La compréhension comme événement :
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1. 133 Ad Ily a la noisette de terre a a n existe pas On le saurait 134 Cy Mais il y a plein de surnoms Des noms comme a Le conopode ils disent aussi que a s appelle noisette de terre C est qu on conna t pas ces mots Alors ils nous expliquent 135 So Oui J ai retrouv Les champignons les champignons dont je parlais l c est les pieds bleus Ben ils sont pas tr s bleus ANNEXE 3 267 Youssef Ah Tu nous a donn un texte devinette Mais d habitude c est pas comme a 268 M Qu est ce que tu veux dire 269 Marie Ben d habitude les devinettes c est sur ce qu on ne sait pas Mais l on sait ce que c est un homme qui a faim C est l envers 270 Pierre Mais alors tout ce qui est dit l c est pour de vrai a sert rien pour la devinette 271 M Tu peux nous redire a Pierre Tout le monde coute 272 Pierre Ben a qui nous explique qu il a faim c est pour faire l histoire Le reste il le met pour faire plus Il a pas besoin de l inventer 273 M Tu veux dire que s il y a quelque chose d invent c est ce qui concerne notre personnage C est a Et que le reste ce qui ne sert pas l histoire il l invente pas c est juste pour compliquer son esp ce de devinette J ai bien compris 274 Pierre Ouais Il a pas chercher lui Il conna t tout a les plantes ANNEXE 4 M Oui On avait annonc le froid2. dans leur approbation ou plus souvent dans leur suspension de jugement silencieuse que les enfants trouvent de quoi maintenir et approfondir leur raisonnement Le crabe bleu trouvera lentement sa justification depuis la stupeur qui accompagna l association d une b te et d une couleur inattendue jusqu la re d couverte de l appellation vulgaire par opposition une appellation scientifique et au ph nom ne de reformulation c est tout le statut du vocabulaire savant qui a t revisit et la relation des l ves eux m mes avec le r f rent possible de cette d nomination cf annexe 2 Dans cette spirale des indices qui se rediscutent on voit se nouer des collaborations En effet on constate r guli rement ce double mouvement concomitant D une part les l ves s attachent et s identifient une premi re hypoth se ils se sp cialisent dans telle ou telle difficult de la construction du r f rent textuel comme ici Gwena lle qui incarne l tonnement devant l association de la b te et de la couleur comme Sophie qui court apr s la r f rence la locution attest e de pieds bleus pour des champignons pas si bleus que cela D autres l ves t moignent sans rel che de leur relation au texte de leur questionnement propre Adeline fait un scandale du bleu d un crabe ou de sa m connaissance d une appellation vulgaire On le saurait Cyril lui tente de sauver la cr dibilit du texte au nom de la faillib
3. Depuis leur posture la Beckett ils nous rappellent la puissance et l vanescence de ce lien social que permettent les mots et que la litt rature g n re ANNEXE 1 Groupe des l ves qui pensent qu il va neiger Pas de neige dit la t l vision La t l vision et la radio mentent ou se trompent Il neige Il neige de plus en plus 4 5 6 100 2002 des milliers de flocons Tout est blanc les toits sont blancs Le monsieur au chapeau tremble La dame au parapluie tremble L enfant court Il crie Super la neige hip hip hip hourra Puis le soleil se l ve et fit fondre la neige Groupe des l ves qui pensent qu il ne va pas neiger Pas de neige dit la t l vision Pas de neige dit le monsieur au chapeau Trois flocons dit l enfant Pas de neige dit la dame au parapluie La dame au parapluie crie Pas de neige pas de neige L enfant et le chien ne la croient pas lls vont dans le magasin de livres et ach tent un livre de neige L enfant et le chien le regardent la maison Dans le livre ils voient le monsieur au chapeau la dame au parapluie le grand p re eux et les maisons Ah J ai bien vu un flocon de neige sur le grand chapeau du monsieur dit l enfant Puis il s endort Dehors il neige ANNEXE 2 32 Ma Non Mais une grande personne elle aurait peut tre trouv le nom du crabe En crivant elle aurait
4. tre pleines de vitamines Je ramasse quelques galets Pas moyen d atteindre les volatiles Je me rabats sur un crabe bleu des rochers Chair fibreuse et sal e qui me retourne l estomac Heureusement la pimprenelle au go t d licat pousse en nombre sur ces talus ainsi qu un conopode dont on appelle la racine noisette de terre Les l ves vont opposer les traits qui peuvent caract riser un documentaire et ceux qui marquent une fiction Une prise de notes assur e par la ma tresse met sous les yeux de tous les hypoth ses de chacun Ailleurs dans la classe de grande section la ma tresse a pr sent Neige jusqu au moment o va s affirmer l opposition Pas de neige dit la t l vision Mais les flocons de neige n coutent pas la radio ce point elle a propos d anticiper la suite de l histoire et elle a r parti les enfants en deux groupes ceux qui pensaient qu il allait neiger ceux qui pensaient qu il n allait pas neiger Une dict e l adulte a permis de fixer dans deux textes contrast s ces deux anticipations distinctes il est d ailleurs remarquer que ces textes crits pour fixer une m moire et l usage du lectorat de la classe tiennent l un et l autre compte in fine du point de vue adverse voir annexe 1 d embl e leur propre anticipation est relativis e par le fait que des pairs puissent en projeter une autre Apr s que le ma tre a analys les r sistances de l uvre et qu il a choisi son
5. classe les interpr tations avanc es La difficult de l entreprise am ne souvent les ma tres vivre la lecture litt raire dans leur classe comme une prise de risques fort aventureuse La s curit lecturale au prix de l ins curit du ma tre S int resser aux interactions dans la classe c est s interroger sur la gestion de fait des ma tres qui courent cette aventure c est tenter d en tirer des principes qui aident tous les ma tres inventer leur propre mani re d tre ma tre de leur classe sans lui imposer un magist re sur le sens des uvres Le travail de pr paration du ma tre D s le choix d une uvre lire et plus encore dans l laboration du dispositif le ma tre se doit d analyser pr cis ment les obstacles et les lieux de r sistance qu elle pr sente Nous ne d velopperons pas ce point largement abord ailleurs Nous voudrions seulement rappeler que l analyse d une r sistance se fait bien s r partir de la proposition du texte mais aussi partir de l valuation que l on a de la culture des l ves Tel livre peut r sister telle classe et para tre transparent telle autre N est il pas fr quent d utiliser en d but de Cours Pr paratoire pour initier les enfants une lecture autonome des albums compr hensibles d s la Moyenne Section de Maternelle Le travail du ma tre revient alors opacifier sa propre compr hension pour reconstruire ce qui peut faire obstacle aux l ves propos
6. des les d Auvergne propos la lecture d enfants de Cours Moyen deuxi me ann e l adulte a r prim l identification quasi automatique d une esth tique de la v racit superflue dans une fiction Il a imagin que ce livre poserait des difficult s lors des op rations de cadrage g n rique en particulier que feraient obstacles le blanc sur le narrateur la pr cision d un vocabulaire savant Ces points lui ont paru plus d licats que l op ration de fictionalisation qui consiste imaginer un monde o le niveau des oc ans serait mont la cote 1000 o La Chaise Dieu serait un tranquille port de p che et o Saugues serait la capitale de l Archipel des les d Auvergne propos de l Neige le ma tre se d prend du charme d un album qui pr sente un personnage tendu par son d sir qu il neige Il identifie la rupture de la vraisemblance qu on mesure dans l illustration o les figurines d une devanture descendent l invitation de l enfant et se mettent danser avec lui pendant que tombe la neige esp r e Il pointe le jeu d une narration dont on ne sait plus si elle n pouse pas sans le dire l espoir du personnage si dans la suspension de toute frustration ou satisfaction cartant tout principe de r alit elle ne repr sente pas pour lui et pour le lecteur l objet de son attente Sur la base de cette analyse le ma tre d termine le choix d un dispositif de mise en selle du lecteur un dispositif de premi re p
7. dispositif il lui reste anticiper l argumentaire que les enfants sont susceptibles de d velopper La ma tresse de Grande Section avait ainsi pr vu que les enfants feraient tat d un c t des erreurs attest es des pr visions m t orologiques de leur exp rience du mensonge ou de la d sinvolture d adultes embarrass s de l autre c t qu ils consid reraient la rupture de la vraisemblance laquelle jette une suspicion sur l ensemble du r cit avec sa cohorte de justifications probables c est un r cit merveilleux c est un r ve la figurine est une sorci re et t moigneraient du cr dit qu il faut bien porter l autorit des grandes personnes Cependant un ma tre ne saurait imaginer toutes les associations d id es qui mobilisent des savoirs Par exemple n avait pas t retenu le r le d un papier peint o se voient comme des flocons de neige dans la pi ce o se tiennent le grand p re et sa t l vision Pourtant ce travail de clarification est indispensable pour que le ma tre puisse entendre pendant la classe les lieux fussent ils inattendus o s investit la lecture des l ves Accompagner le parcours des l ves C est dans la controverse ainsi artificiellement provoqu e que prennent sens et s organisent ces op rations lexiques fondamentales que sont la saisie des indices pertinents leur mise en relation avec d autres faisceaux d indices diss min s dans le texte mais r unis dans une tentative de compr
8. neige Et c est pas le chien qui nous le dira Parlent pas les chiens Les chiens ils parlent pas sauf des fois dans les histoires Mais l l auteur il le fait pas parler Y a pas besoin Le chien il est l pour nous Pour qu on sache pas et qu on sache quand m me Ouais nous On sait pas mais quand m me La neige on voudrait bien aussi
9. profond ment l existence de livres au statut ind cidable les livres qu on peut pas savoir mais leur perception de ce qu on peut attendre d un livre a du m me coup t largie et imm diatement r investie Devant des livres d affabulation comme Dr le de zoo les enfants ont t tent s puisque ce n tait manifestement pas une histoire de r ve d imaginer que c tait un de ces livres qu on peut pas savoir Il a fallu un dispositif ing nieux de la ma tresse pour leur faire prendre en compte l amusement du personnage aux jeux d ombres Par cet oubli de la phase d incompr hension cette phase qu il est si complexe pour le ma tre d anticiper et de reconstituer quasi arch ologiquement il se signe l ach vement de l interpr tation et l acc s une compr hension qui comme on en fait tous les jours l exp rience se produit l insu du sujet qui comprend Conclusion Au terme du parcours le lectorat qui constitue la classe est profond ment transform par l appropriation d un nouveau classique Mais chaque l ve se trouve en situation d int rioriser cette r f rence nouvelle et d lever son niveau d exigence dans l exercice de la lecture solitaire La compr hension difficilement conquise se pr sente alors comme un v nement paradoxal elle d termine un avant et un apr s mais sa conqu te m me est promise cet oubli qui marque toutes les exp riences originelles De m me qu on ne se souvient p
10. Quelles m diations pour am liorer les strat gies du jeune lecteur La compr hension comme v nement les interactions dans la classe Pierre S ve I U F M d Auvergne et I N R P L introduction de la litt rature l cole pose aux ma tres des questions auxquelles la tradition ne fournit pas de r ponse De fait traditionnellement par le truchement de questionnaires d explications de gloses l cole confronte la lecture des enfants celle des adultes ou du moins celle attendue par les adultes initier une lecture litt raire viser la litt rature en tant que telle signifie de proposer aux enfants des textes r sistants pour qu ils en disposent non sans soumettre l laboration qu ils vont en faire aux exigences du texte C est dire d une part que le ma tre ne peut pas anticiper totalement ce que les l ves vont faire du texte ce qu ils vont y lire Le texte est assez r sistant pour que les l ves doivent mobiliser leur culture afin de le rendre lisible et l on ne peut pas savoir exactement quelles r f rences surgiront dans l esprit des enfants C est dire d autre part et par voie de cons quence que le ma tre va devoir r agir la fois dans une certaine improvisation tactique et dans une grande rigueur strat gique Bref il va devoir piloter vue Pour beaucoup de ma tres cela correspond une mutation dans leur pratique il ne s agit plus d instruire les enfants de servir des objectifs cl
11. airement d finis pour tous et de passer outre des obstacles pist mologiques pr d termin s il s agit d accompagner de cultiver et de r guler la curiosit d enfants De soutenir d assouplir de contenir leur recherche t tonnante et inconsciente d elle m me d un gain symbolique Les conditions pour que l uvre op re et que sa r ception soit r ussie sont du moins dans le principe simples les l ves doivent se sentir dans une s curit lecturale suffisante Essentiellement que leurs propositions soient entendues trait es m me les plus d viantes m me les plus t nues Surtout qu elles ne soient pas confront es la compr hension du ma tre qu elles ne soient pas disqualifi es comme autant d approximations n gligeables ou pire autant de contresens Il est donc n cessaire que le ma tre d pose son pouvoir traditionnel de valider ou d invalider il faut que l appr ciation de telle ou telle proposition soit d volue au groupe de la classe Le ma tre est ainsi conduit occuper une posture double D une part bien s r il se porte garant des droits du texte et pour ce faire il conna t parfaitement le livre il sait imaginer les d tours utiles pour que les l ves prennent en compte les l ments de texte qui rendent impossible telle ou telle proposition D autre part il maintient une r serve qui lui permet de taire sa propre compr hension il se tient dans un r le de miroir qui renvoie au jugement de la
12. as des errements qui ont pr c d notre apprentissage du d chiffrage de m me on ne se souvient pas des incertitudes qui nous ont amen s comprendre les achronies du policier classique les brouillages des documentaires narrativis s etc Tout se passe comme si d avoir int gr la connivence d une soci t qui dispose de r f rences communes dispensait de garder la m moire de leur conqu te et de leur premi re laboration Le travail du ma tre appara t alors comme l effort pour envisager l impensable le geste d avant la culture celui qui permet pourtant aux enfants de prendre le risque d prouver de l in dit de penser du nouveau 5 Max et les Maximonstres Maurice Sendak cole des loisirs Snap Snap Hawkins Albin Michel Jeunesse L dredon Ann Jonas cole des loisirs On lit aussi en classe des livres d une grande force symbolique qui vont continuer longtemps leur chemin dans l esprit des l ves Un regard r trospectif n est alors pas envisageable 7 Dr le de zoo G McHargue amp M Foreman Gallimard Jeunesse Dans ce contexte c est par un hommage que nous voudrions conclure hommage aux enfants hors jeu aux enfants hors de la connivence les Florian dont parlait Mme Tauveron les Beno t dont parlait velyne Bedouin les Pierre les Benjamin et tous les autres qui mettent la question ou au travail c est selon la soci t o ils se meuvent leurs ma tres et les didacticiens que nous sommes
13. cit le nom Elle l aurait pas appel comme a 88 Ju Ily a des oiseaux de mer il y a la mer il y a un crabe Et ce crabe il est bleu 89 M Et tu comprends quoi toi avec ce crabe bleu 90 Ad Ben c est bizarre un crabe bleu Peut tre c est pas ici a se passe tr s loin 91 M Ah oui Tu penses que c est exotique un crabe bleu a serait ailleurs dans un pays lointain 92 H C est quelqu un qui vit une aventure et qui crit son journal 93 Gw Et si le crabe est bleu c est peut tre qu il s est pass quelque chose 94 M Quoi par exemple 95 Gw Ben Une catastrophe a t 106 Ma Il y a peut tre du vrai et du faux 107 Ad Oui parce qu un crabe bleu 5 115 M Ah Tu crois que c est possible a Un roman qui se transforme en documentaire 116 Gw T as d j vu un crabe bleu toi z 124 Cy Mais un crabe bleu Pourquoi a n existerait pas Ily ena beaucoup des animaux On ne les conna t pas tous 125 So Et peut tre qu on l appelle comme a mais pour le bleu peut tre il n est pas tr s bleu Que c est juste un nom comme a mais que a ne veut pas dire qu il est vraiment tr s bleu C est comme les champignons 126 M Ah oui Toi tu penses a 127 Cy Alors tout est vrai dans le texte 128 M Ah ah Notre probl me alors c est Est ce que tout est vrai dans notre texte
14. conflit s est av r insoluble dans le monde pos par le livre comme dans un ultime recours Benjamin oblige consid rer l ensemble du livre et l paisseur de sa narration C est la derni re tape de ce moment Un point d arriv e La r ussite du parcours elle se mesure entre autres choses par la qualit des interactions nou es entre chacun des l ves et le livre Une s quence de lecture r ussie est celle qui m ne les l ves occuper pleinement une position de lecteur autonome par rapport un texte qu ils n auraient pas su lire seuls En Cours Moyen ce fut l nonc d une sorte de mode d emploi du livre C est une histoire monter tout seul comme une maquette a d clar un l ve Parfois cette position est tr s concr tement situ e dans le livre Ainsi apr s II Neige les l ves de Grande Section ont lu Komodo L le au dragon de Peter Sis qui avait aussi mobilis une r flexion sur le point de vue obsessionnel du personnage et Ne te mouille pas les pieds Marcelle de John Burningham autour d une probl matique similaire Mais dans ce dernier livre appara t un petit chien toutes les images sauf la derni re quand la famille quitte la plage et que la jeune Marcelle renonce son jeu d affabulation Les l ves se sont interrog s sur le sens de cette pr sence canine peut tre tait ce lui qui avait provoqu la fantasmagorie que pr sente le livre et se sont souvenu que dans I Nei
15. cope la grenouille dans Plouf Philippe Corentin l cole des loisirs le pingouin dans L Usine du P re No l de Stickland ensuite des histoires de r ve Les l ves ont pu alors opposer ces derni res o l irruption de l invraisemblable est justifi e par le motif du r ve ceux comme J Neige ou bien Komodo o le statut de la r gle fictionnelle est ind cidable En Cours Moyen la fr quentation d autres carnets de voyage fictifs ou non a permis d tablir les r gles d un genre que les l ves n avaient pas encore con u Le travail r trospectif ainsi demand d place r guli rement le regard Il suppose l interaction entre les l ves et le livre suffisamment m rie suffisamment achev e pour qu une prise de distance soit possiblef C est le moment o dans certains cas dans notre classe de Cours Moyen par exemple les l ves peuvent d contextualiser un proc d et vouloir en explorer dans leur propre criture les effets ou du moins ils peuvent formaliser leur parcours nommer une cat gorie de livres ou de probl me de compr hension concevoir un sch ma Le surprenant c est que r guli rement la suite de ce travail le souvenir de la phase de doute et d incertitude se dilue s oublie s efface dans la construction de nouveaux outils conceptuels de ces outils qui permettront de proc der aux op rations de cadrage devant de nouvelles lectures Ainsi dans notre Grande Section les l ves ont prouv
16. ermont Ferrand Ce m me travail a t pr sent dans une autre perspective dans le n 12 de la revue Lire crire l cole C R P D de Grenoble janvier 2001 Il Neige Uri Shulevitz kal idoscope 1993 Le travail a t men dans la classe d lizabeth Rougier G S cole Maternelle Edgar Quinet Clermont Ferrand travail sont souvent les plus simples mettre en uvre C est qu ils d placent le regard des l ves qui ne sont plus seulement dans la position de lire le texte mais aussi tout de suite de lire aussi les lectures des autres Quand il s agit de comparer diff rentes lectures la sienne et celles de ses pairs il devient plus facile d identifier des causes en amont de ces lectures d exercer une valuation par la prise en charge des mots crits Finalement d prouver cette posture valuatrice permet d int rioriser ce contr le dialogique qui seul permet l exercice de la lecture solitaire Ainsi la ma tresse a s lectionn des les d Auvergne une page apparemment simple qui pourtant outrepassait les comp tences des l ves ce moment du r cit le narrateur a fait naufrage il se retrouve sur une plage d serte il a faim La page pr sente les dessins d un gravelot d un huf trier pie l gend comme le ferait un naturaliste et une plante s ch e comme celle d un herbier Un texte court entre ces images J observe des petits gravelots qui trottinent sur la plage Ces petites b tes doivent
17. et il n y en a pas eu Mais notre livre qu est ce qu on en pense Est ce que le grand p re l homme au chapeau la dame au parapluie et la radio est ce qu ils se trompent C est pas Max Et la t l M Oui et la t l Alors c est possible qu ils se trompent Qu est ce que vous en pensez Be La ville elle est toute grise Faut qu elle devienne blanche C est oblig M Ah Benjamin il se souvient du d but C tait crit La ville enti re est grise ANNEXE 5 Be La neige elle tombe pas C est juste lui qui veut M Ah pour toi il ne neige pas Tu penses quoi alors Be Il veut Comme a Il aime bien la neige Moi quand il neige je regarde Je regarde et Ouais C est beau Ma Moi quand a neige j aime bien E inaudible boule de neige Mar Fait froid r chauffe M Benjamin il nous disait que c tait beau la neige Be Ben je regarde Je l attrape J aime bien M Oui Tu aimes bien la neige ce qu on peut faire avec Des boules de neige par exemple Tu n es pas le seul je crois Mais dans notre livre il neige ou pas Qu est ce que tu crois Ma Moi je fais des boules de neige et je lance sur les grands M Oui Mais je posais la question du livre Benjamin Qu est ce que tu penses Benjamin Qu est ce que tu penses du livre Il neige ou pas Be Je sais pas Quand je regarde j aime bien que a
18. ge il y avait aussi un chien On retourne au livre et l on constate que la formule souvent r p t e dit l enfant au chien devient la derni re page dit l enfant Il s ensuit une discussion grammaticale sur la valeur de ce au chien qui d bouche naturellement sur une interrogation sur le sens de cette parole adress e un chien Les l ves laborent alors une lecture o le chien occupe une figure de spectateur charg d attester la r alit de la vision de l enfant Et les l ves se montrent alors tout dispos s s identifier ce chien t moin En quelque sorte ils r laborent le livre sur le mod le des nombreux livres pour jeunes enfants o un petit personnage inutile l intrigue vient inscrire chaque page comme la permanence du lecteur Les l ves trouvent ainsi leur place dans le livre ils per oivent comment eux aussi les lecteurs sont somm s d attester la r alit de cette neige esp r e Si le lecteur trouve sa place s il parvient r gler la bonne distance d o consid rer le livre c est aussi que le livre lui m me trouve sa place dans l ensemble des livres S il est d autres cas o le livre se range ais ment dans la biblioth que d j constitu e dans nos deux exemples c est un tri de livres a posteriori qui a permis d achever le mouvement interpr tatif En Grande Section la ma tresse a propos Par exemple l escargot dans Qui est la B te Keith Baker kal idos
19. hension la mobilisation consciente de savoirs de r f rence et le questionnement de ces derniers Mais il importe ici de caract riser le d veloppement de la controverse Le premier trait est l aspect r versible de plusieurs des indices consid r s Ainsi propos de II Neige la pr sence du motif qui voque des flocons de neige sur le papier il peut justifier que l enfant d veloppe une fantasmagorie qui lui soit personnelle qu il trouve mati re renforcer son d sir propre jusqu tenir qu il neige alors que cela ne serait pas vrai pour les autres personnages ce motif peut aussi tre analys comme le choix d un narrateur illustrateur qui anticipe ainsi la neige qu il va mettre en sc ne dans la suite de l histoire Les l ves de Grande Section ne sont bien s r pas facilement conscients du saut dans leurs propositions entre une analyse du monde repr sent et leur analyse des strat gies narratives ils per oivent seulement l ambigu t de l indice s lectionn propos des fles d Auvergne l appellation de crabe bleu sera aussi ramen e une interpr tation au niveau du monde repr sent ce crabe est bleu parce qu une catastrophe l a bleui et une autre au niveau de la valeur discursive ce crabe est dit bleu parce que c est une d nomination technique Une autre caract ristique cons quente est le d veloppement spiralaire lent et t tonnant des discussions C est dans le miroir de la r action des autres l ves
20. ilit des lecteurs On conna t pas tout a D autre part il s organise peu peu des va et vient entre construction du r f rent identification des strat gies narratives et rep rages de choix d auteur Ici on voit comment la difficult d Adeline C est bizarre un crabe bleu entretient le scandale de Gwena lle T as d j vu un crabe bleu toi et plus nettement encore comment la proposition de Cyril autour des reformulations relance la recherche de Sophie qui trouve enfin r cup rer sa formule de r f rence On peut penser qu au c ur de l alchimie de la lecture dans ce travail d interpr tation en amont de la compr hension tout comme dans les d couvertes de texte au Cours Pr paratoire il y a cette double injonction construire la coh rence du texte dans la construction du r f rent dans l intellection d une strat gie de communication plus rarement dans la perception de choix d auteur ET mobiliser les r f rences utiles pour rendre compte de la litt ralit du texte que ce soit sur la base de proc dures analogiques ou sur la base d une th orie des fragments de textes R f rences in galement partag es dont chacun pour sa partie se pose en d fenseur Entre les tenants de l une ou l autre position des interactions fructueuses s observent Parmi les configurations multiples de cette collaboration nous voudrions insister sur un cas de figure celui o entre en sc ne un tr
21. l neige le lecteur peut nourrir une l gitime suspicion sur sa r alit Benjamin est alors r duit faire tat de son motion en empruntant une parole d origine probablement adulte qui puisse la l gitimer C est beau ressortit d un jugement esth tique qui n est pas du tout naturel dans la bouche d un enfant de cinq ans laquelle parole il peut l esp rer va lui permettre de se d fausser de sa parole propre Mais il se trouve pris enr l par cette attention de la ma tresse Deuxi me tape Benjamin renonce une connivence facile avec ses pairs il refuse la justification de ce go t par le plaisir aux batailles de boules de neige plaisir nullement voqu dans l album plaisir qui n est pas non plus le sien Ici Benjamin refuse une parole port e par la classe sans trouver encore des mots lui qui diraient sa lecture propre mais on per oit d j l amorce d un retour au texte contre la lecture de la classe Troisi me tape Maxime un bon l ve souvent dans la collaboration avec la ma tresse cesse de lire le livre pour lire la lecture produite par Benjamin pour y lire le ressort de la projection narcissique Benjamin se trouve alors dans une sorte de position d fensive dans une tension qui va le porter jusqu la col re et la grossi ret Surtout pour chapper ce jugement il est amen se d prendre de son propre d sir de neige pour resituer le conflit entre les personnages du livre Apr s que le
22. neige Peut tre juste comme Peut tre C est pas qu il veut faire des boules de neige a neige dans son Il veut tellement M Tu penses qu il ne neige pas vraiment Be Juste comme a Il pense Voudrait Max Alors c est comme on disait les figures du magasin C est pas possible M Oui on disait les figures du magasin elles sortent de la devanture Elles se mettent danser C est pas possible Toi tu penses que les flocons ils tombent comme les figures sortent du magasin Que c est pas possible Be Moi j aime bien qu il neige Max Oui l enfant il aime la neige Benjamin aussi l aime la neige Et voil Be L enfant il fait ce qu il veut II veut de la neige il la voit elle est l M me si elle tombe pas Quand je regarde elle tombe pas mais elle est l Moi j aime la neige M Tu veux dire que l enfant il aime la neige tellement qu il en voit m me si elle tombe pas en r alit Be Ouais Et la dame au parapluie on s en fout ANNEXE 6 la fin y a plus dit l enfant au chien Y a plus que dit l enfant Il parle plus au chien Oui avant y avait l homme au chapeau la dame au parapluie Mais non a qu il dit Johann c est que Ouais L enfant il parle au chien L homme il parle pas au parapluie Quand m me dit l enfant au chien Il a un chien Ben oui sur les images T as rien v
23. r lui m me le texte serait lisible lui permet de ne pas s engloutir dans les controverses de la classe de les consid rer avec distance et parfois ironie de s appuyer sur sa propre qu te d un gain pour noncer un point de vue auquel personne n avait encore song En Grande Section c est encore une parole venue d ailleurs qui a marqu une avanc e d cisive Alors que la discussion s enlise dans l appr ciation du cr dit faire aux pr visions m t orologiques Benjamin revient au texte et d une recherche de vraisemblance d place le regard la coh rence d une strat gie narrative voir annexe 4 La ville elle est toute grise Faut qu elle devienne blanche C est oblig Mais c est l amont de cet v nement qui nous int resse Benjamin est identifi dans la classe comme un r veur Il a montr son go t pour la neige son attachement ce qu il neige dans cette histoire S appuyant sur la force de ce lu qui s impose lui il a identifi ce m me go t et cette m me envie au personnage enfantin Ce lien direct au monde repr sent la force de cette envie de lire la chute de neige cette envie de voir confirm son investissement personnel l affranchit peu peu des paroles d autrui pour se centrer sur la parole du livre Premi re tape la ma tresse prend au s rieux la r versibilit insouciamment nonc e de son argument car si le personnage comme Benjamin lui m me tient tellement ce qu i
24. r sentation II s offre de nombreuses possibilit s aucune ne s impose a priori Le plus efficace sera celui qui redouble les effets du texte le brouillage g n rique pour notre premier exemple et l ind cidabilit de la r gle fictionnelle dans le second Le plus efficace sera encore celui qui permettra des divergences entre les lectures des l ves et qui instaurera un dialogue entre eux Car c est dans l espace de parole ainsi ouvert qu on peut les amener r voquer en doute leur premi re compr hension revenir au texte r interroger explicitement leurs r f rences finalement n gocier le sens de l uvre pour reprendre la belle expression de Bruner Enfin le dispositif efficace sera celui qui permettra la constitution de lectorats diff renci s f t ce provisoirement si le texte ne pose des probl mes que de compr hension au sein m me de la classe Nous t cherons de montrer en effet que les l ves entrent dans ce travail partir d une position sociale dans la classe qu ils se sentent devoir d fendre Fondamentalement c est celui qui mettra au jour le scandale ou plus modestement le trouble potentiel Ainsi les dispositifs qui recourent des crits de 1 Dans Lire la litt rature l cole Tauveron dir Hatier 2002 par exemple Les les d Auvergne Imago Sekoya doublev b r cup diteur 1993 Le travail a t men dans la classe de Liliane Astier C M 2 cole Aristide Briand Cl
25. u ou quoi Je comprends rien a dit qu il a un chien ou qu il parle son chien Ben Les deux a dit les deux Comme on veut Ben s il parle plus au chien C est qu y a plus besoin Ah oui avant fallait que le chien Le chien aussi y voyait Maintenant c est plus la peine Moi mon chien c est comme s il parlait M Oui ta Maman elle dit a Ton chien c est comme s il parlait Mais ici Est ce qu il parle Non Le chien il dit rien Il dit rien Mais c est comme s il disait comme s il tait avec l enfant L enfant au chien a veut dire qu il est comme qu avec lui comme qu il peut pas qu il peut pas s en aller Moi je sais C est le chien qu il peut pas dire autrement qu il faut qu il voie la neige aussi Alors la fin c est plus pareil Le chien y a plus besoin Puisque la neige il la voit Il a plus besoin du chien Ouais C est a Il a plus besoin du chien Il a le regard Il la voit la neige Comme Benjamin Mais il a un chien ou pas Je sais ouais Y a un chien sur l image Mais oui il a un chien C est un gar on il a un chien et il veut que le chien il voie la neige comme lui Mais la fin il la voit tellement qu il a plus besoin que son chien la voit aussi Il est s r lui Tu comprends Ah ouais Comme a N emp che Nous on sait pas Il l a peut tre jamais vue cette
26. ublion un de ces l ves qui s accordent difficilement avec les socialit s de l cole Ce type d l ve est souvent celui qui est le plus r calcitrant tout dispositif qui insisterait sur tel ou tel niveau de coh rence toujours pr t d noncer la cible au nom d une autre coh rence voire d un hors jeu radical et qui se trouve de ce fait le plus disponible un va et vient entre les divers niveaux de coh rence Ainsi c est Pierre qui d noue les errements autour du cadrage des les d Auvergne Voir annexe 3 sur la base d un concept douteux d ailleurs de texte devinette il mobilise la fois une repr sentation fonctionnelle de l criture a sert rien et un enjeu esth tique pour faire plus Mais le m me l ve avait accueilli la photocopie lire par ces remarques mises a parte qui disent autant la disqualification de l objet lire que celle de l artifice scolaire 7 Pi C est fabriqu a 9 Pi Elle la ma tresse a trouv a dans son grenier On peut penser que cette m fiance manifeste l envie d chapper un enr lement collectif et de restaurer l ind pendance de sa lecture De fait durant l ensemble de la s ance les rares remarques de Pierre ont interrog la relation de l crit avec l enfance tait ce ou n tait ce pas un texte pour les enfants un texte crit par un enfant Ce souci de trouver son propre point d accommodation le point d o pou
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