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Histoires de vie

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1. Qu il n tende pas maintenant la main ne cueille aussi de l arbre de vie n en mange et ne vive pour toujours Gen se 3 22 Dans les rapports de succession donc de pouvoir entre g n rateur et g n r l acc s l arbre de vie repr sente la derni re tape apr s l acc s la connaissance Relever les bras et prendre la vie en main diff rentiellement et d licatement cueillir et manger de son arbre immortalise Cette connaissance vitale repr sente un moyen d cisif de sur vie personnelle et de ma trise sociale Pas tonnant que ces fronti res de pouvoirs biocognitifs discriminants chaque g n ration n dicte ses r gles d acc s en loignant les suivantes de leur cadre de vie originel leur espace de connaissance et de culture personnelle leur jardin et en tablissant une s rie de barrages sur le chemin du retour de pouvoir prendre la vie en main chaque g n ration doit vaincre une s rie d obstacles sociaux mat riels et spirituels Le conflit n est pas entre la pens e et la vie dans l homme mais entre l homme et le monde dans la conscience humaine de la vie Canguilhem p 10 La lutte pour la connaissance de la vie commence toujours par une contrebande sociale 2 Passage de seuils de modernit biologique Longues contrebandes interg n rationnelles entre ciel et terre entre les dieux et les hommes longtemps circonscrites officiellement entre
2. e l histoire de vie sociale approfondie le r cit est inscrit dans une s rie d entretiens et le narrataire n est pas seulement un auditeur attentif il tablit une relation profonde avec le narrateur qui devient un partenaire analytique et critique dans les diff rentes phases successives du travail y compris l criture finale et la signature du texte Catani Maze 1982 e autobiographie au sens strict il s agit de l criture d une partie ou de la totalit de la vie par la personne elle m me trop souvent bien des auteurs parlent d autobiographie alors qu il n y a qu un r cit de vie oral La destination potentielle est ici tout fait pr dominante e le t moignage correspond au sens troit l action de faire part de son exp rience v cue dans un cadre institutionnel d fini m dias justice groupe religieux association Dans un sens largi il est relatif un v cu personnel dans un d bat historique philosophique existentiel culturel ducatif Cru 1997 B zille 2000 e l histoire de vie en groupe il s agit ici la plupart du temps d un groupe de formation o les diff rentes personnes effectuent leur r cit de vie en pr sence des autres en position d coutant r cit qui donne lieu un crit individuel ou collectif e l histoire de vie de groupe il s agit ici de tracer des biographies crois es de personnes ayant appartenu un m me groupe ou communa
3. se modifier dans leur tre singulier et faire de leur vie une uvre qui porte certaines valeurs esth tiques et r pondre certains crit res de style Foucault 1984 p 12 A notre connaissance Foucault ne parle pas d histoire de vie sauf pour lui m me pour justifier son entreprise risqu e L enjeu tait de savoir dans quelle mesure le travail de penser sa propre histoire peut affranchir la pens e de ce qu elle pense silencieusement et lui permettre de penser autrement Foucault 1984 p 15 Il nomme ce travail d affranchissement exercice philosophique il renoue ainsi avec l art d accoucher de soi d velopp par les bios socratiques et repris individuellement jusqu au xviii si cle par les plus vigoureux passeurs de fronti res Au xviii si cle un seuil est franchi dans cette production autobiographique qui fait entrer massivement la vie les notables dans l histoire Cette entr e massive m diatise l exercice philosophique et le romantise mais accompagne le franchissement du seuil de modernit biologique point par Foucault En ce d but de mill naire la vie qui cherche entrer dans l histoire n est plus seulement celle des notables mais celle des tout venant voulant prendre leur vie en main et qui se lancent dans cet exercice jusqu ici r serv l lite De quel droit La vulgarisation de cet art singulier est tax e d illusion biographique par certains Bourdi
4. LES HISTOIRES DE VIE Gaston Pineau Jean Louis Legrand QUE SAIS JE Les histoires de vie GASTON PINEAU Professeur des universit s Universit Fran ois Rabelais de Tours JEAN LOUIS LE GRAND Professeur des universit s Universit de Paris VIII Cinqui me dition mise a jour 15e mille Introduction Faire sa vie n a jamais t facile La gagner non plus La comprendre encore moins Ce d but de mill naire ne l ve pas ces difficult s vitales Si le cours de la vie humaine s enrichit de nouvelles possibilit s et de nouveaux horizons il se trouve aussi engag dans une r volution bio thique ou naissance et mort organisme et environnement doivent s accorder aux mesures de la biosphere et de la biog n tique Pour tenter de s y retrouver dans les diff rents morceaux sem s en chemin au fil des ans et des v nements des pratiques de prise en main de cette vie mergent aux fronti res de l existentiel et du professionnel du priv et du public du dicible et du visible Les pratiques d histoires de vie sont de celles ci Ces pratiques sont multiformes quelles nouveaut s renvoient elles sur la prise humaine de savoir et de pouvoir sur la vie dans les sciences humaines dans les dispositifs d intervention sociale dans l autoformation des acteurs sociaux Constituent elles des arts de connaissance de gouvernement d existence Que signifie cette entr e progressive de la vi
5. que gratitude Les Confessions d Augustin et plus tard de Rousseau peuvent tre vues comme des reconnaissances de leur vie avec ses limites et m me a ses limites situation avanc e d limitant cette vie mais faisant aussi entrevoir illimit de la vie R ussir exprimer ce qui est ainsi exp riment ces fronti res contacts entre deux mondes nonce une conscience de soi et du non soi tout fait originale La mise en parole de cette mise vif fait advenir une temporalit sp cifique pas seulement celle du pass du pr sent ou du futur mais une d multiplication des dimensions du pr sent port e une puissance sup rieure pour embrasser une perception eschatologique de l tre personnel exalt jusqu en ses limites extr mes Comme le souligne ainsi Gusdorf 1990 p 192 le vecteur temporel de l autobiographie n est ni r trospectif ni projectif mais inchoatif ouvrant sur des commencements des gen ses des naissances Ainsi en est il culturellement des Reconnaissances d Augustin qui op rent une perc e historique dans ce que Ric ur appelle les apories de l exp rience du temps Entre la chronologie des historiens et l achronie des lois et des mod les ces perc es ouvrent une tierce voie la recherche du sens ou plut t des sens Sans doute fallait il confesser l autre du temps pour tre en tat de rendre pleine justice a la temporalit humaine et pour se propose
6. une connivence e il s ensuit un travail d adaptation de mise en forme par le passage d une production orale une production crite ou d images e en fonction d une destination pr tablie et institutionnalis e qui donne lieu des suites Nous avons d tach ici des op rations pr liminaires d institutionnalisation de d marrage et d amarrage des op rations constitutives nonciation orale crite et travail sur l nonc et des suites III Des op rations pr liminaires 1 De l institutionnalisation La mise en uvre d une d marche d histoire de vie est une forme d institutionnalisation et la suite de W I Thomas on peut parler d une d finition de la situation Thomas 1979 o il y a toujours un plus ou moins grand d calage entre les int r ts individuels et la mission institutionnelle La question institutionnelle est importante car elle surd termine toute pratique de recherche et de formation les conditions et les objectifs de l usage ventuel de l histoire de vie Toutes les situations sociolinguistiques depuis les premiers contacts jusqu aux op rations de suivi en passant par le type d interaction sont conditionn es directement par cette composante cf Chanfrault Duchet Dans une orientation de recherche s agit 11 de sociologie et si oul d pendant de quel type d organisation universit laboratoire avec quelle tradition m thodologique que
7. Elle est au moins double faite d information sur le pass et sur l historien Marc Bloch un des fondateurs de l cole des Annales a lanc l histoire nouvelle comme une connaissance par traces d pendante entre autres de la renomination des objets Ric ur 1983 p 138 146 Ce n est donc pas l ordonnancement ant rieur qui fonde la possibilit de l objet historique C est m me souvent l inverse le surgissement d une rupture d un v nement dont le sens est recherch et construit apr s Et c est Justement parce que la vie humaine n est pas une histoire mais de troubles entre deux aux prises avec de multiples histoires des continuit s et des discontinuit s articuler que les vivants cherchent a en faire une Pourquoi II Que signifie vouloir en faire une le traitement de cette m gaquestion va s op rer partir de la pr sentation rapide des raisons donn es par plus de 50 personnes auteurs d autant de pratiques d histoires de vie et ensuite partir des d buts de th orisation autour du concept d historicit et du temps biographique comme temps de genese 1 Agir comprendre mais aussi s manciper Les formulations explicites des raisons motifs et objectifs avanc s par une cinquantaine de praticiens d histoires de vie se sont regroup es de fa on peu pr s gale sous trois grandes finalit s soit l action la compr hension et l mancipation Pineau Jobert
8. attache d gager les contours th oriques et prax ologiques d une biographie ducative l Association pour la formation professionnelle des adultes AFPA B Courtois G Bonvalot et J Vassileff 1992 explicitent les liaisons avec la construction de projets La sensibilit coop rative am ne Henri Desroche 1991 cr er son approche d autobiographie raisonn e qu il con oit comme une approche ma eutique majeure de sujets de trajets et de projets Des ouvrages collectifs productions audiovisuelles J Le Grand 1992 collection Histoire de vie et formation 1996 premi re dition de ce Que sais je 1992 ainsi que plusieurs num ros de revues t moignent de la f condit de ce courant institu d abord en r seau 1983 puis en 1991 en Association internationale des histoires de vie en formation ASIHVIF Avec naissance d associations r gionales et nationales L Association romande des histoires de vie en formation ARHIV 1992 R seau qu b cois pour la pratique des histoires de vie RQPHV 1996 les ann es 2000 avec l amorce du tournant biographique voient un d veloppement diff renciant les approches et les internationalisant G de Villers pionnier belge d veloppe avec C Niewiadomski 2002 2012 les rapports entre clinique et formation J L Le Grand avec M J Coulon 2000 ainsi que P Brun 2001 lancent les histoires de vie collective H Pr vost 2005 travaille les liai
9. e par les travaux de Louis Dumont Ici la lumi re est mise sur la dimension sociosymbolique qu ouvre le r cit de vie En d autres termes il s agit de comprendre le sens que des acteurs sociaux donnent leurs actes aux v nements qui les concernent Dans la lign e d une sociologie compr hensive se situant dans la tradition de Max Weber 1995 il est question d une attitude compr hensive qui n est pas r ductible une participation psychique imm diate au v cu de l autre mais constitue un travail d lucidation du sens le sens vis subjectivement de l activit sociale Quelqu un comme Marcel Mauss allait jusqu soutenir Lexplication sociologique est termin e quand on a vu qu est ce que les gens croient et pensent et qui sont les gens qui croient et pensent cela Dumont 1983 p 177 3 La sociologie Au d but des ann es 1970 en France Daniel Bertaux 1980 1997 entame une vaste r flexion sur la m thode sociologique dans un environnement professionnel profond ment marqu par les seules enqu tes statistiques Dans le sillage d un champ de recherche constitu par les tudes de mobilit sociale 1l va mettre en lumi re cette m thodologie qualitative Avec Isabelle Bertaux Wiame ils travaillent sur l volution de la boulangerie artisanale en France et tentent de r pondre la question Comment devient on boulanger Le travail biographique s oriente dans le sens
10. il s agit l de construction d arbres g n alogiques pr sentant les filiations personnelles sur un mode qui peut tre th matique Les ann es 1990 sont marqu es par des productions indicatrices des recherches dans ce champ psy M Legrand enracine L Approche biographique 1993 dans le projet initial de fonder une psychologie concr te et dramatique articul au projet clinique J M Monteil dans Soi et le contexte 1993 travaille la m moire autobiographique comme un pont entre le social et le cognitif l individuel et le collectif Enfin M Lani Bayle 1997 th orise ce qui se joue dans les liens interg n rationnels notamment dans la transmission de la m moire familiale ainsi que C Abels Eber 1999 Du c t de la clinique et du traitement de la souffrance ce type d approche commence faire son apparition comme champ th orique Niewiadomski 2000 2002 Sur le continent nord am ricain faisant suite Charlotte B hler qui dans les ann es 1930 s int ressa la psychologie des longues dur es se sont d velopp s des courants s attachant a une p riodisation des diff rents ges de la vie cf infra chap IV 3 et principalement R Houde 1999 5 En litt rature et linguistique Depuis la premi re dition en 1971 de son ouvrage L Autobiographie en France A Colin Philippe Lejeune a t l un des chercheurs en litt rature qui se sont centr s sur l autobiographie en litt rature et li
11. premi res mergences crites seraient l inscription sur le registre d tat civil et l pitaphe mortuaire minimale inscrivant deux dates s par es par un trait d union un nom un pr nom 1 Pratiques interg n rationnelles et m moire familiale L enfance est ponctu e d changes notamment avec les parents mais peut tre et surtout avec les grands parents sur les origines familiales les liens de parent la vie autrefois Aux questions de l enfant qui veut conna tre le monde correspond souvent le d sir de t moigner des a n s t moignage sur des v nements sociaux comme les guerres les conditions de vie anciennes L importance de ces moments privil gi s s oublie vite mais c est surtout lorsque ces donn es font d faut ou constituent un tabou qu elles donnent lieu une recherche quasi initiatique des origines C est toute la question de la transmission qui se trouve ici pos e notamment sous sa composante g n alogique Nombre d histoires de vie se pr sentent au d part comme une recherche de la m moire familiale Lani Bayle 1997 M ller 2007 2 Paroles intrag n rationnelles entre pairs Une parole biographique ou autobiographique s nonce souvent entre ami e s qui ne se sont pas vu e s pendant quelques mois voire quelques ann es et qui r pondent la question Alors qu est ce que tu deviens l adolescence ce type de parole intime prend toute son importance car il pe
12. rentielles ont un statut tr s particulier et donc controvers elles sont des indicateurs en m me temps que des op rateurs d unification vitale d autoproduction de vie Cette auto coformation qui implique dialectiquement un processus de subjectivation de prise de parole et de conscience de l int rieur mais aussi un processus de socialisation d autopositionnement de et dans l ext rieur 3 Une question politique La reconnaissance sociale de la validit objective de ces paroles subjectives autor f rentielles constitue un enjeu majeur pour les individus et la soci t Leur m conna tre un droit de cit consid rer les individus comme des choses est simplifier le gouvernement de cette cit en l homog n isant et en la confiant des minorit s clair es Mais c est chosifier d responsabiliser et en d finitive assujettir les sujets Reconna tre non seulement leur droit l expression mais aussi la validit de cette expression est une option pist mopolitique C est reconna tre que la lutte pour la vie d veloppe chez ces acteurs peut tre autant de pouvoir et de savoir vivre valide m me insu et en contrebande que les essais de gestion de ces m mes vies par des dispositifs institu s externes Mais c est accepter dans la soci t des zones d ind cidabilit externe et donc le surgissement de pouvoirs et de savoir vivre autonomes impr visibles La prise en compte de
13. t rog nes Les individus construisent galement leur histoire partir de temps et contretemps physiques sociaux et les soci t s aussi partir de mouvements individuels et naturels Ces investissements r ciproques font de l histoire de vie telle que nous la concevons ici une pratique biopolitique autant que biocognitive pratiques vitales de gestion sociale et individuelle de temps sp cifiques que sont les ges de la vie La nature et les effets de cette pratique fondamentale de l existence qui tend se travailler comme un art d pendent de ses conditions sociales d exercice Les bios socratiques l ont lanc comme art de connaissance de soi et les bios hell nistiques comme art de communication sociale L explosion autobiographique des xvi11 et xix si cles concomitante du franchissement d un seuil de modernit l impose comme art litt raire pratiqu principalement par des moi pleins Au d but de ce si cle l approche biographique pr side la naissance des sciences anthroposociales et tente de se constituer comme art m thodologique et m me scientifique En ce d but de mill naire la pouss e contrebandi re des histoires de vie dans les champs professionnels et scientifiques a t situ e comme franchissement d un second seuil postmoderne de la double entr e de toute vie et de tous les vivants dans le champ des interventions humaines Double entr e qui s accompagne d
14. un branlement paradigmatique profond des nouveaux probl mes vitaux traiter et des fa ons de le faire Cette double entr e est prise avec un obstacle bio pist mologique original celui de l implication originelle des vivants dans la vie qui fait de l acc s la ma trise de sa gen se l usufruit de son arbre un conflit fondateur quasi sociod miurgique qui a le pouvoir savoir sur la vie Comment s en font le partage et la transmission Trois mod les ont t esquiss s le biographique l autobiographique et le dialogique Que les histoires de vie selon leurs conditions d exercice puissent tre un art puissant d autonomisation et de connaissance ou au contraire d assujettissement et d ali nation oblige expliciter et n gocier au maximum ces conditions De pouvoir le faire ou non est d ailleurs un indicateur majeur du biopouvoir l uvre Il y va dans les pratiques effectives de l mergence d un v ritable sujet critique attentif d crypter les enjeux de pouvoir et agir L avenir des histoires de vie s inscrit donc dans les mouvances d un d fi thique tendu entre le paradigme de la commande du contr le et celui de l autonomisation Il est incertain et irr solu Mais dans ces luttes de pouvoir pour l acc s aux savoirs sur la vie sa pratique repr sente un moyen strat gique vital pour construire du sens et produire la vie
15. Clio est d j prise et Mn mosyne est la fille de Gaia la terre et d Ouranos le ciel ainsi que la m re des neuf Muses la suite de ses neuf nuits d amour avec Zeus A jouer Mn mosyne on peut jouer non seulement sa fille Clio l histoire mais galement les s urs de celle ci la po sie la musique la danse le chant la trag die la com die et m me les sciences fondamentales sous les auspices de astronomie Uranie Anamneses n 1 1990 p 9 Chapitre VI De nouvelles frontieres biocognitives L entr e en contrebande des histoires de vie dans les differents champs disciplinaires mais aussi professionnels transgresse les r gles r gissant ces champs et d finissant leurs fronti res Un certain nombre de personnes qui utilisent l histoire de vie comme un outil privil gi d autoformation existentielle la vivent de fa on un peu massive comme une pratique de connaissance vitale Ce fort investissement pratique rejoint les prises de position tr s m rement r fl chies et tr s engag es d intellectuels qui depuis un si cle et partir de pr misses souvent tr s diff rentes ont cherch th oriser cette approche I De nouvelles fronti res biocognitives qu est ce dire Tout d abord ce n est pas l histoire de vie sans fronti re Sans fronti re nationale ou sociale oul car l histoire de vie n est pas une affaire de classe bourgeoise ou d Occidentaux en mal d individu
16. Des nonc s performatifs Mais ces nonc s singuliers ne font pas qu apporter un nouveau plus d informations un peu plus brutes traiter Ils ne sont pas seulement informatifs ils sont performatifs 11s font ou d font des sujets Les histoires de vie constituent un art puissant de gouvernement de cette vie qui suivant ses conditions d exercice peut aider assujettir ou autonomiser Elles sont performantes Elles produisent quelque chose une histoire bien s r mais qui ne reste pas un simple nonc Elles mettent en sens du v cu et si ce sens est appropri par le sujet elles d veloppent une comp tence non seulement linguistique mais aussi communicative ou pragmatique Cette derni re est d finie comme la capacit de construire ou d changer du sens partir de dans et avec un contexte pr cis Elle marque m me l acc s au statut de personne Reconna tre le statut de ce performatif dans la recherche scientifique est plus difficile que de prendre en compte l informatif Il interroge en effet le statut scientifique de l interaction de l intervention et de la communication comme facteur de changement et de connaissance 3 Des sujets analytiques et ou critiques Les nonc s performatifs ne produisent pas seulement une nouvelle r alit interactive une nouvelle sociogen se agissante ils produisent aussi un nouveau sujet plus apte construire et changer du sens qu avant Par opposition
17. Kluckhohn Angell 1945 charg s d tudier la validit scientifique de l approche biographique Ceux ci furent unanimes reconna tre la grande richesse du document autobiographique et consid rent que bien des probl mes sociologiques ne peuvent tre abord s que par ce biais En fait c est l int rieur m me du d partement de sociologie de l universit de Chicago qu est venue initialement la plus virulente critique sous la forme d une th se de celui qui allait devenir un des principaux promoteurs de la sociologie quantitative am ricaine Samuel Stouffer En effet dans son Ph D The Life History and The Controlled Experiment 1930 ce dernier utilise l chelle d attitude d un psychologue de l universit Thurstone pour l appliquer des grands nombres et effectuer des analyses statistiques Il d montre que l approche par questionnaire est beaucoup plus conomique en temps et en moyens pour des r sultats comparables D autre part des sociologues comme ceux de Columbia se firent une sp cialit de ce genre d approche avec notamment le sociologue initialement math maticien Paul Lazarsfeld et Robert Merton Mais c est l tude de Samuel Stouffer The American Soldier 1949 vaste tude sur le comportement des soldats am ricains durant la Seconde Guerre mondiale qui donnait le coup d envoi de ces enqu tes utilisant les statistiques Les cr dits de recherche furent plut t consacr s ce ty
18. Varela qui avec son point fondamental de non s parabilit du vivant et du cognitif 1989 p 34 a vaincu les derni res appr hensions r unir par un trait d union ces r alit s distingu es et les poser comme nouvel horizon clairant l histoire de vie comme pratique autopo tique La v ritable nouveaut conceptuelle de ce livre consiste montrer comment les m canismes de l autonomie jettent un pont entre les dimensions cognitives du vivant et la dimension humaine et sociale du savoir vers laquelle toute explication cognitive doit finalement aboutir Varela p 15 Les nouvelles fronti res biocognitives qu ouvrent notre avis les pratiques d histoire de vie ne pourront tre d velopp es conceptuellement qu l aide de ces auteurs dispers s se situant dans le paradigme de l autonomisation chercher du c t des penseurs de la vie soit sur son versant biologique C Bernard F Varela H Atlan soit sur son versant pist mologique un ressourcement du c t herm neutique semble indispensable Dans ce chapitre c est seulement le trait d union entre bio et cognitif qui est d velopp Que repr sente t il pratiquement Ne serait ce pas simplement le langage par lequel quelqu un essaie de comprendre le sens des v nements vitaux en les exprimant et travaillant II Le langage comme trait d union entre la vie et le cognitif L histoire de vie quelles que soient ses util
19. au sujet empirique purement objet de recherche ou informateur les ethnom thodologues appellent sujet analytique celui qui montre comment il analyse sa vie quotidienne afin de lui donner sens et afin de pouvoir prendre ses d cisions A Coulon 1992 p 89 90 Limportance de la r flexivit du sujet l uvre la fois dans son expression et dans l interaction intersubjective plaide scientifiquement pour reconna tre ce sujet un statut actif de chercheur sinon cette r flexivit doublement agissante est n glig e Mais dans les histoires de vie autonomes ce sujet ne fait pas qu analyser il pond re il interpr te juge tranche synth tise Autant pour prendre en compte ces autres op rations tr s importantes que pour viter une connotation clinique nous ajoutons l expression de sujet critique Elle correspond mieux notre avis l acc s des sujets un nouveau savoir pouvoir vivre plus lucide op r par ces activit s de d centration et d int gration L activit critique qui s tend de la r flexivit autocritique la critique sociale en passant par l apprentissage philosophique de la pens e est ici une des voies les plus heuristiques La recherche de sens a partir de existence ouvre les perspectives souvent biais es et tr s localis es de la recherche participation Barbier 1996 et 1997 un agir communicationnel g n ralis C est en s appuyant sur le linguis
20. cr ation d un espace charni re m diateur 3 Un espace charni re m diateur Un espace est constitu de la mise en rapport de plusieurs l ments ce qui est le cas de la production autobiographique Cette derni re ne peut tre r duite un texte un nonc car ce texte ne vaut que par les nouveaux rapports qu il tablit entre son auteur et la vie de celui ci entre son auteur et les autres Aussi si le texte est l l ment le plus visible il ne doit pas voiler le nouvel espace qu il cr e par les nouvelles mises en place et les nouveaux rapports qu il op re Il est l l ment m diateur de nouveaux rapports entre le sujet et sa vie entre le sujet et les autres le compromis entre soi et le langage soi et les autres Compromis supportant un espace de connaissance mais aussi de reconnaissance sociale Autant par cette reconnaissance sociale que par cette connaissance reconnue cet espace permet au sujet de s actualiser Dans le champ des m diations qui structurent les rapports entre individu et soci t cet espace constitue un espace charni re o s affrontent plus directement la pratique singularisante de l homme et l effort universalisant d un syst me social Ferrarotti 1983 p 62 Dans cet espace charni re repassent en se condensant une s rie de m diations ant rieures particuli rement charg es et qui ont besoin d tre repr sent es rev cues pour tre compar es connues et
21. d fend plus devant la relation d inconnu que lui d couvre la finitude de toute existence 1996 p 7 Quelles nouvelles cartes du cours de la vie humaine ces entra nements d couvrent ils III Le cours de la vie La perspective du cours de la vie est une de ces premi res exigences in luctables de la totalit en actes que propulsent les histoires de vie avec l clatement des mod les classiques Propulsion vitale mais magmatique en fusion entrem lant v nements interpr tations jugements Pour d signer au plus pr s cette coul e de lave de l autos dans la dur e est utilis e la notion de cours avec sa polys mie de mouvement d enseignement et d estimation boursi re la mise en sens de ces flux est a la mesure de leur prise en compte 1 Les ages de la vie D autres concepts d ordre temporel et spatial commencent a se construire pour traiter le cours dans sa diachronie ou ses d placements ges temps cycle de vie cheminement tape stade parcours trajet trajectoire itin raire Ces constructions ont longtemps t retard es par des conceptions statiques et surd terminantes de ce cours Conna tre les premi res ann es avec leurs conditionnements psychiques ou sociaux suffirait pour connaitre la suite Ce n est que depuis le milieu de ce si cle que cette perspective de la longue dur e lanc e par C G Jung et C Buhler est travaill e syst matiquement et encore s
22. de vie IV Des influences philosophiques Lexistentialisme est une sensibilit philosophique fran aise qui au lendemain de la Seconde Guerre mondiale s est attach e montrer le caract re irr ductible de l existence dans sa r alit humaine et v cue par opposition une essence g n rale et abstraite ce qui pose la question de la libert et du d terminisme ce titre un de ses plus illustres penseurs Jean Paul Sartre a t amen prendre une position pist mologique o 1l tente d laborer une raison dialectique propre la connaissance de l homme par l homme et diff rente de la raison positiviste imit e du mod le des sciences de la nature En effet l individu singulier est exclu d un savoir universel ou il ne serait de science que du g n ral Dans Questions de m thode qui pr c de Critique de la raison dialectique 1960 Sartre propose une m thode d nomm e progressive r gressive pour analyser la praxis humaine Celle ci se propose de partir de la notion de projet qui articule pass pr sent et avenir Non seulement Sartre a travaill th oriquement cette r flexion mais l a utilis e directement en crivant des biographies litt raires en particulier L Idiot de la famille sur Flaubert qui est une tentative monumentale tant par le volume 2 800 pages que par l ambition de saisir la dimension globale de la vie d un crivain En fait cette m thode r gressive progre
23. de l explorer davantage 3 Acc der un pr sent historique singulier Le surgissement de ce pr sent singulier met en prise synchrone sur les d terminants de l existence mais aussi ses ind terminations et le jeu parfois tr s mince qui en r sulte Tenter d approcher un peu plus cette prise non seulement de conscience mais aussi d existence sur la situation temporelle vitale para t n cessaire pour pond rer tant les autosuj tions que les h t ro interdits qui jalonnent cette recherche de savoir pouvoir sur la vie A Un temps inchoatif En analysant Les Confessions d Augustin Gusdorf a d gag ce vecteur temporel sp cifique de l autobiographie Pour lui il n est ni r trospectif ni prospectif mais inchoatif ouvrant des commencements op rant des perc es singuli res non seulement sur le sujet mais aussi sur l environnement B Une sociogen se Dans le champ sociologique Ferrarotti situe l int r t sp cifique de la m thode biographique dans l acc s a la sociogen se de base qu effectue l expression d structurante restructurante du v cu des structures sociales par les acteurs eux m mes Dans la biographie la soci t perp tuellement l tat naissant coexiste avec la soci t structur e Laction sociale en cours coexiste avec l action sociale r ifi e Ferrarotti 1983 p 54 Cette dimension g n tique est mettre en lien avec la dynamique de instituant
24. en analyse institutionnelle Lourau 1997 C L clairage herm neutique Lherm neutique de la conscience historique telle que d velopp e par Ricoeur permet peut tre d approcher au plus pr s la nature de ce pr sent historique singulier g n r par les histoires de vie De cette herm neutique trois concepts nous semblent majeurs pour d coder la singularit historique du pr sent biographique celui d histoire comme av nement d un tiers temps celui de pr sent historique et enfin celui d identit narrative a Un tiers temps Entre les grandes coles historiques sp culatives et empiriques Ric ur propose une troisi me conception de l histoire qu il voit comme construction d un tiers temps entre le temps cosmique et le temps biologique Cette construction a pour but de combler leur cart lement de les conjuguer Cette conjugaison historique s effectue grace une s rie de connecteurs qu il rassemble sous trois grandes cat gories e les connecteurs calendaires tels qu ann e saison mois jours heures Ils constituent l tayage astronomique du temps historique au temps cosmique Pas seulement pour dater les v nements du temps v cu selon une r f rence universelle mais aussi pour vivre cycliquement un certain nombre de rites et de rythmes e les connecteurs g n rationnels contemporains pr d cesseurs successeurs Ces derniers assurent l tayage biolog
25. fabriquer un produit transmissible oblige un travail de montage qui est souvent par analogie nomm une criture audiovisuelle L crit a l avantage de fixer ce qui autrement est vanescent c est une trace En ce sens il a un effet structurant Le passage l crit par son rythme par sa fonction de trace qui peut tre conserv e et communiqu e rapidement permet une autre situation d nonciation d merger Dans une perspective de recherche cet crit ne saurait s effectuer comme simple retranscription d entretien Ici des choix s op rent entre se tenir au plus pr s de l nonc oral avec notamment les h sitations les questions les r p titions et travailler le texte pour le rendre le plus fluide possible Un auteur comme O Lewis 1963 op re une v ritable mise en texte en tablissant une esth tique de l criture la plus proche possible du langage des personnes concern es comme si c taient celles ci qui crivaient Dans ce type d criture anthropologique il y a un ind niable travail du texte pour faire vrai travail qui n enl ve pas mais met en relief la valeur documentaire En ce sens il n existe pas de description objective mais une construction qui comme toute op ration en sciences humaines m rite d tre explicit e et critiqu e Lorsque le d calage en termes de classe sociale et de culture est important ce qui est la plupart du temps le cas
26. histoire commune VI Retour de credibilit dans les ann es 1970 La publication et le succ s litt raire des Enfants de Sanchez annongaient le retour de cr dibilit la fin des ann es 1970 Certains ont parl d une certaine mode des histoires de vie Encore faut il en comprendre les enjeux qui sont d ordre la fois social et pist mologique Avec la g n ralisation du magn tophone l histoire orale rena t de ses cendres dans les si cles pr c dents et dans bien des soci t s l histoire a surtout t orale 11 est question de recueillir les paroles d une poque r volue dans un contexte de changement culturel rapide o la transmission orale de g n ration en g n ration se fait mal ou ne se fait pas D s lors sont constitu es des archives sonores sur ce qui est en train de dispara tre t moignages et souvenirs des modes de vie et des m tiers d autrefois Est d terminante l acc l ration des mutations que traversent les soci t s occidentales dans les ann es 1960 p riode de forte croissance conomique et de passage rapide d une soci t rurale une soci t urbaine Cela explique le succ s de toute une s rie de litt rature qui vise retrouver des racines et exalte les vertus rurales et rustiques Une vis e pist mologique et politique est galement pr sente dans cet apr s 68 la culture ouvri re le peuple sont mis en valeur dans une perspective militante qui entend rom
27. les acteurs sociaux pour survivre aux fronti res de leur organisme et de leurs environnements sont oblig s de d velopper des tactiques et m me des strat gies de transactions vitales Par exemple la conjugaison du temps pass qui constitue une pratique courante du 3 ge luttant contre la d sinsertion est elle seulement la r p tition pathologique d un disque bloqu ou une forme r flexe profond ment humaine de faire et refaire sa vie en tricotant du sens tout en cherchant transmettre de l information Derni re manifestation tremblotante mais t tue de cette boucle trange du langage tentant tragiquement de conjuguer les l ments m me se d composant d une existence fuyante De m me des r cits de vie d exp riences extr mes peuvent constituer les instruments ultimes de reconstruction de vies hach es bris es par des confrontations en direct de la mort comme le montre Micha l Pollak dans L Exp rience concentrationnaire Ces prises de paroles subjectives qui peuvent para tre d risoires scientifiquement pour certains sont vitales pour le sujet puisqu elles l articulent son environnement autant qu il les articule Importantes aussi pour les autres sujets qui veulent rejoindre cette vie dans son activit singuli re de conjugaison d auto co r organisation de ses l ments int rieurs et ext rieurs m me n gatifs Ces paroles de sujets sur leur vie ces paroles autor f
28. niveau interindividuel d individus pris dans des groupes primaires familles r seaux et les transformations de deux soci t s prises dans leur ensemble pour comprendre finement les mutations 3 une d marche qui vise aller enqu ter sur place en Pologne pour saisir ce qui se joue dans les changements ou les continuit s des attitudes 4 une technique documentaire la collecte syst matique de documents 8 000 correspondances priv es journaux associatifs et autres jugements de tribunaux rapports sociaux C est au cours de son enqu te en Pologne qu il rencontre 1913 Florian Znaniecki 1882 1958 dirigeant d une association de d fense d migrants polonais et qu il l invite collaborer Qui est celui qui deviendra 31 ans son coauteur Un homme l itin raire iconoclaste philosophe de formation Gen ve Zurich Paris traducteur en polonais de L Evolution cr atrice de son enseignant Bergson auteur d un recueil de po sie 21 ans et de deux ouvrages en polonais de philosophie sur les valeurs et les rapports de l humanisme au savoir 1910 trad Le Probl me des valeurs en philosophie 1914 Humanisme et Connaissance et par ailleurs ayant t auparavant engag volontaire dans la l gion trang re Il est int ressant de noter que les deux coauteurs vont effectuer une enqu te interculturellement crois e Thomas en Pologne Znaniecki en Am rique L tude finale tient da
29. parer par une fronti re tanche ce qui rel ve de ces diff rents registres il est essentiel que d un point de vue institutionnel ces objectifs soient le plus clairement possible distingu s C est en ce sens que le principe d un contrat discut collectivement et crit semble souvent indispensable notamment dans les pr cisions sur les positionnements institutionnels en termes de pouvoir Qui de quelle institution demande quoi qui et pour quel r sultat attendu avec quel dispositif Qui paye Qui est consid r comme auteur celui ou celle qui crit Qui est institutionnellement le propri taire de cet crit Qui en sont les destinataires Quelles sont les suites pr visibles les risques potentiels S il y a travail sur le contrat encore faut il que ce contrat ne soit pas lui m me factice et pure instrumentalisation IV Des op rations constitutives Bien que leur distinction ne soit pas toujours tranch e et que leur ordre ne soit pas toujours ni fixe ni lin aire mais parfois circulaire nous avons rep r trois op rations simples deux nonciations orale crite et le travail sur ces nonc s 1 Enonciation orale Dans la majorit des cas l histoire de vie se pr sente tout d abord sous la forme d une parole et il convient de s interroger sur le statut de cette parole G n ralement dans les sciences humaines il s agit d un entretien entre deux personnes aux statuts diff rent
30. pist mologique originel Penser la vie c est paradoxalement d abord s en d coller se d plier faire clater cette implication ouvrir un entre deux La pens e n est rien d autre que le d collement de l homme et du monde qui permet le recul l interrogation le doute penser c est peser etc devant l obstacle surgi Canguilhem 1969 p 10 C est ensuite se glisser dans cette fissure cet entre deux et entreprendre d apprendre en tiers la dualit La position double de la vie qui la met la fois a l ext rieur de l histoire comme son entour biologique et a l int rieur de l historicit humaine p n tr e par ses techniques de savoir et de pouvoir Foucault 1976 p 189 La vie est alors saisie la fois comme entour l environnement inaccessible et comme ce qui est pris gagn de haute lutte cette limite cette fronti re a vivre a mort Il n est pas vrai que la connaissance d truise la vie mais elle d fait l exp rience de la vie afin d en abstraire par l analyse des checs des raisons de prudence sapience science etc et des lois de succ s ventuels en vue d aider l homme refaire ce que la vie a fait sans lui en lui hors de lui Canguilhem p 10 La difficult de penser et de vivre cet obstacle bio pist mologique est renforc e par un interdit sociomythique que chaque g n ration d cline disciplinairement
31. sentant nous nous prouvons nous m mes dans le monde et avec le monde La pr position avec n est pas compos e d une partie d exp rience le Monde et d une autre le Je Le ph nom ne unitaire de la sensation se d ploie toujours vers les p les du Monde et du Je Straus 1989 p 332 On peut dire que plus l exp rience est forte sensationnelle plus elle impressionne jusqu faire chavirer moins rapidement elle peut tre comprise Il faut qu elle se r exprime qu elle red ploie son mouvement en diff r et au ralenti pour qu elle puisse tre saisie et ordonn e L exp rience v cue n acc de l histoire un sens ordonn et dat que si elle s exprime et se repr sente Cette repr sentation cette conqu te d un nouveau pr sent est paradoxale car elle est la fois produit d un travail de rem moration et aussi surgissement de nouveau comme synchronie de plusieurs temps comme don pr sent Pr sent gros et fort de pr sences concentr es comme essences de l irrepr sentabilit du temps et de ses possibilit s L arriv e de ce pr sent historique ponctue sans doute le plus sp cifiquement et en premier l acc s a l historicit par la voie des histoires de vie Cet acc s n est pas termin Il reste le futur Mais ce pr sent l ouvre comme horizon d attentes capacit s de projection et aussi pont de construction Il est donc important
32. temporalit des ph nom nes humains 1983 p 31 C est parce qu elle indique directement comme fondateur et majeur ce travail temporel la base que l expression nous para t mettre en culture Nous le ferons partir de quatre questions La vie est elle une histoire Sinon pourquoi en faire une Comment est ce possible Quel statut a cette histoire I La vie est elle une histoire Le premier argument pour d noncer l illusion biographique d une construction historique est que la vie n est pas une histoire c est dire un ensemble ordonn sens C est un m lange de hasard et de n cessit dont la narration ne peut tre qu une reconstruction subjective et arbitraire sans aucune objectivit Cet argument est fort car c est un relent tr s pr gnant d une conception positiviste de l histoire la voyant comme la reproduction avec le minimum de d formation d un objet pr construit dans le pass Tant la philosophie critique de l histoire que l cole des Annales ont d mont cette vision faussement simple En soulignant combien l historien est impliqu et conditionn par sa position pr sente Raymond Aron a fortement contribu la dissolution de l objet historique Cet objet n est pas un en soi pr existant mais un construit partir de traces pass es et de points de vue pr sents Et la v rit historique est comprendre en termes de relativit et de probabilit
33. trop fortement tendance a tre v cu et parl comme une dimension strictement individuelle La qualit de la formation des animateurs formateurs de session d histoire de vie semble exiger d avoir au minimum fait son histoire de vie et poss der une sensibilit non seulement clinique mais aussi sociohistorique Lain 1998 La prise en compte du social et de l histoire collective est de ce point de vue incontournable Dans une vis e o l objectif de formation est pr sent nous nous d marquons ce faisant de deux logiques instrumentales la premi re consiste utiliser la production du narrateur comme seul mat riau trait par des professionnels chercheur formateur orienteur praticien du social psychologue la seconde vise tablir un produit standardis de formation promouvoir En effet les id es d autonomie relative et d appropriation sont essentielles et la base du contrat labor au d part En termes de recherche tout syst me d analyse est fonction du programme initial et de sa probl matique les situations changent du tout au tout selon que l on se trouve avec une sociologie de pratiques sociales bien sp cifi es ou dans l tude d un syst me de valeurs d une personne Entre quelques dizaines d entretiens dont la pertinence sociologique peut s appr cier par un effet de saturation Bertaux 1997 ou une logique de travail sur le sens dans une histoire de vie sociale Catani M
34. unit par d termination de nouvelles fronti res Pour que cette mise en syst me s op re de fa on autopo tique il faut que cette premi re boucle trange puisse fonctionner de fa on sp cifique r der ses m canismes mergents de fonctionnement qui sont principalement ceux d autor flexion des l ments qui mergent La constitution de ce syst me autopo tique est notre avis l enjeu du second grand moment r flexion sur l nonc de la suite performantielle voqu e par Ric ur Mais d s ce premier moment d expression un premier trait d union entre vie et cognition a merg ouvrant de nouvelles fronti res biocognitives III Un trait d union tr s relatif L ouverture biocognitive apport e par ce premier trait d union de l expression est relative Elle d couvre un espace de savoirs d usage de savoirs pratiques peu autonomis s cognitivement tr s reli s aux v cus incorpor s eux On parle justement de savoir faire de savoir vivre avec des traits d union gros d implicite d insu C est une connaissance encore peu changeable peu formalis e en friche qui tente de s exprimer Nous pouvons parler aussi ce propos d un savoir insu Pour caract riser la nature biocognitive de ce nouvel espace ouvert les th oriciens des histoires de vie utilisent deux analogies celle d une mise ciel ouvert o doivent se s parer gangue et minerai par d
35. 1989 p 51 59 La dichotomie finalit s pratiques et finalit s th oriques puise habituellement les quadrillages classiques Si la troisi me s est impos e c est en raison m me de formulations qui ont pu tre regroup es autour de trois mots appropriation conscience mancipation et deux pr fixes auto et re Cette trilogie de finalit s d action de compr hension et d mancipation commence s tayer th oriquement de fa on tr s heuristique en formation d adultes avec la distinction d Habermas 1976 entre trois types d int r t de connaissance technique pratique mancipatrice En particulier le dernier d borde l mancipation politique au sens strict pour rejoindre la lib ration relative qu op re la prise de conscience r flexive et critique des d terminants existentiels par leur expression Cette auto expression semble une condition n cessaire m me si elle n est pas suffisante d mancipation Cet int r t propulse de fa on importante la rage de traduire la vie en mots L enjeu majeur est peut tre moins l histoire en tant que produit fini que la possibilit d expression permettant sa construction c est dire un acc s l historicit 2 Acqu rir son historicit Dans une soci t historique visibilisant et imposant son sens dans des crits il n est pas si facile de comprendre ce que signifie l acc s d une vie l historicit c est di
36. 9 tant par la minutie de ses observations le moindre objet ou v tement est valu mesur budg t que par ses protocoles crits ou ses remarques m thodologiques S il est oppos id ologiquement un Marx il a en commun avec lui une certaine conception des sciences sociales qui ne soit pas que d observation mais aussi d activisme social Savoye 1994 De l autre c t du Rhin dans une Allemagne influenc e par le romantisme en r action contre l Aufkl rung les Lumi res s observe un certain rejet du mod le unique des sciences de la nature Tout en se proposant de rompre avec la m taphysique la tradition philosophique ne veut pas abandonner le probl me du sens le pourquoi et est tr s attach e la question de l histoire Un penseur comme Wilhelm Dilthey est tout fait repr sentatif de ce refus d amalgamer d un point de vue pist mologique les sciences de la nature qui rel vent pour lui de l explication et les sciences de l esprit Geisteswissenchaften qui rel vent de la compr hension A son avis l homme ne peut constituer un objet comparable aux objets de la nature et la mani re de l aborder ne saurait tre identique Poursuivant la tradition herm neutique 1l peut tre consid r comme l un de ceux qui fondent les bases pist mologiques de l approche biographique Finger 1984 Delory Momberger 2000 dans la mesure o dans sa philosophie des sciences de l homme il met en
37. ajectoire sociale un fructueux courant de sociologie clinique se d veloppe avec Vincent de Gaulejac 1999 en France Michel Legrand 1993 en Belgique et Jacques Rh aume 2007 au Qu bec 4 Psychologie psychanalyse Curieusement la psychologie n est pas une discipline qui se r f re directement l histoire de vie comme axe de recherche m me si dans les pratiques il s agit l d un passage quasi oblig que ce soit en psychopathologie avec la mise jour des ant c dents le travail d anamn se ou encore en psychologie du travail avec les bilans professionnels Cela s explique essentiellement par une double tendance contradictoire d un c t celle d une recherche d un certain id al de scientificit mettant en avant les d marches exp rimentales les tudes sur des grands nombres d o l on peut tirer des r sultats g n ralisables de l autre la psychanalyse freudienne qui sert de r f rent dans le domaine clinique et pour qui l inconscient n a d histoire que celle qui se r f re aux exp riences pr coces de la prime enfance en particulier celle de la triangulation dipienne La question de l autobiographie a t de plus en plus travaill e du c t de la psychanalyse ex Neyraut 1988 de Villers 1996 Pour la th rapie familiale qui s est d velopp e principalement la fin des ann es 1970 des techniques comme le g nogramme sont devenues des instruments significatifs
38. alectique dialogique ou de coformation Ces mod les sont caract ris s par l identit de l acteur social qui effectue principalement la seconde op ration majeure de l histoire de vie le travail d analyse et d interpr tation de la vie nonc e 1 Le mod le biographique ou d investissement de la vie par un autre Dans ce mod le le travail d analyse d interpr tation et de synth se sur la vie nonc e est le fait quasi exclusif d un autre que celui qui a racont cette vie Cet autre peut tre un chercheur sociologue anthropologue psychologue intervenant social litt raire romancier journaliste En sciences humaines et en intervention sociale ce mod le est dominant car il s appuie sur une tradition pist mologique qui a g n r toute une m thodologie d explicitation du sens ce dernier qui doit tre objectif ne peut tre trouv ou construit qu au prix d une distanciation drastique du sujet une s paration une rupture avec lui Dans ce mod le ne pas impliquer le sujet nonciateur dans le traitement de la vie nonc e est donc un point majeur de m thode qui l vacue de l op ration de mise en valeur sociale de sa vie Encore doit il s estimer heureux de la prise en compte de sa vie par les professionnels du savoir C est d j beaucoup de leur part nous l avons vu que de penser qu il n est pas un idiot culturel mais porteur d un savoir implicite Mais une fois
39. alisme Les chapitres pr c dents t moignent d une d mocratisation et d une universalisation du genre Mais ce n est pas sans fronti re bio pist mologique Elles s imposent au contraire de fa on pressante La vie individuelle et sociale ne peut plus tre vue comme une donn e mais comme un construit en auto r organisation permanente Et pour cette auto r organisation permanente la recherche de sens repr sente un moyen sinon le moyen fondamental Que chaque acteur social puisse faire son histoire de vie semble une condition de son mergence temporelle qui l oblige traiter les fronti res h rit es les ouvrir de nouvelles en s engageant dans la construction d un nouvel espace vital de connaissance La formule histoire de vie est donc grosse d vocation presque d miurgique puisqu il ne s agit de rien d autre que de r unir vie et sens pour une co naissance autopo tique Malheureusement la r union ne s op re pas de fa on magique Et le d senchantement apport par une pratique superficielle de la formule est souvent proportionnellement inverse son enchantement Sa pratique heuristique n cessite presque une r articulation paradigmatique aux sources de la vie et des sciences cognitives Ces nouvelles fronti res n auraient os tre voqu es sans l aide de ces explorateurs encyclop diques qui apprennent en cycle comme Edgar Morin Mais c est un biologiste de pointe Francisco
40. ar les uvres de la culture qu il s est appliqu es lui m me Ric ur 1985 p 356 III Comment est ce possible Les critiques qui accompagnent la poursuite de ces objectifs ambitieux de construction d un monde et d un temps singulier ne se r duisent pas a celle dat e de ce que la vie n est pas une histoire d ja pr crite ou pr dite A l argument que c est justement parce qu elle n est pas une histoire ainsi con ue que les vivants veulent en construire une d autres r pondent que cette construction est impossible principalement parce que le plan d ensemble n existe pas La m taphore utilis e est celle du m tro Bourdieu 1986 Sans plan d ensemble le trajet d un individu ne peut s identifier exactement Celui d une vie non plus Mais cette m taphore qui assimile la vie l espace p che par exc s de statisme Elle ne rend pas compte de l invisibilit de l impr visibilit et de la mall abilit des mouvements temporels Cette situation vitale hyperfluide et hypercomplexe o existence et essence semblent bien tre reli es par une boucle g n rique montre les limites des m taphores des trajets humains Piloter et comprendre les trajets vitaux obligent travailler la fois la carte et le territoire Et c est ainsi que ces trajets se construisent conditionn s bien s r par les canalisations sociales mais aussi par les configurations de terrains les g nes biolo
41. ation suppose l tablissement d une relation dense et personnelle part enti re qui d passe le jeu traditionnel des r les sociaux enqu teur enqu t Comme le signale M Catam dans le titre de sa communication dans un Congr s mondial de sociologie Uppsala 1978 Susciter une histoire de vie est d abord une affaire de relation et il ajoute propos du travail de co construction avec Tante Suzanne L histoire de vie sociale est le r sultat d une double s duction et elle est d abord une histoire d amour Il s agit de l aboutissement et de la r solution d une confrontation entre deux personnes qui se plaisent l une l autre qui se font r ciproquement confiance et qui parviennent l une et l autre int grer la pr sence affective du vis vis dans leur vie quotidienne Catani 1982 b Dans un processus de formation en groupe cette phase exploratoire de prise de connaissance de discussion sur les implications en pr sence est fondamentale car elle permet d aboutir le cas ch ant un contrat et l inverse de se retirer pour ceux qui ne souhaitent pas s engager dans cette d marche 5 De Pamarrage l laboration d un contrat Qu on le veuille ou non de mani re plus ou moins explicite ou implicite toute d marche de formation ou de recherche fait l objet d une sorte de contrat quant la mise en route d une d marche d histoire de vie Par exemple dans les grou
42. autobiographie qui suscite encore beaucoup de pol miques Le mot autobiographie d signe un ph nom ne radicalement nouveau dans l histoire de la civilisation qui s est d velopp en Europe occidentale depuis le milieu du xviii si cle usage de raconter et de publier l histoire de sa propre personnalit Lejeune 1971 p 10 En quoi cet usage est il un ph nom ne si radicalement nouveau Non pas comme ph nom ne individuel mi familial m me si les publications ant rieures d gohistoire ne portent pas le nom d autobiographie Deux si cles avant Montaigne en entamant ses Essais parle d j de rafra chir un usage ancien Et cette anciennet de s crire nous l avons vu dans la civilisation grecque remonte jusqu aux origines de l criture C est contre cette r duction l apparition d une cat gorie litt raire d une conduite qu il voit comme anthropog n tique que s l ve principalement Gusdorf Lejeune tombe t il dans l illusion biographique des d buts absolus Ou sensible socialement pointe t il la radicale nouveaut socioculturelle d un usage qui se multiplie propuls par une nouvelle conception de la personne et un nouveau circuit politico technico conomique de production consommation de biens symboliques Les r volutions politiques et m diatiques des xvili xix si cles transforment compl tement les conditions sociales d exercice de l usage ancie
43. avant une approche compr hensive capable de saisir la signification de l exp rience v cue Dans son ouvrage L Edification du monde historique dans les sciences de l esprit 1910 il crit L individu dans son existence particuli re reposant sur elle m me est un tre historique Il est d termin par sa place sur la ligne du temps par le lieu qu il occupe dans l espace par sa situation dans la coop ration des syst mes culturels et des communaut s Vie exp rience de la vie et sciences de l esprit se trouvent ainsi constamment en un rapport de coh sion interne et de d pendance r ciproque Au tournant du si cle le milieu intellectuel allemand est aux prises avec un intense d bat sur l pist mologie des sciences sociales o l histoire est li e une approche compr hensive Aron 1969 Outre W Dilthey ceux qui seront consid r s comme des fondateurs en sociologie Georg Simmel et Max Weber des pionniers en psychologie exp rimentale comme Wilhelm Wundt des psychologues ph nom nologues comme Karl Jaspers des philosophes comme Wilhelm Windelband ou Heinrich Rickert d battent de ces th mes avec v h mence dans des universit s aussi prestigieuses que celles d Heidelberg ou Berlin C est dans ce contexte allemand que se forment entre autres Albion Small 1854 1926 William Thomas 1863 1947 Robert Park 1864 1944 ceux qui sont parmi les pionniers non seulement de la sociologie am ricaine
44. az 1982 d une personne les types d interpr tations de travail diff rent radicalement L tablissement de grilles d analyse les formes temporelles de causalit quant l interpr tation de donn es biographiques ex de Coninck Godard 1990 la n cessaire prise en compte du contexte historique Ferraroti 1983 correspondent des op rations d intelligibilit des biographies qui sont n cessaires d s lors que dans les sciences sociales l objectif est une production de savoir Reste encore la question du type d criture Bertaux 1979 qui est privil gi et notamment le d bat entre une logique narrative privil giant le r cit sous son apparence plus ou moins brute ou une logique argumentative o les exemples et descriptions font figure d illustrations quant une volont d monstrative qui tisse un fil rouge sachant que ces formes d critures sont galement cod es institutionnellement historiquement et socialement Avec cette articulation entre finalit s moyens et modalit s de travail sur les nonc s nous sommes plac s ni plus ni moins dans les conditions de possibilit de toute entreprise de recherche laquelle l histoire de vie comme toute approche de recherche ne saurait chapper V Des suites Qu en est il des suites de l histoire de vie Cette question fondamentale doit tre abord e d embl e quant au type de destination pr tablie et galement quant a l opportun
45. cemment Histoires de vie chez L Harmattan Dans une civilisation tourment e par une acc l ration des mutations du progr s l importance de ces transmissions interg n rationnelles simples augmente Un livre comme Le Cheval d orgueil de Pierre Jakez H lias 1975 est d abord l histoire de son propre grand p re Alain Le Goff paysan breton du pays bigouden pauvre mais fier une histoire transmise galement par sa mere Marie Jeanne Le Goff qui inlassablement voquait pour lui les moindres d tails du temps de son enfance Il a t tir plus de deux millions d exemplaires et traduit en 18 langues ce qui est absolument consid rable et r v le un incontestable ph nom ne d engouement du public pour ce type de genre litt raire C est dans la sociologie culturelle un v ritable ph nom ne social 5 Audiovisuel cin ma Internet Dans le registre audiovisuel le reportage fait appel au t moignage de personnes qui vient alimenter illustrer un sujet d actualit ou de soci t En r gle g n rale il s agit ici d un type de magazine t l vis ou de documentaire qui peut en outre pr senter un int r t didactique ou ducatif M me si ici 11 y a d vidence une certaine dimension esth tique dans la prise de vue le montage cela ne saurait tre aussi d velopp que dans la production cin matographique qui demande ce niveau d tre davantage travaill On pourrait citer
46. ces fronti res ces horizons que l intersection s op re et que la configuration narrative refigure plus ou moins l exp rience d j pr figur e avant la narration En final de sa longue exploration de ces trois phases il mentionne que la pratique du r cit criture et lecture constitue une exp rience de pens e exer ant habiter des mondes trangers et comportant une provocation tre et agir autrement Mais cette provocation ne passe l acte que par une d cision D s lors l identit narrative n quivaut une ips it v ritable qu en vertu de ce moment d cisoire qui fait de la responsabilit thique le facteur supr me de l ips it 1985 p 358 Si le r cit appartient d j au champ thique il ne l puise pas Ric ur d finit ce champ comme celui de la vis e d une vie accomplie avec et pour les autres dans des institutions justes Cette vis e l inscrit dans la profondeur du d sir et la fait se confronter aux normes du champ moral Il appartient au lecteur redevenu agent initiateur d action de choisir entre les multiples propositions de justesse thique v hicul es par la lecture C est ce point que la notion d identit narrative rencontre sa limite et doit se joindre aux composantes non narratives de la formation du sujet agissant 1985 p 359 C est donc en faisant appel aux composantes narratives mais aussi prax ologiques et thiqu
47. cette prise en compte effectu e avec la participation plus ou moins volontaire du sujet il le faut bien pour avoir information il doit tre cart de la mise en valeur sociale Cette op ration est trop complexe pour des amateurs il faut des professionnels 2 Le mod le autobiographique ou d auto investissement En opposition au mod le disciplinaire pr c dent qui la limite d sapproprie le sujet de sa vie et de la plus value socioculturelle qu il pourrait en tirer en l investissant a toujours exist et existe encore le mod le autobiographique ou d auto investissement Dans celui ci le sujet veut exercer seul les deux op rations de l histoire de vie nonciation et travail sur l nonc Sa vie est son affaire exclusive lui seul est capable d en expliciter les sens cach s et de les mettre en valeur Les autres n ont rien voir rien a dire rien refl ter Il refuse la participation de tout interlocuteur dans le traitement L interlocuteur est ni comme tel et l autre est r duit un r le d auditeur ou de lecteur qui doit se montrer bon public Hormis l ventuelle valeur litt raire de l criture ou du t moignage la plus value socioculturelle apport e n est pas vidente Elle est peut tre seulement de l ordre d une expression faisant baisser la pression int rieure et vitant aussi d pression ou r pression Mais il lui manque la confrontation l autre l interlo
48. ciales surplombantes et des prises mergentes de paroles et d critures de sujets sur et pour la formation d eux m mes Ce mouvement de biographisation pose donc un double enjeu sp cifique vital bio pist mologique et biopolitique dont les deux prochains chapitres vont tenter d expliciter le sens des deux termes constitutifs vivre et histoire Notes U Weber Nous appelons sociologie une science qui se propose de comprendre par interpr tation deutend verstehen l activit sociale et par la d expliquer causalement urs chlich erkl ren son d roulement et ses effets Nous entendons par activit Handeln un comportement humain quand et pour autant que l agent ou les agents lui communiquent un sens subjectif Economie et Soci t 1995 p 28 Chapitre IV Vivre Vie peu de mots aussi courts condensent autant de sens Le mot vie est un mot magique C est un mot valoris Tout autre principe palit quand on peut invoquer un principe vital G Bachelard La Formation de l esprit scientifique 1967 p 154 Dans l expression histoire de vie le manque d article d fini d adjectif possessif ou de qualificatif ne r duit pas l amplitude polys mique Toute histoire de vie est aux prises avec cette extension presque infinie et cette ambivalence des mots qui la fois d signent et expliquent La vie s impose comme une formidable complexit organisationnelle matrici
49. ciaux ne sont pas des idiots culturels et que leurs essais de construction historique peuvent avoir du sens reste la question de pr ciser lequel II est certain qu apr s la triple clipse du sujet de l v nement et du r cit les histoires de vie h ritent de la forte ambivalence du retour d un triple refoul Elles se situent dans la mouvance de ces histoires d avenir qui chappent en partie non seulement aux historiens professionnels mais aussi aux disciplinaires Comme le soulignait Daniel Bertaux en 1980 le pav majeur que les histoires de vie projettent dans le champ social et scientifique c est l exp rience humaine p 221 Pav discriminant selon que lui est accord e une valeur cognitive ou non Car l accueillir et le travailler et non pas le laisser couler c est non seulement prendre en compte d immenses gisements sociologiques d une valeur inou e mais aussi reconna tre l homme ordinaire des capacit s de conscience critique d initiative et d action historique et donc de partager avec lui les rapports de pouvoir savoir sur la vie C est un bouleversement fondamental une r vision d chirante dans un certain scientisme qui vide les sujets et la soci t d une vie historique sp cifique pour simplifier leur tude r duite ainsi aux croisements de certaines variables lourdes ge emploi revenu origine sociale opinions C est une r volution paradigmatiqu
50. classique elle appara t donc dans une position de servante par rapport cette derni re C est l anthropologie am ricaine qui utilisera le plus l histoire de vie Avec un chercheur d origine polonaise B Malinowski l anthropologie naissante tait dans les ann es 1920 d j sensible la dimension de l enqu te de terrain alors que la plupart des autres travaillaient partir de comptes rendus d informateurs C est en 1926 que para t Crashing Thunder de Paul Radin lui aussi d origine polonaise qui est l une des premi res grandes biographies Celle ci pr sente la trajectoire d un Indien winnebago en la situant dans son univers culturel Jusqu en 1945 il y eut ainsi toute une s rie d histoires de vie de chefs indiens Ceux ci font figure de derniers t moins vivants d une culture en voie de disparition et ces autobiographies constituent donc un patrimoine culturel Le plus connu de ces travaux est certainement l autobiographie d un chef indien Don Talayesva Sun Chief 1942 traduite en 1959 suscit e pay e r crite et publi e par l anthropologue L o Simmons D j l cole fran aise initi e par Marcel Mauss insiste sur l observation concr te des faits et leur description ce qui a t appel ethnographie A ce titre celui ci y voit une m thode appropri e et notamment un moyen d tudier les syst mes d ducation Plus tard principalement sous l influence de Claud
51. conjugaison Ric ur d finit cette identit narrative comme un ipse un soi m me r fl chi se construisant par cette r flexion m me qui par le r cit d ploie et conjugue la dialectique de reproduction d une base identique idem l alt ration permanente des autres alter Soi m me comme un autre 1990 analyse la production de cette ips it par conjugaison de cette double dialectique entre ce qui est appel la m met et l ips it et l ips it et l alt rit Ce concept d identit narrative nous semble offrir un double appui conceptuel pour reconna tre et travailler l tat civil du singulier pr sent historique des histoires de vie 1 Il offre une assise l essai d mergence de la vie humaine comme construction historique d un milieu sp cifique entre deux Il vite de la r duire un intra psychique ou un extra social et environnemental Faire son histoire de vie c est chercher construire narrativement les sens de cette vie en identifiant et conjuguant ses connecteurs d terminants dans l environnement mais aussi dans le v cu de l organisme C est construire une structure vitale s tayant sur les deux p les toujours changeants un milieu unificateur ou un tiers temps synchronisateur selon les cadres pist mologiques de r f rence qui s int ressent la gestion des entre deux comme justement origine partag e Sibony 1991 Cette vie ainsi historicis e narra
52. consid rables de la m canique ou encore ceux de la m decine constituent ils des mod les avec le travail d observation le comment l laboration d hypoth ses v rifier le plus rationnellement possible pour aboutir des lois scientifiques des typologies Un livre comme Le Suicide 1897 de Durkheim emprunte largement un mod le rationaliste d crit dans Les R gles de la m thode sociologique 1895 Mais comme le dit Wolf Lepenies 1990 p 7 Le probl me de la sociologie r side dans la contradiction qui consiste imiter les sciences de la nature sans pouvoir devenir vraiment une science naturelle du monde social Mais si elle renonce son orientation scientifique elle se rapproche dangereusement de la litt rature Or l approche des histoires de vie la fronti re de la litt rature et des sciences humaines est au c ur m me de ce probl me En France auparavant seul un r formateur social aux id es conservatrices Fr d ric Le Play s est lanc lui et son mouvement la soci t d conomie sociale 1856 dans une monumentale collecte de monographies de familles cf revue Etudes sociales n 131 132 2000 o c t de rubriques sur les moyens et les modes d existence en figurait une sur l histoire de la famille Avec de forts accents naturalistes de taxinomie humaine Le Play est incontestablement un des pr curseurs des enqu tes de terrain avec sa M thode sociale 187
53. corps dat Cette vie dat e est aussi enchev tr e dans des histoires inter personnelles et interg n rationnelles comme corps social inscrit dans la suite des g n rations Cette vie est donc grosse d histoires incorpor es 2 Une phase de configuration de lexp rience v cue par la narration la mise en intrigue mimesis 2 M me si elle suit par exemple la structure temporelle de l exp rience v cue le retour narratif sur elle op re une r flexion rebours qui inverse l ordre du temps Cette reprise produit une configuration narrative de l action par au moins deux moyens principaux e l int gration d v nements isol s dans une histoire prise comme un tout Elle doit les organiser dans une totalit intelligible La mise en intrigue est l op ration qui tire d une simple succession une configuration p 102 e les conjugaisons singuli res d l ments pluriels et h t rog nes qui am nent ce que Ric ur appelle une synth se de l h t rog ne ou une concordance discordante 3 Une phase de refiguration de l exp rience par l acte de lecture mimesis 3 Cette phase 3 de refiguration de l exp rience par sa configuration narrative entendue ou lue marque l intersection du monde du texte et du monde de l auditeur ou du lecteur Son approche complexe oblige compl ter une th orie de l criture par une th orie de la lecture et de la communication C est donc
54. cution qui seule peut lui donner une valeur sociale d change 3 Le mod le dialogique de co investissement Depuis une dizaine d ann es se d veloppe principalement dans le champ de la formation d adultes un troisi me mod le qui essaie de sortir de ces rapports d change disciplinaires et antidisciplinaires Son option pist mologique est que l explicitation du savoir implicite est une uvre conjointe n cessitant un co investissement des acteurs impliqu s dans les deux op rations d nonciation et de travail sur l nonc Le sens n est pas r ductible la conscience qu en ont les acteurs Mais pas plus qu l analyse des chercheurs Chacun de par sa position en poss de une partie Par les rapprochements sociaux et la dynamique relationnelle qui la supporte les histoires de vie repr sentent parmi les autres approches sociales et scientifiques une situation heuristique exceptionnelle de communication et de confrontation entre ces diff rents porteurs de sens courants et savants condition de laisser jouer les rapports d change selon leur dynamique intrins que et non selon les r gles emprunt es V Vers de nouveaux rapports d change Est ce que de ce jeu de libre change vers un new deal se d gagent d j quelques configurations m thodologiques sinon quelques nouvelles r gles La dynamique que semblent g n rer les histoires de vie et que vise prolonger le mod le dialectique d
55. d une analyse des pratiques et des processus sociaux L encore 1l ne s agit pas tant d obtenir un r cit de vie pour lui m me mais plut t un r cit de pratiques Les instruments en sont des observations qu on appelle longitudinales par opposition transversales tudes de carri res des trajectoires professionnelles Dans cette veine de recherche de plus en plus de sociologues vont effectuer des travaux et int grer la d marche biographique parmi d autres approches m thodologiques Tant t l histoire de vie entre dans la typologie des entretiens approfondis caract re biographique et devient une m thodologie parmi d autres Jean Peneff 1990 tant t il s agit l d une ambition de renouveau pist mologique qui en fait une orientation pist mologique sp cifique comme chez Franco Ferrarotti 1983 ou Danielle Desmarais et Paul Grell 1986 Sous l impulsion de Daniel Bertaux et du num ro fondateur des Cahiers internationaux de sociologie Histoire de vie et vie sociale 1980 est cr un comit de recherche de Association internationale de sociologie intitul Biographie et soci t et une revue sp cialis e Life stories R cits de vie L Association fran aise des sociologues cr e un r seau de recherche th matique RT22 qui explore les liens entre parcours de vie et dynamique sociale Enfin dans la dynamique de fondation des ann es 1970 du s minaire Roman familial et tr
56. de ce nouveau capital entrevu Les histoires de vie font entrer sur le march une multitude de petits porteurs Le capital est donc miett et l ampleur de cet v nement il faut trouver de nouveaux modes d investissements au double sens de prendre en compte et de mettre en valeur Des essais multiples se font suivant les anciennes lois r glant les rapports d changes ou les transgressant plus ou moins pour en inventer de nouvelles Cette mise en valeur de ce capital priv miett va t elle se faire par les agents de change et les places boursi res habituelles ou va t on assister une d mocratisation de la production de la plus value sociale des savoirs personnels implicites De ces diff rents essais trois mod les de strat gies de mise en valeur sociale des savoirs implicites contenus dans les histoires de vie peuvent tre isol s toujours sch matiquement De ces trois mod les strat giques deux gardent globalement bien qu l oppos les rapports d change classiques le mod le biographique o l agent de change principal sinon exclusif reste le professionnel du savoir le mod le autobiographique ou l extr me le petit porteur ne veut rien savoir des agents de change habituels et veut tirer seul sa plus value Le troisi me mod le surtout mergent en formation d adulte veut changer les termes de l change en associant les diff rents acteurs la mise en valeur Il peut tre appel di
57. e En effet la p riode d branlement paradigmatique actuelle affecte aussi cette typologie la crise cologique bouscule la g ohistoire presque immobile et la fait entrer en p riode aigu Et nous avons vu que la vie individuelle semble au c ur d une secousse sismique provoqu e par le choc de son allongement et du raccourcissement de la dur e de vie des mod les sociotechniques et culturels S il y a une fin de l histoire c est bien celle d une histoire compartiment e pr tablie Le temps et les directions de l histoire ont explos et la t che de tous ceux qui vivent dans l histoire est de participer une cologie de l histoire dans laquelle la pluralit des temps des directions et des espaces n est pas n cessairement r ductible un Temps une Direction et un Espace fondamentaux Bocchi et Ceruti 1991 p 140 Lauto bio histoire s inscrit dans cette cologie de l histoire celle de la construction progressive permanente des rapports sociaux et physiques fondant un habitat humain Elle s y inscrit en l ouvrant la construction de sens du cours de la vie de chaque vivant o s exp rimentent des liaisons vitales des l ments et des cycles sociaux et physiques a travers un temps a soi et une th orie des moments Hess 2002 Et s il faut une d esse de r f rence cette auto bio histoire Henri Desroche pointe pertinemment laquelle Mn mosyne plut t que Clio
58. e la description d univers singulier au quotidien Et ces courants puisent souvent aux m mes sources souvent l cole de Chicago et se sont transmis m me de mani re marginale L interactionnisme symbolique d Erving Goffman ou de Howard Becker insiste sur le jeu th tral des interrelations dans la lign e d Herbert Blumer Lethnomethodologie Coulon 1990 issue notamment des travaux d Harold Garfinkel puise ses sources du c t de la ph nom nologie husserlienne via les enseignements de Autrichien Alfred Sch tz disciple de M Weber et E Husserl Celle ci tente une prise en compte de l importance des savoirs de sens commun travers une ph nom nologie des activit s concr tes Une telle influence que l on retrouve aussi dans l pist mologie de Peter Berger et Thomas Luckmann est l une des sources auxquelles s alimentent les sociologies qualitatives contemporaines La plupart des sociologues qui l instar de Daniel Bertaux ou Maurizio Catani sont en France dans les ann es 1970 les premiers artisans d un retour des histoires de vie sont suivant certaines polarit s sp cifiques au croisement de ces diff rentes influences marxiste anthropologique voire militante et connaissent bien la tradition de l cole de Chicago Dans la r surgence des histoires de vie il faut ici faire une place part a Franco Ferrarotti 1983 ce sociologue italien qui apr s des tudes en Allemagn
59. e dirait Kuhn Et elles sont longues en g n ral s talant sur plusieurs g n rations selon des p riodes de transition o les vieux mod les se nettoient et de nouveaux apparaissent mais souvent d abord en pi ces d tach es C est bien dans une telle p riode de transition paradigmatique que semblent se situer actuellement les histoires de vie D s lors quelles pi ces se d tachent elles 1 Des biograph mes Bertaux signalait que le domaine privil gi de l exp rience humaine est celui des m diations de toutes ces cha nes enchev tr es des processus m sosociologiques qui constituent la chair du social historique 1980 p 221 Et ces m diations s op rent majoritairement dans des processus sociaux locaux car l exp rience humaine se situe ordinairement dans ces limites Et il mentionnait comme t ches une sociologie historicis e et concr te de capter ces savoirs pr existants locaux mais aussi de les r ins rer dans l ensemble global social historique pour mieux les comprendre mais aussi mieux lucider la dynamique de cet ensemble Une dizaine d ann es apr s deux autres sociologues proposent le terme de biograph me pour nommer la sp cificit des figures temporelles projet es par les approches biographiques dans le champ d interpr tation sociologique L introduction de ce n ologisme relatif est en soi un indicateur de reconnaissance de l originalit pist mologique d
60. e en France et aux tats Unis a d s les ann es 1950 utilis les histoires de vie dans ses travaux sur les ph nom nes relatifs l industrialisation la ville D s lors la sociologie italienne en d but d institutionnalisation y a vu une approche couramment pratiqu e et contrairement un r tr cissement sur la seule dimension m thodologique a saisi toute sa port e pist mologique En ce sens Ferrarotti fait partie de ces chercheurs qui tout en ayant une conscience aigu des filiations th oriques ont fait preuve d imagination m thodologique l image de Charles Wright Mills qui en plein maccarthysme n h sitait pas proposer une sociologie critique d inspiration marxiste et web rienne Mills 1971 p 151 d clare ainsi La science sociale examine les probl mes de biographie et d histoire et leurs croisements au sein des structures sociales Toutes trois biographie histoire soci t constituent les points coordonn s d une bonne tude de l homme C est au nom de ce principe que j ai d j contest plusieurs coles de sociologie actuelles dont les tenants ont reni cette tradition classique VII D veloppement international des ann es 2000 le tournant biographique Les ann es 2000 voient le d veloppement international de la prise en compte du biographique dans les sciences humaines r seau de recherche Life history and biographical de la Soci t europ enne
61. e Freinet Paul Le Bohec est certainement l un des premiers avoir crit un article intitul Les biographies dans la formation en 1976 En ducation sp cialis e et travail social Christine Abels 1999 2006 est une pionni re articulant de fa on heuristique intervention recherche et formation Mais c est en formation d adultes charg s d histoires que semble se d velopper depuis les ann es 1980 l axe de recherche formation le plus sp cifique L histoire de vie est con ue a la fois comme approche de recherche mais galement comme pratique de formation Elle ne vise pas seulement la th orisation de pratiques empiriques mais l articulation dialectique des deux p les pratique et th orique de la formation P Dominic et G Pineau 2011 d coupent ces trente ans d histoire en trois p riodes mergence marginale dans les ann es 1980 avec l ouvrage franco qu b cois de G Pineau et Marie Mich le Produire sa vie autoformation et autobiographie 1983 r d 2012 en 1985 un num ro des Cahiers des sciences de l ducation de L universit de Gen ve Pratiques du r cit de vie et th ories de la formation en 1989 les deux tomes Histoires de vie publiant les actes du colloque de Tours de 1986 fondations des ann es 1990 avec une multiplication des productions l quipe suisse autour de P Dominic 1990 2000 2007 2011 et C Josso 1991 2000 2011 l universit de Gen ve s
62. e L vi Strauss on ne retint surtout de l etinographie que cette premi re tape de la recherche rassemblement des donn es observations et descriptions autrement dit une contribution technique avant d laborer une th orisation En outre on avait tendance oublier l ethnographie vue comme description achev e d un milieu donn et consid r e comme un produit anthropologique fini Celle ci fut mise du c t de la litt rature et l anthropologie fran aise est apr s guerre d une m fiance relative l gard des r cits de vie Pour elle l exp rience individuelle ne saurait constituer un objet sociologique La position de L vi Strauss dans un compte rendu dans L Ann e sociologique 1950 est l gard de l histoire de vie significative la fois il reconna t un document de valeur exceptionnelle et il les consid re comme non scientifiques Ils font revivre plus qu ils n apprennent ponctuant son analyse par le principe durkheimien Les faits sociaux doivent tre tudi s comme des choses Si comme en sociologie il y eut une relative clipse de l approche c est pourtant en anthropologie que l on trouve d s les ann es 1960 des autobiographies la plus connue est sans aucun doute Les Enfants de Sanchez Celle ci est l uvre d un sp cialiste de l histoire de vie anthropologique Oscar Lewis et recueille enregistre les t moignages de divers membres de cett
63. e co investissement est d assurer une liaison forte entre les deux op rations d nonciation et d interpr tation de l nonc en essayant de faire d placer le locuteur et l interlocuteur de l une l autre selon l axe m thodologique implication pratique distanciation th orique Au point de d part nous l avons vu leur position est oppos e le locuteur est immerg dans sa vie l interlocuteur ne l est pas et est vu comme l autre ext rieur ouvrant un espace d expression et de compr hension espace qu occupe unilat ralement l interlocuteur ou le locuteur dans les mod les biographiques ou autobiographiques en refoulant et rempla ant la limite l autre Dans le mod le dialectique l espace est occup par un d placement r ciproque qui cherche le point de vision optimum permettant au locuteur de se distancier de sa vie en s approchant des syst mes de compr hension et a l interlocuteur de s approcher suffisamment de cette vie en sortant de ses syst mes conceptuels Le d placement op rer par l un et l autre est donc inverse pour le locuteur c est une distanciation th orique pour l interlocuteur c est une implication pratique Et chacun est pour l autre le moyen principal de ce d placement la condition de tenir sa place de ne pas vouloir remplacer l autre et d accepter la confrontation sans tomber dans la confusion Cette dialectique relationnelle est donc le lieu e
64. e dans l histoire et de l histoire dans la vie Cette rage de traduire la vie en mots est elle une illusion ou une r volution Et si cette rage prend comment noncer cette histoire Comment commencer et terminer L histoire de vie est d finie ici comme recherche et construction de sens partir de faits temporels personnels elle engage un processus d expression de l exp rience Cette d finition bien sp cifique tend triplement le territoire des critures du moi Elle l largit d abord hors de l espace de la graphie en ne s arr tant pas aux moyens crits biographie autobiographie journal m moire mais y int grant la parole c est dire la dimension de la communication orale de la vie Elle l ouvre galement d autres m dias photo th tre radio vid o cin t l Internet dont l utilisation actuelle d multiplie les possibilit s naturelles d expression Enfin elle le fait sortir de l espace connotation int rieure du moi elle engage un tre ensemble La vie d borde largement l ego ballott e qu elle est entre les courants psychophysiologiques internes et les mouvements environnementaux externes physiques et sociaux conjuguer la premi re personne du singulier temps et contretemps Elle joue la fois intensivement en son foyer l individu vivant et extensivement dans sa totalit de biosphere C est bien ce
65. e de construction de sens des acteurs sociaux partir de leurs cours de vie IV L interaction organisme environnement La vie humaine s impose donc d abord comme instant s coulant dans une dur e plus ou moins longue comme un cours entre pass et futur naissance et mort Imm diatement elle se pose aussi comme interaction entre organisme et environnement La mont e du paradigme cologique contribue a d couvrir cette unit vitale et son hypercomplexit d auto co r organisation permanente 1 Un entre deux invisible La perception en unit s distinctes des objets et des sujets est si pr gnante que ce qui les s pare passe inaper u Ce qui appara t entre ces sujets et ces objets ce sont des espaces vides Aussi ces espaces vides de s parations de distinction ces espaces entre sont ils rest s longtemps en jach re scientifique les unit s s par es s imposant d abord comme objets et sujets d tude se suffisant en eux m mes Les disciplines se sont construites en premier partir de ces unit s clairement d coup es prendre comme des choses La mont e des probl mes cologiques c est dire des probl mes de liaisons entre les organismes et leur environnement recentre l attention sur ces entre deux ces zones interm diaires interfacielles interstitielles apparemment vides Ces probl mes de liaison ne semblent pas solubles uniquement en tudiant s par ment les l ments q
66. e de leur personnalit c est d abord l histoire de leur accomplissement social un m tier une carri re une uvre Il me suffira que l auteur parle de ce qui est vraiment le projet de sa vie et qu il l envisage de mani re globale Lejeune 1986 p 265 Avec ces ouvertures les autobiographies sont d finies comme des r cits crits par l individu concern lui m me ce qui exclut les biographies pr sent s comme directement r f rentiels ce qui exclut les romans et portant sur une vie enti re ou sur l essentiel d une vie ce qui exclut la fois les souvenirs d enfance les r cits d tach s d pisodes de la vie adulte et les journaux intimes Lejeune 1986 p 265 M me aussi bien d finie l autobiographie a t elle conquis en litt rature ses lettres de noblesse Est elle une cat gorie ou un genre litt raire l chelle de la civilisation ce ph nom ne semble si radicalement nouveau que deux si cles apr s l apparition du terme les critiques litt raires restent encore dubitatifs Pour Georges May c est cette nouveaut qui emp che encore de trancher la proximit des uvres fondatrices ne donnant pas au lecteur le recul ni la vari t suffisante pour d partager l essentiel du conjoncturel C est en effet lorsqu un genre litt raire b n ficie d une assez longue tradition que le lecteur finit par perdre le souvenir des genres formateurs qui
67. e famille le p re la m re est d c d e et les quatre enfants L int r t essentiel du texte est de nous resituer de l int rieur la vie de cette famille et de saisir le d calage entre la position du p re ouvrier prol taire et les tentations de la nouvelle g n ration pour s en sortir Ici diff rentes voies apparaissent contenant un potentiel dramatique tant dans les moyens de subsistance ill gaux vols d linquance que les tentatives de socialisation et d insertion professionnelle Outre l ind niable valeur litt raire de ce livre qui a obtenu apr s sa sortie en France 1959 un prix de litt rature trang re plusieurs remarques sont a faire tout d abord il s agit d une des premi res histoires de vie qui utilise un instrument technologique apparu a la fin des ann es 1950 le magn tophone d autre part comme le fait remarquer Sydney Mintz auteur d une biographie Worker of The Cane 1960 propos de cette poque aucun anthropologue n avait encore racont la vie de membres occidentalis s des classes laborieuses cit par F Morin p 322 La soci t moderne ne constituait pas un objet d tude valable en regard des soci t s traditionnelles Enfin l on peut dire aussi qu il s agit la d une des premi res histoires de vie d un groupe en l occurrence ici un groupe familial les r cits tant crois s et constituant un faisceau de biographies centr sur une
68. e notre tr s large acception des histoires de vie nous a fait rejoindre la forme grecque ancienne des bios qui progressivement s est tellement identifi e un puissant moyen de narration l criture qu elle est vue comme faisant corps avec elle que ce soit pour raconter la vie de quelqu un biographie hagiographie ou sa vie autobiographie Ce n est que r cemment qu apparaissent les d nominations non litt raires r cit de vie histoire de vie Autour de cet ensemble central de formes qui litt ralement affichent la vie globale comme objet et objectif d expression deux autres sous ensembles la prennent aussi en compte mais en privil giant des entr es plus pr cises e l entr e personnelle qui constitue ce qui est appel la litt rature intime ou celle du moi confessions journaux intimes lettres correspondances livres de raison livres de famille relations essais chansons e l entr e temporelle avec les g n alogies m moires souvenirs journaux de voyage ph m rides annales chroniques histoires La mont e l interface de l expression histoire de vie nous semble dans sa d nomination m me vouloir jeter un pont entre ces deux sous ensembles personnel et temporel Sans se confondre avec les formes de ces deux sous ensembles elle signifie un nouvel espace temps de la recherche de sens celui de la vie Quelle que soit l entr e privil gi e dans la vie exprimer ces formes d
69. e substance du scripteur Gusdorf 1990 p 127 II Les bios hell nistiques m dias de communication des notables Aristote tait suffisamment sensible aux faits empiriques pour conseiller ses disciples de faire de la recherche historique Mais sa pr dilection pour le g n ral comme crit re de v rit ne lui fit jamais crire de biographie Marginales au Lyc e les bios devinrent centrales dans la soci t des notables l autobiographie serait arriv e Rome la premi re au 11 si cle av J C la biographie au si cle suivant Le tome I de l University Library of Autobiography termine cette p riode antique avec Les Confessions de saint Augustin Ces derni res restent une des r f rences les plus connues de cette p riode et pour cause En fait le premier ouvrage qui allie parfaitement les renseignements autobiographiques et la conscience de soi est sans aucun doute Les Confessions de saint Augustin Momigliano 1991 p 34 III Les Confessions de saint Augustin 400 apr J C Le terme confession est trop utilis et trop charg pour ne pas faire clater le sens courant d aveu des p ch s auquel l a r duit une culture cl ricale Les autres sens mentionn s dans le Larousse sont ceux de professions de foi ou d claration de ce qu on a fait Comme synonyme figure aussi reconnaissance qui signifie autant acquiescement acceptation exploration
70. elle incompressible ins parable polylogique Morin 1980 p 354 Vouloir faire une histoire c est dire un nonc sens de cette hypercomplexit prolif rante et immergeant tout vivant est 1l possible Cette vis e globale est elle la r surgence d un vitalisme na f et immature ou la propulsion d un imaginaire radical aux prises avec des probl mes vitaux in dits traiter selon des modalit s nouvelles I Une entr e encombrante Dans le discours fran ais des sciences sociales l arriv e des histoires de vie a t salu e par Pierre Bourdieu 1986 p 69 comme une de ces notions du sens commun qui sont entr es en contrebande dans univers savant En contrebande et a contre courant Sa prise en compte globale de la vie ne va t elle pas en effet contre le paradigme disciplinaire qui s emploie m thodiquement d couper cette vie en diff rentes formes pour la comprendre Face a ces d coupes cette entr e de la vie au singulier parait pour le moins pr scientifique Aussi la pr sence semi clandestine non seulement de cette notion mais surtout de ces pratiques indisciplin es pose question 1 Des affiliations disciplinaires La fa on la plus simple d y r pondre est de disciplinariser cette intrusion en la distribuant selon les filiations entrevues au chapitre pr c dent Cette entr e d rob e am ne de la vie fraiche les disciplines ainsi raviv es filtrent et d codent ces e
71. els Il n y a pas de parole sans coute aussi le cadre institutionnel et la qualit humaine de l coute sont tout a fait fondamentaux que ce soit dans un groupe ou dans une relation interindividuelle Plus le d roulement de l histoire de vie est envisag comme une cr ation o le narrateur construit son r cit de mani re improvis e lui donne une forme personnelle plus le rituel se doit d tre clairement d fini En effet ce d roulement d un fil existentiel dense peut tre v cu comme particuli rement d routant chez l coutant et suscite galement chez lui une motion particuli rement intense et un fort besoin d en parler Une coute compr hensive n est nullement une donn e vidente et en termes de conduite de l entretien ou de r union 1l y a un cadre appropri trouver pour favoriser l expression d un certain type de parole En effet une apparente autogestion de la circulation de la parole peut pr senter ici un caract re profond ment ins curisant 2 Enonciation crite Le passage l crit est une quasi n cessit dans le cas des histoires de vie ce m dia reste encore l une des formes les plus courantes de transmission Tout comme l apparition du magn tophone a permis l archivage d une m moire orale et sa transcription la mise en image vid o ou num rique via l Internet ou les CD Rom renouvelle les possibilit s de m diatisation mais l encore toute op ration visant
72. ence et peu discipline s appelant pourtant amis de la sagesse philosophes se lance dans l aventure des bios ce sont les socratiques Ils en font une pratique p dagogico philosophique importante pour tenter de r pondre au pr cepte de Delphes Connais toi toi m me et tu conna tras l univers et les dieux pratique qui s carte r solument des canons historiques Avec ces uvres les socratiques d veloppent dans leur recherche de connaissance de l univers et des dieux travers la connaissance de soi l art de parler de soi et de la vie avec ses contradictions ses b gaiements ses ambigu t s Art difficile aux prises avec au moins deux gros probl mes pist mologiques traiter L un tient l objet lui m me la vie tr s li au x sujet s parlant selon des boucles des n uds cr ant un enchev trement vital pulsionnant et mouvant L autre moyen l nonciation bute contre cette mati re brute pour en pr lever et projeter des l ments articuler ensuite formellement Pour nommer cet art naissant Socrate fils de sage femme ne trouve rien de mieux que de parler de ma eutique d accouchement non de soi mais des id es log es dans le soi En effet l essentiel est la dans le repliement du parleur sur lui m me pour se d plier dans le langage La litt rature du moi se distingue de tout autre usage du langage humain parce qu elle fait uvre partir de la propr
73. ences appel Port folio passe de mani re quasi oblig e par un r cit de vie professionnelle plus ou moins long Une s rie de lois sur ce qu il est convenu d appeler la reconnaissance et la valorisation des acquis a un rapport direct avec l usage des histoires de vie Pineau ef al 1996 Farzad et Paivandi 2000 Lain 2003 Des pratiques comme celles des bilans de comp tences sont devenues largement utilis es dans le monde du travail et de la recherche d emploi Dans beaucoup de cas les seules biographies produites sont des dossiers sociaux des curriculum vitae projets voire des casiers judiciaires et sont trop souvent seule propri t de institution qui les produit Des tentatives ont lieu qui visent a faire un travail sur la m moire de ceux qui ont l impression de n avoir rien fait car il est clair que des comp tences d velopp es en marge d une normalit sociale peuvent se transf rer dans d autres registres sociaux et se transformer en acquis En France diff rents dispositifs tatiques ont id alement mis sur des logiques d individualisation bilan projets contrats d insertion du revenu minimum d insertion contrat de formation individualis projet d action personnalis dans le cadre du plan d aide et de retour l emploi Dans une lecture institutionnelle critique 1l est important d analyser les relations de pouvoir en pr sence Dans ces dispositifs de gestion des populati
74. ents de r organisation sociale des circuits de production et de diffusion des savoirs Chapitre VII Faire Dans le premier chapitre nous avons commenc par voir que tout un chacun peut tre amen mettre en uvre des histoires de vie dans son quotidien comme M Jourdain faisait de la prose sans le savoir et constituait une sorte de pratique profane Mais si l on souhaite d passer ce cadre il faut consid rer que cette approche des histoires de vie est la fois un axe de r flexion pist mologique et m thodologique ainsi qu un mouvement de pratiques sociales de recherche et de formation Dans le pr c dent chapitre nous avons envisag divers mod les de l histoire de vie comme situations socio linguistiques au regard desquelles chaque praticien et professionnel a se d terminer Dans le pr sent chapitre nous nous proposons d envisager ce qu il en est de la pratique du faire Quelles sont les diff rentes tapes Quelles r flexions pr c dent une mise en uvre de cette approche Nous tenterons d esquisser une d marche id ale typique Les pr sentes r flexions concernent les mises en uvre syst matiques qui rel vent soit des recherches en sciences humaines soit des situations de formation soit encore de l articulation des deux cf Dominic 1990 Josso 1991 2000 Lain 1998 c est dire celles qui veulent faire de l histoire de vie une praxis explicit e comme telle I Un certain
75. es de la formation temporelle du sujet agissant que Ric ur fonde la possibilit des histoires de vie qui utilisent le r cit comme moyen d articuler les temporalit s pour s y retrouver Pour construire une histoire le r cit doit se dialectiser comme entracte et non se r ifier comme en soi La configuration des exp riences temporelles vives qu op re le r cit est d une autre nature que celle d un plan d une r alit spatiale La repr sentation de la gestion des contradictions temporelles est plus approch e par l analogie de la mise en intrigue dramatique que par celle de la mise plat cartographique C est l intrigue qui est la repr sentation de l action Aristote cit par Ric ur 1983 p 59 En faisant du r cit une activit narrative englobant le drame trag die com die l pop e l histoire et m me la po sie Ric ur ouvre une bo te outils suffisamment complexe pour travailler la multiformit transversale des constructions temporelles qu arrachent pour ceux qui veulent vivre la n cessit de conception gestion des temps longs d une vie que repr sentent les ges Mais fonder ainsi la possibilit des histoires de vie sur l exercice vital des capacit s de base des sujets humains en formation permanente est il scientifique Est ce une fondation fiable Quel statut donne t elle aux histoires de vie IV Quel statut M me si nous prenons au s rieux le fait que les acteurs so
76. es individuelles Ou encore les discours philosophiques scientifiques culturels qui recherchent du sens selon une autre voie que la r flexion temporelle Pr cieuse noosph re des langages th oriques sans lesquels l existence serait moins clair e Et se diff rencier de ce prestigieux patrimoine collectif peut para tre d risoire Il faut la plupart du temps une crise pour en sortir pour oser commencer non seulement parler au je mais r fl chir en le faisant travailler trier et conjuguer la premi re personne du singulier les mots et moments h rit s Combien de prises de paroles personnelles renforc es ainsi par des prises d criture sont rest es enfouies dans des notes balbutiantes des journaux intimes des lettres jamais envoy es Les premi res sorties des degr s z ro ne sont donc pas facilement rep rables Et existe un seuil o vouloir le faire serait s immiscer dans des histoires intimes porter atteinte aux droits et libert s individuelles exercer une violence totalitaire Mais ignorer ou ill gitimer ces critures personnelles c est m conna tre la dimension symbolique de l tre humain qui a besoin de s inscrire pour tre et construire son devenir II Pratiques de la vie courante L importance des histoires de vie orales dans le quotidien a toujours t un domaine peu explor Les petites histoires de la vie quotidienne constitueraient le premier degr des histoires de vie Les
77. es lyriques piques ou satiriques ont certainement contribu beaucoup cultiver le sens des existences au plus pr s des individus Le second fait important des derniers si cles de cette p riode est la naissance ce d but de la langue fran aise de beaucoup de mots du vocabulaire temporel prosa que Le mot histoire lui m me est apparu d s le xii si cle avec le sens de repr sentation figur e Au cours de ce m me si cle apparaissent chroniques livre qui se rapporte au temps et g n alogie science des origines ou suite d nombrement des anc tres Au xiv si cle histoire signifiait raconter et au xv historique tait n D apr s cet indicateur de premi re apparition linguistique le xiv si cle para t f cond en cr ation de genres litt raires pour travailler la temporalit Cette p riode voit la naissance de l appellation journal au sens de relations d v nements quotidiens celle de m moire au masculin comme crit pour que m moire en soit gard e Le terme annales r cit d v nements par ann e vient un si cle plus tard au xv Une grande uvre au titre loquent L Histoire de mes malheurs d Ab lard 1079 1142 est l indicateur de la perdurance de la fonction d individuation remplie par cet exercice tr s personnel de recherche de sens partir de l existence par des personnes aux v
78. es traitements parfois complexes et draconiens et celle d un capital de connaissances concr tes qui dort tant qu une conduite d investissement ne le fait pas fructifier et n en tire pas une plus value sociale Dans les deux cas se pose la question sociale professionnelle et disciplinaire du par qui et pour qui s effectue ce travail sur l nonc Des r ponses pratiques d pend la constitution ou non du syst me autopo tique Or pour la construction de ce syst me autoproducteur de sens c est dire le passage au pilotage de la seconde op ration d exploration du nouvel espace biocognitif d couvert les locuteurs nonciateurs occupent par rapport aux interlocuteurs d codeurs une position beaucoup moins favorable que pour la premi re Pour cette op ration de traitement m me de leur vie socialement ils sont des amateurs alors que les autres sont des professionnels Devenir auteur de sa vie devenir syst me autopo tique repr sente une mancipation biocognitive qui doit composer avec les places les ressources et les int r ts des interlocuteurs en pr sence IV Trois mod les d exploration Reconna tre dans les histoires de vie l ouverture d un espace heuristique transfronti re est bon gr mal gr g n ralement admis actuellement dans les sciences humaines Aussi m taphoriquement assiste t on non une ru e vers l or mais un fort mouvement social pour la mise en valeur de ce minerai
79. es unit s constituant l exp rience humaine ainsi configur e par son expression Cette originalit sera heuristique si l interpr tation se met autant son preuve qu elle la soumet la sienne C est ce qu effectuent Fr d ric de Coninck et Francis Godard 1990 en prenant en compte dans ces figures temporelles les complexit s causales conjugu es Ils le font en tudiant tr s finement ce qu ils appellent les formes temporelles de la causalit Ils en distinguent trois principales e le mod le arch ologique d un point initial d o l essentiel d coule p 31 e le mod le du cheminement le plus foisonnant avec ses quatre sous mod les l volutif le bifurcatif l nerg tique et le diff rentiel e le mod le structurel avec deux cas de figure le jeu des temporalit s historiques et les formes sociales d organisation temporelle de l existence Ils terminent en proposant un quatri me vu comme cardinal et procurant le maximum d intelligibilit car il rejoint un l ment majeur des biograph mes l v nement vu comme croisement d itin raires possibles n uds de relations Ce quatri me mod le celui de l ench ssement r sulte de la combinaison des trois autres Les variables arch ologiques prennent sens en se trouvant partie prenante dans un processus Et le processus lui m me prend sens en se voyant r f r une temporalit de plus vaste amplitude p 49 2
80. est totale ni d finitive Beaucoup sont partielles et dur e d termin e Le ch mage devient structurel n pargnant que peu de professions La pr carit s installe avec des entr es et des sorties ponctuelles parfois rythme acc l r Brisant et miettant les vies Et faisant clater la d finition de l adulte comme tre achev ayant fini de cro tre La fin de croissance physiologique n entra ne plus une stabilisation harmonieuse dans les cadres de vie h rit s C est au contraire l entr e dans une vie pr caire transitionnelle de pilotage en solitaire et vue Une s rie de crises ponctue l avance en ge et charge le passage des d cennies d une angoisse sourde plus ou moins avou e De fa on tr s parlante J P Boutinet 1998 analyse ce qu il intitule L Immaturit de la vie adulte 2 Des sorties critiques Comme l entr e la sortie de la vie adulte est un passage hypercritique n gocier sans l aide de beaucoup de pr c dents trouver le temps juste ni trop t t ni trop tard et la forme optimale appropri e sa situation personnelle repr sente une op ration complexe de prise de d cision qui ne peut pas plus s improviser individuellement que se d cr ter collectivement de fa on uniforme Nouveau mode de conjugaison apprendre De m me que pour l apr s Car la vie n est pas finie Avec l allongement de l esp rance de vie et l acharnement th rap
81. et culturelle pour construire leur identit nationale face aux Perses Dans ce mouvement de red finition d identit ces bios apparaissent approximativement en m me temps que l Histoire Les deux marquent une r volution culturelle extr mement importante car elles font descendre la recherche de construction de sens non seulement du ciel sur la terre mais en plus des hauts faits divins des faits humains C est bien conf rer un statut pist mologique radicalement nouveau et instruire de nouvelles voies de connaissances Au pluriel absolument Car les bios dans le monde classique n ont jamais t consid r es comme de l histoire Les premi res travaillent les faits individuels partir d anecdotes d apophtegmes de lettres de discours apolog tiques Histoire en revanche se centre sur les faits collectifs Parfois l Histoire s appuiera sur la vie des grands hommes pour se construire et surtout se diffuser depuis les histoires saintes jusqu aux diff rentes histoires nationales et collectives Parfois en contrepartie d autres p riodes des coles gommeront compl tement les individus singuliers et pluriels pour rejoindre des facteurs non humains et approcher des causalit s structurelles de longue dur e Mais de toute fa on la discipline a de la peine a reconna tre part enti re l histoire orale imm diate des individus tout venant Surtout que d s le iv si cle un groupe en merg
82. eu 1986 et de r volution biographique par d autres Lucien S ve 1987 Le mouvement d entr e de la vie dans l histoire est donc double et ambivalent c est celui de toutes les vies mais aussi de tous les vivants Un autre seuil de modernit biologique est il en voie d tre franchi Vers quelle histoire Chapitre V Quelle histoire L entr e progressive des histoires de vie dans l Histoire est concomitante d un franchissement d un seuil de modernit biologique dans la probl matisation des diff rentes dimensions de la vie humaine et non humaine C est une pouss e massive de vies venant d en bas a la recherche de construction d elles m mes La relative nouveaut de l expression fait qu elle n a pas encore t beaucoup travaill e de front Dans le num ro inaugural des Cahiers internationaux de sociologie intitul Histoire de vie et vie sociale vol LXIX 1980 Daniel Bertaux l vacue au profit de approche biographique avec la distinction nord am ricaine entre life history tude de cas a partir du croisement de documents et life story r cit de vie effectu par la personne En revanche Franco Ferrarotti souligne l int r t de cette r f rence temporelle pour d bloquer les sciences sociales Comment sortir de l historicisme d sormais puis et incapable de nouveaut ni dans le contexte de la d couverte ni dans celui de la validation sans pour autant liminer la
83. eulement par les auteurs nord am ricains et allemands majoritairement Une pr sentation francophone d ensemble des courants am ricains articul e la probl matique des histoires de vie a t op r e par Ren e Houde 1999 avec les grands pr curseurs Jung Buhler Erikson Neugarten et Havighurst et une dizaine des contemporains En France Claudine Attias Donfut reprend ces courants sous l angle de la sociologie des g n rations 1991 2 La carri rologie Lappr hension de la vie au travail la carri re rassemble un certain nombre de scientifiques et de professionnels psychologues orienteurs gestionnaires formateurs responsables de ressources humaines pour constituer un nouveau domaine d tude la carri rologie Dans cette mouvance Danielle Riverin Simard et son quipe d veloppent un mod le tr s tay th oriquement et empiriquement Elle en a fait une premi re pr sentation dans son premier livre Les tapes de la vie au travail 1984 Depuis ses ouvrages ponctuent p riodiquement l avanc e des travaux Carri res et Classes sociales 1990 Transitions professionnelles Choix et strat gies 1993 Travail et Personnalit 1996 Ces mod les sont construits partir de l expression des acteurs sociaux sur la fa on de g rer leur avance en ge dans l organisation sociale du travail Les variables individuelles et sociales sont prises en compte mais dans leur articulation
84. eutique elle peut m me se prolonger au del du souhaitable Comment am nager ces nouvelles plages de temps qui peuvent repr senter pour certains la moiti de leur vie 3 De singuliers entra nements L clatement de l embo tement simple des trois ges fait clater l articulation des g n rations les mod les de carri re toute trac e et les r f rentiels h rit s des modes de vie pr c dents Ce d but de mill naire est accul des interrogations bio thiques fondamentales et multidimensionnelles enserrant le cours de la vie humaine entre les risques de la biosph re et ceux de la biog n tique Les cours sont en crise remettant en cause les grands modes d emploi les grandes cartes labor es ant rieurement en rendant beaucoup obsol tes Et cependant la vie continue majoritairement Le seul fait exp rimental qui d montre que la vie est g n ralement bonne c est que la tr s grande g n ralit des hommes la pr f re la mort E Durkheim De la division du travail social Alcan 1926 p 225 Pr f rence qui fait d velopper m me minimalement par chaque vivant une lutte pour la vie Lutte donc r sistance qui n est jamais compl tement passive elle s appuie sur une d fense immunologique hyperactive et hypercomplexe de milliers de cellules qui pour rester vivantes doivent lutter contre la mort en l utilisant Ces crises obligent retrouver la force vive des d finitions de
85. expression travaillent en articulant au moins cinq types de facteurs des m dias des sujets auteurs un objet la vie des objectifs et des temporalit s Commen ons par les deux plus palpables et visibles les m dias et les acteurs auteurs 1 Des m dias L criture ne doit pas voiler les autres notamment audiovisuels qui la d tr nent de son h g monie Nous sommes dans l re des magn tophones magn toscopes de l informatique et des combinaisons multim dias via l Internet Cette multiplicit les affaiblit comme crit re de classement mais augmente les possibilit s d expression cr ative des acteurs sociaux 2 Des acteurs auteurs La dichotomie simple soi l autre d partageant par exemple la biographie de l autobiographie demeure Mais des associations plus complexes apparaissent dans des r cits de vie d voilant les coulisses sociales de la mise en sc ne du je le co Mettre en sc ne et en cat gories les trois autres facteurs est plus d licat 3 L objet exprimer la vie monosyllabe nous l avons d j dit redoutable de concentration polys mique C est ce qui fait son int r t sa difficult et cette pluralit des formes d approche privil giant malgr tout soit l exploration de la vie individuelle en tout ou en partie soit des vies au pluriel mais en nombre limit priv es ou publiques chelle humaine dans des unit s micro sociales famille gr
86. finition du genre tr s li es au d but ce qu il appelle les lignes de cr te c est dire les uvres des personnes publiques crivains acteurs notables En 1971 sans doute dans son souci passionn de l gitimer le genre en le d limitant pr cis ment il crit Il est pratiquement impossible que quelqu un qui n a pas l exp rience de la composition litt raire et dont la vie ne s est jamais exprim e par une cr ation quelconque crive une autobiographie telle que nous l avons d finie Lejeune 1971 p 70 En 1986 apr s quinze ans de recherches exemplaires qui l ont ouvert aux lignes de faille des gens exclus des circuits litt raires il conclut Je me suis d mocratis c est la vie de tout le monde qui m int resse et les formes les plus l mentaires mais aussi les plus r pandues du discours et de l criture autobiographique J ai t frapp par les diff rences qui existent entre l crit et l oral et par l importance des m dias Lejeune 1986 p 31 32 Il reformule sa d finition de 1971 en l ouvrant sur deux points la po sie la prose n est plus un imp ratif cat gorique et la vie Je n exigerai pas que les autobiographes mettent l accent sur l histoire de leur personnalit je ne privil gierai pas la vari t psychologique et intime et litt raire qui domine le genre depuis Rousseau Car pour beaucoup de gens l histoir
87. gique potentiellement consacr e dans la dynamique autobiographique d bordant les appellations en recherche d elles m mes Le d bat reste ouvert Nous pr f rons le vocable mergent d histoire de vie dans la mesure o il relativise le m dia pour mettre en relief l acc s un nouveau sens temporel qui nous semble essentiel Mais avant de l explorer directement est propos e une mise en perspective anthropologique de ce survol historique des formes litt raires d expression de v cus personnels VII mergence multiforme d un mouvement anthropologique La vari t de ces formes litt raires ne doit pas voiler leur appartenance a un mouvement anthropologique de fond o l expression des v cus personnels constitue un moyen vital de reconnaissance de connaissance et m me de naissance de soi et des autres Robin ef al 2004 De l invention de soi au projet de formation sous titre l ouvrage de Christine Delory Momberger 2000 qui situe de fa on tr s convaincante la g n alogie des histoires de vie dans cette dynamique anthropologique fondamentale de formation humaine par une parole autor flexive crite et orale En outre cette vari t des formes d expressions personnelles n est pas compl tement clat e Elle semble structur e et dynamis e par un nombre restreint de grandes entr es dans la vie raconter et par un nombre un peu plus nombreux de facteurs de narration Nous avons vu qu
88. giques les signes et les consignes h rit s corriger C est cette hypercomplexit h t rog ne qui permet de construire des sens en se d pla ant parlant et cherchant Que des biographies ne soient pas suffisantes pour construire le plan d ensemble n entra ne pas que ce plan d ensemble soit n cessaire pour entreprendre et essayer de comprendre les biographies qui se heurtent justement cette lacune majeure en essayant malgr tout de s y retrouver par pr lev s de terrains rencontr s C est encore l herm neutique de la conscience historique de Ric ur que sera emprunt le mod le de compr hension de la possibilit pist mologique de construction des histoires de vie Ce mod le veut essayer de rendre compte du passage d une exp rience temporelle humaine prouv e une conscience et existence historique par l interm diaire du r cit L hypoth se que Ricceur pose comme une forme de n cessit transculturelle est que le temps devient temps humain dans la mesure o il est articul sur un mode narratif et que le r cit atteint sa signification pl ni re quand il devient une condition de l existence temporelle Ricceur 1983 p 85 Selon le mod le de Ric ur cet arc de construction historique se d ploie en trois phases 1 Une phase de pr figuration du r cit dans l exp rience temporelle v cue mimesis 1 Si la vie individuelle n est pas une histoire elle est dans l histoire comme
89. ies mouvement es sortant de l ordinaire aux fronti res des trac s pr vus Cette fonction vitale de conaissance nous l avons vu a t amorc e par les socratiques et port e son apog e par Augustin Ab lard prouve qu elle s est exerc e aussi au Moyen ge Mais cette p riode l argument d autorit prime encore et il faut attendre la r volution culturelle et technique de la Renaissance pour voir s panouir progressivement cette fili re d exploration et de construction personnelle au sein des d terminants socioculturels plus puissants V La Renaissance et le xvii si cle P trarque 1304 1374 en r f rant l Augustin des Confessions fait figure d initiateur cette construction de connaissance moderne de soi L apparition de l imprimerie au milieu du xv la d couverte du Nouveau Monde sa fin 1492 la r volte de Luther 1517 le Trait sur les r volutions des mondes c lestes de Copernic 1543 font sauter les cadres des r f rences h rit es et institu es imposant les sens scientifiques religieux politiques culturels Peu peu le recours retour l existence pour en arracher du sens para t tre pour les chercheurs la nouvelle voie ouverte Mais elle est frayer au sein d une culture encore domin e par le paradigme des essences d j r v l es consign es et transmises dans les livres sacr s des grandes traditions D gager l autonomie d un temporel vu comme profane
90. il s ensuit une r flexion d ontologique et m thodologique quant a la propri t intellectuelle du produit crit de cette interaction coproductrice Ainsi le livre de Don Talayesva 1959 para t pour sa premi re dition en 1942 au nom de l anthropologue L o Simmons qui a suscit pay et r crit cette autobiographie Par ailleurs l ouvrage Le Paysan polonais 1998 ne fait pas appara tre sur la couverture l auteur de plus des deux tiers de l ouvrage Wladeck Wiszniewski cf Le Grand 2000 b La question de l analyse institutionnelle de la notion d auteur m rite le plus grand int r t et la question thique est essentielle 3 Travail sur les nonc s Une fois l histoire de vie effectu e dans un groupe de formation une fois un texte autobiographique mis en circulation qui effectue les op rations d analyse de ces r cits A notre avis il s agit de rompre avec le monopole de l analyse par l animateur monopole o le risque d interpr tation sauvage et de trop grande violence symbolique est trop pr sent et l univocit du registre d analyse Personne n a le r le exclusif d expert quant l analyse du r cit Il n y a pas de grille toute faite d analyse et le plus souvent l animateur s implique personnellement en faisant galement son r cit de vie La dimension du groupe sa capacit analytique et critique est ici centrale tant il s agit de favoriser la socialisation de ce qui a
91. inaires d auto expression de sa vie lib re non seulement un processus hypercomplexe de m tabolisation en mots d exp riences ressenties comme vitales mais surtout pose les fondements de construction d un espace sp cifique de m tabolisation projette les l ments d un syst me autopoi tique d un syst me qui produit son unit et son identit en se distinguant de son environnement Cet acte d nonciation annonciation projette les l ments fondateurs du syst me et non pas le syst me lui m me tout constitu car cette premi re projection est fragile balbutiante l mentaire Elle consiste principalement par l mergence et la prise de parole t tonnante en premi re personne d un je sur un magma exp rientiel temporel La naissance de cette personne s effectue paradoxalement par la diff renciation et l articulation dans ce magma d un je d un sujet d avec des objets qui sont la fois lui et pas compl tement lui avec des mots de conjugaison Cette premi re expression projette donc au moins trois l ments d un possible syst me autopo tique un sujet des objets et des mots op rateurs de diff renciation et de conjugaison verbes Rares sont les cas o cette premi re projection est si achev e et articul e qu elle puisse fonctionner comme un syst me autopo tique une mise ensemble en sens en forme suffisante pour op rer un couplage structurel cr ateur d une nouvelle
92. ique du temps historique Particuli rement importants pour les histoires de vie port es directement par des corps o l ge est un facteur lourd d identification de classement et d interaction sociale e enfin les traces laiss es archives documents productions uvres Construire son histoire de vie c est construire un tiers temps historique personnel articulant de fa on singuli re traces places et dates dans le cours de la vie sociale et cosmique Construction laborieuse et audacieuse qui demande d avoir v cu et d oser se diff rencier de ce v cu pour construire et y inclure ensuite un tiers temps singulier tendu entre particularit et universalite b Un pr sent historique Ce concept veut traduire l exercice d un point foyer de transformation du pass en temps singulier Le terme ultime d une histoire accomplie peut devenir la force inaugurale d une histoire a faire Ricoeur 1985 p 345 Peut devenir car il a son autonomie propre Un temps de suspens est sans doute requis pour que nos vis es du futur aient la force de r activer les potentialit s inaccomplies du pass Ricoeur 1985 p 346 Temps de suspens minemment singulier ouvrant des horizons a la mesure de ses tayages cosmique et g n rationnel Parce qu il a son autonomie ce pr sent historique lib re des capacit s personnelles de projection qui en fait une rampe de lancement privil gi e pour piloter l ave
93. isations est d abord un acte de langage cr ant une situation sociolinguistique sp cifique une suite performantielle qui tr s sch matiquement peut se r sumer ainsi 1 Un locuteur nonce un certain nombre de faits d v nements le concernant Il essaie de les articuler le plus significativement possible pour lui et pour son ou ses interlocuteurs Il produit un nonc Aussi clair que soit cet nonc 1l ne sera jamais transparent la vie ne pourra jamais se traduire compl tement en mots Il restera toujours un r sidu biologique non dit Un certain nombre de filtres personnels sociaux physiques tamisent l expression L nonc pose donc aux locuteurs et interlocuteurs un certain nombre de questions qui appellent une seconde op ration un travail sur l nonc un travail d analyse d interpr tation et de critique Dans cette situation sociolinguistique les deux types d acteurs ont des positions biocognitives quasi oppos es le locuteur est immerg dans sa vie et son principal travail est de s en d gager suffisamment pour trouver la distance n cessaire une vision compr hensive l interlocuteur lui au d part est physiquement autre tranger cette vie et doit s en approcher suffisamment pour trouver lui aussi sa distance de vue de compr hension Ces positions et parcours oppos s se renforcent dans les situations professionnelles d utilisation des histoires de vie de deux ty
94. isme va galement d velopper un point de vue humaniste d mancipation en r futant des logiques instrumentales de la soci t occidentale Dans le champ philosophique de l Europe d apr s guerre de nombreux philosophes utilisent ou sont sensibles l histoire de vie certes il y a bien une inspiration marxiste sensible au concret pr occup e de recherche sociologique cherchant une pens e mancipatrice allant jusqu l autobiographie critique Edgar Morin Henri Lefebvre Georges Friedman mais d autres courants refusant galement la position dominante d un positivisme structural sont sensibles la notion de personne C est toute la philosophie personnaliste avec ses influences chr tiennes G Marcel sa philosophie critique Emmanuel Mounier et la revue Esprit d o prendront entre autres leur source des r flexions comme celle de Georges Gusdorf ou Paul Ric ur La tradition philosophique issue de la ph nom nologie de Husserl va travers des personnes aussi diff rentes que Jaspers Heidegger Sartre exercer une influence sur des th oriciens tant en psychologie qu en sociologie N oublions pas que dans l apr s guerre la s paration entre disciplines est peu labor e les sociologues ont presque tous une formation de philosophes et il faut attendre la fin des ann es 1960 avec la croissance importante des universit s pour asseoir des disciplines qui s ignorent souvent les unes les autres Apr
95. it ou non d utiliser ce type d approche Pineau 2012 A l oppos d un f tichisme m thodologique interrogation thique et d ontologique sur le sens la fois personnel institutionnel et social de ce type de pratique n est pas qu un suppl ment d ame Par exemple dans leur travail de recherche sociologique sur la d linquance Nicole et Christian L omant 1996 ont parfois opt a un renoncement ou une interruption d entretiens biographiques au regard des cons quences pr visibles et n fastes sur la vie des personnes quand bien m me celles ci taient pr tes le faire Sont ils nombreux les chercheurs se pla ant dans un mod le de recherche biographique classique qui ont le souci de restituer le r sultat de leurs travaux aux personnes rencontr es Bergier 2000 Est il superflu de se demander dans quelle mesure il y a rapt d une parole de savoirs insus pour des instances de pouvoir qui financent des recherches en vue d aide la d cision et de gestion de populations L id e d une recherche scientifique et technique neutre est un leurre particuli rement dangereux l oppos il est urgent de tenter d expliciter les questions thiques dans ce type de pratiques proposition qui va contre l id e d une d ontologie bien tablie et ne manque pas de susciter des dilemmes Feldman Kohn 2000 D un point de vue psychologique si la dimension ma eutique est ind niable il y a ga
96. ite et enfin du code biographique atteint d un processus d individualisation Avant le dynamisme du code biographique tait contr l par la structure normale institutionnalis e du cours de vie Aujourd hui c est l individualit elle m me qui est institutionnalis e au sens d une recherche permanente de crit res personnels Kohli p 43 Ce cours de vie individualis dans son extension temporelle globale est d j l umit de base comptable et r flexive des assurances vie des caisses de retraite et de certaines banques Il tend le devenir dans les politiques de gestion ducative et professionnelle des populations largissement du cr dit formation aux adultes discussion sur le cr dit minimum d existence plan d aide au retour l emploi Sa premi re prise en compte boursi re est donc d j effectu e Sa reconnaissance scientifique commence avec les approches entrevues qui historicisent l individualisme m thodologique Mais pour rejoindre ce cours de vie dans ce qu il a de plus vital peut tre faudra t il sortir des plis occidentaux du temps et s ouvrir d autres fa ons plus orientales de vivre et de penser le cours du temps cours du monde Le monde entier est en cours le monde entier est cours tout le r el n tant fait que de processus particuliers F Jullien 2001 p 67 Face ces investissements avec mais aussi parfois contre eux vitale est la recherch
97. la totalit de la vie et des vies dans la recherche de sens ne pose donc pas seulement des probl mes pist mologiques encombrants mais aussi des probl mes politiques majeurs Qui peut conna tre Qui en a le droit et le pouvoir et jusqu ou et pourquoi Cette vis e quasi d miurgique de savoir sur la vie est prise entre les logiques de tous pouvoirs d investir toute la vie et toutes les vies pour s exercer part enti re et les pulsions vitales des sujets de conjuguer leur unicit la totalit pour exister Suivant leur condition sociale d exercice les histoires de vie peuvent tre des techniques puissantes d assujettissement des sujets par des pouvoirs pist mocratiques comme des moyens aussi puissants d autonomisation de ces sujets par la conjugaison personnelle de leurs d terminants qui ouvre une pist mod mocratie Dans les deux cas elles constituent des biopouvoirs importants tant pour l art de gouverner que pour celui d exister Leur mont e actuelle ne correspond elle pas un seuil de modernit ou de postmodernit biologique V Une entr e double dans l histoire L entr e de la vie dans l histoire c est dire dans l ordre du savoir et du pouvoir M Foucault est une des plus difficiles qui soit Elle se heurte l obstacle pist mologique basique originel de l implication fondamentale des vivants dans cet incompressible paradigme 1 L obstacle bio
98. la vie des biologistes la c l bre d finition de Bichat du d but du xix La vie est l ensemble des fonctions qui r sistent la mort Atlan apporte ce compl ment suivant La vie est l ensemble des fonctions capables d utiliser la mort 1979 p 278 Tant qu il y a de la vie il y a non seulement de l espoir mais la mobilisation concentr e d une intense activit computationnelle informationnelle communicationnelle de multiples niveaux hi rarchiques enchev tr s Aussi la moindre perdurance psychique et sociale oblige d velopper au quotidien des tactiques et strat gies personnelles minuscules mais vitales souvent invisibles aux autres Et la vie ne peut se d velopper que gr ce ce continent obscur mais pulsionnant de l auto co r organisation Face l clatement des cadres externes faire et gagner sa vie oblige de plus en plus chacun tenter d expliciter pourquoi et comment faire le point des bilans des plans prendre la vie non seulement en main mais aussi en t te pour faire la sienne Ce sont ces entra nements au quotidien et au long cours des ges qu essaient de conjuguer entre autres les histoires de vie aux prises avec le d fi anthropog n tique sp cifique Comme le d clare R Barbier propos de la recherche action existentielle Elle se d finit dans son rapport la complexit de la vie humaine prise dans sa totalit dynamique et ne se
99. le Libro de la Vida de Th r se d Avila 1588 Les conflits religieux aigus obligent le d veloppement de la conscience individuelle des fid les la v rit ne s impose plus Elle se conquiert quotidiennement Lexamen de conscience et sa consignation dans un journal intime deviennent un moyen personnel important d grener les traces et de construire du sens dans un environnement tr s turbulent Cependant d s le d but du xvii si cle les glises tant r form es que catholique r agissent contre les risques de d viation de cette mont e des expressions religieuses subjectives La dogmatique catholique confiant aux soins de la hi rarchie la gestion de l me des fid les c est parmi les r form s que s affirmera en r gle g n rale la litt rature du moi Gusdorf 1990 p 213 Les xvii et xvill si cles voient une floraison des critures religieuses du moi en Angleterre et en Allemagne annon ant l explosion romantique dont les Confessions de Rousseau sont concomitantes 1782 VI Les xviii xix si cles l autobiographie un ph nom ne radicalement nouveau Les xvili et xix si cles voient en Europe une v ritable explosion de confessions m moires souvenirs vies ou histoires de vie publications ponctu es par l apparition en Allemagne et en Angleterre du mot autobiographie autour des ann es 1800 Lejeune nonce d s 1971 une affirmation d origine absolue de l
100. lement le risque pour celui qui crit de rester fix une image de soi ou de l autre fig e cette forme narrative et de se trouver tiquet En formation il y a lieu d envisager galement les usages ventuels de ce type d approches dans l apr s coup des sessions et les utilisations personnelles et professionnelles qui peuvent en tre faites Chaput Gigu re Vidricaire 1999 Cela dit comme dans toute op ration de connaissance ou d action le travail sur les conditions pr alables n emp che pas qu il s agit d une aventure avec ses doses d impr vus de complexit s insoup onn es et qui n cessitent moultes adaptations et improvisations Conclusion Les soci t s ne s autonomisent qu en construisant leur histoire c est dire en prenant et en agen ant leur temps par essais d articulations propres de pass s et de futurs de mouvements internes et environnementaux Ainsi en va t il de l acc s l autonomisation de soi m me Tout acteur social est pris dans son trajet existentiel conjuguer pass s complexes et avenirs incertains pulsions internes et intimations externes Un mouvement analogue de re prises temporelles singuli res d autogestion de temps longs diff rents et m me antagonistes semble fonder l existence et le devenir des vies collectives et individuelles Mouvements faits de boucles tranges productrices de pr sents singuliers partir de vies plurielles et h
101. les repr sentants des uns et des autres Selon Foucault 11 faut attendre le xviii si cle en Occident pour que entre la conception divine et non divine de la conscience humaine de la vie s op rent un d marquage et un d partage des savoirs et des pouvoirs suffisants pour autonomiser des terrains humains cette poque ces derniers franchiraient un seuil de modernit biologique c est dire un moment o l esp ce entre comme enjeu dans ses propres strat gies politiques Foucault 1976 p 188 Elle y entre non seulement en donnant et recevant d ailleurs la naissance et la mort mais en investissant et g rant de l int rieur entre deux sa vie Pour la premi re fois sans doute dans l histoire le biologique se r fl chit dans le politique le fait de vivre n est plus ce soubassement inaccessible qui n merge que de temps en temps dans le hasard de la mort et sa fatalit il passe pour une part dans le champ de contr le du savoir et d intervention du pouvoir Foucault 1976 p 188 A Les biopouvoirs Passage partiel progressif r gressif conditionn au d part par les positions et dispositions dominantes des passeurs du Si cle des lumi res d veloppant du biopouvoir comprendre non comme un privil ge ou une propri t statique mais comme la prise et l exercice de nouveaux savoirs strat giques vitaux Ces biopouvoirs se seraient d velopp s par
102. lle th orie du sujet implicite ou explicite Dans un registre de formation s agit il d un organisme d aide l orientation de recherche d emploi ou encore d une mission de formation permanente M me les options pist mologiques prises doivent tre pr cis ment lues en regard des appartenances institutionnelles Mais ces appartenances m ritent d tre lues non avec une logique de simple reproduction mais dans la dialectique instituant institu qui traverse toute institution Lourau 1997 2 De l occurrence du projet L histoire de vie a ind niablement quelque chose d apparemment s duisant tant m thodologiquement qu existentiellement La question Voulez vous raconter votre vie peut pr senter l espoir prometteur d une richesse imm diate et d une profusion de densit existentielle travers la simplicit d un dispositif En fait 1l faut mettre en garde devant cette apparente imm diatet de l op ration Avant de se lancer dans une histoire de vie il convient de se demander si cette d marche est r ellement occurrente par rapport un projet de connaissance ou de formation Cela revient se demander si la d marche histoire de vie au sens large est vraiment indiqu e dans le cas consid r L expression histoire de vie recouvre une multitude de pratiques effectives qui ont parfois peu de points communs les unes avec les autres hormis une demande celle de raconter pe
103. mais galement de ce qui fut appel l cole de Chicago et de l usage des histoires de vie pour le second Coulon 1992 Berthelot 1991 Bertaux 1976 Peneff 1990 Notons ici que cette cole de Chicago faisait partie dans la m me universit de mouvements intellectuels qui la m me poque ont d velopp les th ories du pragmatisme en ducation avec J Dewey ou celles d une psychologie sociale pr lude de l interactionnisme avec G H Mead L cole de Chicago est particuli rement connue pour avoir galement d velopp une approche des relations individu environnement connue sous l expression d cologie humaine Thomas et Znaniecki auteurs du Paysan polonais placent le r cit de vie au centre de l entreprise sociologique On peut affirmer sans risque de se tromper que les r cits de vie personnels aussi complets que possible constituent le type parfait de mat riau sociologique Et que si la science sociale est amen e recourir d autres mat riaux quels qu ils soient c est uniquement en raison de la difficult pratique qu il y a actuellement disposer d un nombre suffisant de tels r cits pour couvrir la totalit des probl mes sociologiques et de l norme quantit de travail qu exige une analyse ad quate de tous les mat riaux personnels n cessaires pour caract riser la vie d un groupe social Et si l on est contraint d avoir recours aux ph nom nes de mas
104. ment la sociologie clinique et une perspective critique de formation des adultes issue des travaux de l ASIHVIF Dans le dessein d une psychosociologie ph nom nologique des cadres d entreprises J Y Robin 2001 d veloppe une approche et une r flexion r solument tourn e vers le r cit biographique professionnel Notons ici que les pr occupations issues des sciences de l ducation et de la formation permanente ont t souvent un creuset du c t d approches et de rencontres multidisciplinaires L omant 1992 Leray 1995 Desmarais Pilon 1996 Pineau 1998 Les ann es 2000 voient merger des approches transdisciplinaires croisant histoires de vie professionnelles et histoires de vie imaginales Paul 2005 VI Conclusion Depuis les ann es 1980 il s agit l de l mergence de courants prolif rants dans ou au croisement de plusieurs disciplines dont certains courants n ont pas une logique propre d identification Vu cette prolif ration il devient quasi impossible d en avoir une vue g n rale y compris m me l int rieur d une seule discipline comme la sociologie C Heinritz et A Rammstedt 1991 Cela va sans compter que des pans entiers de recherche n ont pas encore t explor s comme les approches des histoires de vie dans la vie quotidienne S agit il pour autant d un ph nom ne radicalement nouveau comme l apparition du terme autobiographie au xviii si cle ou au contraire d un
105. multiples Cette ouverture d routante semble cependant rigoureusement in vitable si l on adopte un point de vue anthropologique et g n rique Si l histoire de vie est une pratique autopo tique elle ne peut tre trop h t rod termin e Trouver la forme d expression est indissociable du contenu exprimer Et la pratique doit souvent pr c der sa connaissance et m me sa nomination Comme pour la prose beaucoup font des histoires de vie sans le savoir D terminer un degr z ro est cependant un point de m thode incontournable pour commencer d limiter ce qui semble illimit I Histoires de vie degr s z ro Un point z ro serait une vie priv e non seulement d expression mais d expression personnelle sur des moments autres que son imm diatet Et malheureusement ce n est pas un cas de figure hypoth tique C est le cas pathologique des amn siques et le but des entreprises de d personnalisation visant liminer la construction d une temporalit personnelle Nous ne sommes m me pas s rs d avoir le droit de raconter ces v nements de notre propre vie Soljenitsyne 1974 p 110 Un point z ro des histoires de vie est donc une vie sans m moire et sans expression d passant son imm diatet Un autre degr zero est une parole historique mais non reli e a des faits personnellement v cus C est l immense continent Histoire qui peut refouler l mergence des petites histoir
106. n et lui donnent une ampleur qui atteint l histoire de la civilisation cette poque les uvres litt raires en constituent des produits marquants La signification sociale du n ologisme cr par les critiques litt raires est que leur champ ne peut plus ignorer comme non litt raire parce que n entrant pas dans les cat gories existantes une s rie d crits vu leur nombre Un seuil au moins quantitatif est franchi Une force de pression externe s exerce et oblige l ouverture des fronti res et l volution de la discipline Cette reconnaissance donne des lettres de noblesse litt raire des crits autrement non class s ou d class s culturellement Elle les publicise et les l gitime Cette promotion litt raire de l autobiographie est une r f rence lourde Elle est charg e de toute une id ologie biographique teint e de romantisme qui tend r duire l usage d exprimer la vie la forme crite pleine litt raire et un moi aussi plein accompli Ce premier mot autobiographie est il le dernier ou le seul dans l histoire de cet usage qui tend diversifier ses formes au gr des m dias Dans ce premier usage le moi est si pr pond rant qu il va profond ment marquer le genre d intimisme voire de narcissisme Il a fallu quinze ans Philippe Lejeune sp cialiste pionnier de cet ge classique de l autobiographie pour d mocratiser et d psychologiser sa conception et sa d
107. nguistique mais pas seulement du point de vue de l tude des grandes uvres Ils ont ouvert le champ l criture personnelle celle du journal intime voire une conception de la recherche qui favorisent le croisement entre amateurs clair s et professionnels Lejeune 2005 La question de la narration a t la suite des travaux du philosophe Ric ur notamment particuli rement au centre des pr occupations des chercheurs dans le domaine litt raire l extr me une certaine focalisation sur cette dimension narrative produit une tendance forte en particulier aux tats Unis appel e narrativisme et qui se veut un point de vue postmoderniste privil giant les dimensions d changes linguistiques contrats actes de langage relations d interlocution le r cit pris avant tout sinon exclusivement comme texte Des voies d exploration issues de la linguistique se dessinent du c t d une approche structurale des r cits attentive aux actes de langage au travail de dotation de sens et d argumentation M F Chanfrault Duchet 2000 D autres tentatives se situent du c t de exploration des situations interculturelles et des identit s sociolinguistiques dominantes domin es C Leray 1995 Cahiers de sociolinguistique n 5 2000 Le terme de biographie langagi re appara t Molini 2006 6 En ducation et formation d adultes Pour le secteur scolaire dans la mouvance de la p dagogi
108. nir Mais le prolongement en projet n est pas automatique Des points de suspension sont travailler cf Vassileff 1992 Le futur n est pas r solu Au contraire il s ouvre irr solu mais propuls par l advenue risqu e aventureuse d une historicit c est dire d un pouvoir savoir vivre singulier s auto copilotant c Une identit narrative Le concept d identit narrative veut d signer l tat civil du rejeton fragile mais singuli rement complexe qui acc de ainsi ce pr sent historique unifiant Il ne d signe rien de plus mais rien de moins que la configuration de l action apport e par le r cit fruit d un questionnement en retour mettant ensemble partir d un point de vue pr sent un pass L herm neutique de la conscience historique de Ric ur est une refondation de la valeur productrice po tique du r cit pour repr senter mimesis l action en la transformant par une mise en ordre en sens en intrigue muthos Cette mise en ordre en intrigue est donc toujours relative a cette double r f rence Le r cit en articulant l action produit donc une gen se de sens faite de synth se de l h t rog ne de concordance de la discordance Il est l indicateur op rateur visible ou audible d une certaine identit relative mais sp cifique Identit qui n est pas une unit massive achev e mais au contraire une conjugaison singuli re de pluralit disponible la re
109. ns obligent faire le point en particulier celles qui sont li es l orientation scolaire et professionnelle Cela commence d s l adolescence qui tant bien que mal tente de d gager une route qui prendrait en compte les hypoth tiques d sirs mais surtout oblige faire un bilan des acquis scolaires des niveaux de comp tences Combien ne se trouvent ils pas d sempar s lorsqu il s agit de r pondre une annonce joindre cv et lettre de motivation Cette tape d laboration du curriculum vitae oblige se rem morer son pass le dater l crire le faire lire Autrement dit il ne s agit plus ici de produire une fiche biographique du type tat civil faite par l employ municipal mais d y ajouter une touche personnelle de r pondre une demande suppos e III Pratiques de la vie culturelle 1 Comm moration et allocution la limite de la vie courante et de la vie culturelle se pratique une s rie de rituels interm diaires qui ont trait la vie d une personne mais sont intrins quement li s la vie d une communaut plus large voire d une collectivit Ainsi en va t il des comm morations qui mettent en avant les faits d une personne Cela peut tre l oraison fun bre lors d une c r monie mortuaire visant c l brer la m moire du d funt Dans d autres situations rituelles la personne elle m me est vivante allocutions qui peuvent avoir lieu lors d un changeme
110. ns ses premi res ditions 1918 et 1920 en cinq tomes un total de 2 232 pages dans les deux premiers une s rie de documents personnels divers types de lettres d information d amour d affaire correspondant des rites et class es par famille Ces documents sont introduits par des pr sentations tant m thodologiques que th oriques ainsi que d abondantes notes en bas de pages qui donnent des explications le troisi me tome plus de 300 pages est compos d une autobiographie d un jeune immigrant Wladek Wiszniewski qui a crit son histoire moyennant une r tribution et l aide de Znaniecki celle ci a t contr l e par croisement avec d autres sources et informations Les quatri me et cinqui me tomes sont consacr s des analyses sociologiques des changements sociaux la soci t rurale polonaise les milieux d immigrants polonais Chicago La pr cieuse traduction fran aise 1997 a choisi de reprendre essentiellement le r cit de vie de Wladeck Dans La Construction de la sociologie Jean Michel Berthelot 1991 tient comme figure exemplaire l ouvrage de Thomas et Znaniecki souvent consid r comme l acte de fondation de la sociologie am ricaine Dans Le Paysan polonais nous sommes en effet l au c ur m me de l articulation entre d une part le projet sociologique de Max Weber avec notamment l insistance sur le sens subjectivement vis de l activit sociale 1 et la const
111. nt de fonction dans une entreprise ou une administration de m me que le d part la retraite 2 Histoires de vie collective Une personne peut tre prise en tant que t moin privil gi d un groupe social Dans cette perspective de m moire collective se construisent ainsi des histoires de vie collective dont certaines sont crites par des membres de cette collectivit Coulon Le Grand 2000 Heber Suffrin 2004 dans le but de s approprier un pass de l exposer de lui donner une visibilit sociale Des associations comme ATD Quart Monde Brun 2001 des mouvements comme ceux des comus es utilisent de mani re ample l histoire de vie comme moyen de production culturelle et m thodologie d ducation populaire C est l une forme privil gi e de d mocratie culturelle donner la parole des acteurs sociaux qui d habitude n en ont pas ou sont parl s par d autres La vis e d une ducation populaire politique participative et critique est parfois pr sente comme dans l histoire d un village qu b cois Saint Cl ment qui r siste pour maintenir son bureau de poste Dionne 1996 3 Litt rature personnelle Il existe toute une litt rature grise ou informelle qui souvent n a pas grande diffusion mais n en est pas moins consid rable Ce sont les ouvrages tir s compte d auteur ou ron ot s Ils t moignent qui de la vie d un village travers le temps qui d une tape importa
112. nte de l existence comme ces prisonniers en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale Cette litt rature personnelle ne doit pas seulement tre mesur e l aune de ses qualit s litt raires mais comme production culturelle d une poque d une situation Qui ne souhaite laisser une trace de son existence En 1992 selon Lire n 204 plus de trois millions de Fran ais crivaient leur journal intime Le Lire n 353 de mars 2007 s intitule crire sa vie mode d emploi Cinq formes classiques de l crit autobiographique sont pr sent es le journal les m moires les confessions le r cit le roman Comment choisir son sujet Quels sont les atouts et les cueils Faut 1l tout dire Comment viter d tre tra n devant un tribunal Comment se faire aider et quel prix En 1991 une association pour l autobiographie et le patrimoine autobiographique APA a t cr e Amb rieu en Bugey site Internet http perso wanadoo fr apa Au Br sil aux Etats Unis au Canada se font des mus es de la personne pour donner chacun la possibilit de faire partie de l histoire et pour contribuer la reconnaissance des communaut s www museedelapersonne ca Lessor de l Internet a franchi une tape suppl mentaire dans la diffusion de cette litt rature personnelle rendant cette diffusion la fois plus universelle plus rapide et moins co teuse 4 Les rayons de librairie offrent un ven
113. nts Les ph m rides r cits d v nements quotidiens datent de cette p riode De m me l habitude de tenir journal Les premiers sont des journaux de voyage de missions diplomatique commerciale ou d exploration En 1571 38 ans au jour de son anniversaire Michel de Montaigne d cide de se retirer et de reprendre cette habitude familiale d criture quotidienne d j exerc e par son p re et son grand p re Neuf ans plus tard en 1580 il publie ses Essais la fois autobiographie et journal intime sans tre exactement ni l un ni l autre les Essais imposent un n ologisme dans l ordre du vocabulaire aussi bien qu en mati re de composition litt raire ils ouvrent une voie royale qui m ne vers l uvre d Amiel celle d Andr Gide et celle de Michel Leiris Gusdorf 1990 p 200 M me la parole religieuse commence s incarner et se dater dans des vies profanes individuelles Le terme d hagiographie appara t vers 1500 Les disciples des grands ma tres vus comme inspir s Luther recueillent pr cieusement leurs paroles les transcrivent et les ditent apr s leur mort Propos de table 1566 renouant ainsi avec l arch type du genre que constituent les Evangiles Pour ne pas laisser le monopole de la nouvelle prononciation du sacr aux protestants des autobiographies catholiques s ditent le journal intime d Ignace de Loyola Diario espiritual 1544
114. numentales et antiquaires C est contre cet historicisme totalitaire refoulant les recherches personnelles de construction de sens partir de la vie que s en prend Nietzsche dans le bouillonnement de sa jeunesse dans la seconde de ses Consid rations intempestives parues en 1874 et intitul es De l utilit et des inconv nients de l histoire pour la vie Paris Aubier 1964 Un exc s d histoire des autres peut non seulement inverser le cours de la vie mais le refouler jusqu lui d nier tout sens sinon celui de v n rer les arri res Pour tre utile la vie l histoire doit tre critique clairant et renfor ant le pr sent m me par oubli et condamnation du pass Cette a histoire et anti histoire peut expliquer le r le formateur des amn sies dans la vie Vouloir faire une histoire de sa vie c est vouloir acc der l historicit c est dire a la construction personnelle de sens partir des sens re us des non sens et contresens qui gr nent et jalonnent l exp rience v cue des entre deux naissance et mort organisme et environnement Les logiques disciplinaires ont s par et cliv les trois sens du mot sens sensation orientation signification En bonne m thodologie car les r alit s auxquelles ils renvoient sont chacune hypercomplexe Mais le cours de la vie est ponctu d exp riences marquantes provenant de leur concentration Sentir est une exp rience empathique En
115. od le simple o les trois activit s tude travail retraite des trois ges de la vie jeunesse adulte vieillesse s emboitaient lin airement comme les rails de chemin de fer ne correspond plus aux pratiques courantes en pleine explosion Ces derni res semblent au c ur d une secousse sismique provoqu e par le choc de l allongement de la dur e de la vie individuelle avec l apparition de soci t s quatre ou cinq g n rations et le raccourcissement de dur e de vie sociale des mod les techniques et culturels Une d sinstitutionnalisation du cours de la vie semble l uvre Les g n rations d humains et de mat riels se multiplient et s entrecroisent de fa on in dite Un m me individu au cours d une vie qui s allonge doit conjuguer des m tiers des techniques des modes des mod les qui tendent s acc l rer et se raccourcir Des soci t s plusieurs vitesses se cr ent avec des inclus mais aussi des exclus des reclus et des perclus 1 Des entr es pr caires L entr e dans la vie est de moins en moins vidente que ce soit dans la vie adulte professionnelle affective ou m me sociale Dans les pays occidentaux un quart au moins des classes d ge jeune rencontre de tels probl mes d insertion sociale et professionnelle que naissent des conduites erratiques et de nouveaux champs d orientation et de formation qui tendent devenir continus En effet aucune entr e n
116. ode quantitative et exp rimentale Ferrarotti 1983 p 81 82 Ce double d fi avec les paris pist mologiques et m thodologiques risqu s qui en d coulent est propuls par des probl mes vitaux dont le traitement exige une nouvelle anthropologie Les grandes explications structurales qui aident des cat gories tr s g n rales ne satisfont pas leurs destinataires Les gens veulent comprendre leur vie quotidienne ses difficult s ses contradictions les tensions et probl mes qu elle impose Ferrarotti 1983 p 80 Comment comprendre mais aussi comment gagner et faire sa vie avec une vie re ue sans la demander ainsi qu avec et contre la vie des autres Vastes questions existentielles li es que traitent peu ou mal l miettement des disciplines et l clatement ou la relativisation des grands mod les pourvoyeurs de sens Vastes questions aussi insolubles d finitivement que sont incontournables pour vivre les micror ponses construire quotidiennement C est ce qu essaient de conjuguer conjurer les histoires de vie II Faire sa vie Cette conjugaison balbutiante la premi re personne du singulier de m gaquestions et de micror ponses n aurait pas envahi subrepticement le discours social si un d calage profond ne s tait pas produit entre la vie les vies conjuguer et les mod les de conjugaison pas seulement disciplinaires mais aussi professionnels et m me existentiels Le m
117. onc de vie permet de pr ciser les modes les plus pertinents d nonciation ult rieure ou par une implication maximum du locuteur et de l interlocuteur ces deux op rations ce qui veut dire principalement pr sence active de l interlocuteur l nonciation et du locuteur au travail de l nonc 2 Dialectique analyse synth se La seconde dialectique pist mologique peut tre qualifi e de double mouvement de limitation et de compl tude de d structuration restructuration ou plus traditionnellement d analyse synth se La contradiction du tout et de la partie travaille tout essai de compr hension discursive de toute r alit Mais elle est plus dure travailler quand il s agit de comprendre une vie et de plus sa vie Essayer de comprendre sa vie c est d abord accepter de se d couper en cat gories limit es et ensuite de les projeter hors de soi C est une v ritable d construction qui fait clater l unit syncr tique initiale en pi ces d tach es Le second mouvement tout aussi difficile est la reconstruction la remise en place des morceaux la synth se de l analyse La production autobiographique poursuit cette vis e synth tique ce mouvement de compl tude C est peut tre ce qui la caract rise le plus des autres recherches analytiques sur soi ou sur une partie de soi Ces multiples d placements qui assurent le fonctionnement dialectique de ce syst me sociolinguistique aboutissent la
118. ons l articulation pr sent projet ne peut se concevoir sans une formulation d une histoire personnelle D un point de vue conceptuel il n y a pas de projet sans organisation personnelle et appropriation d un pass qui prenne sens Il est d s lors essentiel de lier th orie et pratique apprendre et entreprendre ce qui est un des fondements id ologique et politique de l ducation permanente D o l apparition d expressions qui apr s celles de recherche action Barbier 1996 sont celles de recherche formation ou de recherche action formation D o aussi l abaissement des fronti res et connexions avec des pratiques de recherche en sciences anthroposociales qui repr sentent cependant un autre champ d mergence V Des pratiques disciplinaires de recherche en sciences anthroposociales Dans un premier survol des pratiques disciplinaires relatives aux histoires de vie au cours des vingt derni res ann es 1l devient de plus en plus difficile de s parer les diff rentes disciplines que sont l anthropologie l ethnologie la sociologie la psychologie sociale etl histoire Avec l interdisciplinarit montante les fronti res deviennent de plus en plus poreuses 1 En histoire Dans la discipline historique la biographie en tant que m thode de travail est une pratique courante m me si la pr sentation crite finale sous cette forme pr te beaucoup discussion Mais il s agit souvent de biographie inte
119. ont pu contribuer sa naissance et son d veloppement Il n est plus sensible alors qu la continuit des grandes uvres qui jalonnent son histoire La diversit de celles ci n est plus sentie par lui comme mena ant l unit du genre qu elles illustrent car cette diversit des uvres lui para t d sormais d une importance inf rieure celle du patrimoine commun que constitue justement la tradition a laquelle elles appartiennent toutes May 1979 p 206 Ce sont deux autobiographies modernes celles de Leiris et Sartre qui ont fait prendre du champ a Lejeune vis vis des genres formateurs classiques De m me le xx si cle voit merger dans les sciences humaines et dans dition de nouveaux usages sociaux et m diatiques de raconter sa vie et m me de la publier Aussi une question pointe a horizon m me des litt raires Dans quel sens l volution des m dias est elle en train de m tamorphoser la mani re dont chacun se vit comme sujet et vit ses relations avec d autres sujets Les Essais de Montaigne sont fils de l imprimerie qu engendrera l re du magn toscope De la lisi re de l re Gutenberg je regarde le choc en retour des m dias audiovisuels sur l criture Lejeune 1980 p 8 Pour prendre acte de ces usages prolif rants o des personnes ordinaires sans qualit s ni grande distinction mais au contraire prises avec des vies bris es o
120. oupe institution collectivit Ne pas oublier que vie individuelle ne veut pas dire forc ment le moi mais aussi la gestion des liens autrui et l environnement sur x ann es 4 Les objectifs poursuivis facteur le plus difficile sous diviser La proposition est de les r capituler en trois objectifs qui peuvent s embo ter communication sociale objectif premier par exemple des bios hell nistiques connaissance de soi ou de l autre sans que cette connaissance s arr te forc ment soi ou l autre mais ouvre l universel comme le dit la fin du pr cepte de Delphes souvent m connu et enfin autopo se autoproduction de soi Objectif de cr ation existentielle la plus difficile conceptualiser mais qui semble bien propulser le plus fortement dans les formes autor f rentielles ces rages de traduire sa vie en mots 5 Enfin la temporalit cette conjugaison de facteurs se fait avec des temps multiples Pineau 2000 Deux nous paraissent discriminants le temps pass narr qui peut tre court d un instant un mois par exemple moyen une ann e ou long plusieurs ann es et le temps pr sent de narration proche et presque concomitant du temps narr ou distant r trospectif faisant intervenir m moires et ou documents Chapitre III Les filiations en sciences humaines Comme nous venons de le voir pr c demment l histoire de vie n a pas attendu l av nement des
121. pe d enqu te sur des grands nombres et il ne semble pas exag r de dire qu il s est agi la d une forme d h g monie sans partage avec le succ s que l on sait tant dans les sondages lectoraux que les tudes de march Il est par exemple significatif que jusqu aux ann es 1980 en France quasiment aucun ouvrage de m thodologie sociologique ou dictionnaire n a une entr e biographie r cit de vie ou histoire de vie et l cole de Chicago est plus souvent connue comme une approche de la ville par observation participante Deux autres l ments sont aussi tout fait d terminants quant l histoire des id es et l pist mologie des sciences humaines c est la mont e dans les ann es 1950 et 1960 d une pens e structuraliste qui avec notamment L vi Strauss pour l anthropologie Lacan pour la psychanalyse et Bourdieu pour la sociologie Foucault pour la philosophie tende faire dispara tre le sujet derri re la structure Quoique de mani re plus controvers e le marxisme le plus courant tend lui aussi a consid rer P individu et son id ologie comme le seul fruit des superstructures L interrogation sur la signification de l histoire individuelle appara t au pire comme l expression d un individualisme bourgeois au mieux comme entach e de subjectivit dans la recherche Pourtant c est une dialectique d influence marxiste qui va concourir la r surgence des histoires
122. pes de formation tels que nous les entendons cette d marche d laboration collective d un contrat sous sa forme crite nous semble un pr alable d ontologiquement indispensable avant toute mise en uvre et cette tape pr liminaire n est pas qu une simple clause amen e comme telle La discussion construction collective au sujet d une tentative d lucidation des diff rentes implications est un moment formateur au m me titre que le r cit de vie Dans le domaine qui se g n ralise de l usage des histoires de vie en formation permanente pratiques de bilan de construction de projets d criture de CV de bonnes intentions initiales quant ce type d usage peuvent vite se transformer en des conditions d ali nation Ainsi le croisement entre une logique institutionnelle qui ferait que le passage par un groupe notamment d histoire de vie soit une des conditions pour obtenir une allocation l acc s un stage ou un dipl me Diff rentes logiques peuvent se t lescoper et aboutir totalement l inverse du r sultat recherch La question de la libert d engagement dans un tel processus en connaissance de cause doit tre imp rativement respect e De m me la confusion des objectifs entre ceux de la formation et ceux assimil s une d marche de d veloppement personnel ou ceux qui rel vent d une intention th rapeutique Bien qu il soit impossible dans le d veloppement d une personne de s
123. pes de langages diff rents le locuteur utilise le langage usuel courant ordinaire et l interlocuteur un professionnel d un savoir particulier des sciences de l homme par exemple se sert d un langage plus formel plus savant pour d coder l autre C est la fonction fondamentale pour le locuteur du premier moment de cette praxis sociolinguistique que nous voudrions rappeler et mettre en relief ici la fonction de cr ation d un espace autor f rentiel par la simple expression nonciation narration de sa vie par soi L importance de cet acte si simple d auto expression de l exp rience vitale est souvent occult e au b n fice du travail ult rieur r flexif de traitement de ce qui a t naivement projet Or cet acte si simple d nonciation n apporte pas seulement de fa on brute une mani re premi re traiter I annonce un sujet comme l noncent si bien les herm neutes Par la diff renciation et l articulation linguistique d un sujet d avec sa vie cet acte premier d double l un et l autre en sujets et objets d nonciation et pose les l ments de ce qui pourra devenir ce que les auteurs nomment suivant leur cadre de r f rence un espace de r alisation du sujet Flahaut 1978 ou un syst me autopoi tique Varela 1989 p 45 Cet acte naturel mais souvent socialement si contenu balis filtr pour ne pas dire refoul par les r gles professionnelles et discipl
124. pour la recherche en ducation des adultes ESREA cr ation de l Association br silienne de recherche auto biographique J r me Bruner 2005 et l article de Dan P McAdams The psychology of life stories traduit dans Pratiques de formation n 51 52 2006 retracent ce d veloppement dans la litt rature anglophone Jolly Margaretta 2001 a coordonn dition d une Encyclopedia of Life Writing Autobiographical and Biographical Forms Le colloque Le Biographique la r flexivit et les temporalit s de juin 2007 l universit F R de Tours Bachelart Pineau 2009 explore les perspectives de d veloppement du mouvement biographique dans la diversit des cultures des langues et des continents Auto biographie Ecrits de soi et formation au Br sil De Souza 2008 Les Histoires de vie en Espagne Monteagudo 2011 Transformations de la modernit et pratiques auto biographiques au Qu bec Desmarais Fortier Rh aume 2012 et Yelle ef al 2011 Un tournant vers une soci t biographique Astier Duvoux 2006 se prend imposant une biographisation de la vie Delory Momberger 2010 tendue entre injonctions institutionnelles assujettissantes ou formation autonome d historicit s personnelles Depuis les bios socratiques jusqu aux formes les plus contemporaines se d ploie un mouvement biocognitif de fond o le logos et la graphie de la connaissance formatrice de la vie sont tendus entre des instances so
125. pre avec la seule histoire des lites Dans le m me sens le quotidien prend avec les mouvements f ministes et l inspiration situationniste de l int r t D autre part ces v nements de 68 ont relativis une pens e sociologique classique qui n avait pas su les pr voir Aussi cette g n ration de sociologues de sensibilit militante s int resse de pr s des approches qualitatives qui rompent avec une certaine quantophr nie propension n accorder de validit qu aux seules donn es chiffr es qui guette les sciences sociales Philosophiquement on observe aussi au tournant des ann es 1980 une d saffection des seules recherches de structures o le sujet dispara t derri re des donn es abstraites et formelles On a parl ainsi de retour de l acteur Une certaine d saffection de l id ologie marxiste traditionnelle am ne ainsi un certain nombre de personnes prendre en compte l individu Ce ph nom ne s accompagne aussi d un int r t important pour la psychologie la psychanalyse le d veloppement des approches humanistes de la personne Dans la sociologie les approches qualitatives se d veloppent et vont puiser dans les origines pist mologiques a travers de ce qui a t d nomm ethnosociologie cf Lapassade 1991 Le mouvement de red couverte de l histoire de vie est replacer dans ce cadre du d veloppement des enqu tes de terrain donnant une part important
126. ptions dont certaines notables il y a en sociologie une longue clipse des ann es 1940 jusqu aux ann es 1970 En effet d s les ann es 1930 on observe la mont e de la tendance a quantifier les faits sociaux a effectuer des enqu tes par questionnaires des sondages L approche biographique semble vou e terminer dans la poubelle de l histoire des m thodes L cole de Columbia et le fonctionnalisme de Talcott Parsons prennent de l essor et apparaissent entour s d une aura de scientificit dans un univers conomique et culturel o les progr s techniques utilisent largement la forme de pens e des math matiques D autre part un certain nombre de critiques pist mologiques et le caract re d licat tant de la collecte que du traitement du mat riel font que les autres types d enqu tes prennent rapidement le pas sur ces m thodes jug es archa ques En 1939 un de ceux qui allait devenir un chef de file de l interactionnisme symbolique H Blumer fit un rapport au conseil des sciences sociales sur les m thodes utilis es par Thomas et Znaniecki Il reprochait essentiellement a ceux ci de d connecter th orie et mat riau empirique ces derniers s tant alors limit s susciter intuitions et compr hensions nouvelles sans que ces donn es n interrogent suffisamment la probl matique d laboration th orique Il s ensuivit la cr ation d une commission d experts Gottschalk
127. r non de l abolir mais de l approfondir de la hi rarchiser selon des niveaux de temporalisation toujours moins distendus et toujours plus tendus Ricoeur 1983 p 53 A la fin de cette p riode Augustin accouche d une reconnaissance aux limites de lui m me du temps et de l ternit Cette automa eutique fait atteindre la pratique des histoires de vie des degr s transcendantaux Elle est indicatrice d une heuristique propre non r ductible l histoire la litt rature et m me la philosophie N existerait il pas entre l activit de raconter une histoire et la situation temporelle humaine une liaison majeure et vitale Ric ur fera de cette liaison l hypoth se centrale de son herm neutique de la conscience historique IV Le Moyen Age v xiv si cles Pour cette p riode encore largement d couvrir 1l est noter deux ph nom nes importants qui prouvent qu une conscience historique du sens tait l uvre la chanson de geste et l apparition d s le xii si cle de termes fran ais pour travailler la temporalit La chanson de geste est une fa on po tique m di vale de communiquer la signification d un fait temporel marquant qu il soit d ordre politique amoureux ou religieux On distingue les chansons d amour de croisade et d histoire Mi orales mi crites mais renforc es par la musique et le chant et port es par les trouv res et troubadours ces form
128. rapport th orie pratique La coupure si traditionnelle avec d un c t les th ories et de l autre les pratiques nous semble ici d passer elle v hicule une pist mologie sp cifique qui perp tue les oppositions binaires d ontologiquement douteuses chercheur praticien intellectuel acteur social A travers l id e de praxis il s agit d op rer une jonction dialectique entre le registre de la r flexion th orique et celui des champs de pratiques sachant que lesdits th oriciens sont aussi des praticiens et qu inversement toute pratique se base sur des th ories sous jacentes explicit es ou non Les concepts travaill s dans un registre intellectuel sont comme autant d outils qui servent penser des r alit s sociales et humaines dans leur complexit inversement ces r alit s interrogent les architectures conceptuelles viennent les complexifier les modifier voire les d monter ou les d truire le cas ch ant Tel est le jeu du rapport contradictoriel et n cessairement intercritique entre th ories et pratiques Du c t de la recherche il est vital que les th ories soient interrog es par des r alit s sociales et personnelles par des mouvements de la soci t qui sont l uvre travers des acteurs sociaux Dans une perspective plus existentielle combien de personnes pour elles m mes mais galement dans l exercice de leur m tier d enseignants de formateurs ne poursuivent elles pas ce b
129. rces concernant la validit des informations fournies Autrement dit dans un souci de travail historique il convient de croiser diff rents t moignages non seulement entre eux mais galement avec des documents crits lettres documents administratifs qui sont des documents d poque Bien que les deux termes soient souvent synonymes il est pistemologiquement indispensable de distinguer histoire et pass Le pass est une donn e un mat riau magmatique et largement opaque l histoire est une connaissance de celui ci 3 Du type Dans l usage des histoires de vie dans les sciences humaines divers cas de figure et degr s se pr sentent au del des disciplines Il est pr f rable de les rep rer dans une typologie e la notice biographique est proche de l enqu te par questionnaire Ex l utilisation statistique dans une enqu te sur grands nombres On la retrouve galement dans divers usages quasi administratifs constitution de dossiers de cas e le r cit de pratiques ce qui int resse le chercheur c est un tron on du v cu d un certain nombre de personnes correspondant une pratique sociale Exemple comment devient on boulanger Bertaux 1976 1997 e l entretien pr biographique sollicite de larges l ments portant sur diverses phases d un v cu le narrateur raconte sa vie et le chercheur op re une lecture de celle ci en r organisant par crit les informations fournies
130. re son histoire sa construction et non pas seulement l histoire des autres C est faire jaillir une source une gen se personnelle de sens temporel Avant d tre une discipline acad mique un corpus de connaissance une chronologie ou m me un r cit distrayant l histoire tymologiquement est une recherche une construction un tissage de sens partir de faits temporels Curieusement ce sont les expressions populaires courantes qui ont gard le plus explicitement ce sens dynamique originel Ne fais pas d histoire signifie Ne pose pas de questions ne cherche pas noise Une personne histoire est une personne probl mes qui pose question Un grand questionneur iconoclaste Michel Serres est sensible a ces conditions turbulentes parfois d chirantes de naissance de l histoire L histoire ne na t pas de l instance divine de l instance guerri re ni de l instance conomique Elle na t de la noise d o sont n s ces trois concepts Elle ne na t pas des instances mais des circonstances J aimerais ou r la clameur de l intellect l tat naissant la fureur de conna tre Gen se Paris Grasset 1982 p 165 Les processus de production de l histoire d historicisation sont clips s par les produits finis qui se r ifient dans l Histoire avec majuscule dur e ordonn e d une vie sociale ou individuelle Dur e qui s impose en des Histoires mo
131. reconnues Cet espace offre donc un lieu privil gi pour identifier et tudier les m diations principales par lesquelles un individu se socialise et une soci t s individualise se vit concretement VI Conclusion L histoire de vie est une praxis sociolinguistique particuli re qui repr sente la pointe des m diations concr tes ayant produit l individu en train d laborer son histoire ce faisant 1l cherche a articuler narrativement les diff rents mouvements qui le font et le d font Par l nonciation de ces m diations elle am ne donc ciel ouvert une mine de savoirs implicites de savoirs pratiques concrets exp rientiels tr s li s aux usages qui les ont g n r s Si l on poursuit la m taphore boursi re cette liaison particuli re a longtemps exclu ces savoirs des cours scientifiques publics pour qui il n y avait de science que du g n ral La baisse sinon la crise de ces cours publics qui ne r ussissent plus couvrir le march de la production des savoirs fait se tourner vers le priv les petits porteurs d argent frais vivants Leur investissement para t un enjeu rentable et ont t envisag es trois strat gies correspondantes biographique autobiographique dialogique Faire son histoire de vie n est donc pas une pratique priv e narcissique insignifiante C est essayer de tirer une plus value sociale de sa vie C est donc une pratique gros enjeux publics qui fait partie des mouvem
132. repli subjectif ponctuant p riodiquement les crises d identit ou encore de l av nement d une Soci t biographique Astier Duvoux 2006 Seule une mise en perspective historique pr sent e dans le chapitre suivant peut aider r pondre cette question Chapitre IT Des bios socratiques l autobiographie du xix si cle Si fondamentalement l histoire de vie est une pratique autopoi tique il faut esp rer que les vivants n aient pas attendu l apparition du terme pour la pratiquer Des travaux historiques relativement r cents permettent une d centration de l poque moderne I Les bios socratiques art d accouchement de la connaissance Dans la culture grecque les histoires de vie crites seraient apparues au v si cle av J C sous le nom de bios Momigliano 1991 p 125 Il faudra attendre dix si cles pour trouver la d nomination biographie v si cle apr J C et vingt quatre pour le terme autobiographie apparu autour des ann es 1800 en Allemagne et en Angleterre Le fait d crire la vie ou sa vie pr c de donc de beaucoup les d nominations qui peuvent tre consid r es comme des indicateurs importants de reconnaissance sociale de ces pratiques mais non comme leur acte absolu de naissance Ce n est pas une cr ation grecque originale ni m me sans doute occidentale Momigliano situe cette apparition des bios chez les Grecs dans la mouvance de r formes de leur vie politique
133. rmet de partager son histoire hors du cadre familial les amiti s adolescentes amoureuses ou affectives sont le lieu de tels changes on se confie selon une densit existentielle forte 3 Les anniversaires Une autre reprise historique jalonne p riodiquement la vie ce sont les anniversaires et plus particuli rement les 0 les 10 20 30 70 80 ans voire le cas ch ant 90 et 100 ans Mouvement irr versible de l avance en ge Chaque passage incite faire le point de sa vie Heslon 2007 4 Les pratiques des traces Des documents des objets t moignent de ce passage du temps ce seront tel bibelot ou tel tableau achet s lors d un voyage important telle photo de mariage ou de bapt me tel m daille ou dipl me tel cadeau d anniversaire particuli rement symbolique L explosion multim diatique d multiplie les formes de cette pratique des traces La r volution informatique ouvre la phonie et la scopie des espaces virtuels quasi infinis de communication distance en temps r el tout en se gravant en m moire Le ph nom ne des blogs de ces paroles personnelles sur le Web est la manifestation la plus populaire de cette possibilit d utilisation personnelle des m dias Mises ensemble ces traces multiformes peuvent constituer des documents pr cieux d histoire personnelle familiale et sociale Lani Bayle Milet 2012 5 Les pratiques transitionnelles et de CV D autres occasio
134. ruction d id aux types et de l autre celui de Durkheim qui insiste essentiellement sur le caract re de donn objectif du ph nom ne social qui produit l individu un concept comme celui de d sorganisation sociale recouvre en fait celui d anomie de Durkheim dans son ouvrage sur le suicide L immense m rite est ici de lier cette articulation un groupe social pr cis et au sens donn par les agents d finition de la situation ce qui suppose galement d articuler diff rentes temporalit s celle des hommes et leurs v nements celle des groupes primaires celle de l histoire v nements collectifs celle de la structure sociale d sorganisation r organisation Apr s cette tude F Znaniecki retourne dans son pays et fonde Poznan une branche de l cole sociologique de Pologne 1920 1939 qui utilise de mani re privil gi e l autobiographie Celle ci va jusqu lancer une s rie de concours d autobiographie sur des sujets tels que les conditions de travail la ville Il s agit l autant d une m thode de recherche que d un moyen de conscientisation inspir d un projet militant En termes de sociologie de la connaissance 1l y va galement d un rapport troit et tout fait original entre th orie et pratique entre sociologie et action socioculturelle d ducation populaire Markiewicz Lagneau 1976 III propos d une clipse 1940 1970 Mis a part quelques exce
135. rvenant post mortem Dans l histoire du temps pr sent c est surtout l histoire orale Joutard 1983 Thomson 1978 qui se propose de recueillir les t moignages sur le pass dans un contexte de changement culturel rapide Ce contexte renforce et rel gitime l apport des m moires individuelles dans la construction de ce vaste continent histoire trois vitesses et trois niveaux lente et profonde des relations de humanit son environnement mat riel moyenne et m diane des relations des soci t s entre elles rapide et de surface des relations individuelles F Braudel Depuis les ann es 1980 F Dosse 2005 analyse une lev e des crous qui s accentue avec le tournant biographique du d but des ann es 2000 2 L ethnographie et les histoires de vie sociale Dans des secteurs comme l ethnologie rurale ou l anthropologie la logique est identique Il s agit a propos d un objet pr cis de recueillir une ou des histoire s de vie et de les croiser entre elles Des auteurs comme Clapier Valladon ef al 1983 proposent ici le concept d ethnobiographie pour sp cifier les histoires de vie o la personne est consid r e comme le miroir de son temps de son environnement et le chercheur essaiera de mettre le discours en situation aussi bien vis vis du narrateur que par rapport au groupe et dans le cadre du milieu socioculturel p 226 Dans la tradition anthropologique depui
136. s et lire nombre de r cits de vie crits de mani re vivante on a souvent l impression que le narrataire dispara t compl tement derri re le personnage qui raconte sa vie or comme le remarque juste titre M Catani le narrataire est le premier auteur de la recherche c est bien lui qui formule une demande d finit les objectifs qu il poursuit pr cise le cadre institutionnel le devenir ventuel de cette histoire crit publication images Pour une r flexion d ordre m thodologique et pist mologique 1l convient de pr ter la plus grande attention ce qui se joue dans cette relation dense o chacun des deux acteurs est tr s fortement impliqu Aussi peut on parler d implexit Le Grand 1993 ou complexit des implications enchev tr es o tant les dimensions institutionnelles qu affectives ou culturelles interviennent Le paradigme courant de l observation est ici caduc chacun observe d finit agit et analyse la situation c est en ce sens une co construction m me s il n y a jamais stricte parit entre les deux partenaires La question thique du type de r ciprocit non r ciprocit est ici un analyseur puissant Le Grand 2000 b Cette nonciation orale est importante pas seulement dans l nonciation d un contenu mais dans la forme de celle ci sa structure elle repr sente une totalit signifiante L histoire de vie est avant tout une articulation narrative de faits tempor
137. s avoir t l ve et disciple de Freud et Jung un psychiatre et psychanalyste suisse Ludwig Binswanger a dans la tradition ph nom nologique de Husserl labor une th orie de l analyse existentielle Binswanger 1971 de Villers 1996 o le concept d histoire de vie correspond a l ips it du latin ipse soi m me toi m me lui m me rompant ainsi avec une d termination par trop naturaliste de la conception freudienne que dominerait une m canique des pulsions Des psychologues et psychanalystes anglo saxons souvent qualifi s d humanistes empruntent largement cette conception existentielle avec leur id e d intentionnalit leur attention l existence adulte et ses stades Charlotte B hler Rollo May Carl Rogers Abraham Maslow Erich Fromm Frederick Perls Ronald Laing Erik Erikson mais peu utiliseront l histoire de vie sinon pour clairer des cas tudier les ges de la vie ou crire leur autobiographie V Une filiation anthropologique La tradition de recherche anthropologique F Morin 1980 a plus ou moins t sensible aux histoires de vie et plus particuli rement lorsque celle ci tait significative d une population d une tribu notamment avec ce qui a t appel ethnographie qui concerne plus traditionnellement le travail d observation de description de situations particuli res alors que l ethnologie traite ces mat riaux de mani re comparative Dans une vision
138. s l cole de Chicago le courant des histoires de vie a toujours fait partie des pratiques mises en uvre et combin es d autres approches de terrain Un ouvrage comme Tante Suzanne est symptomatique de ce regard anthropologique contemporain Cette publication est coproduite et cosign e par Maurizio Catani chercheur au CNRS et Suzanne Maz 1982 la figure centrale qui fut d abord modiste dans la Mayenne l poque de la Premi re Guerre mondiale et ensuite l pouse d un horloger Paris m re de deux enfants et propri taire d un jardin en grande banlieue sans jamais nier ses origines Catani s attache essentiellement lucider le niveau symbolique pr sent dans le r cit On est ici au plus pr s de son organisation et de son contexte de collecte Les questions du chercheur sont r incluses ce qui constitue un livre deux voix rencontre in dite et assum e en tant que telle entre deux personnes L attention est ici port e sur l volution des syst mes de valeurs passage des valeurs d un mode de vie rural traditionnel celui bas sur une conomie urbaine plus moderne en tenant compte des transmutations ainsi que de la mani re dont l ancien se perp tue dans l actuel ainsi ce jardin o sont inscrits les liens avec tout le pass l entourage Le projet rejoint ici celui d une anthropologie compar e et l tude du d veloppement de l individualisme moral dans la perspective trac
139. sciences anthroposociales pour exister aussi est il r ducteur d en faire une approche exclusive des sciences humaines Loin de se r duire une m thode elle vient questionner les diff rentes sciences humaines dans un sens pist mologique c est dire dans leur fondement m me Elle constitue ainsi un analyseur des d bats qui se sont jou s quant leur mergence et leur d veloppement Sera donc parcouru ici un si cle d histoire des id es par le biais de la filiation sociologique qui para t pr pond rante I Les pr misses pist mologiques et les inspirations Au cours du xix si cle les diff rentes sciences humaines vont tre amen es se constituer de mani re autonome c est dire par diff renciation par rapport aux disciplines comme la philosophie ou les lettres et en imitation plus ou moins forte l gard des sciences exp rimentales b ties sur les math matiques comme la physique Ainsi la naissance de la sociologie s tablira en oscillant constamment entre le mod le des sciences de la nature et une approche herm neutique c est dire une interpr tation des ph nom nes proche de la litt rature En France sous l influence de la pens e d A Comte se d veloppe une vision de la science b tie sur le mod le des math matiques et des sciences physiques d ailleurs l inventeur du terme sociologie l entend comme une physique sociale Aussi le d veloppement et les succ s
140. se comme mat riau ou tout autre type d v nements consid r s sans tenir compte de l histoire de la vie des individus qui y prennent part c est la un d faut et non une vertu de notre m thode sociologique actuelle 1998 p 46 II Le Paysan polonais Assur ment il s agit la d une monumentale et inaugurale tude et ce plusieurs titres l usage de documents autobiographiques de mani re aussi syst matique la premi re enqu te de terrain en sociologie d autre part elle apporte des l ments d terminants la sociologie de la connaissance sans compter qu 1l s agit galement d un des premiers ouvrages de sociologie de l immigration L enqu te commence en 1908 et correspond une commande celle d tudier les questions interethniques quant l immigration Thomas choisit la Pologne Chicago est la troisi me ville de Pologne et les immigrants polonais tant t sont bien assimil s tant t sont engag s dans des attitudes d viantes telles que la d linquance ou le crime une poque o les pr suppos s racistes fleurissent celui ci met au point une m thodologie rigoureuse 1 une charpente conceptuelle autour des notions telles qu attitudes et valeurs les premi res d finissant les caract ristiques subjectives des individus et des groupes les secondes correspondant aux l ments culturels objectifs de la vie sociale 2 un projet pist mologique lier la fois le
141. sons avec la conduite de la vie professionnelle D Bachelart 2009 avec l ducation l environnement C Delory Momberger situe les histoires de vie dans la Condition biographique 2010 d une modernit avanc e qui ne supprime pas L Epreuve autobiographique Baudouin 2010 mais l universalise Les histoires de vie ne sont plus une illusion elles deviennent presque une injonction 7 En orientation L clatement de l orientation scolaire et professionnelle la dur e de toute la vie r introduit frontalement la prise en compte du biographique dans les recherches sur l orientation continue Francequin 2004 La revue L orientation scolaire et professionnelle consacre en 2004 2005 un double num ro sp cial sur Travail biographique construction de soi et formation vol 33 n 4 vol 34 n 1 Des approches d aide a l auto orientation Layec 2006 et au bilan Aubret Blanchard 2005 se construisent 8 Vers un travail inter et transdisciplinaire Intrins quement l histoire de vie invite assez naturellement a se r f rer une ou plusieurs discipline s en sciences humaines M me si l ancrage disciplinaire reste op rant certains tentent d articuler deux ou plusieurs disciplines Ainsi V de Gaulejac 1999 d veloppe une sociologie clinique articulant principalement sociologie bourdieusienne et psychanalyse freudienne Dans la m me filiation A Lain 1998 croise remarquable
142. ssive est issue directement d Henri Lefebvre cf Hess 1988 qui a tent a partir de la lecture du Capital de Marx d laborer une m thode d analyse des ph nom nes sociaux qui fasse jouer dialectiquement histoire et sociologie Suivant Lefebvre 1953 repris par Sartre celle ci d crit plusieurs moments a descriptif b analytico r gressif c historico g n tique En effet une particularit de cette approche c est d articuler une complexit horizontale analyse de la structure sociale et une complexit verticale analyse de temporalit s historiques Mais il s agit d une approche qui part de l actuel pour remonter dans le pass et ne vise pas s installer dans le pass Un philosophe marxiste orthodoxe Lucien S ve a dans Marxisme et th orie de la personnalit 1968 tent d laborer une science de l individuel travers la biographie La science de la biographie telle que nous la comprenons a essentiellement pour t che de saisir les structures les contradictions la dialectique de la vision personnelle S ve p 467 Les actes humains l emploi du temps constituent selon lui les concepts de base d une tude dialectique articulant situation personnelle et structure sociale Un courant d influence marxiste et critique comme l cole de Francfort Theodor Adorno Herbert Marcuse Erich Fromm J rgen Habermas apparu avant guerre et oblig de s exiler sous le naz
143. t le moyen d un processus quasi bio pist mologique o une partie de vie trouve son concept et o les concepts trouvent vie Cette dialectique fait vivre et comprendre le double sens propre et figur mais aussi social et personnel de la co naissance La connaissance n est pas un simple produit intellectuel c est la production d un nouveau rapport soi et aux autres qui accouche une unit nouvelle Mais cette production est ardue Ces trouvailles bio pist mologiques ne se font pas logiquement ni de fa on lin aire mais selon une double dialectique nonciation nonc et analyse synth se 1 Dialectique nonciation nonc Dans le mod le biographique l nonciation de la vie est seconde par rapport au travail sur l nonc dans le mod le autobiographique c est l inverse l nonciation prend tout l espace avec difficult de retour sur l nonc Le mod le dialectique non seulement accorde autant d importance aux deux mais vise aussi les interrelier car la compr hension de l un suppose la prise en compte de l autre et inversement l nonciation r v le les d terminants subjectifs et non linguistiques de l nonc et l nonc objective les d coupes et les rapports symboliques l uvre d s l nonciation Ces interrelations sont travaill es de deux fa ons par un va et vient entre nonciation et travail sur l nonc un premier travail sur une tranche d n
144. tail biographique et autobiographique qui recouvre diverses modalit s comprenant la vedette qui avec ou sans l aide d un n gre produit un livre destin un grand tirage la biographie de grands hommes d tat ou d intellectuels la biographie historique des personnages 1llustres des si cles pass s le t moignage autobiographique de gens simples mineurs femmes en milieu rural serrurier cur s qui font part de leur existence t moignage travaill parfois par un metteur en criture Il est symptomatique que s op re un mouvement de d mocratisation du genre Il ne s agit plus uniquement de s int resser aux grands hommes et aux grands v nements mais au quotidien au v cu des gens ordinaires qui ne font pas partie de l lite Il y a ainsi le projet militant de donner la parole ceux qui ne la poss dent pas dans la culture savante les ouvriers les vieilles personnes les analphab tes tous ceux qui n ont pas l usage de l criture autrement dit de rendre au peuple ce qui lui appartient Dans les ann es 1970 le r cit de vie conna t une v ritable mode c est un ph nom ne de masse qui d passe le cercle des sp cialistes les maisons d dition ont des collections dans le domaine citons Terre humaine chez Plon V cu chez Laffont T moins chez Gallimard M moire du peuple chez Maspero devenu La D couverte et plus r
145. temporelle effective dans des parcours de vie Le cours de la vie commence s clairer la fois de ses d terminants mais aussi de ce que les acteurs en font c est dire de la fa on dont il est v cu 3 Le cours de vie comme institution sociale Le comportement biographique entre aussi de fa on importante dans la construction du concept de cours de vie comme institution sociale de l Allemand Martin Kohli ce qui am ne un clairage r ciproque sur la d termination sociale et individuelle de ce cours Par institutionnalisation du cours de vie je d signe une unit contradictoire rev tant trois dimensions la premi re est celle de la chronologie il y a une normalisation ou standardisation du cours de vie dans le sens de l volution d une s quence chronologique avec des tapes bien d finies La deuxi me est celle de la continuit avec la cr ation d une vie pr visible et avec une mesure de s curit aussi au sens mat riel La troisi me concerne la biographie propre 11 s agit de la gen se d un code de d veloppement personnel de croissance personal growth code qui dit que la vie est un projet personnel et qu il faut d cider soi m me Kohli 1989 p 37 Depuis les ann es 1960 Kohli constate une d sinstitutionnalisation du cours de vie tel qu institu ant rieurement clatement du cycle familial au niveau des s quences chronologiques du cycle tude travail retra
146. tic turn d gageant cette comp tence communicative qu Habermas 1987 a construit sa pragmatique universelle La prise de parole g n ralis e exer ant socialement la r flexion manciperait et autonomiserait l humanit L mergence laborieuse d un sujet analytique et critique est une pi ce modeste mais fondamentale de ces larges perspectives 4 Une auto bio histoire La derni re pi ce d tach e de cette p riode de transition paradigmatique sera le terme d auto bio histoire Il veut principalement frayer et baliser un travail conceptuel entre des perspectives seulement personnelles appel es parfois go histoire P Nora 1987 ou au contraire des emprises technico bureaucratiques exclusives de biopouvoir La typologie de l histoire trois vitesses de F Braudel dans La M diterran e repr sente un apport majeur qui sert souvent de r f rence Il distingue e l histoire des individus et des v nements temps rapide e celle des soci t s et des mentalit s temps long e et enfin celle des continents des rapports de l homme la nature la g ohistoire presque immobile Sa pr dilection engag e pour l histoire de longue dur e a fortement contribu d tr ner et refouler l histoire v nementielle individuelle Est ce que les histoires de vie sont simplement le retour de celles ci Le terme d auto bio histoire voudrait au moins viter ce classement rapid
147. tir de deux p les principaux la prise en compte des corps individuels vus comme non spirituels comme organismes comprendre investir et faire produire et la gestion des populations comme ressources humaines reproduire Les disciplines du corps et les r gulations de la population constituent les deux p les autour desquels s est d ploy e l organisation du pouvoir sur la vie Foucault 1976 p 183 B Les histoires de vie comme arts de l existence Parmi ces biopouvoirs le pouvoir savoir sur la sexualit constitue un enjeu strat gique majeur car la vie sexuelle est charni re entre la vie individuelle et la vie sociale la discipline du corps et la r gulation des populations les arbres de connaissance et de vie Le pouvoir savoir utiliser cette charni re constitue donc pour l individu et l esp ce un enjeu vital La derni re grande exploration de Foucault pour approcher le sujet d sirant est l histoire de la sexualit comme exp rience c est dire corr lation dans une culture entre domaines du savoir types de normativit et formes de subjectivit Foucault 1984 p 10 Au terme d un d placement qu il juge risqu mais fondamental il d couvre de nouvelles pratiques vitales les arts de l existence Par l 1l faut entendre des pratiques r fl chies et volontaires par lesquelles les hommes non seulement se fixent des r gles de conduite mais cherchent se transformer eux m mes
148. tivement est un rejeton fragile et toujours entretenir car ses bases voluent continuellement et ne sont donc que des pointages des pontages relatifs C est suffisant souvent pour permettre aux vivants justement de faire le point Mais ces points ne sont que les pointes d un double iceberg l organisme et l environnement la structure psychique et la structure sociale et cologique Ce sont plus des boussoles identifiant des points d exploration que des cartes d j toutes labor es Ces identit s narratives n puisent donc pas la recherche de sens elles l ouvrent 2 Le second int r t se d duit du premier mais l expliciter est n cessaire pour branler la pr gnance d h ritages concernant les approches du sujet Ce concept de construction narrative du sujet partir de ses actions donc de sa vie ouvre une voie majeure au del des philosophies classiques du sujet le posant ou le d posant non seulement comme un solipsisme un ipse seul avec lui m me mais encore comme un tre atemporel toujours identique lui m me idem Le soi de la connaissance de soi n est pas le moi go ste et narcissique il est le fruit d une vie examin e selon le mot de Socrate dans Apologie Or une vie examin e est pour une large part une vie pur e clarifi e par les effets cathartiques des r cits tant historiques que fictifs v hicul s par notre culture Lips it est ainsi celle d un soi instruit p
149. toute une s rie de films dimension autobiographique comme Distant Voices 1988 de l Anglais Terence Davies ou encore Outremer 1990 de Brigitte Rouan ou Allemagne m re blafarde 1980 d Helma Sanders Brahms Certains ont un ind niable caract re populaire comme les films d Edgar Reitz notamment son double film fleuve 16 26 heures Heimat projet en feuilleton prix sp cial la 49 Mostra de Venise 1992 Internet fait vivre la communication sociale une r volution culturelle absolument in dite encore la recherche d elle m me Morin 1991 la voit comme mergence d une nouvelle anthroposph re port e par une parole transm diatique tablissant des liens in dits et inou s entre noosph re et biosph re IV mergence de pratiques professionnelles sp cifiques Si l on fait sortir l histoire de vie d une stricte d finition m thodologique il appara t que celle ci constitue et a toujours constitu un instrument de pouvoir et de gestion de populations Aussi convient il de poser un regard avis et critique sur ces pratiques Un certain nombre de professionnels utilisent l histoire de vie directement dans leurs activit s Ce sont en particulier tous ceux qui un titre ou un autre s occupent d orientation scolaire et professionnelle de formation de travail social de recrutement ou de gestion des ressources humaines Produire un CV ou encore une sorte de portefeuille de comp t
150. tte complexit qu il faut consid rer maintenant de front E Morin La M thode 2 La Vie de la vie 1980 p 350 Ces jeux et ces luttes qui fondent toute vie individuelle sont ils dans leur relativit contingente porteurs de sens c est dire de sensibilit d orientation de signification Les pratiques ordinaires quasi r flexes pour chaque individu de retour sur ses moments pass s semblent bien pointer un mouvement biocognitif fondamental Opter pour ce processus de recherche construction de sens partir de faits temporels signifie rompre avec une logique de r ification du terme histoire et renouer avec son tymologie premi re Au del des d finitions litt raires ou disciplinaires l histoire de vie est ainsi abord e comme pratique autopo tique c est dire qui travaille produire elle m me sa propre identit en mouvement et agir en cons quence La pr sente d finition se veut g n rique Le Grand 2000 b il s agit avant tout d approcher un processus humain un ph nom ne au sens fort du terme anthropologique qui concerne en permanence la construction d une personne dans son tre en devenir Chapitre I Des pratiques multiformes Cette d finition g n rique des histoires de vie comme recherche et construction de sens a partir de faits temporels personnels ouvre un champ quasi infini de pratiques aux fronti res et structurations incertaines ainsi qu aux formes
151. u en pointill se construisent dans et par l autobiographie autant et sinon plus qu elles en construisent certains parlent d autobiographie de seconde esp ce bas e non sur l id ologie d un moi plein et d une parole pleine mais sur la pl nitude du principe de communication Je con ois l autobiographie comme le discours des liens autrui en tant que leur s rie ordonn e et int gr e est constitutive de mon identit et que leurs avatars sont constitutifs des fractures de mon histoire F Jacques 1982 p 345 De nouvelles expressions pointent m me dans le discours pour essayer de dire ces nouvelles r alit s Le r cit de vie est l une de celles ci Elle s affranchit de l exclusivit de l criture et m me de l individu concern lui m me P Lejeune propose audacieusement d utiliser l ouverture qu offre cette nouvelle expression On peut aussi utiliser cette ind cision du r cit de vie pour d signer non un genre ambigu mais particulier mais l ensemble du champ biographique recouvrant la fois h t robiographie autobiographie et genres mixtes c est dire tous les textes r f rentiels racontant la vie de quelqu un qui a exist Le contexte permet de d terminer en quels sens l expression est employ e Lejeune 1980 p 230 Autant de signes de vie Lejeune 2005 qui d ploient la triple r volution psychologique politique et pist molo
152. u ou beaucoup de la vie d une personne Dans ce peu et ce beaucoup de cette donn e informelle appel e vie on ne saurait tablir ni encore moins fonder une recherche en sciences humaines Quoi de commun par exemple entre l historien qui part la r colte d informations sur le m tier de forgeron dans les ann es 1930 le sociologue qui veut saisir l histoire de vie d une personne pour d crypter un syst me de valeurs contemporain et le formateur qui utilise l histoire de vie en vue d effectuer un bilan professionnel dans la vis e d une reconversion Par d finition une recherche est avant tout orient e par ce qui est cherch et cela d termine des proc dures de recherche L approche des histoires de vie n est donc pas une approche en dehors d un projet d une strat gie de connaissance d un programme de recherche d une probl matique De plus elle ne peut que s articuler d autres modes de r flexion recherche Si l on veut par exemple obtenir des informations sur des faits pr cis dans un but historique avant d aller interroger divers protagonistes il convient videmment lorsque c est possible d effectuer un travail d archives c est dire de consulter des sources crites en fonction du but recherch l approche biographique est de ce point de vue tr s peu conomique et ses r sultats plus ou moins fiables n cessitent un travail de critique des sou
153. ui sont cens s se joindre de par leur dynamique intrins que Cette liaison semble tre le lieu d op rations propres ayant une sp cificit une autonomie Cette autonomie est relative bien stir aux l ments a relier mais semble ne pas s y r duire Au contraire ces l ments ou certains d entre eux semblent d pendre autant de ces relations que ces derni res de ceux l Un organisme humain qui ne respire plus est un corps mort L unit vitale de la personne n est assur e ni par son organisme seulement ni par son environnement mais par un ensemble d interactions entre les deux Et ces interactions se passent entre lui et les autres sujets et objets qui l entourent Cet entre apparemment vide commence donc appara tre comme un lieu hyperactif d op rations invisibles au moins double sens et double fonction de s paration et de communication d l ments trangers de nature et de niveaux diff rents physiques physiologiques psychologiques sociologiques C est un passage fronti re de reconnaissance et de transformation de l h t rog ne par distinction s lection rejet mais aussi par communication change C est un mi lieu privil gi o se jouent strat giquement l orientation et la formation de l organisme dans son environnement 2 Milieu strat gique de transactions vitales Par del les dispositifs de gestion professionnelle et institutionnelle de ces entre deux
154. ut Ces personnes sont associ es peu ou beaucoup aux diff rentes tapes de la recherche e l histoire de famille cas particulier du pr c dent type regroupe des r cits qui sont relatifs a une m me sph re familiale prise comme unit quasi organique Cette monographie est le produit d enregistrements ou de liens particuliers d observation et ou de compagnonnage relationnel long Lewis 1963 Delcroix 2001 e l histoire de vie collective concerne notre sens des situations o le r cit s op re en r f rence un v cu commun dans une collectivit donn e entreprise village association parti institution Les protagonistes sont n cessairement identifi s ou non comme membres Coulon Le Grand 2000 4 Du d marrage la mise en relation Toute d marche d histoire de vie est le fruit d une rencontre et d une mise en relation o chacun des interlocuteurs arrive avec ses questions Le narrataire pourquoi interroger Le narrateur pourquoi r pondre Dans les notices ou les entretiens biographiques le recueil des donn es correspond une tape o le chercheur est principalement per u dans son seul r le professionnel cela d autant plus que l cart social entre les deux sera important et les r ponses fonction directement de cet attribut social r el ou suppos Dans une histoire de vie sociale o 1l ne s agit plus seulement d tre impliqu mais de s impliquer la mise en rel
155. ut d op rer ce rapprochement de faire en sorte que s instaure un dialogue entre ces deux registres d activit s dans un but de conscientisation A notre sens la praxis de l histoire de vie en formation se caract rise par l option en faveur d une conception du lien social qui met au centre la valeur de respect de la personne susceptible d orienter sa vie a partir de la prise en compte des d terminants de sa propre histoire personnelle sociale situ e historiquement dat e et leur transformation en projet existentiel socialement inscrit Plut t qu un enfermement sur une exp rience pass e aussi riche soit elle il s agit de situer le r cit dans une articulation entre pass pr sent et avenir La perspective du projet de vie et de l action est ici fondamentale II Une construction Une histoire de vie ne saurait tre une histoire ayant un statut d objectivit ni d imm diatet par rapport un pass C est g n ralement une production construite et non pas reconstruite une construction a plusieurs tages e le regard d un pr sent sur un pass une m moire qui produit du sens e cela dans une interaction sociale dat e entre une personne qui raconte le narrateur du r cit mettant en sc ne une m moire et un interlocuteur le narrataire situ institutionnellement et plac dans une situation d coute repr sentation plac e id alement sous le signe d une certaine confiance d
156. vis vis d un spirituel vu comme ternel et sacr repr sente le nouvel espace temps d couvrir analogue la d couverte du Nouveau Monde op ration aventureuse de conqu te et de reconnaissance Car si elle n est plus vue comme hors la loi iconoclaste elle doit cependant trouver ses moyens et ses chemins ses risques et p rils parfois dans les suspicions et l opposition la fin du xvi si cle elle aura cr son mot autonomie 1596 De nouveaux genres d criture de vie apparaissent ou se multiplient au xvi si cle Ils consignent de grands v nements sociaux v cus par exemple les m moires Philippe de Commynes publie en 1524 ses M moires consacr s au r gne de Louis XI dont il a t conseiller Les m moires se situent donc l intersection de l histoire collective officielle des hauts faits et de l histoire de vie individuelle Elle est celle l vue ou v cue par un acteur t moin qui se juge important Un autre terme analogue souvenirs est utilis avec plus de modestie par des personnes qui se jugent moins importantes historiquement Mais c t de ce versant vie publique se d veloppent aussi des habitudes d criture de la vie priv e quotidienne pas forc ment intime Les bonnes familles bourgeoises tiennent ce qui est appel le livre de raison livre de comptes mais aussi livre de consignation des faits ph m res qui durent un jour mais tenus pour marqua
157. xpressions courantes et les font passer d un stade pr scientifique la scientificit selon leurs logiques sp cifiques cf chap I et HD Ces clairages disciplinaires sont tr s pr cieux pour d voiler des constructions na ves du sens commun plus ou moins illusoires et d monter ce qui a pu tre appel l id ologie biographique Mais certaines de ces pratiques r sistent ces r ductions disciplinaires Il nous faut inclure dans la vie les termes qu exclut chaque vision unidimensionnelle et nous r inclure nous m mes tres humains dans la d finition de la vie Morin 1980 p 387 Double inclusion qui va l encontre du Plan des travaux scientifiques n cessaires pour r organiser la soci t A Comte 1822 Mais ce plan positiviste date du xix si cle Et Comte tait le premier en reconna tre la relativit 2 Une dynamique autonome Sensible la praxis humaine comme praxis totalisante et donc l importance des acteurs et de leur subjectivit explosive F Ferrarotti la suite de J P Sartre et de L S ve d fend l autonomie de l histoire de vie comme science de production de l homme concret Cette autonomie selon lui impose une rupture avec les approches disciplinaires courantes car elle provient d un double d fi scientifique scandaleux Elle pr tend attribuer la subjectivit une valeur de connaissance et elle se place au del de n importe quelle m th

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