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Actes : 2000 - Ibuka Mémoire et Justice

1. INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 g nocide depuis 1996 jusqu ce jour Ceci pour aider ceux qui ne fr quentent pas le pays savoir un peu ce qui se passe dans les tribunaux que nous appelons les chambres sp cialis es des tribunaux de premi re instance du Rwanda Ces tribunaux ont t cr s par la loi organique num ro 08 96 du 30 ao t 1996 qui modifia dans une certaine mesure le code p nal Ces tribunaux ont t r serv s aux poursuites et jugements des personnes pr sum es coupables du g nocide Du point de vue politique cette loi tait une loi sp ciale et constituait tout de m me une initiative nouvelle et avantageuse pour les victimes dans la mesure o au Rwanda le g nocide la discrimination les violations des droits humains avaient t rig s pendant pr s de trente ans en m thode de gouvernement en m thode de succession au pouvoir politique et m me d acc s au pouvoir conomique C est pour cela que m me si j estime que cette loi a des imperfections elle constitue d j un pas dans la bonne direction Je peux m me dire qu elle est une v ritable r volution dans un pays o justement le g nocide avait t banalis par le pouvoir politique Du point de vue social cette loi intervient au moment o le Rwanda fait face des mouvements de populations importants en fait des all s et venus de nouveaux et anciens r fugi s Il y
2. 2000 devant le juge ne peuvent pas obtenir la requalification des faits et ventuellement de nouvelles enqu tes Nous avons tout fait un cas int ressant ce sujet une affaire d un r fugi burundais qui avait t accus de g nocide et qui a t acquitt par le juge du second degr parce qu on n avait pas pu compl ter le dossier C est pour vous dire que cette loi a tout de m me des limites Cette question est importante puisque les juges qui examinent ces dossiers ne sont pas n cessairement des juges professionnels Donc ce sont des personnes qui ont t rapidement form es apr s les v nements pour faire face justement aux probl mes du g nocide Vous avez galement les proc dures d aveu D apr s la loi les aveux du pr venu constituent une cause de diminution de la peine Le l gislateur par cette mesure a essay d inciter les pr venus la reconnaissance de la culpabilit pour bien s r tenter d en r colter les b n fices ci apr s la r conciliation nationale la d nonciation des g nocidaires imp nitents et la diminution de la population carc rale Je voulais donc vous pr senter cette loi parce que quand on va essayer de juger ses performances finalement le gouvernement constatera que c est un chec C est pour cela qu on est en train de mettre sur chantier un autre syst me qu on appelle Gacaca Quels sont les acteurs ces proc s du g nocide Je vais vous citer les chiffres approximatifs p
3. Je quittai alors l Ouganda pour la Tanzanie Et le camp de Karagwe eut la joie de m accueillir Mais un jour que dans une mare je cherchais des poissons Je faillis tre broy par un crocodile Mais le crocodile attendri tr s vite par ma d tresse Me dit tout simplement Va et ne reviens plus ici Me rendant compte enfin qu il n y a pas d exil dor Je r solus de retourner chez moi Bisesero On racontait que finalement le calme tait revenu Et que dans tout le pays les gens vivaient en fr res Mais voil qu apr s la date fatidique du 6 Avril Moi qui tais rescap des tigresses de Bibwe Moi qui tais rescap des panth res de Nyarunazi Moi qui tais rescap des vip res de Nakivala Moi qui tais rescap des crocodiles de Karagwe Je fus atrocement tu par mes fr res de Bisesero Voil mon cher ami ce que fut mon destin Et si tu sais crire mets toi tout de suite l oeuvre INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Les Voix d Outre tombe pour de bon se tuent Et de mes yeux rougis des larmes coul rent Apr s cette premi re s rie de po mes les comm morants ont partag la douleur d une jeune fille qui a livr un t moignage terrible sur le g nocide tel qu elle l a v cu dans la ville de Butare Elle n a cependant pas souhait que son t moignage soit publi Nous lui sommes toutefois redevables d avoir eu le courage de t moigner cette s
4. On le lie avec des cha nes de fer Il les rompt avec ses dents On l emm ne l chafaud Mais en attendant que sa t te tombe INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 II nargue toujours ses bourreaux Il d oit ceux qui d sirent Prendre les r nes de sa vie Il parait qu il tient beaucoup A l int grit de sa dignit Si Dieu l a cr ainsi Acceptez le tel qu il est Qu il vous plaise ou qu il vous d plaise Laissez le quand m me vivre C est son droit le plus absolu x kx kx kx x La soir e de la M moire a t cl tur e par le chant in dit Ibuka de Madame Suzanne Nyiranyamibwa Le texte de ce chant sera publi dans les ditions ult rieures des Actes Les c r monies se sont prolong es par une veill e de recueillement jusqu au matin entrecoup e de chants et de po mes de circonstance
5. coul e depuis la R volution hutu de 1959 La deuxi me R publique mise en place la suite d un coup d Etat militaire en 1973 semblait son tour s essouffler Les tensions montaient dans ce pays pr sent le plus souvent comme un mod le de d veloppement et un havre de paix sous la houlette du G n ral Habyarimana En fait le Rwanda tait d j entr dans une crise plusieurs dimensions conomiques sociales politiques mais aussi culturelles et psychologiques que ce conflit a en quelque sorte r v l e dans toute sa gravit La solution des difficult s comme le proposait une chanson en 1994 c tait la chasse au bouc missaire tutsi la prise en otage de la minorit par un r gime au nom du peuple majoritaire trente ans plus t t d j en Janvier 1964 vingt ans plus t t en 1973 la recette avait fonctionn En fait il s agit d un g nocide cyclique depuis l ind pendance 1964 1973 et 1994 que les textes rwandais nomment v nements La violence tait l nous la vivons mais on ne le dit pas Or ce qui est refoul dans l ordre du symbolique resurgit dans le r el dit Jacques Lacan La cruaut est le retour du refoul dans le r el lorsque se cr e le vide dans la conscience ou lorsqu il n y a plus de symbole pour dire la v rit ou que l ordre symbolique est dans l impasse Le G nocide l ethnocide le tutsicide au Rwanda c est cette recette au go t amer et macabre que j ai tenue analyser dans un ca
6. faire sur cet aspect c est que en examinant simplement ce que dit le r glement et ce que dit la chambre d appel je constate que dans le r glement il y a bien en effet une obligation de lib rer une personne pour qui au bout de 20 jours il n y a pas eu un acte d accusation au moins provisoire qui ait t produit Mais qu est ce qui a t pr vu Au terme de l article 40 du r glement c est dans l hypoth se o la personne se trouve au si ge du Tribunal Or ici Barayagwiza n est pas au si ge du Tribunal il est au Cameroun ce moment l D j la premi re question que je me pose par quelle tour de passe passe la chambre d appel applique le r glement une personne qui se trouve au Cameroun alors que la disposition pr cise du r glement ne concerne que les personnes qui se trouvent au si ge du tribunal J ai le sentiment qu il y a eu une certaine l g ret dans la mani re dont la chambre applique cette disposition du r glement Deuxi me point quand le Cameroun d cide finalement de refuser la demande d extradition qui a t introduite par le Rwanda aussit t le Tribunal prend le relais II y a ce moment l effectivement un acte d accusation provisoire qui a t pos par le procureur et il y a un juge de la chambre d appel qui confirme la demande d arrestation et le transfert du Cameroun vers le Tribunal Ca se passe le 04 mars 1997 Et ce ne sera que le 23 octobre que le procureur va produire son acte d accusat
7. me titre que les autres Dans la plupart des cas l absence d ex cution des jugements au civil est caus e par l existence de cr anciers privil gi s en l occurrence les institutions bancaires Dans le m me ordre d id es on peut aussi voquer la vente frauduleuse des biens des pr venus Il est important de tenter d obtenir la r paration Mais avant cela il faut que les personnes qui sont civilement responsables de ce g nocide puissent accepter leurs responsabilit s sur le plan moral Les pr venus tentent de faire croire qu ils ont t forc s tuer Ils ne reconnaissent pas leur responsabilit Le gouvernement actuel rejette la responsabilit du g nocide aux gouvernements ant rieurs L Etat rwandais en tant que tel n a donc pas non plus reconnu ses responsabilit s dans le g nocide II y a eu la derni re comm moration c est dire en 1999 une tentative de demande de pardon aux Tutsi par des Hutus Le Pr sident de la R publique Pasteur Bizimungu et le Ministre Jean N pomusc ne Nayinzira ont dit qu il faut que les Hutus demandent pardon aux Tutsis Nous contestons cette proc dure puisque dans notre culture dans notre pays il n existe pas de communaut s Hutu et Tutsi il existe une communaut nationale savoir les Rwandais Quand bien m me les dites communaut s existeraient les deux ou trois personnes qui ont demand pardon n taient pas l gitimement qualifi s pour repr senter ce qu ils appellent la Commu
8. DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 JOURNEE DE REFLEXION SUR LES MECANISMES ET LES CONSEQUENCES DU GENOCIDE Allocution d ouverture des travaux Par Gakumba Hangu Albert Vice Pr sident d IBUKA M moire et Justice asbl Mesdames Messieurs Chers amis Chers membres d IBUKA Chaque ann e depuis 1995 nous organisons peu avant le 7 avril des journ es ou une journ e de r flexion sur le g nocide des Tutsi et sur des crimes contre l humanit perp tr s au Rwanda par des extr mistes Hutus Il ne s agit pas de comprendre l incompr hensible mais de tenter d appr hender ensemble avec l claircissement d minents sp cialistes et acteurs de terrain la gen se et l volution historiques de cette gangr ne ainsi que le r le ou la responsabilit des acteurs principaux d identifier d inventorier et de jauger les outils juridiques et politiques sociaux et sanitaires dont la communaut internationale s est dot e apr s coup pour enrayer ce mal supr me pour rendre justice aux victimes extermin es et survivantes et pr server la m moire Si la solution finale n a pu se r aliser compl tement gr ce l intr pide intervention du FPR les s quelles multiples et multiformes n en demeurent pas moins et parfois m me s accentuent avec le temps Que faire avec toute la d tresse des rescap s nous le sommes tous en fait des degr s divers car l humanit enti re a t atteinte dans son essence rescap
9. Faucon o les tat majors des partis politiques avaient tabli le quartier g n ral que les personnalit s sacr es comme la derni re reine du Rwanda Cette arrestation et ex cution de la reine Gicanda comporte aussi un autre l ment illustratif En effet l quipe dirig e par le lieutenant Bizimana a arr t et ex cut la reine Gicanda et toutes les personnes qui vivaient chez elle l exception de la m re de la reine qui tait tr s malade et ne pouvait plus marcher J ai demand au Conseil de guerre de constater que le fait de laisser une vieille personne malade sans d fense dans son lit constitue aussi un acte de g nocide Le juge n a malheureusement pas retenu la qualification Le lieutenant Bizimana a finalement avou et invoqu comme moyen de d fense l ordre de l autorit hi rarchique militaire II a demand que le tribunal consid re cet l ment comme circonstance att nuante Le conseil de guerre n a pas admis les circonstances att nuantes et il a t condamn la peine maximale Tout comme l a fait le TPIR dans l affaire Kambanda Le tribunal a en effet estim que les actes qu il a commis taient d une si grave cruaut que l on ne pouvait pas retenir de circonstances att nuantes l a donc aussi condamn la peine maximale malgr les aveux Dans ce dossier de l assassinat de la reine Gicanda nous avons aussi un m decin Dr Kageruka Pour sa d fense il a essentiellement invoqu le fait
10. Or il a fallu attendre le d but du mois de mai pour que des m dias des associations puis des gouvernements d noncent trop tard le g nocide qui s abattait sur les Tutsi et leurs assimil s Jusque l les observateurs et partenaires s en tenaient l vocation d un affrontement interethnique dont on sugg rait qu il tait d une barbarie ancestrale INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Ce que plusieurs r visionnistes continuent pr cher Bien des auteurs parlent de la mutation historique de l antagonisme Hutu Tutsi mise en sc ne de fa on paroxystique dans cette crise notamment sur la dimension politique et id ologique de cet int grisme dit ethnique qui en fait est un racisme interne La dimension sociale conomique d mographique de la crise est bien r elle mais elle ne peut pas rendre compte en derni re instance de la violence sp cifique de ce projet exterminateur que je me permets de nommer Tutsicide Tout en reconnaissant les analyses des historiens honn tes jusqu pr sent aucun chercheur s rieux n a jamais tent d analyser les aspects psychosociaux de ce troisi me g nocide du 20 me si cle Une vue panoramique historique de l volution des relations sociales montre que l histoire n est pas la seule science humaine capable de pronostiquer la gen se d un conflit base raciste En effet la fin des ann es 1980 au Rwanda une g n ration s tait
11. a t un coup terrible pour les Arm niens Au malheur de tra ner le deuil de 80 ans sans avoir l horizon le moindre espoir de justice est venu s ajouter celui d une r cidive d autant plus pouvantable que tout se passe en direct sur les crans de t l vision Pour oser lancer un tel d fi l humanit fallait il tre convaincu l avance d chapper au ch timent malgr l exemple du proc s de Nuremberg d Abimar et des autres A la face du monde les g nocidaires tiraient un trait sur 50 ans de combat pour la paix et les droits de l homme en palliant sur l impuissance des instances de l ONU II n est pas concevable que nous leur donnions raison que ces coupables les vrais coupables ne soient pas appr hend s ne soient pas jug s sans quoi tous les combats de ce si cle auront t vains et comme le craignait Malvaux le si cle prochain ne sera pas Ne comptons pas sur la sagesse des tats pour faire triompher la cause de la paix Restons mobilis s et revendicatifs tant qu un seul criminel n aura pas subi la justice ou obtenu le pardon tant qu un mort n aura pas sa s pulture La communaut arm nienne de Belgique rend hommage la m moire de Tutsi assassin s et assurent aux familles des victimes de ses sentiments les plus fraternels Message de la communaut juive de Belgique repr sent e par Madame Viviane Teitelbaum Hirsch Mesdames Messieurs Au nom de la communaut juive de Belgique je viens vous port
12. a d abord bien s r l arriv e du FPR qui vient en vainqueur qui par cons quent est la fois une autorit et une sorte de locomotrice des institutions II fallait absolument recr er une soci t nouvelle Vous avez les rescap s du g nocide de 1994 qui sont demandeurs exigeants de la justice imm diate Vous avez parmi ces populations les r fugi s de 1994 qui sont partis au Congo et qui sont revenus pr cipitamment tout fait dans les m mes conditions c est dire qu ils ont t accompagn s par des coups de canon et au retour c tait la m me chose Vous avez les rapatri s de 1959 1990 ce sont des Tutsi qui ont t chass s par toutes les vagues du g nocide qui ont eu lieu depuis 1959 Ils ne sont pas tous arriv s en vainqueurs et dans la charrette du FPR parce que la plupart sont arriv s pr cipitamment tant donn que les ex FAR les Interahamwe et toutes les populations g nocidaires les avaient retrouv s dans les pays limitrophes Ils ont t oblig s de fuir de rentrer dans le pays en abandonnant derri re eux tout ce qu ils avaient r alis comme patrimoine ou fortune dans les pays d accueil Ces r fugi s de 1959 vont venir occuper les maisons ou abris laiss s par ceux qui taient partis et d s le retour r cent des r fugi s de 1994 ils ont t nouveau oblig s de repartir pour chercher de nouveaux logements L Etat pour faire plaisir la communaut internationale et aux bailleurs de fonds a
13. a une port e politique non seulement parce que le t moignage contredit en lui m me la n gation et parce qu un v nement destructeur du politique et de l humain r clame sa d mystification en termes politiques mais parce que le point de vue du rescap ne saurait que difficilement s identifier sans escamotage de l exp rience et de sa signification celui d un quelconque pouvoir politique Comme le chercheur le t moin poursuit des fins qui lui sont propres et qui requi rent et suscitent une libert et une d termination particuli res quels que puissent tre les engagements et d sengagements du rescap par ailleurs Mais cette distance l gard du pouvoir et de l id ologie est diff rente dans les deux cas Elle est faite dans le cas de l historien d un effort d objectivit dans le recueil et l explication des faits et dans le cas du t moin s il est d livr de la t che de documentation et de preuve d un effort de subjectivit au sens d un libre approfondissement du sens de l v nement et de son expression intime car sans cette intimit d une connaissance propre de l v nement et sans la recherche solitaire d une expression libre et personnelle l v nement ne pourra se transmettre quiconque intimement sans symbolisation efficace il ne fera pas v nement dans les consciences m me s il se constitue par ailleurs tant bien que mal sur le plan historique et juridique Il ne sera donc pas tout fait u
14. aux cons quences de celui ci au Rwanda et dans toute l Afrique Centrale En effet la Belgique la France les Etats Unis d Am rique le Canada la Grande Bretagne la Suisse et le Danemark viennent de lancer des signaux de cette conscience INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Nous osons esp rer que ce ne sont point de feux follets ou de leurres et que ces signaux vont se propager s amplifier et gagner d autres pays r fractaires l arrestation des Hutus g nocidaires ou protecteurs ou complices de ces derniers qui y ont retrouv leurs zones humanitaires s res En effet quoique quelques actions sporadiques aient t men es de fa on conforme la loi internationale sur le crime imprescriptible de g nocide le nombre de pr sum s coupables de g nocide des Tutsi h berg s par ces pays n est pas n gligeable Le Rwanda dans sa pr carit et sa pr occupation essentielle de recomposition de son tissu social dans ses nombreux et pineux probl mes de s curit et de reconstruction fait ce qu il peut pour appliquer la justice avec des moyens infimes tr s limit s sans aide significative du monde soi disant des Droits de l Homme Une partie de pr sum s coupables de g nocide est incarc r e mais une autre nettement plus importante vaque paisiblement ses occupations habituelles dans le pays et continue m me pourchasser les rescap s pour effacer tout
15. avons videmment travaill avec des interpr tes et je dois dire que nous avons pu tablir des contacts humains importants avec nos t moins Les t moins arrivaient souvent d sorient s il fallait les guider Mais ils ont rapidement compris ce qui se passait comment il fallait se comporter l importance de dire la v rit et nous avons pu les orienter en ce sens leur expliquer un peu la proc dure pour qu ils soient l aise et pour assurer que leur v rit sorte devant la chambre Nos t moins taient tr s conscients de l importance historique de ce qu ils faisaient de l importance de dire la v rit de l importance d tre t moins de ce qui s est produit au Rwanda M me sur le contre interrogatoire ils se sont d fendus fort bien Ici je ne parle pas seulement des gens instruits mais des paysans Nous leur disions toujours que c tait eux seuls qui connaissaient la v rit et qu il suffisait de dire la v rit de ce qu ils ont v cu pour convaincre les juges Qu aucune question ne pouvait d molir la v rit quelque intelligente qu elle soit C est ainsi que nos t moins ont t tr s forts finalement m me ceux qui taient vraiment traumatis s par l exp rience de ce qu ils ont v cu ont quand m me pu s exprimer et contribuer la recherche de la v rit de fa on impressionnante Mais il fallait avoir une certaine sensibilit il fallait savoir comment poser des questions Je peux citer un petit exemple qui peut par
16. base travers les juridictions populaires de Gacaca Les arguments de justification du projet Gacaca sont les pressions de la communaut internationale et des organisations de d fense des droits de l homme le d sir de r tablir la paix sociale et concentrer les efforts sur le d veloppement mais aussi comme on va petit petit vers les lections les hommes politiques veulent se d barrasser de ce probl me des proc s L autre reproche fait par les victimes concerne la r paration En effet les victimes du g nocide se plaignent de l absence d une politique d indemnisation L article 28 de la loi organique pr voit des mesures provisoires et conservatoires pour pr server les int r ts civiles Au d but des d cisions avaient t pratiqu es sur les biens des pr sum s coupables du g nocide Mais les administrations locales se sont vite empar es de ces biens et les ont g r s leur gr s Les rares juges qui avaient entam des actions en vue de r gler la question d indemnisation dans des affaires jug es au p nal ont t intimid s Des fois m me les autorit s administratives ont remis les biens de condamn s aux ayant droit ou leurs descendants arguant que les enfants n taient pas responsables des actes de leurs parents g nocidaires On oublie ainsi le principe g n ral du droit civil qui veut que les biens du d biteur soient le gage commun des cr anciers et que donc la victime est aussi cr ancier au m
17. chance et faisais partie de ceux qui ne purent tre vacu s Le lendemain vint alors Renzaho pour exterminer ceux qui restaient Ce f t encore le carnage Nous avons pass trois jours regarder les vautours d vorer les cadavres C tait horrible Par apr s j ai donn de l argent un militaire pour qu il me conduise l h tel des milles collines L taient rassembl s plus de cent cinquante r fugi s La veille de la lib ration de Kigali la guerre y faisait rage et les militaires y sont venus nous fusiller Au moment o ils s appr taient investir l h tel une bombe clata devant eux et ce fut la d bandade g n rale Le INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 lendemain ils sont revenus pour nous obliger fuir avec eux Nous avons pris le chemin avec eux mais en cours de route nous nous sommes cach s dans des ravins et c est comme cela que nous avons t sauv s De 1973 ce jour je t moigne afin que vous sachiez tous la r alit des faits En garder la m moire est tr s important Sans m moire nous ne sommes rien du tout nous faut garder la m moire non pas pour nous venger mais pour nous interpeller afin que ce mal horrible ne puisse plus se reproduire Premi r interm de po tique Ces po mes sont l uvre de Jean Marie Vianney Rurangwa Ils ont t d clam s par la troupe culturelle Amarebe n Imena Le film de l horreur Le film de
18. dans les coles mais aussi les militaires les membres des forces de l ordre la fonction publique et que comme ici des survivants racontent destination de groupes cibl s particuli rement vis s par cette p dagogie citoyenne que des survivants portent t moignages de ce qui s est pass et que des s jours soient organis s sur les lieux o le crime s est accompli Bien s r on peut redouter que s installe une sorte de religion de la m moire On peut reprendre l exemple de la France comme on peut reprendre l exemple des Etats Unis INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Aux Etats Unis aujourd hui les lieux de la m moire sont tr s pr sents aussi bien dans l imaginaire collectif que dans l espace publique et ont une fonction sociale extr mement d velopp e Ceux qui sont all s Washington connaissent le Jefferson Memorial le monument en la m moire du Vi t nam ou ceux qui connaissent Paris ou la France connaissent bien s r la fonction sociale qui a t assign e aux panth ons ou de longues ann es durant la cath drale de Lens lieu du sacre des Rois de France de sorte que dans ces deux pays s est constitu e une sorte de religion r publicaine qui a ses avantages et ses inconv nients Au Rwanda la politique de la m moire j insiste sur le terme qui me para t important peut contribuer r quilibrer la soci t non seulement en r activant la traditi
19. derni res ann es Il est clair que partir de ce clich ethnique l on ne peut r sister la conviction que le Tutsi est un ennemi abattre et le Hutu pris par le d lire g nocidaire voit galement dans les ordres des chefs une permission de tuer le voisin pour voler sa place son champ ses biens ou sa maison Quant aux opposants favorables une gestion plus moderne et plus galitaire du pays ils repr sentent une menace r elle de changement de r gime qui co ncide avec les aspirations des Rwandais de l ext rieur Leurs noms figurent sur des listes et ils se font massacrer N anmoins leur limination d lib r e et sans piti ne suffit pas aux yeux des responsables Reste la guerre avec le Front Patriotique Accul impuissant perdu le clan du Pr sident Habyarimana permet aux plus fanatiques de r pandre la destruction et le chaos Ainsi l apocalypse fut consomm e 2 Les aspects psychologiques 2 1 Pourquoi parler de psychologie Le drame rwandais vient s inscrire sur la liste de ce que le si cle pass a connu de pire Des peuples ont voulu enrayer d autres de la carte pour des raisons obscures au sens de t n breuses de follement inhumaines d ext rieures toute claire raison Arm niens et Juifs ont fait l exp rience de ce que signifie entrer dans le programme d extermination Mais aucun carnage ne ressemble l autre A voir de pr s chacun repose sur une histoire sur des conflits ouverts ou rentr s Da
20. et d une m moire transversale et en partie commune rencontre imm diatement la question des responsabilit s c est dire du crime et de sa reconnaissance mais aussi de sa g n alogie donc de l histoire ant rieure qui l a rendu possible Dans le cas du g nocide des Tutsi les traits de singularit historicopolitiques renvoient ainsi le chercheur une actualit br lante la fois juridique et politique en m me temps qu une histoire au long cours celle d une colonisation particuli rement perverse et destructrice dont les effets n ont videmment INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 pas disparu m me s ils se sont modifi s Un des traits sp cifiques de ce g nocide consiste dans l actualit qui perdure des enjeux politiques li s ce crime d Etat sa n gation la gestion politique de sa m moire la t nacit de la haine raciale et des conflits de pouvoir dans la r gion des Grands lacs La position que prennent cet gard les puissances occidentales depuis le g nocide tant donn leurs responsabilit s dans l histoire m me du crime devient d s lors d cisive sur le plan thique et politique la fois Cette actualit des enjeux post g nocidaires en Afrique se trouve m l e des formes de violence qui quoique fonci rement diff rentes de la violence g nocidaire lui restent li es Souvent s y ajoute la violence sp cifique du comm
21. et de pr senter tout cela la chambre de fa on convaincante Pour que les juges comprennent nous avons quand m me pu cr er cet esprit d quipe et vraiment cr er presque une culture juridique qui tait propre nous Encore une fois c est un d fi qui est l pour n importe quel bureau du procureur n importe quel groupe d avocats qui travaillent dans le domaine de la justice p nale internationale Ce sont l certains d fis que je voulais voquer Quant aux succ s en premi re instance nous avons pu tablir au del de tout doute raisonnable les responsabilit s C tait important pour nous et je pense pour les Rwandais aussi ainsi que pour la communaut internationale Nous avons pu tablir des pr c dents importants en ce qui concerne la jurisprudence quant au g nocide quant aux crimes contre l humanit Ce fut aussi un succ s sur le plan purement humain du travail de procureur ainsi que sur le plan de la r action des t moins je dirais m me sur le plan de la r action des accus s Avant d arriver ces r actions j aimerais aborder certaines difficult s que nous avons rencontr es Il y a d abord la lenteur des proc dures Pour nous c tait tr s frustrant c tait tr s lent au d but Je pense qu on peut peut tre expliquer cela Je me rappelle qu en 1997 lorsque je venais d arriver nous avions trois proc s faire deux chambres de premi re instance et une salle d audience II fallait jouer au saute mo
22. fallait tout de m me dans le contexte de notre proc s tablir ce fait pour prouver le caract re exceptionnel de ces proc s et comme tape importante pour tablir les responsabilit s p nales individuelles des accus s Il fallait tablir des faits pr senter la chambre des ph nom nes des mouvements de masse une volution politique sociologique historique II fallait vraiment capter de grands v nements et c tait un d fi Un d fi parce qu on sortait totalement du cadre d un proc s pour un meurtre habituel ou une fraude ou un vol qualifi On parlait des faits de masse d un g nocide M me s il y a un individu qui est accus cet individu n agit jamais tout seul II y a toute une participation qu il faut tablir tout un contexte qu il faut tablir Et il fallait former les juges tout comme nous avons d nous former nous m mes pour qu ils puissent saisir les contextes social politique et historique de ces faits Comment tablir le fait du g nocide Comment assurer la s curit de nos t moins et les faire venir du Rwanda et de tous les coins du monde pour t moigner Comment assurer leur anonymat puisque l poque c tait dangereux pour nos t moins En g n ral nous avons pu trouver des solutions ces probl mes mais pas sans difficult s et j ai beaucoup d admiration pour ceux qui ont eu le courage de venir t moigner Arusha parce que sans t moins nous ne pouvions pas faire les proc s INT
23. guetter tout danger et r affirmer ensemble et en permanence la n cessit d un monde de cohabitation et de dialogue Enfin et surtout en message d espoir nous voulons nous devons tre des maillons de la cha ne de transmission des valeurs d mocratiques Ne l oublions jamais notre richesse collective est faite de notre diversit Vous et nous avons un devoir de m moire ne pas oublier le pass pour mieux construire notre avenir et celui de nos enfants Ce n est pas toujours facile Essayons donc de cultiver non seulement la m moire mais aussi l imagination qui permet de voir l autre Interm de musicale Nyumva Mana Ecoute moi Seigneur Chant de Madame Suzanne Nyiranyamibwa Refr Nyumva Mana x2 Nyumva se Mana y i Rwanda Undinde kugira inzika Undinde umutima uhora Ushyigikire ubutabera Akarengane ugace iwacu Nyumva Mana INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Imyaka uko ihita kose Nshengurwa n intimba Ndareba hirya hino Amaso akagwa mu cyuho Nahamagara abanjye Nkitabwa n imibande Nyumva Mana Data sinamuhambye Mama sinamurwaje Abavandimwe benshi Abana n inshuti nyazo Bishwe nta gicumuro Nsigara nta kivurira Nyumva Mana N uwo twaruhuje Yagiye muri iryo suri Bamvukije urukundo Banyambika agahinda Nsimbukwa n amahirwe Umwanzi arashungera Nyumva Mana Mana y impuhwe nyinshi Nyumva ndagutabaza Tebuka utsinde umwanzi Unkingire ingabo yawe Ug
24. il peut y avoir entre des chercheurs des t moins des acteurs de la vie politique et des militants enfin et peut tre surtout des personnes qui ouvrent les yeux et essayent de comprendre Tout ceci n cessite de repenser les relations entre le savoir des chercheurs et le savoir des t moins entre la r flexion intellectuelle et l action politique et plus pr cis ment encore entre la connaissance des faits le jugement des crimes et ce qu on pourrait appeler la pens e de l v nement non seulement le d chiffrement ad quat de la logique g nocidaire mais la compr hension d s lors subjective en m me temps que tourn e vers la r alit objective de l v nement destructeur dans sa port e et ses effets Cela suppose donc qu il y ait quelque chose comprendre dans la perp tration et la r p tition de la violence g nocidaire au cours du si cle et plus particuli rement cette derni re d cennie alors m me que le g nocide nazi a fait l objet d une r probation quasi universelle La pens e de l v nement comprend l ensemble de ses significations historiques en m me temps qu elle s interroge sur sa v rit humaine qui d passe les faits Cela suppose encore que l v nement prenne sens et valeur plusieurs niveaux diff rents et qu on puisse qu il faille y entrer par plusieurs voies en faisant intervenir des crit res d valuation diff rents ceux de la science du droit de la viabilit politique mais encore c
25. l horreur S est d roul sous nos yeux Nous l avons regard Du d but la fin Les mes tr s sensibles Se sont fort indign es Et les Tartufes ont vers Des larmes de crocodile Nous avons t t moins De la cruaut incarn e Nous avons vu l horreur Des nouveaux Auschwitz Nous avons vu l h catombe De la fin du si cle De nouveaux Nazis Ont fait l apocalypse Dans ce petit pays De l Afrique centrale Le cri d sesp r Des femmes que l on ventrait Le cri assourdissant Des filles que l on violait Le cri strident des enfants Que froidement on d capitait Le regard perdu des hommes Que l on br lait ou enterrait vifs Les larmes des vieux et des vieilles Qui avec r signation Creusaient leurs propres tombes Ont secou peine Les g ants de ce monde J ai voulu crier Arr tez assassins INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Je me suis rendu compte Que je n avais plus de voix J ai eu l envie de voler Au secours des sinistr s Mais je me suis rendu compte Que j tais solidement clou Au mur de l impuissance Et quand j ai voulu pleurer Je me suis rendu compte Que je n avais plus de larmes Moi qui croyais avoir Un coeur de po te Je me suis retrouv Avec un coeur de marbre Pour avoir trop souffert Je suis devenu un rocher Comprenez vous amis Vous qui avez encore des larmes Comprenez vous le drame De cette m ta
26. la sortie je n en avais qu peine 56 puis je revins dans la maison o je r sidais Ruhengeri Vers 18 heures des militaires vinrent chez moi Ils me frapp rent et me tra n rent sur la route afin de m amener au camp militaire o je devais tre tu Un des militaires dit aux autres que j tais tr s fatigu et qu il allait me garder De toutes fa ons je ne pouvais pas m vader Je leur dis que l homme est un tre solitaire Mais vous vous tes ici pour vous souvenir des v tres et par l m me vous manifestez votre solidarit II y avait des religieux des pr tres mais tout ce monde me fuyait comme un l preux C est un musulman qui me r cup ra et qui me montra un petit coin pour dormir Le lendemain la Croix Rouge arriva Les gens de cette institution me connaissaient bien INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 car ils venaient de Suisse IIs me demand rent de dresser la liste de ceux qui n avaient rien manger les enfants et d autres Pendant que j crivais un militaire arriva et me demanda ce que je faisais Je le lui expliquai mais il ne voulut rien entendre II me lia les pieds et les mains et m emmena me jeter dans une autre prison une prison de militaires Arriv l je d couvris que des personnes qui taient avec moi la veille avaient t tu es au fusil ou bien au couteau C tait essentiellement des trangers somalie
27. lieu de se retirer du front du refus visant le n ofasciste Haider La complaisance pourrait s inscrire dans la suite des dramatiques calculs d une droite traditionnelle sans tat d me convaincue de pouvoir se d barrasser peu de frais de l encombrant alli On sait trop bien ce qui peut na tre de ce pragmatisme Mais on peut imaginer aussi les effets du r alisme affich aujourd hui dans une Europe min e par sa tol rance aux crimes de masse l heure o elle clame sa conviction antinazie Un autre d tail montre que ce pragmatisme touche aussi bien le pass que le pr sent Le S nat fran ais vient de se dire non qualifi pour juger l histoire c est dire pour reconna tre INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 le g nocide arm nien tout en se requalifiant une semaine plus tard pour d clarer que la traite n gri re fut un crime contre l humanit Le gouvernement turc avait prof r ses menaces coutumi res l Arm nie paierait la facture d une mauvaise d cision fran aise qui provoquerait en plus de troubles dans le Caucase la rupture des bonnes relations franco turques c est dire des contrats d armement Lesquels reconduits contribueront sans doute la destruction poursuivie du peuple kurde La lointaine politique caucasienne de la France a donc le m rite d une certaine coh rence II lui faut juste accepter de mettre un cadavre de plus
28. m me qu il y a d autres Etats et c est notamment le cas de la Belgique o il y a un grand principe qui dit pas de nullit sans texte C est vrai qu en Belgique on peut annuler certaines proc dures mais c est pr vu sp cifiquement pour certaines dispositions du code judiciaire M me dans le domaine du INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 contentieux judiciaire international il y a des cas d annulation qui sont pr vus mais encore une fois il y a des dispositions sp cifiques qui pr voient cette annulation Si vous prenez les proc dures en vigueur devant la Cour de Justice de la Communaut Europ enne il y a effectivement des cas o l on peut annuler une proc dure mais c est pr vu textuellement dans le trait CEE Un autre exemple ce sont les cas de proc dures men es devant le Centre International pour le R glement de diff rends relatifs aux Investissements C est tr s loign de ceci mais l aussi il y a des dispositions qui pr voient textuellement que dans certaines conditions on peut annuler une proc dure I n y a donc pas une sorte de libert qui est conf r e au juge d annuler une proc dure sur la base de certains principes g n raux du droit qu il va chercher dans certaines jurisprudences II succ de 5 jurisprudences a fait 5 Etats sur environ 193 collectivit s que l on peut consid rer aujourd hui comme tant des Etats II faut donc remarq
29. qui parle tr s bien et qui prend beaucoup de temps pour s expliquer Lui aussi a t contre interrog il y avait des documents qu il devait expliquer il y avait des t moignages qu il devait expliquer Finalement il n y arrivait pas et il a t condamn Rutaganda d plorait ce qui s tait pass mais pr tendait qu il n y tait pour rien qu il avait sauv la vie de certaines personnes et qu il tait Kigali seulement pour g rer son commerce Mais les t moignages l ont accabl et lui aussi a t condamn Toutes ces personnes ont interjet appel et ce sera la chambre d appel de d cider s ils ont eu un proc s juste et quitable ou non Pour ma part je pr tend que oui mais c est aux juges de d cider d avoir le dernier mot Un ph nom ne qui tait int ressant lors des deux premiers proc s c tait le fait de la contestation du g nocide au d but Les avocats de la d fense contestait le g nocide Mais au fur et mesure que les t moignages sortaient et que les preuves s accumulaient ils devenaient de plus en plus silencieux quant au g nocide et l emphase tait plut t sur la responsabilit ou non de l accus dans ce g nocide Il y a videmment des questions ou des arguments qui ont t abord s par les experts convoqu s par la d fense qui ont parl d un double g nocide des m faits de l Arm e INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Patri
30. re aux racistes tait l une des plus importantes qui tait pos e Des th oriciens marqu s par la psychanalyse se demandaient si les individus taient attir s par le caract re irrationnel des croyances racistes du fait du caract re irrationnel de leur propre psychisme Ce probl me fut au coeur du projet de recherche d envergure qui fut men e aux Etats Unis tout de suite INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 apr s la Seconde Guerre Mondiale surtout dans la Personnalit autoritaire de T Adorino de E Frenkel Brunswik de D J Levinson et de R N Sanford 1956 Cette tude sugg rait que les id es racistes taient particuli rement attrayantes pour des autoritaires qui poss daient un besoin psychologique d id alisation de figures fortement autoritaires joint au besoin imp rieux de d nigrer la faiblesse A cause de la structure de leur personnalit on d cida que les autoritaires taient vuln rables la propagande antis mite et qu il y avait de fortes chances pour qu ils croient fermement l inf riorit inn e des non Blancs La personnalit autoritaire fait l objet de nombreuses critiques La plupart des critiques se rapportaient la construction d chelles d attitudes mesurant l antis mitisme le racisme et l autoritarisme lui m me Des critiques th oriques ont galement taient faites qui insinuaient que les auteurs s taient trop investis dans l
31. refusais de me laisser faire et me d battais coups de pieds contre l assaillant qui tait venu me chercher Par chance il tomba et je pus me sauver Mais h l s ses partenaires me rattrap rent et m ass n rent un coup de marteau sur la t te Je tombai sans connaissance Le lendemain un belge du nom de De Zuter passa l cole et m ayant reconnu il me releva et m amena l h pital IIs essay rent de soigner ce qui pouvait l tre mais j tais tellement d moli que les m decins ne pouvaient pas grand chose En effet j avais une paralysie compl te du c t gauche trois fractures du cr ne et de la m choire gauche Je fus transf r l h pital universitaire de Butare Ce fut le m decin lui m me qui me transporta II y avait des barrages partout sur la route et chaque fois le m decin devait se d brouiller pour me faire passer parce qu on lui demandait si j tais tutsi pour m achever A Butare il y avait des fiches avec mention ethnique et les tudiants venaient traquer les tutsis hospitalis s Je me suis encore une fois retrouv menac l h pital m me et gr ce ce m decin je trouvai refuge au couvent des s urs religieuses Sovu o je continuais recevoir des soins ambulatoires J ai demand un transfert pour l Europe qui INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 me fut refus Fin des fins je fus d couvert Sovu Durant la nuit on me fi
32. rentes la planification et au d roulement de la trag die rwandaise faute d une v ritable strat gie de pr vention de conflits ont fini par g rer celui ci Le g nocide est officiellement reconnu le 20 07 1994 par la Commission des droits de l homme et une juridiction ad hoc le Tribunal P nal International est cr e le 8 septembre 1994 par le Conseil de S curit dans sa r solution 885 pour le r primer mais c tait trop tard Le g nocide des Tutsi rwandais a jusqu ici sollicit beaucoup plus d motions que la r flexion Mon expos a tenu contribuer de fa on incisive faire mieux comprendre cette trag die qui para t pour un psychologue in luctable vues sa gen se il y a une centaine d ann es sa pr paration exp rimentale depuis 1959 et son ex cution syst matique en 1994 Ce petit pays qu est le Rwanda de l Afrique Orientale a connu en 1994 une crise majeure On parle de catastrophe humanitaire de troisi me g nocide du 20 me si cle En juillet 1994 le Comit International de la Croix Rouge estimait un million le nombre total des victimes soit 10000 par jour durant ces trag dies de 100 jours Pr s d un Rwandais sur sept y a p ri Une centaine de cadavres arrivait chaque heure l embouchure de la Kagera dans le Lac Victoria charri s depuis le Rwanda jusqu en Ouganda Cette mortalit inou e en un laps de temps aussi r duit tient au caract re syst matique des massacres d clench s le 7 avril 1994
33. s attendre la fixation devant la cour d assises de Bruxelles au d but de l ann e judiciaire a veut dire septembre octobre ou novembre Ce sera une proc dure bien difficile une proc dure d j historique parce que c est la premi re fois qu on va juger en Belgique des crimes de guerre des crimes de g nocide des crimes contre l humanit pour des faits qui sont commis au Rwanda C est une proc dure tr s difficile parce que la proc dure devant la cour d assises est purement orale On va donc avoir besoin de faire venir des t moins de mani re convaincre le jury de la pertinence de notre v cu du dossier Vous savez que la cour d assises est un jury qui est compos de gens d sign s dans la population belge Nous devons nous attendre dans un premier temps une certaine r ticence de la part des belges qui vont composer le jury ils n ont pas l habitude de cela personne n a d ailleurs l habitude de cela ils ne connaissent pas le Rwanda ils ne connaissent pas la probl matique du Rwanda Nous allons donc devoir les convaincre les rendre m me de juger dans des circonstances qui sont en raison de la proc dure belge extr mement difficiles Mais je consid re pour ma part que nous sommes arriv s un moment qui est d j historique en Belgique puisque les juges belges saisissent maintenant la cour d assises des crimes de g nocide commis au Rwanda Le proc s en assises a finalement d but le 17 avril 2001 et
34. s un v nement tel que celui qu a connu ce pays Ce travail de la m moire dont on a parl aujourd hui dont on a parl lors des comm morations pr c dentes est bien s r avant tout une contribution au sauvetage sauver de l oubli ce qui peut l tre sauver de la destruction sauver pour garder les traces les pr server jalousement parce que ce sont souvent les rares traces du pass ou de ceux qui ont t victimes de crime comme des t moignages du pass comme des restes de vie des briques de vie qui triomphent de la mort comme une sorte de survie INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 par procuration De sorte que l archive la trace sous quelque forme qu elle soit parle au nom des morts repr sente en quelque sorte les morts Et donc la m moire doit tre en quelque sorte bien s r enregistreuse collectionneuse et doit tre finalement conservatrice au sens fort du terme comme une preuve au tribunal de l histoire mais sans doute ce travail ne suffit pas II ne suffit pas parce que conserver des traces contre l oubli c est bien s r accomplir un devoir accomplir un devoir filial l gard des morts mais ce n est pas encore lier tout jamais la collectivit dans laquelle on vit au bruit lancinant des souffrances des morts II faut donc construire la m moire comme un des soubassements me semble t il de la culture nationale synth tiser une culture nationale qui
35. sa r ponse la plus grande criminalit qui soit celle des tats Quels moyens normes la Belgique devrait mettre la disposition de ses juges si elle voulait vraiment r pondre aux crimes de g nocide la mesure de ce qu elle veut faire contre les hooligans de l EURO 2000 Les tats commettent des crimes sachant qu ils ne devront jamais en r pondre Les tats se mangent parfois entre eux mais jamais pour la justice II y a deux ans malgr la pression des n gationnistes d Ankara les s nateurs belges ont eu le courage politique de voter une r solution reconnaissant le g nocide des Arm niens mais le gouvernement n a pas suivi II continue se taire Pire encore il vient avec ses paires de reconna tre la Turquie le statut de candidat l union europ enne L Europe des citoyens mod le de d mocratie laquelle nous avons tous cru et voulu croire encore n est elle donc qu une jungle Les Arm niens qui croyaient trouver un asile en Belgique vont ils tre entrain de cohabiter et de composer avec ceux qui les ont extermin s La Turquie n est pas l Allemagne Elle n a jamais demand pardon elle n est pas pr te le faire En Turquie 85 ans plus tard on continue paisiblement de jouir des fruits du g nocide de narguer le monde entier et m me de le menacer si des langues commencent se d lier Comment dans ces conditions faire le deuil de ses morts D un million et demi de morts sans s pultures Avril 1994
36. sans proc s Au mois de f vrier vinrent les v ques du Rwanda pour voir les religieux d tenus Ce fut la torture morale de la part de nos v ques L archev que et les autres me demandaient Toi qui as t lib r par le FPR pourquoi es tu rest Tu vas voir Ils continu rent nous torturer et nous affirm rent plusieurs reprises que nous tions condamn s mort quand bien m me il n y avait de proc s Entre temps la communaut internationale s est mue de ce qui arrivait au Rwanda Des journalistes ont continu d noncer notre sort et nous avons t lib r s en avril gr ce Amnesty International et l organisation Pax Christi de Lausanne qui avaient r clam notre lib ration Je fus lib r mais ce n tait pas encore la fin de mes malheurs Comme je ne pouvais pas quitter le pays je retournai Ruhengeri o j enseignais Le pr fet de Ruhengeri Nzabagerageza me refusa l acc s mon poste d enseignant et paya m me un mutwa pour me tuer Un jour alors que ce tueur me suivait avec sa lance je d cidai de l aborder Je l emmenai chez moi et lui offris de la bi re II me raconta toute l histoire et je l ai enregistr sur cassette Vint l ann e 1994 Le campus universitaire de Nyakinama n tait plus Ruhengeri et je faisais souvent la navette entre Kigali et Butare A Butare il y e t des r fugi s partir du mois de mars suite la mort de Bucyana le pr sident de la CDR A Kigali
37. seul sait combien de victimes il y eut apr s cet abandon Nous avons galement visit l glise de Nyamata dans le Bugesera et l aussi nous avons pris des photos Nous sommes all s Ntarama et nous avons sillonn les marais de la Nyabarongo nous avons visit la paroisse de Nyarubuye o presque la totalit des Tutsi de la r gion ont t d cim s Ici les survivants nous parlaient de plus de 27000 personnes tu es entre le 12 et le 22 avril 1994 Chaque fois nous avons pris des photos et recueilli des t moignages Nous sommes all s Nyange dans la r gion de Kibuye o vous le savez bien l glise a t d molie sur des r fugi s Tutsi qui avaient t rassembl s l int rieur Nous avons rencontr des survivants et nous avons pris des photos Nous sommes all s Sake une r gion habit e par beaucoup de Tutsi et o plus de 22000 Tutsi ont t tu s au mois de mai 1995 Le FPR avait recens simplement 720 survivants sur une population de 22000 personnes A Kigali nous avons visit l glise Saint Andr Nyamirambo et celle de la Sainte Famille o a s vi l abb Winceslas Munyeshyaka vivant actuellement en France et poursuivi pour crime de g nocide A Butare nous nous sommes rendus Gishamvu qui tait aussi une r gion majorit Tutsi et dont presque la totalit de la population Tutsi a t d cim e Muyira dans le Mayaga et Sovu o se trouve le fameux monast re des s urs Gertrude et Kiz
38. situation tr s tonnante tr s curieuse finalement au fond la chambre d appel a voulu mettre en vidence un certain nombre de dysfonctionnements Il est vrai qu il y a des dysfonctionnements au TPIR et ma propre exp rience au TPIR me montre qu il y a eu et qu il continue d y avoir un certain nombre de dysfonctionnements Mais force de vouloir montrer la paille qu il y avait dans l il des chambres ou de l accusation ou du greffe du TPIR je pense que la chambre d appel s est v ritablement mise une poutre dans son il en prenant cette d cision tout fait extraordinaire qui a t rendue le 3 novembre 1999 Enfin la bonne nouvelle qu annon ait James Stewart tout l heure c est que la chambre d appel a accept de revoir sa copie au nom d une motivation que je ne connais pas Mais il semblerait qu effectivement sur base de la possibilit d une demande de r vision de la d cision la chambre d appel a finalement annul la d cision qu elle avait rendue il y a maintenant cinq mois et a finalement d cid de maintenir non seulement Barayagwiza en d tention mais aussi de continuer la proc dure telle qu elle avait t initi e Les jugements exemplatifs rendus par les juridictions rwandaises dans les proc s de g nocidaires Par Me Fran ois Rwangampuhwe Avocat au barreau de Kigali et Pr sident du Centre d Arbitrage et d Expertise du Rwanda Je vais vous faire un bilan motiv vis vis des proc dures p nales en mati re de
39. socialisme fran ais n a malheureusement nullement d masqu e mais plut t aggrav e On sait qu au Rwanda apr s la R volution de 1959 qui s est perversement r clam e de celle de 1789 l ethnisme s est introduit dans l argument d mocratique m me devenu argument d mographique g nocidaire avec une obsession de la majorit et de la minorit Ce compte ethnique obsessionnel s est accompagn d une interdiction du partage des pouvoirs et du d bat d id es c est dire une interdiction du conflit Or c est la possibilit m me du conflit qui rend possible toute vie en soci t et qui r gle au fond une vie d mocratique Certes le conflit peut basculer dans la violence guerri re Mais le g nocide est le contraire d une guerre c est une mani re d avoir la paix C est pourquoi tout autant que la tradition de pens e de la non violence la formule la mode de la r solution des conflits est profond ment inappropri e pour r pliquer la INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 violence g nocidaire Il faudrait apr s un g nocide plut t un apprentissage du conflit que des m thodes de r solution des conflits La recherche sur le g nocide sur tous les plans demande constamment de d brouiller les discours de tracer des seuils entre les pratiques cognitives et discursives de faire la part du savant du juriste du militant de l acteur politique du t
40. sublime et pratique qu on oppose a et l l thique de conviction sympathique mais qui ne m ne rien indique qu il ne faut pas apr s l intervention militaire occidentale au Kosovo humilier encore la dangereuse et bient t juteuse Russie De ce n ant diplomatique propice aux crimes russes en Tch tch nie a jailli par ailleurs une irr sistible virulence contre J rg Haider L Europe s est ici mobilis e et la France a tenu dans cet lan une position d excellence Il est vrai que l Etat fran ais n aime pas les g nocides Au point qu il ne peut concevoir de reconna tre une quelconque responsabilit l gard des 800 000 Tutsis extermin s en 1994 C est pourquoi beaucoup se r jouissent du rapport de l ONU r cemment d terr qui incrimine l actuel r gime Tutsi dans l assassinat du Pr sident Habyarimana le 6 avril 1994 L effectivit nullement entam e du g nocide programm par le Hutu Power n emp che pas une flamb e de n gationnisme on a pu voir citer comme une r f rence Ag Reuter 29 3 2000 les soup ons de la premi re heure du capitaine fran ais Paul Barril lequel en avril 1994 pr tait main forte aux miliciens interahamwe par une op ration insecticide et l hebdomadaire Marianne crever le plafond de son d lire n gateur et de son kitsch tatiste pseudo intempestif en non ant qu en 1994 des centaines de Tutsis ont sans doute t victimes du g nocide anti hutu sic I n y a pas
41. termin le 11 juin 2001 avec la condamnation des quatres accus s CEREMONIES COMMEMORATIVES DU 7 AVRIL 2000 Soir e de la M moire Apr s le mot d accueil de Madame Marie Dominique Ubben Nyagahene et apr s avoir observ une minute de silence en m moire des victimes du g nocide des Tutsi et de toutes les personnes assassin es pour s tre oppos es l ex cution du plan des g nocidaires les comm morants ont accompagn les artistes rwandais dans le chant Ese mbaze nde de Madame Suzanne Nyiranyamibwa m lodie devenue le symbole de tout le chagrin et le d sarroi des rescap s et qui d sormais introduit toujours la Soir e de la M moire Le texte du chant peut tre trouv dans les ditions ant rieures des Actes ditions 1998 et 1999 Allocution d ouverture de la Soir e de la M moire Par Andr Martin Karongozi Pr sident de l association IBUKA M moire et Justice Excellences Messieurs les Ambassadeurs Honorables invit s Mesdames Messieurs INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Pour la 6 me fois depuis la cr ation d IBUKA et pour la 4 me fois dans l enceinte de ce Centre Culturel d Auderghem nous sommes rassembl s par la comm moration du g nocide des Tutsis et des crimes contre l humanit commis au Rwanda par les extr mistes Hutus Les t moignages de solidarit et de sympathie que vous nous exprimez par votre cordiale pr sence et votr
42. v ritablement men un combat qui a permis d en arriver aujourd hui ce que dans un d lai de deux ou quatre mois on puisse imaginer que quatre accus s vont compara tre devant la cour d assises Bruxelles pour les crimes qu ils ont commis au Rwanda Vous savez que ces proc dures ont t vraiment port es par les victimes et par les parties civiles il y a plus de quatre ans y a eu un combat extraordinaire qui tait au terme d abord de la mise en d tention de quatre pr sum s g nocidaires et il y a trois ans un autre men contre les autorit s judiciaires belges puisque au terme d une d tention de plus d un an le parquet g n ral a fait requ rir en chambre du conseil qui est la juridiction d instruction qui statue huis clos sur le r glement de la proc dure par le procureur du Roi l audience le non lieu en cause de Vincent Ntezimana y a trois ans si les parties civiles ne s taient pas battues de la sorte l affaire serait rest e l puisque le parquet g n ral avait pris des r quisitions de non lieu Les parties civiles n auraient pas t repr sent es en chambre du conseil jamais la Pr sidente de la chambre du conseil n aurait rendu cette ordonnance extraordinaire qui a t confirm e le 28 mars dernier il y a trois jours celle du renvoi devant la cour d assises de trois accus s On peut donc s attendre la comparution devant la cour d assises en m me temps de ces quatre accus s II y a enco
43. vocation du pass des lieux o s est d roul le crime Et en ce sens le choix d avoir constitu les mus es les plus importants en la mati re en dehors du th tre o s est d roul le crime montre des choix politiques et de surcro t la sc nographie pour ceux qui ont vu ces mus es qui a t choisie et le contenu qui a t choisi sont marqu s de l empreinte de l id ologie INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 C est pour cela que l on doit sans doute plaider aussi pour que les lieux de m moire prennent sens sur les sites o les massacres ont lieu et en plus d un m morial au Rwanda il est videmment souhaitable que soit accentu e l vocation des massacres dans les lieux o le t moignage de ces massacres a pu tre pr serv dans son terrible tat je pense Nyamata Ntarama Sake et on a cit tout l heure Murambi En plus des mus es et des lieux d vocation la m moire le lieu de m moire c est galement la comm moration La comm moration ce n est pas seulement inscrire la m moire dans l espace c est bien s r aussi inscrire la m moire dans le temps Ca se pratique dans d autres pays depuis un certain nombre d ann es par exemple en Isra l depuis de longues ann es travers le Jour du Souvenir Shoah Ca se pratique en Allemagne aussi Alfred Gossair qui est un excellent connaisseur de l Allemagne a rappel que dans ce pays en novemb
44. yeux INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Essuie tes larmes et tiens toi debout Toi qui on demande de chanter Quand on sait pourtant tr s bien Que ton me est chagrin e Essuie tes larmes et tiens toi debout Toi qui on demande d oublier les tiens Quand on sait pourtant tr s bien Qu ils hantent tes jours qu ils hantent tes nuits Essuie tes larmes et tiens toi debout Essaie de fermer les yeux sur le pass Mais que le pass te serve de phare Afin que ce qui s est fait ne se refasse plus Laissez le vivre Je me demande toujours en vain Quels crimes il a commis Pour que l on s acharne jour et nuit A l exclure de la terre On a toujours t insensible A ses souffrances s culaires On est longtemps rest sourd A ses appels d sesp r s On l a cru mort quand il dormait Et on a f t pas mal de fois Et le jour o il s est r veill On a commenc d chanter Il n a jamais choisi sa taille Ni la forme de son nez Il n a pas choisi ce que je sache Le pays qui l a vu na tre Il s est vu sur la terre II veut assumer comme les autres Le destin de tout mortel Mais j ai souvent l impression Que son existence vous inqui te Et que vous ne serez jamais l aise Tant que vous ne l aurez pas limin C est vrai je le reconnais C est un dur c est un rebelle C est un esclave qui crache souvent Sur le visage de son ma tre
45. 997 lors du cycle de d bats Camps et g nocides organis la Sorbonne Aircrige a pour objectif de permettre une mise en relation des individus des groupes et des savoirs h ritiers d v nements diff rents et de cr er l espace d change qui manque entre la recherche le travail juridique le t moignage la critique politique Ceci afin de transformer notre rapport sinistrement pol mique ou amn sique ces catastrophes en un effort de r flexion collective qui veuille faire du travail de la m moire un effort de pens e attentif aux r alit s pr sentes et prochaines Son propos veut s opposer d une part au durcissement des cloisonnements communautaires et scientifiques qui emp chent qu un tel espace commun se mette en place d autre part un universalisme banalisateur et bien pensant On vise l laboration d un lien transversal et r flexif entre les diff rents groupes rescap s ou h ritiers de telles destructions ainsi qu avec leurs h ritiers indirects c est dire tous Ce lien implique une critique de l Etat criminel et des discours de d ni attenants ainsi qu une mise en relation sans confusion des approches dites objectives et subjectives de tels v nements I requiert la contribution de chacune des sciences humaines la prise en compte du droit international avec examen de ses effets et manipulations un travail avec et sur les t moignages un d cryptage des formes culturelles et des discours id ologi
46. ALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 EDITION 2000 Les Actes de la comm moration du g nocide des Tutsi et des crimes contre l humanit commis au Rwanda en 1994 sont des recueils des travaux de r flexions des ateliers de chaque ann e avec des textes des sp cialistes invit s lls reprennent aussi des activit s des comm morations du 7 avril de chaque ann e les diff rents t moignages des survivants les discours de circonstance les messages de solidarit les manifestations artistiques INTRODUCTION L association BUKA M moire et Justice a organis pour la 6 me cons cutive depuis sa cr ation diverses manifestations qui se sont d roul es autour de la date du 07 avril journ e de m moire et de souvenir des victimes du g nocide des Tutsi du Rwanda A c t du soutien et de l assistance aux rescap s du g nocide IBUKA s est assign e deux INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 missions principales il s agit d une part de perp tuer la m moire des victimes du g nocide des Tutsi et d autre part de rechercher toutes les voies de rendre justice ces victimes C est dans cette optique que les th mes de la journ e de r flexion du 01 avril ont t choisis Concernant la m moire il s agissait de r fl chir sur la politique de la m moire et les lieux de m moire du g nocide des Tutsi qu il convient de promouv
47. EGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Comment pr voir la r action des juges face notre preuve Maintenant c est facile parce que nous avons beaucoup d exp rience nous avons tabli certains faits Des juges eux m mes sont familiers avec les v nements ils sont vraiment en mesure de juger Mais au d but c tait tout un travail un travail n cessaire puisque les juges comme nous n tant pas rwandais ne connaissaient pas le contexte rwandais II fallait apprendre C est un probl me qui se pose dans n importe quelle instance internationale C est le m me cas pour le tribunal de l ex Yougoslavie pour les avocats qui y travaillent On devient expert dans une certaine mesure dans un certain contexte puis il faut apprendre une nouvelle culture une nouvelle histoire On ne l apprend videmment pas parfaitement c est impossible Mais on l apprend suffisamment pour pouvoir faire un travail efficace et juste Comment tablir un esprit d quipe pour pouvoir mener notre travail terme Nous tions des avocats venant de tous les coins du monde et au sein de mon quipe j avais des am ricains des malgaches des allemands des tanzaniens des canadiens Et finalement nous avons pu cr er un esprit d quipe C est une exp rience qui comme vous pouvez l imaginer est tr s intense que de faire des proc s pareils d avoir affaire des t moins qui ont v cu de tels v nements
48. IDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 la collecte de la m moire du g nocide il s agit ici des personnes qui ont surv cu aux massacres des Tutsis partir de 1959 jusqu au g nocide et puis les survivants du g nocide de 1994 le rassemblement et l archivage des images qui ont t prises au Rwanda pendant cette p riode II s agit de photos que l on ach te ou que l on re oit gratuitement des photographes Nous rassemblons des reportages et des films qui ont t r alis s sur cette p riode Nous nous proposons dans la mesure de nos possibilit s de mettre en place un syst me performant d archivage et de diffusion des t moignages que l on aura recueillis Je lance galement un appel toutes les personnes qui auraient des photos un document et toutes les personnes qui voudraient t moigner ou plut t livrer leur r cit de vie En effet nous demandons la personne de raconter toute sa vie d s l ge conscient jusqu au G nocide ou apr s Pour conclure je voudrais citer le projet Mpore en fran ais rel ve toi qui a vu le jour il y a deux ans dans cette m me salle lors des ateliers de 1998 et qui est surtout bas Li ge Ce projet est parrain et pilot par trois associations MSF IBUKA et CRDDR Les deux soeurs ont t condamn es par la Cour d Assises de Bruxelles des emprisonnement de 15 ans pour Soeur Gertrude et 12 ans pour Soeur Kizito L organisation du Tribunal P nal Inter
49. INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 INTRODUCTION 525 nan ete ee Rene NRA td net nan 2 JOURNEE DE REFLEXION SUR LES MECANISMES ET LES CONSEQUENCES DU GENOCIDE 4 Allocution d ouverture des travaux seen 4 Le g nocide au Rwanda tait il in luctable ene 5 LINTTOAUC TION LE 88188 te rl A Le 2 a M A md 5 1 1 Qu est CeUn g nocide rss series tan cree iraani oder bin serrer ment et ei qe avr 7 1 2 Pourquoi ce G nocide des Tutsi een 7 2 Les asp cts psychologiques me EATE E dentiste elite 8 2 1 Pourquoi parler de psychologie ss 8 2 2 Psychologie en tant que racisme iii 10 RACISME Es Se een ee dre nn en sen een demie etant 10 2 3 Ps chol gi du racisme timer tendre annnet en rene name ENE 10 2 4 Evolution du racisme vers des formes plus subtiles 11 RAI Of LA CL EE EE EE D ON A aA 12 CONCLUSION rites bete ner nn rt teen nn en en tte en ten ee ete ne 13 BIBLIOGRAPHIE noiiire EE EEEa E E AEAEE teint a E Ee i 14 Conna tre et penser l v nement sise 16 Le savoir du t moin et de l historien ss 17 Politique et Id 0lOgi 4828 serre ie eE tn tartare centaine tetes ant Et 17 La part de l litt ratures t nt nt era res inl le rss ete nan tree 18 Ambivalence du mod le d mocratique is 19 Les peuples assassin s sont ils solubles dans J rg Haider 20 Annexe Pr sentation de l association AIRCRIGE Association Internat
50. Mais voil qu au lendemain de la mort du Pr sident INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Nous f mes tous d sign s comme ses assassins Et que par cons quent nous devions tous mourir Nous avions la renomm e d tre de grands guerriers Et le moment tait venu pour en montrer les preuves Mais je dois te dire ami la lutte tait in gale Nos ennemis avaient des grenades nous avions des pierres IIs avaient des fusils nous avions des lances Ils avaient des machettes nous avions des b tons Notre combat dire vrai tait pour la survie Nous ne voulions pas seulement mourir comme des mouches Nous avons lutt trois mois luttant contre la faim Luttant contre la soif luttant contre la pluie Luttant contre le froid luttant contre la mort Et nous cachant pour survivre sous les cadavres des n tres La douleur tait immense mais la volont de survivre Etait devenue notre unique grand renfort Qui nous permit de r sister farouchement l ennemi Celui ci malgr des renforts r guli rement re us Subissait contrairement nous des pertes immenses C est ainsi alors que tomb s dans le pi ge Des soldats fran ais de l Op ration Turquoise Nous f mes rassembl s d sarm s sur un terrain Et nous f mes l improviste la proie des miliciens Le carnage commen a et les vaillants Basesero Tomb rent comme des moustiques aux prises avec l insecticide Nou
51. a tre tout fait anodin A l poque du g nocide comme tout le monde le sait la carte d identit portait la mention ethnique Et souvent c tait cette mention qui signifiait la mort pour des personnes qui d tenaient la carte d identit avec la mention Tutsi Comme pendant les proc s il n y avait plus de mention ethnique sur les cartes d identit les gens h sitaient parler de leur ethnie Ce n tait pas une chose qu on invoquait au Rwanda en tout cas pas publiquement On ne posait donc pas les questions du genre Quelle est votre ethnie mais plut t A l poque est ce que vous aviez une carte d identit Oui Est ce qu elle portait une mention ethnique Bien s r Et quelle tait la mention sur votre carte d identit Ainsi on devait faire sortir les faits en respectant la sensibilit des gens C est un tr s petit exemple mais il y en a beaucoup d autres En ce qui concerne la r action des t moins je peux vous dire qu ils taient souvent impressionn s par le simple fait que l accus soit traduit en justice que l accus soit l I y avait souvent des t moins qui ne pouvaient pas s emp cher de regarder l accus IIs taient tellement surpris de voir des gens qui un certain moment avaient plein pouvoir INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 de vie ou de mort sur eux et qui se trouvaient l en
52. a est d j possible dans votre sommeil d innocents et donnez nous la force et la t nacit de triompher du Mal et de perp tuer de g n ration en g n ration votre m moire Aux rescap s dont la plupart d entre nous font partie survivants de toutes ces horreurs encore fra ches dans nos m moires et dans nos c urs vous tous proches des victimes INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 et qui tes pr sents aujourd hui pour partager et all ger notre indicible chagrin toute la communaut des hommes de la plan te Terre nous souhaiterions rappeler notre d fi pour un monde meilleur ainsi que notre devoir de MEMOIRE et de JUSTICE car oublier serait non seulement inhumain mais suicidaire car comme le proclamait Martin Luther King Une injustice quelque part constitue une menace de la justice partout Une fois de plus au nom d IBUKA nous vous exprimons notre gratitude pour votre contribution cette action modeste de m moire de toutes les victimes du G nocide des Tutsi m moire qui sera concr tis e ce soir par des t moignages de survivants par des messages de solidarit et par des m lop es et po mes de circonstance Cette Soir e de la M moire sera prolong e par une Veill e du Souvenir qui se tiendra dans le local attenant cette salle Je vous remercie de votre attention Messages de solidarit Message de Monsieur Herv Hasquin Minis
53. a le 1 octobre 1990 Je ne fus pas tout de suite inqui t et continuai assurer les cours normalement Mais d s le 14 octobre une s ur rwandaise mwenebikira s ur de Marie alla m accuser chez les militaires en pr tendant que j avais form les Inkotanyi au Burundi en Belgique et en Suisse Elle se demandait comment je pouvais encore me promener librement dans la ville C est alors que l on vint me cueillir Et ce fut la prison et la torture Je n avais pas de dossier d incarc ration pas de proc s rien du tout Quand je r clamais mon dossier on me mettait au cachot C tait une petite pi ce sombre de 2 m de long sur 2 m de large Nous y tions confin s quatre Tous l dedans dans les ordures Comme j tais tr s malade nos gardiens m ont laiss en ressortir et m ont remis avec les autres prisonniers La nuit du 21 au 22 janvier 1991 eut lieu l attaque du FPR pour lib rer les prisons de Ruhengeri J y tais L attaque commen a vers minuit et dura jusqu au petit matin o nous v mes la porte de la prison s ouvrir C taient les Inkotanyi et ils nous disaient Nous sommes venus pour vous lib rer Nous tions environ 2000 personnes A l entr e le commandant Kayitare nous disait qu il n y avait qu un seul chemin celui vers les volcans D autres directions vers Gisenyi ou Kigali menaient vers la mort J essayai de suivre les autres mais comme j tais tr s affaibli en entrant en prison je pesais 80 kg mais
54. abire u Rwanda ibyiza Uhirukane umwiryane Nyumva Mana Bose intore zawe Bazize uko wabaremye Ubicaze imbere yawe Mana ubahe iruhuko Nyumva Mana Mu ngoro y ubugingo Ubibagize umubabaro Mana ubahe iruhuko Nyumva Mana INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 T moignage de Pr Jean Damasc ne NDAYAMBA JE Le professeur NDAYAMBA JE a d abord vivement remerci IBUKA et MSF pour l avoir invit t moigner Son t moignage est une longue histoire couvrant 30 35 ans car il a v cu toutes les pers cutions depuis 1959 Ce r cit ci commence partir de l ann e 1972 J tais Kabgayi une immense paroisse qui l poque d j avait beaucoup d coles J tais pr fet des tudes l une des coles secondaires situ e 500 m tres de la r sidence de Mgr Perraudin archev que de Kabgayi et 2 km de la r sidence du Pr sident de la R publique Gr goire Kayibanda En 1972 le Burundi voisin avait connu des difficult s entre Hutu et Tutsi Alors en 1973 on disait qu il fallait venger les Hutu du Burundi en tuant les Tutsi du Rwanda C est ainsi qu partir de d cembre 1972 on commen a chasser les tudiants de l universit de Butare les tudiants des coll ges de Butare et de Kigali Nous pensions qu Kabgayi rien de tout cela ne pouvait arriver car c tait la capitale eccl siastique et c tait l qu habitait le pr sident Malheureusemen
55. aine psychologique contre d autres races est importante au plan de la th orie II est galement crucial pour comprendre les rapports entre attitudes racistes et pratiques de discrimination raciale Ces rapports sont complexes La discrimination n est pas r duite ceux qui ha ssent personnellement les membres d autres groupes ou qui manifestent des attitudes racistes rigides En fait plusieurs chercheurs ont mis l id e que la discrimination raciale ne devait pas tre appr hend e comme relevant de la psychologie individuelle mais qu elle tait essentiellement un ph nom ne sociologique Partant le concept de racisme institutionnel est fr quemment employ pour se r f rer ces institutions dont la v ritable fonction am ne la pratique de la discrimination sans se soucier des motivations de ceux qui travaillent dans des institutions Les fonctionnaires du bureau de l immigration par exemple qui appliquent la politique gouvernementale en mati re de nationalit peuvent faire leur travail sans avoir de sentiments hostiles vis vis des membres de tel groupe minoritaire En fait que le fonctionnaire du bureau de l immigration soit ou ne soit en tant qu individu un fanatique n a pas d incidence g n rale sur le fonctionnement du syst me de contr le de l immigration 2 4 Evolution du racisme vers des formes plus subtiles Un certain nombre de chercheurs comme Kinder Sears et Mc Conahay ont avanc l id e que la manifestation d
56. anziga exer ant une emprise dictatoriale sur les gens de leur colline IIs utilisent leurs privil ges cr er des liens de client lisme travers le pays exclus en grande partie de tous les m canismes conomiques mon taires et structurels modernes N anmoins depuis l ind pendance en 1962 la premi re puis la deuxi me R publique ont mis en place des structures import es ou impos es de l ext rieur le parti l arm e moderne l administration Les dirigeants s en servent pour confisquer le pouvoir politique et am liorer la position sociale et financi re de leur clan tout en favorisant leurs r gions respectives le centre pour la premi re R publique le nord pour la deuxi me R publique Cela aux d pens des autres r gions du pays Ils instaurent donc une sorte d oligarchie pour la forme du pouvoir qu ils exercent sur le peuple capitalisme et bourgeoisie dans la recherche de l enrichissement A partir de 1990 le cadre tabli par les gens du nord dix sept ans apr s le renversement l limination physique du r gime de Kayibanda est nuanc L opposition interne se structure autour d intellectuels de fonctionnaires d hommes d affaires de leaders politiques provenant d autres r gions exclues de la course aux privil ges Parall lement les r fugi s rwandais les plus anciens du continent africain d sireux de INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 re
57. ar ce que la m moire est une partie de la mati re qui permet de construire le r cit historique m moire ethnographique par ce que la m moire s incarne dans l identit profonde de la France ce que Norah appelle la cartographie la g ographie mentale de la France et aussi parce que cette entreprise est sous tendue par une r flexion sur la psychologie de la France transposant en quelque sorte au corps social des notions d licates parfois appr hend es de la psychologie individuelle que ce soit l inconscient la symbolisation les tabous les censures et nous le verrons dans l appr hension de la m moire notamment pour le Rwanda notamment pour la m moire du g nocide Ces notions de censures et tabous sont des notions importantes Tout cela INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 est encadr par le politique parce que la m moire est avant tout un enjeu politique Quand on parle de m moire c est une m moire qui n est pas seulement la m moire de ce que nous gardons comme repr sentation du pass que nous voulons conserver on doit consid rer la m moire comme une m moire englobant non seulement le souvenir mais aussi l oubli et en particulier cette dialectique ce va et vient entre le souvenir et l amn sie Dans cet ouvrage qui pour les historiens est un monument de l historiographie fondamentale Pierre Norah et ses collaborateurs analysent ces trois tats de la France qu
58. c cette expression de lieu de m moire la popularisait en tout cas et a lanc aussi un d bat renouvel sur la confrontation entre la m moire et l histoire Cet ouvrage dont je me propose de reprendre les grandes lignes pour introduire le sujet que je voulais voquer avec vous se voulait une sorte d inventaire des lieux o la m moire nationale fran aise une m moire nationale consid r e comme tant en disparition en grande partie s tait incarn e aussi bien dans les comm morations dans les f tes dans les embl mes nationaux dans les monuments les loges les dictionnaires aussi qui fondent une m moire collective et bien s r les mus es Lieu de m moire d ailleurs comme faisant r f rence non seulement des lieux purement mat riels ces monuments aux morts que j ai voqu s le papier comme trace de l histoire aussi bien l imprim que l archive le r le des institutions qui collectent les documents qui sont la m moire collective de la France les archives nationales par exemple la biblioth que nationale mais aussi les lieux qui sont purement des abstractions qui sont des lieux immat riels intellectuellement construis comme peuvent l tre les notions de lignage de g n alogie d appartenance d identit ou de r gion Pierre Norah dans cet ouvrage montre les dimensions multiples de la m moire de la France dimension historique dimension ethnographique politique psychologique Dimension historique bien s r p
59. ce sociale vivante un laboratoire ou la tradition r appropri e revit et travaille en revenant sur le pass en int grant le pass et en affrontant la complexit la violence et la brutalit de l histoire r cente On a d j dit en quelques mots en quoi cette m moire peut s incarner j ai parl de monuments j ai parl de mus es Je crois que pour le dire tr s bri vement ces mus es ne doivent pas bien s r tre uniquement des mus es de la mort mais des mus es de la vie o rejaillissent les visages de ceux qui sont morts pour contribuer les identifier en s ajoutant aux noms qu il faut n cessairement reprendre et r inscrire dans l espace publique mais que ce retour sur la vie en m me temps que cette vocation de la mort doit l tre aussi d une vie oubli e et d une culture dont les disparus taient porteurs des arts dont les disparus taient porteurs et des traditions populaires que le Rwanda a malheureusement t oblig d oblit rer Catherine Coquio parlait tout l heure du travail sur le langage qui est n cessaire que ce soit dans la litt rature crite ou dans la litt rature orale pour rendre la m moire vivante Il faut que ce soit le quatre vers des mus es il faut que ce soit le quatre vers des monuments qui se situent dans des lieux anciens de la tradition du Rwanda dans des lieux nouveaux qu il faut inventer et aussi dans ces lieux que j appellerais des lieux de rupture des lieux de massacres o le d c
60. chez les fr res jos phites congr gation dont je suis il y avait environ 200 r fugi s Arriva le jour fatidique o l avion du pr sident fut abattu Le lendemain nous avons entendu la radio que les lbyitso complices allaient mourir La RTLM n arr tait pas de parler de moi en me qualifiant de grand icyitso Le lendemain nous avons vu les Interahamwe attaquer vers 14h00 Nous tions environ 200 personnes nous nous sommes d fendus de notre mieux avec des pierres et des grenades jusque vers 20h00 Ce soir l 30 personnes sont mortes dont Munyambaraga Narcisse et d autres Nous INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 nous sommes cach s et comme il faisait noir ils ne pouvaient plus nous attaquer Nous avons eu l id e d crire au g n ral Dallaire pour lui expliquer notre situation et il a dit qu il ne pouvait pas nous vacuer parce que le colonel Renzaho le pr fet de Kigali avait d cr t qu il nous fallait mourir avec nos gens Nous sommes rest s sans eau ni lectricit C tait le calvaire Cette situation a dur jusqu au mois de juin Le 8 juin survint la mort des v ques Kabgayi et il fallait venger D s lors les militaires et les Interahamwe commenc rent nous attaquer Chaque jour ils venaient et nous faisaient sortir Nous devions tenir la liste des gens qui taient l Parmi ces assaillants il y avait Kabiligi aujourd hui en priso
61. dans un placard d j encombr Ainsi va le devoir de m moire En 1945 bien peu accordaient aux Juifs rescap s l attention et le soutien n cessaires Leur destruction avait t secondaire leur souffrance n tait pas pertinente Celle des Arm niens ne l est toujours pas Celle des Tchetch nes le sera t elle un jour En ce mois d avril o Arm niens et Tutsis ont comm mor leur g nocide l op ration contre les Tch tch nes a continu d tre men e son terme L o les deux premiers peuples subissent la n gation le dernier a t rendu d finitivement hors sujet par le sourire de Bill Clinton Tony Blair et Jacques Chirac Poutine La diplomatie occidentale a d cid ment du mal int grer la r alit de crimes qu elle coproduit r guli rement et ses bonnes d cisions rendent pour certains la facture bien sal e Mais la d cision du sourire est elle ici si bonne que cela aussi bonne qu elle le fut en ex Yougoslavie et en Afrique La politique de Poutine risque de produire bien d autres bandits enrag s En particulier dans le Caucase O dernier d tail les peuples souvent islamisants sont volontiers appel s aujourd hui par les Russes les noirs Annexe Pr sentation de l association AIRCRIGE Association Internationale de Recherches sur des Crimes contre l humanit et les G nocides Par Catherine Coquio Ma tre de conf rences en Litt rature compar e et Pr sidente de AIRCRIGE Cr e en 1
62. demment un travers que nous connaissons et je me r f re au Vatican ou l glise polonaise selon les interpr tations qui ont tent de s approprier Auschwitz pour en faire le symbole de notre R demption en quelque sorte le Golgotha de l humanit Deuxi me probl me en guise de conclusion c est celui de la superposition d une identification nationale d une part et de la m moire du g nocide d autre part C est un probl me complexe La m moire est bien s r avant tout un lien social mais on l a dit ce sont des m moires souvent contradictoires et oppos es et ce lien social s exerce dans le cadre de ces m moires singuli res Et d s lors la m moire comme lien social peut elle contribuer souder des antagonismes C est une question d licate et il y a un si cle le th oricien de la m moire collective Halbwachs avait d j montr qu il y a autant de m moires que de groupes et cela fait bien s r la fois la dangerosit d une politique de la m moire mais aussi tout le potentiel d une politique de la m moire Pour conclure je voudrais voquer ces dangers de la m moire tr s bri vement en cinq points C est que la m moire en figeant en quelque sorte le souvenir peut poursuivre ce que j appellerais une sorte de dictature de l unicit que le Rwanda a malheureusement connue pendant tout un temps au d triment du pluralisme D s lors il est difficile bien s r de construire la m moire en m me temps que de construire le pluralis
63. dre inhabituel celui de l aspect psychologique BIBLIOGRAPHIE 1 Alexander F 1952 Les m decins psychosomatiques Paris 2 Allport C A 1954 The Nature of Prejudice Garden City N J Anchor 3 Allport G W 1970 Structure d veloppement de la personnalit Neuch tel Delachaux et Niestl 4 Bandura A et Walters H 1963 Social Learning and Development New York Holk 5 Billig M 1984 Racisme pr jug s et discrimination in Psychologie Sociale Moscovici Paris PUF 6 Chr tien J P 1995 Les m dias du g nocide Edition Karthara Paris 7 Davidio J F et Goertmer 1986 Pr judice Discrimination and Racism Orlando Academics Press 8 Inger A 1996 Trauma and Healing under State Terrorism Le Book Ldt London 9 Van Dijk F A 1987 Communicating Racism Neubeurg Park Sage 10 White G 1997 Socialisation London New York Longman INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Politique de la m moire et pens e de l v nement Par Catherine Coquio Ma tre de conf rences en Litt rature compar e et Pr sidente de AIRCRIGE Je ne ferai ici que pr senter les objectifs de l Association que je repr sente l Association Internationale de recherche sur les Crimes contre l Humanit et les G nocides mais je tenterai de dire par l ce que peut tre une politique de la m moire ax e sur le pr sent en voquant bri vement quelq
64. e De cette ch re Patrie o je venais de perdre De mani re aussi atroce mon p re et ma m re Je r solus alors de confier mon destin Aux dieux de l aventure et me voil parti Pour des lieux que jusque l j ignorais encore Bibwe fut mon ami la premi re terre d exil Que les ma tres de mon destin venaient de choisir Pour le juif errant que j tais devenu A Bibwe je ne vivais pas plut t je survivais Je vivais de ce qui venait et de ce qui ne venait pas Comme dit la belle chanson La faute Voltaire Et un jour que je courais derri re une gazelle Je faillis finir dans les crocs d une jeune tigresse Mais la tigresse attendrie tr s vite par ma d tresse Me dit tout simplement Va et ne reviens plus ici Ne voulant pas finir dans la gueule des fauves Je quittai le Za re pour le Burundi Le camp de Nyarunazi fut ma seconde terre d exil Mais un jour que je cherchais dans la for t des fruits sauvages Je faillis tre la proie d une panth re affam e Mais la panth re attendrie tr s vite par ma d tresse Me dit tout simplement Va et ne reviens plus ici Ne trouvant pas de s curit au camp de Nyarunazi Je m exilais encore au camp de Nakivala Mais un jour que je cherchai dans des fleurs du miel sauvage Je faillis tre mordu par une grosse vip re Mais le reptile attendri tr s vite par ma d tresse Me dit tout simplement Va et ne reviens plus ici Nakivala non plus n tait pas s curisant
65. e d mocratique Puis le Conseil de l Europe jusque l vitrine des Droits de l Homme a fait une d claration Un d tail la seule protestation claire contre la guerre tragique mane de la petite R publique tch que Laquelle fut aussi en 1994 l un des Etats membres non permanents du Conseil de s curit de l ONU r clamer une intervention au Rwanda A l poque Eltsine d clarait qu une intervention militaire directe russe tait impossible en Tch tch nie car ce serait si violent et si sanglant que personne ne nous le pardonnerait 11 8 94 II ne s est tromp que sur le pardon Deux ans plus tard le message tait plus direct Les ind pendantistes tch tch nes sont des chiens enrag s et les chiens enrag s on les abat De cette guerre qui fit 80 000 victimes tch tch nes les Russes n avaient cure Il en est autrement aujourd hui Entre temps les chiens enrag s sont devenus des bandits et les bandits selon la terminologie de Poutine cette fois doivent tre an antis Entre temps aussi tous les Tch tch nes sont devenus des bandits II faut donc mener l op ration son terme c est dire d truire jusqu au bout tuer torturer violer effacer Apr s en avoir fini avec un peuple rebelle isilamisant et mafieux Poutine pourra s adouber champion antimafia dans son propre pays et serrer tous les boulons la fois On respirera mieux pour signer des contrats L thique de la responsabilit notion
66. e de leur vie m me ont sauv leurs voisins ou les membres de leur famille d ethnie tutsi Concernant la r action des accus s on m a pos la question de savoir s il y a eu des moments o des accus s que j ai mentionn s Akayesu Kayishema Ruzindana et Rutaganda ont montr un peu de remords Personnellement je n ai pas vu malheureusement un sentiment de remord Akayesu a pr tendu qu il tait impuissant que c tait le fait des interahamwe qu il ne pouvait rien faire qu il avait essay de faire ce qu il pouvait II a t confront lors du contre interrogatoire men par le procureur am ricain qui tait responsable de cette poursuite des incompatibilit s entre son t moignage et la d claration qu il a fournie aux enqu teurs auparavant Mon coll gue lui a pos des questions dans les m mes termes que ceux utilis s par les enqu teurs pour amener encore une fois la r ponse de l accus afin de le confronter avec sa r ponse de l poque lors de l interrogatoire On voyait des diff rences parce que son histoire avait chang sa justification avait tout fait chang et sa cr dibilit a ainsi t d truite Cela a eu pour effet videment de confirmer aussi la fiabilit des t moignages vers s au dossier par la poursuite et il a t condamn Ruzindana n osait pas t moigner II tait silencieux il ne r pondait pas Kayishema le pr fet de Kibuye se justifiait longuement C est un homme tr s intelligent
67. e et la comm moration mais aussi celle du sens que cette exp rience peut prendre l int rieur et l ext rieur de la communaut atteinte sachant que le monde ext rieur la plupart du temps a assist la catastrophe sans pouvoir ou vouloir rien faire Ce travail de recherche suppose que s articulent les approches ext rieures de l v nement et la relation int rieure que les rescap s peuvent ventuellement construire avec lui II pose ainsi la question des rapports entre la connaissance historique de l v nement le d ni de l v nement et le t moignage de l v nement qui conditionnent tous trois ses possibilit s de transmission Ces rapports se pr sentent de mani re diff rente chaque g nocide La difficult et la n cessit de saisir la fois la particularit absolue de chaque g nocide mais aussi la signification et la valeur universelle qu il peut avoir dans chaque cas constituent pr cis ment un des d fis majeurs pour la pens e Cette pens e concerne chacun en Occident en Afrique ou ailleurs Ce d fi prend un sens tout particulier dans le cas du g nocide des Tutsi du Rwanda L accomplissement d un g nocide en Afrique conduit penser ce qui dans ce travail de transmission peut diverger et se partager entre l Occident et l Afrique mais aussi entre le Rwanda et les diff rents pays d Afrique Ici le travail sur les conditions de possibilit d une r elle transmission c est dire d une r flexion
68. e sollicitude sur lesquelles nous savions d j pouvoir compter nous vont droit au c ur et les mots ne sauraient concr tiser de fa on pleine notre gratitude Mais puisqu il faut bien passer par les mots laissez nous au nom de nos morts au nom de toutes les victimes d c d es ou encore vivantes vous dire simplement franchement et sinc rement merci pour nous avoir apport votre cordial r confort d avoir accept de prendre part notre incommensurable peine dans le souvenir douloureux et ineffa able de nos morts sans s pulture dans une barbarie sans nom simplement pour ce qu ils taient Le Rwanda et les Rwandais en particulier ainsi que la communaut internationale en g n ral ne peuvent ni oublier ni tenter d occulter ce g nocide De plus cette ignominie ne doit rester impunie et doit tre radiqu e Excellences Messieurs les Ambassadeurs Honorables Invit s Mesdames Messieurs Sur toutes les trav es de cette salle hospitali re de notre comm moration nous sommes quelques rescap s parents veuves et veufs enfants orphelins et orphelines amis et proches de ce million d hommes innocents que nous pleurerons toujours et qui nous rassemblent ce jour en ce lieu de m moire Nous sommes l pour nous incliner avec respect une fois encore devant nos chers morts pour honorer leur m moire o que se trouvent leurs d pouilles ou restes Ce jour et cette soir e symbolisent notre volont de ne pas les oublier not
69. e sont la R publique la Nation et puis ce qu il appelle les Frances c est dire la France dans ses expressions politique sociale religieuse et r gionale mais vrai dire l objet r el de son analyse c est surtout la R publique Pourquoi la R publique Parce qu elle se confond pratiquement avec la m moire par ce qu en plus d tre un autre fragment le dernier fragment de la m moire nationale de la France dans la chronologie de l histoire du pays elle en est ainsi en quelque sorte comme l aboutissement elle en est la red finition synth tique par l appropriation qui s est faite de la m moire nationale et le travail de m moire qui s est op r tout au long de ces deux si cles ou presque de r publique malgr les avatars de l histoire Ce sch ma m thodologique de Pierre Norah on peut le transposer bien s r d autres nations avec des m canismes communs et des m canismes particuliers on peut le transposer d autres communaut s La m moire nationale vous le savez a t longtemps l poque contemporaine une des principales forces motrices du lien social et de la coh sion nationale Mais si l on examine maintenant le cas du Rwanda il me semble que l on se trouve dans une situation toute autre savoir que la colonisation et l glise et vous savez mieux que moi quel point le colonisateur et l glise taient en symbiose souvent parfaite ont d pouill progressivement le Rwanda de tout lien culturel avec la p
70. el Ponte En Afrique quelques pays ont fourni un effort non n gligeable dans l arrestation et l envoi la justice de pr sum s coupables de g nocide et de crimes contre l humanit r clam s par le T P I R IIs restent cependant sourds aux requ tes du Rwanda pour l extradition de certains pr sum s coupables dont ils sont encore h tes D autres pays africains en revanche entravent carr ment l action du T P I R et demeurent des sanctuaires d termin s d un nombre lev de g nocidaires Interahamwe et Ex FAR et les utilisent comme mercenaires dans leurs arm es ou comme d stabilisateurs du Rwanda ou du Burundi au lieu de les arr ter de les juger ou de les faire juger Toutes les actions de r habilitation des victimes dans leur droit ne seraient cependant occulter un fait primordial les jugements semblent laisser en blanc l indemnisation des victimes survivantes Par ailleurs la r paration n cessaire des Etats des institutions confessionnelles et des organismes internationaux qui ont manqu leurs devoirs avant pendant et apr s le g nocide ne semble gu re tre prise en compte ou plut t est pass e volontairement sous silence La prise en charge des rescap s tant au niveau mat riel social et surtout sanitaire n cessiterait un souci sp cial et un concours de toute la INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 communaut internationale commencer particul
71. enir de ce pays II faut donc que la m moire int gre le temps de l histoire dans la tradition m me si c est un temps brutal violent Et donc la m moire du Rwanda une m moire qui aille au del de ce que le colonisateur et l glise ont effac retourne cette tradition mais qu en m me temps elle ne soit pas temporaire elle soit continue et qu elle int gre pleinement ce rapport violent l histoire qu a connue le Rwanda tout au long du INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 20 si cle avec cet v nement paroxystique de 1994 mais qui s ajoute d autres v nements dont il a t question et dont vous tes en quelque sorte le symbole J voque la tradition parce que la m moire forc ment ne peut tre qu un retour sur la tradition Et revenir sur la tradition ce n est pas bien s r r tablir la mutilation que la colonisation culturelle et religieuse ont provoqu e ce serait malheureusement impossible Si j utilise le terme malheureusement c est parce qu il me semble que l effacement qui a t effectu par la colonisation religieuse et la colonisation politique du pays ont eu des effets d sastreux Mais c est s approprier non pas sur cette nostalgie ou sur ce r tablissement qui me semble utopique sur des bases nouvelles une part de soi que le Rwanda a oubli e La m moire ne devient plus seulement un cimeti re mental ou un sentiment de nostalgie mais une for
72. ent belge a fait siennes les conclusions de la commission d enqu te s natoriale et le Premier Ministre a reconnu les responsabilit s politiques de la Belgique Nous appuyons totalement la d marche que le gouvernement a entreprise en se rendant au Rwanda Ce nouveau contexte belge nous permet avec clart et coh rence de souligner que le travail de m moire que fait l association IBUKA est essentiel pour les victimes le Rwanda et l humanit enti re Sign s Pierre Jonckheer d put europ en Marie Nagy chef de groupe ECOLO au S nat Paul Galand s nateur Josy Dubi s nateur et pr sident de la commission justice Message de la communaut des Arm niens de Belgique INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 repr sent e par Monsieur Nurhan Gayda Mesdames Messieurs On a dit que le si cle qui s ach ve est celui des g nocides celui des Arm niens celui des Juifs et h las celui des Tutsi Si le g nocide attend secouer la conscience des hommes c est qu il constitue le crime le plus pouvantable de notre chelle de valeurs communes A crimes pouvantables justice exemplaire Les belges sont pris de justice En 1996 en mars ils manifestaient pour elle dans des rues de leur capitale Le gouvernement vient de d cider l engagement des juges suppl mentaires et la cr ation de nouvelles proc dures C est sa r ponse la petite criminalit Mais que sera alors
73. ent qu elle soit C est pourquoi il vaut mieux ne pas tre tch tch ne aujourd hui Moscou s emploie d ailleurs ce qu on ne soit plus tch tch ne du tout Il est vrai que les relations entre Russes et Tch tch nes sont traditionnellement tendues et complexes En 1944 Staline les avait un peu simplifi es Mais la d portation n avait pas fait toutes ses preuves Aujourd hui il s agit d annuler ce peuple sur son territoire INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Elu Pr sident Poutine a dit qu il comptait mener son terme l op ration engag e en Tch tch nie en m me temps que le processus d mocratique Bien que sa r solution des probl mes sociaux passe par la dissolution des Tch tch nes de grands v ux ont accompagn sa victoire ceux bien s r de la Chine et de la Serbie mais aussi de l Angleterre et de la France Notre Pr sident l a f licit pour sa brillante lection qui lui conf re l autorit n cessaire pour assurer le retour la paix sur tout le territoire russe Ceci apr s qu une soci t internationale se fut transform e en communaut de soutien FMI cr anciers priv s Club de Londres renforc par l ouverture de l OTAN sur fond de traditionnel silence l ONU et d inexistence politique de l Europe Non soyons justes l Union europ enne a d clar au Pr sident russe qu elle souhaitait un partenariat strat gique avec la Russi
74. entateur europ en qui se montre volontairement ou non pris dans le discours de la n gation lorsque niant ou ignorant cette part toujours active des puissances occidentales dans la port e de l v nement confirme et aggrave son actualit mortif re Alors que son actualit devrait tre celle d un v nement de conscience c est dire d un effort de transmission qui comporte ses propres enjeux de connaissance et de pens e Je voudrais les pr ciser davantage en revenant un instant sur les attendus de l association Conna tre et penser l v nement Les objectifs de cette recherche collective sont de tenter de comprendre les formes de la violence politique du si cle et la marge de r plique possible ce qui suppose de mettre en relation des secteurs du savoir et la recherche diff rents histoire anthropologie philosophie droit psychanalyse litt rature mais aussi de mettre en relation des temps diff rents et des communaut s diff rentes Cette association r unit donc la fois des Arm niens des Juifs des Rwandais des Cambodgiens des Bosniaques des Alg riens mais aussi videmment des gens simplement sensibilis s l histoire de ces communaut s cause de leur histoire priv e ou de leur sensibilit politique cause surtout de l tat actuel du monde Enfin ce travail associatif veut r fl chir sur la dimension politique forc ment critique que peut prendre l activit de recherche et sur le lien actif qu
75. er ce soir un message de solidarit d engagement et d espoir M me s il n existe pas une r p tition de l histoire INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 les Juifs et les Rwandais n ont pas d histoire semblable mais ils ont v cu des exp riences similaires Ces exp riences repr sentent dans leurs histoires respectives des moments d terminants de leur conscience moderne Elles sont si traumatisantes qu elles semblent parfois d terminer tout le reste Et pour nous comprendre mutuellement nous devons saisir la limite de ce qui est similaire Cela vaut tant pour les Juifs que pour les Arm niens et pour les Rwandais Ces trois peuples ont v cu les g nocides au cours du 20 me si cle Et aujourd hui la reconnaissance du g nocide rwandais comme pour la reconnaissance de la Shoah sont pour les uns en partie acquises ce qui n est pas encore le cas des Arm niens Aujourd hui la Belgique reconna t m me la faute commise au Rwanda ce qui par contre n est pas le m me cas pour les autorit s belges vis vis de la Shoah Mais la reconnaissance historique est encore diff rente du sentiment de projection vis vis de l autre Les traumatismes sont choquants par leur singularit et leur sp cificit et cela non pas la mani re unique d tre tu mais parce qu ils s adressent un peuple singularis dans son existence un moment donn Les Rwandais ont t victimes d
76. erse Evidemment lors de la pr sentation de notre preuve c tait aux avocats de la d fense de contre interroger en posant des questions nos t moins pour v rifier la fiabilit de nos t moignages Mais lors de la pr sentation des l ments de preuve ou de t moignages de d fense et surtout des accus s c tait nous de contre interroger notre tour Et les juges sont en mesure d valuer la cr dibilit d valuer la fiabilit et de trouver la v rit Les juges participent l audience en posant des questions eux m mes Ce n est donc pas seulement le travail des avocats mais aussi des juges Des t moins taient amen s r pondre non seulement aux avocats mais aussi aux juges Ainsi tout le monde travaille la recherche de la v rit Les d bats contradictoires sont videmment importants avant la prise de toute d cision lors d un proc s En ce qui concerne les premiers proc s ce fit des d fis des succ s et des difficult s J tais chef d une quipe de six avocats qui on avait confi trois dossiers I s agit du dossier Akayesu Kayishema et Ruzindana et du dossier Rutaganda C taient les premi res affaires instruites devant les chambres de premi re instance Arusha A ce moment l il n y avait presque aucune jurisprudence et tr s peu de pr c dents pertinents II fallait tablir de fa on juridique le fait du g nocide Tout le monde sait qu il y a eu un g nocide au Rwanda en 1994 mais il
77. es dont il n est presque jamais question De sorte qu effectivement il faut oser les mots pour le dire mais d s le moment o l on ose les mots pour le dire il faut vraisemblablement le faire dans une perspective o la singularit ne se r duit pas l unicit Je voudrais en guise de communication vous livrer quelques r flexions sur les deux th mes que nous avions pr vus de traiter qui ont t trait s d j en grande partie par d autres intervenants savoir la politique de la m moire et les lieux de la m moire et peut tre justifier aussi par la m me occasion le choix de ces expressions Je voudrais le faire pour commencer en faisant r f rence un ouvrage dont j ai voqu le titre tout l heure et qui est galement le titre de notre session savoir les lieux de m moire un ouvrage collectif publi en 1984 par Pierre Norah professeur l Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales Paris Un ouvrage qui pour les historiens constituait un moment fondamental bien des gards D abord parce qu il a permis de jeter un regard r trospectif global et vocation globalisante sur les repr sentations que la France s tait faite de sa propre histoire ce qu il appelle l conomie du pass dans le pr sent et sur la fonctionnalit de cette m moire et de ses ic nes dans la soci t fran aise depuis deux si cles depuis la r volution fran aise en r alit et d autre part parce que cet ouvrage a lan
78. es syst mes continentaux INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Pour ce qui est du syst me anglo saxon ou accusatoire il y a la responsabilit des parties pour la pr sentation de la preuve Les juges ne m nent pas les d bats comme dans les syst mes continentaux C est aux avocats et au procureur de pr senter leurs preuves et de faire leurs arguments Ce qui veut dire qu en tant qu avocat g n ral en tant que procureur j tais responsable de mon quipe pour pr senter des t moins des documents des photocopies des vid os des cartes des plans des objets etc afin de faire notre preuve afin de nous acquitter de notre t che d tablir la responsabilit p nale au del de tout doute raisonnable Le fardeau de la preuve repose videmment sur le procureur et c tait la d fense de pr senter la contre preuve et comme je vous l expliquais de contre interroger nos t moins pour tester pour ainsi dire la fiabilit des l ments de preuve que nous pr sentions En ce qui concerne les t moins il y a tout un art que ceux qui sont familiers ou ceux qui sont exp riment s dans le syst me accusatoire exercent c est l art de faire l interrogatoire en chef c est dire de permettre aux t moins de donner leur r cit des faits et d assurer que tout ressorte pour la consid ration de la chambre II y a aussi le besoin de contre interroger des t moins de la partie adv
79. es traces de leur participation au g nocide des Tutsis Selon les derni res statistiques les prisons contiennent environ 130 000 pr sum s coupables dont seulement 300 400 auraient t jug s soit 0 2 apr s 6 ans La relaxe des personnes g es ou tr s jeunes a t heureusement stopp e la demande des rescap s Rien ne peut justifier en effet une justice cl mente et g om trie variable en fonction de l ge pour le crime de g nocide La non prise en compte de cette consid ration risque de mener la catastrophe Toute tentative de refondation du Rwanda qui ne passerait pas par la justice et l quit sera notre avis b tie sur du sable et ne r sistera pas au temps Quant aux r alisations du T P I R Tribunal P nal International pour le Rwanda cinq ans apr s sa cr ation elles ne traduisent que la bureaucratie l gendaire et habituelle de l O N U et parfois un conservatisme proc durier inqui tant dans des questions aussi vitales que celles du crime de g nocide o l innovation juridique pertinente serait plut t de mise Le T P I R n a appr hend qu une quarantaine de pr sum s concepteurs et ex cuteurs principaux du g nocide de Tutsi au Rwanda et n en a jug jusqu ici que sept soit une moyenne de pr s de 2 par an Ne soyons cependant pas injustes Nous constatons ces derniers temps une recherche d une plus grande efficacit de ce Tribunal sous l impulsion de l actuel procureur Mme Carla D
80. est donn au rescap et si celui ci continue d tre soumis des probl mes conomiques insurmontables Elle ne peut avoir lieu non plus si les rescap s ne sont pas reconnus dans leur droit s il ne leur est pas fait r paration non seulement symbolique mais mat rielle quelle que soit l irr parabilit d un g nocide un certain degr de sa profondeur Pour que ce niveau d nonciation propice la transmission intime puisse tre atteint il faut d abord que le processus juridique se d roule et aboutisse dans le cadre de ses limites propres parall lement au processus de la connaissance historique qui bien orient e peut tre stimul e par ce processus juridique Pour cela il faut que la connaissance historique ait pris clairement conscience de son propre cadre et de ses propres limites celles pist mologiques que lui impose la r alit g nocidaire du fait de la n gation du crime et de l effacement des traces La sp cificit du fait g nocidaire est de se programmer comme anti v nement int grant sa propre n gation Ainsi la recherche factuelle de l historien se double d une r flexion sur la nature paradoxale de la double destruction accomplie qu est ce que cet v nement qui refuse de s crire dans l histoire ce crime qui la fois s annonce et se cache qui va jusqu au bout d un projet d lirant d une destruction radicale d une partie de l humanit mais sans vouloir laisser de traces et sans se reconna t
81. eurs recherches L argument retenu ce sujet tait qu ils s taient int ress s au fanatique extr me rempli de haine pour ceux qu ils percevaient comme appartenant d autres groupes raciaux fut encore sugg r qu une approche qui retenait la personnalit comme l explication sous estimait le fait que les attitudes racistes pouvait tre partag es sans besoins psychologiques profonds La recherche de T Pettigrew dans les ann es 1950 fut importante en ce qu elle souligna les limites d une approche fond e sur la personnalit et l importance parall le des facteurs culturels Pettigrew fit une comparaison de l autoritarisme et des croyances racistes parmi les Blancs dans le Nord et le Sud des Etats Unis et en Afrique du Sud Il arriva au r sultat suivant le tr s haut degr de croyances racistes contre les Noirs en Afrique du Sud et dans le Sud des Etats Unis n allait pas de pair avec des personnalit s autoritaires Les facteurs culturels taient beaucoup plus importants Les gens vivant dans un environnement dans lequel les pr jug s racistes pr valent dans lequel une longue histoire de pratique raciste est de rigueur sont suppos s apprendre ces principes sans que leur personnalit intervienne Ainsi dans les soci t s racistes les gens dits normaux sans qu il soit besoin d un degr d ins curit tr s lev sont suppos s devenir raciste L id e que l on puisse avoir des attitudes racistes sans avoir parall lement une h
82. eux de chaque exp rience individuelle INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Le savoir du t moin et de l historien L exp rience des t moins tant sp cifiquement porteuse d une compr hension interne de la catastrophe et d une r flexion sur la singularit des destins que produit l exp rience de l inhumain le t moignage peut avoir un r le d cisif dans le travail de pens e et pas seulement dans le travail de la connaissance Seul sans doute il peut donner acc s humain l inhumain et exercer sa contre violence propre Mais il faut pour cela que le t moin soit d livr de la t che de prouver faire reconna tre et condamner le crime et m me d attester le fait historique Il faut que le t moignage s mancipe de sa valeur de document historique et juridique et qu il poursuive ses propres fins m ditatives et existentielles Pour que cette v rit humaine de l v nement puisse s noncer il faudrait que chaque exp rience individuelle puisse s noncer dans la conscience de sa propre profondeur et de sa propre exception de sa propre anormalit pr cieuse m diter pour l ensemble d une humanit constamment incertaine de ses fondements parce qu r p tition plong e dans l inhumanit Il va de soi que cette libre nonciation peut difficilement avoir lieu si la violence politique fait toujours rage si aucun lieu ni moyen mat riel d expression n
83. ffaire de socialisation d ducation d impr gnation culturelle et id ologique Comme on disait il y a peu ils sont de l ordre de la culture et non de la nature Ils sont donc influen ables modulables dans un sens ou dans un autre C est bien quoi s attachent tous ceux qui id ologues ou dictateurs veulent fa onner l homme en fonction de l image qu ils ont Cela ne veut pas dire que les traits physiques particuliers tel groupe ne sont pas prendre en compte pour comprendre sa psychologie ce sont l comme d autres des l ments de la personnalit d terminant quant l image que l on donne de soi et donc quant la mani re dont il est per u par les autres La premi re d marche du psychologue doit tre de nature sociologique sinon tout son travail est vici lui importe en tout premier lieu de d crypter quelles sont les cat gories selon lesquelles tel peuple pense l homme et ses comportements faut ensuite le faire parler sur la mani re dont il se voit lui m me et dont il appr hende les autres sur ce qui ses yeux a de la valeur et du sens et ce qui n en a pas INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 2 2 Psychologie en tant que racisme Racisme Ensemble d id es d attitudes et de pratiques qui op rent une discrimination et une hi rarchisation entre des groupes humains tout en s appuyant sur la croyance en des diff rences raciales et biologique
84. g nocidaire consistant dans un d lirant passage du discours l acte il r alise non seulement une profonde d t rioration du langage dans sa folle instrumentalisation id ologique mais aussi la destruction de toute la sph re du langage et avec elle de toute symbolisation subjective et du principe d humanisation inscrit au c ur du langage comme une promesse offerte chacun Le retour n cessaire cette humanit du langage peut ainsi se faire sur deux fronts l analyse des discours criminels la saisie des logiques de la n gation leur syntaxe leur style leur imagination aussi leur mythe et puis leur raison profonde leur d raison profonde et la cr ation d un nouveau langage de nouveaux discours r fl chissant ce nouveau mythe nihliste de la destruction totale qu est le g nocide et construisant peut tre des mythes plus humains individuellement lib rateurs C est pourquoi la recherche sur la violence g nocidaire int gre la fois l tude des discours id ologiques et l tude des t moignages y compris litt raires mais aussi la litt rature elle m me INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Ambivalence du mod le d mocratique On mesure ainsi la n cessit et la difficult propres la r flexion sur le g nocide Vou e une indispensable transversalit elle est toujours travers e d une violence passionnelle propre et d enjeux politiques qui p
85. hirement r veille brutalement la m moire Mais cette incarnation de la m moire doit se faire aussi dans ces manifestations immat rielles que j ai voqu es propos de Pierre Norah qui sont notamment les instants de silence les minutes de silence Certains d entre vous ont d j observ la t l vision cette minute de silence d un caract re motionnel terrible qui se situe chaque ann e lors du YOMA SHOAH en Isra l lorsque toute activit s arr te brutalement d une mani re tout fait saisissante Mais avant tout et l nous sommes la fois dans le mat riel et l immat riel la m moire doit s incarner dans la p dagogie Et c est l sans doute aussi que la m moire est la plus sensible aux utilisations et aux manipulations d s que l on institutionnalise la m moire Les instruments de cette p dagogie vous les connaissez c est l cole bien s r avant tout ce sont les manuels ce sont les enseignants ce sont les images qui sont produites pour servir le discours p dagogique et c est la production avant tout d un nouveau discours historique qui soit je dirais une appropriation de la m moire qui se soit d fait tant que cela est possible des mythes m me si les mythes continuent bien s r accaparer la m moire et comment peut il en tre autrement Une p dagogie scolaire mais aussi une p dagogie citoyenne en particulier une p dagogie anti raciste de sorte que cette p dagogie citoyenne marque non seulement les l ves
86. i rement par les Etats ou institutions qui d une fa on ou d une autre de pr s ou de loin partagent des responsabilit s avec ceux qui ont con u et ex cut le g nocide des Tutsi II serait heureux qu ils soutiennent les initiatives du Rwanda dans ce domaine nous pensons au F A R G Fonds National pour l Assistance aux Rescap s du G nocide et des Massacres au Centre Universitaire de Sant Mentale etc En ce qui concerne les jalons de la m moire quelques actions ont t entam es depuis 2 ou 3 ans Elles commencent d j donner des fruits que ce soit au Rwanda ou en dehors du Rwanda Nous pensons principalement l rection de sites du Souvenir au Rwanda l ouverture d un Centre d Information sur le g nocide des Tutsis l Universit Nationale du Rwanda des crits d auteurs rwandais africains et non africains des cr ations artistiques th trales t l visuelles ou cin matographiques telles que Rwanda 1994 de GROUPOV r alis par Jacques DELCUVELLERIE et Marie France COLLARD pr sent au Th tre National pour le moment le film 100 Days r alis par une quipe rwando kenyane et produit par Eric KABERA et VIVID Features sous la direction cin matographique de Nick Hughes Toutefois comme vous le savez bien le n gationnisme ne ch me pas ni au niveau des m dias presse crite et Internet ni au niveau des manipulations d opinions par des conf rences et s minaires Subreptice
87. ion d finitif qui va alors recevoir confirmation le 23 octobre Or le r glement du Tribunal pr voit que quand un juge de la chambre du tribunal accepte de faire arr ter une personne mais qu il n y a pas encore eu un acte d accusation d finitif qui a t produit sans entrer dans les d tails et le maquis de la proc dure il faut simplement savoir que dans les 90 jours qui suivent la d livrance de l acte d arrestation provisoire le procureur sorte un acte d accusation d finitif qui sera soumis de nouveau l examen pour une confirmation d finitive aussi par un juge de la chambre du Tribunal En l occurrence selon le d compte des faits par INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 la chambre d appel on devrait attendre 233 jours avant que le procureur ne produise son acte d accusation d finitif qui sera alors confirm par un juge d une chambre du tribunal 233 jours alors que le r glement pr voit 90 jours et la chambre d appel dit qu il y a l un manquement vident aux dispositions du r glement Selon le r glement si au bout de 90 jours l acte d accusation d finitif n a pas t produit et n a pas t confirm il faut lib rer l accus Ici il faut attendre 233 jours C est un nouveau probl me juridique qui se pose On peut se demander si ces dispositions du r glement pr vues pour une situation au si ge du Tribunal sont transposables comme telles une situat
88. ion qui se passe plusieurs centaines plusieurs milliers de kilom tres du Tribunal Pour la chambre d appel cela ne fait aucun doute Quant moi j avoue que je suis nouveau extr mement mal l aise avec cette interpr tation extensive que la chambre d appel fait de son propre r glement Barayagwiza a n anmoins t transf r au Tribunal en novembre 1997 Puis ce moment l il lui faudra encore attendre 4 mois pour compara tre devant un juge alors que le r glement du Tribunal pr voit une comparution sans d lai Attendre quatre mois pour compara tre devant un juge alors qu il faut la comparution sans d lai m me s il arrive fin novembre au Tribunal et que ce moment l ce sont les vacances judiciaires j estime qu il y a v ritablement une violation du r glement du Tribunal Par ailleurs il faut savoir que Barayagwiza quand il tait encore au Cameroun et qu il attendait l acte d accusation d finitif avait introduit une demande de lib ration et il avait souhait que cette demande de lib ration soit trait e par le Tribunal C est une sorte de demande qu on appelle en droit anglo saxon Habeas corpus Cette demande ne sera jamais trait e par le Tribunal II faut bien avouer qu il n y a pas v ritablement dans le r glement du Tribunal une disposition qui pr voit cette possibilit pour une personne arr t e de compara tre devant un juge aux fins de statuer sur la l galit de sa d tention Mais il n en deme
89. ionale de Recherches sur des Crimes contre l humanit et les G nocides nnsnnnnnsensessenensseeesssenessennnsseenssseennssennnssernnsernnssennnno 22 Expos de Jos KAGABO nn a ae aa iaa ee aean a EE AEE 23 Quelle politique Quels lieux de m moire iii 23 INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 R alisations d IBUKA dans le cadre de la m moire iii rerrrssssssseeeenses 30 L organisation du Tribunal P nal International pour le Rwanda et pr sentation de quelques jugements rendus par le tribunal sisi 32 Les moments forts du proc s Barayagwiza au Tribunal P nal International pour le Rwanda PE D PE RE A EES 42 Proc dures de jugements des pr sum s coupables du g nocide des Tutsi en Belgique 000 47 CEREMONIES COMMEMORATIVES DU 7 AVRIL 2000 48 Soir e del M mMoire issssenesidenemetneneinemeresneiertdennienentnnitrennnete AAAA AEA antennes 48 Allocution d ouverture de la Soir e de la M moire 48 Messages de solidarit nnise eren seen eaaa eaii aea e tee de fnet re EEEa E nds c 52 Interm de musicale Nyumva Mana Ecoute moi Seigneur 54 T moignage de Pr Jean Damasc ne NDAYAMBAJE nn 56 Premi rinterm depo tiQu 2 4 55 88888800 timer ta ete ete EEN et strates tenant ta tete tete 60 Deuxi me interm de po tique sssssssessssesrrnsrsrssrsirrtsrssssrrerrrsasssrrennnssssesrrernnssssrnrreennsssseeneeo 64 INTEGR
90. it de la lib ration j ai de grosses questions sur la l galit de cette d cision Et que dire alors de l annulation des poursuites Pour annuler les poursuites la chambre s est fond e sur ce qu elle appelle la notion d abus de proc dure abus de proc dure dont elle trouve des pr c dents dans les jurisprudences am ricaine et canadienne la jurisprudence du Zimbabwe la jurisprudence des Philippines et il y a encore un cinqui me Etat dont je ne me souviens pas qui a t cit pour dire qu un abus de proc dure permet aux juges de pouvoir annuler compl tement les poursuites au pr judice du procureur parce qu on ne voudrait pas dire au tribunal c est dire la chambre d appel II ne s agit pas simplement qu on lib re Barayagwiza et puis qu ensuite imm diatement le procureur introduise une nouvelle demande d arrestation et qu on est reparti pour un tour de carrousel ce serait trop facile et par cons quent dit la chambre d appel dans ces conditions il faut non seulement lib rer Barayagwiza mais aussi il faut annuler totalement les poursuites sans que le procureur ne puisse les reprendre La chambre trouve une justification dans certains principes de proc dure que l on trouve dans certaines jurisprudences Je ne veux pas discuter de la jurisprudence cit e par la chambre d appel parce que je ne connais rien de la jurisprudence de ces diff rents Etats et qu en plus je ne suis pas sp cialiste de la proc dure interne Je sais quand
91. ito qui vont bient t tre jug es ici Bruxelles Nous avons galement visit Nyundo Gisenyi Nous avons ramass des objets et des v tements qui ont appartenus aux victimes mais aussi des outils de mise mort abandonn s par les bourreaux A tous ces endroits nous prenions des photos et collectaient des t moignages C est ainsi que nous avons pour ce qui concerne les photos plus de 200 photos qui peuvent tre expos es plus ou moins 20 heures de t moignages sur cassettes audio et plus ou moins autant sur cassettes vid o l il s agit du travail r alis surtout par Christian Bavastro qui s occupait de filmer Apr s notre retour nous avons organis une exposition de photos et pour ce faire nous avons mis sous cadres 53 photos expos es pour la premi re fois au Botanique Bruxelles l occasion de la premi re comm moration du g nocide Cette exposition a beaucoup circul travers la Belgique et en Europe nous avons expos Louvain au parlement europ en Arlon Gen ve Rome en Allemagne et r cemment au mus e de la photographie de Charleroi Comme vous le constatez nous avons essay de faire un travail qui sera jug par l histoire ce n est pas nous de juger de la valeur de ce que nous avons fait Nous avons des projets en chantier pour le moment A partir de Juin 1998 nous avons un projet que nous avons appel Remember Ce projet comprend INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOC
92. l esprit de groupe Mc Dougal partageait les inqui tudes de Galton et de Le Bon concernant le d clin racial des races europ ennes De m me qu un grand nombre de psychologues am ricains militaient en faveur des lois plus strictes sur l immigration et encourageaient une l gislation s gr gationniste ces penseurs esp raient que la nouvelle science qu tait la psychologie serait appliqu e dans ce domaine Le m me espoir fut partag par ceux des psychologues allemands qui virent dans le r gime nazi la concr tisation des principes de la psychologie des races Leurs id es psychologiques appartenaient l histoire du racisme aussi bien que celle de la psychologie 2 3 Psychologie du racisme Dans les ann es 1980 les centres d int r t de la psychologie sociale se modifi rent Les id es de race au lieu d tre consid r es comme scientifiquement prouv es furent appr hend es comme des croyances occasionnelles des pr jug s qui n cessitaient eux m mes une explication psychologique Ce changement doit beaucoup aux psychologues qui avaient fui l Allemagne nazie et avaient eux m mes t les t moins de ce que le racisme r alisait Des migr s comme Kurt Lewin S Asch E Frenkel Brunswik et M Jahoda furent par exemple les figures de prou dans l laboration d une nouvelle psychologie sociale qui tudiera les relations de groupes et les origines psychologiques du racisme La question d un type de personnalit particuli
93. les victimes Certaines recherches men es il y a trente ans aboutissaient l id e qu aux Etats Unis les Noirs et les Juifs acceptaient les st r otypes n gatifs adopt s par la majorit de la population leur gard et avaient par cons quent peu d estime d eux m mes voire se d testaient eux m mes Ce qui tait le cas au Rwanda o les victimes payaient leurs bourreaux pour les tuer proprement ou encore les victimes partaient en chantant au lieu de r sister ou de fuir car ils n avaient droit qu la mort IIs avaient honte d tre tutsi IIs se reniaient eux m mes 3 Six ans apr s Aujourd hui il y a six ans que le Rwanda a connu la guerre et le g nocide Dans ce cas si nous nous mettons observer les relations entre les membres de la soci t rwandaise nous sommes mesure de d duire que la soci t rwandaise est traumatis e Dans ce cadre la soci t rwandaise peut tre compar e aux humains qui la composent et leurs relations comme telle dans l ensemble Ainsi une soci t est traumatis e si les membres vivent dans l isolement et les traits caract ristiques de cet isolement sont absence de sentiments et de relations dans l ensemble tendance se retirer de la vie communautaire agressivit envers les autres et envers soi m me ins curit permanente mutisme et soliloque 01 amp NH Dans pareilles circonstances la soci t ne sera pas mesure de comprendre la raison d tre et le po
94. lique une injonction d un des proph tes de la Bible Isa e qu il faut la fois se souvenir du nom et du corps Le souvenir ne peut se perp tuer que par le rappel de la mort physique de chaque mort et ne peut se perp tuer que par l inscription d un nom qui identifie chacun des morts Et tout au long de l histoire juive les martyrologes juifs se sont employ s concilier le long des si cles les noms des victimes des pers cutions aux noms qui taient lus la synagogue l occasion des services annuels anniversaires des morts Cette tradition s est en quelque sorte perp tu e par les recueils des noms des d port s juifs qui ont t publi s dans certains pays notamment en France par Serge Klarsfel et en Belgique par Maxime Steinberg et qui constituent en quelque sorte une version la cis e une version s cularis e de ces livres du souvenir Et faire le deuil des victimes au Rwanda c est comme ailleurs aussi donner un nom une identit individuelle et pas seulement collective ces morts Je voudrais ce stade ci voquer ce qui me semble tre quelquefois une saisie entre ce que j appellerais d une part la m moire continue et d autre part la m moire discontinue Le g nocide n est pas un piph nom ne II s int gre pleinement dans le pass du Rwanda C est dans le pass du Rwanda que se dessinent les causalit s du g nocide et en m me temps le g nocide en tant qu v nement fondamental d termine construit l av
95. lupart de ses traditions pr coloniales Et de surcro t le g nocide a ent rin dans le sang la fracture ethnique que le colonisateur l glise et le pouvoir politique qui a assur leur continuit apr s l ind pendance avaient institutionnalis e Alors comment cette nation comment le Rwanda peut il la fois se r approprier sa m moire et d autre part int grer dans une repr sentation nouvelle ou renouvel e du pass l l ment paroxystique par excellence qui l a frapp en 1994 C est la question que je pose et on se trouve l en situation de miroir par rapport la France r publicaine de Pierre Norah que j ai voqu e l instant savoir qu au Rwanda tout est faire ou refaire et qu il faut la fois construire des lieux de m moire qui sont n cessaires pour comprendre ce qui s est pass en 1994 et puis se r approprier d autres lieux que les avatars de l histoire d un si cle de colonisation avaient oblit r s C est une sorte de catharsis national que doit se livrer le Rwanda aujourd hui pour la fois prendre la mesure d un pass r volu en faire le deuil sans doute aussi en tr s grande partie et pouvoir en saisir la nature exacte pour le repr senter d une mani re fid le non seulement au point de vue historique mais galement au point de vue affectif Parce que la mort est une forme de r liance entre la vie et la mort m me si cette r liance est g n ralement et malheureusement symbolique surtout apr
96. m rite d exister aux fins d acc l rer son rythme de travail on ne peut plus lent c est connu tant au TPIR qu au Rwanda les statistiques sont loquentes et aux fins d claircir ses crit res de choix des personnes arr ter et juger Que dire aux pays et aux organismes internationaux o confessionnels qui font du pardon et de la r conciliation du peuple rwandais la condition sine qua non de leur aide et continuent tre des sanctuaires pour plusieurs fugitifs g nocidaires Que peuvent nous apprendre l histoire et l exp rience des Juifs au niveau de la justice et de la INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 m moire Quels sont les enjeux de la m moire Autant d interrogations auxquelles nous allons nous pencher au courant de cette journ e et qui recevrons l clairage des comp tences qui ont accept de nous pr ter aimablement et gracieusement leur concours Les s ances d aujourd hui r sideront en approfondissement des journ es de r flexion des ann es pr c dentes avec un accent sp cial mis sur l valuation des r alisations concr tes et un questionnement sur les strat gies adopter ou sugg rer pour acc der un plus pour la justice et pour la m moire des n tres qui ne sont morts ni de maladie ni de vieillesse ni d inanition ni sur un champ de bataille ni dans une catastrophe naturelle mais simplement pour ce qu ils taient par leur apparte
97. me De plus la m moire installe et on l a vu propos de la France r publicaine ou des Etats Unis et de cette religion la que le souvenir dans la sph re du sacr Elle fige le souvenir elle le sacralise le ritualise C est l un travers extr mement dangereux parce que la sacralisation n est pas une condition de connaissance du pass une condition de connaissance de la v rit historique Le seul rem de me parait alors tre un dialogue permanent entre ces deux instances INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 compl mentaires antagonistes que sont la m moire et l histoire parce que le discours historique a cette vertu de d busquer le pass de ritualiser la m moire de d mystifier la m moire et d actualiser la m moire Mais videmment engager ce dialogue avec l histoire c est aussi courir d autres risques savoir que le criticisme historique est souvent destructeur de la m moire On a parl des mythes que l on veut dont on veut se d gager et l histoire critique c est la fois un des acquis et une des failles de notre pens e contemporaine depuis un si cle et demi Je crois qu il est donc la fois utile et difficile et quelquefois dangereux peut tre de faire appel la m diation du discours historique sans vider les lieux de m moire de leur substance charnelle de leur charge affective et il est extr mement difficile de concevoir la m moire quand on e
98. ment une s mantique n gationniste s installe dans les m dias sans que personne ne s l ve contre ces contre v rit s ou ne s en meuve Il suffit de lire ou d couter certains journalistes ou hommes politiques pour s en convaincre Pour eux il s agit de g nocide rwandais de pardon et r conciliation alors que l on conna t pertinemment bien les victimes et les auteurs de ce g nocide alors que ceux ci n ont point reconnu leur forfait et projettent m me de le r it rer Un livre r cent d une rescap e est intitul N aies pas peur de savoir II serait opportun d y ajouter et de nommer comme il se doit ce que l on sait En l occurrence le g nocide des Tutsi par des extr mistes Hutu ou le Hutu Power Une vigilance tous azimuts nous est donc exig e face ces tentatives de d nis de g nocide et de justice post g nocidaires Excellences Messieurs les Ambassadeurs Honorables Invit s Mesdames Messieurs A tous les n tres an antis dans d atroces souffrances et jet s dans des fosses communes par la barbarie de leurs voisins de leurs compatriotes nous disons dormez en paix si cela est d j possible dans votre sommeil d innocents chers parents chers papas ch res mamans chers fr res et s urs chers cousins et cousines chers oncles et tantes chers neveux et ni ces chers beaux p res et belles m res chers gendres et brus chers beaux fr res et belles s urs dormez en paix si cel
99. mmen aient se propager C est ainsi qu aux mois de novembre d cembre 1994 et janvier f vrier 1995 deux membres d I BUKA se sont rendus au Rwanda dans le but de rechercher les traces du INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 g nocide Je profite de l occasion pour saluer le courage de Jean Philippe Schreiber qui faisait parti de la mission et je rends hommage Christian Bavastro d c d r cemment qui a vraiment accompli un travail formidable Nous avons pu ainsi recueillir des t moignages t moignages photos et des r cits de vie des survivants dans les lieux repris ci apr s En d cembre 1994 nous nous sommes rendus en Uganda Masaka et plus pr cis ment dans la localit de Kasensero situ e au bord du lac Victoria Vous savez tr s bien que beaucoup de Tutsi ont t jet s dans des lacs et des rivi res notamment Nyabarongo Akanyaru et Akagera Tous ces corps qui ont chou dans le lac Victoria ont t enterr s Kasensero six kilom tres du lac Nous y avons pris des photos ce sont des t moignages incontestables Nous avons aussi rencontr des personnes qui ont enterr ces corps En janvier 1995 nous nous sommes rendus l Ecole Technique Officiel ETO Kicukiro o beaucoup de personnes menac es s taient r fugi es au d but du g nocide et qui tait gard par les soldats belges de la MI NUAR II fut abandonn par apr s et Dieu
100. moin de l crivain Mais ce travail de diff renciation n a de sens que s il tend recr er un continuum humain l o il a t d truit Le lieu de ce type de travail interdisciplinaire et intercommunautaire est donc comme on le voit en partie utopique II n en a pas moins d existence empirique pour beaucoup d j La forme associative que nous avons donn e cette utopie concr te est destin e rassembler des efforts isol s dont l isolement r sulte en partie de la violence des v nements concern s qui sans cesse brise les liens et d fie la pens e Je remercie IBUKA de m avoir invit e au titre d Aircrige pour cette journ e de r flexion l occasion de l anniversaire du g nocide II est heureux que des Fran ais et des Rwandais puissent vouloir parler et tenter de r fl chir ensemble malgr la rage et la honte Il est peut tre plus important encore que d autres groupes de recherche absolument ind pendants se constituent au Rwanda Ils auraient beaucoup apprendre alors des groupes comme le n tre Un des plus pr cieux r les d I BUKA est de pouvoir nourrir le travail de la recherche par son propre travail de documentation et de m moire poursuivre librement ici comme l bas Parce que tout travail de documentation r clame un lieu et parce que la libert du chercheur ne peut que rencontrer celle toute diff rente du t moin pourquoi au Rwanda ne pas inscrire leur rencontre possible au lieu m me du
101. morphose Les Voix d Outre tombe J tais Bisesero au dessus d une fosse commune J y attendais un rescap pour qu il me dise en d tails Comment les Tutsi de Bisesero ont r sist aux miliciens Qui taient pourtant nombreux et arm s jusqu aux dents Quand j entendis des voix des voix d outre tombe Qui me confi rent des propos que je rapporte ici Ami si tu veux me croire ne perds pas ton temps Celui que tu attends ne pourra pas venir Mais ce que tu veux savoir je peux te le dire aussi Je ne serai pas tr s long car je n ai pas de force Des milliers de cadavres qui sont au dessus de moi Emp chent ma voix d j faible de porter assez loin Je ferai n anmoins je ferai de tout mon mieux Afin que tu puisses m entendre et t moigner apr s Il n y a pas en effet de meilleure fa on d honorer La m moire de ceux qui sont entass s dans cette fosse Que de raconter au Grand jour qui voudra t entendre Et surtout celui qui ne voudra pas t entendre Le calvaire des Tutsi pendant le g nocide Nous tions des b b s nous tions de petits enfants Nous tions des gar ons nous tions des filles Nous tions des hommes nous tions des femmes Nous tions des vieux nous tions des vieilles Nous tions des analphab tes nous tions des gens instruits Nous cultivions la terre nous levions nos vaches Nous tions tout simplement de paisibles Basesero Et nous vivions en harmonie avec nos fr res Hutu
102. mp tence ces sp cialisations ces cloisonnements sont sans doute in vitables et naturels ils sont m me dans une d mocratie la condition d exercice du litige du conflit politique de la libre discussion Mais le chaos souvent violent qui r gne dans le d bat public sur les g nocides montre une limite dans le fonctionnement de la d mocratie l o cette violence des discours h rite de la violence g nocidaire en int grant le discours de la n gation cette d sastreuse int gration r publicaine de la destruction g nocidaire r v le un point de friabilit particuli re des d mocraties actuelles Cette vuln rabilit apparemment structurelle des d mocraties ne peut qu tre mise en rapport avec la vertigineuse d faillance qui fait qu une d mocratie peut se r v ler impliqu e comme l a t la France au Rwanda dans la perp tration d un g nocide Elle ne montre pas seulement la limite du d bat d opinion en d mocratie Elle renvoie des failles profondes dans le syst me effectif des Droits de l Homme dont Hannah Arendt avait tr s t t montr la fragilit dans son livre sur L Imp rialisme Les br ches par lesquelles s infiltre sourdement le racisme au sein d une vieille R publique sont celles aussi par lesquelles celle ci peut se rendre complice d un g nocide commis dans une ancienne colonie o s vit un discours r publicain trafiqu en discours racial la faveur d une tradition d obscurantisme colonial que le
103. n Arusha II nous couchait par terre et nous marchait sur le dos Chaque fois qu il venait nous subissions le m me calvaire I nous disait que nous avions une radio mettrice chez nous C tait un mensonge videmment IIs ont oblig tout le monde sortir et j en ai profit pour me trouver une cachette Ce soir l en me basant sur mon exp rience en psychologie animale je me rappelais que lorsqu un animal a faim il renverse tout sur son passage mais qu il se repose une fois rassasi I en allait de m me pour eux aussi apr s avoir tu ils prenaient leur repos Je me suis dit qu il fallait me cacher pendant qu ils tuaient et profiter de leur repos pour m enfuir Je l ai fait quatre fois et chaque fois cela me r ussit De ma cachette je voyais les atrocit s qu ils commettaient cinq enfants taient n s dans notre couvent Ils les ont pris par les jambes et les ont jet s violemment contre les pav s Aux femmes et aux jeunes filles tait r serv un traitement particulier elles taient viol es avant d tre d pec es J assistais tout cela partir de la fen tre de ma cachette Sur deux cent personnes nous n tions plus que dix survivants Apr s ces massacres ils ont commenc le pillage et c est ce moment qu ils m ont d couvert dans ma chambre Profitant encore de leur distraction pour cause de pillage je me suis d rob leur vue et me suis cach dans un trou L aussi par malchance ils me d bu
104. n v nement et n existera pas r ellement pour l humanit La part de la litt rature C est ici que la litt rature peut jouer un r le d cisif comme op rateur possible de transmission si du moins elle aussi va jusqu au bout de l exp rience transmettre en mesurant toutes les donn es y compris culturelles de la destruction accomplie et tous les d fis de l imagination symbolique qu elle appelle cette seule condition la litt rature peut devenir le mode d expression et de transmission d une exp rience sinon promise la d signification comme le fit le premier grand r cit de Soljenytsine en 1962 une poque o de nombreux t moignages des camps sovi tiques avaient t rendus publics mais o leur r alit continuait d tre massivement ni e La cr ation personnelle d une forme de litt rature ad quate la recherche d une forme de vie propre une vie lucide d apr s la catastrophe peut tre pour le t moin une mani re de s inscrire le plus profond ment rebours de l id ologie sans que jamais son effort ne soit d nu de signification politique Port e au langage l intimit peut devenir une forme de r sistance l v nement son d ni et sa d signification par la restitution d un langage possible apr s la destruction du langage Un crime contre l humanit est toujours un crime contre l intimit Et un g nocide est aussi un crime contre le langage comme vecteur d humanit La violence
105. n territoriale celle ci s tend au Rwanda et aux Etats voisins pour des crimes commis par des citoyens rwandais En ce qui concerne la juridiction temporaire de ce tribunal elle s tend du 01 janvier au 31 d cembre 1994 Le tribunal est donc apte juger des personnes physiques mais pas les Etats ni les personnes morales INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 La responsabilit p nale individuelle est d finie aux dispositions de l article 6 du statut du Tribunal et comprend la responsabilit des sup rieurs pour les actes commis par les subordonn s aussi bien pour les actes planifi s ou commis ou encore encourag s par des individus c est dire qu il y a une responsabilit p nale individuelle qui ressort des actes des gestes particuliers des accus s mais aussi une responsabilit de la part des sup rieurs quant aux actes commis par leurs subordonn s C est un concept tr s important surtout lorsqu il s agit de juger les chefs militaires politiques et les chefs de milices qui ont agi au Rwanda Les Etats y compris le Rwanda sont oblig s d appuyer le Tribunal dans son travail Il y a trois sortes de crimes qui sont du ressort du Tribunal II y a d abord le g nocide ensuite les crimes contre l humanit tels que l extermination le meurtre le viol la torture commis dans le cadre d une attaque syst matique ou g n ralis e contre une population civile en rai
106. nance un groupe La matin e sera consacr e la probl matique de la Justice et l apr s midi celle de la M moire Les mod rateurs respectifs de ces deux s ances sont des hommes ou femmes r d s je veux parler de Monsieur Karongozi qui dirigera les d bats dans la premi re s ance et de Monsieur Schreiber dans la deuxi me s ance Nous comptons beaucoup sur votre participation active et pertinente au cours des d bats tout en souhaitant que les changes de vue soient empreints de s r nit et d objectivit de bon sens et de volont de construire du neuf Au nom d IBUKA je tiens t moigner notre gratitude l Ambassade du Rwanda et au Secr tariat g n ral des ACP sans lesquels nous ne serions pas dans cette belle salle qui nous accueille chaque ann e depuis 6 ans pour nos ateliers Je saisis galement cette occasion pour remercier tous ceux qui malgr leurs nombreuses occupations ont r pondu une fois de plus notre appel tout particuli rement ceux d entre vous qui ont effectu de longs voyages pour nous rejoindre et nous apporter leurs exp riences de terrain et leurs connaissances sur des sujets qui nous tiennent c ur En vous souhaitant une tr s bonne et enrichissante journ e il ne me reste plus qu d clarer les ateliers de la 6 me comm moration d IBUKA ouverts Je passe la parole au mod rateur de la s ance de la matin e Le g nocide au Rwanda tait il in luctable Par Pr Jean Damasc
107. national pour le Rwanda et pr sentation de quelques jugements rendus par le tribunal Par James Stewart Chef de poursuites au Tribunal P nal Internationale pour l ex Yougslavie et ancien Avocat g n ral au Tribunal P nal International pour le Rwanda Je vous remercie de m avoir invit participer cette 6 me comm moration du g nocide survenu au Rwanda en 1994 Nous allons parler des jugements rendus d une part par des juridictions nationales c est dire rwandaises et trang res et d autre part par les juridictions internationales Dans ce cadre je vais vous offrir une perspective qui est assez personnelle voire subjective l gard du Tribunal P nal International pour le Rwanda TPIR o j ai travaill comme avocat g n ral et comme procureur de 1997 1998 Ce tribunal a t tabli par le Conseil de S curit en vertu du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies vue la menace qui pesait sur la paix et la s curit internationale suite aux v nements survenus au Rwanda en 1994 II a t cr pour juger ceux qui sont responsables du g nocide des Tutsi et d autres violations du droit international humanitaire commises au Rwanda en 1994 En faisant cela le Tribunal est cens contribuer la r conciliation nationale au Rwanda ainsi qu l tablissement et au maintien de la paix Lorsqu on parle d un tribunal il faut videmment parler de sa comp tence de sa juridiction En ce qui concerne la juridictio
108. naut Hutu Dans l affaire MISAGO j ai demand si l Eglise catholique pouvait reconna tre la responsabilit d avoir ne f t ce que command les machettes Nous avons en effet d couvert un bon de commande sign r guli rement par le p re Descombes qui tait le directeur national de CARITAS et il a avou C tait une occasion pour l Eglise de reconna tre sa responsabilit morale dans le g nocide Pourtant l archev que de Kigali dans une r cente intervention n a pas vraiment reconnu les responsabilit s de son institution Dans ces actions civiles les parties g n ralement cit es sont le pr venu et l Etat rwandais Nous avons tent d impliquer aussi les organisations religieuses mais ce n est pas encore acquis L Etat rwandais est assign chaque proc s mais ne vient jamais compara tre II est condamn mais il ne va jamais en appel Nous estimons qu il y a dans ce cas un probl me de reconnaissance de sa responsabilit Quand nous disons que la communaut internationale ne reconna t pas sa responsabilit j ai l impression que les INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Rwandais eux m mes ne reconnaissent pas non plus leur responsabilit civile et morale du g nocide part certains pr venus On peut aussi se demander si la communaut internationale peut tre d clar e responsable et d s lors appel e l indemnisation des victimes II faut y
109. ne Ndayambaje Psychologue Professeur l Universit Nationale du Rwanda coordinateur du Centre Universitaire de Sant Mentale 1 Introduction Avant le g nocide sa pr paration est dissimul e pendant le g nocide sa r alit est d mentie apr s le g nocide sa nature m me est ni e Un mot ne peut avoir un sens que s il est plac dans un contexte bien pr cis Cette affirmation confirme l assertion selon laquelle tout mot est polys mique 11 faut le placer dans un contexte pour mieux l appr hender le comprendre N anmoins il existe des d finitions pr tablies des mots propres qui nous permettent de saisir le vrai sens du mot C est dans cette circonstance que j ai forg ce n ologisme Tutsicide n en d plaisent aux acad miciens fran ais Les historiens du g nocide juif l occasion parlent du jud ocide IIs n introduisent pas l v nement du grand nombre de Juifs disparus Nous savons que dans l Europe du racisme de nazi allemand bien d autres peuples ont t d cim s et par milliers parfois INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 en plus grand nombre que les Juifs La statistique macabre indispensable pour l valuer ne fait pas l v nement Elle donne apr s coup la mesure non pas l intention des auteurs du g nocide mais au degr d accomplissement de leur d cision compte tenu des circonstances dont la ma trise leur chappe C est q
110. ns ougandais et burundais pour la plupart des commer ants qu on avait arr t s lors de l attaque du FPR J ai dormi avec les survivants au milieu des cadavres Le lendemain nous nous sommes vus conduits avec les prisonniers de droit commun la prison de Nyanza Ils devaient nous fusiller en m me temps qu une dame tutsi qui venait d accoucher en prison Ils appr t rent quatre v hicules afin de nous conduire vers le Mayaga La dame et moi tions dans un des v hicules du milieu du convoi Sur tout le trajet ils nous r p taient que nous tions des ennemis de Habyalimana et qu ils allaient nous fusiller Arriv s 500 m du poteau auquel ils devaient nous attacher pour nous fusiller ils commenc rent nous expliquer la proc dure nous disant qu ils allaient nous bander les yeux avant de tirer Quand j arrivai au poteau une jeep vint et l occupant demanda de ramener les prisonniers Qui donna cet ordre Nous ne le savions pas Lorsque nous sommes arriv s la prison de Nyanza ils nous ont mis dans un bus la femme son b b et moi Tous les 50 m ils s arr taient et nous disaient qu ils allaient nous tuer l IIs nous amen rent la rivi re Nyabarongo et nous affirm rent que nous tions les premiers tutsi tre ex cut s Mais de nouveau ils nous rembarqu rent dans le bus et nous men rent la prison centrale de Kigali J y retrouvai d autres prisonniers dont 4 pr tres et 2 religieux galement sans dossiers et
111. ns ce qui nous occupe on a beau vouloir ramener les choses de mani re bien rationnelle des facteurs politiques conjoncturels un dictateur ici un parti d opposition l Ce n est pas ainsi que les choses fonctionnent Qu on le veuille ou non on est ramen toujours une vielle histoire un conflit qui n a INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 jamais pu tre surmont parl trait r solu psychanalys pardonn aussi comme il aurait d l tre comme il faudrait bien qu un jour il le soit Car si nous les Rwandais ne prenons pas garde cela peut continuer encore longtemps de vengeance en vengeance d exclusion en exclusion de r bellion en r bellion Il y a dans notre drame rwandais des facteurs psychologiques vidents qui se situent diff rents niveaux II y a d abord tout ce qui rel ve de la personnalit identitaire ou ethnique de ce que certains anthropologues appellent personnalit de base d autres de caract re national Mais le Rwanda n a jamais fait l objet d un travail approfondi en ce sens alors qu il s y pr tait merveilleusement du fait m me de ses particularit s culturelles ind niables Que n aurait on d couvert l aide d une recherche ethnographique prenant en compte le r ve l imaginaire voire la folie puisque de toute vidence l essentiel se joue au plan de mythes collectifs de cat gorisation et de fantasmes largement inconscie
112. nsistent consid rer que du moment o les victimes seraient indemnis es ce qui reste par ailleurs une promesse non honor e ne devraient plus rien r clamer Quelle politique Quels lieux de m moire Par Pr Jean Philippe Schreiber Historien et professeur l Universit Libre de Bruxelles Je ne retiendrais qu un seul l ment dans l expos la r flexion tr s riche de Jos Kagabo il faut sans doute oser les mots pour dire les crimes jusque aujourd hui et m me parfois au Rwanda ce n est pas toujours vident Et cela renvoie la m moire d un autre crime de ce si cle savoir le g nocide des Juifs Durant de longues d cennies des ambigu t s de la m moire anti fasciste l ont infiltr e Ce n est qu en 1990 apr s la chute du mur de Berlin en v rit que la m moire juive a r ellement pu se INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 lib rer de cette ambigu t Et c est vrai que d s le moment o elle s en est lib r e elle a t sans tre p joratif brutalement envahissante dans l espace public et c est l le contre poids de mots pour le dire tellement envahissante dans les ann es 1990 jusqu nos jours qu elle a occult d autres m moires qui taient peu structur es Quand on parle du nazisme on songe videmment ce qui est advenu dans l univers concentrationnaire aux prostitu s aux homosexuels et d autres cat gories de victim
113. nt chacune de ces deux cons quences Premi re cons quence la lib ration j ai d j le sentiment qu il y a l une certaine libert que le Tribunal que la chambre d appel prend par rapport au texte m me du r glement qui pr voit la lib ration d un accus La lib ration d un accus est possible lorsque l acte d accusation provisoire n est pas d livr dans les 20 jours de l arrestation ou lorsque l acte d accusation d finitif n est pas produit dans les 90 jours de l arrestation Mais tout ceci est valable lorsque l accus se trouve au si ge du Tribunal lorsqu il est au centre de d tention du Tribunal Dans ce cas ci l accus se trouve au Cameroun Et donc le fait d appliquer les dispositions du r glement applicables lorsque l accus devrait tre au Tribunal et qu il n est pas au Tribunal me semble tre une souplesse dont la chambre d appel fait preuve par rapport l interpr tation de ce r glement qui me para t d j extr mement discutable En ce qui concerne le fait que l accus n ait pas comparu imm diatement devant un juge en ce qui concerne le fait que sa requ te de mise en libert n a jamais t trait e en ce qui concerne le fait qu il n y a pas eu d information rapide sur les charges qui pesaient contre lui je ne vois pas dans le r glement ni dans le statut du Tribunal que la sanction pour ces manquements qui sont des manquements incontestables consiste en une lib ration Donc d j pour le simple fa
114. ntrer entament la guerre Profond ment hostiles tout partage du pouvoir des postes et des capitaux incapables de revaloriser les comp tences inaptes r gler la guerre civile les conflits et les crises le clan au pouvoir et ses alli s s ing nient r cup rer et r percuter des th ories ethniques aux fins de diviser les partis d opposition et de semer la haine dans le pays tout entier Habile utiliser la propagande dont ils poss dent les instruments et abusant la population majoritairement compos e de paysans peu instruits et fragilis s par leurs difficiles conditions de survie le clan au pouvoir r ussira la propagande et l ex cution d un plan du G nocide des Tutsi Le double clich du temps colonial et de la Premi re R publique entre les Hutu et les Tutsi fut recrut pour les m dia Voici ce que nous dit cette litt rature divisionniste Tusti Hutu Hamite Bantou Noble Roturier Envahisseur Indig ne F odal Serf Eleveur Cultivateur Aristocrate Paysan Seigneur Esclave Oppresseur Opprim Grand beau intelligent rus Petit n gre simpliste singe peine d grossi Possesseur fait pour commander Travailleur docile corv able merci Menteur n Le coeur sur la main Faux Noir rival du blanc Authentique autochtone Anti Blancs Ami des Blancs Communiste Bon chr tien Tous les termes de ce tableau peuvent trouver des r f rences exactes dans la litt rature coloniale et rwandaise de ces 50
115. nts Mais cette personnalit de base se d compose de mani re non moins vidente en personnalit de caste ou de classe au sens des divisions sociales traditionnelles ce n est pas parce que dans ce domaine on a v cu sur des st r otypes qu il faut renoncer une telle investigation Les clich s existent ils ne sont jamais enti rement faux et l image que les uns se font des autres celle qui conditionne leurs rapports est le plus souvent de cet ordre l il importe donc au plus haut point de la combattre ne fut ce que pour le sens d une v ritable socioth rapie Toutefois les choses se compliquent encore car en l occurrence il est n cessaire aussi de parler de personnalit identitaire psychologie du paysan du technocrate du pr tre tutsi ou hutu du militaire du milicien interahamwe du jeune d linquant d une religieuse etc La construction de l id al type au sens w b rien aurait ici toute sa raison d tre et en chaque cas l chelle des valeurs communes tous s infl chirait de mani re significative Enfin comme l identification de ces diverses structures se fait depuis des si cles et aujourd hui plus que jamais au sein d une situation conflictuelle c est une psychologie du conflit haute port e anthropologique que le cas rwandais pourrait servir Cependant l tat actuel de nos sciences de l homme nous porte penser que les comportements particuliers un groupe humain donn sont appris Ils sont a
116. ocureur j insiste beaucoup sur son ind pendance puisque c est important le procureur selon le statut et la proc dure de preuve est le responsable de l instruction des dossiers C est donc le procureur qui instruit les dossiers il n y a pas de juge d instruction C est au procureur de mener les enqu tes n cessaires pour r unir des l ments de preuve et pour tre en mesure d accuser sur une base solide les pr sum s responsables des crimes qui rel vent de la comp tence du Tribunal C est au procureur de pr senter ou de dresser des actes d accusation qui seront peut tre confirm s par un juge du Tribunal Le procureur est aussi responsable de l exercice des poursuites contre les accus s C est dans ce dernier domaine o j ai surtout travaill en tant que plaideur devant les chambres de premi re instance Arusha Le procureur agit en toute ind pendance et ne re oit aucune instruction de quelque gouvernement ni de quelque organisme que ce soit Le r glement de proc dure et de preuve du TPIR est en fait une synth se des grands syst mes juridiques savoir les syst mes continentaux d une part et le syst me dit anglo saxon d autre part Nous avons h rit pour ainsi dire des syst mes continentaux une grande flexibilit quant la r ception de la preuve la r ception des l ments de preuve Aussi nous pourrons remarquer une participation active des juges l audience qui rel ve un peu du caract re inquisitoire d
117. oir e de la m moire et revivre les terrible moments qu elle a pass s en 1994 Qu elle trouve ici l expression de notre profonde reconnaissance et notre soutien moral afin qu elle puisse refaire sa vie et la vivre intens ment pour tous les siens Deuxi me interm de po tique Essuie tes larmes Po me d di aux rescap s du g nocide Apr s le drame qu a connu Ma patrie bien aim e J ai lu sur tous les murs Et sur les porti res des voitures Une phrase qui m a plu Et qui m a fait r fl chir Pr te la moi toi qui l as crite Pr te la moi pour que j en fasse Le titre d un po me Essuie tes larmes Essuie tes larmes et tiens toi debout Toi qui as perdu tous les tiens Et qui es maintenant comme une barque Qui vogue seule sur la mer Et qui va au gr du vent Essuie tes larmes et tiens toi debout Toi qui as maintenant un coeur lourd Et qui tremble de froid quand brille le soleil II nous manquera beaucoup c est s r Le sourire qui clairait ton visage Essuie tes larmes et tiens toi debout Toi qui on demande de sourire Quand on sait pourtant tr s bien Que tu as perdu toutes tes dents Essuie tes larmes et tiens toi debout Toi qui on demande de danser Quand on sait pourtant tr s bien Que tes bourreaux t ont coup les pieds Essuie tes larmes et tiens toi debout Toi qui on demande sans honte aucune D admirer les beaut du lac Quand on sait tr s bien Que les vautours t ont arrach les
118. oir au Rwanda et l tranger Les expos s y relatifs ont t donn s par Monsieur Jean Damasc ne NDAYAMBAJE psychologue et professeur l Universit Nationale du Rwanda et coordinateur du Centre Universitaire de Sant Mentale CUNISAM par Madame Catherine COQUIO ma tre de conf rences en litt rature compar e et pr sidente de AIRCRIGE Monsieur J os KAGABO historien et professeur l Institut des Hautes Etudes en Sciences Sociales Paris Monsieur Jean Philippe SCHREIBER historien et professeur l Universit Libre de Bruxelles ainsi que Monsieur Eug ne TWAGIRAMUTABAZI membre fondateur d IBUKA Dans le domaine de la justice il s agissait de faire un bilan certes partiel des actions jugements relatif au g nocide rendus par les juridictions rwandaises ainsi que par le Tribunal P nal International pour le Rwanda TPIR Pour ce faire nous avons fait appel Monsieur James STEWART chef de poursuite et procureur au Tribunal P nal International pour l ex Yougoslavie et ancien avocat g n ral au TPIR Monsieur Eric DAVID professeur de Droit international l Universit Libre de Bruxelles ainsi qu Ma tre Fran ois RWANGAMPUHWE avocat au barreau de Kigali et pr sident du Centre d Arbitrage et d Expertise au Rwanda Ma tre Mich le HIRSCH avocat conseil de certaines parties civiles dans l affaire de quatre pr sum s g nocidaires poursuivis en Belgique a galement pr sent l tat d avancement de ces poursui
119. olument Il a enfin exig des pi ces crites Nous avons trouv un journal dans lequel figurait sa photo en train d exciter la population de Nyakabanda dans la pr fecture de Gitarama pour l inciter exterminer les Tutsi Finalement son avocat lui a sugg r de demander pardon au peuple rwandais mais il a refus et a plut t r pliqu que si sa mort pouvait servir ramener la paix au Rwanda il tait pr t mourir et a demand aux juges de faire leur travail II a finalement t condamn mort et en appel la peine a t confirm e et ex cut e L autre dossier m ritant d tre voqu est celui du lieutenant Jean Pierre Bizimana Jean Pierre Bizimana tait l Ecole des Sous Officiers E S O Butare II faisait partie du groupe du capitaine Nizeyimana avec le capitaine Sebuhura le professeur Vincent Ntezimana le major Simba Aloys qui r siderait actuellement en Mauritanie l adjudant Rekeraho mais aussi un fran ais Alain Boussac qui serait actuellement Marseille France Ce groupe travaille pour Bagosora et a des tentacules sur tout le pays Le proc s de Bizimana se caract rise donc par un autre v nement malheureux savoir la mort de la reine Rosalie Gicanda pouse du roi Mutara III Rudahigwa En effet les planificateurs du g nocide voulaient absolument prouver qu il fallait tuer tout le monde sans exception aussi bien les intellectuels comme le Pr Karenzi Pierre Claver tu devant l h tel
120. on je l ai dit mais aussi en contribuant la ciser la soci t en forgeant une identit et des symboles qui se surimposent ce que la colonisation politique et religieuse avait d termin pendant un si cle Et je crois qu une sorte de religion la que ou r publicaine comme dirait Pierre Norah c est dire un nouveau sentiment national fond entre autre sur la m moire de ce qui est advenu est peut tre pr f rable la dictature culturelle d une religion dogmatique qui a fa onn le Rwanda durant un si cle Je voudrais pour alimenter le d bat vous livrer quelques r flexions en guise de conclusion pour tout de m me nuancer et att nuer les faits de ce que je vous ai dit parce que bien s r d s le moment o la m moire est livr e aux politiques elle est extr mement fragile Je crois que le Rwanda doit se r approprier une m moire occult e la tradition et relativiser le cadre social qui est pr cis ment responsable en partie de l occultation de cette tradition savoir l glise mais sans que les lieux de m moire qui se constituent lui chappent Le politique est confront la diversit des probl mes g rer parce que c est la premi re fois qu un crime de cette nature se commet au sein m me d un Etat entre membres part enti re de cet Etat partageant une m me culture et une m me histoire et que d s lors cette question est extr mement complexe L appropriation des lieux de m moire par certains est vi
121. otique Rwandaise mais ces l ments ne constituent pas une d fense pour l accus En conclusion je dirais que malgr les frustrations que vous pouvez parfois ressentir surtout quant la lenteur des proc dures Arusha et videmment l gard de certaines d cisions je pense que a vaut la peine La trag die rwandaise est l chelle de toute l humanit elle m rite que ceux qui en sont responsables comme chefs politiques et militaires r pondent de leurs actes devant une justice internationale et que le monde n oublie jamais Les moments forts du proc s Barayagwiza au Tribunal P nal International pour le Rwanda TPIR Comment s par Pr Eric David Professeur de Droit international l Universit Libre de Bruxelles J ai propos aux organisateurs de vous parler non pas de l ensemble du Tribunal mais plut t de vous apporter un point de vue sur une d cision qui a fait norm ment de bruits qui a t rendue le 3 novembre 1999 qui est la fameuse d cision de l affaire Barayagwiza C est une d cision qui a choqu beaucoup de monde qui m a choqu personnellement et je voudrais vous expliquer en quelques mots pourquoi cette d cision est choquante et les derniers d veloppements dans ce dossier Voici un bref rappel des faits Barayagwiza est arr t au Cameroun le 15 avril 1996 en m me temps que d autres personnes qui sont galement accus es par le TPIR Bagosora faisait partie du petit groupe de gens qui on
122. our que vous compreniez Nous avons plus ou moins 1000 juges au Rwanda nous avons plus ou moins 1000 officiers du Minist re Public plus ou moins 2000 OP ou IPJ on a plus ou moins 60 avocats et des d fenseurs judiciaires qui sont des capacitaires exer ant galement la d fense que l on pourrait valuer 200 Par contre nous avons 135000 pr venus en d tention Jusqu pr sent les pr venus en instance sont environ 1000 et les parties civiles qui sont repr sent es pour le moment sont peu pr s dans les 5000 Je vais vous parler de deux grands proc s du g nocide dont le proc s Froduald Karamira Karamira est l un des vice pr sidents du MDR Power Le Hutu Power est une sorte de conglom rat d institutions politiques de partis politiques qui sont la base du g nocide et toutes les violations massives des droits de l homme Karamira est arriv Kigali la suite d une proc dure d extradition qui est bien entendu irr guli re On l avait tout simplement enlev entre New Delhi et Addis Abeba et s est retrouv tout d un coup Kigali Arriv Kigali le premier probl me qu il a invoqu tait celui de la comp tence des tribunaux rwandais Pour lui le tribunal comp tent tait celui d Arusha La r ponse qui a t donn e c est que le pr venu d apr s les r gles de proc dure p nale peut tre poursuivi l o il se trouve On a invoqu le fait que la loi organique rendait les tribunaux comp tents pour pours
123. qu il n avait pas de pouvoir sur les militaires que tout a t fait par des militaires alors qu il tait all indiquer l habitation de la reine Gicanda En plus il tait accus d avoir achev des malades l H pital Universitaire de Butare Il a t aussi impliqu dans la mort de sa belle m re qu il a renvoy e de chez lui la veille de l arriv e du FPR et qui a t ex cut e sur ordre du colonel Muvunyi Ils avaient en effet d cid d liminer toutes les personnes qui pouvaient les d noncer Concernant l efficacit ou l inefficacit de la loi organique sur le g nocide le principal reproche est la lenteur des proc dures En effet l heure actuelle nous avons seulement des proc dures qui concernent 1000 d tenus et seules 230 d cisions ont jusqu jour t rendues de fa on d finitive Le jugement rapide des 135000 prisonniers s av re d s lors difficile A cet gard le Pr sident Pasteur Bizimungu trouvait une formule clairante mais qui semble garantir l impunit que les planificateurs du g nocide avait INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 pr vue II disait en effet qu il fallait juger le g nocide et non pas les g nocidaires parce que disait il il faudrait 200 ans pour les juger tous L Etat rwandais se trouve en cons quence press de pouvoir se d barrasser de ce probl me II veut alors faire juger le g nocide par la communaut de
124. ques scientistes politiques m diatiques et l essai d articuler ces l ments trop clat s dans l tat actuel de la recherche et des institutions Son but n est pas le consensus mais l clairage des points aveugles de chacun INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Publications collectives Parler des camps penser les g nocides Textes r unis par Catherine Coquio Paris Albin Michel 1999 A para tre L Int gration r publicaine des crimes contre l humanit France 1990 2001 Activit s ant rieures 1995 1997 s minaire Litt rature et savoirs l preuve des camps 1998 1999 s minaire Extermination et politique Colloques sur L ethnie entre sciences humaines et crimes contre l humanit Politique fran aise et crimes contre l humanit 1990 2000 France et Afrique r pression des ind pendances m moire du pass et violences actuelles Cameroun Madagascar Alg rie 2000 2001 s minaire sur Les formes du d ni Activit s programm es colloques Esclavage r pression et extermination au Soudan et en Mauritanie printemps 2002 L Histoire trou e n gation et t moignage en septembre 2002 Aircrige a consacr plusieurs d bats et rencontres au g nocide des Tutsi du Rwanda une journ e Rwanda m moires d un g nocide africain T moignages et litt rature en novembre 2000 en collaboration avec Le parc de La Ville
125. r fl chir Proc dures de jugements des pr sum s coupables du g nocide des Tutsi en Belgique Par Me Mich le Hirsch Avocate au barreau de Bruxelles et avocat conseil de certaines parties civiles dans ces affaires Je ne pourrais pas vous d crire l ensemble des proc dures qui se d roulent actuellement En fait je n ai personnellement connaissance que de trois proc dures Mais elles sont essentielles car elles sont un tournant historique de l histoire judiciaire en Belgique Il y a quelques jours la chambre du conseil du tribunal de premi re instance de Bruxelles a communiqu les dossiers qui seront renvoy s en assises I s agit des dossiers mettant en cause Monsieur Higaniro Alphonse et les s urs Mukangango Consolata s ur Gertrude et Mukabutera Julienne s ur Kizito La chambre du conseil a donc ordonn la transmission des pi ces au parquet g n ral La chambre des mises en accusation devrait se saisir de ces trois proc dures qui touchent essentiellement Butare mais galement d une proc dure qui est pendante depuis pr s de trois ans devant la Chambre des mises en accusation celle en cause de Vincent Ntezimana Ce qui se passe en Belgique pour le moment a t initi en fait par le travail des parties civiles Quand je dis parties civiles ce ne sont pas n cessairement les parties civiles qui sont parties civiles constitu es c est dire parties au niveau des proc dures mais c est l ensemble des victimes qui ont
126. r un autre groupe et que tous les deux doivent par la suite cohabiter et construire un avenir ensemble sur les blessures A Inger dit que le traumatisme caus par le perte d un membre de famille persiste avec un stress continu et exag r Il est continu car il est la cons quence de la r gression et celle ci est li e une r alit qu on vit tous les jours des v nements traumatisants La situation du Rwanda est alors fort complexe car de part et d autre rescap s et bourreaux vivent des motions oppos es qui sont g n rateurs de stress Chacun est la cause de stress pour l autre et r ciproquement Pour l auteur cit ci dessus le fait de vivre dans l ins curit offre au stress un caract re continu et extr me CONCLUSION A la fin de mon expos la question que je me pose moi m me et vous tous qui m avaient cout Le g nocide tait il in luctable au Rwanda Comme chacun le sait le Rwanda a subi d avril juillet 1994 un g nocide dont la v ritable nature fut trop tardivement identifi e et reconnue par la communaut internationale Ceux qui ont en m moire le long silence sur le g nocide des arm niens y trouveront mati re r flexion Nous qui avons vu p rir les n tres famille par famille durant des semaines sans que les grands m dias occidentaux sortent du clich des affrontements interethniques Hutu Tutsi resteront toujours meurtris Les Nations Unies MINUAR qui ont assist indiff
127. re comme tel Par sa propre n gation le g nocide engendre une forme de violence sp cifique proprement moderne et constitue dans l histoire un nouveau type de criminalit politique saisir dans toute sa port e Politique et id ologie Cette saisie s accomplit toujours sur un mode critique lui m me violent le d veloppement du savoir suppose un d cryptage de la r alit et des discours d s lors que la r alit g nocidaire est par essence d guis e occult e effac e Le travail de l historien est ainsi par force toujours politique au sens o la n gation g nocidaire oblige un travail critique Mais cette port e politique de l acte m me de la recherche s effectue rebours de toute manipulation id ologique Plus que jamais ici le chercheur est tenu de se tenir distance de tout pouvoir politique de toute instance gouvernementale forc ment emport e dans des int r ts et des intentions d un autre ordre que les siens C est aussi distance de tout gouvernement que se trouve le t moin rescap dont le discours se situe lui aussi en tant que t moignage rebours de l id ologie puisqu il est INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 constamment en contact avec la r alit abyssale de l v nement L encore cette distance contre id ologique prend une valeur politique Comme l effort de connaissance du chercheur l effort d nonciation du t moin
128. re cri la face du monde pour que leur souvenir reste vivace dans la m moire des hommes pour l ternit et que justice leur soit rendue A c t des monuments tangibles riger en leurs m moires ils nous faut difier dans nos esprits et nos c urs non seulement des lignes de d fense de leur souvenirs mais aussi des lignes de d fense contre la barbarie et toutes les id ologies g nocidaires Chers parents chers enfants chers fr res et s urs chers ami e s nous ne pouvons vous oublier Le monde entier vous a vu languir agoniser et mourir sur les routes ou le long des pistes bord es d eucalyptus dans des enclos de maisons aux haies d euphorbes et sous un soleil insolent d Afrique il a entendu vos r les et vos cris il a vu couler votre sang sur des lames de machettes Et il s est tu Jusqu quand va t il se taire Jusqu quand va t il nier le g nocide ou le minimiser ou le banaliser apr s l avoir vu en direct et pour certains Etats apr s avoir inspir ou soutenu sa perp tration Jusqu quand les forces g nocidaires du Hutu Power vont ils continuer op rer ou tre aid es op rer leurs actes g nocidaires et criminels au Rwanda et en Afrique centrale Chaque ann e qui passe nous am ne cependant de bonnes surprises Apr s une apathie proche du n gationnisme rampant nous assistons depuis une ann e une sorte de l ger fr missement de la conscience de quelques Etats face au g nocide des Tutsis et
129. re de chaque ann e l occasion de ce qui s appelle l bas le VOLKS la Journ e Nationale de Deuil en d autres termes une c r monie solennelle au Bundestag voque toutes les victimes avec une place particuli re pour les victimes du crime commis au nom de l Allemagne De sorte que comm morer dans le cas allemand c est aller bien au del de la c l bration des vainqueurs contre les vaincus C est assumer par les dirigeants de haute taille c est ce qui se pratique en Allemagne et au nom du peuple tout entier l h ritage du crime C est le cas en Allemagne a devrait tre le cas au Rwanda aussi Enfin je dirais ce sujet que la comm moration ne peut se limiter aux seuls symboles d autant que ces symboles sont souvent galvaud s souvent trop r ducteurs La m moire du crime ce ne sont pas des chiffres approximatifs On a parl pendant des d cennies de six millions de victimes juives de sorte que cette expression a paru de plus en plus comme totalement loign de la r alit de ce qu il est advenu La m moire ce sont bien s r des noms avant d tre des chiffres Et il faut n cessairement un deuil de chaque nom de chaque mort IlI y a un proverbe antique qui dit pour ceux qui connaissent la Bible que seuls existent ceux dont on prononce les noms Et c est d ailleurs un des moteurs de Yad Vashem qui lui ce monument J rusalem qui voque le souvenir de la Shoah signifie en se rapportant une autre injonction bib
130. re un pr alable c est que la chambre des mises en accusation suive les r quisitions qui sont maintenant celles du Procureur g n ral et qui sont galement conformes videmment l avis des parties civiles Le Pr sident de la chambre des mises en accusation dans la mesure o il tait saisi de r quisition de renvoi devant la cour d assises a fait plus puisqu il a ordonn la prise de corps ce qui veut dire la possibilit de proc der l arrestation des accus s avant leur comparution devant la cour d assises Les deux s urs n ont jamais t arr t es Vincent Ntezimana a fait un peu plus d un an de d tention pr ventive et Alphonse Higaniro en peu plus puisqu il a fait un passage par le Tribunal P nal International avant d tre d f r au juge d instruction INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Damien Vandermersch On peut alors s attendre la comparution devant la chambre des mises en accusation dans un d lai qui n est pas pr vu par la loi mais qu on peut valuer un mois un mois et demi II faut s attendre un pourvoi devant la cour de cassation puisque des conclusions tr s d taill es circonstanci es ont t d pos es par la d fense de Higaniro II faut aussi savoir que la cour de cassation avait elle m me re communiqu le dossier de Higaniro au juge d instruction On peut donc imaginer que la cour ne se d jugera pas et qu on pourrait
131. roduisent souvent dans le d bat public une confusion entre les registres scientifique humanitaire et id ologique Cette situation se produit apr s chaque g nocide mais elle s aggrave dans le cas des g nocides dont la reconnaissance n est pas aboutie ou lorsque cette reconnaissance ne fait pas sens pour la majeure partie du monde ici non seulement en Occident mais en Afrique Car dans le cas du Rwanda la reconnaissance rapide du g nocide par l ONU quoique scandaleusement tardive au regard de la Convention de 1948 qui obligeait pr venir et non seulement punir n a rien supprim de cette confusion qui continue de s alimenter de complaisances id ologiques ou d une simple indiff renciation des discours comme si le sujet importait peu en soi Ce confusionnisme dont les effets n gateurs font gravement obstacle la transmission de l v nement en brouillant les esprits au point d anesth sier les sensibilit s et d annuler la pens e oblige enfin la r flexion se placer sur le terrain de la nature m me de la d mocratie et de sa tol rance la violence raciale Ce qui suppose d laborer plusieurs liens l o la dislocation et la d raison r gnent entre les peuples entre les forces politiques entre les individus entre les savoirs institutionnellement cloisonn s a priori mais aussi entre les comportements et pratiques humaines qui sont souvent scind es au sein d un m me individu Ces scissions ces partages de co
132. rop enne des droits de l homme Ce qui n est pas v ritablement pr vu dans les textes de base du Tribunal mais je crois que du fait que n ait jamais t trait comme tel il y a l aussi un v ritable manquement que l on peut mettre la charge des autorit s responsables du Tribunal Enfin le dernier manquement qui est constat par le Tribunal c est que l information relative aux charges pesant contre Barayagwiza ne lui ont t communiqu es que le 10 mars 1997 Dans le d compte fait par la chambre d appel il aurait fallu normalement que cette information lui soit communiqu e beaucoup plus t t parce que lorsqu on regarde le INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 statut du Tribunal l article 20 4a exige qu une telle information soit d livr e dans le plus court d lai Or selon les diff rentes p riodes de temps au cours desquelles Barayagwiza s est trouv arr t pour le compte du Tribunal il s est pass plus de 35 jours avant que Barayagwiza ne soit inform des charges qui taient mises contre lui La chambre d appel rel ve l aussi un nouveau manquement Il y a donc cinq manquements qui sont relev s par la chambre d appel Quelles sont les cons quences que la chambre d appel en d duit La chambre d appel en d duit deux cons quences Premi rement il faut lib rer Barayagwiza et deuxi mement il faut annuler les poursuites Examinons maintena
133. s tions avant le g nocide plus de cinquante mille Tutsi Je crois que maintenant il ne reste pas plus de deux mille Nous ne pleurons pas notre mort c est le destin de tout mortel Nous d plorons n anmoins l animalit de nos bourreaux Qui Bisesero avant le 6 Avril 1994 Partageaient avec nous le meilleur et le pire Quant moi mon ami je ne sais pas si j en veux Aux miliciens Hutu qui m ont ravi la vie Ou Celui l qui s est arrog le droit De soumettre mon destin au gr de ses caprices Je suis tomb ami quand j tais en exil A plusieurs reprises dans les bras de la mort Mais la mort m a dit va t en je ne te veux pas Et voil que rentr au pays de mes p res De la main de mes fr res j ai perdu la vie Tu veux des preuves ami coute mon histoire J tais g de quatre ans quand Gr goire Kayibanda Fut mis par Perraudin et la Tutelle belge A la t te du pays qui devint imm diatement Au d triment des Tutsi une R publique hutu Mon p re Rutayirara pour tre n tutsi Fut tortur puis jet dans des latrines Ma m re Muteteri pour tre n e tutsi Fut sauvagement viol e puis mutil e sous mes yeux Les d mocrates satisfaits de leur acte patriotique S en all rent en riant apr s m avoir dit INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Petit ne t en fais pas la Patrie pense toi Je ne voyais pas vraiment ce que je pouvais attendr
134. s cimeti res des lieux de morbidit mais qu ils sont la fois un tombeau un centre de documentation et un outil p dagogique pour comprendre ce qui s est pass C est une vidence qu un lieu de m moire doit offrir un cimeti re ceux qui ne l ont pas mais au del de cela le lieu de m moire ne peut pas tre qu un monument S il tend d abord devenir la m taphore visible pr gnante de ce cimeti re absent puisque la plupart de morts n ont pas de s pulture identifiable il doit galement et apr s tout devenir un lieu de culture un lieu d identit et un lieu de r flexion un lieu focal par o tout sentiment d appartenance tout lien pass tout d bat nouant le pass au pr sent et l avenir doivent n cessairement passer doivent n cessairement se croiser Et donc cr er un monument cr er un mus e ce sont des actes minemment politiques parce que faire un choix tel que celui l c est un choix politique parce que les contenus de ces monuments et de ces mus es sont des choix politiques et parce que leur sc nographie est souvent un choix politique galement Les exemples abondent en la mati re je n voquerais ce sujet que l exemple des mus es am ricains qui se sont constitu s ces derni res ann es mus es am ricains de la Shoah Washington Los Angeles New York qui sont des lieux d vocation de ce qui s est pass destination d un peuple qui n a pas connu cette trag die mais qui loignent l
135. s des victimes qui taient en dehors du Rwanda avons commenc nous demander ce qu allait tre notre vie ou plut t notre survie quelle serait l essence de notre vie Nous avons commenc nous poser des questions Certains d entre nous se sentaient d ailleurs coupables de rester en vie de ne pouvoir rien faire pour d livrer les leurs de la peur et de la souffrance atroce que leur infligeaient seconde par seconde jour apr s jour les g nocidaires Hutu les partisans du Hutu power C est dans ce contexte d interrogations de questionnements qu est n e notre association IBUKA Au del du fait que IBUKA est une association sans but lucratif qui a pour objet de perp tuer la m moire des victimes du g nocide c est aussi un symbole C est un symbole pour nous tous parce qu il rappelle chacun d entre nous le devoir de m moire et le droit la justice C est aussi un lieu o l on collecte des t moignages de ce qui n existe plus Concr tement apr s la cr ation d IBUKA notre premi re action fut d aller au Rwanda la recherche de traces du g nocide parce qu on savait tr s bien que comme le but des g nocidaires tait d effacer toutes les traces il fallait faire vite II fallait prendre des photos essayer de ramasser tout objet qui pouvait t moigner sur l existence des n tres qui ont t assassin s mais aussi sur l existence du g nocide parce que m me pendant que le g nocide se perp trait les id es n gationnistes co
136. s pr sum es Le racisme en tant qu id ologie affirme qu il y a chez l homme des tares biologiquement diff rentes et que la soci t devrait tre structur e en fonction de ces diff rences pr sum es I existe des probl mes psychologiques distincts par rapport au racisme la contribution de la psychologie elle m me l id ologie raciste travers des th ories qui sont exprim es des sentiments racistes et l tude des id es racistes sont fallacieuses et cherchent comprendre pourquoi Cependant le racisme existe Nombreux sont les psychologues de la fin du 19 me si cle qui croyaient qu il est scientifiquement vrai que les esp ces humaines puissent se diviser entre groupes raciaux distincts IIs pensaient que chaque groupe racial poss dait ses propres caract ristiques psychologiques de fa on inn e F Galton labora par exemple des th ories qui soulignent avec force les diff rences dont h ritent les individus entre eux et les groupes entre eux En accord avec les id es de son temps Galton sugg re que les Europ ens et plus sp cialement les Europ ens du Nord avaient un pouvoir intellectuel plus grand que d autres races G Le Bon l auteur du texte classique sur la foule consid rait que chaque race poss dait une me propre unique d termin e par les facteurs biologiques W Mc Dougal auteur du premier recueil des textes en psychologie sociale en langue anglaise exprimait un m me point de vue dans la th orie sur
137. s vivant souvent dans des conditions pr caires mis rables et pitoyables les yeux d sesp r ment riv s sur une justice qui jusqu ici n en peut face au nombre astronomique de pr sum s g nocidaires ce qui du reste tait le pi ge imagin par les concepteurs de ce g nocide des Tutsi pour soi disant rendre inop rante toute tentative de justice face la p nurie d hommes de loi et aux modiques moyens mat riels et humains mis la disposition des juridictions du g nocide de 1994 au Rwanda Que fait on de ces n gationnistes de tous bords et de tout acabit qui inondent les m dia de leurs crits et discours et ne d sarment pas dans leurs entreprises g nocidaires qu ils exportent dans toute l Afrique Les structures de la justice sont elles la hauteur de ces v nements Peut on arriver la paix sans la force de la justice La cat gorisation des crimes a t elle produit des r sultats significatifs et probants Pourquoi les rares jugements ne sont ils pas suivis d indemnisation A quand la r paration des Etats et des organismes internationaux qui ont manqu leurs devoirs avant pendant et apr s le g nocide Que peut on attendre du Gacaca justice bas e sur un r glement populaire traditionnel des conflits r cus e semble t il par une bonne partie de victimes et de pr sum s ou av r s coupables Quelles impulsions devraient recevoir le TPIR le Tribunal P nal International pour le Rwanda qui soit dit en passant a le
138. soit un regard la fois ancien et nouveau sur ce qui s est effac Et l intervient une politique de la m moire un volontarisme de la m moire m moire bien s r non pas comme m moire singuli re et unificatrice mais m moire comme creuset des m moires singuli res Et je pense pour suivre encore Pierre Norah que cette politique de la m moire doit s incarner dans ces lieux mat riels concrets et dans des lieux immat riels de la m moire dans des symboles forts dans des monuments dans des comm morations qui se font ici et l bas et dans une p dagogie Je crois en effet que si la m moire n est pas tourn e vers l accomplissement d un objectif concret d une p dagogie elle ne va demeurer que st rile et en quelque sorte morbide Elle doit engendrer par la cr ation de lieux de m moire ou par la r appropriation de lieux de m moire un projet de soci t qui soit avant tout une p dagogie une ducation la non violence et la justice Et c est le sens qui pourrait tre donn par exemple aux diff rents projets de monuments comm moratifs au Rwanda Je sais que certains existent d j mais il en est bien s r beaucoup d autres construire comme certains l ont dit et les exemples existent en la mati re je pense Yad Vashem J rusalem dont la plupart d entre vous connaissent l existence ou l exemple du m morial du martyr juif inconnu Paris Nous trouvons bien que ces lieux ne sont pas seulement des panth ons de
139. son de son appartenance nationale politique ethnique raciale ou religieuse II y a enfin des violations du droit visant la protection des victimes en temps de guerre dans le contexte du conflit arm qui n est pas de caract re international mais de caract re interne Ce sont les trois groupements de crimes qui sont de la comp tence du Tribunal Le Tribunal est compos de trois organes distincts II y a d abord les chambres II s agit des trois chambres de premi re instance chacune compos e de trois juges et d une chambre d appel compos e de cinq juges La chambre d appel si ge non seulement en ce qui concerne les dossiers venus d Arusha mais aussi pour le Tribunal International pour l ex Yougoslavie La Haye Ensuite il y a le greffe qui assure l administration et le service du Tribunal Ces deux organes les chambres et le greffe sont actuellement install s Arusha Le troisi me organe est le procureur et son bureau qui est install Kigali Et encore une fois le procureur agit non seulement pour le Tribunal du Rwanda mais aussi pour le Tribunal International pour l ex Yougoslavie J ai videmment t membre du bureau du procureur et par cons quent j tais bas Kigali mais en mission pendant la plus grande partie de mon temps au Tribunal Arusha parce que j tais impliqu dans les premiers proc s instruits devant les chambres de premi re instance Concernant les responsabilit s et l ind pendance du pr
140. sous le contr le vigilant et j esp re bienveillant de mon voisin Monsieur Stewart qui a tr s bien connu cette affaire puisqu il a d ailleurs plaid du c t du procureur devant la chambre Je terminerai en vous donnant les toutes derni res nouvelles qui sur le plan politique et historique sont effectivement de bonnes nouvelles m me si sur le plan juridique je ne sais pas exactement quoi en dire parce que je n ai pas lu la derni re d cision Concernant d abord les manquements lorsque Barayagwiza fait l objet pour la premi re fois d une demande d arrestation provisoire dans le cadre des mesures d urgence que le procureur peut prendre nous sommes le 17 avril 1996 II d cide que finalement eu gard au dossier qu il poss de il estime ne pas requ rir la confirmation et le transfert de Barayagwiza vers le Tribunal II y a donc l estime la chambre d appel le fait que pendant 29 jours Barayagwiza est rest arr t au Cameroun la demande et pour les b n fices du Tribunal Or le r glement dispose qu effectivement le procureur peut demander l arrestation d une personne titre provisoire lorsqu il y a une urgence qui s impose mais que normalement il faut qu au bout de 20 jours le procureur sorte un mandat d arr t qui sera soumis au juge pour confirmation Si au bout de 20 jours ce mandat d arr t n est pas produit il faut lib rer l accus Ici il s est pass 29 jours Voil un premier manquement La premi re remarque
141. squ rent Comme j avais un peu d argent je leur en ai donn mais ils m ont conduit quand m me les pieds li s chez le Colonel Kabiligi qui me r clamait II se trouvait ce moment l au coll ge Saint Andr Nyamirambo Les militaires taient so ls et j ai pu la nuit tombant ramper dans les herbes et m enfuir jusqu la paroisse A la paroisse il y avait encore une multitude de r fugi s femmes et enfants Trois jours plus tard ils sont venus la paroisse et ont demand tout le monde de sortir Nous avons refus et ils ont lanc des gaz lacrymog nes dans l glise Nous avons d vacuer l glise Dehors des camions nous attendaient ils nous ont charg et nous ont conduit Rwampara afin de nous tuer Arriv s l ils ont d pec et d bit en morceaux tous ceux qui occupaient le premier camion Comme je portais encore ma montre un militaire m ordonna de la lui donner et je me tus II me dit alors De toute fa on je la prendrai apr s ta mort Je lui ai demand ce qu il allait me donner en change et il m a r pondu que je recevrai un coup de pied Effectivement quand le camion d marra il m a donn un coup de pied et je suis tomb sur la route Des religieuses europ ennes m y ont ramass et m ont amen la procure pour m y soigner L tait l abb Munyeshyaka qui torturait les r fugi s Trois jours plus tard les militaires du FPR sont venus nous lib rer Mais une fois encore je manquais de
142. st utilis ou instrumentalis Pour le politique c est difficile de concevoir la m moire uniquement en termes de rapport l histoire et de la repr sentation du pass mais il faut la concevoir videmment et vous tes pour certains la preuve vivante et peut tre avant tout en termes charnels en termes affectifs de sorte que le d bat me para t extr mement complexe et difficile R alisations d IBUKA dans le cadre de la m moire Par Eug ne Twagira Mutabazi Membre fondateur de l association IBUKA M moire et Justice Je voudrais commencer par vous rappeler que le plan des g nocidaires tait tr s clair exterminer les Tutsi du Rwanda infliger la mort aux Tutsi mais pas n importe quelle mort une mort plut t atroce une mort lente Ils l avaient pr vu ils ne voulaient pas que les Tutsi aient des s pultures Dans leur plan ils voulaient d truire syst matiquement les biens les maisons les troupeaux etc en somme effacer toutes les traces qui feraient r f rence aux Tutsi pour que plus jamais on ne parle d eux Je tiens rappeler aux Tutsi ici pr sents dans la salle que s ils avaient t au Rwanda cette poque l ils auraient aussi t tu s Les rescap s n ont pas surv cu par humanit ou par humanisme des g nocidaires Hutu mais plut t parce que ces g nocidaires Hutu n ont pas pu le faire Lorsque les plans d extermination des Tutsis taient en cours d ex cution les survivants et les membres des famille
143. t oblig de les chasser de ces maisons de fa on autoritaire Nous sommes donc dans une situation o il faut stabiliser la population Le l gislateur rwandais a d cid de faire quelque chose qui pouvait la suite de la r solution du Conseil de S curit et de la cr ation du Tribunal International ne f t ce que r primer les derniers actes de g nocide qui dataient de 1994 La loi organique du 30 08 1996 est limit e dans le temps c est un inconv nient c est un d faut Si la limite inf rieure a t justifi e par des contraintes de politique int rieure la limite sup rieure bien s r n a jamais t justifi e puisque pendant qu on limitait cette loi 1994 le g nocide continuait dans les camps de r fugi s dans les pays voisins et m me il y a des incursions au Rwanda m me r cemment les Interahamwe sont venus exterminer les camps de rapatri s dans les pr fectures de Gisenyi par deux fois 1998 et 1999 Quelles sont les innovations de cette loi Comme je vous l ai dit c est une loi limit e dans le temps mais il y a des amendements qui ont t apport s la proc dure Principalement on vitera un d bat contradictoire au second degr le juge d appel statuant uniquement sur pi ces du premier degr Ce qui constitue malgr tout une violation du droit de la d fense dans la mesure o les parties n tant pas pr sentes INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion
144. t t arr t s ce moment l Deux jours plus tard le procureur demande que Barayagwiza soit mis en garde vue II semble que au d part l arrestation de Barayagwiza r sulte d une demande d extradition de la part du Rwanda au Cameroun Et puis un mois plus tard peu pr s le procureur renonce demander le transfert de Barayagwiza vers le TPIR II se borne simplement confirmer la demande de transfert des quatre autres personnes qui avaient t arr t es et Barayagwiza reste donc ce moment l arr t au Cameroun parce qu il est toujours sous le coup d une demande d extradition du Rwanda Au bout de plus de dix mois c est dire que nous arrivons en f vrier 1997 finalement le Cameroun refuse d extrader Barayagwiza vers le Rwanda Le Tribunal revient la charge et demande qu on arr te provisoirement Barayagwiza en attendant qu il y ait une ordonnance de mandat d arr t la suite d un acte d accusation qui serait produit par le procureur Le mandat d arr t arrive au mois de mars au d but du mois de mars Mais il n y a pas encore ce moment l d acte d accusation d finitif d livr par le procureur Barayagwiza reste arr t au Cameroun la demande du Tribunal Mais ce n est qu au mois d octobre 1997 que finalement l acte d accusation d finitif du procureur est produit par le procureur Cet acte d accusation est confirm par un juge du Tribunal Nous sommes au mois d octobre 1997 Au mois de novembre Bara
145. t moignage absolu Murambi Garder libre de toute intrusion politique un tel espace int gralement destin maintenir vivante non seulement la m moire mais la pens e de ce qui a eu lieu serait une autre utopie concr te la fois locale et porteuse de sens au del d elle m me Ce serait une des figures d un d fi possible pour ceux qui ont chercher l humanit perdue par tous dans le Rwanda d aujourd hui Les peuples assassin s sont ils solubles dans J rg Haider Par Catherine Coquio Ma tre de conf rences en Litt rature compar e et Pr sidente de AIRCRIGE Le texte qui suit a t r dig en avril 2000 par C Coquio Pr sidente d Aircrige et un autre membre de l association Cyrille Leduc en r plique ce qui se passait en Tch tch nie sur fond de comm morations du g nocide des Tutsi et du g nocide arm nien qui fut d clench le 24 avril 1915 suscitant des discours n gationnistes dans les deux cas tandis que le fascisme autrichien en la personne de J rg Haider tait vigoureusement mis au banc de l Europe Refus dans les journaux Le Monde et Lib ration il a t publi dans la revue Chim res en 2000 La politique internationale est un art raffin Dans la mesure o les opinions publiques expriment des exigences en mati re de Droits de l Homme les grandes puissances sont contraintes de l gitimer leurs d cisions Cette mobilisation n anmoins demeure parfois ce que les gouvernants souhait
146. t fuir vers Kigali puis de Kigali vers Gisenyi J tais toujours totalement paralys du c t gauche je ne pouvais ni marcher ni porter quoi que ce soit On perdit mes traces Butare mais en mai 1973 on d couvrit ma nouvelle cachette parce que j tais contraint de me faire soigner Encore une fois on me fit fuir vers Goma en R publique D mocratique du Congo encore Za re mais comme il n y avait pas de m decin l bas des amis m amen rent Bujumbura au Burundi Ce fut peine perdue les h pitaux de la r gion ne pouvaient pas me soigner J tais trop gravement atteint Avec l aide d amis religieux de fr res m decins je pus venir en Belgique C est ainsi que je suis arriv Yvoz Ramez o j ai v cu deux ans pendant lesquels je fus soign et r duqu Et c est ainsi que je suis rest en Europe sans autorisation j tais devenu r fugi sans le vouloir Je suis all en Suisse pour des raisons de sant et j ai fini par y reprendre mes tudes Ensuite en 1983 la fin de mes tudes je suis rentr au Burundi pour y devenir professeur de psychologie Mais on me demandait toujours de revenir au Rwanda Pourquoi En 1988 il n y avait toujours pas de professeur de psychologie l Universit de Butare et comme j tais docteur en psychologie exp rimentale on s acharna me convaincre de revenir au Rwanda Deux ans apr s en 1990 je go tai la prison Je vivais Ruhengeri L attaque des Inkotanyi d but
147. t le 26 d cembre au soir les coles environnantes commenc rent nous attaquer s agissait des l ves de Byimana et de Shyogwe men s par le d put Max Niyonzima de la famille de Kayibanda Nous avons essay de les repousser en leur lan ant des pierres et alert la police qui n est jamais venue Par apr s le directeur est all chez le Pr sident et chez Mgr Perraudin pour leur dire que notre cole avait t attaqu e Ils ont banalis l affaire et nous avons d cid que les tudiants devaient quitter l cole le lendemain pour leur s curit Devant le refus du Pr sident Kayibanda pr tendant que nous allions tre prot g s nous avons recommenc esp rer mais ce fut un guet apens Le lendemain 27 d cembre au matin nous avons vu une foule immense avec des tambours et des sifflets entourer l cole Nos cris au secours furent sans effet Je t l phonai la police et il me fut r pondu qu ils allaient nous envoyer deux hommes pour nous prot ger Entre temps la foule tait entr e de force dans l cole IIS commenc rent molester poignarder et d membrer deux religieux le fr re Kabanda qu ils relev rent ensuite pour lui crever les yeux et le fr re lidefonse qui avait plus de 70 ans et qui ils coup rent les jambes pour le raccourcir se plaisaient ils expliquer car il tait tr s grand Le carnage dura jusque tard dans la soir e Ils vinrent me d loger de la chambre o je me cachai Je
148. t les meurtriers recourir la carte d identit d cern e jadis par les Belges pour s assurer des victimes tuer Ainsi la motivation des assassins g nocidaires tait fond e sur la froide d termination logique Le rapport d African Rights pr cise que les femmes hutus tu rent les nouveaux n s m les class s tutsi parce qu ils taient de futurs soldats du F P R Ces femmes postulaient qu une fois adultes ils ne pourraient agir que selon une logique identique la leur c est dire la liquidation de ceux qui ne seraient pas class s tutsi Elles r agissaient une d termination classificatoire rationnelle Mais pourquoi cette r f rence la vengeance se g n ralisa t elle en g nocide Pourquoi la violence n a t elle pas ob i aucune r gle La question de la responsabilit comme celle de la culpabilit se pose au niveau id ologique Ceux qui ne sont pas nos alli s sont nos ennemis donc abattre La question la fois juridique et psychologique qui para t se poser c est la difficult de faire la part des choses entre les grands coupables et les petits coupables Les grands coupables si nous restons dans la logique des analyses occidentales de la rationalit sont ceux qui ont pens le g nocide qui l ont organis etc Mais quand on examine la mani re dont les soi disants petits coupables l ont ex cut alors l il n y a plus la th orie de grande et de petite culpabilit qui tienne Quand je pense aux
149. tant que d tenus amen s r pondre de leurs crimes devant la justice II y avait aussi pour certains je pense un certain soulagement le fait de pouvoir parler des v nements leur v cu dans une proc dure comme celle l devant la chambre Comme j ai dit ils taient parfaitement conscients de l importance historique de l importance de ne pas cr er l histoire mais de faire en sorte que l histoire ne soit pas oubli e Je pense que pour comprendre la trag die du g nocide des Tutsi il faut conna tre ou apprendre l exp rience individuelle et particuli re de ses victimes C est par ce moyen qu on arrive comprendre ce qui s est produit et la profondeur m me de la trag die rwandaise Lorsqu on parle des chiffres lorsqu on parle des v nements d avril a d passe l imagination mais lorsqu on entend quelqu un qui raconte ce qui s est pass sa r action ce qui s est advenu de lui et de sa famille ce moment l on commence comprendre un peu de quoi il s agit Nous avons aussi t tr s conscients de l importance de faire sortir toute la v rit Beaucoup de nos t moins devaient leur vie m me des voisins hutu II fallait quand m me faire en sorte que ces faits ressortent Nous avons aussi fait venir des t moins d ethnie hutu pour t moigner pour que la complexit des choses soit vidente et pour qu on comprenne que ce n tait pas tous les Hutu qui ont particip et qu il y avait des hutu qui au risqu
150. tes Comme les ann es pr c dentes depuis 1995 la journ e du 07 avril a t consacr e aux c r monies comm moratives ouvertes par la Marche du Souvenir faite Bruxelles et continu es par la Soir e de la M moire et par une Veill e de Recueillement Pendant la Soir e de la M moire les artistes rwandais ont aid les comm morants vivre ces moments intenses travers les chants et po mes de circonstance qui expriment le chagrin des survivants L motion tait aussi tr s intense lors du t moignage de Monsieur Jean Damasc ne NDAYAMBAJE qui a surv cu aux diff rentes pers cutions et pogroms dont les Tutsi du Rwanda ont fait l objet depuis 1959 et bien s r a aussi surv cu au g nocide en 1994 Elle tait encore plus forte avec le t moignage de Aline jeune fille rescap e du g nocide qui a eu le courage de partager ces moments durs de sa vie Des messages de solidarit envoy s nous ont permis de croire encore une fois que notre combat pour la m moire et la justice m rite d tre men avec toute la d termination n cessaire Certes le chemin est encore long et parsem d emb ches mais avec un peu plus de volont de pers v rance et de solidarit nous parviendrons rendre justice aux n tres l chement assassin s et radiquer les id ologies d exclusion et g nocidaires qui malheureusement sont encore tr s pr sentes dans la r gion des grands lacs africains INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE
151. tre du Gouvernement de la Communaut Wallonie Bruxelles lu par son Conseiller aux Relations internationales Professeur Alain Verhaagen Mesdames Messieurs Je souhaiterais vous exprimer mes sinc res regrets pour avoir t contraint de mani re tout fait impromptue de renoncer m associer vous ce soir Pour cette 6 me comm moration du g nocide des Tutsi et des massacres politiques perp tr s au Rwanda d avril juillet 1994 En effet mon devoir d historien et de responsable politique est aussi de contribuer activement l dification de la m moire d un million de martyrs rwandais et d autres nationalit s tels nos casques bleus qui ensemble ont partag l horreur En vous assignant le devoir de m moire vous avez certes pris un redoutable engagement vis vis de l humanit pour les g n rations venir mais dans le m me temps en vous assignant ce devoir de m moire vous r pondez admirablement la mise en garde que formulait l ancien Premier Ministre britannique Winston Churchill propos de la barbarie d un autre r gime Oublier le pass c est lui permettre de revenir Alors pour la m moire de ces martyrs et pour l avenir de vos enfants de nos enfants n oublions jamais le pass n oublions jamais ce pass Message envoy par le groupe ECOLO du S nat Nous nous associons la comm moration du g nocide des Tutsi et des crimes contre l humanit commis au Rwanda en 1994 Le gouvernem
152. trielle Le g nocide qui a ravag le Rwanda n est pas typique d une quelconque barbarie africaine le processus d extermination con u lui aussi dans les sph res du pouvoir r alisant une id ologie de type nazi tait ex cut gr ce aux concours de l administration et de l arm e utilisait une station de radio t l vision des t l communication des bulldozers des machettes et pouvait compter des degr s divers sur des complices nationaux et internationaux belges fran ais et autres Chacune de ces trois cat gories du si cle pass implique la quasi totalit de la population de mani res d tourn es pour les deux premiers mais visage d couvert au Rwanda les tueurs taient des militaires d un courant ethniste dit Hutu Power et la population un r le tait assign dans le programme d assassinat des Tutsi Ainsi le caract re syst mique du g nocide a montr que la masse Hutu participa au g nocide comme si elle tait prise dans une obligation sociale L obligation sociale de solidarit se transforma en obligation sociale de meurtre lorsque le syst me de r ciprocit africain est d natur par la logique du syst me occidental 1 2 Pourquoi ce G nocide des Tutsi Les responsables du G nocide d avril juillet 1994 sont les membres du r gime domin par un clan originaire du nord du pays Ce clan s est constitu par un r seau d alliances autour de la famille de Juv nal Habyarimana et de sa femme Agathe K
153. tte et Fest Africa une s ance de s minaire en f vrier 2001 sur les formes du d ni avec J L Bagilishya et J P Chr tien une journ e sera consacr e le 19 janvier 2002 la Sorbonne un bilan juridique du g nocide et une r flexion sur le t moignage Expos de Jos KAGABO Dans son expos qui n a pas pu tre reproduit int gralement Jos KAGABO est revenu sur certains points qui d apr s lui rendent difficile la mise en place d une politique coh rente au Rwanda s agit entre autres du recours aux juridictions traditionnelles Gacaca pour juger les crimes de G nocide utilis dans un contexte d une notion contemporaine mal d finie par ailleurs de justice participative II a rappel que le syst me de Gacaca tait r serv la r gulation de conflits ordinaires et non pas les crimes de sang dans un syst me liens sociaux solides II ne peut d s lors fonctionner dans le contexte post g nocide o les liens sociaux ont vol en clat Il a aussi mis une r serve l vocation r currente de la notion de r paration chaque fois qu un d bat sur la m moire et l exigence de la justice est engag D apr s lui il faut avant tout la reconnaissance du pr judice subi par les victimes I ne faut pas r duire le dommage des victimes au seul pr judice mat riel Ainsi pourra t on viter certaines brutalit s langagi res envers les rescap s quand on parle d indemnisation Ces brutalit s co
154. u g nocide sur leur propre sol les Arm niens sur leur territoire historique Ce n est pas le cas des Juifs car m me si la Pologne ou encore plus l Allemagne taient devenus leurs pays il ne s agissait pas de leur patrie historique Ils n ont pas t massacr s et spoli s dans la Palestine pendant la Shoah II s agit donc d exp riences diff rentes sauf en ce qui concerne l aspect traumatique ce qui engendre aujourd hui une reconnaissance r ciproque de la l gitimit de l exp rience de l autre et une solidarit vis vis de la souffrance de l autre Un engagement aussi car nous continuons lutter pour le respect des uns et des autres des uns vis vis des autres pour le respect des citoyens et de leurs institutions ou d encourager l int gration des immigr s et l coute et la tol rance Ce sont les concepts qui n cessitent la g n rosit beaucoup de g n rosit Nous nous y engageons pour l avenir comme nous l avons fait pour le pass et plus encore La m moire de la Shoah hante les Juifs les survivants leurs enfants et leurs petits enfants et d s lors nous sommes tr s sensibles toute manifestation raciste qui pourrait ouvrir la voie quelque d rive que ce soit au sein des d mocraties dans lesquelles nous vivons Mais peut tre pourrons nous marcher avec vous c te c te dans ce combat pour la d mocratie d passer nos souvenirs stigmatis s par ces souffrances et ces cicatrices en voie de gu rison pour
155. u il y a des t moins qui ne sont pas venus Nous avons en g n ral pu surmonter tous ces probl mes INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Il y avait aussi un probl me d ordre juridique J ai voqu trois sortes de crimes Nous avons eu un succ s presque complet en ce qui concerne le g nocide en ce qui concerne l tablissement de la culpabilit des accus s poursuivis pour le crime de g nocide Nous avons aussi eu un grand succ s en ce qui concerne les crimes contre l humanit Mais nous n avons eu aucun succ s en ce qui concerne les crimes de guerre Les chambres n taient pas pr tes faire le lien entre le conflit arm et les actes commis par les accus s ce qui tait pour nous un peu frustrant et nous avons port cette question en appel Nous attendons videmment que la chambre d appel tranche sur ce point Mais je dois dire et je pense que pour les rwandais ce qui tait important c tait d tablir la responsabilit pour le g nocide Au Rwanda c tait la question la plus importante Nous avions des diff rences de culture et de langue que nous devions surmonter Une question que les gens me posent souvent surtout des journalistes rwandais est Comment avez vous surmont ces probl mes de langue Vous ne parlez pas le kinyarwanda la plupart de vos t moins ne parlent pas le fran ais ni l anglais Qu est ce que vous faites pour vous faire comprendre Nous
156. u racisme peut tre extr mement subtile aujourd hui dans la d mocratie occidentale L adjectif moderne a t joint racisme Le racisme moderne est une expression employ e pour d crire un ensemble de croyances qui ne semblent pas racistes vues de l ext rieur mais qui expriment des opinions racistes Le racisme INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 moderne appara t comme un d fenseur des valeurs lib rales telles que l galit l impartialit et ainsi il s oppose la s gr gation d mod e Cependant le racisme moderne s oppose aussi au plan d valuation des groupes minoritaires trouvant de justification de type rationnel son refus et l exprimant d une mani re qui vite l utilisation de st r otypes racistes grossiers Il est difficile de savoir si cet ensemble de croyances est un ph nom ne moderne ou si les chercheurs en psychologie sociale d aujourd hui sont plus d accord qu auparavant pour reconna tre les aspects sophistiqu s de croyances racistes On constate un int r t accru pour l analyse de discours afin de cerner les subtilit s du racisme dans la conversation ordinaire au d triment d une d finition du racisme comme mani re de penser qui est naturellement peu subtile Une grande partie de la psychologie du racisme s est focalis e sur l tude des croyances et de la personnalit des racistes plut t que sur les effets psychologiques du racisme sur
157. ue l v nement de l histoire a une chronologie donc un d but et aussi une fin Mais comme il ne s accomplit pas d un coup les premiers morts moins nombreux que les suivants s inscrivent tout autant dans la s rie du g nocide Ce qui les distingue des autres s ries de morts c est que les tueurs les assassinaient en raison de la grave d cision de faire dispara tre ce peuple de la terre La formule n est pas juridique mais historique Au Rwanda le g nocide des Tutsis traduit l impuissance la peur de l autre notamment lorsqu il est per u comme tranger et qu il se r v le soudain identique soi m me Le passage de la peur d autrui son extermination syst matique requiert n anmoins un interm diaire entre l affectif et le logique id ologie labor e par le colonisateur et le missionnaire enseign e dans les coles mais surtout propag e par les deux r gimes de la premi re et celui de la deuxi me R publique L id ologie raciste pr tend que les caract res psychologiques des hommes leurs facult s mentales leur conscience sont d termin es par des facteurs g n tiques Elle soutient galement que ces m mes facteurs g n tiques sont li s des caract res somatiques qui permettraient donc de reconna tre a priori les caract res psychologiques Mgr Phocas Nikwigize ancien v que de Ruhengeri Rwanda n a t il pas affirm publiquement que le tutsi est mauvais de nature Les m mes crit res id ologiques oblig ren
158. uer qu il y a eu l v ritablement une analyse extr mement approfondie du droit compar pour dire qu il y a une r gle g n rale selon laquelle lorsqu il y a abus de proc dure on peut annuler celle ci Si la chambre d appel avait fait cet effort d examiner ce qui se passe dans d autres Etats elle se serait rendue compte que finalement les choses sont beaucoup plus compliqu es et qu on ne peut d cider aussi l g rement de quelque chose qui ne se trouve pas dans les textes C est la raison pour laquelle j ai personnellement le sentiment que l annulation qui a t prononc e par le tribunal va beaucoup trop loin Elle est d autant plus excessive qu on ne regarde dans aucune note du texte de base du Tribunal qui est la r solution 955 du Conseil de S curit Cette r solution donne mandat au Tribunal pour pour mettre fin aux crimes au Rwanda pour prendre les mesures efficaces afin que les auteurs des crimes commis au Rwanda soient traduits en justice et pour que les personnes pr sum es responsables d actes de g nocide ou d autres violations graves du droit international humanitaire soient jug es II faut bien avouer qu en pronon ant d office l annulation des poursuites la chambre d appel n a rempli absolument pas la mission pour laquelle le TPIR a t cr Non seulement elle viole la confiance de la communaut internationale mais galement de mani re beaucoup plus triviale elle viole son propre mandat Si donc on arrive cette
159. ues traits de singularit concernant le g nocide commis au Rwanda Ces objectifs r sum s dans la feuille de pr sentation qui figure ici en annexe en m me temps qu un texte cosign en avril 2000 sont ceux d une recherche collective interdisciplinaire et intercommunautaire Cette recherche porte sur les formes extr mes de la violence politique sur les processus de d shumanisation l uvre dans les structures tatiques modernes et plus singuli rement sur le g nocide en tant qu v nement sp cifique conna tre mesurer et penser ce qui le rend historiquement et politiquement possible mais aussi ce qui rend possible la vie apr s le g nocide individuellement et collectivement Ce qui peut permettre donc que cet v nement se transmette et fasse sens autrement que sur un mode uniquement destructeur alors que la violence g nocidaire semble se r p ter dans le monde une vitesse croissante malgr un droit international humanitaire en d veloppement croissant lui aussi rig sur la base de Droits de l homme universellement d clar s La politique de la m moire est donc pour nous celle d une r flexion critique capable de saisir les d fis particuliers que constituent pour la connaissance la pens e et l action la perp tration d un g nocide son effacement criminel et culturel sa r p tition politique mais aussi sa transmission critique celle non seulement de son histoire et de sa m moire par la scienc
160. uivre les Rwandais qui ont commis les infractions au Rwanda et dans les pays limitrophes Ce qui signifiait que m me s il avait commis des infractions en dehors du pays le fait d tre rwandais suffisait pour qu il soit poursuivi L autre moyen de d fense que Karamira a invoqu c est la pr sence d un t moin oculaire tutsi Pour lui tous les Tutsi taient poursuivis et par cons quent se cachaient tous esp rait donc que l on ne pouvait trouver personne qui l ait vu en action II exploitait aussi les exigences de l ancien ministre de la justice Nkubito qui exigeait au moins 10 t moins oculaires pour faire arr ter un suspect Nous avons finalement trouv une personne sur qui Karamira avait tir Quand ce dernier l a vue il a t tr s abattu parce qu il ne pouvait plus invoquer ce moyen Dans le m me ordre d id es concernant les t moins oculaires il a exig un t moin oculaire hutu c est dire un hutu mod r qui n avait pas besoin de se cacher pendant le g nocide ou alors un coauteur ou un complice en aveu D apr s lui tous les autres savoir les Tutsi et surtout les rescap s taient des adversaires politiques INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Quand on lui a pr sent des enregistrements vid o d un meeting qu il a tenu Kigali il l a r fut all guant que Kagame pouvait avoir manipul ces cassettes pour pouvoir le poursuivre abs
161. ure pas moins que ceci est pr vu par toutes les dispositions des instruments protecteurs des droits de l homme par exemple l article 9 paragraphe 4 du Pacte relatif aux droits civils et politiques et qu au fond dans une large mesure il n existe pas textuellement dans le r glement du Tribunal Lorsque l accus compara t devant un juge d une certaine mani re il peut ce moment l discuter ventuellement de la l galit de sa d tention mais ce n est pas pr vu textuellement On peut certainement ici se poser des questions sur le fait que la question n ait pas t r gl e d une mani re ou d une autre devant le Tribunal comme elle l est tout fait normalement chez nous lorsqu une personne est arr t e dans les 24 heures elle doit compara tre devant un membre du pouvoir judiciaire qui est le juge d instruction pour obtenir confirmation ventuelle d un mandat d arr t pour qu un mandat d arr t soit produit ce moment l et dans les cinq jours de la d livrance de ce mandat d arr t il faut que la personne en question comparaisse en chambre du conseil afin d obtenir confirmation de la d tention pr ventive ou infirmation de celle ci Au cours de cette comparution devant le juge d instruction ou devant la chambre du conseil il y a une possibilit pour la personne arr t e de pouvoir faire discuter de la l galit de sa d tention comme c est pr vu aussi par le Pacte relatif aux droits civils et politiques et la Convention eu
162. urquoi de son existence Pour De Parleman si une g n ration qui a v cu la violence n est pas soign e le traumatisme risque de se perp tuer des g n rations futures C est l une des graves cons quences du traumatisme interg n rationnel qui plus long terme risque d ali ner toute la communaut ou toute une soci t en g n ral Paradoxalement et c est encore une autre sp cificit du g nocide des tutsi au Rwanda avec toutes les s quelles les survivants du g nocide vivent avec les bourreaux Ce qui est un grand probl me pour la gestion des motions Cela s exprime par ce qu on d signe de traumatisme vicariant c est dire entre deux groupes distincts et opposables Ceci ressort de la victimologie de part la cohabitation des victimes avec les bourreaux Un parall lisme montre la r alit motionnelle pour les deux groupes La parall lisme motionnel entre victimes et bourreaux Probl mes quand on parle de Probl me quand on parle de victime bourreau INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 Emotions Emotions tristesse remords haine contre le bourreau regret col re col re culpabilit d avoir surv cu culpabilit d avoir tu baisse de l estime de soi irritabilit vengeance peur de la vengeance Ceci est la r alit que l on vit au Rwanda Elle est unique dans l histoire de l humanit qu un groupe cherche extermine
163. uton pour faire nos proc s Malheureusement il y avait aussi des moments o les chambres ne si geaient pas du tout Pour nous c tait un peu nervant parce qu on voulait faire ce travail Heureusement un meilleur d but s est tabli en 1998 II y avait vraiment une nergie une motivation qui tait palpable Arusha II y avait videmment beaucoup de probl mes linguistiques parce que nous tions une nouvelle institution Les Nations Unies n avaient jamais g r ou administr un syst me juridique et parfois c tait bien vident Nous venions des syst mes o les tribunaux et les pratiques taient bien tablis o l administration tait bien exp riment e et nous arrivions l o il y avait tr s peu d exp rience Tout le monde a appris norm ment et je pense que la machine judiciaire fonctionne beaucoup plus efficacement maintenant qu au d but II y avait aussi des probl mes au niveau des t moins J ai invoqu le danger et les difficult s rencontr es par des t moins et surtout notre souci de les prot ger Parfois les t moins ont pr f r ne pas venir Je me rappelle bien d un t moin qu on voulait faire venir mais la suite d un conseil de famille il a d cid de ne pas venir C tait tr s dangereux pour lui et pour sa famille Comme on ne voulait pas forcer les gens venir c tait une question assez d licate Nous avons r ussi avec les moyens que nous avions mais c tait quand m me un probl me parce q
164. victimes que les interahamwe ont tra n des jours dans la rue et les rouant de coups de machettes et de gourdins je me dis bien que dans les mots d ordre donn s par les penseurs du g nocide il n y avait pas de mode d emploi La personne qui a pens faire un barrage des corps nus et mutil s elle a trouv a toute seule on ne lui a pas dit de le faire Si l un a mis toute son intelligence la conception l autre n a t il pas consacr son g nie trouver la forme de la mort qu il souhaitait donner INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 1 1 Qu est ce un g nocide En 1944 Rapha l Lemkin un juriste am ricain juif polonais d origine fit entrer dans la langue ce terme hybride du Grec genos race tribu et du suffixe latin cide tuer destruction d une nation ou d un groupe ethnique La n gation du premier droit de l homme vivre Un g nocide implique un plan coordonn ayant pour but l extermination et vise les victimes non en tant que personne mais comme membres d un groupe ethnique ou racial Le premier g nocide du si cle pass qui culmina en 1915 visait les Arm niens de l empire turc Les troupes arm niennes par chemin de fer taient encadr es par des officiers d avant garde qui transmettaient leurs rapports par t l graphe Pour le g nocide suivant les Nazis en arrivaient utiliser grande chelle les ressources de l organisation indus
165. yagwiza est alors transf r du Cameroun au Tribunal et il va compara tre pour la premi re fois devant un juge quarte mois plus tard au mois de f vrier 1998 Barayagwiza demande l annulation des poursuites qui ont t men es contre lui il demande l annulation de l arrestation et l annulation des poursuites L affaire sera jug e par une chambre de premi re instance au mois de novembre 1998 et rejette la requ te de Barayagwiza I fera un appel de la d cision au mois de d cembre Et il y a maintenant de cela cinq mois au mois de novembre 1999 la chambre d appel fait droit la requ te en annulation de Barayagwiza Eu gard un certain nombre de INTEGRALE DES ACTES DE COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI COMMIS AU RWANDA EN 1994 Edion 2000 manquements imputables la proc dure qui a pr c d l appel la chambre d appel estime qu il faut non seulement lib rer Barayagwiza et qu en outre il faut galement mettre un terme aux poursuites Elle annule totalement les poursuites sans possibilit d y achever les peines sans possibilit de les reprendre Voil donc la situation telle qu elle se pr sente le 3 novembre 1999 Je vais reprendre ce jugement du 3 novembre 1999 en vous montrant d une part quels sont les manquements les plus juridiques qui ont t mis en vidence par la chambre d appel et d autre part en commentant les cons quences que la chambre d appel va tirer de ces manquements Je fais tout cela bien entendu

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