Catherine DELMAS - Représentations
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1. existent que par le regard culturel du lecteur capable de les reconna tre et de les identifier L alt rit qu elles introduisent dans le texte renforce paradoxalement le lien culturel et identitaire entre auteur et lecteur partageant le m me savoir la trace est donc un lieu d interpellation des sujets la surface d un texte qui dans la fonction ALTER analys e par Jean Jacques Lecercle Interpretation as Pragmatics 75 est une interface une zone de contact entre Repr sentations Volume 1 septembre 2005 25 Conf rence pl ni re L exploration de la trace dans le palimpseste du d sert Catherine DELMAS auteur et lecteur La trace est galement une interface entre surface et palimpseste un ici et un orient du texte qui invite l exploration pour citer Paul Ric ur propos de l herm neutique Du texte l action 156 Organis es en r seau les traces forment un tissage un enchev trement m lant diff rentes sources elles sont par exemple tr s nombreuses chez Richard Francis Burton qui fait r f rence Lane Burckhardt Ludovico di Bartema Joseph Pitts Giovanni Finati W Muir et des sources arabes telles que Ibn Battuta Ibn Haukal Jalal al Din Histoire de J rusalem Ibn Shaybah Abu Hurayra Ibn Jubayr ou Mohammed of Shirban La multiplicit des traces contribuent l hybridation du texte elles introduisent d autres voix d autres points de vue r v lent des influences et un savoir qui n e2. personnages qui ont perdu tout ancrage sur une surface fragment e et discontinue Le collage la multiplicit des voix narratives et des espaces temps du roman l instabilit des temps grammaticaux une criture rhizomatique qui connecte de mani re h t rog ne et erratique des r seaux de m taphores instaurent tout un syst me de diff rences de traces d un v cu et venir m lant r tention et protention Le texte au bord de l implosion met en rapport m tonymique troit l criture la repr sentation de l espace et la th matique de la guerre Si H rodote nous invite dans les livres IIl et IV des Histoires un voyage sur les limes entre le monde civilis et le monde barbare les limes se d placent chez Ondaatje entre la r alit le mat riau biographique et historique des voyages d exploration dans le d sert libyque et la fiction l histoire et sa r criture l espace textuel et g ographique l identit et l alt rit mais elles nous m nent galement la limite de l criture Ce texte instable mouvant qui m le citations bribes d autres textes par collage oscille entre rep res connus et traces diffuses intertextuelles mn siques affectives D autres traces ont pour effet une exotisation du texte due l alt rit l ailleurs sugg r s par l utilisation et l num ration de termes arabes par exemple le nom des vents l aajej l africo lalm l arifi le ghibli le haboob le harmattan ou encore le
3. Conf rence pl ni re L exploration de la trace dans le palimpseste du d sert Catherine DELMAS L exploration de la trace dans le palimpseste du d sert Catherine Delmas Universit de Savoie Une photographie prise lors de l exp dition men e par Kemal el Dine de 1926 1928 entre Assiout et Dakhla dans la Grande Mer de Sable d couverte dans un ouvrage de Th odore Monod et Jean Fran ois Sers D sert Libyque 1994 et montrant une trace de roues sur le reg rappelle par d placement m tonymique de l espace au texte l affleurement des traces intertextuelles dans le palimpseste qu est l criture du d sert Empreinte qui voque la p rennit ou trace d un passage qui sugg re l absence ce reste laiss par le temps illustre bien la probl matique pos e par la mise en regard de r cits de voyage du XIX si cle et de romans modernes et postmodernes portant sur le d sert libyque ou d Arabie Les traces intertextuelles per ues en tant que signifiants la surface du texte refl tent l mergence d un savoir et contribuent par la filiation des textes et la continuit qu elles instaurent l dification de la culture occidentale et la construction identitaire dans un roman postmoderne tel que The English Patient de Michael Ondaatje ces traces vacillent tissent une trame discontinue et poreuse qui remet en question ce savoir et par l cart qu elles creusent en soulignent les contradictions et la relativit Suivre les
4. da Jacques De la grammatologie Paris Les Editions de Minuit 1967 Marges de la philosophie Paris Les Editions de Minuit 1972 Positions Paris Les Editions de Minuit 1972 Didi Huberman Georges L Image survivante Histoire de l art et temps des fant mes selon Aby Warburg Paris Les Editions de Minuit Enaudeau Corinne L bas comme ici Le paradoxe de la repr sentation Paris Gallimard 1998 Fanon Frantz Peau noire masques blancs Paris Seuil 1952 Foucault Michel Les Mots et les choses Paris NRF Gallimard 1966 L Arch ologie du savoir Paris NRF Gallimard 1969 Frye Northrop Anatomy of Criticism Londres Penguin Books 1990 Korinman Michel et Maurice Ronai Le D sert mode d emploi Aide m moire pour une pist mologie de l aride Traverses 19 Revue trimestrielle du Centre de Cr ation Industrielle Centre George Pompidou 1980 Lecercle Jean Jacques La Violence du langage Paris PUF 1996 Interpretation as Pragmatics Londres Macmillan 1999 Lecercle Jean Jacques et Ronald Shusterman L Emprise des signes Paris Seuil 2002 Marin Louis De la repr sentation Paris Gallimard Le Seuil 1994 Ric ur Paul Du texte l action Essais d herm neutique II Paris Seuil 1986 Sa d Edward W Orientalism New York Vintage Books 1979 Culture and Imperialism Londres Chatto and Windus 1993 The Text the World and the C
5. de de la trace qu elle soit intertextuelle dans le r cit de voyage ou un vestige laiss par l histoire humaine ou g ologique dans le d sert requiert une pr sence celle du regard au pr sent de l observateur lecteur historien g ologue anthropologue et un travail d arch ologie du savoir explorant un d sert et un texte monumentaux Loin d tre fig e l criture du d sert dans les r cits de voyages Le Livre de Burton la Bible du d sert de Doughty selon Lawrence est cependant en proie une continuelle m tamorphose puisque chaque livre r crit le pr c dent compile et ajoute des suppl ments d informations et suppl e au manque de l origine absente Paradoxalement le discours est quant lui monolithique univoque et se perp tue de texte en texte selon un proc d de r p tition et de diff rence comme le laissent entendre les traces discursives dans les textes du XIX si cle qui appellent galement une arch ologie du savoir au sens o l entend Michel Foucault Un des quatre personnages du roman d Ondaatje Alm sy est lui aussi aventurier historien et cartographe il explore le d sert libyque dans les ann es 1930 la recherche des l gendes transmises par H rodote dans les Histoires dont il poss de un volume dans lequel il ins re notes cartes et croquis Les Histoires sont ainsi la matrice dans laquelle s crit une partie de la di g se supplement to the main argument elles invi
6. demi effac e se perd et donne lieu une sorte d obsession de la trace qui se manifeste par la pr sence de l affect la surface de textes qui se veulent objectifs L affect de curiosit li une pulsion de conqu te motivant l exploration du d sert comme l ont soulign Michel Korinman et Maurice Ronai se m le paradoxalement la nostalgie des origines dans un mouvement contradictoire centrifuge et centrip te qui refl te un d sir de Repr sentations Volume 1 septembre 2005 29 Conf rence pl ni re L exploration de la trace dans le palimpseste du d sert Catherine DELMAS contribuer au d veloppement de la science occidentale et un repli sur soi narcissique ou une angoisse Dans le r cit de Gertrude Bell la trace arch ologique est un vestige mort qu elle fait revivre ou parler lors d exp riences quasi hallucinatoires dans un retour de l crit la parole la trace par exemple un sentier aper u dans la montagne track remonte le temps et l histoire humaine a little thread of human history et r v le un d sir de continuit The Desert and the Sown 122 L exploration scientifique se teinte ainsi de nostalgie pour des origines disparues et les affects qui se lisent la surface du texte renvoient souvent un imaginaire mortif re qui semble vouloir annuler ou suspendre le temps La survivance est ici th matique mais galement signe d une anachronie une fa on de d jouer le temps et la m
7. ectiviste Ric ur 201 Bibliographie Corpus Bell Gertrude The Desert and the Sown 1908 Londres Darf Publishers Limited 1985 Burton Richard Francis Personal Narrative of a Pilgrimage to Al Medinah and Meccah 2 vols 1855 Londres Bell 1907 Coetzee J M Waiting for the Barbarians Londres Penguin Books 1982 Doughty Charles Travels in Arabia Deserta 1888 New York Dover 1979 Durrell Lawrence The Alexandria Quartet Justine Balthazar Mountolive Clea Londres Faber and Faber 1957 1958 1958 1960 The Avignon Quintet Monsieur Livia Constance Sebastian Quinx Londres Faber and Faber 1974 1978 1982 1983 1985 Edition compl te 1992 H rodote Histoires Livres III et IV Paris Les Belles Lettres 1955 Lawrence Thomas Edward Seven Pillars of Wisdom 1926 Londres Penguin Books 1962 Repr sentations Volume 1 septembre 2005 31 Conf rence pl ni re L exploration de la trace dans le palimpseste du d sert Catherine DELMAS Introduction Travels in Arabia Deserta de Charles Doughty Ondaatje Michael The English Patient Londres Picador 1993 Thesiger Wilfred Arabian Sands 1959 Londres Penguin Books 1991 The Life of my Choice Londres Harper Collins 1992 Critiques et r f rences Deleuze Gilles Diff rence et r p tition Paris PUF 1972 Deleuze Gilles et F lix Guattari Mille Plateaux Paris Les Editions de Minuit 1980 Derri
8. egistre des ondes de chocs la mani re d un sismographe comme le souligne Didi Huberman dans L Image survivante 123 propos de l historien qui enregistre des ondes image qu emploie galement un personnage de Durrell dans The Alexandria Quartet Repr sentations Volume 1 septembre 2005 30 Conf rence pl ni re L exploration de la trace dans le palimpseste du d sert Catherine DELMAS L criture porte galement les traces ou stigmates de l poque postmoderne la violence la destruction la pulsion de mort et la paralysie et les traces r surgences des violences pass es l histoire est un ternel retour avec une diff rence La trace mn sique ou affective est r v latrice d une subjectivit qui s introduit galement dans les r cits de voyages et d observation qui se veulent objectifs Les affects de curiosit de fascination l enthousiasme ou la terreur trahissent la fois des survivances des fopo v hicul s par les textes sur le d sert et une qu te romantique d absolu de transcendance physique ou spirituelle ou encore une volont de puissance Lawrence Le sublime et le gothique les images d moniques l enfer du d sert et paradisiaques l oasis traduisent ces affects au niveau des modes de repr sentation dans les r cits de voyages L affect est li la fois au culturel comme manifestation d un inconscient collectif qui repr sente l autre par les st r otypes du monstrueux du grotesque du ter
9. gine est impure faite d hybridations et de s diments de strates strates culturelles que l on retrouve dans les r cits de voyages ou strates mn siques et textuelles dans le roman d Ondaatje Le palimpseste du d sert serait ainsi comme chez Warburg une histoire de fant mes de survivances latences revenances m l es au d veloppement plus manifeste des p riodes et des styles Didi Huberman 88 The English Patient est bien une histoire de fant mes non seulement sur le plan de la di g se parce que le personnage d Alm sy est hant par le pass mais parce que le roman se construit en d construisant les valeurs de l humanisme et que l criture spectrale fait remonter la surface du texte les bribes discontinues d une m moire enfouie celle d Alm sy amn sique gisant mort vivant dans une chambre en trompe l il d une villa de la Renaissance Il est cependant pour L vinas cit par Derrida dans Marges de la philosophie 22 une autre m moire inconsciente dont les traces sont celles de l alt rit absolue Dans The English Patient la trace mn sique mais galement affective est la pr sence spectrale d une absence d une perte indicible qui s entredit dans la nostalgie regret diffus d une pr sence pleine La trace est donc la fois pr sence et absence dont on retrouve le jeu ou cart entre les deux notions dans les r cits de voyage La trace dans le d sert vacille elle est parfois
10. ial qui tire des effets po tiques rythme prosodie allit rations chos d un proc d utilis par des textes coloniaux qu il entend d noncer Ondaate est pris au pi ge de la pelote d Ariane clew qui serait ici une m taphore de l affiliation laquelle il ne peut chapper En effet les traces intertextuelles linguistiques et discursives dans les r cits de voyages cr ent un syst me ou r seau de diff rences mais renvoient une identit plus qu une alt rit Les traces consolident et transmettent des connaissances communes collectives sur un territoire et une culture autres Elles contribuent l affirmation d une identit culturelle occidentale qui se construit par rapport l alt rit la diff rence Dans les r cits de voyage du XIX si cle l hybridation Repr sentations Volume 1 septembre 2005 28 Conf rence pl ni re L exploration de la trace dans le palimpseste du d sert Catherine DELMAS instaur e par la trace renvoie au m me c est dire une culture orientaliste Ceci rappelle la notion de survivances survivals tudi es par Didi Huberman chez Warburg L image survivante Il conviendrait d opposer les vestiges arch ologiques g ologiques pigraphiques qu tudient Bell Doughty Lawrence c est dire les restes mat riels d une civilisation gr co romaine ou s mitique disparue mais encore pr sente l tat de traces dans le d sert les empreintes laiss e
11. khamsin le simoom ici l accent est mis sur la prosodie Ondaatje tant po te autant que romancier Cependant l exotisation d un texte qui montre la diff rence linguistique culturelle notamment par l utilisation des italiques est un ph nom ne bien connu des textes orientalistes que sont les r cits de voyage de Burton Bell ou Doughty au XIX si cle Leur but est d crire le grand livre d images de la vie nomade ce qu est l ouvrage de Doughty pour Lawrence Introduction Travels in Arabia Deserta 27 celui du p lerinage La Mecque ou l pop e de la r volte arabe Lawrence et de rapporter par la mimesis les d tails du quotidien et les paroles des indig nes gr n es au cours de la marche Bell pr face The Desert and the Sown IX et au fil du texte L exotisation est une forme d appropriation de l autre de capture et de reterritorialisation la mise en valeur de l autre langue et de l autre culture par les italiques les grands tirets en fait un objet d tude permet l apprentissage d une langue par le contexte l exemple et le glossing l explication dans le texte et hors texte par le glossaire La langue autre se retrouve donc l tat de trace dans le texte la fois trace linguistique vis e p dagogique Doughty ph nom ne de monstration et trace d une rencontre dans les dialogues rapport s L exemple d exotisation de la langue chez Ondaatje r v le ainsi l ambigu t d un roman postcolon
12. met au jour Repr sentations Volume 1 septembre 2005 26 Conf rence pl ni re L exploration de la trace dans le palimpseste du d sert Catherine DELMAS La qu te des traces n est pas seulement la t che du lecteur les crivains voyageurs arpentent le d sert comme un texte en suivant celles de leurs pr d cesseurs un livre et une carte la main Wilfred Thesiger retrouve dans le d sert la trace de T E Lawrence travers l vocation d un paysage Lawrence et Gertrude Bell celles de Charles Doughty Dougthy celles du Suisse Burckhardt Petra Burton celles de Ludovico Bartema Tous expriment le d sir de d chiffrer et de comprendre les traces arch ologiques pigraphiques g ologiques du d sert ainsi qu une nostalgie du Verbe originel qui cr e le monde en le nommant ils sont naturalistes anthropologues et nomment classent cataloguent les choses les humains la faune et la flore dans un r cit qui devient un v ritable mus e Le d sert comme le texte invite une herm neutique pour ces crivains il s agit de d chiffrer l nigme qu il pose les vestiges les inscriptions ou les traces du pass et de remonter le temps jusqu aux origines de l homme et de la Cr ation La trace demande tre analys e v rifi e dans un r cit vis e scientifique qui trouve sa l gitimit dans la preuve et la r futation comme l a soulign J F Lyotard dans La condition postmoderne Tourn e vers le pass l tu
13. ort L autre sympt me de l obsession de la trace dans les r cits de voyages est le d sir de Burton Doughty et Lawrence de laisser une trace la post rit de s inscrire dans l infini du temps autre fa on de l abolir L criture est ainsi suppl ment elle suppl e un manque Lawrence d dicace Seven Pillars of Wisdom un myst rieux ami ou un amant disparu S A dans une pigraphe qui est galement pitaphe sa qu te des origines est d j une qu te int rieure et l histoire de la R volte arabe est confie t il son histoire personnelle Seven Pillars est ainsi un livre monument crit in memoriam L criture ajoute galement elle r pond la qu te d un savoir refl te le d sir de l crivain voyageur de contribuer l avancement du savoir occidental elle ajoute une strate empilement du savoir C est le cas de Burton Bell ou de Doughty L criture r pond ainsi un fantasme de ma trise du savoir Il s agit de r cits qui par la mimesis d calquent le monde veulent tout dire des pays travers s comme en t moignent le nombre de d tails et de digressions dans le parcours du texte et qui souhaitent remonter le cours du temps jusqu aux origines de l criture et de l homme Il est ainsi possible de mettre en relation le d sert monument historique et g ologique dont les voyageurs tudient les vestiges et le r cit de voyage la fois livre monumental par sa taille momument m morial Seven Pilla
14. re possibilit de la parole puis de la graphie Ainsi la trace n est pas seulement la disparition de l origine elle veut dire que l origine n a m me pas disparu qu elle n a jamais t constitu e qu en retour par une non origine la trace qui devient ainsi l origine de l origine De la Grammatologie 90 Ainsi la trace ne se laisse pas r sumer dans la simplicit d un pr sent 97 elle r v le un d sir impossible de retourner au texte originaire unique fondateur La trace est ainsi diff rance tout d abord parce qu elle cr e le sens en introduisant des diff rences sans lesquelles il ny a pas de sens mais elles ne se limitent pas simplement celle qui est introduite par la pr sence de l autre dans le texte ou au sentiment d alt rit cr par la citation de sources orientales dans un texte occidental comme celui de Burton La trace r v le un syst me de diff rences par le dialogisme qui s instaure entre diff rentes voix et diff rents points de vue par l cart temporel qui se creuse entre le texte et les sources la distance qui s pare la repr sentation et l espace que le r cit de voyages tente de circonscrire et de d calquer tracing par la mimesis par une criture qui tente de dire le monde dans sa globalit tentative vaine et fade nous disent Deleuze et Guattari dans Mille Plateaux d un livre miroir du monde que l criture fragment e et rhizomatique d un roman postmoderne tel que The English Patient
15. rifiant et au psychique sympt me de la peur de l autre analys e par Frantz Fanon dans Peau noire masques blancs ou d un malaise On passe avec T E Lawrence un d sert int rieur refl tant une absence et un d sir de spiritualit un d sert endotique plus qu exotique La trace subjective se m le ainsi aux traces linguistiques et discursives qui ancrent le texte dans son contexte culturel historique et politique l orientalisme et r v lent une id ologie dominante La trace est multiple prot iforme r v latrice d une subjectivit et d une appartenance culturelle Elle tisse des r seaux l int rieur d un m me texte et travers les textes Qu elle soit empreinte vestige de l histoire sympt me ou trace ph m re al atoire qui vacille la surface du texte elle est le point d articulation de la probl matique de la pr sence et de l absence de l identit et de l alt rit de l espace et du texte Survivance elle invite l exploration du pass des origines du discours et de la repr sentation Le vacillement de la trace le jeu qu elle introduit ne se trouvent ils pas d j dans la polys mie m me du substantif et du verbe trace en anglais marque trait calque tracing paper ou trac exploration du pass ou de l histoire qu te des origines investigation Indice elle invite le lecteur explorer la surface du texte et d chiffrer l nigme qu il pose dans une approche persp
16. ritic Cambridge Mass Harvard University Press 1983 Sers Jean Fran ois et Th odore Monod D sert libyque Editions Arthaud 1994 Repr sentations Volume 1 septembre 2005 32
17. rs et miroir du monde L criture du d sert est une criture du plein qui masque ou remplit un vide elle renvoie la notion de repr sentation comme pr sentification mais absence de l objet Louis Marin De la repr sentation et s oppose l criture spectrale qui d construit la repr sentation dans le roman postmoderne d Ondaatje Dans les r cits de Burton et de Doughty les signes prolif rent couvrent la page reproduisent par le texte les pas dans le d sert le parcours g ographique et textuel est redoubl par la carte qui donne le trac du p riple l inverse le texte fragment d Ondaatje dont la porosit est transmise par les images r currentes du puits du trou a place of pockets 259 fait chec la repr sentation La carte du cartographe Alm sy se d place et devient un ensemble de traces et de couleurs anonyme sans toponyme sur le corps d une femme qui se fond dans le d sert Le d sert lui m me devient lusif insaisissable a piece of cloth carried by winds 139 un territoire qui chappe la repr sentation et la cartographie Les traces dans The English Patient sont des sympt mes qui affectent l criture chos sonores et visuels syncopes brisures silences bribes ils contribuent la fragmentation d une criture spectrale qui ne d calque plus le monde mais o agissent des traces fantomatiques renvoyant un traumatisme pass la mort la perte L criture d Ondaatje enr
18. s par les pierres ou les voix imaginaires entendues par Bell la lecture d inscriptions sur un rocher et les traces intertextuelles signes d une survivance culturelle et intellectuelle l orientalisme d un style le carnet de route et d un comportement celui du voyageur observateur mu par un d sir de curiosit scientifique La notion de survivance chez Warburg signifie tout d abord selon Didi Huberman disparition dans les limbes de la m moire collective puis r apparition ici il s agit davantage d une continuit d influences sous formes de traces discontinues dans ce que j ai appel le palimpseste des textes sur le d sert La notion de survivance est li e deux autres concepts en rapport troit avec les notions d alt rit et d identit Le premier d j mentionn est celui de la filiation et de l affiliation analys par Edward Sa d dans The Text the World the Critic Le second concerne la r p tition et la diff rence puisque la trace se d territorialise et permet une r criture Ainsi les traces linguistiques et discursives se m lent aux traces g n riques par exemple le roman de chevalerie qui influence le style archa sant de Doughty ou le style pique de Lawrence Dans The English Patient elles contribuent par leur pr sence branler le socle de la culture occidentale lui m me difi sur une base instable les Histoires d H rodote Si Derrida conteste la notion d origine pour Warburg toute ori
19. st pas uniquement occidental Certains y verront au contraire un ph nom ne de capture et d appropriation des connaissances orientales par un crivain orientaliste dont le r cit tait destin un lectorat britannique ce que Michel Korinman et Maurice Ronai ont appel le rapport endotique de l homme au d sert lorsque le voyageur se fond parmi les indig nes pour mieux s approprier leurs connaissances Le d sert mode d emploi 81 Tel tait effectivement le cas de Richard Francis Burton Charles Doughty Gertrude Bell et Thomas Edward Lawrence des fins scientifiques le voyage d anthropologie la recherche arch ologique et l tude g ologique ou militaires Ces traces affleurent la surface du texte mais renvoient paradoxalement une origine des textes faisant de l criture du d sert un palimpseste qui accumule des strates La trace intertextuelle est donc partie d un tout partie pour le tout forme de synecdoque puisque la r f rence se donne pour l uvre ou l auteur et que la trace renvoie l empilement d un savoir La qu te des sources est sans fin un texte menant toujours un autre si l on suit le fil d Ariane Ariadne s clew clew la pelote de fil qui rec le aussi l indice clue qui devrait mener l origine des textes Or l origine de l criture est comme l a montr Derrida un mythe Il n y a pas d origine de l criture mais seulement une archi criture ou une trace qui est selon lui la premi
20. tent galement une autre lecture de l histoire Bien que cet ouvrage soit consid r comme le r cit fondateur de l histoire occidentale le texte est mouvant instable car il est un tissu d observations de faits de l gendes et de contes merveilleux Le choix de cet intertexte qui appara t l tat de traces diffuses parses dans le roman d Ondaatje en contrepoint avec d autres r f rences intertextuelles Tacite ou Tite Live introduit la multiplicit et la relativit et sape ainsi les certitudes du savoir occidental et l autorit d un discours univoque et fig Ondaajte offre ainsi une r criture de l histoire un suppl ment l argument principal dans une double perspective postmoderne et postcoloniale lorsqu il introduit le personnage de Kip qui appara t dans le roman comme sorti du roman de Kipling Kim Cet hypotexte tisse un r seau de traces la surface du texte allusions citations commentaires qui proposent une autre lecture la fois l interpr tation qu en donne Kip soldat indien au service de l empire britannique et que Hana inscrit la marge d un texte et une lecture d un texte poreux et fragment with gaps in the plot The English Patient 7 qui se fait parcours errance au gr des Repr sentations Volume 1 septembre 2005 27 Conf rence pl ni re L exploration de la trace dans le palimpseste du d sert Catherine DELMAS m taphores qui se r pondent en chos l instar des
21. traces intertextuelles dans les r cits de voyage ou de fiction prenant le d sert libyque ou d Arabie comme objet de repr sentation ou lieu de projection des fantasmes espace r f rentiel ou figural permet de confronter les genres le r cit de voyage le journal le roman l autobiographie le r cit historique l essai et de remonter le cours de l criture partir du d sert all gorique de J M Coetzee dans Waiting for the Barbarians du roman postmoderne d Ondaatje The English Patient des romans de Lawrence Durrell The Alexandria Quartet The Avignon Quintet jusqu aux r cits de voyage du XIX si cle dans un parcours des textes rebours L intertextualit tisse un fil continu celui de la filiation et l tude des sources m ne le lecteur d un crivain un autre vers deux textes essentiels fondateurs de la culture occidentale H rodote et La Bible mais elle se pr sente galement comme un tissu discontinu puisque la forme de l intertextualit est la trace qu elle soit explicite par la r f rence un auteur un titre une citation ou implicite lorsque des citations sans r f rences comme dans le r cit de R F Burton Personal Narrative of a Pilgrimage to Al Medinah and Meccah s adressent au lecteur rudit Dans le roman d Ondaatje la trace tend m me s effacer lorsque l allusion l emprunt se fondent dans l hypertexte par un proc d de r criture Pr sence de l autre dans le texte de l un ces traces n
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