alternation, altération et métissage : les jeux de l`altérité et de l`identité
Contents
1. vidence un processus comme la baisse tendancielle du taux de profit De fa on homolo gue dans les discours psychiatrique et marxiste le concept rend compte d une ligne de partage radicale entre un dedans et un dehors entre un ordre et un d sor dre D un c t le mal est dans un d sordre de l individu de l autre le mal est dans la m canique des rapports sociaux inh rents au d veloppement des forces productives Ce qui est en jeu dans cette sortie du monde normal c est le fait que la personne prise dans une situation insens e ne peut plus r pondre d elle m me Ne pouvant dire qui il est le fou ou le prol taire perd son identit et n est plus qu un autre qui lui est inconnaissable Dans ce cas l alt rit est un mal absolu L interaction identit alt rit est un drame somme nulle un quitte ou double de la d finition de soi L alternation est un processus qui traduit une autre forme d interaction entre identit et alt rit Ce terme est employ par Peter Berger et Thomas Luckmann La d finition de l alternation est devenir autre ou extase Il s agit d une resocia lisation totale li e une rupture de vie radicale Ce changement de vie va assurer 20 J C Beaune Le Vagabond et la Machine essai sur l automatisme ambulatoire Seyssel Champ Val lon 1983 21 P Berger T Luckmann La Construction sociale de la r alit Paris M ridiens Klincksieck 1986 ALTER2. ce qui revient symboliquement et strat giquement prendre possession de l espace Enfin une tape importante de l appropriation de la ville passe par la prise d images touristiques Le processus est m di par un objet qui d veloppe du relationnel et du conversationnel L image fixe ou anim e permet de prouver au retour que l on y tait La preuve d finitive est de se faire photographier en pre mier plan devant des monuments des personnes ou des objets aussi typiques qu univoques la Tour de Pise le Horse Guard de Buckingham les taxis jaunes de New York etc Sur le plan des interactions l appropriation urbaine suppose des mises en sc ne de soi paradoxales et sophistiqu es figur es par le passant anonyme comme l indiff rence civile ou les comp tences de rassemblement Ce processus suppose aussi des cadrages qui localisent une figuration privil gi e par le contact avec les lieux sacr s de la ville comme par exemple la fontaine de Trevi Rome dans laquelle il est indispensable de jeter une pi ce pour obtenir la certitude de revenir dans cette ville Cette appropriation urbaine devient une culture d s qu elle participe au dou ble registre voqu plus haut des pratiques sens es et des sens pratiqu s Cette culture rel ve d un processus de socialisation secondaire qui doit tre appris et int rioris Deux points peuvent alimenter cette contradiction la mise en avant comme qualit s ur
3. globale et une description locale Sur le plan des th matiques il s agit d une r flexion qui int resse certains aspects des sciences de l ducation comme la socialisation les cultures juv niles les dimensions ducatives des espaces urbains etc dont nous avons pr sent les r sultats ailleurs Nous introduirons de fa on sp cifique le concept anthropologi que de m tissage qui prend en compte les questions de copr sence d entit s dis tinctes et de cr ations issues de leur croisement Pour poursuivre cette partie de d finitions et de pr sentation g n rale il faut dire quelques mots sur les termes culture et appartenance culturelle Tenter de d finir la culture est une t che infinie laquelle nous n allons pas nous risquer ici dans le seul champ anthropologique Clifford Geertz rel ve une douzaine de d fi nitions On va donc se limiter seulement deux niveaux de d finition concernant la structure et l espace d application du concept D abord avec Geertz nous d fi nirons la culture comme une somme de pratiques sens es ainsi qu une somme de sens pratiqu s Ce qui est une fa on d insister d une part sur le lien entre mat rialit et symbolisation et d autre part sur la n cessit de la recherche de ce lien Ensuite la dimension de la culture qui va tre trait e est la culture urbaine ce qui renvoie donc aux sens pratiqu s et aux pratiques sens es dans l espace u
4. man nequin noir Naomi Campbell les adolescents japonais ont cr une culture mixte o se m langent les sous mondes du hip hop et de la tradition nipponne ce qui se r sume par la formule Geishas and Gangstas Les jeunes s enduisent le visage de cr mes brunissantes se font des tresses et rev tent la panoplie de leurs idoles black du hip hop On voit qu il ne s agit pas d un m tissage racial entre des noirs et des jau nes mais d un m tissage entre des cultures que rien n accorde a priori dans le temps et dans l espace Le principe unificateur est celui du processus postmoderne du croisement volontariste entre les deux figures situ es de la s duction f minine que sont Naomi Campbell et la Geisha et les pratiques raffin es du monde japo nais contrastant avec le brutalisme d viant des gangstas du hip hop Nelly Schmidt rappelle qu il faut critiquer l apparente vidence du concept de m tissage et que l on doit interroger ses ambigu t s Le m tissage n est pas une notion biologique mais une construction culturelle qui place les personnes m tis ses dans une position ambivalente En effet celles ci h ritent de cultures qui ne sont pas spontan ment conciliables et qui parfois ont t historiquement dans des rapports conflictuels En effet de nombreux m tissages sont issus des cultures du ma tre et de celles de l esclave Certaines pratiques sont issues de m langes voire de comb
5. se s int resse aux m tissages comme produits sp cifiques du croisement des alt rit s et des identi t s Ali nation et alternation Dans notre approche on va donc s int resser des processus qui d crivent l interaction entre l alt rit et identit Ces processus s int ressent des actions que l on peut situer dans le temps et dans l espace ainsi qu des acteurs qui vont tenir des places plus ou moins volontaires plus ou moins valorisantes Les proces sus en cause sont au nombre de trois l ali nation l alternation et l alt ration que 17 H Lefebvre Le Droit la ville Paris Anthropos 1968 18 Les Lieux de m moire P Nora dir Paris Gallimard 1997 3 vol F Braudel L Identit de la France Paris Arthaud 1986 3 vol 19 C Dubar La Crise des identit s l interpr tation d une th orie Paris PUF 2000 J C Kaufmann L Invention de soi une th orie de l identit Paris Armand Colin 2001 Le T l maque n 29 mai 2006 62 DOSSIER DUCATION ET ALT RIT Pon va situer en fonction des interactions respectives qu y entretiennent les deux p les de Palt rit et de l identit L alt ration sera tudi e du point de vue de sa forme particuli re qu est le m tissage L ali nation est le processus qui aboutit ce qu une personne soit autre au point d tre trang re elle m me L identit de l ali n est purement n gative et son alt r
6. D bats Jeunesses 2002 10 F Laplantine A Nouss M tissages de Arcimboldo Zombie Paris Pauvert 2001 11 C Geertz La description dense vers une th orie interpr tative de la culture in L Enqu te de terrain D Cefa dir Paris La D couverte 2003 p 208 233 12 J M Chapoulie La Tradition sociologique de Chicago 1892 1961 Paris Seuil 2001 Le T l maque n 29 mai 2006 60 DOSSIER DUCATION ET ALT RIT mobilit s et de civilit s processus identifi s par l cole de Chicago et actualis s en France notamment par Isaac Joseph L int r t pour le concept d appropriation est en relation avec un processus bien d crit par Pierre Sansot en ville l appropriation est le fait de se sentir chez soi dans un espace dont on n est pas propri taire Ce sentiment est donc fonda mental en milieu urbain puisque l on est pratiquement toujours dans un rapport de non propri t L appropriation est une forme de lien la fois tr s fort et tr s t nu que Sansot d crit travers des sc nes urbaines minimalistes comme par exemple l installation sur un banc dans un square parisien apr s en avoir pass le portillon L appropriation ne se situe pas seulement au niveau de l usage mais aussi au niveau de l image Roland Barthes l a sugg r en d crivant le moment o le touriste d couvre le panorama lieu lev d o l on saisit toute l tendue de la ville et
7. L appropriation morale est alors la fa on d interpr ter l appropriation spa tiale comme justifi e Si de fa on tr s sch matique on peut dire que l alt rit est l objet de base de l anthropologie de fa on tout aussi sch matique on pourrait dire que l objet de base de l histoire et de la sociologie est l identit collective En histoire on pourrait voquer les travaux de Pierre Nora et Fernand Braudel sur les singularit s nationa les ou sur l identit du territoire En sociologie on pourrait citer les travaux de Claude Dubar ou plus r cemment de Jean Claude Kaufmann qui ont d crit la crise des identit s et insist sur la dispersion du concept Nous faisons l hypoth se que les deux concepts d alt rit et d identit ne ser vent plus d crire des soci t s distinctes qui se caract riseraient d abord par des l ments radicalement incompatibles depuis la logique des m urs jusqu P loigne ment g ographique Au contraire tudier les interactions entre identit et alt rit c est poser deux hypoth ses D abord celle d un face face local entre le soi et l autre Ce vis vis est rendu possible par la globalisation des mobilit s choisies ou subies la standardisation des modes de vie mais aussi les r sistances et les d tour nements Ensuite de fa on plus complexe c est envisager l interaction en interne chez certains sujets du soi et de l autre Cette derni re hypoth
8. NATION ALT RATION ET M TISSAGE 63 le salut ternel pour la conversion religieuse ou le salut ici bas la conversion militante et ou communautaire Les deux auteurs d signent l alternation comme une forme particuli re de socialisation secondaire Objectivement il s agit bien d un processus qui inter vient apr s la socialisation primaire sp cifique l enfance subjectivement la per sonne qui vit une alternation a le sentiment qu il s agit d une seconde naissance Non seulement la vie d avant n a plus cours mais elle est d sormais ni e et oubli e L alt rit issue de l alternation est une identit radicalement neuve qui s difie sur lenfouissement de l identit pr c dente On peut illustrer ce qui pr c de avec l exemple de la conversion une autre vie et en particulier la conversion religieuse qui se concr tise par l entr e au monas t re Cette exp rience parfois m di e par une illumination ou un appel mystique est v cue comme une renaissance le plus souvent sous un nouveau nom un nouvel habit et de nouveaux modes de vie La vie d avant est enfouie et oubli e comme s il s agissait d v nements concernant quelqu un d autre L exemple des enfants vol s constitue un autre cas d alternation qui renvoie une situation invers e Des adultes r alisent qu ils ne sont pas les enfants qu ils ont cru tre et surtout de qui ils ont cru tre Ils d couvrent une g n alog
9. a CAIRN Ge Chercher rep rer avancer ALTERNATION ALT RATION ET M TISSAGE LES JEUX DE L ALT RIT ET DE L IDENTIT Alain Vulbeau Presses universitaires de Caen Le T l maque 2006 1 n 29 pages 57 68 ISSN 1263 588X Article disponible en ligne l adresse Vulbeau Alain Alternation alt ration et m tissage les jeux de l alt rit et de l identit Le T l maque 2006 1 n 29 p 57 68 DOI 10 3917 tele 029 0057 Distribution lectronique Cairn info pour Presses universitaires de Caen Presses universitaires de Caen Tous droits r serv s pour tous pays La reproduction ou repr sentation de cet article notamment par photocopie n est autoris e que dans les limites des conditions g n rales d utilisation du site ou le cas ch ant des conditions g n rales de la licence souscrite par votre tablissement Toute autre reproduction ou repr sentation en tout ou partie sous quelque forme et de quelque mani re que ce soit est interdite sauf accord pr alable et crit de l diteur en dehors des cas pr vus par la l gislation en vigueur en France Il est pr cis que son stockage dans une base de donn es est galement interdit DOSSIER DUCATION ET AIT RIT Alternation alt ration et m tissage les jeux de l alt rit et de l identit R sum Dans la perspective de la socio ethnographie ou de la socio anthropologie Alain Vul beau appr hende les ph nom nes d
10. baines de l anonymat et de l indiff rence contre l apparent bienfait de l interconnaissance villageoise la primaut de l tranger un acteur qui a priori west nulle part chez lui alors que dans le village l identit et le m me sont la norme De son c t la ville fait sienne l autre et le tout venant 13 I Joseph Gare du Nord mode d emploi Paris ditions Recherches 1999 et M t or les m tamor phoses du m tro Paris conomica 2004 14 P Sansot Po tique de la ville Paris Armand Colin 1996 15 R Barthes Mythologies Paris Seuil 1957 16 I Joseph Les comp tences de rassemblement une ethnographie des lieux publics Enqu te n 4 1996 p 107 122 ALTERNATION ALT RATION ET M TISSAGE 61 Enfin on pourrait dire que l appropriation urbaine rel ve d une relation qui l gitime un lien social de non propri t correspondant en reprenant des termes d Henri Lefebvre un droit la ville Ainsi le concept d appropriation peut se comprendre sous deux acceptions selon qu on l envisage comme une pratique ou comme un sens On l a vu la pratique renvoie des usages et des fa ons de pren dre place dans l espace public Dans ce cas l appropriation est une fa on de deve nir un propri taire dur e d termin e Mais l appropriation peut tre aussi le jugement normatif qui pose que l appropriation spatiale est appropri e sur le plan moral
11. e un outillage sp cifique techniques eth nographiques th ories ethnologiques mis en place par des chercheurs dans l espace situ de l enqu te de terrain Il faut insister ici sur l importance de la pr sence du chercheur sur le lieu des autres et sur le long exil que repr sente sou vent l enqu te ethnographique au point que selon la formule de Laplantine ce qui est trange et tranger devient familier et que ce qui est familier devient peu peu trange et tranger Nous faisons l hypoth se que cette interaction entre les pratiques du familier et de l tranger recouvre pour une part celle qui articule les relations entre les concepts d alt rit et d identit La position de l anthropologue nous int resse par son orientation disciplinaire la connaissance des peuples loign s et des soci t s complexes et ses th ories structuralisme fonctionnalisme culturalisme etc mais aussi et surtout par sa 29 d marche qui int gre de fait un travail sur l interaction des termes alt rit et identit Cette position scientifique est aussi une disposition qui met en jeu une subjectivit et une r flexivit Au contact de l autre lanthropologue n chappe pas l interrogation sur lui m me caus e par des v nements qui peuvent le remettre en cause tr s profond ment comme en ont t moign dans les ann es trente Michel Leiris dans son journal africain ou dans les ann e
12. e diff renciation culturelle en termes d appropriations sp cifiques des espaces urbains Son observation des groupes de jeunes montre que leurs modes d appropria tion de l espace se sentir chez soi dans un espace dont on n est pas propri taire s appuient sur des pratiques des circulations des marquages symboliques qui leur sont propres et souvent invent s cartant l opposition trop rigide entre identit et alt rit il d crit les interactions en jeu partir des notions d ali nation du sujet dans des logiques qui lui sont trang res d alter nation travers l institution d une nouvelle identit et d alt ration comme modification ou d calage pour construire la notion de m tissage qui d signe la fois des processus et leurs effets des changes et des synth ses originales en constante transformation A QUESTION DE L ALT RIT a t pos e de fa on radicale par l anthropologie depuis le d but du XX si cle Non seulement cette discipline a pens un d centrement de la culture occidentale suffisamment fort pour imaginer d autres centres de civilisation mais au del l anthropologie s est int ress e la com plexit des autres au point de comprendre que l on pouvait envisager des centres de gravit ext rieurs aux soci t s modernes Ce qui tait une fa on de poser tout aussi radicalement la question de l identit de notre soci t d j prise en charge par les hi
13. ie enterr e volontairement qui rend soudain trangers ces personnes famili res qu ils pre naient pour leurs parents On peut citer trois exemples des enfants aborig nes d Australie retir s tr s jeunes leur milieu et lev s par des familles blanches des enfants de disparus politiques en Argentine pris en charge par des militaires bourreaux de leurs propres familles des enfants r unionnais enlev s leurs parents et lev s par des familles d agriculteurs de la Creuse Ces cas d alternation ont fait une actualit relativement r cente et la d couverte de leur origine oubli e am ne ces adultes refuser leur identit et endosser une personnalit et une culture autres Dans l alternation on voit que le processus de subjectivation est primordial le changement de vie est ressenti et v cu comme n cessaire gr ce l existence selon Berger et Luckman d une structure de plausibilit qui sert de laboratoire de transformation et de m dium pour le passage d une identit une autre Au c ur de cette structure de plausibilit on trouve une exp rience v cue comme fonda trice que ce soit pour d couvrir un mode de vie radicalement nouveau ou celui d une filiation r prim e De l alt ration au m tissage Contrairement aux deux termes qui pr c dent l alt ration est un terme du sens commun sur lequel un travail de conceptualisation est n cessaire L usage courant donne u
14. inaisons culturelles entre des mondes qui au d part wont rien de 26 B Genocchio Hip Hop Mix of Geishas and Gangstas gt New York Times s lection du Monde 11 12 avril 2004 27 Cf la notice Hip Hop in F Laplantine A Nouss M tissages p 302 305 28 N Schmidt Histoire du m tissage ALTERNATION ALT RATION ET M TISSAGE 67 commun ou sont m me franchement inconciliables Autrement dit le m tissage n est pas un simple d guisement mais l identit complexe labor e partir de l appropriation de deux alt rit s En guise de conclusion on voudrait insister sur le caract re exploratoire de ce texte Le rep rage des processus de passage de soi l autre que forment l ali na tion l alternation et l alt ration demanderait tre affin et compl t Le cas par ticulier d alt ration que constitue le m tissage supposerait galement des d velop pements dans les champs du langage de l esth tique et des tudes approfondies dans le champ de l espace urbain que nous avons seulement esquiss s ici La rela tion ouverte l alt rit peut se condenser dans la formule de Rimbaud je est un autre qui d bouche sur une conversion plus ou moins d finitive mais le proces sus de m tissage est plut t une conversation infinie qui fait de soi et de l autre encore quelqu un d autre m me si c est moi Alain VULBEAU CREF Universit de Nanterre Paris X Le T
15. it forme une enveloppe qui vaut prison L ali n est incarc r dans une alt rit qu il n a pas choisie et qui s impose lui La psychiatrie et le marxisme ont utilis le terme ali nation au KIK si cle pour d crire chacun dans son champ un processus de sortie et d exclusion des mondes de la normalit psychique et sociale Avec le concept d ali nation les psychiatres ont d crit ceux qui taient non seulement tranges mais d abord trangers eux m mes priv s de raison L ali nation demandait une hospitalisation constante sous la responsabilit d un ali niste Le marxisme a utilis le concept d ali nation pour caract riser le proces sus qui place le prol taire dans une d pendance totale dans le cadre de rapports sociaux de production r gl s par le capitalisme Ces deux dimensions de l ali nation sont autonomes ou tout le moins ont t d velopp es dans des espaces conceptuels et mat riels distincts mais on peut noter la rencontre qui s op re la fin du XIX si cle entre le psychiatrique et le socio conomique avec la figure du vagabond souvent un journalier affect selon les cat gories de l poque d automatisme ambulatoire L ali nation est un processus pathologique caus soit par des d r glements de la raison individuelle soit par le capitalisme comme syst me non raisonnable et contradictoire tel que le marxisme l analyse notamment en mettant en
16. l maque n 29 mai 2006 use ap SaIBIISISAIUN S SS Jd 8GUEL SLOZ LO 92 8b PLe zg OUT UE MMM SIndep 8B1EU98 8 juawnooq
17. n Le m tissage qui affecte ces postures a pour cons quence la pro duction de formes neuves qui concernent le passant qu il soit pi ton automobi liste ou quip de diff rents appareils mobiles L exemple de la pratique du roller Paris illustre une forme de m tissage en milieu urbain Florent Papin a analys comment le roller fait interagir culture ado 22 Nous pargnons au lecteur la question des b carres et nous nous excusons aupr s des musiciens pour cette simplification outranci re 23 N Schmidt Histoire du m tissage Paris La Martini re 2003 24 Les l ments qui suivent sont repris de notre article Une socialisation du troisi me type Infor mations sociales n 119 2004 Les Adolescents p 6 17 ALTERNATION ALT RATION ET M TISSAGE 65 lescente et institution polici re Les pratiquants de rollers se rassemblent chaque fin de semaine depuis le milieu des ann es quatre vingt dix pr s d une grande gare parisienne et un immense cort ge traverse Paris en occupant les chauss es Les dix quinze mille usagers sont encadr s par des b n voles et par des policiers de la Pr fecture de police constitu s en brigade rollers L institution polici re a adopt une technique de maintien de l ordre particuli re qui consiste accompagner le mouvement en se dotant des comp tences propres aux rollers L existence de la brigade rollers ent rine deux processus lappro priatio
18. n physique d un espace urbain en dehors d espaces pr vus cet effet et l appropriation collective et symbolique de la rue dans une sorte de manifestation hypermobile Cette pratique t moigne de la constitution d une culture urbaine sp cifique et a priori d viante Les rollers constituent la fois un rassemblement et un d tournement d usage de la voirie principalement d vou e aux automobiles Mats la pr sence des policiers en rollers ent rine et l galise cette d viance tout en la contr lant En l esp ce le m tissage de culture urbaine provient du croisement de deux figures le roller et le policier qui cr ent leur tour deux figures le policier en rol ler et le roller b n vole qui assurent conjointement le service d ordre Ces deux figures qui coproduisent l ordre urbain entretiennent des liens Ainsi le policier en roller est souvent un ancien champion sportif de la discipline qui conna t donc bien cette activit mais que son uniforme sp cifie dans une mission de contr le de l ordre public De son c t le b n vole qui participe l encadrement du cort ge utilise une gestuelle qui peut voquer la pratique polici re par exemple l arr t face aux rollers les bras tendus vers le haut permet de signaler une chute et de faire d vier le flux des rollers de chaque c t de l accident Cette manifestation de rollers vue par des passants distraits pourrait appara tre comme une sorte de chaos
19. ne valeur p jorative ce terme alt rer c est modifier dans le sens d une perte d identit c est d naturer un objet Dans le langage sp cialis de la musique l alt ration d signe un signe qui plac avant une note l infl chit d un Le T l maque n 29 mai 2006 64 DOSSIER DUCATION ET ALT RIT demi ton Dans un usage conceptuel l alt ration signifie une modification sur laquelle on ne porte pas de jugement de valeur un l ment du syst me ou de la structure est modifi et l on s int resse aux cons quences morphologiques et fonc tionnelles Cependant on va s int resser ici la forme particuli re d alt ration ou est le m tissage terme du sens commun qui lui aussi renvoie la n cessit d un travail de conceptualisation L alt ration telle qu elle est d crite ci dessus porte sur un seul l ment elle reste autor f rente et donc marqu e par son origine Il s agit de savoir ce qui amoindrit une identit particuli re Le m tissage s int resse l alt ra tion de deux l ments distincts et ses cons quences formelles Le m tissage est le r sultat de l alt ration de deux l ments l un par l autre Autrement dit deux identit s ou formes identitaires ou singuli res repr sentant chacune une alt rit Pune pour l autre vont former un nouvel l ment lui m me en alt rit avec les deux pr c dents Le m tissage est en relation avec une do
20. o l ordre urbain est gravement perturb Cependant prenant acte d une nouvelle fa on d occuper la rue les responsables du maintien de l ordre ont insti tu un projet de maintenance s curis e de la pratique du roller Le m tissage est le produit de l alt ration de ces deux figures que sont le roller et le policier Le second exemple rel ve d une autre chelle de l tude des ph nom nes urbains Alors que les rollers sont des milliers mobiliser de fa on tr s visible l espace de la rue par une pratique spectaculaire les usagers des escalators consti tuent un tout petit monde ph m re sans organisation apparente et m me sans nom sp cifique En fait l escalier roulant est l occasion de pratiquer des sociabilit s in dites qui traduisent des formes discr tes d appropriation de la culture urbaine L escalator est un appareil habituel des espaces publics notamment des trans ports collectifs et des grands magasins qui demande une socialisation particu li re Les enfants acqui rent ce savoir faire sur le mode du jeu en apprenant se 25 F Papin Les rollers ou la m tamorphose de la chauss e gt Terrains et travaux n 5 2003 Urba nit s sociabilit s et cultures urbaines p 31 46 Le T l maque n 29 mai 2006 66 DOSSIER DUCATION ET ALT RIT stabiliser l entr e et sauter la sortie ventuellement aid s par la main secou rable d un adulte Les habitu s appli
21. quent la r gle de serrer droite s ils sta tionnent afin de d gager la voie de gauche ceux qui montent optimisant ainsi Tusage de appareil Sur lescalator ce sont alors les r gles de la conduite automo bile qui se transf rent dans le monde des pi tons Le pi ton se m tisse avec l auto mobiliste gr ce au support d acc l ration de l escalier m canique cette double alt ration des mod les pi tonnier et automobiliste s en ajoute une seconde On peut remarquer que l escalator est presque devenu un enjeu de sant publique puisque dans certaines stations des affiches invitent d sormais les pi tons monter par les escaliers pour faire un peu d exercice physique utile au plan cardio vasculaire L usager vertueux vite donc l escalator afin de respecter les campagnes de pr vention sanitaire Cependant il existe une figure interm diaire qui soucieuse de ne perdre ni le b n fice de l escalator ni celui de l escalier gravit l escalator en courant satisfaisant l plusieurs consignes plus ou moins contradictoires de socialisation L appropriation de la culture urbaine est recher cher dans cet usage r fl chi d objets comme l escalator dont l utilisation est a priori m canique et fonctionnelle et sans enjeu symbolique On terminera avec la figure m tisse des ganguros ou faces noires du Japon signal e dans un article de la presse nord am ricaine Prenant en mod le le
22. rbain La ville sera donc consid r e non comme espace fonctionnel et technique mais comme culture comme r f rence symbolique comme espace de d ploiement des relations sociales De longue date les travaux de l cole de Chicago Park Burgess Warner Hugues et de la g n ration dite de l interactionnisme symbolique Strauss Goffman Becker ont d gag le terrain soit sp cifiquement sur l espace urbain soit sur le niveau local de l chelle d observation Par rapport la question de l appartenance culturelle ce qui pr c de a deux implications D abord nous allons essentiellement envisager la th matique de l appartenance culturelle en la r f rant la culture urbaine Ensuite la relation d appartenance sera consid r e principalement partir du processus d appropria tion spatiale S il tait besoin de justifier cette orientation on pourrait voquer d une part le d veloppement dominant de l espace urbain et surtout l extension d une culture urbaine qui concerne les populations des villes mais galement les milieux n o ruraux ou rurbains Cette culture urbaine se sp cifie par la recherche de l accessibilit des services et des pratiques de loisirs ainsi que par des r gimes de 9 La Jeunesse comme ressource exp rimentations et exp riences dans l espace public A Vulbeau dir Ramonville Saint Agne r s 2001 A Vulbeau Les Inscriptions de la jeunesse Paris L Harmattan
23. s soixante dix Nigel Barley dans la description hilarante de ses checs Appartenance culturelle et urbanit Dans le prolongement de cette d marche anthropologique on va proposer une r flexion sur le th me appartenance culturelle et alt rit en en pr cisant d embl e les points d appui Sur le plan disciplinaire cette approche rel ve de la socio ethnographie ou de la socio anthropologie Il s agit d un croisement entre une approche sociologique s int ressant nos soci t s contemporaines de masse 3 M Mead M urs et sexualit en Oc anie Paris Plon 1963 V Elwyn Maison de jeunes chez les Muria Paris Gallimard 1998 A Varichon Le Corps des peuples us et coutumes de la propret et de la s duction Paris Seuil 2003 F Laplantine La Description ethnographique Paris Nathan Universit 1996 M Leiris L Afrique fant me Paris Gallimard 1988 N Barley Un anthropologue en d route Paris Payot 1992 S Beaud E Weber Guide de enqu te de terrain Paris La D couverte 1997 cf la postface Pour une ethnographie sociologique p 293 314 P Bouvier L objet de la socio anthropologie gt Socio Anthropologie n 1 1997 2 Em ALTERNATION ALT RATION ET M TISSAGE 59 et une approche ethnographique centr e sur la description petite chelle d une soci t autre Ainsi il s agit d articuler des approches qui ont pour but une inter pr tation
24. storiens et les sociologues C est aux jeux de l alt rit et de l identit que ce texte va s attacher partir d interactions sp cifiques comme l alternation l alt ration et le m tissage ce dernier processus tant saisi dans le cadre de prati ques urbaines L Autre de l anthropologue Des recherches ont montr les singularit s voire les diff rences fondamentales de soci t s autres On pourrait citer parmi bien d autres exemples Pierre Clas tres et ses travaux d anthropologie politique sur les chefferies sans pouvoir Mar shall Sahlins sur l abondance dans les conomies primitives ou Margaret Mead et 1 P Clastres La Soci t contre l tat Paris Minuit 1974 2 M Sahlins ge de pierre ge d abondance Paris Gallimard 1976 Le T l maque n 29 ducation et alt rit mai 2006 p 57 68 58 DOSSIER DUCATION ET ALT RIT Verrier Elwyn sur la sexualit et la place des genres et des g n rations c t de ces th mes majeurs l anthropologie nous a aussi d crit en d tail comment l alt rit se manifeste dans les dimensions minuscules de la vie quotidienne En t moigne l ouvrage r cent d Anne Varichon qui explore les multiples fa ons de pr senter et de travailler le corps dans des actions en apparence aussi banales que laver son corps nettoyer sa bouche ma triser ses poils faire ses besoins etc Ce d centrement s est op r gr c
25. uble alt ration c est un processus et un r sultat Dans le cadre de la culture urbaine qui nous int resse le processus met en interaction deux l ments relevant chacun d un espace singulier Cette interaction est marqu e par un travail qui s il concerne des relations humaines peut comporter des conflits et des n gociations mais jamais la disparition de l un des deux termes Le r sultat est le m tis objet ou sujet qui form par deux autres est lui m me un autre pour ses deux l ments d origine Il est important pour la d marche pr sente de bien situer du c t de la con ceptualisation l emploi du terme m tissage car partir des emplois de sens commun il y a deux cueils viter Le premier est celui de la naturalisation qui consisterait croire que les sujets qui se croisent sont purs et naturels Il y a l le risque comme le souligne Nelly Schmidt de rejoindre une n o racialisation positive les discours sur la valorisation des m tis ou n gative les discours sur la d g n rescence des races Le concept de m tissage comme tout autre concept n est pas employ pour servir un discours normatif mais pour d crire une mer gence et l interpr ter dans le cadre d une th orisation Les exemples de m tissages sur fond de culture urbaine que l on va pr senter sont li s la mobilit urbaine et diff rentes postures que tiennent les usagers de l espace urbai
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