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1. Tombeaux et lupanars montrent sous leurs charmilles Un lit que le remords n a jamais fr quent Et la bi re et l alc ve en blasph mes f condes Nous offrent tour tour comme deux bonnes s urs De terribles plaisirs et d affreuses douceurs Quand veux tu m enterrer D bauche aux bras immondes O Mort quand viendras tu sa rivale en attraits Sur ses myrtes infects enter tes noirs cypr s Les valuations se distribuent en apparence de fa on totalement al atoire dans les textes litt raires on les trouve aussi bien au voisinage de ses seuils par exemple dans ses titres Les deux bonnes s urs Les fleurs du mal Son Excellence Eug ne Rougon ou dans ses phrases de clausule L industrie et le savoir faire Valent mieux que les biens acquis Perrault Moralit du Chat bott Quels cochons que les honn tes gens Zola derni re phrase du Ventre de Paris C est l ce que nous avons eu de meilleur dit Deslauriers Flaubert derni re phrase de L Education sentimentale qu n importe quel endroit du texte Plus ou moins explicit es comme telles un certain nombre d valuations peuvent se laisser rep rer dans les deux textes que nous venons de voir Dans le bref passage de Zola valuations dans le positif admirable beaut dans le n gatif robe mal faite ou ambigu s et ambivalentes tr s trangement qui portent on le notera sur des r f rents tr s divers une
2. Article Le litt raire la litt rature le social et la valeur Philippe Hamon Cahiers de recherche sociologique n 12 1989 p 21 33 Pour citer cet article utiliser l information suivante URI http id erudit org iderudit 1002055ar DOI 10 7202 1002055ar Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 07 31 Cahiers de recherche sociologique no 12 printemps 1989 Le litt raire la litt rature le social et la valeur Philippe HAMON Qu est ce qu un litt raire aujourd hui Titulaire inquiet d un objet flou la litt rature objet r ajustable selon les poques et les cultures dont il n est pas le propri taire exclusif le psychanalyste l historien
3. le sociologue le linguiste le prennent galement comme document et dont il est bien en peine d noncer les propri t s le litt raire ne saurait cependant se cantonner dans les fonctions qui ont t les siennes pendant longtemps celle de critique d une part celle d historien de la litt rature et celle de philologue d autre part On pourrait sans doute le red finir avec Val ry comme celui qui s int resse plus un champ un ensemble d op rations intellectuelles d ordre s miotique le po te selon Val ry est essentiellement celui qui explore les possibilit s du langage que comme celui qui s int resserait des uvres ou des auteurs privil gi s Ce champ pourrait tre plus pr cis ment d fini comme constitu par un ensemble d op rations de r criture ou de reformulation de r ajustement de transposition qui existeraient entre des textes syst mes de signes des fantasmes syst mes d images et de symboles individuels des id ologies syst mes de consignes collectives et des technologies syst mes de r gles de manipulation d outils Se constituerait ainsi le champ proprement litt raire celui des modes de reformulation des textes en fantasmes et inversement des fantasmes en id ologies et inversement des id ologies en textes et inversement des technologies en textes et inversement des fantasmes en technologies et inversement des id ologies en technologies et inversement Soit dou
4. valuations Prenons par exemple une phrase au hasard dans un roman de Zola Son Excellence Eug ne Rougon Une grande fille d une admirable beaut mise tr s trangement avec une robe de satin vert d eau mal faite venait d entrer dans la loge du corps diplomatique Ou Les deux bonnes s urs de Baudelaire 4 Rappelons que dans le vocabulaire indo europ en le bon l h donique le bien l thique le beau l esth tique renvoient une racine commune DWENOS le positif Pour des emplois souvent tr s divers de cette notion de valeur voir A J Greimas Un probl me de s miotique narrative les objets de valeur Du Sens II Paris Seuil 1983 P Zima L ambivalence romanesque Paris Le Sycomore 1980 et L indiff rence romanesque 1982 C Lafarge La valeur litt raire Paris Fayard 1983 P Hamon Texte et id ologie Paris PUF 1983 Le dictionnaire philosophique de Lalande enregistre huit sens diff rents pour le mot valeur et le dictionnaire Robert seize sens diff rents De nombreuses r flexions r centes sur ce concept de valeur font volontiers r f rences notons le aux travaux de Bakhtine 26 L nigme du texte litt raire La D bauche et la Mort sont deux aimables filles Prodigues de baisers et riches de sant Dont le flanc toujours vierge et drap de guenilles Sous l ternel labeur n a jamais enfant Au po te sinistre ennemi des familles Favori de l enfer courtisan mal rent
5. des valeurs un nonc une m taphore comme Le crapaud rossignol de la boue Tristan Corbi re parait constituer une suite de mots plus acceptable C gt crapaud gt rossignol crapaud compare gt rossignol comparant qu une suite comme Le rossignol crapaud de l arbre cela galit de compr hension D du sens des mots fran ais 2 de Fidentification du genre et du type de l nonc comme m taphore et donc de son identification et de sa compr hension conune structure analogique A est B ce que C est D le crapaud est la boue ce que le rossignol 28 L nigme du texte litt raire est l arbre imposant au lecteur le r tablissement du terme manquant boue ou arbre selon la version de m taphores d ductibles de la structure analogique Une s rie de probl mes vont donc se poser au litt raire ou au sociologue qui travaillent sur des objets aussi complexes que les objets textuels les fantasmes les id ologies ou les discours technologiques prescriptifs chacun de ces objets tant la r criture et donc la surd termination des autres Certes les syst mes de valeurs peuvent tre explicitement verbalis s des termes comme valoir valeur devoir falloir signalent souvent en m me temps qu un syst me tr s diversifi de modalisateurs adverbes suffixes p joratifs ou m lioratifs degr s de l adjectif etc l affleurement d un syst me de valeurs pris en charge par un ou plusieurs narrateur
6. des syst mes de valeurs varieront en fonction des syst mes s miotiques utilis s le syst me crit mode diff r par exemple ne saurait comporter les m mes r gles d explicitation de ses valeurs que le r gime oral et la peinture que le th tre que l architecture ou la photographie D o sans doute encore une fois le r le important que joue le genre comme orientateur g n ral implicite de la lisibilit d un nonc comme pr suppos relativement stable parce que conventionnel formant horizon d attente et permettant l acc s l implicite ou du moins signalant l existence de cet implicite axiologique Certains genres litt raires tant m me d apr s la tradition rh torique qui en a labor la typologie consacr s tout sp cialement l explicitation d valuations ainsi du genre pidictique d volu la louange ou au bl me des personnes des objets ou des tats de choses et dont certains genres descriptifs de la fin du XVIIIe ou du XIXe si cle sont les h ritiers Ainsi galement de la fable du pan gyrique de l loge fun bre du pamphlet politique du slogan publicitaire du proverbe de l exemplum moral du roman th se de l pigramme etc tous genres qui ont pour but d noncer des positivit s ou des n gativit s Claudel faisait m me de la louange on le sait le moteur de la po sie Cependant on peut pr voir que tout crivain du fait m me Le litt raire la litt rature le social
7. et la valeur 29 qu il s exprime par crit le sociologue a trop souvent tendance oublier cette situation et cette contrainte du diff r qui fondamentalement d finit la litt rature donc que son aire de jeu est constitu e comme un carrefour d absences l crivain n est pas l pour son lecteur le lecteur n est pas 1a pour l crivain le r el de chacun n est pas 1a pour l autre se m fiera de la valeur comme mat riau brut propos directement par le r el et laborera toujours des mises en sc ne des montages souvent sophistiqu s voire retors voir plus haut les oxymorons du texte de Baudelaire destin s l exposer Car outre que la valeur peut tre certaines poques un objet d mod voir le tout se vaut de certaines postures schopenhaueriennes l poque des romans naturalistes elle est tr s certainement toutes les poques un objet qui risque de d moder le texte litt raire lui m me Paradoxe de ce dernier qui lit par pr dilection dans le r el ce qui le p rimera coup sir Car trop s inf oder sans distance aux valeurs du jour du moment voire de telle ou telle avant garde le texte litt raire risque fort d tre rejet car illisible une autre poque Les allusions indign es de tel pamphl taire les intrusions personnelles de tel narrateur sur la sc ne de son texte le pathos d un Hugo ou d un Michelet pour ne citer qu eux en confondant le d sign l assum et l va
8. propos de La Com die humaine 1842 doit se donner pour mission de faire l histoire des m urs de son temps et d tre l enregistreur du bien et du mal Pour tout crivain et pas seulement pour le romancier le r el est d abord un carrefour de normes un syst me flottant chaque genre litt raire ayant peut tre pour principale fonction d en stabiliser une dominante hi rarchies variables de discontinuit s axiologiques regroupables sous l gide de quatre principaux syst mes l h donique fantasmatique le technologique le grammatical l thique Ce que sait aussi et de fa on originale le texte litt raire c est que ces discontinuit s le correct et l incorrect l agr able et le d sagr able le convenable et l inconvenant le r ussi et le b cl etc ne se pr sentent pas forc ment sous une forme explicite et lexicalis e ni non plus forc ment sous la forme d antith ses absolues de dichotomies ou de couples de contradictoires a versus non a mais sous la forme d chelles ou de degr s On comprend qu un structuralisme un peu trop binaire ait eu du mal comme une certaine sociologie qui s en est inspir ma triser les probl mes de l id ologie et donc des rapports textes id ologies de l id ologie comme texte et du texte comme id ologie probl mes qui rel vent davantage du scalaire que du binaire de l aspectuel que de l oppositionnel d une s mantique des positions que d une s manti
9. s syst me qui peut tre de surcro t ce qui complique s ricusement l analyse d l gu un ou plusieurs personnage s d valuateur s eux m mes plus ou moins qualifi s ou disqualifi s en tant que tels ainsi le peintre Claude Lantier qui prend en charge l valuation finale Quels gredins que les honn tes gens dans Le Ventre de Paris comme le Deslauriers de la clausule de L Education sentimentale sont des personnages de rat s fortement n gatifs sur de nombreux plans Mais ces valuations peuvent tre simplement pr suppos es implicites non verbalis es ou simplement indiqu es par tcl ou tel mode ou posture d nonciation incorpor e globalement l nonc comme la posture de la distanciation ironique ou comme une tonalit path tique la phrase de Claude Lantier les exclamations du texte lyrique chez Baudelaire Bakhtine parle dans L Esth tique de la cr ation verbale du contexte intonatoire des valeurs et les grammairiens savent que l expression d une modalisation passe souvent plus par des modulations de l nonc que par l emploi des modes grammaticaux On peut songer nouveau par exemple au mode ironique mode d nonciation qui a toujours peu ou prou faire avec une orthodoxie avec le contournement ou avec la contestation d une r gle ou d une norme qui est latente et n appara t pas explicitement C est dire que les modes d affleurement qui doivent tre distingu s de leur interpr tation
10. une inductive consiste partir des uvres elles m mes pour y chercher au moyen d une analyse stylistique de ses modalisateurs et modalisations les modes et les lieux pr f rentiels d affleurement des syst mes de valeurs divers L autre plus d ductive consistcrait laborer un certain nombre d hypoth ses de travail partir de la d finition et des op rateurs m mes du champ litt raire la notion de r criture la notion de norme consid r e dans son double aspect syntaxique et paradigmatique la notion de m diation le quaterne texte outil fantasmc id ologic hypoth ses touchant particuli rement l existence de licux textucls privil gi s observables La m thode inductive par exemple pourra se fonder sur les sch mas construits par les diff rentes th ories du r cit pour ausculter avec attention certains lieux narratifs particuliers Ainsi tout sp cialement des d buts ct des fins de r cits Les travaux comme ceux de Propp et de ses continuateurs soulignent que les d buts des contes populaires et probablement de tout texte dominante narrative sont les licux de fixation des diff rents programmes narratifs instaurant un Ou plusieurs sujets h ros ou anti h ros dans sa relation avec un objet de valeur d sirable un tr sor ou unc princesse aller chercher un pouvoir conqu rir etc ou r pulsif quelque chose viter Il s y souscrit donc des contrats qui pr supposent l valuation des moye
11. e discours axiologique est un discours volontiers of pointilleux voir des expressions comme point d honneur mises au point de 3 La bathmologie ce serait le champ de discours soumis un jeu de degr s Essais critiques IV Le bruissement de la langue Paris Seuil 1984 p 285 ces lignes sont extraites d un essai sur La Physiologie du go t de Brillat Savarin lignes donc crites propos d un texte qui traite des l galit s esth tiques pulsions et r pulsions du corps envers la nourriture de la gastronomie Seuils de G Genette Paris Seuil 1987 traite des rituels de mise en sc ne des zones frontali res du texte incipits exergues pigraphes d dicaces envois etc Le litt raire la litt rature le social et la valeur 25 la technologie etc attentif fragmenter le monde aussi minutieusement que possible D o sans doute sa propension g n rer d importants effets de r els le r el est r put d taillable pr cis La valeur est donc la fois 1 mat riau premier constitutif du r el donn r f rent a priori et privil gi de l uvre litt raire 2 l ment d une th matique construite par et dans l uvre elle m me les bons et les m chants et leurs strat gies d affrontement 3 moyen de l uvre litt raire en tant la fois que cette derni re utilise un langage comme outil et vecteur c est dire un syst me de r gles grammaticales et qu elle s inscr
12. eau Bourdieu La Distinction la sociologie n a cess de traiter de cette notion de valeur Mais cette notion int resse aussi le linguiste le concept de valeur est au 2 Benveniste d finit ainsi la modalit Assertion compl mentaire portant sur l nonc d une relation Probl mes de linguistique g n rale II Paris Gallimard 1974 p 187 Le litt raire la litt rature le social et la valeur 23 c ur du Cours de linguistique g n rale de Saussure et plus pr cis ment au c ur du probl me de la constitution d une s mantique comme le sp cialiste de questions d esth tique comme l anthropologue travaillant sur la notion de culture voir des chercheurs aussi diff rents que C L vi Strauss et R Girard comme le psychanalyste les notions de loi de r gles de tabou de censure d interdit sont avec des acceptions sp cifiques au centre de la discipline comme le juriste ou le philosophe int ress s par les probl mes thiques Elle est tr s certainement centrale pour la d finition la fois de toute soci t ou de toute culture si l on accepte de d finir une soci t comme un syst me de diff rences et de distinctions permettant d organiser de penser et de ma triser le r el et pour la d finition de la notion de sujet il n est de sujet que relatif de relation que m diate donc soumise r gle donc valuable comme pour la d finition de la notion d objet de chose causa ce qui est
13. en cause en proc s en d bat ce qui doit tre jug et valu Cette notion de valeur permet donc au litt raire de comparer ses objets privil gi s des textes syst mes de diff renciations s miotiques articulant des signes discrets et produisant du sens avec des objets qu il va postuler homologables car tous fond s sur des distinctions des r gles et des valeurs des fantasmes sc narios d images mentales produisant un sujet de pulsions et de r pulsions des id ologies syst mes discursifs plus ou moins diffus allant de la rumeur la loi crite de positivit s et de n gativit s collectives et des technologies syst mes de modes d emploi et de consignes de manipulation d outils et de gestes s ri s En effet parler c est se soumettre des r gles grammaticales r gles la fois inconscientes et universelles ce qui constituerait pour certains l origine m me de la notion universelle de r gle ou de norme donc s exposer des valuations la parole sera correcte ou incorrecte comme manipuler un outil c est se soumettre des r gles techniques et donc comme Bouvard et P cuchet faisant du jardinage s exposer la sanction de bons ou de mauvais r sultats de bonnes ou de mauvaises valuations de moyens en fonction de fins comme fantasmer c est se soumettre des pulsions ou des r pulsions et donc s exposer des censures diverses et vivre en soci t c est se soumettre des interdictions
14. es normes de d bats id ologiques accord sur les faits et d saccord sur les normes ou de dialogues de sourds d saccord sur les faits et d saccord sur les normes avec en variable suppl mentaire accord ou d saccord sur l valuation des moyens en fonction des fins Une typologie des s quences valuatives une syntaxe l mentaire de l valuation peut peut tre s esquisser a partir de ces notions La deuxi me voie d acc s qui n est pas incompatible avec la premi re consisterait partir des quatre objets que Ic litt raire postule comme formant un r seau de r criture privil gi texte mode d emploi fantasme id ologie laborer une typologie abstraite a priori de points normatifs qui se situeraient un niveau plus g n ral plus th orique la diff rence de ces n uds normatifs propos s par les subdivisions du texte lui m me d buts crises fins de programmes clausules ou des termes normatifs propos s par le lexique m me du texte modalisateurs adverbes verbes modaux degr s de l adjectif Ces points normatifs seraient constitu s par la r f rence dans n importe quel texte et n importe quel endroit du texte du langage des outils des corps humains des usages sociaux et donc plus particuli rement par la convergence en un m me endroit de ces quatre param tres qui impliquent obligatoirement valuations et positivit s ou n gativit s les moments par exemple o
15. et des obligations et donc des valuations d terminant r compenses et sanctions sociales L crivain est tr s certainement quelqu un de particuli rement sensible cette composante universelle et quotidienne de la norme de la r gle qui pr sente dans tous les aspects de la vie sous forme de rituels de protocoles d tiquettes sociales de mani res de table de modes d emploi de syst mes de politesse de lois et d obligations diverses finit par devenir le mat riau privil gi de l uvre litt raire C est en cela qu elle est quel que soit le genre c est dire la convention dont elle rel ve toujours r aliste Dire qu un texte litt raire est une fiction ne veut strictement rien dire et si on peut dire que tout texte litt raire est fonda mentalement r aliste ce n est pas tant parce qu il renverrait par des mots des objets par quelque vertu mim tique ou illusionniste du langage l effet de r el existe mais n est pas n cessairement li l usage du langage par un syst me de diff rences ce qui est d j syst me de diff rences les distinctions les valeurs dans le r el articulant ainsi du diff rentiel et du diff rentiel C est ce r el consid r comme une intrication de diff rents syst mes normatifs que l crivain va 24 nigme du texte litt raire quelquefois appeler dans la terminologie qui est la sienne notamment au XIXe si cle les m urs Ainsi le romancier selon l Avant
16. femme une robe une mise Dans le texte de Baudelaire ce sont des bras qui sont immondes des filles qui sont aimables ou bonnes le po te qui est sinistre ou mal rent les myrtes qui sont infects Mais les offrandes des deux s urs font l objet d valuations ambigu s qui prennent la forme d oxymorons terribles plaisirs affreuses douceurs ce qui contribue susciter une image de narrateur valuateur quelque peu brouill e priori tout le texte comme nonciation sans doute relativement s rieuse chez Zola relativement ironique chez Baudelaire ce relativement restant justement tre valu et le tout du texte comme nonc chacun de ses mots pos et pr suppos peut tre soumis valuation Ce qui va sans doute poser des probl mes nous y reviendrons l analyste par exemple par quels moyens structuraux internes le texte crit et diff r signale t il ou ne signale t 1l pas son lecteur qu un terme comme lupanar est positif ou n gatif ou bien si myrte a un sens positif et infect un sens n gatif quelle est la valeur de leur juxtaposition C est bien s r la lisibilit m me du texte qui est en jeu Le litt raire la litt rature le social et la valeur af Rappelons quelques g n ralit s s nnotiques du probleme de la lisibilit des textes oraux ou ditt r s litt raires o non litt raires Comprendre un texte est une activit complexe m me sil s agi
17. int de C Kerbrat Orechioni L nonciation de la subjectivit dans le langage Paris A Colin 1980 notamment sur les probl mes de l valuation et de ses marques dans l nonc p 68 et suivantes Pour une analyse du jeu des valeurs dans un texte litt raire Les Rougon Macquart de Zola voir notre essai Texte et id ologie ouvrage cit J y traite galement de la notion de h ros concept litt raire particuli rement flou li l organisation hi rarchique des uvres qu est ce qu un personnage principal par rapport des secondaires ou qu un personnage positif par rapport des n gatifs ou qu un personnage qui r ussit par rapport des personnages qui chouent etc 30 L nigme du texte litt raire surd termination de valeurs esth tiques un texte est beau ou laid grammaticales un texte est correct ou incorrect thiques il traite de sujets convenables ou inconvenants et techniques un texte est efficace ou inefficace que tout texte est la r criture d autres syst mes diff rents de valeurs le fantasme et ses sympt mes l id ologie et ses consignes le protocole technique et ses modes d emploi fantasme id ologie et protocole technique tant donc consid r s rappelons le nouveau comme des discours d assignement d assujettissement instituant un sujet et non l inverse 3 Pour une typologie des n uds normatifs Deux voies s ouvrent principalement au litt raire L
18. it dans une hi rarchie et une typologie de genres et de styles c est dire dans un ensemble de conventions rh toriques juridiques et esth tiques r glementant techniquement des contrats et des pactes de lecture diff renci s 4 finalit de l uvre litt raire en tant qu elle produit et suscite des jugements de valeur individuels chez ses lecteurs qu elle g n re et justifie une critique officielle voire contribue institutionnaliser la notion m me de valeur Laboratoire permanent de r ajustement de sacralisation pensons au r le de la litt rature dans l institutionnalisation de la notion d individualit et de refonte des valeurs d une soci t c est en cela que le texte litt raire doit n cessairement int resser le sociologue A condition que ce dernier distingue soigneusement entre les diff rents syst mes normatifs qui s y entrecroisent ne confonde pas les valeurs du texte avec le texte comme valeur et avec les valeurs comme mat riau du texte et prenne en consid ration les diff rentes contraintes et les diff rents cahiers des charges pr suppos s chaque genre litt raire Et sans qu il y ait de raison pour privil gier plut t le genre romanesque seul genre litt raire que semble parfois conna tre le sociologue que le po me lyrique la trag die le roman feuilleton le blason rotique ou tout autre genre 2 L valuation et le prescriptif Le texte litt raire est un type de texte satur de valeurs et d
19. le langage devient la fois outil modifiant et analysant concr tement le r el et loi comme dans le performatif probl me qu est ce qu un performatif en r gime diff r crit les moments O un personnage de roman se sert la fois de son corps comme d un objet esth tique et comme d un outil l actrice la prostitu e les moments o un objet de langage par exemple une uvre litt raire qui serait cit e dans le texte est valu en fonction de ses contenus convenables ou inconvenants et ses caract res esth tiques elle est belle ou laide On pourra ainsi rep rer des polarisations 32 L nigme du texte litt raire internormatives plusieurs normes diff rentes sont convoqu es pour valuer un seul et m me objet et tudier leurs ventuelles concordances et discordances r ciproques qui peuvent jouer soit entre une norme et une autre ainsi pour reprendre et paraphraser l exemple de Zola d une belle fille v tue d une robe mal faite ou d une belle fille v tue d une robe bien faite soit l int rieur d une seule et m me syntaxe normative ainsi un personnage peut tre un bon couturier et faire une robe mal construite qui sera inefficace pour mener bien telle ou telle entreprise on reste l dans une norme technique Les figures de l oxymoron d une part on l a vu et de la m taphore ou de l analogie figure au contraire de la ressemblance et de la concordance signalent souvent l affleurement de cette
20. lu risquent d ancrer le texte dans une actualit trop p rissable C est en d l guant l valuation des personnages qui deviennent donc ainsi des porte normes autonomes en pluralisant ces personnages d valuateurs en neutralisant tel valuateur par tel autre en distinguant la comp tence des valuateurs de leurs performances valuatrices et en surd terminant telle norme valuante par telle autres que l valuation retrait e et mise en sc ne comme th matique reconstruite pourra s acclimater au texte litt raire sans automatiquement le d valuer comme valeur lui m me M me si c est au prix de la perte d un certain effet de personne Stendhal note en marge d une lecture de M rim e Personnel id est chose dont on se moquera dans vingt ans Bien s r et la diff rence peut tre du sociologue le litt raire gardera l int rieur du champ que nous avons circonscrit plus haut le texte comme objet privil gi c est le point de vue qu il privil gie et qui le d finit comme sp cialiste tout en gardant comme hypoth se de travail que tout texte est fait de la r criture d autres textes ant rieurs ou synchroniques que tout texte est fait de langage c est dire d un moyen qui est la fois l interpr tant Benveniste de tous les autres syst mes s miotiques et qui est lui m me intrins quement une 5 Sur l nonciation voir outre les travaux de Benveniste l utile et claire mise au po
21. me de valeurs fausses par rapport quelque surplombante v rit ou r alit localisable et assignable Le statut d un syst me de valeurs n est ni dans sa fictivit ni dans sa fausset mais dans sa facult de se r crire en un autre l thique en esth tique le technologique en thique etc et tre plus ou moins localisable Philippe HAMON D partement de fran ais Universit de Paris III R sum Le texte litt raire constitue toujours plus ou moins une combinatoire des valuations et des normes C est cette sorte d alg bre que l on voudra montrer en insistant sur la complexit de l enchev trement normatif sur les r les et les qualifications des valuateurs sur les discordances des valuations sur la place qu occupe le narrateur dans ce montage normatif Le litt raire la litt rature le social et la valeur 33 Summary The literary text always constitutes to differing degrees a combinatory of evaluation and norms It is this type of algebra that we will try to prove by underlining the complexity of normative interwinings the role played by evaluators and their qualifications the discordance among evaluations and the place occupied by the narrator in this normative montage
22. ns en fonction des fins et tout un syst me de garanties de sanctions et de r compenses qu un destinateur p re roi soci t etc partage avec le h ros Ce destinateur mandateur valuateur doit ce moment inaugural du r cit valuer la comp tence du h ros encore virtuel comme ce dernier doit ce m me moment valuer son pouvoir et son savoir en fonction des programmes qui lui sont propos s ou qu il se propose lui m me De m me la fin du conte est toujours un haut lieu privil gi d valuation on doit y distinguer un vrai d un faux h ros on doit valuer les r sultats en fonction des programmes et des contrats initialement pass s on doit y distribuer r compenses et sanctions On a vu plus haut deux exemples de phrases clausules une de Flaubert une de Zola construites comme des sortes de bilans valuatifs synth tiques De m me la crise voir l tymologie du mot l affrontement du h ros sujet avec un anti h ros pr suppose toujours le choc de deux axiologies contradictoires implicitement ou explicitement formul es Dans le conte souvent les normes sont incarn es dans un acteur individualis roi p re anc tre f e vicillard faisant passer au h ros des Le litt raire la litt rature le social et la valeur 31 preuves de politesse Dans le texte litt raire le destinatcur judicateur valuateur est souvent au contraire repr sent par une unit stylistique tr s souvent n glig e aus
23. ntre le sujet et le r el s interposent n cessairement du langage des outils un corps avec ses sens et ses pulsions et r pulsions personnelles des l gislations collectives de r gle corollaire de la notion de m diation condition la fois d une contrainte et d une libert combinatoire et g n rative r gles paradigmatiques et syntagmatiques et enfin cons quence des pr c dentes de valeur et d valuation En effet qui dit r gle dit valuation toujours possible d une conformit ou d une non conformit cette r gle La valeur est un signe distinctif soit positif soit n gatif qu un valuateur attribue la relation qu une chose ou qu un sujet entretient avec une autre chose ou un autre sujet L valuation est donc une modalisation portant sur une relation celle m diatis e entre un sujet et un objet un autre sujet ou un sujet collectif Il n y a donc de sujet qu assujetti a des r gles d autre part la valeur ne saurait tre une essence une qualit permanente et a priori d un sujet ou d un objet elle est le r sultat d une activit d valuation op r e par un valuateur qui compare cette relation sujet objet ou sujet sujet s avec une norme comparaison qui produit l inclusion du sujet dans un syst me de positivit s et de n gativit s dans des hi rarchies dans des palmar s ou des chelles 1 La valeur et le litt raire De Goblot Logique des jugements de valeur la Barri re et le niv
24. que des oppositions Les crivains eux ont toujours t sensibles cette organisation scalaire de la r alit Voir la notion de mesure chez les crivains classiques et la fascination de tout crivain pour cette exp rience permanente des seuils l exc s ou le trop peu le je ne sais quoi et le presque ricn le pas assez et le trop convenable etc on conna t les usages que fait un C L vi Strauss de ces cat gories descriptives dans ses analyses de mythes exp rience qui caract rise la mondanit la politesse dont la litt rature para t bien n tre parfois qu un sous genre Proust en est bien s r l un des meilleurs exemples voir aussi la litt rature courtoise Mais la difficult reste enti re de cr er une science des seuils et des degr s difficult penser le scalaire mesures hi rarchies chelles de valeurs difficult cr er une th orie des gradations et des d gradations formaliser les syst mes des formalit s R Barthes r vait d une telle science qu il proposait d appeler bathmologic gt Baudelaire crit dans Mon c ur mis nu Etudier dans tous ses modes dans les uvres de la nature l universelle et ternelle loi de la gradation du peu peu du petit petit avec les forces progressivement croissantes comme les int r ts compos s en mati re de finances et Nictzsche crit dans Humain trop humain que le philosophe doit tre l arpenteur de tous les niveaux et degr s L
25. rase descriptive de g ologue ou de jardinier Mais th faut aussi pour Comprendre cet nonc avoir ACC S un troisi me niveau une troisieme comp tence celle des valeurs qui r gissent la culture qui fait office de macro comtexte de l nonc et notamment savoir QUE pour un Fran ais rouler estallect d une valeur n gative et amasser de la mousse d une valeur positive alors que pour un Anglo saxon ou pour un Am ricain les memes termes dans le m me proverbe sont allect s de valeurs inverses On peut appeler cette troisieme comp tence id ologique ou axiologique celle qui r git l acc s au syst me de consignes et non plus simplement de signes et de signaux propres une culture Les deux premi res comp tences linguistique d une part g n rique de l autre assurent les Conditions minimales et pr alables n cessaires la signification des nonc s La troisi me id ologique assure l acc s ultime leur signification globale et leur ulilisation c est dire la manipulation des individus comme Sujets Cette axiologie comporte sans doute une dimension paradigmatique des listes des hi rarchies des s ries de mod les canoniques de positivit s et de n gativit s formant des syst mes plus ou moins stables aussi bien syntaxique des suites des sc narios des ordonnancements de valeurs sont consid r s comme plus acceptables que d autres Ainsi Sur ce dernier point une ventuelle syntaxe
26. si bien par les divers formalismes que par l approche sociologique des textes une description de lieu de paysage d atmosph re unit textuelle qui fonctionne souvent comme un actant collectif jouant le r le d un destinateur pour le personnage du h ros Ainsi dans le roman r aliste naturaliste du milieu du XIXe si cle c est le milieu le cadre le d cor constitu d une collection de d tails plus ou moins inutiles qui fera office d influenceur du personnage en l inhibant ou en l incitant dans son action Tout acte de s duction de persuasion d intimidation d un personnage par un autre tout acte donc de manipulation d un sujet garantie inaugurale d un r cit faire faire quelque chose quelqu un pr suppose donc le recours par le manipulateur un syst me de valeurs attractives et r pulsives mais aussi chez le manipul un acte sym trique d interpr tation de la valeur des moyens des r compenses et des sanctions La valeur n est donc pas une sorte d accessoire au r cit une isotopie ou un effet de sens ouvrant uniquement sur le r f rent mais constitue bien aussi un l ment fondamental et indispensable d instauration de toute narrativit D but et fin d un r cit sont donc des n uds normatifs particuli rement surd termin s qui peuvent prendre la forme de confrontations de strat gies accord sur les faits et sur les normes de dialogues d experts d saccord sur les faits et accord sur l
27. sorte d alg bre axiologique Il faudrait trouver un terme par cons quent pour d signer et d crire ces figures d action qui mettent en place certaines de ces discordances ainsi des phrases comme se pendit un r verb re Il enjamba la balustrade Il se cacha dans un placard II le tua d un coup de marteau Il s assit cheval sur une chaise etc signalent l int rieur d une seule et m me dominante technologique un mauvais non conforme usage d un outil mauvais usage qu il faudra ensuite interpr ter en le repla ant dans l ensemble du syst me normatif global du texte Le texte litt raire constitue toujours plus ou moins une sorte d alg bre ou de combinatoire des valuations Sensible c est 1a sa sensibilit propre la complexit de l enchev trement normatif que qui constitue le r el il multiplie et exploite mim tiquement c est l son r alisme de tels montages polyphoniques de l valuation soit en disqualifiant les valuateurs par rapport aux sujets ou objets valu s soit en multipliant les discordances intra ou inter normatives soit en neutralisant les valuateurs les uns par rapport aux autres soit en rendant inidentifiable et non localisable narrateur ironique ou pluriel ou contradictoire une source unique une origine unique de l valuation Par 1a le texte litt raire remet en question les d finitions trop souvent admises par le sociologue de l id ologie au sens large comme syst
28. t d un texte bref et simple Ainsi pour comprendre un nonc comme Pierre qui roule n amasse pas mousse il est sans doute n cessaire de disposer d une s rie d informations et de comp tences hi rarchis es En effet if ne suffit pas de Comprendre la signification des mots fran ais qui composent cet nonc pierre roule amasse Ne pas qui mousse comp tence indispensable de type linguistique aptitude utiliser les signes dot s de sens et de r f rence d une langue donn e il faut aussi disposer d une comp tence g n rique avoir acc s la connaissance et la reconnaissance de genres discursifs de types conventionnels et rh toriques regroupant sous l gide d invartants pragmatiques syntaxiques et s mantiques des variables et des Contrats de lecture identifiables Dans le cas pr sent al faut identifier pr alablement un certain nombre de signaux signaux reconnaitre plus que signes comprendre par exemple le parall lisme l absence d aructe les alt rations ct les assonances en fin de segments afin de reconnaitre qu il s agit d un proverbe done d un type d nonc non descriptif mais prescriptil valant comme Consigne d achon eb pr supposant un syst me de valeurs type d nonc o les mots ne doivent pas tre pris dans leur sens litt ral mais dans un sens figur et humain quels que sotent Les diff rents d sign s cet nonc sans cela pourrait tre imterpre et comme une ph
29. ze op rations distinctes de reformulation auxquelles on peut joindre quatre autres op rations r flexives propres chaque op rateur de ce champ modes de reformulation et de r ajustement des textes en textes c est le probl me de l intertextualit des fantasmes en fantasmes des id ologies en id ologies des technologies en technologies l Voir par exemple les travaux de la sociologie de la litt rature ou de la sociocritique L Goldmann P Macherey C Duchet P Zima J Dubois pour citer les principaux auteurs qui s int ressent surtout aux modes d inscription des id ologies en textes les travaux de la psychocritique ou de la psychanalyse des textes litt raires C Mauron J P Richard J Bellemin No l qui s int ressent surtout aux modes d inscription des fantasmes dans les textes les travaux de Michel Serres sur Zola sur Verne qui s int ressent surtout aux modes de r criture du technologique machines et th ories sur les machines en texte Ce qui diff rencie le litt raire du philosophe c est donc avant tout cet int r t port la notion l op ration de r criture 22 L nigme du texte litt raire lt Fantasmes Id ologies en N Technologies AA Ce qui rend homologables les quatre objets qui circonscrivent ce champ ce sont la fois les notions solidaires et indissociables de syst me ensemble autor gl de diff renciations et de relations de m diation e

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