La corporation des cuiratiers à Marseille dans la première moitié du
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1. M diath que VASH P riodiques Pa P 000047 Exciu du Pr t Lo i V La corporation des cuiratiers Marseille dans la premi re moiti du XIV si cle En juin 1966 M Marc Dupanloup pr sentait la Facult des Lettres d Aix sous la direction de M le professeur G Duby un dipl me d tudes sup rieures sur la corporation des cuiratiers Marseille L auteur a bien voulu r sumer pour notre revue lessen tiel de son m moire en un article de quelques pages Ses recherches dans les minutes du notaire qui instrumentait dans le quartier de la Cuiraterie lui ont permis de dresser un tableau pr cis de l activit de ces artisans Apr s la r cente th se de M Dietrich Hauck sur Jean Blasi ce travail am liore encore nos connaissances sur les techniques professionnelles et la vie sociale Marseille dans la premi re moiti du XIVe si cle Les registres notariaux repr sentent toujours pour l histoire une source non n gligeable de renseignements Ceux de Raymond Rougier r dig s entre 1320 et 1350 fournissent une masse appr ciable d indications sur la corporation des cuiratiers tant en ce qui concerne les aspects techniques qu conomiques et sociaux de cette organisation Nous retiendrons comme d finition du mot cuiratier celle qu en donne F Mistral c est dire tanneur marchand de cuirs qui correspond exactement aux activit s des cuiratiers telles que nous2. Ces maisons situ es l int rieur des remparts sont de valeur tr s in gale Pierre Cayrellier se distingue tout particuli rement dans les transactions sur les biens meubles et immeubles En quelques ann es il ach te 231 livres de biens fonciers entre en possession de deux maisons en loue deux autres ainsi que trois domaines et vend pour 69 livres de terres el vignes Certes il confie encore quelques commandes des marins se dirigeant vers la Sardaigne mais il semble abandonner la direction de ses ateliers son fils c est ce dernier que les marchands proven aux s adressent lors de leurs achats Un jeune cuiratier Poncet Barral agil quelques fois en son nom et joue dans ces circonstances le r le d un fond de pouvoir auquel Pierre Cayrellier confie une part de ses respon sabilit s ce qui lui permet de se consacrer ainsi d autres activit s Raymond Juguet lui aussi ma lre de m tier s illustre pour sa part dans un domaine assez inattendu le pr t int r l En raison du discr dit jet par l Eglise sur lous les profils r alis s gr ce au maniement de largent le taux usuraire mest jamais pr cis au contraire on souligne que le pr t est gratuil Toutefois B Roberty a pu tablir que le loyer de largent s levait 3 83 en 1332 5 en 1339 el 15 en 1345 Raymond Juguel comme plusieurs de ses confr res pr le surtout des personnes issues des cat gories sociales peu lev
3. 64 65 18 Arch d p des B TR 381 E 69 f 53 v Ainsi le 1 octobre 1332 Jacques Rascasoli loue Raymond Ricau pour 4 ans partir de la Saint Michel 3 cauqui res de son atelier situ hors les murs rue des ateliers LES CUIRATIERS A MARSEILLE 199 Bien qu tabli une poque plus tardive que celle envisag e dans le cadre de cette tude ce livre est dans une certaine mesure le reflet d habitudes de travail n es avant sa r daction Nous pou vons donc y puiser d int ressantes indications Le s jour dans les truelhs fait l objet d une r glementation tr s pr cise Tout d abord il est ordonn que toutes les peaux d Espagne du terroir de Sardaigne ou de Barbarie qui seront trait es l corce de ch ne ou de myrthe devront rester dans les truelhs un an pour celles d Espagne et du terroir neuf mois pour celles de Sardaigne et de Barbarie Le jour o elles seront d pos es dans les truelhs devra tre relev et not par les prud hommes qui seront lus et auxquels ceux qui voudront traiter des cuirs devront faire appel Et aucun de ceux qui adobent appr tent n osera sortir les peaux avant que celles ci maient t vues par les prud hommes qui devront constater si elles sont suffisamment adob es ou non Dans le cas o elles ne le seraient pas elles devront tre remises dans les truelhs et y rester aussi longtemps que les prud hommes l estimeront n cessaire pour leur bonne p
4. es marins muletiers labo ratores et quelques ouvriers de la cuiraterie Les sommes engag es exc dent rarement 5 livres elles n atteignent parfois que quelques sous Notons que les solliciteurs ne sont pas exclusivement mar 34 Arch d p des B d R 381 E 67 f 9 10 13 etc LES CUIRATIERS A MARSEILLE 209 seillais et arrivent souvent des villages voisins Gardanne Trets Les Pennes Saint Marcel Les cuiratiers n h sitaient donc pas se tourner vers d autres domaines que la tannerie et tendre le champ de leurs activit s Les placements de Bertrand de Rocet de Pierre Cayrellier et de Raymond Juguet nous r v lent la fois leur r le dans la vie de la cit puisqu ils entrent en rapport avec des gens de tous les horizons et leur mentalit conomique De m me les testaments et les dots nous permettront de progresser dans la connaissance de leurs coutumes familiales et religieuses et dans l valuation de leur fortune LES DOTS Des contrats de mariage il ressort que les cuiratiers prati quaient largement l endogamie les conjoints taient souvent issus l un et l autre de la cuiraterie Mais les unions hors de la corpo ration ne pr sentent pas un caract re exceptionnel Pierre Bermond fils de Bertrand et Jacoba drapier pouse Jeannette fille de Bonacorsio cuiratier tandis que Guillaume Jean notaire donne sa fille Guillaume Cayrellier cuiratier 3 L on sait l
5. m rite cependant d tre mentionn e Cette volont de propret nous l avons vu est d j pr sente dans les prescriptions du Livre Rouge Plus tard on recommandera instam ment aux tanneurs d assurer l vacuation de leurs eaux us es ainsi que le nettoyage p riodique des abords de leurs locaux En effet plusieurs reprises leurs voisins d plorent que les r sidus de leurs travaux source d odeurs naus abondes restent sur place De m me en 1331 1332 date laquelle les cuiratiers sont d j pr sents sur les rives du Jarret les eaux de ce ruisseau sont jug es trop sales pour que l on puisse autoriser leur coulement vers le port Des d l gu s sont alors nomm s qui devront trouver un moyen de d tourner le cours du ruisseau et de ses affluents Ce souci de propret quel que f t le succ s qu il connut prouve qu Marseille les diles ne demeuraient pas inactifs face aux probl mes de la voirie communs toutes les cit s m di vales C est dans ce cadre que les cuiratiers proc daient au tannage des peaux LE TRAVAIL DU CUIR Le 7 novembre 1328 Durant Brotin fils de Pierre Brotin cuiratier s engage chez Hugues de Nans cuiratier pour deux ans partir de la prochaine f te de No l planer toutes les peaux de qualit s sup rieure et moyenne qui lui seront fournies Il recevra LES CUIRATIERS A MARSEILLE 197 52 sous par s rie de 40 peaux de qualit s sup rieure et moyenne d
6. pouvons les saisir travers les registres de Raymond Rougier de pr f rence celle propos e par M Cr mieux cordonnier En outre dans les Statuts de Marseille toutes les prescriptions int res sant les cuiratiers sont relatives au traitement et au tannage des peaux alors que le cordonnier utilise une cat gorie de cuirs bien d finie le cordouan destin essentiellement la fabrication des chaussures PROVENCE HISTORIQUE t XIX fasc 77 JUILLET SEPTEMBRE 1969 190 M DUPANLOUP Les mulliples utilisations du cuir expliquent elles seules le r le essentiel jou cette poque par les corporations de tanneurs Le cuir entrait en effet dans la fabrication des articles vestimen taires chausses bottes capes manteaux parures des nobles et des tenues de travail tabliers de forgerons cordonniers tanneurs lonneliers En outre dans une civilisation r servant une large place au cheval le cuir repr sentait l l ment indispensable tant pour la cr ation que l entrelien des pi ces de harnachement Les marins eux m mes y avaient recours par exemple pour consolider les coins de leurs voilures Le travail du cuir permettait la vie d une foule de m tiers ganliers cordonniers savetiers bourreliers tous d pen dant troitement de la corporation des cuiratiers A l aide des registres de Raymond Rougier compl t s le cas ch ant par d autres sources il nous a t possible
7. assurer le salut de leurs mes et par testament de transmeitre qui elles d sirent leurs biens et leurs richesses LES TESTAMENTS Les cuiratiers c l braient le 6 juin dans l glise des Trinilaires la f te anniversaire de leur patron saint Claude v que de Besan on Cependant c est dans le cimeti re de l glise des Fr res 36 Arch d p des B d R 381 E 67 f 137 et 68 f 75 v LES CUIRATIERS A MARSEILLE 211 Mineurs qu eux et leurs pouses d sirent tre ensevelis Le renom du couvent des Fr res Mineurs 7 se trouvait rehauss par la pr sence dans ses murs du corps de saint Louis v que de Toulouse fr re du roi Robert Sa situation face la porte du march au voisinage de la rue des Ateliers explique tout l int r t que lui portaient les cuiratiers amen s le c toyer quotidiennement Ceux ci poss dent pour la plupart un caveau familial dans le cimeti re du couvent Certaines pouses de cuiratiers pour des raisons personnelles choisissent d autres lieux de s pulture Douce Pellegrin femme de Guillaume Bourgondion formule le v u de reposer dans le cime ti re de l glise des Augustins tablissement religieux tr s fr quent par les m gissiers et proche de la rue des Tanneurs intra muros probablement parce qu elle est issue d une famille de m gissiers Et c est une explication analogue d sir de reposer parmi les siens qu il convient de fo
8. de la ville Cet tat d esprit trouve sa pleine illustration dans la r partition des amendes frappant ceux qui pas saient outre aux d cisions des prud hommes et envoyaient sur le march des cuirs insuffisamment ou non conform ment appr t s Ces cuirs taient confisqu s et mutil s le contrevenant se voyait priv du droit d exercer Marseille contraint d abandonner son quartier en raison du d shonneur attach son nom et frapp d une amende de 100 livres Cette amende destin e r parer le pr judice caus aux trois parties int ress es tait ainsi r partie un tiers au plaignant ou accusateur c est dire tr s sou vent le client un tiers aux jur s c est dire aux repr sentants de la cor poration un tiers la cura del port c est dire la ville Nous ne retiendrons de la commercialisation des cuirs que quelques aspects puisque la plus grande partie des transactions nous chappe Nous ne conservons en effet aucune trace des achats pay s au comptant Les actes de vente cr dit preuve de la confiance et des relations suivies existant entre cuiratiers et mar chands nous apprennent que les acheteurs arrivaient de toutes les r gions de haute et basse Durance L absence de renseignements indispensables prix de la chaux volume de tannin et de chaux n cessaire etc ne nous a pas permis d valuer avec pr cision l ampleur des marges b n ficiai
9. de saisir quel ques aspects caract ristiques de cetle corporalion tant sur le plan des activit s professionnelles que sur celui de la vie priv e Il n est pas inutile de rappeler tr s bri vement les conditions g n rales du commerce en ce d but du xrv si cle non pour brosser un tableau pr sent dans toutes les m moires mais afin de tracer d embl e les limites de cette tude A cette poque la tendance g n rale du commerce est d fa vorable Le roi Robert reprenant son compte la polilique expan sionniste de ses pr d cesseurs s obstine conqu rir la Sicile Les exp ditions incessantes contre l le nuisent en dernier ressort aux commer ants marseillais le souverain n h sile pas r quisitionner un grand nombre de b timents commerciaux afin de reconstituer une flotte dans laquelle les Aragonais de Roger de Lauria op rent plusieurs reprises des coupes sombres Nous assislons ainsi une r gression de l espace marseillais traditionnel On sait le pr judice caus par la chute de Saint Jean d Acre en 1291 sanctionnant la disparition des Etats Latins d Orient aux changes avec la M diterran e orientale la p ninsule balkanique et m me Alexandrie Dans un domaine plus proche en M diter ran e occidentale la ville se heurle la concurrence croissante de Barcelone et des cit s italiennes en particulier G nes avec laquelle Marseille se trouve dans un tat de rivalit d hostil
10. le pr sentaient le double avantage d une relative rapidit et d une limitation des p rils Seize contrats de commandes dont quatorze pour la seule ann e 1332 nous apprennent que les mandataires ne constituent pas un corps sp cia lis nous relevons ainsi les noms de six marins deux capitaines quatre marchands deux armateurs et trois cuiratiers Ils re oivent leur retour le quart du b n fice r alis En deux occasions seu lement plusieurs commandes sont confi es une seule personne Pierre de Nans cuiratier re oit 85 livres de la part de ses confr res et Pierre Mallanus marchand capitaine 60 livres Les sommes engag es quoique variables sont rarement consi d rables si Bertrand Chabert investit plus de 120 livres dans cinq commandes Pierre Cayrellier et G de Niozelles ne se s parent quant eux que de 55 et 47 livres Les marins se dirigent vers Oristano et Alghero ou se contentent de longer les c tes et de s y livrer au cabotage comme l indique la formule habituelle en Sardaigne l o il plaira Dieu de me faire aller L utilisation 192 M DUPANLOUP d un type de contrat aussi simple que la commande r v le une crainte de trop s engager un souci de limiter les risques La commande l inverse de la lettre de change convient parfaitement des relations intermittentes Or les voyages vers la Sardaigne sont loin d tre r guliers Comment expliquer la multiplication de
11. ou tout au moins d affaiblir leur implantation Notons cependant que l on d laissait parfois cette op ration l on obtenait alors des cuirs pileux ou cuirs en poils coriores pilatores dont on retrouve la trace au p age d Aix et dans quelques actes de vente mais en nombre tr s nette ment inf rieur aux cuirs nus Pour attaquer le poil on soumettait les peaux dans les cauqui res des bains de lait de chaux Certains ont consid r ces r cipients les cauqui res comme des cuves tan Mais deux indications nous donnent penser qu il s agit effec 14 Arch d p des B d R 381 E 67 f 106 15 Arch aep des B d R 381 E 66 f 45 16 Ibid romitto tibi Guillelmo t tua coria fideliter et bona fide planare videlicet lavare anguere et boyssare d clare Andr Barral 198 M DUPANLOUP tivement de cuves chaux D une part une indication tymologi que cauqui re d rive probablement de cauquier cauquiero qui signifie calcaire D autre part une r glementation v ritable mode d emploi nonc e Grasse et rapport e par M e Th r se Sclafert 7 Pour les cuirs dits de Sicile et de Sardaigne il faut meltre dans chaque cauqui re 8 setiers de chaux et 4 de cendres pour 20 cuirs pour les autres 7 setiers de chaux et 4 de cendres par cauqui re Les cuirs devront rester trois semaines dans les cauqui res de la Saint Michel la Sainte Marie de mars et qu
12. Cuiraterie sont b n ficiaires des donations pieuses mais la part r serv e aux Fr res Mineurs tant la communaut des moines qu l glise esl pr pond rante Les cuiratiers demandent des messes pour le repos de leur me et la r mission de leurs p ch s or le prix d une messe aux Accoules aux Carmes et aux Fr res Mineurs s levail 10 sous Pierre de Vandronia consacre 5 livres et 5 sous son salut et Douce Pellegrin 14 livres et 5 sous Un m gissier Pierre de Berre demande une chapelle dans une glise et de nombreuses messes dont certaines perp tuit Que repr sentent de telles sommes en regard de celles d pen s es aux m mes fins par d autres Marseillais Consid rons pour cela les testaments de trois laboratores Jean Rigord r serve 25 sous au salut de son me Pellegrinus Capel 11 sous et 6 deniers et Jacques Sybert 3 sous 4 Le premier laisse 100 sous sa s ur alors que le dernier ne peut l guer que 12 sous chacune de ses deux filles Certes la comparaison est flatteuse pour les cuiratiers cependant leurs donations restent inf rieures celles effectu es par Raymond de Fuveau damoiseau qui consacre 25 livres la r mission de ses p ch s et demande cinq glises d Aix 50 livres de messes Le montant des dots l origine de certains conjoints les demandes de messes la possession d un caveau les donations aux tablissements religieux permettent ainsi de situe
13. Il ach te un atelier Jacques Jimenis et c de Ponce Barral la huili me partie d un de ses tablissements Il avance Bertrand Chabert 60 livres que celui ci devra faire fructifier dans son atelier de cuiraterie durant un an et deux mois le b n fice devant tre r parti par moiti Il avance de m me 15 livres Gantelme B raud que celui ci s en gage marchander et n gocier avec partage des b n fices par moiti Plus tard il s associe en fournissant 20 livres deux fustiers Pierre Artaud et Raymond Jean qui apportent pour leur part 30 livres 3 Ce cuiratier est un exemple int ressant de ma tre de m tier soucieux d assurer le bon fonctionnement de ses ateliers mais prompt s extraire de son cadre habituel n h sitant pas investir par le biais de contrats de soci t s dans d autres branches que la tannerie Cet apparent clectisme semble dict par le d sir de diver sifier ses revenus et de limiter les risques Les contrats de soci t permettent certains tanneurs de se procurer d utiles capitaux Jean Blasi m decin confie aux poux Massell pour un an 45 florins soit environ 60 livres qu ils feront fructifier dans l art de la cuiraterie La m me somme est 28 Ibid f 54 vw 29 Arch d p des B d R 381 E 69 f 1 30 Arch d p des B d R 381 E 67 f 15 v 46 LES CUIRATIERS A MARSEILLE 207 avanc e Pierre de Vandronia 3 Les ventu
14. UD op cit p 794 n 6 8 A CREMIEUX Le VI livre des Statuts de Marseille Aix 1917 194 M DUPANBOUP LOCALISATION DE LA CUIRATERIE Les cuiraliers sont de longue date pr sents Marseille et leur groupement a atteint au d but du xiv si cle un degr d organisation appr ciable Certaines prescriptions du Livre Rouge des statuts municipaux tabli aux environs de 1225 1257 attestent l anciennet de l tablissement On rel ve par exemple une bauche de r gle mentation relative l vacuation des eaux employ es dans les divers r cipients des cuiratiers Il est recommand tant aux cui ratiers qu aux m gissiers et aux ouvriers travaillant dans leurs ateliers de veiller ce que ces eaux ne soient pas d vers es directement dans le port La corporation avait lu domicile au nord nord ouest du port dans les premi res d cennies du x1v si cle Une partie de ce quar tier qui prendra plus tard le nom de Blanquerie semble alors se trouver hors des remparts B Roberty commentant le plan de Marseille en 1423 qu il a tabli en utilisant les indicalions puis es dans les registres notariaux crit ce sujet I y avait en 1423 deux rues de la Cuiraterie l une dans la ville l autre le long d une d viation du cours du Jarret et des sources du vallon de Saint Basile hors les murs derri re le couvent des Fr res Mineurs 1 L on a pu localiser cette derni re avec pr cision sur l
15. arts cela aurait t pr cis Ce n est pas le cas dans les actes notari s et notamment dans un contrat de 1327 par lequel Jacques Rascasoli et C cile son pouse vendent Pons Barral agissant pour le compte de Pierre Cayrellier cuiratier une maison situ e Marseille rue de la Cuiraterie 8 D s cette poque la s paration des cuiraliers et des m gissiers semble bien tablie Ces derniers se groupent dans les rues de la Blanquerie haute et basse et dans les ruelles adjacentes ainsi que nous l apprend un acte du 16 ao t 1326 par lequel Jeannette Martini femme de Hugues m gissier c de son mari tous les droits qu elle poss de sur le quart d un atelier de m gisserie situ Marseille rue Saint Augustin Que signifie exactement cette s paration nette en deux rues Nous pensons pour notre part que ces deux tablissements corres pondent deux moments de l histoire de la cuiraterie Dans un premier temps les cuiratiers se sont install s l int rieur des murs o les conditions sont favorables Nous verrons ult rieurement toute l importance que rev t l eau dans le fonction nement des ateliers Pour r soudre ce probl me les cuiratiers pouvaient tirer parti de toute une s rie de sources puits et fontaines alimentant les nombreux ruisseaux aujourd hui disparus qui d valaient les collines pour se jeter dans le vieux port Citons outre l importante fontaine juda que situ
16. des ateliers d Hugues Andr 7 et de Bertrand de Rocet et Ponce Nicholet ne vend que le quart du sien Nous retiendrons deux explications ce fonctionnement Les h ritages mariages donations finissent par morceler les propri t s le c dant ne peut se lib rer que de ce qu il poss de C est ce que prouverait lacte par lequel Jeannette Martin femme d Hugues m gissier remet son mari tous les droits qu elle pos 26 Arch d p des B d R 381 E 69 f 53 v 27 Arch d p des B d R 381 E 67 f 24 v 206 M DUPANLOUP s de sur le quart d un atelier de m gisserie sis rue Saint Augustin atelier que lui avait vendu Alasaciette Ferrer femme de Ferrier Girardini m gissier En raison d une relative incapacit financi re de l acqu reur le c dant vend ses droits diff rentes personnes qui poss dent ainsi chacune une partie de l lablissement Ceci offrirait l avantage de jeunes ma tres d utiliser un atelier sans consentir une mise de fonds consid rable Est ce le signe d une contraction conomique ou la manifestation d une simple coutume communautaire Mais les activit s des cuiratiers s exercent dans d autres direc tions Prenons le cas de Bertrand de Rocet il confie en commande dans le but de se procurer des peaux 13 livres Bonafous de Vidas juif marseillais qui se rend en Sardaigne et les mar chands proven aux lui ach tent des cuirs
17. destination ou en provenance surtout de Bougie 4 Tous ces contrais nous prouvent que ces changes bien que peu r guliers demeurent D s qu ils le peuvent les cuiratiers envoient des prospecteurs outre mer Cependant cette poque la Provence est m me de leur offrir de larges compensations E BARATIER et F ME Histoire du Commerce de Marseille t I De 291 1480 Paris 1951 p 35 2 Arch d p des B R ad Malauzat 381 E reg 32 f 99 3 Arch d p des B d R fonds Chanot 391 E reg 5 fe 105 4 A CL in dits sur le commerce de Marseille au Moyen Age Mar seille 1884 2 vol in 8 LES CUIRATIERS A MARSEILLE 193 Au xrv si cle l quilibre entre les troupeaux d une part les p turages et les for ts d autre part est rompu la surcharge pasto rale devient alors une r alit sensible en Provence L augmentation du cheptel permet donc aux tanneurs un approvisionnement ais Nous relevons au p age d Aix surtout en mars et f vrier le passage de nombreux marchands proven aux transportant des peaux d ovins de bovins et de caprins5 Celles ci repr sentent parfois des cargaisons de plusieurs quintaux le quintal valant 100 livres soit 37 39 kilogrammes Le contrat de transport d un muletier de Puyricard Rostaing Marie indiquerait que les peaux sont achemin es Marseille par ces m mes personnes qui y ach tent des cuirs 6 La fr quentation de quelque
18. donc dans un certain sens des rapports humains une conception du r le de la femme une conception de la richesse et de son utilisation qui au m me titre que la technique contribuent l originalit d un moment de l histoire Marc DUPANLOUP
19. e Romanie et d Espagne qu il lavera frottera et passera en galle Et pour toutes les autres peaux sup rieures et moyennes il recevra 36 sous de ladite monnaie 14 Le 10 septembre 1326 Andr Barral cuiratier re oit de Guillaume Cayrellier cuiratier 12 livres royales En change de ces douze livres il promer de planer les peaux de Guillaume de les laver les frotter et les passer en galle Pour chaque s rie de 40 cuirs sup rieurs et moyens il recevra 40 sous royaux 1 L essentiel du travail d un cuiratier est dans ces deux contrats assez clairement d fini Ces renseignements compl tant ceux fournis par le VI livre des Statuts nous permettent de saisir dans leurs d tails les techniques des tanneurs Deux tapes principales jalonnent le traitement des peaux avant d tre soumises l action du tan celles ci devaient subir une s rie d op rations pr pa ratoires 16 Le lavage tait destin nettoyer les peaux certes mais aussi leur rendre leur souplesse Pr alablement pousset es bross es et m me l g rement incis es elles taient ensuite immerg es quel ques heures dans de l eau courante ou constamment renouvel e Ainsi assouplies et d barrass es des particules de boue de sang s ch et de poussi re elles taient tendues dans le but d en r duire tous les plis La trempe termin e intervenait alors l pilage ou pla nage Il s agissait d liminer les poils
20. e ch ne et plus rarement d olivier Elle est avec l corce de ch ne la mati re la plus riche en tannin mais est utilis e aussi pour ses propri t s tinctoriales Sa valeur est attest e par les achats importants qu en effectuaient les Marseillais au si cle pr c dent dans les pays d Islam soit au Levant soit Ceuta o elle tait largement employ e notamment dans la pr paration du maroquin Les prud hommes poss daient d ailleurs un droit d inspection sur les m langes tannants labor s dans les herboires C est eux que revenait le droit de d cider si tels ou tels cuirs taient livrables la vente Ces lus raison de quatre chaque ann e et respon sables devant le doyen seront tenus et devront lorsqu on le leur 20 Ibid p 262 n 12 LES CUIRATIERS A MARSEILLE 201 demandera voir et inspecter tous les cuirs gros et menus et ils apposeront le signe sur ceux qui seront bons Pour leur peine ils recevront aussi bien des citadins que des trangers car les cuirs tann s hors de Marseille doivent tre soumis la perspicacit des jur s avant d tre mis en vente dans la ville un patac pour 12 cuirs menus deux deniers pour chaque gros cuir 21 Avec l impression du signe sur les cuirs prend fin le tannage On pourrait s tonner de la minutie des prescriptions En fait elles wont d autre fin que de sauvegarder les int r ts du client de la corporation et le renom
21. e dans la rue du m me nom le Coucourges violent ruisseau qui descendait la rue de la Peyre que Raja rue qui prit plus tard le nom de Cuiraterie et se terminait en v ritable cloaque aux alentours des Augustins 11 Arch d p des B du Rh 381 E 67 f 24 v extra menia civitatis videlicet in carreria dicta operatoriorum curatarie 12 Arch d p des B d R 381 E 69 f 53 v i 13 Arch d p des B d R 381 E 66 f 95 Vente du 20 f vrier 1327 n st 196 M DUPANLOUP Dans un second temps les artisans d bordent du cadre initial et construisent leurs ateliers sur les bords d un cours d eau au d bit plus r gulier et plus important que celui des ruisselets pr cit s Plusieurs explications peuvent tre fournies ce transfert nous en retiendrons deux La premi re est l extension prise par la corporation tout au long du xi si cle Devant l accroissement du volume de leurs activit s les cuiratiers se sont trouv s confront s au double pro bl me de la place et de l eau Force leur fut donc sinon de trans f rer du moins de construire leurs nouveaux ateliers en un lieu leur donnant satisfaction sur ces deux points Nous pensons qu eux m mes continuaient de r sider labri des remparts dans la rue de leur tablissement primitif o quelques ateliers demeurent en activit La deuxi me explication le souci d hygi ne qui nous semble moins d cisive
22. e rang avantageux qu occupent drapiers et notaires or rien n indique dans les textes identit des termes identit des dots qu il s agit de m salliances Le montant des dots s l ve en g n ral 200 livres Le verse ment s effectue le plus souvent en deux temps une premi re partie au moment des noces ou de l tablissement du contrat une seconde une date ult rieure Pierre Bermond d j nomm re oit de son pouse 150 livres le 28 septembre 1329 et 50 autres livres No l de la m me ann e Les m mes modalit s sont r serv es la dot de Rixendette fille de Bernard Serralonga cuiralier son poux Pons Barral re oit 150 livres le 3 janvier 1329 et 50 livres P ques Les deux filles de Bernard Serralonga se marient un an d inter valle en janvier 1329 Rixendette pouse Poncet Barral et en janvier 1330 B atrice pouse Pierre de Nans tous deux cuiratiers 35 Arch d p des B d R 381 E 69 f 77 v 210 M DUPANLOUP Leur p re dans ce laps de temps a pu d bourser l norme somme de 400 livres ce qui nous donne un aper u des disponibilit s en num raire d un cuiratier Que repr sentaient 200 livres de dot Le prix des trois ateliers les plus chers nous fournit un utile l ment d appr ciation Le premier celui de Ponce Nicholay est estim 160 livres tandis que ceux d Hugues Andr et Bertrand de Rocet valent respeclivement 80 et 72 livres La dol d une f
23. els b n fices seront partag s par moiti tant pr cis que la part revenant au cuiratier r compensera son labeur Dans les m mes conditions et pour les m mes raisons Rixende Brun pelletier et Hugues Paul remettent 51 et 90 livres Hugues de Nans et Raymond Juguet 2 Ceci prouve que la tannerie est consid r e comme une source de revenus assur s Ces contrats de soci t s nous enseignent enfin que les cuiratiers entrent en relation d affaires avec des repr sentants de classes fortun es fustiers marchands m decins pelletiers Toutefois les tanneurs ne se cantonnent pas dans le domaine de la cuiraterie les registres de Raymond Rougier sont fertiles en achats et locations de biens fonciers Cette attitude est tr s classique une poque o la possession de la terre est le signe d une pro motion sociale mais les motivations conomiques ne sont certai nement pas trang res ces acquisitions En premier lieu les cuiratiers ach tent des vignes Les vigno bles nombreux Marseille s tendaient hors les murs sur les collines environnantes Les pi ces sont g n ralement de petites dimensions deux trois carter es 1 carter e 25 ares et lou es des laboratores Bien entendu superficie gale les prix varient en fonction du nombre de l ge des ceps et de l expo sition mais les taux de location avoisinent toujours le vingti me de la valeur Les achats de terres moins nombre
24. emplacement de l actuelle rue Tapis Vert En revanche si la localisation de la pre mi re rue est tr s nette sur le plan de 1423 sa situation par rapport une art re actuelle demeure malais e car les destructions qui affect rent ce quartier surtout au d but du si cle dernier en ont radicalement chang la physionomie Or les actes de Raymond Rougier nous apprennent que la situation remarqu e par B Roberty en 1423 tait d j apparente au d but du x1v si cle et nous r v lent l existence d s cetle poque de deux rues de la Cuiraterie La premi re dite rue des Ateliers carreria operatorum curalarie est sans aucun doute possible situ e hors les murs Ainsi en 1328 Hugues Andr alias d Auriol cuiratier vend Poncet Barral cuiratier la huiti me partie de son atelier situ hors les 9 R PERNOUD Les Statuts municipaux de Marseille Paris 1949 p 113 10 Arch d p des B d R XXII F 81 LES CUIRATIERS A MARSEILLE 195 murs dans la rue dite des Ateliers de Cuiraterie 11 De m me en octobre 1332 Jacques Rascasoli cuiratier loue Raymond Ricau cuiratier des instruments de son atelier situ dans cette m me rue 12 Dans les deux cas la situation hors les murs est express ment soulign e Ceci nous confirme que la seconde rue se trouve effecti vement l int rieur des murailles Il ne fait aucun doute que si elle avait occup une position remarquable par rapport aux rem p
25. ille de cuiratier offre donc au conjoint la possibilit d acqu rir un atelier Notons litre de comparaison qu la m me poque Mathieu Pons p cheur fils de Jean laboralor ne re oit que 20 livres de C ciliette Martin fille de Michel laborator C est exactement ce qui revient Raymond Guanteri laborator qui pouse Doulcette Sabatier fille d Hugues laborator Cependant l ne se limite pas l apport des femmes de cuiraticers leurs poux Parfois lors du mariage mais plus fr quemment l occasion d h ritages elles entrent en possession d ateliers Alasaciette d Auriol fille et l gataire universelle de Hugues d Auriol h rite d un atelier dont sa m re et tutrice Alasacie loue le tiers Jacques Paganis Ce m me Jacques Paganis devient pour quatre ans locataire d un atelier appartenant Pierre de V rign n ei son pouse le nom de cette derni re est certainement men tionn parce qu elle a h rit de l atelier ou aid son mari l acqu rir En effet les femmes de cuiraliers conservent la jouis sance de biens personnels dont elles disposent leur gr Nous les retrouvons tr s souvent impliqu es en leur nom personnel la fois dans les transactions sur les maisons terres el vignes et dans les op rations de pr t Le secteur technique except elles ont acc s aux m mes domaines que les cuiratiers et jouent leur propre r le conomique Leur douaire leur permet d
26. inze jours seulement de la Sainte Marie de mars la Saint Michel Les cauqui res sont souvent cit es lors des locations d ateliers 18 La technique la plus r pandue consistait plonger les peaux dans des solutions de lait de chaux de plus en plus concentr es de fa on les accommoder progressivement l action du liquide A leur sortie des cauqui res les peaux taient frott es unguere au moyen de scureriores de escurar peler on liminait d fini tivement le poil Ce travail de rivi re prenait fin sur un dernier lavage en eau claire Les corporations de tanneurs se sont toujours tablies dans la mesure du possible proximit d un cours d eau Au d but du x v si cle le Jarret et ses ruisseaux affluents jouent Marseille le m me r le que la Bi vre Paris ou la Rivi re Barjols LE TANNAGE Le travail de rivi re termin les peaux taient alors pr tes subir la derni re tape du traitement le tannage L on ulilisait pour cette op ration une seconde cat gorie de r cipients les truelhs Ce terme diversement orthographi d signait toutes sortes de cuves fouloirs ou pressoirs Nous retiendrons pour notre part comme traduction fosse de tanneur propos e par Xavier de Fourvi res et confirm e par les prescriptions du VI livre des Statuts 17 TH SCLAFERT Cultures en haute Provence D boisements et p turages au Moyen Age Paris 1959 p
27. it quasi permanent Cette r gression de l espace marseillais s accom pagne d une stagnation de la population marseillaise La ville avait t affect e par la crise d mographique et conomique qui pr c da LES CUIRATIERS A MARSEILLE 191 la grande peste M Baratier estime insuffisants les l ments qui permettraient d valuer avec pr cision la population au d but du x1v si cle toutefois il affirme que Marseille demeure en Provence une agglom ration de tout premier ordre donc un march tr s appr ciable Mais tout n est pas aussi sombre dans ce tableau Au moment o se r duisaient ses voies maritimes Marseille pouvait commu piquer avec l arri re pays proven al en toute tranquillit profitant en cela de la paix durable que connut le comt jusqu en 1343 mort du roi Robert Notons qu ici Marseille se heurtait la concur rence de plusieurs centres secondaires mais qui depuis longtemps tissaient des liens avec les campagnes environnantes Arles Bri gnoles et surtout l Avignon pontifical L APPROVISIONNEMENT En d pit de ces tendances d favorables les Marseillais parve naient se procurer des peaux outre mer Sardaigne Romanie Espagne Barbarie Les cuiratiers se tournent tout d abord vers la Sardaigne avec laquelle la p che du corail avait cr des liens troits et o ils sont assur s de trouver des peaux de moutons de ch vres ou de bovins Les voyages destination de l
28. ne le nombre de ces ma tres cuiratiers Ce sont Guillaume Cayrellier Pierre Cayrellier et son fils Jean Hugues de Niozelles et son fils Pierre Bertrand et Chabert de Rocet Bertrand et Pierre Chabert Hugues de Nans Pierre Rostaing Raymond Juguet Jacques Rascasoli Raymond Ricau Ponce Barral Bernard Prelongue J Jimenis Hugues Andr Pierre de Vandronia et Pierre de Verignon Ce nombre ne peut avoir qu une valeur indicative car rien ne prouve que tous les ma tres avaient recours au seul Raymond Rougier Quelques actes nous permettent de conna tre leur mentalit et certaines de leurs m urs Les achats el locations d ateliers offraient aux ma tres de m tier la possibilit de r investir directement dans la cuiraterie Les prix sont fonctions de diff rents facteurs ils se trouvent toutefois fortement augment s par la pr sence d outils Jacques Rascasoli loue pour quatre ans un atelier Raymond Ricau moyennant 24 livres soit 120 sous par an alors que le taux des autres loyers oscille g n ralement de 24 36 sous mais il est pr cis que s y trouvent tres calquerias tres torcularia duos seurtrios et unum herberium ce qui laisserait supposer en dernier lieu que ces ustensiles sont en nombre plus restreint dans les autres ateliers Les achats d ateliers pr sentent parfois un aspect particulier ils ne concernent qu une partie des b timents Poncet Barral n ach te que la huiti me partie
29. r par compa raison les cuiratiers dans la hi rarchie sociale marseillaise CONCLUSION Au xiv si cle la corporation des cuiratiers a incontestablement volu e depuis l poque o elle tait r glement e par quelques statuts du Livre Rouge Elle constitue une communaut organis e au sein de laquelle des ouvriers utilisant un ensemble de techniques bien d finies travaillent pour le compte de quelques ma tres Les sommes manipul es par ces derniers leurs liens conomiques tant avec la Provence qu avec les territoires d outre mer leurs investis sements dans divers secteurs attestent la rentabilit du m tier 40 Arch d p des B d R 381 E 67 f 52 et 56 et 68 f 47 LES CUIRATIERS A MARSEILLE 213 Par les renseignements qu ils nous fournissent sur l histoire des techniques sur l histoire conomique sur la configuration de la ville les registres notariaux de Raymond Rougier constituent une source de valeur Cependant par del les indications pratiques ils nous offrent la possibilit d avancer dans la connaissance des attitudes mentales d un groupe social marseillais Tous les textes consid r s et dans cette optique une tude tr s serr e des termes employ s peut tre tr s enrichissante sont r v lateurs de certaines habitudes de travail certes mais aussi d une mani re de penser de s adapter la conjoncture d une conception des rapports interprofessionnels
30. r paration 1 Les truelhs se pr sentaient g n ralement sous la forme de fosses creus es dans le sol ou dans la roche aux parois recouvertes d un enduit quelconque parfois briquet es Deux techniques tr s voisines semblent avoir connu les faveurs des cuiratiers Elles consislaient pour la premi re d poser les peaux dans les truelhs remplis d une solution d eau et de produits tannants et pour la seconde alterner les couches de poudre de tan et les peaux puis arroser p riodiquement l ensemble d un jus tannant De m me que lors de l pilage l on administrait tout d abord des jus faibles Les peaux devaient demeurer dans la premi re solution vive jusqu ce qu elles l aient us e gausi savoir six mois pour les peaux d Espagne et du terroir quatre mois et demi pour celles de Sardaigne et de Barbarie Elles baignaient ensuite durant une p riode gale dans une seconde solution vive Le VI livre nous fournit quelques renseignements la fois sur la nature et l utilisation des plantes entrant dans l laboration de ces solutions Pour les grosses peaux les cuiratiers devront utiliser tant solament la rusca corce de ch ne ho herba aital coma 19 R PERNOUD op cit p 254 200 M DUPANLOUP Part requer Quant aux petites peaux aytals cuers deian adobar ambe nerta myrthe ros e fausilh coronille en tel maniera que almens los doas pars sia nerta o ros et la tersa pa
31. recevant chaque ann e 6 livres Durantet et Bertrandet jeunes gar ons comme l indique le suffixe et appos leur pr nom ne b n ficient pas des m mes conditions Le premier semble destin des travaux indistincts Il vivra chez son ma tre voluera dans les ateliers assistera aux travaux des ouvriers leur rendant de menus services s acquittant de quelques l g res t ches Il se familiarisera avec le cadre les m thodes et les instruments Le v ritable apprentissage d bute plus tard C est ce degr qu est parvenu Bertrandet six ans seront n cessaires son apprentissage Le fait qu il re oive chaque ann e six livres indique qu il s acquittera de t ches suffisamment pr cises pour que le ma tre estime n cessaire de le r tribuer Pour ces deux apprentis les six et huit ann es pass es chez le ma tre bien que Bertrandet ne loge pas chez Hugues de Nans cr eront des liens et des habitudes de vie commune Les six livres l h bergement les repas le chauffage prennent alors l allure d un investissement 25 Arch d p des B d R 381 E 68 f 66 LES CUIRATIERS A MARSEILLE 205 Ainsi la hi rarchie de la cuiraterie telle qu elle nous appara t ne diff re pas de celle des autres corporations Des ma tres de m tiers parmi lesquels sont choisis les prud hommes et chez lesquels s engagent ouvriers et apprentis dominent l organisation Nous avons pu valuer environ une vingtai
32. res r alis es par les tanneurs Du moins l essentiel des prix pratiqu s nous donne t il une id e de la valeur de leurs produits 21 Ibid p 255 n 4 Le patac cr en 1339 vaut un peu moins de deux deniers 202 M DUPANLOUP les cuirs de Romanie et d Espagne valaient plus de 300 deniers la pi ce et pouvaient atteindre 350 et m me 400 deniers les cuirs moyens ou m jans valaient de 200 300 deniers la pi ce les cuirs inf rieurs valaient moins de 200 deniers Rappelons qu cette poque le prix d un kilo de froment sui vant sa qualit oscillait de 1 4 1 2 deniers Cependant tout autant que les prix l examen des aspects sociaux de la corporation nous propose des l ments int ressants qui permettent de saisir le rang des cuiratiers dans la soci t marseillaise LES ASPECTS SOCIAUX DE LA CUIRATERIE RELATIONS PROFESSIONNELLES ENTRE CUIRATIERS Le 20 avril 1327 moi Guillaume Brotin cuiralier citoyen de Marseille me loue moi et mes affaires pour les quatre ann es venir vous Raymond Juguet et Raymond Codolelh cuiratiers associ s pour pr parer les cuirs que vous vendrez Vous me don nerez pour chaque s rie de 40 peaux meilleures et moyennes que je laverai frotterai et passerai en galle 36 sous royaux Et pour chaque s rie de 40 cuirs moyens et meilleurs de Romanie et d Espagne vous me donnerez 52 sous royaux 2 Le 10 septembre 1326 moi Andr Barral c
33. rt sia de las autras herbas et en nenguna maniera non si auza mesclar 9 metre nenguna rusca 2 L on obtenait le tan en pulv risant les produits pr cit s mais nous constatons que les statuts laissaient quelque latitude aux cuiratiers pour utiliser d autres herbes Les tanneurs en effet pouvaient recourir au sumac dont les feuilles fournissaient le tan et l corce une teinture jaune ou brune suivant qu il s agissait de celle des tiges ou des racines De m me ils introduisaient le cas ch ant dans leurs m langes le fannoi le petelin les gen ts et lentisques fournis en abondance par la campagne proven ale Nous voudrions cependant propos des produits tannants utilis s reconsid rer le dernier terme d signant les travaux que l ouvrier s engage effectuer Promitto tua coria lavare onguere et boyssare dit il Nous avons propos comme traduction Passer en galle en nous fondant la fois sur l tymologie et la place de ce verbe dans la phrase En effet il nous semble que boyssare d rive plus certainement de bousserio noix de galle que de bouis buis balais En outre ce verbe est toujours plac dans tous les actes l ordre des termes est rigoureusement le m me apr s lavare et unguere et cette disposition traduit sans doute une progression dans le traitement des peaux La noix de galle est une excroissance due la piq re d un insecte qui se d veloppe sur les feuilles d
34. s assurances donn es par le ma tre Elles concernent essentiellement la r mun ration de l employ Le 24 Arch d p des B d R 381 E 67 f 106 204 M DUPANLOUP travail attendu est d fini avec clart de m me que la mati re laquelle il s appliquera les modalit s et le montant des paiements tant nettement pr cis s Notons ce propos que les peaux sont tann es par s rie de 40 c est ce m me nombre qui pour le p age d Arles constitue une charge de cuirs Les dates auxquelles sont contract s ces engagements che lonn es tout au long de l ann e laissent penser que l activit des cuiratiers n tait pas totalement soumise un rythme saisonnier Le cas ch ant ils pouvaient avoir recours quelques journaliers qui se tenaient chaque matin au Tholon e Cependant certains ma tres de m tiers accueillaient et formaient dans leurs ateliers de futurs ouvriers Deux textes nous permettent d analyser l tat de l apprenti le 13 janvier 1330 Nicolas Pinayre cuiratier place son fils Durantet chez Raymond Ricau cuiratier pour 8 ans Il effectuera toutes les choses qui seront opportunes et n cessaires audit Raymond qui en revanche devra assurer l enfant le manger le boire le v tement et le chauffage Par ailleurs Bertrandet Cocetu s engage pour 6 ans chez Huges de Nans afin d acqu rir l art de la cuiraterie en change du boire et du manger et en
35. s commandes en 1332 Comme l indique M Baratier 1332 est sans doute une ann e de r pit Les exp ditions en Sicile paralysent le commerce jusqu en 1330 o une tr ve lui donne un l ger regain qui sera intermittent jusqu en 13501 En revanche nous ne poss dons que peu de commandes rela tives aux peaux de Romanie et d Espagne mais nous savons qu elles sont pr sentes sur le march marseillais En effet lorsqu un ouvrier s engage chez un ma tre de m tiers la nature des peaux qu il devra travailler est invariablement pr cis e Ainsi les peaux de Romanie et d Espagne que l on ne confie pas tous les ouvriers sont toujours mentionn es Leur qualit dite sup rieure entra ne pour la pr paralion une r mun ration plus importante 52 sous par s rie de 40 contre 36 sous par s rie de 40 pour les peaux courantes Cependant dans une cession de cr ance du 12 ao t 1326 Simon de Niozelles Hugues d Auriol Jacques Rascasoli Bonacros et d autres cuiratiers sont num r s comme devant 240 livres B renger Mir marchand majorquin De m me ce sont les registres des fonds Malauzat et Chanol qui nous fournissent la preuve que les Marseillais commercent avec l Afrique du Nord le 29 novembre 1333 les armateurs Jean Atous et Pierre Vincent prennent l engagement de ramener des peaux brutes d Alger 3 L Blancard quant lui cite plusieurs exemples de commandes ou d achats de peaux de Barbarie
36. s foires int ressait aussi les tan neurs Notons outre celle de Beaucaire celle de Sisteron plus r gionale o les peaux de b ufs et de moutons voisinaient avec les d pouilles de renards pendus par s ries de douze et Marseille m me celle conc d e par le roi Robert et qui se tenait pr s des remparts vis vis de l glise des Fr res Mineurs Enfin les cuiratiers se ravitaillaient aux boutiques de bouchers Un grand nombre de ces derniers poss dait un tal place du Tho lon e et M Baratier cite le cas d une personne qui un jour ach te toutes les peaux qui s y trouvaient en vente7 Mais les bouchers taient aussi pr sents rue de la Triperie connue par les textes comme celle ubi boves occiduntur ou ubi boves inlerficiuntur Nous ignorons le volume exact de leurs activit s mais nous Pesti mons tr s appr ciable si l on en juge par plusieurs extraits du VI livre des Statuts relatifs au b tail8 et par les passages au p age d Aix de troupeaux de 50 100 b tes Ainsi les tanneurs trouvent ils en Provence et Marseille une mati re premi re qu ils ne sont plus assur s de se procurer r guli rement outre mer 5 Cf O TavianI Le commerce dans la r gion aixoise au milieu du XIV si cle 1348 1349 travers un fragment de compte du p age d Aix dans Annales du Midi 1962 NE 268 269 6 Arch d p des B d R 381 E 68 f 324 ve 7 E BARATIER et F REYNA
37. uiratier reconnais avoir re u de toi Guillaume Cayrellier cuiralier 12 livres royales En l change de ces 12 livres je promets de planer tes cuirs savoir les laver les frotter et les passer en galle pendant les quatre ann es venir Et tu me donneras pour chaque s rie de 40 cuirs meilleurs et moyens 40 sous royaux Je promets de te restituer les 12 livres la fin des quatre ann es 3 Enfin le 7 novembre 1328 Durand Brotin qui s engage pour deux ans chez Hugues de Nans raison de 52 sous par s rie de 40 cuirs meilleurs et moyens de Romanie et d Espagne et 36 sous 22 Arch d p des B d R 381 E 66 f 102 v 23 Ibid f 45 LES CUIRATIERS A MARSEILLE 203 par s rie de 40 autres cuirs meilleurs et moyens d clare Je promets de t ob ir fid lement et de ne pas t abandonner au profit d une autre personne pour un salaire moindre ou plus lev 4 Nous sommes bien ici en pr sence d engagements d ouvriers colloco me d clarent ces derniers Et le 20 avril 1327 Guillaume Brotin ajoute colloco me et operas meas C est l une des par ticularit s du travailleur m di val qui loue ses bras son savoir et parfois ses outils Le contrat se pr sente parfois comme un pr t l ouvrier re oit ind pendamment de ses r mun rations d ment pr cis es une somme qu il devra rembourser au terme de son service Notons que cette somme est de 4 livres pour deu
38. urnir la volont de Tyborga Juguet femme de St phane d tre ensevelie dans le caveau familial au cimeti re de l glise Sainte Catherine Il n tait pas d un usage courant d taler au grand jour le montant de sa richesse Les cuiratiers n chappent pas cette coutume et lors de leurs testaments demeurent tr s discrets en ce qui concerne leur fortune La seule allusion consiste en cette formule par laquelle ils transmettent leur l gataire universel lt tout ce qu ils poss dent en fait de biens meubles immeubles et en monnaie Il est vident que cette br ve indication ne nous permet aucune valuation En revanche nous pouvons utiliser comme l ment d estimation d autres dispositions testamentaires savoir les legs et donations pieuses encore que les sommes r serv es ce dernier chapitre d pendent pour beaucoup du sentiment reli gieux de chacun Les tanneurs distribuent quelques livres parfois une terre on une maison leurs autres h ritiers Pierre de Vandronia r partit ainsi 150 livres entre ses parents et amis mais tout ce qu il poss de revient sa m re les 150 livres ne repr sentent donc qu une partie de sa fortune 37 Fond en 1215 et d truit en 1524 lors du si ge de Marseille par le conn table de Bourbon 38 Arch d p des B d R 381 E 68 f 15 39 Arch d p des B d R 381 E 66 f 48 212 M DUPANLOUP Toutes les glises voisines de la
39. ux proc dent du m me d sir de poss der une valeur stable Quelques champs se trouvent encore l int rieur des remparts L unit de superficie est encore la carler e mais le cens est plus lev L originalit de ces locations car terres et vignes sont toujours lou es r side dans leur mode de paiement Celui ci est tr s fr quemment pr vu en bl Raymond Ricau par exemple vend Hugues et Douce de Rians pour 6 livres une vigne lou e 6 sous ou deux mines de froment 1 mine 23 24 kg De m me Guilhaume Muratori vend Pierre Romand cuiratier pour 4 livres une vigne blanche sise aux Pennes pour laquelle chaque ann e J Porcell lui donne une mine de froment 31 Arch d p des B d R 381 E 66 f 77 R et v 32 Ibid f 36 33 Arch d p des B d R 381 E 68 f 7 208 M DUPANLOUP Le paiement des cens en fruits de la terre tait d une pralique courante Mais le fait qu il soit ici calcul en bl n est il pas mettre en rapport avec la s rieuse crise frumentaire du x1v si cle laquelle Marseille n a pas chapp A cette m me poque cer tains cens pr alablement acquitl s en monnaie soni d sormais pr vus en produits agricoles Dans cette perspective l acquisition de terres et de vignes serait une adaplation la conjoncture une assurance contre une augmentalion redoul e des prix puisque quelques loyers de maisons sont eux m mes calcul s en bl
40. x ans tandis qu elle s l ve 12 livres pour quatre ans soit un montant trois fois sup rieur pour un temps double S agit il d ouvriers par ticuli rement habiles dont on veut s assurer les services pour une p riode durable Est ce au contraire un moyen de lutter contre une certaine p nurie de main d uvre ainsi que pourrait le laisser supposer la derni re clause pour laquelle un ouvrier s interdit de travailler pour le compte d un autre ma tre Gardons nous toute fois de trop nombreuses extrapolations sur la physionomie du march du travail car les l ments d appr ciation sont trop r duits Il convient de souligner la force de certains termes Je promets affirme l ouvrier de te servir fid lement A une poque o les liaisons d homme homme rev tent l importance que l on sait promettre et fid lement sont deux termes sans ambi gu l au caract re religieux indiscutable engageant l honneur de celui qui les prononce Est il n cessaire de rappeler l atmosph re religieuse dont tait entour e la vie de toute corporation organis e Ces mots par leur seule pr sence suffisent attester l importance de l acte Le travailleur promet en outre de pr parer autant de peaux que son ma tre lui en proposera de ne pas nuire ses int r ts et de prendre soin de ses affaires En contrepartie dans le contexte de r ciprocit sp cifiquement m di val quelles sont le
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