Troisème entretien avec la Alexandre Jollien sur la
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1. en face d une r alit sans donner l illusion d une ma trise Qu est ce que cela fait d tre r ifi de n avoir pas eu droit la parole J ai l impression qu une id e se formule au cours de nos entretiens privil gier l exp rience v cue de l tudiant et la relire On a parl de supervision Cela implique un engagement personnel une im mersion dans la relation plus qu un statut d observateur distant l eum trie Mais si je comprends bien la m taphore du chemine ment sur la cr te sans corde cela veut dire aussi d viter un bali sage a priori du chemin Prendre le risque d une chute d une er reur Ce n est pas ce que nous demande notre soci t du risque z ro ni d ailleurs les tudiants qui cherchent des guides En somme il s agit d acqu rir une disponibilit int rieure une sou plesse relationnelle qui se d couvre chemin faisant Nous pourrions convoquer ce sujet le terme de vertu chez Aristote L ar t c est l excellence L ar t de l homme c est d tre pleinement humain Primary Care Et l ar t du m decin Sans doute r clame t elle de pratiquer ex cellemment l art m dical Aristote nous donne des pistes C est pr cis ment en pratiquant la vertu qu on l acquiert qu elle s enra cine en nous De m me qu il ne faut pas attendre d tre confiant pour poser des actes de confiance il ne faut pas pr tendre ma tri ser parfaitement la question affective dans la relation th rapeu tique pour s y2. mettre Aristote nous donne aussi d autres outils Il dit que l ar t consiste en une m di t relative nous Autrement dit il s agit d couter la singularit de la situation et d essayer d adopter le juste milieu l quilibre parfait Evidemment sur le che min de la vertu dans la poursuite de cette exigence il peut y avoir des faux pas des rechutes Mais je crois que l origine des erreurs est ici d terminante Je peux paradoxalement me tromper en essayant d tre le plus ajust possible et alors la volont d tre ajust aigui sera ma pratique Je peux aussi me tromper en tant convaincu du bien fond de mes actes Je vous laisse seul juge de la diff rence En outre tre en relation implique une prise de risque Pr cis ment on peut passer compl tement c t de la complexit du pa tient la r duire la m sinterpr ter Si le m decin s est mis en route s il se situe dans une dynamique orient e vers toujours plus d coute et de respect l erreur ici ne me fait pas peur Je pense qu il faudrait que l on creuse pour trouver des outils concrets parce que la probl matique g n rale qui se d gage c est comment enseigner le savoir tre en m decine comment apprendre assumer la com plexit sous ses diff rentes modalit s C est un programme excellent pour la suite De mon c t et avant de trouver les outils j aimerais bien aussi mieux saisir cette id e de savoir tre A suivre PrimaryCa
3. PrimaryProfession Daniel Widmer Primary Care Troisi me entretien avec Alexandre Jollien sur la complexit Dans le premier article A Jollien a d fini la notion de complexit en soi telle qu une description objective peut la mettre en vidence et la complexit pour soi v cue par le m decin et qui n cessite une prise en compte de sa subjectivit Le deuxi me article avait pour th me l empathie qui ne dispense pas d une connaissance de soi on ne peut tre ajust l autre sans l tre soi m me Le regard sur soi ne devrait jamais quitter le praticien La distance th rapeutique La distance th rapeutique c est vous Alexandre Jollien qui avez voulu aborder ce sujet dans le cadre de nos rencontres sur la com plexit pourquoi En tant que patient l institut pour infirmes moteur c r braux comme apr s dans divers cabinets m dicaux la distance th ra peutique m a tour tour bless choqu et intrigu Je pense que ce rapport au patient s il est mal ajust peut faire de terribles d g ts La distance r v le aussi toute la complexit de l art m dical qui ne saurait se r duire une technique d o mon int r t Mais qu appelez vous distance th rapeutique La distance th rapeutique postule qu il n est pas professionnel de se laisser affecter qu une certaine neutralit est de rigueur pour tre un bon praticien Pour moi la distance th rapeutique rel ve de la posture d un com
4. cueille Mais comment cela s enseigne t il J ai vu r cemment des tudiants en m decine qui me disaient qu au d but de leurs tudes ils avaient un rapport libre au patient et que ce rapport en se complexifiant au fur et mesure des tudes risquait de devenir m canique protocolaire Il faudrait que l enseignant n oublie pas l eum trie ce processus autocritique o ce qui est valu c est la distance du th rapeute lui m me Ne r ifions pas la distance th rapeutique pour en faire une simple bar ri re physique entre le m decin et le patient Si distance il doit y avoir c est entre le m decin et le m decin autrement dit entre le m decin et ses r actions ses motions ses r flexes Le danger est je l ai d j dit de r ifier la distance d en faire une attitude passe partout qui nie la fois la singularit du patient et celle du m de cin Car je pr tends que la distance th rapeutique mal interpr t e est pour le m decin un autogoal la personnalit du soignant est ni e car on veut le rendre interchangeable Or l art de soigner met en jeu toutes les facult s du m decin ses connaissances ses com p tences ses intuitions son savoir tre son histoire et sa person nalit C est aussi un autogoal pour le bien tre du m decin si on ne base la relation au patient que sur le plan biom dical et s il y a chec alors tout choue On imagine la douleur qui peut s en sui vre Or la prise en charg
5. e m dicale ne se r duit pas l acte tech nique L eum trie r clame un esprit critique Il ne s agit pas de tom ber dans une attitude fusionnelle mais d tre enti rement pr sent dans la relation sans que l affectivit ne fasse chambre part On est bien nouveau sur une ligne de cr te entre la fusion et l in diff rence La complexit pour soi et ses tensions int rieures ne nous quitte pas Comment mener mes tudiants sur ces sommets Dois je les encorder La distance th rapeutique ne sert elle pas de parachute PrimaryCare 2009 9 n 16 307 PrimaryProfession Surtout pas de corde Je crois que la distance th rapeutique a vinc d autres discussions qui la sous tendent savoir comment le m decin assume son affectivit D s lors la distance th rapeu tique permet de contourner le probl me en projetant sur l ext rieur l origine de son trouble Quand vous dites surtout pas de corde voulez vous lancer les tu diants dans la relation sans leur donner de mode d emploi J ai bien peur qu un certain savoir th orique ne formate la prise en charge m dicale Former sur la cr te ce n est pas acqu rir une ma trise protocolaire de la relation m dicale et f liciter l tudiant qui a tout juste mais le sensibiliser la difficult de l exercice mes yeux le t moignage de patients de victimes de la distance th rapeutique peut tre une excellente catharsis qui interroge l tu diant qui le place
6. portement adopt qui peut oublier la singula rit des deux protagonistes La distance n est pas l d embl e mais le professionnel l impose c est un loignement comme l indique l tymologie Mais comment rester neutre quand on est deux par tager la m me humanit et que l enjeu de la relation est vital et porte sur l intime Un conte de Grimm qui me tient c ur s appelle L cuelle Une famille h berge le grand p re qui mange m me le sol dans une cuelle Il est maltrait Quand il meurt le p re de famille veut jeter l cuelle mais son fils lui r torque ne la jette pas j en aurai besoin pour toi quand tu seras vieux Ce conte invite pratiquer l art de la compassion il rappelle que les hommes parta gent la m me condition Il convie aussi r tablir une certaine ga lit que la distance vince I condamne l abus de pouvoir qui peut subrepticement pervertir les relations humaines Sur le plan de la relation m dicale il est important de ne pas se r fugier dans une asym trie qui opposerait le d tenteur de savoir au patient Cela est non seulement thiquement discutable mais rel ve aussi d un manque de professionnalisme On ne peut pas soigner un tre hu main en mettant entre parenth ses son humanit comme on ne peut pas s approcher de sa r alit en le r duisant une pathologie On soigne un tout En r ponse cela j aimerais voquer Sir W Osler un c l bre pro fesseur de m decine q
7. re 2009 9 n 16 308
8. ui disait ses l ves don t get too in volved If you do a little bit of you will die with each patient Ne comprenez vous pas l id e d Osler qui nous demande de nous pr munir de la souffrance en oubliant que l cuelle sera aussi un jour la n tre Car comment soigner quand on souffre soi m me Lorsque le m decin souffre les malades sont plaindre disait Georges Duhamel Je ne suis pas syst matiquement contre l id e de distance th ra peutique je propose simplement de la revisiter de l int rioriser Lorsque le m decin est esclave de lui et de ses repr sentations quandil est asservi un flot motif effectivement c est l qu il souf fre Mais la r ponse ce p ril int rieur ne passe pas n cessairement par une distance th rapeutique per ue comme une froideur une carapace existe une autre voie Laquelle Pr cis ment je parlerai d eum trie n ologisme que j emprunte Michel Onfray qui d signe la juste distance On peut donc se pr munir du contre transfert de la piti de la souffrance in vitables sans devenir pour autant un pur technicien un prestataire de ser vices La doxa m dicale peut concevoir la distance th rapeutique comme quelque chose de fig alors que l eum trie rel ve du mou vement de l ajustement Chaque jour elle se ren gocie s value On passe d une id ologie qui plaque des m canismes de d fense sur le patient une ouverture la r alit qui l ac
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