tous fous ? - Femme Majuscule
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1. in vitables preuves qui vont fa onner l tre humain le structurer comme des souffrances que nous sommes aptes d passer gr ce nos ressources personnelles mais comme des patholo gies des d viances les sympt mes d une psychologie d r gl e De la m me ma niere les motions et sentiments hu mains un peu forts de la col re la tris tesse de l exaltation au coup de blues sont consid r s comme des exces troubles et dangereux constate Mathieu Bock C t sociologue qu b cois Peu peu s est en effet impos e dans notre monde une nouvelle conception du bonheur et d une vie normalement heureuse finalement assez fade sans hauts ni bas sans asp rit sans vague Qui y d roge se voit appr hend avec m fiance et suspicion et assez rapide ment marqu du sceau de la folie Les diff rentes institutions et pratiques r gulatrices notamment l glise les par tis politiques la morale qu on pourrait dire petite bourgeoise s tant d compo s es ila fallu trouver d autres moyens de r guler les passions et bouillonnements propres la nature humaine La m dica lisation des motions et leur r gulation pharmaceutique en est un tr s efficace Gr ce aux m dicaments on ram ne les individus d viants dans le rang on les am ne adopter les codes de la normalit ordinaire note le sociologue Les laboratoires pharmaceutiques et les volutions2. gent la collectivit On leur donne des offrandes de l argent et manger on n a pas peur d eux DANS D AUTRES CULTURES _ LA SCHIZOPHR NIE OU LA D PRESSION N EXISTENT PAS MARIE ROSE MORO PSYCHIATRE TRANSCULTURELLE ET PSYCHANALYSTE Et la d pression est elle universelle Non plus En Afrique par exemple quelqu un qui a perdu le go t de vivre n est pas diagnostiqu d pressif On consid re seulement qu il n est plus pareil qu il a connu une rupture Avant il tait capable de travailler de s occuper de ses enfants maintenant il ne l est plus Et en g n ral deux grandes hypoth ses sont avanc es pour expliquer la rupture de son lan vital soit ce sont les esprits qui sont venus le changer soit il a m content ses anc tres qui se vengent Donconne lui donnera aucun m dicament mais on lui conseillera pour gu rir d aller honorer les esprits o de s occuper de ses anc tres Certains troubles mentaux sont ils sp cifiques certaines r gions du monde Oui ce sont les culture bound syndromes ou syndromes li s la culture On peut citer le koro observ principalement en Asie Des hommes persuad s que leur p nis est en train de se r tracter s attachent des objets au sexe Ou encore lamok une maladie d crite dans un roman de Stefan Zweig essentiellement rep r e en Asie un homme est subitement atteint d une folie meurtri re E
3. en nuyeux prise de poids importante pro bl mes d hypertension et cardio vascu laires etc Cela entra ne galement une forte stigmatisation rarement positive une modification du regard des autres sur soi De l peuvent d couler des sou cis professionnels conjugaux m me parentaux il arrive qu on retire la garde de son enfant un parent dia gnostiqu comme souffrant d un trouble mental d crit le Dr Patrick Landman ce r gime celui qui tait tout fait sain d esprit avant que le diagnostic soit pos peut bel et bien devenir fou Je suis m decin et ce titre je ne suis absolument pas contre les m dicaments De m me que je ne nie pas qu il existe de vrais hyperactifs de vrais bipolaires de vrais schizophrenes Je d nonce simple ment le fait que l utilisation massive du DSM par une majorit de psychiatres et surtout par les g n ralistes qui voient la un mode d emploi simple et efficace a leur d charge ils n ont souvent que sept huit minutes pour s occuper d un patient cr e norm ment de faux malades mentaux et de fausses pid mies poursuit il R sultat des personnes traversant un petit moment d pressif sont soumises aune artillerie m dicamenteuse lourde alors qu elles auraient peut tre sim plement besoin d tre cout es D autres qui il faut simplement un peu de temps pour effectuer le travail psy chique indispensable apr s un d
4. soci tales responsables de cette fabrication des nouveaux fous des temps modernes certes mais nous dans tout a N avons nous pas aussi notre part de responsabilit Probable ment Nous sommes tous des pions de ce syst me Prenons l exemple de la mul tiplication des diagnostics d hyperacti vit Le fait que des enfants reconnus hyperactifs soient trait s avec un m di cament qui les calme arrange tout le monde les enseignants devant g rer des classes effectifs normes avec peu de moyens et les parents parfois compl te ment d bord s par leur enfant agit note C dric Morin gt 4 O o Q7774 4 Les grandes maladies mentales existent elles partout dans le monde Non absolument pas Prenons l exemple de la schizophr nie Dans les pays occidentaux on la consid re comme une pathologie lourde on la traite par hospitalisation des m dicaments puissants voire des lectrochocs Dans d autres cultures notamment en Inde cette maladie n existe pas Certes on observe des personnes ayant des sympt mes similaires qui se retirent du monde quittent leur famille leur travail dialoguent avec des tres ou des choses que les autres ne voient pas Mais on ne les consid re pas comme des fous ayant des hallucinations on estime que ces retirants ont une fonction dans la soci t par exemple qu ils parlent invisible et ainsi prot
5. S FOUS PARTOUT N EST PAS LUI MEME SUR LA PENTE DE LA FOLIE Par Isabelle Gravillon Illustrations G rard Dubois Costume 3 pi ces pour Femme Majuscule LES LABOS EN PREMIERE LIGNE Comment en est on arriv voir des fous partout Pourquoi les comporte ments un peu bizarres que l on re marquait peine autrefois sont ils devenus ce point suspects et insup portables Les explications sont vi demment multiples Mais commen ons par l influence de ce fameux DSM Au moment de sa cr ation dans les an n es 1950 son objectif tait int res sant permettre aux psychiatres du monde entier d avoir un langage com mun de mettre le m me nom de mala die mentale sur les m mes sympt mes Il est impossible de donner une d fini tion pr cise de ce qu est un trouble men tal d appuyer son diagnostic sur des criteres totalement objectifs comme un QU S taux dhormone dans le sang une radio ou une image c r brale On ne diagnos tique pas une schizophr nie comme du diab te On doit se contenter d une ob servation clinique du patient videm ment empreinte de subjectivit ex plique Patrick Landman psychiatre et psychanalyste l un des auteurs de lini tiative Stop DSM L id e du DSM tait donc de rationaliser les diagnostics en partant de choses tres simples c est a dire en d finissant des normes de com portement Si on observe telle intensit de comp
6. SOMMES N TOUS FO KL Vous tes encore affect e deux se maines apres le d c s d un proche Vous pr sentez un trouble d pressif majeur Vous tes gourmande et ne pou vez rester une semaine enti re sans craquer pour votre tartelette au choco lat pr f r e Vous tes atteinte d un trouble mental nomm l hyperphagie boulimique Vous avez des sautes d hu meur au cours de votre cycle C est un syndrome dystrophique menstruel autrement dit un trouble d pressif Un enfant de 6 ans se met souvent en co l re Le voila fich comme souffrant d un trouble de d r gulation dit d hu meur explosive H las non ce n est pas une plaisanterie mais ce qu on peut lire dans la derni re version du DSM Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ta blie par l Association am ricaine de psychiatrie parue en mai 2013 et utili s e partout dans le monde Depuis la premi re version de cette bible de la psychiatrie en 1952 le nombre de mala dies mentales a t multipli par cinq Le DSM 5 en recense aujourd hui plus de 350 En s appuyant sur cet inven taire on peut consid rer que 50 des Am ricains et pres de 40 des Euro p ens souffrent de troubles mentaux UN PEU TROP TRISTE UN PEU TROP JOYEUX UN PEU TROP COLEREUX IL N EN FAUT PARFOIS PAS PLUS POUR ETRE DIAGNOSTIQUE COMME SOUFFRANT D UN TROUBLE MENTAL A SE DEMANDER SI NOTRE MONDE QUI VOIT DE
7. TISTES ALORS QU ILS NE LE SONT PAS CATHERINE VANIER PSYCHANALYSTE Que dit le DSM propos de l autisme Il a tellement largi les crit res de diagnostic que de nombreux enfants se retrouvent aujourd hui tiquet s autistes alors qu ils ne le sont pas Sous la banni re du TSA trouble du spectre autistique nouvelle terminologie employ e dans la derni re version du DSM sont rang s l autisme typique le plus grave mais aussi toutes sortes de nuances allant jusqu l enfant timide qui a du mal tablir des contacts avec les autres se faire des copains et ne r alise pas toujours l effet que peut produire ce qu il dit ce train l certains enfants pr coces risquent d tre d clar s autistes car ils ont effectivement des probl mes d int gration scolaire quand ils ont saut plusieurs classes ne serait ce que par la diff rence d ge qui les isole forc ment 70 FemmeMajuscule MAI JUIN 2014 N 20 Quelles sont les cons quences de ce sur diagnostic En cr ant cette immense enveloppe qui inclut diff rents probl mes les auteurs du DSM ne se rendent pas compte des ravages que le mot d clenche chez les parents L autisme a encore l image d une maladie gravissime avec des enfants totalement coup s du monde ne pouvant apprendre l cole les parents qui vous dites que leur enfant en est atteint imaginent d embl e que sa vie s arr
8. euil en sont emp ch es parce qu on leur a pres crit sans attendre des antid presseurs Que leur arrivera t il le jour o elles devront renoncer cette b quille chimique Toute la souffrance non pens e non labor e leur reviendra la figure tel un boomerang Et l pour le coup elles risquent de faire une d pres sion gravissime Outre le fait que bon nombre de per sonnes sont ainsi mal soign es et mal prises en charge nous sommes en train de nous construire un futur peu ra dieux En m dicalisant ainsi les mo tions et pulsions nous mettons en place un syst me qui carte les temp raments les plus marqu s les personnalit s les plus affirm es souvent aussi les plus cr atives force de normaliser dans le mauvais sens du terme on cr e un monde fade et terne On assiste a un re fus des existences se situant aux marges qui incarnent pourtant d autres possibi lit s de la libert humaine Les margi naux les excentriques les emp cheurs de rationaliser en rond sont la pour nous rappeler que d autres vies sont pos sibles constate Mathieu Bock C t Si l on avait envoy chez le m decin des Churchill ou des de Gaulle pour cause de caract re un peu trop bien tremp peu probable qu ils auraient uvr au service du bien commun Gardons en t te que certains peuvent avoir besoin de sortir de la stabilit et de la norma lit pour trouver leur v rit Ils ne so
9. le la normalisa tion d une tendance culturelle de ailn fond Un article paru en janvier dernier dans Le Figaro sous le titre Les failles psychiques des humoristes est cet gard r v lateur et nous en dit long sur notre poque On y apprend que selon une r cente tude britannique les ac teurs notamment comiques pr sente raient des traits de personnalit habi tuellement associ s des troubles psychiatriques Les qualit s cr atives qui g n rent l humour ressemblent de mani re frappante au style cognitif des personnes schizophr nes et bipolaires explique Gordon Claridge coordina teur de l tude men e au d partement de psychologie exp rimentale Oxford Porter sur le monde un regard charg de d rision serait donc devenu un signe de folie ou de quasi folie dans notre poque moderne Toute soci t construit sa propre d fini tion de la normalit c est ce qui lui per met par opposition de rep rer ceux qui nerentrent pas dans les crit res de cette normalit En d autres termes les anor maux les fous Nous assistons au jourd hui un r tr cissement de cette d finition de la normalit ce qui en exclut de plus en plus de gens et les propulse dans le camp des malades souffrant dun trouble mental D sormais les difficult s naturelles de la vie deuil maladie rup ture amoureuse etc ne sont plus pen s es comme d
10. n Am rique centrale il existe le b a qui touche les adolescents Quand lun d eux est atteint il se met courir se dirige vers la demeure d une fille s il est un gar on d un gar on si c est une fille ou d un jeune du m me sexe s il y a une probl matique homosexuelle sous jacente et prof re des menaces En g n ral la personne qu il a menac e tombe elle aussi malade quelques jours plus tard Ce sont en effet des pid mies collectives Auteure d Enfants de l immigration une chance pour l cole d Bayard N 20 MAI JUIN 2014 FemmeMajuscule 69 Un enfant sur cent est aujourd hui diagnostiqu autiste en France contre un sur dix mille dans les ann es 1950 Comment expliquer cette explosion Tout simplement par des faux diagnostics L autisme n tant pas une maladie contagieuse qui s attrape on ne peut raisonnablement penser qu une pid mie s est abattue sur le monde Alors que s est il pass Pendant longtemps dans notre pays n ont t d clar s autistes que des enfants pr sentant un ensemble de troubles tr s lourds notamment une absence de langage des crises d angoisse monumentales d s lors que survient un changement ou qu une personne essaie d entrer en contact avec eux Et puis la France s est entich e des classifications am ricaines sp cialement du DSM Et l tout a bascul DE NOMBREUX ENFANTS SONT TIQUET S AU
11. nt pas fous pour autant 1 Auteur de Jristesse business Le Scandale du DSM 5 d Max Milo 2 d de La Martini re
12. ortement pendant telle dur e cela correspond telle pathologie poursuit il Une d marche de rationalisation utile pour permettre aux chercheurs du monde entier de travailler ensemble Indispensable aussi pour mener des tudes pid miologiques et tablir des statistiques Mais une d marche qui d s le d part portait en elle les germes de ses futures d rives La philosophie profonde des r dacteurs du DSM d s l origine et de plus en plus au fil des di tions est en effet de consid rer qu un PO os trouble mental est une maladie orga LL er O d nique c est dire li e un dysfonc E er itai A tionnement c r bral Et que le contexte dd res l histoire personnelle du patient e de 7 LE ee COTES CSALT LU Dar nn N 20 MAI JUIN 2014 FemmeMajuscule 67 KD ee ce qu il a v cu jusque l n ont au cune influence sur sa pathologie partir de la la conclusion en tirer est claire m me si le DSM ne l exprime pas explicitement une maladie organique cela ne se soigne pas avec de la parole mais avec des m dicaments insiste Patrick Landman Et c est la sans doute que l on trouve une des explications l explosion du nombre de troubles mentaux Plus il y a de maladies mentales soigner plus les laboratoires pharmaceutiques peuvent mettre de nouveaux m dicaments sur le march et en vendre De l dire que les repr sentants des industries phar maceutiques se
13. sont rapproch s des r dacteurs du DSM pour tenter de les influencer et leur sugg rer de nouvelles pathologies inscrire dans leur bible il n y a qu un pas Selon une enqu te publi e en 2006 dans la revue am ri caine Psychotherapy and Psychosoma tics plus de la moiti des 170 membres des comit s d experts du DSM b n ficient de contacts troits avec ces indus triels sous forme de d tention d un bre vet de droits d auteur d actions d honoraires C est m me le cas de la totalit des membres du groupe de tra vail d di aux troubles de humeur ou encore de celui qui se consacre la schi zophr nie et aux d sordres psychotiques Sans grande surprise les commissions ou les conflits d int r ts sont les plus nombreux correspondent aux patholo gies pour lesquelles des traitements m dicamenteux sont le plus massive ment prescrits d crit C dric Morin journaliste d investigation auteur de Comment les labos nous rendent fous LE R GNE DE LA NORMALITE ORDINAIRE Se contenter de crier haro sur les r dac teurs du DSM et les laboratoires phar maceutiques serait un peu court et pas tout fait honn te Ils ne sont pas les seuls responsables de cette m dicalisa tion du moindre comportement un tant soit peu hors normes Ils n ont m me sans doute fait que s engouffrer dans une br che ouverte par les volutions de notre soci t ils ont su profiter d un air du temps favorab
14. te l que son avenir est extr mement limit Avoir des parents ce point t tanis s par la peur n aide pas enfant progresser malgr son trouble quel qu il soit Vient de publier Autisme comment rendre les parents fous en collaboration avec Bernadette Costa Prades d Albin Michel eee Insatisfaits de leur vie baignant dans un mal tre diffus certains d entre nous sont tr s rassur s quand on leur annonce un diagnostic tout psy chiatrique qu il soit Ah c tait donc a je souffre de tel trouble au nom savant qui m emp che d tre heureux Au lieu de r fl chir sur soi m me pour com prendre son propre temp rament ses d sirs ses limites on trouve une solution beaucoup plus simple Voil ma maladie et le m dicament miracle qui va me soi gner Il y a la une forme de faillite de la r flexion personnelle une d mission de l intelligence de soi regrette Mathieu Bock C t C est tout fait net on ob serve aujourd hui une moindre tol rance de la plupart des individus a la souf france psychique confirme le Dr Landman LES FAUX FOUS PAIENT L ADDITION Diagnostiquer tort une maladie men tale n est pas sans cons quences d abord pour les principaux int ress s tre tiquet bipolaire d pressif ou hyperactif alors qu on ne l est pas conduit a consommer des m dicaments de fa on durable pour rien en subir les effets secondaires parfois tr s
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