La serre tropicale, Météor, gare de Lyon.
Contents
1. VOIR DU PAYS Georges Amar OO gt FRAGMENTS POUR UNE POETIQUE DE LA MOBILITE URBAINE F cologie scientifique est travers e de tendances m thodes concepts styles modes qui voluent avec le temps coexistent et parfois s opposent L une des toutes premi res dualit s apparue avant m me la naissance conventionnellement admise de l cologie l oecologie de Haeckel en 1866 est repr sent e par les grands noms de Linn qui des 1750 parle de l cono mie de la Nature et de Humboldt qui tudie la g o graphie des plantes 1807 Cette dualit est plus qu une affaire de m thode elle signale une d finition de la science qui pr cis ment commence seulement cette poque a se s parer nettement des autres arts L cologie se veut une science objective voire analy tique sans oublier pourtant que son axiome fonda mental la non s parabilit du vivant et de son milieu implique n cessairement une dimension thique et esth tique Cette tension qui court tout au long de l histoire de l cologie se cristallise notamment autour des notions d co systeme et de paysage Elle se retrouve aujourd hui dans l ambivalence du terme m me d cologie partis politiques d un c t disci plines scientifiques de l autre Cette division sommaire des r les ouvre en fait a une vari t d approches socio techno conomiques quand ce n est pas morales ou quasi religieuses structur es par champs2. Tout ou plut t de tout est la formule de la ville monde il faut de tout pour faire un monde Et trouver est le verbe urbain par excellence La Ville est o se trouvent o l on trouve ou se retrouvent les tres et les choses Ce verbe trouver est magnifique Ses significations actuelles tomber par hasard ou l inverse r sulter d une laborieuse recherche ne lui rendent pas assez justice Il vient des trouv res et des troubadours po tes voyageurs inventeurs de l amour Voir la ville par les yeux de l art Ce serait demander ce qu il en est d un usage artiste de la ville Ou mieux d un art dont la ville serait l instrument sp cifique Por 1 Concept propos et illustr par l crivain Kenneth White fondateur en 1988 de l Institut international de g opo tique et de la revue Les Cahiers de g opo tique 2 Les Annales de la Recherche Urbaine n 59 60 Pour une cologie urbaine des transports PAYSAGES EN VILLES 1 49 trait de l urbain en artiste Certes la ville les villes ont toujours fascin et nourri peintres et crivains Que l on songe au Paris d avant guerre d apres guerre d entre deux guerres Le cubisme art de la diversit des plans et de la multiplicit des perspectives n est il pas l ex pression du regard urbain par excellence Le surr a lisme beau comme la rencontre sur une table d op ration d un parapluie et d une machine coudre Lautr amont est n dans les ru
3. sont la palette le r pertoire au moyen desquels il crit conscient ou pas avec talent ou pas les para graphes de sa propre vie r elle et r v e Henry David Thoreau le po te qui fit de la marche l une des hautes formes de l art crivait dans son journal que L homme le plus riche est celui qui rencontre dans la nature les tropes et symboles avec quoi d crire sa vie On peut dire que la mobilit physique et virtuelle est au c ur de l existence contemporaine et en ce sens que l individu urbain est un nomade Il ne s agit plus seulement d aller quelque part mais de vivre en bougeant Qu est ce que la ville alors Ni seulement l origine et la destination ni le d cor de nos d place ments Plut t un flux de co ncidences Un champ d nergies de vitesses de rapports de d sirs de res sources et de pi ges dont la configuration joue et se transforme l entr e de chaque nouveau joueur Une ville est moins voir qu prouver Comme une for t une langue ou un pays Plus que par l change le commerce l industrie la communication la ville se d finit par le d sir Machine d sirante comme disait Gilles Deleuze machine veiller stimuler entretenir diversifier le d sir Le d sir non pas le manque mais la mobilit la vitalit l motion la projection l int r t qui toujours la fois rencontrent et cr ent leurs objets leurs mobiles Une ville se d finit par son accessi
4. urbain Reconstitution imaginaire de la continuit Les frag ments photographiques de l existence urbaine sont comme les lettres et les mots disponibles la produc tion d autant de r cits cin matographiques qu il peut y avoir de trajectoires existentielles L art du montage souvent consid r comme le coeur de la cin matogra phie est l analogue parfait d une vie urbaine faite de s quences successives de tranches de vie emprun tant a des lieux et milieux divers leur couleur et leur sens L Ulysse de James Joyce livre symbole a beaucoup d gards du xx si cle est le film d une journ e d un homme dans une ville Dublin Le cin ma ne serait il pas au fond le mode transport collectif urbain le plus sp cifique de ce si cle Prenez votre billet et entrez en voyage Le d placement imaginaire a peut tre tou jours t par del l utilitarisme de bon aloi la v ri table promesse des infrastructures et des toujours nouvelles technologies de communication La ville alors n est ni le d cor le contexte ni le milieu de la mobilit humaine mais comme un infini catalogue de motifs mot o il faut entendre la fois le dessin d une forme la force d une motivation et l appel d une figure Le voyageur urbain est si l on veut bien encore le consid rer sous les esp ces de l art un compositeur d itin raires Le paysage des rues et l v nement des visages la topologie des quartiers et le climat des ins tants
5. bilit la fois par ce quoi elle donne et promet acc s culture gloire richesses et plaisirs march s et emplois et par les moyens les formes les modes les styles d acc s ouverts discrets secrets qu elle propose L accessibi lit est physique moyens de transport r seaux de t l communication quipements portables elle est cognitive l information sous toutes ses formes l intel ligibilit des espaces le ciblage elle est enfin ro tique Philippe Sollers dit par exemple de Paris qu elle est une ville facile pas farouche La beaut d une ville ne saurait tre concue sous l angle de la pure d lectation visuelle Peut tre en est il de m me de toute beaut celle d une femme ou d un homme toujours plus ou moins directement ro tique invitation incitation suggestion vocation au moins d une relation d une rencontre d une d cou verte possibles La beaut d une ville est une promesse qui est comme on le sait un acte de langage La beaut d une ville est un acte d espace et de vision Georges Amar est charg de mission Innovation a la RATP Il anime le Centre g opo tique de Paris association affili e l Institut international de g opo tique fond par Kenneth White Il a publi en 1998 l Harmattan Art po tique l mentaire le journal du rivage PAYSAGES EN VILLES 151
6. es de Paris de d am bulation urbaine autant que mentale Mais au dela des pratiques et m tiers sp cifiques du champ artistique l hypoth se int ressante est de voir l urbanit elle m me comme une pratique un talent de la consid rer elle m me comme l un des beaux arts Question sau grenue si les villes taient des violons Paris serait elle un stradivarius ou Venise ou New York Voir la ville comme un instrument M taphore Oui en se souve nant que ce mot disait transport D placement des doigts sur le manche et les cordes de la guitare sur les touches noires et blanches du clavecin La ville est un clavier Se d placer n est pas translater une masse anes th sique dans un espace cart sien vide et abstrait c est jouer de la ville Le bruit est la nuisance urbaine la plus largement r pandue et ressentie Or peut tre que seule la musique plut t que le silence est susceptible de rivali ser avec le bruit Entendre la musique des pas perdus On parle parfois de sculpture sonore pourquoi pas de musique spatiale symphonie de grande ville rythm e de puissants flux musique de chambre des bourgades rip rap de banlieue petite musique des heures bleues creuses Plut t qu un paysage contempl ou go t la ville est un concert visuel dont chaque urbain passant sid rable3 est la fois une note une ritournelle un des concertistes Il est tout cela la fois pour autant qu il mouve qu il file gl
7. isse fl ne vaque va et vient entre l airain des rues danse sa ville Le mouvement est le mode urbain par excellence pas seulement son mode d emploi au sens utilitaire comme pour un ustensile commode que la ville est aussi Autant que grande surface que paysage la ville est un livre crit dans beaucoup de langues que l on parcourt que l on apprend dont on lit ici et l quelques signes Il y a tant de mani res de marcher En 1832 Balzac commence observer les passants avec l acuit dont il a le g nie et crit l un de ses plus beaux textes Th orie de la D marche La d marche tant selon moi le prodrome exact de la pens e et de la vie J allai donc le lendemain m asseoir sur une chaise du boulevard de Gand afin d y tudier la d marche de tous les Parisiens qui pour leur malheur passeraient devant moi pendant la journ e Et ce jour l je r coltai les observations les plus profond ment curieuses que j aie faites dans ma vie L improvisation passe pour la fine fleur de la musique Lorsque la partition n est pas ni e mais s crit chemin faisant Qui n a aim se perdre dans une ville dans sa propre ville Kierkegaard note que la plus belle nostalgie est celle que l on pourrait avoir du chez soi alors m me que l on y vit Voyager chez soi Banal paradoxe on ne voit que la premi re fois On ne voit qu en tranger En me dirigeant vers Montparnasse je d cidai de me laisser entra ne
8. ou disciplines l cologie urbaine l cologie de la perception Pourtant ce que cette profusion masque et qui est aujourd hui peut tre le plus n cessaire c est une po tique une co ou mieux une g opo tique sensible et large capable de voir et de dire les enjeux du s jour humain en cho entre autre au vers programme de H lderlin L homme habite en po te Nous sugg rions il y a quelques ann es d aborder l cologie de la ville par celle du mouvement urbain La ville disions nous n est pas seulement la matrice ori gine destination des d placements elle en est le milieu au sens fort presque visqueux du terme pour quoi nous avancions le concept d adh rence d un mouvement pour le qualifier non pas dans l absolu mais dans sa relation avec un milieu donn en l occur rence la ville La ville disions nous encore doit tre con ue comme un syst me de mouvements au moins autant que comme un syst me de lieux le trans port tant dans ce dernier cas la cons quence in vi table de la dispersion des lieux La formule qu il serait utile a pr sent d explorer est celle de la ville comme syst me de vision Dans syst me j entends ici d abord diversit admise d sir e voire organis e De m me que syst me de mouvements d signe une ville o toutes les vitesses les lentes de la marche ou du v lo les rapides ferroviaires ou auto routi res ont droit de cit et pe
9. r la d rive de ne pas offrir la moindre r sistance au destin sous quelque forme qu il p t se pr senter Henry Miller Tropique du Capri corne Et encore Je me rappelle maintenant comment le chauffeur se pencha au dehors pour regarder vers le fleuve du c t de Passy Un regard si sain si simple un regard approbateur comme s il se disait lui m me Ah le printemps arrive Et Dieu sait quand le prin temps arrive Paris le plus humble mortel a vraiment l impression qu il habite au paradis Mais a n tait pas seulement cela non c tait l intimit avec laquelle son oeil se posait sur la sc ne C tait son Paris a lui Un homme n a pas besoin d tre riche ni m me citoyen francais pour recevoir cette impression de Paris Paris est plein de pauvres gens le plus fier et le plus cras seux ramassis de mendiants qui aient jamais foul la terre me semble t il Et ils donnent pourtant l impres sion d tre comme chez eux C est ce qui distingue le Parisien de tous les autres habitants de capitales Paul Bowles vient de mourir Il avait quitt l Am rique pour adopter une ville Tanger ou il tait devenu crivain Et son dernier livre s appelle M moires d un Nomade Il n y a pas de paysage urbain comme il n y a pas d environnement urbain sinon du point de vue de quelques dieux souriant ou ricanant au spectacle des villes Les hommes sont dedans Ou ailleurs Mais il y a des images de
10. s m moires des sensations Le mouve ment perp tuel des vivants est truff d arr ts de retours de ralentissements d articulations de points morts de d couvertes et de rencontres Kal idoscope Le collage est l invention artistique des temps modernes comme l huile tait celle de la Renaissance Et qu est ce que le collage sinon un d placement d placement c est aussi l un des termes qu utilise Freud pour d crire la logique du r ve ces transports de mat riaux psychiques hors de leurs contextes Tant que l on marche tant que l on se meut douce ment le paysage se d forme contin ment D s que le d placement est motoris rapide collectif et surtout souterrain ou a rien cela revient presque au m me le paysage n est plus perceptible que par tableaux dis joints aux stases du mouvement Invention de la pho tographie C est le mouvement qui commande l arr t la pose A chaque station une image comme une coupe transversale de la ville sur l axe du mouvement 3 Salut au Passant consid rable dont Isaac Joseph a fait le titre d un beau livre 150 Les ANNALES DE LA RECHERCHE URBAINE N 85 Jouer de la ville comme d un clavier de chacun Mais le mouvement qui hache le paysage est aussi la cin matique qui le recompose sur un autre plan Invention du cin ma chacun son film chacun sa ville selon sa vitesse et sa mani re de bouger Le cin ma est l inverse optique du mouvement
11. uvent s articuler s embrayer d brayer dans des complexes d changes systeme de vision dirait une ville qui per met et incite une multiplicit des modes types et por t es du voir t l et proxi vision Le mot de vision ne me plait qu a moiti trop statique Ne serait ce que pour la consonance avec le voyage je lui aurais bien pr f r celui de voyance Gibson l cologie de la per ception a suffisamment tabli que la vision fig e n est qu un des cas les moins fr quents de la vie perceptive d un tre de locomotion existant r ellement dans un monde Il y a une relation essentielle du mouvoir et du voir On ne voit que parce que et en fonction de la mani re dont on se meut Les points importants d un territoire ses lieux remar quables le sont non pour ce qui y est mais pour ce que l on est capable de voir lorsque l on se tient en ces points et que l on ne voit que depuis ces points Il y a des choses que l on ne per oit que si l on adopte telle ou telle disposition de corps vitesse et point de vue D o le p lerinage forme religieuse du rendez vous o la destination a encore le sens du destin Si l on va en quelque lieu ce n est pas pour le voir mais parce qu un pouvoir y r side nous y attend promet une transmutation Le voyage alors est moins un obstacle que la pr paration rituelle d une rencontre Je me souviens encore de cette r clame d un grand magasin parisien On trouve tout la S
Download Pdf Manuals
Related Search