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1. Compte rendu Natures mortes Patricia Belzil Jeu revue de th tre n 69 1993 p 147 151 Pour citer ce compte rendu utiliser l adresse suivante http id erudit org iderudit 29182ac Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 06 52 CRITIQUES Natures mortes Texte de Serge Boucher Mise en sc ne Michel Tremblay assist d Alain Roy sc nographie Richard Lacroix clai rages Guy Simard costumes Fran ois Laplante acces soires Jacqueline Rousseau son Claude Lemelin Avec Elise Guilbault Diane Roger L ger Jean Guy et Pierre Rivard St fane Production du Th tre de Quat Sous pr sent e du 4 octobre au 12 novembr2. immortel Patricia Belzil Helter Skelter version finale Texte et mise en sc ne Jean Fr d ric Messier Sc nographie et clairages Manon Choini re conception vid o Synergie conception sonore et musique Marc Dessaulles costumes et maquillages Linda Brunelle dramaturgie Dominic Champagne avec la collaboration du Th tre Il Va Sans Dire Avec Kim Aleksander Andr Barnard C line Bonnier Nathalie Claude St phane Demers James Hyndman Dominique Leduc Sylvie Moreau Fran ois Papineau et Marcel Pomerlo Production de Momentum pr sent e la Salle Dawson du 5 au 30 janvier 1994 la d bandade Apr s avoir pay et s tre fait tamponner la main les spectateurs pour la plupart des jeunes gens tr s branch s font la queue dans un escalier Pour nous faire patienter un vid o retransmet un clip un person nage borgne et monstrueux nonne d inin telligibles paroles Puis on entre dans une salle immense entour e de trois tages de balcons et de galeries l ancienne Biblio th que Dawson Le plancher rappelle une piste de danse On pourrait se croire dans une bo te de nuit Cest pourtant une soir e de th tre qui d bute Momentum pr sente Helter Skelter la version finale d un work in progress entam il y a plus d un an Le spectacle a suscit des r actions diam tralement oppos es Certes les cri tiques journalistiques sont des tres par tiaux subjectifs mais commen
3. e 1993 La vie sans mode d emploi Elle a bien ses p tites joies d faut du bon heur quand elle nourrit ses chats quand elle parle ses fleurs Chaque semaine au loto elle mise dix ou vingt balles elle joue son num ro d s curit sociale Renaud Banlieue rouge Ainsi s gr ne la vie des personnages de Natures mortes existence tale dans une petite ville de province ponctu e de plai sirs modestes et de gestes routiniers m ti culeusement accomplis Pour Jean Guy il y aura toujours la violette arroser les cigarettes rouler le dimanche soir et les films de Rocky pour Diane il y aura toujours les leurs en soie confectionner le cendrier laver soigneusement entre chaque utilisation et les ballades de Joe Dassin ls n ont pas vraiment de r ves ou de projets auxquels s attacher mais des souhaits na fs aller la Place des Arts ou proprement d mesur s gagner le mil lion Jean Guy est incapable de r pondre de quelle couleur il choisirait son auto s il pouvait s en payer une Diane d clare qu elle habite cet appartement en atten dant mais elle ne sait pas quoi Ces personnages faits de la m me toffe fr re et s ur dans la solitude ne se rencon trent jamais dans la pi ce de Serge Boucher Ils sont mis en parall le par un personnage pivot St fane qui fait leur connaissance au m me endroit six ans d intervalle la pi ce est ainsi constitu e de deux actes St fa
4. es soit par la sonnerie du t l phone soit par le bruit incommodant des voisins Pour Diane la chambre voque une vie conjugale mar qu e par l abn gation St fane apr s la mort de Diane met le feu au matelas on devine qu il simmole avec elle car il s est assur que l immeuble tait vide de ses locataires dans un geste pour br ler le pass douloureux celui de Diane et le sien Meubl e par de longs silences et par le bruit abrutissant du t l viseur toujours allum qui remplit le vide et alimente les conversations l atmosph re exacerbait la solitude et l ennui de ces Natures mortes Les courtes sc nes dont la pi ce est constitu e taient s par es invariablement par des noirs I y aurait certainement eu moyen de marquer autrement le passage du temps sans recourir chaque fois ces noirs brefs mais lassants on parle ici d une quaran taine de sc nes et autant de noirs donc Michel Tremblay qui signait l sa premi re mise en sc ne a toutefois amen les acteurs se glisser g n reusement dans leurs per sonnages la distribution respirait l har monie ce qui compensait largement mon sens une mise en sc ne plut t mo notone Pierre Rivard qui d fendait son premier r le professionnel a r ussi ren dre la r volte sourde de St fane faire passer le personnage de l adolescent ren ferm Padulte introverti et amer Roger 149 lise Guilbault Diane et Pierre Ri
5. les corps ensanglant s de ses parents qui se sont entre tu s Dans une lettre d adieux Jean Guy St fane lui demande de ne pas pr venir la police tout de suite pour qu il puisse profiter de sa libert avant qu on lui redonn e des nouveaux parents avec une nouvelle prison p 49 I revient sur les lieux de son adolescence vingt ans rencontre Diane dans le sta tionnement de l immeuble Elle habite l appartement m me o il a v cu avec ses parents son attitude farouche et ses mensonges quand Diane l interroge propos de sa famille on comprend qu il est l auteur du parricide N avait il pas lanc d s sa premi re rencontre avec Jean Guy J les ha s assez mon p re pis ma m re Des fois j aimerais assez a qui meurent p 7 8 En effet il avouera Diane la fin son geste d sesp r Si le drame de Jean Guy est celui d une existence morne o il ne s est jamais rien pass Diane elle est stigmatis e par une preuve douloureuse qu elle tourne en l Les citations renvoient au tapuscrit de Natures mortes CEAD 1993 148 d rision et s efforce de banaliser Le grand amour de sa vie R jean lui i imposait des s ances trois avec un ami pour quil puisse assouvir lui ses d sirs homosexuels Un beau jour il l a quitt e pr sent elle meurt petit feu vraisemblablement at teinte du sida si R jean tait revenu elle l aurait repris dit elle m me avec u
6. n autre homme je l aimais assez pour a mon R jean p 115 Entre St fane et Diane on sent qu il pourrait y avoir de l amour mais il n y a qu une tendresse maladroite toujours frein e L une des derni res sc nes o Diane va mourir bient t est on ne peut plus loquente allong e sur le divan du salon Diane r clame son ami un peu d affection de faire l amour avec elle dans sa t te Veux cu on vas masturber chacun Roger L ger Jean Guy et Pierre Rivard St fane dans Matures mortes Photo Yves Renaud de notre bord On va imaginer qu on est en train de faire l amour ensemble Veux tu On va s attendre on va s caresser long temps on va laisser monter le d sir Veux tu p 120 L ami ne r pondra pas in capable m me en imagination de com bler le besoin affectif de la jeune femme Ces personnages ne communiquent pas vraiment ils se parlent eux m mes Les dialogues tournent court d abord parce que St fane parle peu ensuite parce que personne n attend d empathie de la part de l autre Aussi se lancent ils dans des mo nologues flot nerveux de paroles o le personnage se conforte dans ses convictions L expression d id es se limite un t moi gnage creux une tribune t l phonique une argumentation inspir e sur l endroit o Pon trouve les meilleures cro tes de pizza des r actions indign es sur le trai tement que les m dias font leurs vede
7. ne se glissant tour tour dans l inti mit de Jean Guy et dans celle de Diane En fait c est ce qui est deroutant dans la structure de cette uvre Sr fane ne d clenche aucune action ne provoque aucun changement v ritable dans la vie des deux autres M me lorsqu il vient vivre avec Diane il n y aura jamais de chocou de fusion entre eux Ce sont des solitudes qui se croisent tentent de s apaiser mais res tent confin es des changes banals Les confidences quand elles ont lieu per sonne ne veut au fond les entendre Adolescent coinc entre un p re alcoolique et une m re exc d e Sr fane se lie d amiti avec son voisin du dessous Jean Guy concierge la polyvalente Entre deux 147 Pepsi et deux pizzas Jean Guy se d fonce sur la bicyclette stationnaire les halt res et les extenseurs tirant de ses biceps qu il gonfle etadmire sans cesse une satisfaction primaire St fane trouve aupr s de Jean Guy le grand fr re la pr sence masculine qui lui manque Peu peu il est attir par lui Une nuit o Jean Guy s est endormi apr s une noce o il s est tourdi d alcool et gris de danses avec la mari e le gar on se permet d admirer son amant de tou cher son sexe dans un m lange d exaltation et de peur accomplissant une c r monie secr te o il se marie avec Jean Guy Mais ce rapprochement marque aussit t la fin de leur relation car de retour chez lui St fane d couvre
8. t peuvent ils avoir des perceptions aussi diff rentes l Voir la critique de la deuxi me version par Philip Wickham dans eu 67 1993 2 p 96 97 151
9. ttes de Rocky Ren e Martel Il est int ressant de mettre cet univers en parall le avec celui de Daniel Danis qui est de la m me g n ration que Serge Boucher et dont les personnages appar tiennent aussi au Qu bec rural Dans Cendres de cailloux Shirley et Coco bums de village compl tement d sax s et d prav s voudraient pourtant qu il se passe quelque chose de beau et de grand dans leur vie ils ont une conscience aigu du vide et de la m diocrit de leur existence Au contraire les personnages de Natures mortes rang s et peinards n envisagent rien qui les d passe d o le malaise du spectateur plac devant un monde qui tourne sur lui m me o rien ne peut se passer sauf un drame de l impuissance l enfant qui limine ses p re et m re seul moyen extr me aberrant pour ne plus assister leurs sc nes violentes Le sc nographe Richard Lacroix a log successivement sur la sc ne du Quat Sous les appartements exigus de Jean Guy et de Diane sous le plafond bas crasant les personnages semblaient habiter dans une bo te ce qui faisait penser aux sc no graphies de Dani le L vesque au fond une chambre blanche au lit intact o l on ne va jamais Cette chambre vide que l on avait toujours sous les yeux rappelait constamment le n ant amoureux des per sonnages et leurs d sirs sexuels refoul s d ailleurs les s ances de masturbation sont invariablement interrompu
10. vard St fane dans Natures mortes Photo Yves Renaud L ger composait avec le naturel et la sou plesse qu on lui conna t un Jean Guy au conformisme content qui laissait para tre son ins curit dans de brefs instants de doute sur la r ussite effective de sa vie Enfin pour jouer Diane un choix heureux que celui d lise Guilbault qui a aur ol le personnage d une bouleversante fragilit ses r flexions douces am res sa na vet et son stoicisme en faisaient une h ro ne inoubliable vitant une caricature qui e t t grotes que les com diens ont su faire affleurer la v rit des personnages Ceux ci sont si vuln rables si touchants dans leur conditionnement exiger peu de la vie si semblables des gens qu on a rencontr s qu on ne rit pas ou alors pas longtemps de leur simplicit et de leurs travers Au del des pr occupations et des m urs qui les associent une culture un milieu ces personnages sont atteints d un mal uni versel celui de la solitude Une solitude qui n est ni urbaine ni rurale ni c libataire ni familiale ni prol taire ni bourgeoise mais ancr e profond ment en eux comme s ils n avaient pas d aptitude au bonheur pas de mode d emploi pour vivre heureux J ai t mue par ces Natures mortes des sin es avec pr cision et jou es avec tant de justesse et je ne les oublierai pas ces tres effac s quand ils sont sacrifi s ont quel que chose d
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