduc tion sociale Selon une expression de Pierre Legendre le droit est l art dogmatique de nouer le social le biologique et l inconscient pour assurer la reproduction de l humanit Le droit met ainsi en uvre plusieurs r alit s comme dans la m diation mais de mani re inverse Si dans la m diation il faut partir inductivement de la pratique interactive pour d couvrir le sens des interventions plus complexes dans le droit c est une d marche inverse qu il faut adopter Le droit particuli rement dans une perspective interculturelle doit tre abord de mani re d duc 49 Droit et Soci t 29 1995 16 In S minaire M diation op cit p 257 ets 17 N ROULAND Penser le droit Droits n 10 1989 p 77 E Le Roy La m diation mode d emploi 18 Cit par N ROULAND An thropologie juridiqu
26. nt l originalit n a pas t suffisamment soulign e dans certains travaux S il est vident que ce sont les contraintes de la forme primaire de m diation qui continuent interf rer ici le m diateur doit prendre en consid ration d autres facteurs Nos travaux sur la conciliation ont montr que la tierce partie doit structurelle ment r unir quatre exigences g rer les relations entre les parties par des attitudes coute regard parole l expression de sentiments par rapport un or gueil mal plac la honte et des comp tences dans la mani re de nouer le dialogue et de faire merger un consensus Attitudes sen timents et comp tences divergent selon les acteurs et les situa tions Une exp rience est donc indispensable et cette exp rience s apprend parfois son corps d fendant Cette forme de m dia tion n est donc pas une affaire d amateur ni peut tre de profes sionnel l exception de la m diation familiale qu on retrouvera ul t rieurement appara tre comme une figure d autorit non en vertu de sa place dans une institution ou en vertu d un mandat ce qui se rait une confusion de r le de registre et de statut mais par l ex pression d une neutralit d une objectivit et finalement d un sens de l quit Le m diateur n a pour fonction que de provoquer l mergence d un consensus entre les parties s inscrire dans le temps en prenant en consid ration des tempor
27. ntradictoires Nous retrouverons cette difficult dans la seconde partie de ce texte Auparavant il nous faut voquer un dernier as pect de la m diation comme marchandise La m diation comme marchandise Pour parler de ce dernier aspect de la m diation nous avions employ l image d une sorte de descente aux enfers de la marchan disation sous l influence de l argent roi La gratuit de la m diation se heurte en effet des r alit s de deux ordres D une part la r alisation d une m diation exige des moyens fi nanciers m me modiques en termes de locaux de t l phone de courrier de frais de d placements ou d indemnit s Modiques mais multipli s par l accroissement des besoins ces moyens peuvent peser sur le budget d associations qui tout en utilisant des b n 47 Droit et Soci t 29 1995 14 M ALLIOT Communication au S minaire Violence Ville ducation Paris S nat avril 1992 non publi E Le Roy La m diation mode d emploi 15 J P BONAF SCHMITT La m diation une justice douce Paris Syros 1992 L expression justice douce ayant t im pos e par l diteur on ne fera pas grief l auteur d une for mule inadapt e voles doivent quilibrer leurs ressources donc b n ficier de sub ventions donc se soumettre aux conditions d octroi de l argent pu blic Un contr le peut ainsi s tablir de la part d administrations ou de collectivit s et l intervention des a
28. omme sur le type de solution acceptable et sur son ex cution Dans le cas pr sent le choix du m diateur est impos par le magistrat Seul le plaignant a la possibilit de r cuser le choix de la formule de m diation La d cision devra tre accept e par les parties mais sera formul e soit par le magistrat soit sous certaines conditions par le m diateur Quant l ex cution de la d cision elle reste sous le contr le du magistrat Pour ces raisons on doit s interroger sur la possibilit de continuer utiliser l tiquette m diation pour caract riser une r alit qui rel ve non de la m diation mais d une autre forme de jus tice Cette justice tait qualifi e par C Amiel et A Garapon de justice n goci e 10 Actuellement on semble s orienter vers la notion de justice propos e 11 Cette question d tiquetage n est sans doute pas l essentiel tout en posant certains probl mes d ontologiques et de politique judiciaire Si on comprend bien le souci de nombreux magistrats de r pondre la crise de l institution judiciaire en proposant des r ponses innovantes correspondant au souci des citoyens d une jus tice plus proche de leurs pr occupations attentive se saisir de probl mes qui rendent facilement la vie insupportable d grada tions atteintes aux biens valoris s comme les automobiles etc une confusion permanente dans l usage des cat gories juridiques n est pas satisfaisante La questi
29. on devra donc tre approfondie dans une perspective de politique judiciaire en tenant compte d exigences qui sont insuf 45 Droit et Soci t 29 1995 10 C AMIEL et A GARAPON Justice impos e et justice n goci e dans le droit fran ais de l enfance Actes n 56 1986 p 18 27 11 Projet de colloque de l cole nationale de la magistrature Paris juin 1994 E Le Roy La m diation mode d emploi 12 J P BONAF SCHMITT La m diation un nouveau mode de r gulation sociale Histoires de d veloppement n 20 d cembre 1992 p 35 13 E LE Roy L tat le mono pole dela violence et les enjeux de la post modernit in E LE Roy et T VON TROTHA dir La violence et l tat formes et vo lution d un monopole Paris L Harmattan 1993 p 235 242 fisamment prises en compte par la justice actuellement la perma nence du lien social et l individualisation des mesures de justice la recherche d un certain accord pour l ex cution de la d cision On y ajoutera le souci d une certaine responsabilisation dans la mise en uvre de la machine judiciaire et la n cessit du recours une fi gure d autorit apte imposer des obligations mais assez proche des usagers pour satisfaire au besoin d une justice de proximit qu assurait le fameux juge de paix aboli en 1958 Ce qui bien s r complique la r flexion c est que le tout se situe dans un contexte de crise des valeurs morales et
30. redouta ble probl me de savoir si la violence peut tre abolie ou seulement domestiqu e l abolition apparente de la violence n tant qu un d placement d un domaine dans un autre Mais son m rite est de mettre en vidence le caract re violent de nos dispositifs institu tionnels non seulement la police la justice ou l arm e mais aussi l cole ou l organisation urbaine 14 Les valeurs morales disponibilit responsabilit altruisme et sociales solidarit dignit gratuit qui y sont associ es ne sont cependant pas secondaires particuli rement en ces temps de crise des r f rences et des r gulations Nos travaux relatifs la justice la pr sence des travailleurs immigr s en France ou la crise des politiques nationales de r gulation soulignent toutefois que ces valeurs ne peuvent tre effec tivement concr tis es que dans un contexte de remise en cause des fondements logiques de nos syst mes de pens e Ce qui est en question c est la vision chr tienne du monde et de l organisation de la soci t fond e sur la pr valence de l institution sur la fonc tion sociale De m me que le Dieu jud o chr tien pr existe sa cr ation de m me l institution ses membres et l organe la fonc tion qu il remplit Cette repr sentation fonde notre rapport l tat et au droit mais n est plus de mise quand il s agit de rechercher une solution consensuelle sur la base d une n gociation d int r ts co
31. s des conditions d apparition du conflit explications susceptibles d ouvrir sa remise plat donc la d couverte par les parties d un consensus sur une solution partageable par elles Outre une formation ces exigences supposent que quelques moyens mat riels puissent tre r unis par exemple pour un d pla cement sur les lieux en cas de conflit de voisinage Mais ces condi tions sont r duites compar es l application de proc dures judi ciaires On remarquera cependant que le facteur temps est souvent n glig alors qu une bonne m diation prend un temps souvent plus consid rable que celui qu un magistrat va accorder au traitement d un dossier Dans la mesure o le temps c est de l argent l activit de m diation rencontre une contrainte parfois mal v cue par le m diateur ou par les parties Les conflits du quotidien 8 ou de voisinage les actes d incivilit des jeunes les difficult s entre g n rations au sein des familles immigr es par exemple des oppositions professionnelles au sein d entreprises ou d administrations peuvent naturellement relever de cette forme de m diation La m diation proc dure parajudiciaire de r glement des litiges Cette troisi me forme de m diation pose directement le pro bl me de la relation de la m diation avec les proc dures judiciaires de r glement des litiges Un litige est en effet un conflit pendant devant les tribunaux Ainsi le recours la m diation
32. sion en te 44 nant compte d imp ratifs facilement contradictoires II cesse d tre un tiers neutre et objectif pour devenir le bras s culier plus ou moins arm du magistrat les exigences du service public de la justice l galit des ci toyens devant la loi l obligation du contradictoire les droits de la d fense et le recours des avocats la possibilit d appel de la d ci sion et les applications de la Convention europ enne des droits de l homme en mati re de proc s quitable sont autant d arguments qui peuvent tre utilis s soit pour r cuser la m diation soit pour en limiter l impact Le risque d une sous justice ou d une justice au rabais appara t alors clairement alors que pr cis ment la m dia tion n est pas une justice et que le m diateur n a pas dire qui est en droit ou en faute dans cette troisi me forme de m diation les rapports avec la conciliation voire avec l arbitrage deviennent flous et fluides Le m diateur aux lieu et place du magistrat contr le l application d une d cision qui sous la forme de travaux d int r t g n ral par exemple peut appara tre comme moins s v re qu un emprisonne ment ou qu une amende mais qui n en reste pas moins une sanc tion p nale xecutoire enfin la m diation repose sur un processus de n gociation entre les parties Dans les deux premi res formes nous avons de vin que cette n gociation porte sur le choix du m diateur c
33. sociales et de remise en cause de toutes les institutions publiques et priv es La m diation comme id ologie de la pacification sociale voire comme projet de soci t J P Bonaf Schmitt d clare 12 propos des exp riences des boutiques de droit qu en d veloppant leur projet de m diation sociale elles ne visent pas r pondre des dysfonctionnements du syst me judiciaire mais proposer un autre mod le de r gula tion des litiges bas sur la d centralisation la d professionnalisa tion la d l galisation Cette conception de la m diation repose sur l hypoth se que la diversit et la complexit de la vie sociale encou ragent le d veloppement de modes d centralis s de r glement des litiges permettant ainsi aux citoyens de se r approprier les modes de gestion des conflits Cette conception de la m diation est par tag e par certains auteurs fran ais et plus souvent par des cher cheurs am ricains Elle implique de mani re compl mentaire trois r alit s une id ologie des pratiques professionnelles hors du champ judiciaire II s agit d un ensemble d id es et de repr sentations rela tives l exercice des comp tences ou des responsabilit s dans le domaine de la m diation Elle suppose une thique professionnelle une analyse des causes et des cons quences du monopole tatique de la violence l gitime et des incidences de nouvelles pratiques que sugg re l entr e en post moderni
34. t 13 une philosophie de l action sociale et de la vie en soci t avec ce que cela peut supposer de valeurs sp cifiques hi rarchi quement organis es Sans doute est ce ce domaine qui est le moins nettement lucid parce qu il suppose une remise en cause de no tre vision occidentale du monde un projet politique comme alternative aux modalit s ac tuelles d organisation de soci t s construites autour du consum risme du capitalisme de l tat et de l individualisme Les mouve ments de type verts ou cologiques semblent incarner plus ou moins clairement ce type de projet Dans de tels contextes la m diation repose souvent de ma ni re implicite sur une structure mythologique qui condense des valeurs sociales et morales 46 titre exploratoire on peut relever l existence d un substrat mythologique li la non violence N e aux tats Unis et en France la fin des ann es soixante et influenc e par les travaux du philo sophe Herbert Marcuse la non violence implique l abolition de rap ports de violence caract ristiques des relations entre les sexes les g n rations les communaut s ou les cat gories socio profession nelles Le r le de l ducation y est consid r comme principal ce qui nous ram ne la forme primaire de la m diation Parfois seu lement identifi e dans le mouvement Peace and Love des cam pus am ricains ou par la g n ration beatnick elle pose le
35. utorit s publiques peut in fluencer l orientation donn e la m diation par les organismes qui la prennent en charge Ainsi l int r t nouveau accord la m dia tion p nale par la Chancellerie peut aussi se r aliser au d triment d autres formes de m diation ou de conciliation D autre part la g n ralisation des rapports marchands dans une soci t capitaliste devient r elle dans le domaine de la m dia tion Avec la possibilit d indemnisation puis de r mun ration des activit s de m diation s ouvre un nouveau march celui des modes non judiciaires de r glement des conflits voire des litiges Cette volution est favoris e par la disparition de m diateurs tradition nels intervenant au titre de leur notabilit et par la technicit d une intervention qui suppose un apprentissage La r compense d un apprentissage tant la possibilit d en tirer des revenus titre professionnel une offre marchande de m diation est en train d ap para tre Parall lement une demande nouvelle merge soit de la part de ceux qui ont t d us de leur rapport la justice trop lente trop lointaine trop inhumaine soit de ceux qui ne pensent pas pou voir y trouver satisfaction les faits incrimin s tant par exemple class s sans suite sur les mains courantes des commissariats ou dans les dossiers ouverts par le Procureur de la R publique On trouve galement des citoyens marginalis s par un ch mage des
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