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1. Le L ANALYSE DE DISCOURS COMME SOCIOLOGIE 3 nonciateurs et destinataires sont des places discursives identifi es comme cat gories li es l objet journal sa lecture ou sa production Analys es en tant que corr lat nonciatif du journal elles sont distinctes et relativement ind pendantes des acteurs que sont la r daction ou les lecteurs acteurs dont elles proposent un mod le L identification de ces places est sp cifi e au long des rubriques et des articles dans un entrelacs complexe de cat gorisations rendues pertinentes On observera ainsi que le lectorat du Journal de Gen ve est constitu a par un lien contractuel marchand au sens plein du terme incluant la possibilit de la fid lit En effet si le journal affiche une tendance politique de droite il n est pas un journal de parti incluant par cons quent le lectorat dans un collectif auto organis avec une r gulation de l acc s au statut de membret mais un journal d information proposant ainsi une s paration entre articles et commentaires Sa l gitimit r side dans un rapport aux faits qui se veut transparent ancr dans la m diation entre sph re publique et lectorat priv b par les rubriques qui attribuent au lectorat des int r ts dans les domaines politiques conomiques boursiers sportifs ou de loisirs et de voyage Leur agencement sugg re que le lecteur peut d sirer construction des probl mes publics D2. 1 1991 via internet A Semprini L information en continu France Info et CNN Paris Nathan 1997 D Smith The Active Text in Texts Facts and Feminity London Routledge 1990 Une premi re version de ce texte a t pr sent e sous le titre un peu provocateur De Durhkeim Garfinkel et retour l ethnom thodologie comme sociologie au S minaire L ethnom thodologie unfsociologie improbable Cerisy la Salle du 23 au 30 juin 1997 Un monde possible est le corr lat d une description possible H SACKS On the analysability of stories by children in R TURNER ed Ethnomethodology Harmondsworth Penguin 1974 pp 216 232 avant tout jugement sur sa v rit sa valeur etc Le lien entre monde possible et nonciation a t labor par E V ron La s miosis et son monde LANGAGE n 58 1980 pp 61 74 La notion de dispositif d action collective rend compte de l usage d une cat gorie d action en ce qu il ouvre un ensemble de relations possibles avec des cat gories des objets d autres actions etc Elle est une extension de la notion d action projet e par une cat gorie L JAYYUSI Categorization and the Moral Order London Routledge and Paul Kegan 1984 pp 25 28 et se distingue des dispositifs de cat gories H SACKS op cit en ce qu ils sont articul s par les actions et non par les cat gories Une d marche parall le a t effectu e par D C fai La 1
3. identifier b Le philosophe polonais L Kolakowski Oui nous sommes tous responsables Courrier International n 367 13 11 97 p 12 extrait de Gazeta Wyborcza lui m me extrait de Mini uyklady o maxi spracwach Cracovie l Znack 1997 a propos que tout Polonais dans la mesure o il s identifie cette cat gorie doit moralement prendre position face ce qui a t fait au nom de cette cat gorie Ma r gle peut tre vue comme une g n ralisation de la sienne J ai d velopp ce point J WIDMER B BOLLER R CORAY Drogen im spannungsfeld der Oeffentlichkeit Logik der Medien und Institutionen B le Helbing amp Lichtenhahn 1997 pp 18 19 propos du discours m diatique sur la drogue en Suisse Parler d action collective propos de l action d un nous sur lui m me suppose une analyse de la structure nonciative de l espace public Une telle analyse fond e sur le r gime des pronoms personnels est propos e dans J Widmer d marche qui s inscrit dans le prolongement d une conception prax ologique de l espace public L QU R L espace public de la th orie politique la m tath orie sociologique Quaderni n 18 1992 pp 75 92 D C FA op cit 8 JEAN WIDMER ou non une possibilit de choix centrale en d mocratie Le choix ne peut cependant porter sur la cat gorie suisse si nous acceptons la r gle de lecture propos e au point 5 ci dessus Cette cat gorie est e
4. clame en effet de textes tatiques de documents diplomatiques Le discours est celui des nations qui se mesurent au calendrier et aux institutions abstraits et non le r cit d un peuple scand par les g n rations Il ne s agit pas d un texte d histoire car le texte est publi dans la rubrique politique d un quotidien Et cela est pertinent m me si l auteur tait historien car il ne s adresserait pas des amateurs d histoire mais des amateurs d actualit Le temps de l criture de l histoire ou de la psychologie de la sociologie etc n est pas celui de l actualit Il en est de m me du savoir pr suppos de la part des lecteurs de leur int r t de leur patience lire etc Il peut certes y avoir des textes historiques dans un quotidien mais dans ce cas celui ci pr terait sa surface une autre forme d nonciation et le marquerait comme tel dossier magazine Les distinctions que propose H Rousso entre histoire et m moire au sens o la premi re insisterait sur les transformations et la seconde sur la continuit sont utiles Mais non seulement il r serve comme M Halbwachs la premi re l historiographie il Cette opposition est une sp cification de la paire ethnos versus demos courante dans la litt rature Voir notamment R VON LEPSIUS lt Ethnos gt und lt Demos gt Zur Anwendung zweier Kategorien von Emerich Francis auf das nationale Selbstverst ndnis der B
5. finitions de situations dans les ar nes publiques R seaux n 75 1996 pp 43 66 en g n ralisant le sch ma actantiel de la d nonciation de L Boltanski La d nonciation Actes de la Recherche en Sciences Sociales n 51 1984 pp 3 40 La d nonciation n est cependant qu un dispositif d action collective parmi d autres L expression entrelacs complexes indique que les relations entre les cat gorisations pertinentes aux divers endroits du texte ne sont pas de simples mapping Les cat gories ne sont pas li es entre elles seulement comme des ensembles mais comme des sources d inf rence De mani re g n rale l analyse propos e ici peut s appuyer sur l s l ments relev s par M Mouillaud et J F T tu Le journal quotidien Lyon Presses universitaires de Lyon 1989 tout en les pla ant dans une autre perspective proprement sociologique O HIRSCHMAN D fection et prise de parole Paris Fayard 1984 Orig 1970 J JAYYUSI op cit En d autres termes le lectorat n est pas inclus dans une self membershiping collectivity J COULTER Human Practices and the Observability of the Macrosocial Zeitschrift f r Soziologie Jg 25 Heft 5 Oktober 1996 pp 337 345 La notion de savoirs ou d int r ts etc li s des cat gories est d velopp e notamment par E Schegloff Notes on a conversational practice formulating place in D N SUDNOW ed Studies in social interacti
6. identifier les l ments pertinents pour une analyse sociologique des processus conomiques ou politiques Ces notions linguistiques conomiques ou politiques ne sont pas ici des notions analytiques Elles servent identifier des l ments du r el et peuvent tout moment passer de ressources au statut de th me en soumettant ce qu elles d signent l analyse des pratiques qui pourvoient ieur objectivit en tant qu obiets linguistiques conomiques ou politiques Qu ils passent du statut de ressources pour l analyse celui d objet d analyse d pend uniquement des buts contingents de l analyse sociologique en cours Les notions sociologiques institution sph re publique normes m moire collective appartiennent un vocabulaire diff rent elles d signent des configurations de pratiques qui permettent d identifier les pratiques mises jour par l analyse ici nonciative et des cat gorisations Elles ont le statut des cat gories ontologiques de Aristote mais utilis es par un Kant prax ologique Ce que nous apporte un tel changement de perspective M thodologiquement il est important de savoir qu un langage d observation permet de d cider de positions th oriques Il est ainsi possible de transformer des probl mes philosophiques en projets empiriques Substantiellement une telle perspective nous permet de sortir du choix entre une position qui focalise soit sur les m dias d tach s de leur activit
7. raisonn e et corrigible dans le cadre d une analyse sociologique du discours Le tout s inscrit dans le cadre plus g n ral d une r flexion sur l ethnom thodologie en tant que sociologie prax ologique La conclusion ne sera pas substantielle mais faite de consid rations sur la d marche afin d esquisser partir de l ethnom thodologie comment l analyse du discours est strictement parler une sociologie prax ologique A strictement parler parce que si nombre d auteurs reconnaissent que l analyse de discours par opposition une analyse de texte est l analyse d une pratique dont le texte est la trace verbale rares sont encore les d marches qui en tirent les cons quences et ins rent l analyse du discours dans la th orie des pratiques Le choix d illustrer l analyse des pratiques que d signe la notion de m moire collective n est donc pas innocent Du journal comme institution Le discours d un journal est ternaire un nonciateur prend en charge un monde possible pour un lectorat implicite tous trois ancr s dans sa temporalit et son espace particuliers Ces relations de sens ins rent le journal dans un dispositif d action collective possible La d marche est parall le celle d autres auteurs tels que L Jayyusi The equivocal text and the objective world an ethnomethodological analysis of a news report Continuum the Australian Journal of Media amp Culture vol 5 n
8. suppose pas que le lecteur prenne parti pour une option politique voir a ci dessus f Autre l ment le journal est quotidien et constitue donc son lectorat comme l ensemble des lecteurs contemporains dans le cadre du temps abstrait du calendrier de m me que le choix des informations est en principe dict par leur actualit c est dire par leur simultan it dans le temps abstrait Le texte que nous examinerons est dat du 28 mai 1997 l A Semprini op cit d veloppe une r flexion analogue sur les rapports entre programme et espace social propos des programmes de flux 2 E VER N S FISHER Le hibou Communications n 28 1978 pp 68 126 M MOuUILLAUD et J F T TU op cit 3 Cette caract ristique a t soulign e par B Anderson Imagined Communities Reflections on the Origin and the Spread of Nationalism Londres Verso 1983 Traduction fran aise L inaginaire national Paris La D couverte 1996 comme trait constitutif de l appartenance nationale moderne Le temps abstrait appartient la rationalit formelle typique des soci t s modernes J Widmer Remarques sur les classements d ge Revue Suisse de Sociologie vol 9 n 2 1982 pp 337 364 ID Quelques usages de l ge explorations dans l organisation du sens Lexique 5 Lille Presses Universitaires de Lille 1987 pp 197 227 examine les rapports entre cette forme de rationalit et les rationalit s mat rielle
9. VARIA NOTES PROPOS DE L ANALYSE DE DISCOURS COMME SOCIOLOGIE La m moire collective d un lectorat _ Jean Widmer En 1945 la neutralit tait d j sous le feu de la critique titrait le quotidien suisse Le Journal de Gen ve dans un de ses articles consacr la m moire collective d un lectorat avant de pr ciser en sous titre Des documents diplomatiques montrent comment la Suisse s y est prise pour d fendre son statut L analyse de ces nonc s me servira montrer comment ceux ci articulent lectorat implicite nonciateur et th me de mani re faire appel la m moire collective des lecteurs en tant que membres de la collectivit suisse comment ils supposent cette m moire en tant que cadre de pertinence th matique interpr tative et pragmatique pour sa r ception Les notions analytiques sont issues de la socio s miotique et de l analyse des cat gories d appartenance Il s agit d une analyse exemplaire au sens o elle ne vise pas d abord traiter un th me mais illustrer une d marche comment des notions telles que institution espace public v nement affaire m moire collective ou collectivit peuvent eiles Professeur l Universit de Fribourg Suisse l 2 A SCH TZ Das problem der Relevanz Francfort Suhrkamp 1971 Recherches en communication n 12 1999 s AK 20 AIG 2 JEAN WIDMER tre men es une observation rigoureuse c est dire
10. actualit qui dure le temps de l affaire des fonds en d sh rence et de l or nazi en Suisse Ces trois temps le temps calendaire abstrait du jour de la publication le temps de l affaire et le temps du probl me structurent le d bat en cours Chacun de ces temps suppose une attention sp cifique du lectorat ventuellement un contrat diff rent entre lectorat et nonciateur journalistique Le temps de l affaire est central car ce sont les v nements dans l affaire qui justifient d en parler dans le temps calendaire du journal par opposition aux rubriques dossier qui ont un empan temporel plus large c est l affaire aussi qui sert de support une probl matisation ventuelle du rapport au pass historique Bref une affaire est une histoire en train de se faire au fil des r cits quotidiens temps calendaire et c est l affaire qui rend ventuellement probl matique les solutions disponibles pour en d nouer les intrigues Le lecteur de ce journal sait aussi bien que cela ne soit pas dit dans les titres que la critique contemporaine ne porte pas sur la neutralit contemporaine de la Suisse mais sur sa neutralit durant la seconde Guerre mondiale et que cette critique fait partie de l affaire Ce lecteur est aussi suppos ne pas savoir que cette critique a d j t faite en 1945 ni comment la Suisse s y est prise pour d fendre son statut Et il est suppos int ress l apprendre Ces savoi
11. ait les limites de ces propos De m me le choix des lectures propos es n implique pas un choix de la part du lecteur mais structure probablement son choix De plus son choix de lecture n implique pas un choix partisan il peut lire l article selon fa r gle communautaire et la r cuser pr f rant la r gle civique en tant que pr f rence politique personnelle On peut ajouter que le lecteur peut avoir pond rer son identification aux cat gories d identification propos es par le discours cf point 5 supra Ainsi pour un membre Ia fois suisse et juif une pr f rence peut tre pertinente entre les deux appartenances Une analyse en r ception qui suivrait la pr sente analyse devrait tre con ue dans les m mes termes la diff rence des m thodes empiristes classiques qui tablissaient le rapport entre contenu et r ception en utilisant les m mes codes la d marche propos e ici consisterait observer si discours et lecteurs recourent aux m mes codes selon le principe ethnom thodologique que la formalit et l objectivit des faits sociaux ne sont pas des propri t s des m thodes mais de la r alit sociale Analyse du discours et sociologie prax ologique La m me r gle d identit des principes d analyse s applique aux relations entre analyse du discours et sociologie Analyser des textes en tant que discours donc en tant que traces de pratiques sociales 1 Deux exemples ayant
12. artenance cat gorielle que la c l bration de celle ci par des f tes et des monuments et leur formes m diatiques Ces derni res pratiques comme le soulignent Katz et Dayan n impliquent pas n cessairement un rapport communautaire car elles peuvent aussi bien c l brer la continuit de la tradition civique Comment les titres proposent ils ce choix Le texte n exclut pas une lecture civique titre et sous titre sont l indicatif comme le sont les informations Il n y a aucune trace nonciative apparente de l appartenance du lectorat a cat gorie suisse Ainsi il n y a pas par exemple de nous incluant nonciateur et destinataire dans la cat gorie suisse et lui assignant le devoir de prendre parti Le d j implique que la neutralit de la Suisse durant la seconde guerre mondiale tait d j critiqu e et que la Suisse a d fendu son statut mais il n implique pas qu elle doive l tre encore aujourd hui Bref le texte peut tre lu comme une information dont le lecteur peut prendre connaissance et propos de laquelle il peut se former un jugement sur ce qu a fait la Suisse au sortir de a seconde guerre mondiale Mais une lecture communautaire n est pas non plus exclue titre et sous titre peuvent tre lus comme les deux l ments d une paire s quentielle le sous titre peut tre lu comme riposte la critique envers la Suisse formul e dans le titre Cette s quence rend p
13. de dire le social soit sur leur discours en le d tachant de ses conditions de production Ainsi des cat gories introduites pour rendre compte a priori de leur activit peuvent tre d couvertes en examinant leur nature institutionnelle et instituante 20 L ANALYSE DE DISCOURS COMME SOCIOLOGIE 13 leur capacit d op rer une agr gation du social en permettant que se constitue un public les membres d un lectorat qui se savent membres d une collectivit normative et pas seulement des consommateurs isol s leur capacit de constituer ce public en public civique par la constitution d affaires et de probl mes publics leur capacit enfin servir de m diation entre ce public ses institutions voire du public lui m me en tant que collectivit La r gulation sociale et discursive des m dias cesse d s lors d tre une question de pr f rence morale Elle engage de mani re centrale la r gulation des soci t s dites de communication Ce dernier point sugg re la fois les limites et le caract re incontournable des m dias dans les soci t s m diatis es Limites parce que le discours des m dias pour tre efficace symboliquement doit supposer toujours qu il y a du r el qui le pr c de Incontournable parce que ce r el n est public que s il est dit par les m dias Pour tre symboliquement r el celui ci doit tre m diatis Il est donc aussi insens de refermer l tude des m dias sur eux m mes da
14. ertinent un dispositif d action collective attaque d fense qui a la propri t de limiter en appliquant la r gle d identification 5 supra les choix deux positions possibles exclusion de toute autre prendre parti A Eia s P a ri gt PEE Pers a 7 pour ou contre la Suisse Lu de cette mani re le monde possible d crit par le titre et le sous titre propose deux places antagonistes qui l M HALBWACHS Les cadres sociaux de la m moire Paris PUF 1925 2 direct Paris PUF 1996 3 Je dois Paul Ten Have de m avoir fait observer le caract re s quentielle du titre et du sous titre D DAYAN et E KATZ La t l vision c r monielle Anthropologie et histoire en Yia kin Ri 1 saf Pin CITES L ANALYSE DE DISCOURS COMME SOCIOLOGIE 11 somment le lecteur citoyen suisse de prendre parti pour la Suisse puisque l autre alternative peut tre interpr t e comme un manque de loyaut voir une trahison Dans cette lecture le choix d une opinion entra ne un choix sur la qualit de l appartenance un Suisse doit s identifier la Suisse d fendant sa neutralit celui qui ne le ferait pas ne serait pas un vrai Suisse Aucune des deux lectures n est exclue mais aucune n est n cessairement inclue La pr f rence pour une lecture pourrait tre li e au contrat nonciatif du journal dans d autres articles concernant ce domaine mais poursuivre ce point d passer
15. n effet li e tous les l ments de l nonciation du journal au lectorat de l affaire l histoire et ses composantes et sources L identification la cat gorie suisse ne peut tre propos e comme choix car elle est pr suppos e pragmatiquement pour les lecteurs de cette cat gorie au sens strict o la v rit de cette pr supposition ne d pend pas de la v rit des propositions qui la pr suppose La supposition d une m moire collective est donc n cessairement li e au texte par la figure de son destinataire mais elle n est pas n cessairement li e au lecteur r el Si les Suisses doivent savoir telle chose de leur pass il ne s en suit pas que tous les Suisses le sachent Il s agit donc bien d une m moire anonyme et distincte de la m moire individuelle de la m moire d un pass qui est tout la fois pos comme distinct du lecteur et ce titre objectif et qui lui est li e normativement par sa cat gorisation en tant que lecteur suisse La m moire collective en tant que fait social au sens de Durkheim obtient ces propri t s d objectivit en tant que m moire pr suppos e et nonc e un point qui n lucide pas seulement Durkheim mais luciderait nombre de discussions contemporaines qui traite la m moire comme ph nom ne moral ou psychologique Une telle posture permet de se demander quel rapport au pass est propos quel est le lecteur implicite auquel le lecteur r el est c
16. ns une m diologie provinciale que de pr tendre tudier les processus sociaux contemporains sans examiner la r alit qui leur est attribu e par les m dias l E Ver n M diatisation du politique strat gies acteurs et construction des collectifs Herm s n 17 18 1995 pp 201 214 a bien vu ce point mais a un peu n glig la r ciproque la d pendance des m dias face au social Dans un article r cent P Strydom Triple Contingency The Theoretical Problem of the Public in Communication Societies Philosophy amp Social Criticism vol 25 n 2 1999 pp 1 25 va dans ce sens la double contingence de toute interaction T Parsons il ajoute la contingence de l observateur Il reste d velopper les concepts analytiques qui permettent d observer ces processus Le pr sent article est un pas dans cette direction
17. on New York Free Press 1972 pp 75 119 ON Ua 4 JEAN WIDMER trouver ais ment son domaine d int r t sp cifique et que partant aucun lecteur singulier ne doit r unir tous ces int r ts pour tre un membre du lectorat ratifi du journal c par l aust rit de sa mise en page l int r t pour les institutions plut t que pour les personnes le traitement des nouvelles selon une rh torique factuelle le type de publicit etc Tout cela contribue d signer implicitement un lectorat ais et cultiv par opposition un lectorat populaire ou peu cultiv cette cat gorisation d limitant les cat gorisations mentionn es sous b d par le fait que ce lectorat r side en Suisse romande en 1997 est suppos savoir o se trouve Montreux ce que d signe Feldschi sschen ce qu est une initiative populaire etc La supposition de ces savoirs en tant que ressource interpr tative fait de ces savoirs une norme un lecteur qui ne disposerait pas de ces savoirs saurait pratiquement qu il n a pas les connaissances requises qu il n est pas un membre du lectorat ratifi Ces savoirs sont partag s par les Suisses mais il ne s agit pas d un journal des Suisses mais des habitants en Suisse d expression fran aise e Il y a encore le fait que les savoirs soient suisses n implique pas une pertinence pragmatique faisant de la Suisse la source d une norme d action prendre parti pour la Suisse de m me qu il ne
18. onvi de s identifier etc La m moire en tant que pertinence pragmatique Le choix de l identification ne porte pas sur l appartenance du lecteur la cat gorie suisse mais sur la nature du lien propos une attitude politique est elle li e la cat gorie suisse d finissant un vrai Suisse ou l identification la cat gorie Suisse offre t elle la possibilit l gitime de ne pas agr er Autrement dit le lien politique est il con u de mani re communautaire faisant du bon choix une A PIZZORNO Sur la rationalit du choix d mocratique in P BIRNBAUM et J LECA d Sur l individualisme Paris Presses de la Fondation nationale des sciences politiques 1991 pp 330 369 E YER N M diatisation du politique strat gies acteurs et construction des collectifs Herm s n 17 18 1995 pp 201 214 L ANALYSE DE DISCOURS COMME SOCIOLOGIE 9 condition de la qualit morale de l appartenance la cat gorie collective ou de mani re civique offrant la possibilit d un choix priv La question de la structure du choix de l identification devient donc celle du mode d emploi discursif de la cat gorie citoyen suisse le contrat de lecture propos sur ce point Mais avant d examiner la lecture que propose ces titres examinons la nature de ce choix Il ne s agit pas du choix propos par Y Yerusalmi en distinguant histoire et m moire juive le texte de l article du journal se r
19. parl du sionisme comme solution une perte d identit P Levi Conversations et entretiens Paris Robert Laffon 1998 p 54 se d saffilie en disant Pour moi cela n a aucun sens pr cis parce que je n ai jamais perdu mon identit je me sens beaucoup plus italien que juif G Scholem au contraire aurait selon Y Barel La soci t du vide Paris Ed du Seuil 1984 v cu cette double appartenance comme mouvement oscillatoire chaque identit repoussant l autre 12 JEAN WIDMER revient reconna tre que les titres et sous titres plac s au d but de cet article sont des copies du texte original mais des citations discursives du Journal de Gen ve de ce jour l ce moment de l affaire dite des fonds juifs et de l or nazi en Suisse et que ce texte renvoyait ce contexte historique tout en y participant L analyse du discours est de ce fait une analyse sociologique si nous entendons cette derni re comme analyse des r alit s socio historiques en tant qu ordre Comme cette derni re elle comporte trois vocabulaires un vocabulaire permettant d identifier les objets du processus sous analyse un vocabulaire d analyse et un vocabulaire sociologique Que nous utilisions des cat gories linguistiques nonc s noms verbes ou journalistiques titres rubriques pour identifier les l ments pertinents pour notre analyse n est pas diff rent du recours des cat gories conomiques ou politiques pour
20. r et int r ts peuvent tre attribu s normativement la cat gorie type lecteur citoyen suisse Des membres d autres cat gories d appartenance peuvent galement ignorer ces faits et Remarquons que nous trouvons inscrite dans le texte une distinction centrale de la th orie de la mise l agenda Difficile tablir a priori la distinction entre v nement et affaire issue s av re une construction du sens commun discursif avant que d tre une notion glose de la sociologie des m dias L usage des notions d affaire et de probl me sont ici des notions analytiques elles d signent des structures discursives qui orientent les pratiques des membres Le crit re du temps montre cette orientation dans l nonciation entendue comme pratique dans un dispositif d action collective impliquant une focalisation pertinence th matique Ce dernier point peut aussi tre formul ce n est pas le moment de parler de cela on n est pas ici pour faire le proc s de J WIDMER Th me et maintien de l ordre Feuillets Fribourg n 6 1985 pp 203 218 Ces trois temps sont centraux mais d autres peuvent intervenir J WIDMER J P Delamuraz analyser le pouvoir symbolique dans le texte Discours amp Soci t n 1 Fribourg 1999 para tre L ANALYSE DE DISCOURS COMME SOCIOLOGIE 7 s y int resser mais ces traits ne sont pas implicit s normativement par le discours Cette r gle de lecture pe
21. ralit tait d j sous le feu de la critique c est parce que les documents diplomatiques dans le sous titre le disent 4 Seul le sous titre peut tre lu comme renvoi l actualit c est la publication ou la d couverte de documents diplomatiques qui est E GOFFMAN Forms of Talk Philadelphia University of Pennsylvania Press 1981 Le caract re institu du public s observe notamment au fait que sa disparition supposerait la perte de la croyance des lecteurs dans l change avec le journal et le r pondant la m diation qu il suppose M DE CERTEAU Une pratique sociale de la diff rence croire in Faire croire Modalit s de la diffusion et de la r ception du message religieux du XIIF au XV si cle Rome cole fran aise de Rome 1981 pp 363 383 Le cas des diasporas D DAYAN Les myst res de la r ception Le D bat n 71 1992 pp 146 162 manifeste ce point J N Darbe Discours rapport Discours de l information l enjeu de la v rit in P CHAREAUDEAU La presse Produit production r ception Paris Didier Erudition 1988 pp 93 111 1988 a parl ce propos de discours rapport polyphonique Mouillaud et T tu op cit d argument d autorit w tad Le JEAN WIDMER actuelle le 28 mai 1997 Le titre ne peut tre lu dans cette temporalit 1945 renvoie un pass probl matique tandis que le d j renvoie une
22. s L ANALYSE DE DISCOURS COMME SOCIOLOGIE 5 Ces cat gorisations sociales et spatio temporelles d finissent un lectorat ratifi au sens o E Go man a parl de l audience ratifi e d une conversation Ces traits n0rmatifs et constitutifs font du journal une institution publique et l institution d un public Ainsi que ce public connaisse et s int resse son pass est non seulement probable mais aussi attendu Il est constitu comme membre d une sph re publique et pas seulement d un march La m moire comme ressource interpr tative Le lectorat est suppos savoir L lire un titre comme une triple articulation entre son attention son savoir ses int r ts et un texte susceptible de rencontrer ses pr dispositions entre ce texte et la rubrique le journal de ce jour etc entre ce titre et le texte qui le suit 2 Il sait ainsi reconna tre le titre En 1945 la neutralit tait d j sous le feu de la critique comme un titre d article politique les notions de neutralit de documents diplomatiques de Suisse renvoient la politique nationale en tant que classification textuelle de savoirs d int r ts et de places possibles dans des dispositifs d action collective politiques 3 Le lecteur sait de mani re pratique que le titre est justifi par une op ration dans laquelle l nonciateur journalistique s identifie l nonciateur d un discours qu il rapporte s il dit que la neut
23. undesrepublik und auf die Europ ische Einigung K lner Zeitschrift f r Soziologie und Sozialpsychologie Jg 38 1986 pp 751 759 Y H YERUSHALMI Zakhor Histoire juive et m moire juive Paris La D couverte 1984 B ANDERSON op cit Ce point ne contredit pas le r le des historiens dans la construction de l imaginaire national Au contraire il situe l enjeu dans leur capacit conqu rir des publics plus vastes que ceux de leur discipline capacit qui n est pas li e uniquement la qualit de leurs travaux mais d abord au d sir de leur lectorat ratifi d avoir une histoire institu e historiographiquement Voir ce sujet les remarques de E Wallerstein Ouvrir les sciences sociales Paris Descartes amp Cie 1996 sur le d veloppement des sciences historiques 5 H ROUSSO La hantise du pass Paris Textuel 1998 pp 16 et suiv lt pe w 10 JEAN WIDMER n glige aussi le fait que historique ou m morielle la lecture suppose une pratique de m moire collective selon la r gle libell e au point 5 ci dessus et donc une continuit qui est la condition m me pour que se pose la question de la forme du lien au pass La distinction entre histoire et m moire propos e par H Rousso bien qu elle contienne celle propos e ici entre contrat civique et contrat communautaire ne co ncide pas avec elle car la notion de m moire en tant que continuit peut englober aussi bien la continuit de l app
24. ut tre formul e comme suit Si une information concerne une cat gorie collective et si je me consid re membre de cette cat gorie alors cette information me concerne en tant que membre de cette cat gorie et je dois devrais m y int resser Cette r gle ne rend pas seulement compte de la mani re dont un journal constitue la fois un lectorat contrat marchand et un lecteur contrat discursif mais galement un citoyen soit la cat gorie d appartenance un collectif politique contrat de m diation politique cf le a supra Partant elle permet d examiner le texte comme un op rateur politique et en particulier comme l op rateur d une action possible d un collectif sur lui m me Collectif est ici une abr viation pour l action de membres agissant en tant que membres d une cat gorie collective Le savoir sur l histoire et le d sir d apprendre est attribu au lecteur du journal en qualit de lecteur citoyen suisse Le lecteur r el peut faire en principe une distinction entre ce qu il est suppos savoir et d sirer et ce qu il sait et d sire entre ce qu on en pense et ce qu il en pense distinctions qui reproduisent l int rieur du discours la distinction entre la sph re publique signifi e par le lecteur implicite et la sph re priv e de sa lecture Le lectorat implicite appara t donc comme une norme structurant une cat gorie laquelle le lecteur r el peut en principe s
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