Dimension socio-historique du tourisme en montagne
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1. la fois Barbarin 1950 Cette repr sentation atteint son apog e la suite de l ascension victorieuse de l Annapurna en 1950 laquelle participent les grands guides de cette p riode Lionel Terray LouisLachenal et Gaston Rebuffat Tous trois sont d origine citadine issus du mouvement Jeunesse et Montagne et se sont int gr s au sein de la Compagnie de Chamonix en contribuant renouveler la cr dibilit sportive de la corporation Le registre des qualificatifs employ s partir de cette p riode pour d signer les guides est ce sujet tr s vocateur et rend compte de leur dimension quasi mythique coureurs de cimes chevaliers des cimes aristocratie de la montagne ma tres apr s Dieu dans la montagne hommes h ros archanges modernes lite alpine etc Ce type de repr sentations reste tr s actif jusqu nos jours en perp tuant certaines images h rit es de la p riode pr c dente Le guide se voit ainsi toujours gratifi de qualit s inn es invuln rabilit intuition sens de l orientation aptitude deviner le temps pied montagnard habilet manier la corde tc Si dans les ann es quatre vingt les repr sentations de l activit de guide se veulent beaucoup plus r alistes et s appauvrissent quelque peu en images symboliques aussi nettes elles paraissent n anmoins reposer sur une cohabitation presque parfaite des deux sch mas de repr sentation pr c dents le guide se vo2. Viard 1981 Le travail d analyse th matique que nous conduisons repose sur un corpus d une vingtaine de textes crits de 1870 nos jours Ces textes sont aussi bien des r cits d ascension que des romans des biographies des manuels techniques ou encore des r glements professionnels et des textes l gislatifs leurs auteurs tant soit des guides soit des clients de guides ou m me parfois de simples litt rateurs Afin de bien cadrer l interpr tation de ces mat riaux nous les avons compl t s par les apports de diverses recherches r centes ainsi que par des entretiens avec des guides et leurs clients L analyse propos e part de l hypoth se qu il y a chaque poque un certain consensus sur la repr sentation litt raire des personnages du guide et de son client consensus bas sur un syst me de valeurs changeantes partag aussi bien par le discours des guides que par celui des non guides ou des l gislateurs Une dimension socio historique Au commencement tait le client Savant ou voyageur suisse ou britannique plus rarement fran ais souvent rentier il s aventure dans la montagne pour d couvrir les glaci res et conqu rir les sommets II invoque des justifications scientifiques ou litt raires ou recherche tout simplement des sensations fortes Apr s 1741 date de la visite fondatrice aux glaci res de Chamonix des anglaisWindham et Pococke la haute montagne attire de plus en plus de touristes selon l
3. m me la mort du guide par leur inconscience et leur vanit Tels sont les clients d crits par Roger Frison Roche dans Premier de cord e un roman qui est un des premiers textes crits par un guide et qui a suscit de tr s nombreuses vocations professionnelles apr s 1945 Page 3 Article _bourdeauS A la m me poque une autre repr sentation tr s courante contraste singuli rement avec ces sch mas c est celle des belles amiti s qui se cr ent entre guide et client au del des diff rences de statut social et se prolongent au del de la montagne ou des saisons d alpinisme Elle semble correspondre une r alit v cue par bon nombre de guides notamment gr ce la pratique des engagements de longue dur e renouvel s chaque ann e et m me parfois de g n ration en g n ration Loux 1988 La formule de l engagement correspond l emploi d un guide par un m me client sur une p riode pouvant varier de quelques jours plus d un mois ceci pour un tarif forfaitaire global Alors qu elle tait de r gle la fin dXIX me et au d but du XX me si cle elle est aujourd hui assez rare et sa dur e est r duite Depuis cinquante ans et bien davantage pour quelques grands professionnels le guide n est plus un simple accompagnateur de messieurs Il est devenu un partenaire ou un enseignant sinon un ma tre qui il arrive m me de choisir ses clients ce qui constitue un singulier retournement de situation D s 19
4. 1945 Ce faisant il a parfois suscit une pre concurrence entre les alpinistes amateurs cens s cultiver une passion d sint ress e et les guides soup onn s de mercantilisme Toutefois depuis la cr ation du dipl me de guide au lendemain de la seconde guerre mondiale quelques exceptions pr s les meilleurs alpinistes amateurs ont toujours recherch une validation de leur haut niveau par l obtention du brevet de guide En cons quence la cons cration par la m daille de guide s est affirm e comme un symbole d appartenance une lite sportive Du touriste maladroit lalpiniste autonome du guide mercenaire au guide h ros cest donc un jeu crois d identit prescrite et de r f rences qui lie les deux p les antith tiques de histoire de l alpinisme que sont le touriste et son guide Un jeu r gl par la montagne qui unit et s pare tour tour les acteurs mis en sc ne par le grand th tre alpin Page 6
5. rement pr gnante dans l univers culturel des pays alpins par la la nature de l espace au sein duquel s exerce sa comp tence comme par la port e symbolique de sa confrontation avec le risque et de son appartenance une lite sportive Depuis la naissance de l alpinisme les touristes qui s aventurent en haute montagne tendent parer leur guide de l ensemble des qualit s dont ils se consid rent eux m mes d munis et b tissent la l gende de l homme de la montagne A l inverse si le personnage du guide est un interlocuteur privil gi de alpiniste le personnage du client joue un r le fondamental dans l activit et l identit professionnelle Jusque dans les ann es soixante dix il n tait m me pas rare que certains professionnels ne pratiquent jamais l alpinisme en amateurs c est dire sans clients Afin de mettre en perspective l volution des conditions de cette repr sentation nous nous basons sur le mat riau d tudesocio g ographique tr s riche que constitue la litt rature alpine de la fin duXIX me et du XX me si cle L alpinisme a suscit depuis son origine un abondant discours crit qui joue un double r le d incitation la pratique sportive et d actualisation des repr sentations collectives qu elle suscite Les rapports entre le touriste et son guide ne manquent pas de figurer en bonne place au sein de cette production litt raire dont les personnages comme le rappelle JViard sont de la th orie vivante
6. solliciter l inscription des observations de leurs clients sur un livret est supprim Par contre le texte concernant leurs droits et devoirs est maintenu sous sa forme initiale jusqu en 1976 date de l abrogation de la Loi de 1948 Par la suite les textes issus des lois ult rieures et de leurs d crets d application abordent exclusivement les conditions de s lection et de formation des guides C est notamment dans ce contexte de vide r glementaire que le Syndicat National des Guides travaille depuis 1985 la r daction d un projet de recommandations professionnelles destin baliser la pratique des guides face leurs droits et devoirs vis vis de la client le Cette d marche ne manque pas d cueils mais son acuit est renforc e par le fait que les guides des autres pays de l arc alpin disposent de telles r gles d ontologiques Son esprit est bien diff rent on s en doute de celui qui animait les r dacteurs des premiers r glements et commandements de guides AuXIX me si cle et pendant la premi re moiti du XX me si cle les rapports entre guides et touristes paraissent surtout marqu s par la question du choix d un bon guide et de la qualit de son service Depuis les ann es cinquante le probl me se pose tr s diff remment car la qualit de la formation des guides est garantie par Etat travers un solide dipl me et celle de leurs prestations est soumise la loi de la concurrence La probl matique sociale des ra
7. 39 une cliente d Armand Charlet s avoue tr s flatt e d tre agr e comme cliente par un guide aussi c l bre Busk 1974 Aujourd hui la capacit technique du guide tant a priori indiscut e son client attend surtout de lui qu il fasse preuve des qualit s humaines n cessaires l animation d un moment de loisir ou la transmission d un savoir sportif ou culturel Sur le terrain la difficult pour le guide est de concilier ses triples fonctions techniques p dagogiques et relationnelles proposer en toute s curit des produits adapt s la demande et au niveau de sa client le jouer un r le d ducateur et surtout tre un compagnon agr able Au cours d une course d un raid ou d un stage il doit par exemple se pr occuper de la s curit et du confort physique ou moral de son client mais sans pour autant se laisser aller un chouchoutage excessif Aguetant et Al 1974 Il doit galement s adapter la personnalit l ge ou au style de celui ci tout en s effor ant de garder son flegme en toutes circonstances et d assumer son autorit sans l imposer Autant de r gles de conduite qui supposent la fois exp rience et enthousiasme fermet et souplesse simplicit et tact st la richesse et la complexit de ce contexte relationnel que l ouvrage de MaxLiotier Celui qui va devant met en sc ne dans le cadre d une course d alpinisme traditionnelle l ascension de la Meije Liotier 1968 De plus une part
8. Article _bourdeauS Dimension socio historique du tourisme en montagne Philippe Bourdeau Article publi dans Homoturisticus du tourisme ordinaire en montagne Revue de G ographie Alpine n 4 1991 Grenoble p 89 104 R sum Le personnage du guide est un interlocuteur privil gi du sp cimen singulier de touriste montagnard gest l alpiniste Par les valeurs changeantes qu il incarne depuis plus de deux si cles le guide est aussi un miroir dans lequel le touriste trouve la fois son double et son contraire La litt rature alpine dXIX me et du XX me si cle nous apporte un clairage stimulant sur cette relation passionn e et parfois tourment e entr dlpiniste citadin et le montagnard En nous appuyant sur sur un corpus uine vingtaine de textes crits de 1870 nos jours ainsi que sur les termes de la r glementation professionnelle nous pouvons saisir la dimension socio historique des diff rentes phases de l laboration de l identit r ciproque du touriste et de son guide Notre analyse part de l hypoth se que les repr sentations litt raires et sociales des personnages du touriste et de son guide font l objet chaque poque d un consensus bas sur des images partag es aussi bien par le discours des clients des guides et du l gislateur Mots cl s alpinistes guides de haute montagne litt rature alpine r glementation Le personnage du guide a acquis une staturesocio mythique particuli
9. a d nomination en vigueur l poque Pour les accompagner sur les glaciers et les sommets ils recrutent des montagnards paysans bergers cristalliers ou chasseurs de chamois qui deviennent les premiers guides En 1821 35 ans apr s la premi re ascension du Mont Blanc par Michel Gabriel Paccard et le guide Jacques Balmat la premi re compagnie de guides est cr e Chamonix par le Conseil municipal de la commune qui d signe une liste initiale de 42 guides Cette cr ation fait suite l accident de la caravaneHamel Engel 1950 qui avait co t la vie trois guides lors d une tentative d ascension auMont Blanc et r pond au double besoin de g rer une caisse de secours destin e aux guides et de garantir leurs comp tences Elle va permettre une identit professionnelle de se forger progressivement vis vis des clients en s appuyant entre autres sur un r glement tr s strict Ce Page 1 Article _bourdeauS r glement est d abord un organe de d fense des int r ts des guides Il pr voit le tarif des courses d finit les conditions auxquelles les clients doivent se soumettre et s efforce de lutter contre toute concurrence ext rieure jetant ainsi les bases d une v ritableterritorialisation appropriative de la haute montagne chamoniarde Il instaure aussi le fameux tour de r le qui r git ce moment crucial qu est le premier contact entre guide et client les guides sont inscrits au tour de r le dans l ordre de le
10. de l habitus corporel dont se pr valent les guides RDesmaison nous en offre un exemple tr s significatif lorsqu il consacre deux chapitres de son ouvrage Professionnel du vide d crire photographies l appui les exploits alpins pitoyables d un client quil affuble de diverses tares corporelles contrastant avec sa position sociale lev e Desmaison 1980 Nous retrouvons bien l le ph nom ne de surcompensation de l in galit sociale par une sup riorit physique concr te et symbolique voqu par E Decamp Decamp 1987 En un peu moins d un si cle le syst me de valeurs qui fonde le rapportsocio symbolique entre le guide et son client via l espace montagnard a largement volu selon les changements de l identit respective de chacun des membres de leur cord e De simple ex cutant le guide a acquis progressivement une figure de ma tre Majastre Decamp 1988 dont la stature symbolique tend oblit rer le personnage du client comme m diateur et r f rent essentiel de sa relation avec la montagne Le client a t il rendez vous avec la montagne travers un guide ou a t il rendez vous avec un guide travers la montagne s interrogeait J O Majastre en 1972 Majastre 1972 Nous pourrions presque ajouter que dans l imaginaire social c est le guide qui a symboliquement rendez vous avec la montagne travers un client Dans Premier de cord e R Frison Roche d crit ainsi une soci t de guides au sein de laquelle le
11. de valeurs radicaux depuis le d but duXX me si cle C est partir de la d finition de l identit symbolique du guide vis vis de son client que nous proposons une interpr tation de l inversion de polarit de ce syst me de valeurs Jusqu au d but du XX me si cle le guide est presque un domestique sp cialis un accessoire bourgeois personnage un peu fruste investi par ses clients de valeurs de fid lit et de d vouement comme le montrent les relev s de termes op r s dans les r cits pyr n istes par R D ellefon De Bellefon 1986 En revanche les valeurs li es aux changes relationnels semblent peu mises en avant et la relation au terrain para t purement fonctionnelle C est dans les ann es trente et quarante que le guide acquiert une ind pendance Page 4 Article _bourdeauS professionnelle et symbolique croissante en devenant dans la litt rature alpine un seigneur paysan outtet Richerd 1946 ennobli par la sagesse et le savoir faire issus du terroir montagnard C est aussi cette p riode que paraissent les premiers ouvrages crits par des guides qui vont largement contribuer exalter le personnage Mais les ouvrages crits par des non guides se font galement de plus en plus laudatifs et parent les guides de toutes les vertus morales de la sagesse paysanne vous tes ainsi les guides Vous descendez du ciel apr s avoir remport des victoires inscrire en lettres d or au fronton de l alpi
12. des tarifs les d l gu s de I amp T D organisent une entrevue amicale autour d un bon repas et attendent le moment o la reconnaissance de l estomac appelle la confiance et favorise les transactions De m me lorsque G Casella publie en 1912 un ouvrage sur l alpinisme il ne manque d y ins rer un texte sur les commandements des guides Ceux ci sont compos s de 18 articles qui cernent l ensemble du champ relationnel entre le guide son client et la montagne dans les domaines de la pr sentation vestimentaire de la politesse du comportement avant pendant et apr s la course comme dans le domaine technique Casella 1913 Avec le recul du temps et le redoutable pouvoir de juger qu il procure il n est pas facile d interpr ter ces rapports affich s entre les guides et leurs clients Faut il simplement consid rer le paternalisme de l poque comme une donn e historique Sur le terrain en tout cas il para t manifeste que les r glements et les discours officiels n ont jamais remplac les rapports interpersonnels Aussi semble t il que la plupart des guides aient pu conserver leur ind pendance morale et professionnelle vis vis de la client le des alpinistes ce qui n tait sans doute pas toujours facile Page 2 Article _bourdeauS Au lendemain de la guerre la loi du 18 f vrier 1948 dite sur les guides de montagne marque la premi re intervention de l Etat dans la d finition des conditions d exercice de l activit de guid
13. e En ce qui concerne les devoirs des professionnels vis vis de leurs clients son d cret d application paru en f vrier 1950 para t tr s proche des r glements de la p riode d avant guerre Il correspond aux termes d un r glement dict en 1945 par la F d ration Fran aise de la Montagne CAF 1948 49 et reprend m me un article du r glement du Club Alpin Fran ais des ann es trente Le syst me du livret feuilles num rot s destin recevoir les observations des touristes est maintenu et les guides comme les aspirant guides sont tenus de demander leurs clients l inscription de ces attestations il est toujours sp cifi que les guides doivent avoir une tenue propre et convenable user de la plus grande pr venance vis vis des alpinistes et faire tout ce qui est n cessaire et utile pour leur service la plus grande sobri t est exig e d eux pendant les courses comme dans la vie courante enfin il est rappel que les guides doivent tre pourvus d un quipement convenable piolet corde en bon tat En contrepartie de ces devoirs le d cret en question conforte les droits des guides et stipule que les alpinistes ont le devoir de se comporter de mani re convenable l gard des guides de fa on cr er gr ce une bonne volont r ciproque les bonnes relations indispensables la r ussite de la course D cret n 50 174 du 3 02 1950 Dans les ann es soixante l article imposant aux guides de
14. es aux r gles de la prudence art 19 les guides doivent toujours avoir une tenue propre et convenable user de la plus grande pr venance vis vis des voyageurs et faire tout ce qui sera n cessaire et utile pour leur service art 20 la plus grande sobri t est exig e des guides non seulement pendant les courses mais encore dans la vie courante art 21 Les droits des guides sont aussi toff s par la cr ation d une caisse de secours destin e garantir les accidents professionnels Ces r glements successifs sont tr s r v lateurs de la mentalit collective qui s exprime la fin dXIX me si cle et au d but du XX me dans les relations entre les touristes et les guides Les touristes sont des citadins ais s qui aiment se d finir comme des alpinistes de sport en opposition au qualificatif d alpinistes de carri re par lequel ils d signent leurs guides STD 1904 Dans la r gion dauphinoise par exemple le discours des dirigeants de la Soci t des Touristes du Dauphin t moigne d un paternalisme bon teint vis vis des guides attitude typique de la bourgeoisie de la Troisi me R publique Lejeune 1988 Tour tour modestes infatigables d vou s les braves guides se voient d cerner avec parcimonie des promotions des piolets d honneur et des lettres de f licitations ou encore quelques bl mes par ci par l STD 1907 Lorsque les professionnels r clament une augmentation
15. ie croissante de l activit du guide a aujourd hui pour objectif de faciliter l acc s l autonomie de ses clients Ce qui tait impensable avant 1945 o l enseignement de l alpinisme tait largement consid r comme un suicide professionnel Enfin alors que la relation entre le guide le client et la montagne tait autrefois presque exclusivement individuelle elle est largement devenue collective que ce soit travers un travail en collectivit ou dans le cadre de stages Cette donn e modifie peu le r le technique du guide mais sollicite de fa on accrue ses capacit s d enseignement et d animation dans les registres aussi divers que l organisation la sociabilit la disponibilit ou encore l autorit et la responsabilit Pour Paul robel le guide peut tre d sormais non seulement devant pour guider mais aussi derri re pour rassembler et au milieu pour conseiller Entretien r alis en 1990 Depuis une vingtaine d ann es le contexte de la relation entre le guide et ses clients s est donc la fois simplifi et complexifi simplifi car le guide est beaucoup plus proche de ses clients socialement et culturellement qu il ne l tait autrefois mais galement complexifi car les fonctions qu il doit assumer s int grent dans le contexte du march des loisirs S il proposait autrefois un simple service il vend d sormais un produit qui tend tre commercialis selon des r gles de plus en plus complexes Le marke
16. it la fois d sign comme un homme du terrain montagnard et de la nature image r actualis e par les r ves de l apr s cologie mais aussi plus prosa quement comme un technicien sportif Dufour Fournier 1987 L identit symbolique du guide vis vis de son client se d finit d sormais davantage par un dipl me c est dire la reconnaissance sociale d une culture sportive montagnarde que par une distance de nature Il ren reste pas moins que la mobilisation totale des ressources et de l exp rience corporelle des guides contraste avec ce que D Le Breton appelle l effacement ritualis du corps dans la quotidiennet urbaine Le Breton 1990 De fait c est largement partir de la prise de conscience d une capacit d action corporelle accrue vis vis de leurs clients que se construit l identit individuelle et collective des guides Dans l exercice traditionnel du m tier de guide lorsque des guides se rencontrent dans un refuge il est rare qu ils n changent pas leurs opinions respectives sur les clients qu ils accompagnent Que ces derniers marchent bien ou soient au contraire de vraies guenilles ou des sarp s c est bien par le corps et ses capacit s que passe l valuation de l autre et la diff renciation identitaire De m me la litt rature alpine produite par les guides abonde d anecdotes mettant en sc ne des clients maladroits et pr tentieux qui sont repr sent s comme autant de portraits en n gatif
17. nisme Vous tes mont s pour nous enseigner que la loi humaine est celle de la peine et que la peine nous obtient la r ussite Couttet Richerd 1946 C est travers ce type de repr sentations que s labore progressivement un symbolisme de symbiose compl te du guide avec la montagne un guide ne tombe pas et s il tombe c est foudroy ou trahi par une crevasse ou une mauvaise prise et sa main serre encore un morceau de granit lorsqu on retrouve son corps au pied d une paroi Belzacq 1957 Son identit de guide est pr destin e Frison Roche 1946 et se d finit par une nature li e la filiation la naissance puis l enfance et au v cuLoux 1988 La distance qui le s pare alors de son client n est donc pas seulement sociale ou culturelle mais surtout d ordre essentiel D s 1912 dans son manuel d alpinisme G Casella crit ainsi que les guides parcourent sans cesse les montagnes dans lesquelles ils sont n s Ils ont acquis la longue une sorte d instinct qui les apparente la faune alpestre Casella 1913 Un article paru peu avant dans l annuaire de la Soci t des Touristes du Dauphin tente m me de d montrer photographies l appui que la morphologie du pied du guide lui donne dans l escalade une sup riorit naturelle sur son client Dans les ann es cinquante la litt rature alpine parach ve la dimension symbolique du guide en en faisant un v ritable chevalier de l Alpe moderne h ros et po te
18. ns appara tre pour autant comme un valet de chambre et daffirmer son autorit face des clients plus enclins commander qu ob ir du fait m me de leur statut social Paysan en vall e mais chef en montagne piro 1928 telle tait la double identit que le guide se devait d assumer Dans ce contexte chacune des parties en pr sence fait l objet de la part de l autre de repr sentations pas toujours tr s flatteuses qui apparaissent dans de multiples r cits Les guides vus par les clients sont pres au gain et souvent dispos s tourner habilement les termes du tarif TD 1907 Ils sont galement suspects d ivrognerie chronique et de roublardise comme le montrent certaines anecdotes sugg rant que le r le du porteur est aussi parfois de d tourner l attention du client pendant que le guide contourne un passage difficile passage que le m me client aura ensuite franchir avec difficult De plus les guides sont suspect s de consid rer le client comme un simple colis transporter Casella 1913 dont ils fument les cigares boivent le vin et d vorent les provisions Whymper 1875 Les clients vus par les guides sont quant eux des monchus ronchonneurs et pr tentieux Frison Roche 1946 ou des poussahs larmoyants Spiro 1928 qui constituent de v ritables fardeaux tra ner comme un sac sur les voies d ascension lls perturbent les mar uvres par leur incapacit quand ils ne provoquent pas un accident o
19. ouristes dans les refuges m me si ceux ci arrivent apr s son installation enfin les professionnels doivent porter les bagages des touristes dans la limite de 12 kg pour les guides et de 15 20 kg pour les porteurs ceci selon la difficult de la courseourdeau 1988 Apr s 1925 on assiste une lutte entre le Club Alpin Fran ais et la Soci t des Touristes du Dauphin pour la ma trise de la r glementation de l activit de guide enHaut Dauphin Devenus donc un enjeu de pouvoir entre des clubs alpins rivaux les guides font alors preuve de vell it s d ind pendance ce qui leur permet de se voir accorder quelques droits par le r glement et non plus seulement des devoirs on assiste donc la cr ation d une commission paritaire pour r gler les conflits ventuels entre guides et touristes et le guide acquiert m me la possibilit de porter r clamation pour faire annuler des observations injustifi es port es sur son livret par un client m content D s 1930 l exception de la Compagnie des guides de Chamonix tous les corps de guides des massifs fran ais sont r gis par le r glement du CAF S il s inspire en grande partie de celui de la STD pour les questions d organisation et de tarification ce r glement national actualise les devoirs des guides qui sont d finis dans trois articles principaux CAF 1933 34 les guides doivent ob ir aux ordres des voyageurs qu ils accompagnent pourvu qu ils ne soient pas contrair
20. pports guide client tend d sormais se poser davantage en termes de responsabilit Une dimension relationnelle D s l origine nous savons que le probl me principal du touriste et de l alpiniste a t de trouver un bon guide c est dire un professionnel capable de le conduire jusqu un sommet dans de bonnes conditions de confort mat riel moral et social et surtout de le ramener sain et sauf dans la vall e En effet il ne devait sans doute pas toujours tre vident pour un montagnard de devenir un guide fr quentable selon les normes bourgeoises du XIX me si cle Il pouvait ainsi lui tre difficile de comprendre les motivations des touristes et de leur consacrer pleinement son attention De nombreux r cits t moignent du cas de guides ayant d laiss leurs clients pour poursuivre un chamois ou retourner vaquer leurs occupations domestiques Lestas 1988 D o l interdiction faite aux guides d emmener chiens et fusils en course et de quitter leur client sans autorisation De plus le syst me de recrutement par cooptation qui tait partout la r gle ne constituait pas toujours un mode de s lection tr s fiable et le niveau de comp tence des guides s en trouvait tr s h t rog ne Ce qui rendait d licat le choix d un guide sans parler du non choix longtemps impos par le tour de r le de la Compagnie de Chamonix A l inverse la principale pr occupation du guide tait de s acquitter de sa t che avec attention sa
21. s clients Page 5 Article _bourdeauS sont marginalis s voire exclus quand on est entre guides tout marche les cordes sont toujours tendues les rappels pli s on se comprend sans se parler Frison Roche 1946 Dans cette utopie le guide se d finit par lui m me sur la seule base de l identit symbolique conf r e par la culture professionnelle h rit e de ses pr d cesseurs alors que le client ne constitue plus qu un lointain et p le faire valoir Dans un ouvrage intitul Les guides ont leurs toiles publi en 1957 G Belzacq va encore plus loin en vacuant compl tement l existence du client de son r cit et en niant m me son pr texte ceux du pays voudraient toujours monter avec ou sans clients Quand ils parlent de montagne ils ne pensent pas client ni guide ni porteur Ils pensent montagne Belzacq 1957 Dans un texte qui fr le le registre du fantastique le personnage du guide appara t alors comme un alchimiste de la mati re min rale et v g tale ainsi que comme un arch type de l homme d fini par une triple confrontation lui m me la montagne et la mort De la m me mani re l alpiniste a largement acquis son identit intrins que et son autonomie tant sportive qu id ologique en acc dant au statut de sans guide L alpinisme sans guide n d s les ann es 1876 mais rest longtemps marginal et tr s controvers se g n ralise en effet d s entre deux guerres et surtout apr s
22. ting est pass par l aussi le guide n attend t il plus les clients dans les bureaux des centres d alpinisme Il propose ses programmes dans les petites annonces des revues sp cialis es ou par minitel dite des brochures et g re sur micro ordinateur un fichier clients qui peut compter plusieurs milliers d adresses Malgr cette m diation technique et commerciale envahissante la dimension relationnelle de la prestation professionnelle figure de mani re croissante au premier plan des motivations partag es tant par les guides que par leurs clients Une dimension symbolique En nous appuyant sur les travaux de R Mizrahi Mizrahi 1979 nous pouvons d finir une course d alpinisme guid e comme la mise en uvre d un savoir faire qui est un ritable mode d emploi de l espace le guide conduit son client du refuge au sommet en lui faisant franchir un certain nombre de seuils symboliques le sentier la rimaye le passage cl lant cime Dans sa dur e rythm e par le passage de ces portes initiatiques chaque course peut ainsi tre consid r e comme une r invention de l alpinisme au cours de laquelle le guide s approprie symboliquement la conqu te d un sommet puis la partage avec son client Si ce paradigme g osymbolique de la course d alpinisme guid e s av re relativement intemporel il n en est pas de m me en ce qui concerne la dimension symbolique des relations entre le guide et son client qui a fait l objet de renversements
23. ur admission et le touriste qui s adresse la Compagnie se voit attribuer le guide dont c est le tour Ce syst me est longtemps rest incontournable et jusqu au d but du XX me si cle il a t l origine de bien des d bats sur la libert de choix du guide par le touriste A partir de 1875 quand les associations d alpinistes entreprennent de cr er des corps de guides dans les autres massifs de montagne l laboration de r glements professionnels a galement t une de leurs premi res pr occupations Mais l initiative est cette fois dans le camp des clients et les termes de la r glementation ne manquent pas d instaurer une nette subordination des guides l autorit collective des touristes Le premier r glement de ce genre est appliqu en 1876 par la Soci t des Touristes du Dauphin un club alpin grenoblois qui revient l organisation de l activit de guide dans les Alpes dauphinoises Au del des articles qui r glent les conditions de recrutement des guides et les probl mes de tarification des courses ce r glement plusieurs fois remani jusqu en 1925 instaure une nette subordination des guides l autorit des touristes le guide se voit ainsi imposer l obligation de solliciter les observations crites des clients sur un carnet pages num rot es de plus il lui est interdit de fumer sans autorisation de se faire accompagner par des chiens d emporter un fusil et il se doit de laisser la priorit aux t
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