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1. tude de la pr face Relevez dans cette pr face 1 Les indications de mise en sc ne donn es par Jean Genet concernant le d cor l apparence des acteurs et leurs costumes le jeu des acteurs 2 Les remarques plus g n rales sur la pi ce et sur le th tre 3 Les termes ou expressions employ s par Jean Genet pour pr senter ces informations partir des l ments relev s r pondez aux questions suivantes 1 Pour les diff rentes indications concernant la mise en sc ne voqu e par Jean Genet dites en quoi elles compl tent et clairent le sens de la pi ce Montrez en relevant des exemples pr cis dans le texte comment certains aspects relatifs ces indications sont mis en oeuvre dans les paroles des personnages et dans les didascalies 2 Faites une recherche concernant pidaure Que veut dire Jean Genet dans ce paragraphe 3 Expliquez en quoi l oeuvre de Jean Genet est un conte selon lui Comment cela appara t il dans la pi ce 4 Commentez la mani re dont Jean Genet propose ces indications Comment concoit il le r le du metteur en sc ne et la place de l auteur 5 Comment Jean Genet concoit il le th tre Expliquez 6 La mise en sc ne de Jacques Vincey vous semble t elle respecter les indications donn es par Jean Genet dans sa pr face 18 propos de Comment jouer Les Bonnes Comment jouer Les Bonnes le texte de la pi ce commence par un pr tendu mode d emploi2. MCE Les Bonnes lt de gt Jean Genet lt mise en St ne gt Jacques Vincey j z A a m P 0 ri O O m Jq m o MR e C Uu lt LU CT aa 74 U H a 1 i nn D m ost RR 24 fU VT wg Taf mg C ANA a o 2 Pn i E Eoo me re M P 1 m 2 ee E a n c B a e i z o er 4 TE E E Ww CN gt w lt BL D cp Wood MC2 Grenoble lt Contact gt S Gouard ale shine MEETS DT 04 76 00 79 22 Emm jd muxo EE Aller loin Projection lundi 5 mars 19h30 Salle Juliet Berto En collaboration avec la cin math que de Grenoble Projection du film Jean Genet le contre exemplaire de Gilles Blanchard Table ronde mardi 28 f vrier 18h30 MC2 Salle Vid o Une conscience monstrueuse de la domesticit Table ronde anim e par Anne Meunier avec Claude Coste professeur de litt rature l universit Stendhal Albert Maitre praticien de la psychanalyse et Jacques Vincey Sommaire L auteur et son ceuvre Argument de la pi ce L affaire des soeurs Papin Le spectacle Le metteur en sc ne Jacques Vincey Note d intention Les com diennes Activit s p dagogiques Comment jouer Les Bonnes pr face de Jean Genet tude de la pr face propos de Comment jouer Les Bonnes Pistes de lecture tude de trois moments cl s de la pi ce Ma tres et valets P
3. Les gants de caoutchouc deviennent des objets liturgiques et l inverse on crache sur la robe de parade Naturellement la sexualit est la fois sublim e et sordide c r monieuse et crue Le drame des Bonnes peut se lire comme une m taphore de la sexualit II peut donc se lire comme une m taphore du th tre lui m me jeu perp tuel de l autre lieu de toute ali nation 23 tude de trois moments cl s de la pi ce L enti Elle comporte cinq phases 1 Avant le jeu se pr pare ici l entr e en sc ne de Solange dans le r le de Claire 2 Le d but du jeu madame est hautaine et agressive Claire est soumise puis rebelle 3 La rupture d illusions le jeu a d rap et Claire attaque Solange 4 La reprise du jeu le jeu se fait doublement agressif Madame attaque les bonnes et elle m me 5 Rupture et reprise moment tr s intense entre rotisme et distance Avant le jeu Claire tutoie Solange Entre agressivit dominatrice et complicit sarcastique c est le discours de madame sa bonne Solange devient Claire et Claire joue madame On passe alors au vouvoiement En appelant Solange par son nom et en la tutoyant nouveau Claire brise l illusion D j les deux femmes ne contr lent plus tout fait le jeu mortel qu elles jouent Puis madame perce jour les bonnes et l impitoyable lucidit de madame alimente la haine que Claire voue sa soeur Lorsque le jeu reprend letutoiement dem
4. est enseveli au vieux cimeti re espagnol de Larache au Maroc Argument de la pi ce Les Bonnes a t mise en sc ne par Louis Jouvet et pr sent e pour la premi re fois en avril 1947 au Th tre de l Ath n e La pi ce a t mal accueillie sa cr ation la repr sentation n a pas t applaudie et le metteur en sc ne s est fait violemment critiquer Ce ne sera pas la derni re fois La Bataille des Paravents pi ce crite en 1961 sur le th me de la guerre d Alg rie et repr sent e en 1966 au Th tre de l Od on par la Compagnie Renaud Barrault restera dans l histoire Les deux bonnes sont Claire la petite soeur qui semble plus r volt e excit e l id e de dominer son a n e dans le r le d assassine 6 et Solange l a n e qui para t plus r serv e inqui te sur le comportement r volt de sa s ur bien qu elle y participe activement Elles travaillent pour une riche femme avec qui elles entretiennent une relation assez floue Les deux bonnes s habillent m me avec les robes de leur ma tresse nomm e madame lorsque les personnages m langent leurs r les Ils perdent compl tement leurs sens quand Claire joue le r le de monsieur et Solange celui de madame dans une sc ne d crivant les bats du couple Un peu plus t t Claire entendez l action conjugu e Claire Solange avait r dig une fausse lettre de d nonciation afin de faire emprisonner l amant de madame nomm monsieur Les
5. Ange des peupliers de J P Milovanof mise en sc ne Laurence Mayor 1997 II ne faut jurer de rien d Alfred de Musset mise en sc ne Yves Beaunesne Th tre Vidy Lausanne Au cin ma elle a tourn sous la direction d Alain Cavalier dans Th r se prix du jury au festival de Cannes en 1986 et avec Pascale Ferran pour Lady Chatterley C sar du meilleur film 2007 ainsi qu avec Romain Campillo 13 Catherine Corsini Sophie Filli res 2001 2002 Le Balcon de Jean Genet mise en sc ne J Boillot Le Caf de Rosa d apr s M Cohen mise en sc ne C Garc a Fogel Rebetiko d une Gr ce l autre mise en sc ne A Dimitriadis 2000 Nuit d orage sur Gaza de et mise en sc ne Jo l Jouanneau Le Th tre Ambulant Chopalovitch de L Simovitch mise en sc ne Christophe Rauck 1999 Le roi errant de Shakespeare mise en sc ne C Garc a Fogel 2004 2005 Le Belv d re d d n von Horv th mise en sc ne Jacques Vincey La M re de Stanislaw Ignacy Witkiewicz mise en sc ne Marc Paquien Prix de la Critique 2004 Meilleure Com dienne Derniers remords avant l oubli de Jean Luc Lagarce mise en sc ne Jean Pierre Vincent 2002 Nannie sort ce soir de Sean O Casey mise en sc ne Marc Francois La prochaine fois que je viendrai au monde de Jacques Nichet mise en sc ne Jacques Nichet Th tre Vidy Lausanne 2001 Rixe les Gnoufs Sortie de th tre un soir de pluie de Jean Claude Grumberg mise en sc ne Muriel Mayette 200
6. Jacques n est pas un valet r volutionnaire m me s il est au contraire assez conformiste Restons comme nous sommes nous sommes fort bien tous les deux il n en demeure pas moins que la relation qu il entretient avec son maitre est r v latrice de l volution des mentalit s et de la soci t au XVIII si cle En effet Diderot propose un nouveau type de relation entre le ma tre et le valet relation plus cordiale plus humaine relation compl mentaire chacun doit tre l coute de l autre respecter l autre puisqu ils sont indispensables l un l autre Bien plus qu un exemple travers Jacques et son ma tre Diderot invite le lecteur r fl chir sur la relation de d pendance en g n ral Chacun a son chien d clare Jacques pour exprimer le besoin que chacun a de dominer de commander un autre Ainsi est pos le principe qui r git la hi rarchie sociale et qui la justifie Le ministre est le chien du roi le premier commis est le chien du ministre et il conclut que c est finalement toujours la loi du plus fort qui r git les relations entre les hommes Les hommes faibles sont les chiens des hommes fermes Au XIX si cle si l on excepte Ruy Blas de Victor Hugo o les r les tendent s inverser le r alisme et le naturaliste mettent l accent sur des personnages d vou s jusqu l abn gation On retiendra particuli rement F licit Un c ur simple Gustave Flaubert la Grande Nanon Eug nie Gran
7. aux moeurs et pornographie il d laisse alors la prose pour le th tre Il est jou par quelques uns des plus grands metteurs en sc ne de l poque 5 Ainsi Le Balcon dont la premi re version date de 1956 est cr en anglais par Peter Zadek en 1957 Peter Brook cr e la premi re version en fran ais au th tre du Gymnase en 1960 Genet y donne dans le lieu clos qu est le bordel une image sans fard de la soci t l v que le juge le g n ral face la r volution se montrent tels qu ils sont des pantins des r les Les Bonnes inspir e tr s librement du fameux crime des soeurs Papin dans les ann es 1930 comportent aussi deux versions 1947 1958 mises en sc ne par Louis Jouvet l Ath n e en 1947 par Tania Balachova la Huchette 1954 par le Living Theatre Berlin 1965 Les N gres 1958 est cr par Roger Blin en 1959 au Th tre de Lut ce Les Paravents publi e en 1961 est cr e en allemand par Hans Lietzau Berlin puis mis en sc ne par Roger Blin au Th tre de France en 1966 provoquant un norme scandale dans une France encore traumatis e par la guerre d Alg rie Trois textes balises Comment jouer Le Balcon 1962 Comment jouer Les Bonnes 1963 Lettres Roger Blin en marge des Paravents 1966 apparaissent comme les textes th oriques majeurs du th tre contemporain Genet y analyse sa conception du th tre comme m taphore vertigineuse de la vie et de la
8. l analphab tisme mais bien sur cette oppression d une classe qui a le pouvoir d imposer une place et qui tombe sur une marginale qui ne peut visc ralement pas s y conformer La t l vision neutralise les antagonismes id al la port e de chacun culturel et narcissique chez les Leli vre fusionnel pour Sophie qui face l cran semblant l englober comme un cocon foetal jouit enfin d un monde o le visible cesse de la pers cuter de la disqualifier et lui donne une place Ces moments d intimit hypnotique ont le m rite de renouveler les th ses sur le petit cran il est clair que si tout le monde restait devant le petit cran on viterait ici une sanglante tuerie Bibliographie Fr d ric Strauss Les Cahiers du Cin ma n 494 septembre 1995 31
9. l apparence de madame Claire ressuscite pour mettre en sc ne le d nouement du drame Elle pousse Solange au meurtre Solange finira par ob ir Claire et sa propre pulsion fratricide Elle empoisonne Claire comme pour mieux la porter en elle C est un lien vertigineux entre an antissement et gestation la perfection de l inceste est accomplie travers la mort Vers dans le service le plus pr cieux le tilleul empoisonn joue son r le artificiel et permet Claire de voler madame sa mort et sa phrase Solange a donc fini par se laisser faire Claire par se laisser an antir C est dans une douceur terrible un meurtre violemment rotique Cette fin est un triple chec La vraie madame n est pas morte au contraire elle est sauv e Claire s est suicid e et Solange est promise l chafaud Mais c est aussi une victoire car Solange entrera dans la l gende noire des criminels exemplaires travers cet acte ambivalent Claire a offert Solange la plus grande chance de devenir reine du mal selon la vision de Genet Selon la n tre elle lui a fait commettre un meurtre sordide Comme elle les avait priv es d tre madame a frustr les bonnes de sa mort et d natur le sens de leur acte Objectivement leur d sir s est retourn contre lui m me La pi ce culmine en un avortement L uvre s est d truite elle m me Rien d autre ne s est lib r ici que les puissances mortelles de l imaginaire Les bonnes v
10. le nom des soeurs Papin sont deux employ es de maison auteurs du double meurtre de leurs patronnes Le 2 f vrier 1933 la police du Mans d couvre le cadavre de madame Lancelin et de sa fille frapp es coups de marteau et de couteau Tr s vite Christine et L a Papin les deux bonnes au service des Lancelin avouent ce meurtre particuli rement odieux Acte de folie ou tragique illustration de la lutte des classes Les deux bonnes taient elles victimes de mauvais traitements Les enqu teurs ont cherch en vain comprendre les motivations des deux s urs Ce fait divers tragique qui deviendra l affaire Papin avec le proc s des domestiques mod les a veill l int r t de la France enti re des couches populaires aux milieux litt raires et intellectuels parmi lesquels 7 les surr alistes qui sont fascin s par ce double meurtre et le jeune Jacques Lacan qui d veloppe le th me de la psychose paranoiaque dans Motifs du crime paranoiaque le double crime des soeurs Papin r futant la conclusion de l expertise psychiatrique judiciaire Cela dit cet engouement s est plus apparent une excitation g n ralis e les uns exigeant la mise mort les autres niant la singularit de ce crime ou au contraire vantant sa valeur de transgression et soulevant la question de l exploitation des classes laborieuses L affaire a inspir par la suite de nombreux auteurs Les Bonnes de Jean Genet sera adap
11. moments elles marchent sur la pointe des pieds apr s avoir enlev un ou les deux souliers qu elles porteront la main avec pr caution qu elles le posent sur un meuble sans rien cogner non pour ne pas tre entendues des voisins d en dessous mais parce que ce geste est dans le ton Quelquefois les voix aussi seront comme suspendues et cass es Ces deux bonnes ne sont pas des garces elles ont vieilli elles ont maigri dans la douceur de madame II ne faut pas qu elles soient jolies que leur beaut soit donn e aux spectateurs d s le lever du rideau mais il faut que tout au long de la soir e on les voie embellir jusqu la derni re seconde Leur visage au d but est donc marqu de rides aussi subtiles que les gestes ou qu un de leurs cheveux Elles n ont ni cul ni seins provocants elles pourraient enseigner la pi t dans une institution chr tienne Leur oeil est pur tr s pur puisque tous les soirs elles se masturbent et d chargent en vrac l une dans l autre leur haine de madame Elles toucheront aux objets du d cor comme on feint de croire qu une jeune fille cueille une branche fleurie Leur teint est p le plein de charme Elles sont donc fan es mais avec l gance Elles n ont pas pourri Pourtant il faudra bien que la pourriture apparaisse moins quand elles crachent leur rage que dans leurs acc s de tendresse Les actrices ne doivent pas monter sur la sc ne avec leur rotisme naturel imiter les dames d
12. mot domestique du latin domus la maison prend le relais au XVI si cle pour d signer les individus attach s la maison d un roi ou d un prince puis il connait la m me volution que le mot valet Ce type d activit au service d autrui a toujours exist et depuis l esclave de l Antiquit la liste est longue des mots qui la d signent mais ces mots recouvrent des r alit s tr s diff rentes car tout distingue les domestiques entre eux gages stabilit de l emploi int r t du m tier exerc mode de vie etc II existe en effet une v ritable hi rarchie entre la servante d auberge la bonne tout faire de petite maison bourgeoise la nourrice dans une grande maison aristocratique et le valet de chambre d un puissant personnage L abondance du vocabulaire prouve que la domesticit a constitu un ph nom ne social consid rable au cours des si cles mais il est difficile d en mesurer exactement l importance et d en faire l histoire Les sources litt raires en revanche sont abondantes bien des valets des servantes sont des personnages secondaires ou des h ros de premier plan dans les romans les nouvelles les pi ces de th tre Si dans la trag die son r le se cantonne celui de confident Britannicus de Racine Rom o et Juliette de Shakespeare dans la com die le valet fourbe et rus du XVII si cle s impose comme un type constitu aux comportements et proc d s st r otyp s par exemp
13. motivations des soeurs sont une vengeance suite une liaison entre monsieur et une bonne il faut n anmoins pr ciser que monsieur est lib r et qu il donne rendez vous madame Les deux soeurs tentent alors d empoisonner madame en la faisant boire du tilleul pour viter de se faire d masquer mais elle ne le boira finalement pas malgr l insistance de Claire Lors de la sc ne finale Claire joue le r le de monsieur et boit le tilleul empoisonn mourant r ellement mais assassinant ainsi symboliquement sa ma tresse apr s leur chec En ce sens la pi ce exprime un malaise identitaire Claire et Solange se sentent emprisonn es et r duites leur condition sociale On les consid re comme de simples bonnes et non pas comme de v ritables tres humains les deux soeurs sont satisfaites de cela particuli rement Solange qui le d nonce lors de son c l bre monologue avant la sc ne finale cl turant le livre Comme l a bien pr cis Jean Genet la pi ce n est pas un plaidoyer pour les domestiques il ne valorise dans son livre ni la bourgeoisie ni la domesticit La pi ce est d apr s l auteur lui m me destin e tablir un malaise chez le spectateur L affaire des sceurs Papin L histoire serait inspir e d un fait divers les bonnes seraient en fait les S urs Papin bien que Jean Genet nie cat goriquement s en tre inspir Christine Papin 1905 1937 et L a Papin 1911 2001 plus connues sous
14. ni affrontement ni catastrophe Il y a de la condescendance teint e d ironie d un c t et de l autre une adoration rageuse Mais l orage n clate pas Madame sort elle s chappe Elle laisse Claire et Solange leur d sespoir et leur suicide 3 En finir La derni re sc ne va resserrer jusqu au meurtre l intimit des deux soeurs I n y a qu relancer la c r monie en la poussant jusqu son terme 25 l autodestruction Contrainte et forc e par les reproches de Solange Claire redevient madame Jusqu ici contr l ou interrompu le processus meurtrier va cette fois aboutir Ni l une ni l autre ne pourra l enrayer L ali nation devient folie furieuse explosant dans le monologue hallucin de Solange Solange se jette sur Claire pour trangler madame Claire est prostr e Solange triomphante Le corps de madame trangl e la voix de madame vivante qui porte le deuil de sa bonne monstrueusement la chambre s emplit de pr sence et de reflets Mais surtout madame y est morte vivante Ce d doublement ressemble de la magie noire une messe noire une marche au supplice o le bourreau chuchote des mots d amour l trangleuse v tue de rouge Cela figure le fantasme central de Genet c est dire la sacralisation du crime Solange s an antit face Claire Elle d clare Nous sommes perdues La mythomane c de le pas l ordonnatrice Successivement puis e provocante puis trangl e sous
15. qui apparait irr pressible il y a un vertige du contact sensuel m me et surtout s il est proclam immonde Ici comme ailleurs exaltation et r pulsion font l amour Tout ceci nous ram ne ce jeu de miroirs sur lequel nous avait alert s le glissement des pronoms R sumons le lorsque Claire joue madame et que Solange joue donc Claire elle a devant elle la vraie Solange objet de sa haine et de son amour et soumise au paternalisme ambigu de madame Une Claire fictive qui permet par d doublement le jeu sadomasochiste le personnage indistinct que voit madame dans la r alit car elle confond toujours Claire et Solange et les humilie l une par l autre 2 La sc ne de madame C est la sc ne centrale la plus longue qui s articule autour de l aveu Le coup de t l phone venu de l ext rieur fonctionne comme une bombe retardement partir de l madame ne pense qu s chapper et les bonnes essaient de la retenir d sesp r ment Mais il y a le philtre mortel du tilleul La clef du secr taire les traces de fard sur les joues la pr sence du r veil la poussi re sur les meubles le t l phone d branch tous ces d tails trahissent les bonnes L entr e de madame est spectaculaire rire nerveux fourrure ostentation Elle est pr te suivre monsieur jusqu au bagne ce qui a des accents tolsto ens Pourquoi Car dans R surrection de Tolstoi le juge accompagne jusqu en Sib rie la femme qu il a injustement conda
16. s affirmer libre De la m me fa on les bonnes volent madame de petits objets mais surtout son apparence son attitude son langage et jusqu sa mort Ce jeu o la jouissance concr te est d pass e vers la jouissance m taphysique c est le jeu du th tre m me Le vol est sanctifi II est la condition de l tre Mais il est socialement r prim et donc Genet conna tra le bagne d enfants La r pression commence par la d couverte du coupable autrui est un regard indiscret et impitoyable C est le regard m me du spectateur de th tre le regard qui condamne et baptise tu es un voleur Cette condamnation la fois injuste et irr futable poussera Genet devenir ce que l on a dit qu il tait Au lieu de protester ou de renoncer il revendique et aggrave le mal Il se situe donc d lib r ment sous le regard d autrui Comme les bonnes il se veut un personnage de th tre Cette inversion provocante des valeurs qui va de pair avec l inversion sexuelle de Genet trouve ses limites qui sont la folie et la mort Le salut viendra de l criture Genet ne va pas crire pour se racheter mais pour au contraire se confirmer et contaminer l esprit du lecteur En 1947 dans Les Bonnes Genet ne prend en compte ni l aspect social ni la folie explosive du meurtre Les Bonnes sont le contraire d un m lodrame sanglant C est un rite c r bral qui d bouche sur le mythe et rejoint la trag die Madame ne meurt pas Ce sont les bonn
17. soci t entre l acteur le com dien le r le qu il joue et le spectateur y a t il une autre v rit que celle du cr ateur Pour Les N gres il recommande aux acteurs noirs de jouer des blancs jouant repr senter des Noirs seule facon de d noncer la terrifiante com die du colonialisme et du discours bien pensant charg de le l gitimer Les bonnes jouent tre madame terrorisant les bonnes jusqu la r volte de celles ci et au crime Genet volue ensuite vers une criture encore plus directement engag e intervenant par des articles de presse sur le Vietnam en 1968 sur les Black Panthers am ricains sur les immigr s en 1974 sur les massacres de Sabra et Chatila en 1982 qui d clench rent la r daction de son dernier livre Un captif amoureux posth 1986 et des conf rences prenant position en faveur des marginaux des bannis des opprim s Solitaire et disponible il se voulait sans autre adresse fixe que celle de l diteur de ses uvres compl tes malgr le Grand Prix national des Lettres qui le couronna en 1983 Ainsi jusqu la fin vit il dans des chambres d h tel sordides souvent pr s des gares ne voyageant qu avec une petite valise remplie de lettres de ses amis et de manuscrits Le 15 avril 1986 rong par un cancer de la gorge l crivain fait une mauvaise chute la nuit dans une chambre d h tel parisienne et se tue Jean Genet meurt comme il avait v cu dans l errance et la solitude l
18. son propre r le et sa candeur lui permettra d chapper son destin de victime d sign e C est Claire jouant madame qui finira par boire le tilleul dans lequel a t vers le somnif re qui devait lib rer d finitivement les bonnes de leur servitude Le jeu de r les est affirm revendiqu comme un exutoire un malaise trop profond pour pouvoir s exprimer sans travestir la v rit Ce qui se joue cette nuit l dans la chambre de madame est trop grave pour ne pas devoir passer par le d tour du faux de l artificiel dela d connade dont parle Genet Un jeu de m tamorphoses et de reflets qui comme dans les r ves ou les cauchemars r v le les facettes les plus obscures et les plus inavouables des tres C est un conte c est dire une forme de r cit all gorique Genet parle de lui travers Claire Solange et madame Il apparait diss min dans ses personnages comme Strindberg qui tentait d exorciser ses d mons en les pinglant dans son th tre Mademoiselle Julie que j ai mis en sc ne il y a quelques ann es pr sente d ailleurs beaucoup de similitudes avec Les Bonnes Dans les deux cas il s agit de faits divers hiss s jusqu la trag die unit de temps de lieu d action Un concentr virulent des relations entre trois personnages prisonniers de leurs r ves meurtris par la r alit et dont la seule issue ne peut tre que le suicide de l un d entre eux Chez Strindberg comme chez Genet ce r
19. tophone de M linda dont la bande enregistr e accuse les deux amies Le dernier plan du film montre Sophie Sandrine Bonnaire seule son visage se d tachant sur le ciel noir d une nuit au fond de laquelle le crime est enfoui Ce plan voque une remarque de Truffaut sur le mat riau des films de Hitchcock Ce ne sont pas des pr occupations de jour comme on peut en trouver dans les films surle ch mage le racisme la mis re ou encore desfilms sur les probl mes quotidiens entre hommes et femmes mais ce sont des pr occupations de la nuit donc des pr occupations m taphysiques Telle est cette c r monie qui dans sa peinture savamment aiguis e des rapports de classe parle moins de la volont de gagner une autre place meilleure dans le monde que du d sir bien plus obscur de supprimer la place de l autre pour en avoir une soi Avec Jeanne Isabelle Huppert dont les Leli vre sont la cible favorite la c r monie du titre devient plus que jamais une mort annonc e le suspense ne reposant que sur la mani re dont elle sera conduite Le film dans son ensemble consiste d ailleurs en une c r monie au sens traditionnel longue sc ne d exposition d une situation qu alimentent seulement quelques variations sur 30 un m me th me et la certitude d s le d part que quelque chose va craquer Chabrol signe l arr t de mort des Leli vre par un unique plan du pur effroi vue g n rale du grand salon o les Leli vre suiven
20. 0 2001 Au but de Thomas Bernhard mise en sc ne Marie Louise Bischoffberger 1999 2000 L Encyclop die des morts de Danielo Kis mise en sc ne Thierry B dart Suivez moi de et mise en sc ne G rard Watkins Myrto Procopiou Formation au Conservatoire national d art dramatique Paris P Vial C Hiegel D Valadi Parcours artistique 2007 L acte inconnu de et mise en sc ne mise en sc ne Val re Novarina festival d Avignon 2006 Narcisse d apr s Les M tamorphoses d Ovide mise en sc ne J Boillot musique A Markeas 2005 Mademoiselle Julie d August Strindberg mise en sc ne J Falgui res 2004 Pas vu la t l vision d apr s B Cyulnik et E Morin mise en sc ne A Churin 2003 Balkans Transit de F Maspero mise en sc ne A Dimitriadis 14 Activites pedagogiques Comment jouer Les Bonnes Furtif C est le mot qui s impose d abord Le jeu th tral des deux actrices figurant les deux bonnes doit tre furtif Ce n est pas que des fen tres ouvertes ou des cloisons trop minces laisseraient les voisins entendre des mots qu on ne prononce que dans une alc ve ce n est pas non plus ce qu il y a d inavouable dans leurs propos qui exige ce jeu r v lant une psychologie perturb e le jeu sera furtif afin qu une phras ologie trop pesante s all ge et passe la rampe Les actrices retiendront donc leurs gestes chacun tant comme suspendu ou cass Chaque geste suspendra les actrices serait bien qu certains
21. 1942 que para t son premier texte Le Condamn mort et en 1944 sa premi re pi ce Haute Surveillance crite la prison de la Sant Suivront Notre Dame des Fleurs 1944 Miracle de la rose 1946 Pompes fun bres Querelle de Brest 1947 le Journal du voleur 1949 Entre roman journal po me et autobiographie ces livres r dig s dans l urgence de l expression imposent l image d un crivain qui revendique sa marginalit sociale et sexuelle Le style d une somptuosit baroque qui fr le parfois la pr ciosit mani riste transfigure toutes les formes de la transgression que chante l auteur Le mauvais garcon devient personnage la mode soutenu par Cocteau aussi bien que par Sartre argument de ballet Adame miroir 1948 essai Lettre Leonor Fini 1950 film Un chant d amour 1950 dont la diffusion demeure clandestine articles le premier tant consacr Jean Cocteau Mais une fissure appara t et une d t rioration psychologique partir de la publication de l essai que Sartre lui consacre en 1952 d montant dans sa psychanalyse existentielle les m canismes de sa personnalit et de sa cr ation Saint Genet com dien et martyr premier volume des CEuvres compl tes chez Gallimard devient pour Genet un trop fid le miroir dans lequel il se trouve pi g En m me temps que son uvre est publi e officiellement et qu il est de ce fait condamn diverses reprises pour attentat
22. Loyal de ce cirque m taphysique Celle qui tire les ficelles de l imaginaire Une cr ature hybride et insaisissable qui chappe toute classification et reste aur ol e d un myst re qui la prot ge des agressions du r el Maril Marini H l ne Alexandridis et Myrto Procopiou taient r unies sur le plateau de Madame de Sade par une intelligence un instinct et un plaisir du jeu partag s Trois actrices hors du commun capables d une d mesure jubilatoire Trois fabuleux monstres de th tre qui sauront comme l exigeait Genet endosser des gestes et des accoutrements qui leur permettront de me montrer moi m me et de me montrer nu dans la solitude et son all gresse Jacques VINCEY Juin 2010 Extraits de Comment jouer Les Bonnes de Jean Genet 12 Les com diennes Maril Marini Nomm e Officier des Arts et Lettres c est comme danseuse qu elle monte pour la premi re fois sur sc ne Son go t pour une danse impr gn e de th tralit la pousse naturellement devenir com dienne Son premier r le fut la m re Ubu dans Ubu encha n Dans Aimer sa m re spectacle concu par Alfredo Arias dans des d cors d Annette Messager et des costumes d Adeline Andr elle joue les monologues crits sp cialement pour elle par des auteurs tels que Olivier Py Ren De Ceccaty Yasmina Reza Nicolas Brehal Edmund White Olivier Charneux Enrique Pinti Jorge Goldenberg En 1998 elle joue avec Alfredo Arias La Femme a
23. dans le lieu interdit et sacr comme dans la peau de madame Claire et Solange font de toute la pi ce un entracte Leur existence r elle les bonnes nous la racontent Le th tre r duit le monde au langage Ce qu elles jouent devant nous c est une existence fantasmatique Le th tre est le lieu de l illusion Le monde ext rieur c est d abord le Palais de Justice d crit par madame qui nous le raconte C est ensuite le cachot un lieu clos sym trique de la chambre Il a le cachot dans l imagination de madame ainsi que le bagne Ces degr s diff rents d enfermement et d absence permettent de sacraliser monsieur dont Solange est amoureuse la fureur de Claire L ext rieur c est aussi la cabine t l phonique et le bar qui permettent monsieur de renouer concr tement avec madame Ces lieux sont toujours hors d atteinte des bonnes ai Anne Gayan Il y a la fen tre Cette fen tre donne sur le monde Les bonnes sont prises entre deux regards c est dire le n tre qu elles ne voient pas puisque c est la convention du th tre et celui d un public imaginaire aux yeux duquel elles s exhibent st aussi le jeu des regards Les rideaux de la fen tre sont comme des robes rideaux qu on ouvre et qu on referme l image de la lib ration et de la mort 22 Le jeu des v tements est subtil II a la rigueur classique du symbolisme des couleurs le rouge qui est la couleur du d sir le noir celle d
24. det Balzac Germinie Lacerteux des fr res Goncourt Enfin le XX si cle voit l affirmation d une individualit et d une identit sociale Le valet devient le porte parole d une classe sociale La r volte peut m me conduire au meurtre Le Journal d une Femme de chambre d Octave Mirbeau Ma tre Puntila et son valet Matti de B Brecht En attendant Godot et Fin de partie de S Beckett Mademoiselle Julie de Strindberg Les Bonnes de Jean Genet 29 Pour aller plus loin La c r monie Claude Chabrol Sc nario Chaude Chabrol et Caroline Eliacheff d apr s le roman A judgment in stone de Ruth Rendell Avec Sandrine Bonnaire Sophie Isabelle Huppert J eanne Jacqueline Bisset Catherine Jean Pierre Cassel Georges Virginie Ledoyen Melinda Valentin Merlet Gilles Dominique Frot Madame Lantier 1h51 Madame Leli vre grande bourgeoise provinciale a trouv en Sophie la bonne qu il lui fallait s rieuse aux petits soins pour sa famille un peu bizarre certes taciturne froide et qui son service fini s enferme dans sa chambre et se rive devant la t l vision L attitude de Sophie tient aussi au secret qu elle garde au fond d elle m me elle est analphab te Elle est conduite tout d abord un peu malgr elle se lier avec Jeanne la posti re du village voisin jeune femme galement solitaire mais qui est tout son contraire volubile fantasque et curieuse au point de lire le courrier qu elle distribu
25. e Sophie et Jeanne se d couvrent un point commun une vilaine affaire dans leur pass on a soupconn J eanne d avoir tu sa fillette et Sophie son p re malade Elles se voient souvent rient ensemble se prom nent dans la vieille voiture de la posti re ou vont aider le cur au Secours Catholique comme deux meurtri res qui iraient malgr tout faire le Bien remarque Jeanne Et Sophie resterait la perle des bonnes si Jeanne ne la poussait se r volter Quand M Leli vre note de l insolence chez elle il l attribue l influence n faste de la posti re Mme Leli vre temporise Mais un jour M linda la fille des Leli vre d couvre le handicap de Sophie et tente de la r conforter Cette derni re r agit avec violence lui crache sa haine au visage et lui r v le qu elle sait aussi un secret la concernant M linda est enceinte La jeune fille rapporte la sc ne ses parents Sophie est renvoy e Le soir les Leli vre ont d cid de profiter en famille d un op ra diffus la t l vision et M linda l enregistre sur son magn tophone Sophie p n tre dans la maison avec Jeanne qui la pousse l irr m diable le massacre de la famille avec le fusil de chasse du p re On a bien fait dit Jeanne et elles se s parent comme si tout allait bien Mais la posti re ne va pas loin elle est percut e dans sa voiture tomb e en panne par la camionnette du cur Et les policiers retrouvent pr s d elle le magn
26. e Garcia Christine Citti Alain Chabat Francois Dupeyron En 1987 et 1988 il monte deux spectacles d apr s Robert Desnos La Place de l toile et Jack s Folies et r alise en 1992 un court m trage C est l Printemps En 1995 il d cide de fonder sa propre compagnie th trale la compagnie Sir nes avec laquelle il pourra la fois transmettre sa passion de la com die ses acteurs et s essayer librement la mise en sc ne Gloria l un de ses premiers spectacles remporte un vif succ s et se fait tout de suite une place au festival Avignon en 2001 Cette pi ce dans laquelle une jeune femme voque ses souvenirs seule au milieu d crans d multipli s t moigne d j de son envie de cr er des espaces tr s stylis s o se c toient le r el et le virtuel On retrouve son go t dela mise en ab me dans son adaptation du Belv d re d d n von Horv th o une bande son nonce les didascalies au d but de la pi ce Il aime aussi faire tomber ses personnages dans le pi ge de la repr sentation th trale qu ils se retrouvent camp s dans une cuisine suspendue entre ciel et terre dans Mademoiselle Julie ou bien enferm s dans un pr fabriqu vitr dans La Nuit des Rois Il pr sentera Les Bonnes de Jean Genet en octobre 2011 au Granit sc ne 9 nationale de Belfort puis la pi ce tournera jusqu en mai 2012 II reprendra du 13 janvier au 4 f vrier 2012 au Studio Th tre de la Com die Fran aise Le Banq
27. e cin ma L rotisme individuel au th tre ravale la repr sentation Les actrices sont donc pri es comme disent les Grecs de ne pas poser leur con sur la table Je n ai pas besoin d insister sur les passages jou s et les passages sinc res on saura les rep rer au besoin les inventer 15 Quant aux passages soi disant po tiques ils seront dits comme une vidence comme lorsqu un chauffeur de taxi parisien invente sur le champ une m taphore argotique elle va de soi Elle s nonce comme le r sultat d une op ration math matique sans chaleur particuli re La dire m me un peu plus froidement que le reste L unit du r cit naitra non de la monotonie du jeu mais d une harmonie entre les parties tr s diverses tr s diversement jou es Peut tre le metteur en sc ne devra t il laisser appara tre ce qui tait en moi alors que j crivais la pi ce ou qui me manquait si fort une certaine bonhomie car il s agit d un conte Madame il ne faut pas l outrer dans la caricature Elle ne sait pas jusqu quel point elle est b te quel point elle joue un r le mais quelle actrice le sait davantage m me quand elle se torche le cul Ces dames les bonnes et madame d connent Comme moi chaque matin devant la glace quand je me rase ou la nuit quand je m emmerde ou dans un bois quand je me crois seul c est un conte c est dire une forme de r cit all gorique qui avait peut tre pour prem
28. e de la Culture et de la Communication Jacques Vincey est artiste associ pour trois ans 2011 2013 au Th tre du Nord Th tre National Lille Tourcoing R gion Nord Pas de Calais et en r sidence au Centre des bords de Marne Le Perreux Direction de production diffusion c sir nes Emmanuel Magis ANAHI Cr ation en octobre 2011 au Granit sc ne nationale de Belfort Au Th tre de l Ath n e en janvier f vrier 2012 En tourn e en novembre d cembre 2011 et mars avril mai 2012 L auteur et son euvre Jean Genet N Paris le 19 d cembre 1910 de p re inconnu son nom tait Fr d ric Blanc selon les archives de l Assistance publique et abandonn sept mois par sa m re Camille Gabrielle Genet Jean Genet est confi l Assistance publique puis plac chez des paysans du Morvan 1918 En 1920 accus de vol il est envoy la maison de redressement de Mettray s en vade dix ans plus tard et s engage pour cinq ans dans la L gion trang re netardant pas d serter pour mener une vie errante de 1930 1940 travers l Europe des ports et des bas fonds Barcelone Tanger Rome Naples Anvers Emprisonn Fresnes il se met crire po mes et romans partir de ses exp riences et de ses amours homosexuelles la fonction de la po sie ayant t longtemps pour lui la transformation par le truchement du langage d une mati re r put e vile en un mat riau consid r comme noble C est en
29. elle m me m taphorique de notre insoutenable condition humaine Les bonnes c est Genet les bonnes c est nous Genet nous renvoie cette blessure intime qui nous fait d faut en m me temps qu elle nous constitue Je suis ce qui me manque cette carence est le lieu paradoxal qui chez Genet fonde l individu cf Le Funambule II nous enjoint nous approprier sa pi ce pour donner corps et vie aux monstres qui affleurent quand nous nous r vons ceci ou cela La blessure fut vive lors de la cr ation de la pi ce en 1947 les confidences d Yvette Eti vant et Monique M linand sont unanimes sur ce point et c tait en partie sans doute l intention de Genet le but second tait d tablir un certain malaise dans la salle Mais elle a sans doute t pans e depuis c est le lot des classiques canonis s Comment retrouver l nergie d vastatrice de l oeuvre Comment restituer la blessure et la r volte qui la constituent Comment rester sur le fil fragiles en danger Comment se faire peur et faire peur L enjeu de ce prologue est d ancrer la repr sentation dans notre r alit et de la faire r sonner avec notre n cessit de jouer ce texte ici et maintenant Partir de ce nous sommes pour nous hisser jusqu l exigence de Genet Jacques Vincey Notes de r p tition 19 ao t 2011 transcription Vanasay Khamphommala 1 la cr ation de la pi ce par Louis Jouvet au Th tre de l A
30. es qui s autod truisent Donc Genet d tourne le fait divers et le retourne comme un gant Chaque agression contre madame est fantasm e ou avort e et si elle devait mourir ce serait par le poison la strangulation ou l asphyxie comme chez Racine Genet a invent le personnage de monsieur et leur d nonciation la police Ainsi madame ayant rendez vous avec lui chappe au poison que les bonnes lui ont pr par Genet a par contre conserv l homosexualit incestueuse des bonnes Dans la pr face Genet crit Tous les soirs elles se masturbent et d chargent en vrac l une dans l autre leur haine l une contre l autre Les s urs ha ssent madame mais elles s entre d chirent tout autant et Claire a peur de Solange L unit d action des bonnes se r sume d un mot tuer madame Dans la premi re partie de la pi ce les deux s urs jouent mimer ce meurtre qu elles n ont pu accomplir dans la r alit Dans la seconde partie nouvel chec Madame refuse de boire le tilleul empoisonn Dans la derni re partie c est Claire qui dans le r le de madame boit le poison Il y a donc du classicisme dans cette composition en trois parties ces trois parties pouvant se subdiviser en cinq sous parties a premi re du d but de la pi ce la sonnerie du r veil qui ram ne les bonnes la r alit apr s le jeu rituel la deuxi me de la sonnerie du r veil celle du t l phone qui signifie aux bonnes que
31. eure Nous ne savons plus si c est madame qui s en prend sa bonne si c est Claire qui agresse Solange ou si Claire se d chire elle m me travers son double qui lui refuse la robe blanche du deuil des reines Nous ne savons plus car c est tout cela ensemble la page 22 on lit Je vois dans ton oeil que tu me hais auquel r pond Solange je vous aime qui le dit elle madame Claire travers le vouvoiement ambigu que vaut cet aveu En tout cas quelle que soit la femme elle le refuse violemment Le vouvoiement est soit de politesse soit de pluralit Les bonnes sont des tres indistincts des soeurs interchangeables habitant la m me mansarde c o gt t a Es E lt Madame humilie les bonnes les condamne demeurer un couple infernal et maudit C est ici encore la pi ce tout enti re miroir trouble des tres et des apparences o surgit plusieurs reprises l image du mal celle de monsieur adul donc trahi selon la morale invertie de Genet puis celle du laitier demi nu L esprit et les mains s garent les mots sont pris de vertiges chute d amour chute de reins fr leuse voleuse la tra ne la train e Un violent trouble rotique colore tout ce passage incluant l image sadique du coup de talon et aboutissant aux larmes et l extase 24 Les fleurs sont ouvertes en corolle un laitier est demi nu et maintenant ces larmes travers la jouissance
32. ier but quand je l crivais de me d go ter de moi m me en indiquant et en refusant d indiquer qui j tais le but second d tablir une esp ce de malaise dans la salle Un conte Il faut la fois y croire et refuser d y croire mais afin qu on y puisse croire il faut que les actrices ne jouent pas selon un mode r aliste Sacr es ou non ces bonnes sont des monstres comme nous m mes quand nous nous r vons ceci ou cela Sans pouvoir dire au juste ce qu est le th tre je sais ce que je lui refuse d tre la description de gestes quotidiens vus de l ext rieur je vais au th tre afin de me voir sur la sc ne restitu en un seul personnage ou l aide d un personnage multiple et sous forme de conte tel que je ne saurais ou n oserais me voir ou me r ver et tel pourtant que je me sais tre Les com diens ont donc pour fonction d endosser des gestes et des accoutrements qui leur permettront de me montrer moi m me et de me montrer nu dans la solitude et son all gresse Une chose doit tre crite il ne s agit pas d un plaidoyer sur le sort des domestiques Je suppose qu il existe un syndicat des gens de maison cela ne nous regarde pas Lors de la cr ation de cette pi ce un critique th tral faisait la remarque que les bonnes v ritables ne parlent pas comme celles de ma pi ce qu en Savez vous Je pr tends le contraire car si j tais bonne je parlerais comme elles Certains soirs Car les bonne
33. ition de ma tres attabl s au caf la cuisine dans la salle manger o camp s sur le grand canap du salon Les Leli vre sont toujours bien install s entrant par la porte principale alors que Sophie passe toujours par la porte de service La deuxi me sc ne du film avait d j montr que l ordre social impos chacun sa place tait fragile Madame Leli vre est venue attendre Sophie la gare de Saint Malo mais sur le quai nulle bonne en vue Contrari e madame Leli vre attend Soudain elle apercoit Sophie d j arriv e sur un autre quai pas du tout l o elle devait apparaitre Cette sc ne si banale suscite un profond sentiment d inqui tude qui repose enti rement sur la valeur donn e la construction spatiale en changeant de place Sophie organise la rencontre rompt avec la situation de soumission laquelle madame Leli vre l avait tacitement assujettie et inverse le rapport de forces La r v lation de l analphab tisme donne bien s r l impulsion d cisive La motivation n est pourtant pas plac e sur le plan psychologique le visage de Sandrine Bonnaire d un animaltraqu ou d unestatue de pierre impressionnant et ind chiffrable C est l id e ma tresse du film qui s affirme ici l incapacit de lire est pr sent e comme une souffrance du regard la douleur visc rale de Sophie exclue du monde de ceux qui peuvent ma triser dominer ce qu ils voient La c r monie n est donc pas un film sur
34. ituel pa en cette danse de mort t moignent de cette volont d sesp r e de s lever de s arracher la m diocrit du quotidien et aux prisons de la raison pour atteindre au sublime qui n existe que dans les contes ou sur une sc ne de th tre Un conte II faut la fois y croire et refuser d y croire Les bonnes jouent un jeu dangereux Elles vont se prendre au jeu et la farce basculera dans le tragique La chambre de madame est une ar ne acteurs et spectateurs sont complices d une mort annonc e mais la victime ne sera pas celle qu on attendait Genet joue avec les codes du th tre et avec les rep res des spectateurs Il nous maintient aux lisi res du vrai et du faux du trivial et du merveilleux du rire et de l effroi Path tiques et grandioses ses personnages voquent les 11 grands clowns qui au sommet de leur art savent nous faire rire et pleurer dans le m me instant Rien n est plus loign du r el que ces figures outranci res et pourtant rien ne nous parle plus intimement de notre humanit la plus secr te Sacr es ou non ces bonnes sont des monstres comme nous m mes quand nous nous r vons ceci ou cela Claire et Solange sont les pantins d un syst me qui les emprisonne dans leurs propres r les Elles improvisent inlassablement sur un m me canevas jusqu ce qu un jour leur num ro d rape et que la mort mette un terme d finitif la mascarade Madame est le monsieur
35. le le Scapin de Moli re Les valets de Moli re doivent beaucoup la tradition th trale IIs empruntent leurs caract ristiques vantardise couardise cupidit ivrognerie luxure sens de l intrigue irrespect et insolence aux esclaves astucieux et entreprenants de la com die latine Liban et L onidas dans l Asinaria de Plaute au gracioso espagnol burlesque et surtout aux zannis de la commedia dell arte Arlequin Brighella D s la fin du XVII si cle on assiste la naissance d un nouveau type de valet les fourberies ne leur suffisent plus ils commencent penser une lib ration IIs deviennent les rivaux de leurs ma tres exemple Crispin rival de son ma tre de Lesage 1707 Ils deviennent capables de prendre leur place exemple Le Joueur de Regnard La distance qui s pare ma tres et valets d croit dans le premier tiers du XVIII si cle l poque est incertaine d sordre politique et se pr te toutes sortes d aventures Le valet supporte de plus en plus difficilement de rester dans l ombre de son ma tre II ne le respecte plus r ve de justice L le des esclaves de Marivaux Le Barbier de S ville et Le Mariage de Figaro de Beaumarchais Cela aboutira aux conqu tes de la R volution et la destruction d un certain ordre hi rarchique Dans le m me ordre d id es m me si Jacques le Fataliste et son ma tre n appartient certes pas au genre dramatique pour autant la relation entre ces deux pe
36. leur machination a chou la troisi me de la sonnerie du t l phone l arriv e de madame pr paration du meurtre la quatri me de l arriv e de madame son d part avec le d sespoir de madame car monsieur est en prison sa renonciation avec le je vous 21 donne tout puis un renversement radical monsieur est lib r madame s chappe triomphante a cinqui me du d part de madame la fin de la pi ce Claire met en sc ne la catastrophe qui sera l apoth ose des bonnes Il y a donc unit d action unit de temps car tout se passe en une soir e et unit de lieu c est dire la chambre Cette chambre est un espace magique car il est ensorcel C est le monde mental de celles qui le hantent appartement empoisonn appartement de messes noires appartement qui figure l me des bonnes La chambre de madame est le d cor r el Les bonnes y sont d plac es Elles y remplacent leur travail par des c r monies puis un meurtre Par ailleurs le lieu est neutralis par l absence de son occupante l gitime La cuisine est c t image invisible et invers e de la chambre lieu de leur travail o tr ne l vier aux odeurs immondes alors que la chambre est remplie de fleurs La mansarde est au dessus invisible elle aussi C est l univers des bonnes la chambre caricaturale o les fleurs sont en papier et o s aiguise leur jalousie morbide Tout s ordonne autour de la chambre Se glissant
37. mn e Genet reprend ce principe en inversant les sexes Pour madame c est une exaltation tr s litt raire Mais madame ne croit pas que monsieur soit coupable et donc qu il ira au bagne De cette exaltation madame tire sa force devient lucide et sublime Elle chappe ainsi la complaisance envers soi m me la gentillesse des autres et surtout la servilit des bonnes qui l touffent Mais apr s l exaltation il y a la retomb e Madame a le fantasme d une retraite la campagne et un retour de tendresse envers les bonnes Mais Claire r tablit la distance Les bonnes refusent le don des robes qu elles rev taient en cachette Elles restituent aux esclaves leur dignit et la ma tresse sa gloire Mais la fascination est la plus forte et elles finissent par accepter le cadeau Madame elle va refuser l offre des bonnes c est dire le tilleul empoisonn qui pendant toute la c r monie des robes lui est pr sent avec insistance Renversement La sc ne d rape et entra ne l aveu Au don succ de la suspicion C est un moment de malaise intense o se m lent l impatience le soupcon et la complicit f minine Les rapports sont profond ment fauss s La fin de la sc ne s vanouit comme une fleur v n neuse Un d nouement sans d nouement La pr sence insolite du r veil dans la cuisine intrigue madame Elle accepte l explication improvis e de Claire En revanche elle repousse quatre fois le tilleul II n y a donc
38. nt sa mort En effet elle parle parfois Solange en tant que madame parlant Claire mais aussi Solange en tant qu elle m me mais galement en tant que madame parlant Claire jou e par Solange mais en se trompant l appelant Solange dans leur jeu elle aurait d l appeler Claire donc sachant au fond qu elle n est pas madame N anmoins elle se suicide pensant assassiner madame car elle se prend pour cette derni re Solange semble parfois avoir une attitude autiste dans certains monologues o elle se prend pour Claire d versant sa haine contre madame Claire Cette pi ce est aussi la mal diction de ces deux s urs qui ne sont pas s duisantes qui ont vieilli en s occupant de madame et dont tous les stratag mes pour sortir de leurs fantasmes chouent En effet monsieur est lib r madame ne meurt pas Elles forment un couple S ur Sainte Les Bonnes est une uvre tragique violente c A gt t a lt Jean Genet est n de p re inconnu et abandonn par sa m re Cet auteur n a donc pas de racines et personne qui se r f rer Ainsi dans Les Bonnes les deux femmes se cr ent elles une r f rence absolue sous le nom de madame Sans madame les bonnes n existeraient pas 20 L auteur est confi des paysans de la m me facon que les bonnes sont au service de madame Jean Genet ne poss de rien II va donc voler non parce qu il en a besoin mais pour
39. ont battre jusqu la mort un jeu d images Elles figurent le th tre dans un d cor qui est le lieu m me du th tre Cela nous renvoie notre propre image de t moins indiscrets Face face corps corps o le corps s offre et se d robe dans un huis clos qui fait 26 germer rotique et violente une exasp ration Sans doute une des fonctions de l art est elle de substituer la foi religieuse l efficace de la beaut Au moins cette beaut doit elle avoir la puissance d un po me c est dire d un crime Jean Genet C est donc un th tre du crime Le th tre de Genet montre certes la violence jouer l autre c est le concr tiser tout en le niant C est un vampirisme Le th tre de Genet montre aussi l ali nation mais ce n est pas une ali nation sociale Les Bonnes n est pas un plaidoyer sur le sort des domestiques L ali nation est m taphysique On n existe que par autrui aussi bien lorsqu il est l et qu il vous donne des ordres que lorsqu il est absent Genet l exclu se cr e un monde qui nous renvoie notre solitude 27 Maitres et valets Le mot valet ou vaslet varlet vient du bas latin vassus diminutif vasselus qui a donn au Moyen ge le mot vassal il d signe d abord le page l cuyer du roi ou du seigneur puis par extension partir du XVI si cle tout serviteur laquais domestique c est dire toute personne au service d une autre Le
40. our aller plus loin La C r monie Claude Chabrol Distribution de mise en sc ne gt avec et la participation de collaboration artistique assistant la mise en sc ne sc nographie costumes maquillage assistante aux costumes lt lumi re gt lt musique son gt lt r gie g n rale gt lt r gie lumi re gt lt r gie son gt lt construction du d cor gt lt relations avec la presse gt lt production diffusion gt Jean Genet Jacques Vincey H l ne Alexandridis lt Solange gt Maril Marini Madame Myrto Procopiou Claire Vanasay Khamphommala Paillette Vanasay Khamphommala Pierre Andr Weitz Nathalie B gue Bertrand Killy Fr d ric Mini re Alexandre Meyer Andr Neri Pauline Guyonnet Fr d ric Mini re Cl ment Aubry Fabienne Killy Bertrand Killy Florent Gallier Claire Amchin l autre bureau Emmanuel Magis ANAHI assist par M lanie Charreton production Compagnie Sir nes coproduction Le Granit sc ne nationale de Belfort gt sc ne nationale d Albi gt Th tre du Beauvaisis gt Gallia Th tre gt Sc ne conventionn e de Saintes gt Espace Jacques Pr vert Th tre d Aulnay sous Bois gt Centre des Bords de Marne Le Perreux gt La Coursive sc ne nationale de La Rochelle gt Sc ne nationale d Aubusson gt Th tre des 13 vents CDN de Montpellier lt avec le soutien de gt La DRAC le de France minist r
41. qui est aussi une question laquelle Genet retire son point d interrogation Tout commence donc par l injonction paradoxale de la question l obligation du questionnement le rejet de la r ponse toute faite D embl e la pi ce se place sous le signe de la contradiction principe fondamental de l oeuvre comme de son auteur L unit du r cit na tra d une harmonie entre les parties tr s diverses tr s diversement jou es C est dans la tendresse qu appara t la pourriture c est dans l abjection que s enracine le sublime les bonnes sont pures parce qu elles se masturbent par haine de madame etc Genet se place ainsi dans un quilibre constamment pr caire et revendique l inqui tude et l instabilit parce qu elles sont signe de vie entretien avec Bertrand Poirot Delpech Jouer les bonnes c est s engager placer le fil tr s haut jouer avec le vertige d un pari avec l impossible c est parce que le funambule r alise une action en apparence inimaginable d fie les lois du possible et de la gravit dans tous les sens du terme qu il fascine Pourquoi se lancer un tel d fi Pourquoi monter sur le fil Comment jouer les bonnes impose une question corollaire pourquoi jouer les bonnes Un d but de r ponse parce qu on ne peut pas faire autrement Les bonnes elles m mes jouent les bonnes le jeu th tral la fuite dans l imaginaire et la fiction sont la seule chappatoire leur insupportable servitude
42. rsonnages est au centre du r cit et on peut consid rer que Jacques et son ma tre entretiennent avec leurs comp res du th tre des liens troits On retrouve chez Jacques les motifs traditionnels du valet comme son origine sociale le valet est pauvre et en change de ses services le ma tre lui assure le g te et le couvert d s lors mat riellement il d pend enti rement de son ma tre auquel il est soumis et doit ob issance Il doit subir les impatiences et les caprices du ma tre Sans patronyme identifi par son unique pr nom le valet est consid r comme un tre inf rieur et les coups et les injures sont souvent leur lot Mais le valet au cours des 28 si cles fait de plus en plus preuve de bon sens acquiert de plus en plus de finesse d esprit de conscience sociale et loin de se laisser faire passivement il revendique son m rite et demande qu on le regarde comme un tre part enti re Un Jacques Un Jacques monsieur est un homme comme les autres Bien s r comme on le verra Jacques n a pas l envergure d un Figaro et ne remet pas vraiment en cause son statut il n a pas non plus la hargne de Sganarelle mais il est plus franc que lui il ne se cache pas derri re un quelconque artifice pour dire son ma tre ce qu il pense de lui En fait tout l int r t du couple Jacques et son ma tre r side dans le traitement particulier que Diderot en fait il continue et renouvelle la relation ma tre valet M me si
43. s ne parlent ainsi que certains soirs il faut les surprendre soit dans leur solitude soit dans celle de chacun de nous Le d cor des Bonnes II s agit simplement de la chambre coucher d une dame un peu cocotte et un peu bourgeoise Si la pi ce est repr sent e en France le lit sera capitonn elle a tout de m me des domestiques mais discr tement Si la pi ce est jou e en Espagne en Scandinavie en Russie la chambre doit varier Les robes pourtant seront extravagantes ne relevant d aucune mode d aucune poque Il est possible que les deux bonnes d forment monstrueusement pour leur jeu les robes de madame en ajoutant de fausses traines de faux jabots les fleurs seront des fleurs r elles le lit un vrai lit Le metteur en sc ne doit comprendre car je ne peux tout de m me pas tout expliquer pourquoi la chambre doit tre la copie peu pr s exacte d une chambre f minine les fleurs vraies mais les robes monstrueuses et le jeu des actrices un peu titubant 16 Et si l on veut repr senter cette pi ce pidaure II suffirait qu avant le d but de la pi ce les trois actrices viennent sur la sc ne et se mettent d accord Sous les yeux des spectateurs sur les recoins auxquels elles donneront les noms de lit fen tre penderie porte coiffeuse etc Puis qu elles disparaissent pour r appara tre ensuite selon l ordre assign par l auteur Pr face de Jean Genet pour l dition des Bonnes 1958 17
44. ssise de Copi Buenos Aires ils pr sentent ce m me spectacle accompagn d une autre pi ce de Copi Le Frigo au Th tre national de Chaillot Pour l interpr tation de La Femme assise Maril Marini est nomin e aux Moli res comme meilleure com dienne de l ann e Elle collabore la mise en sc ne de Peines de coeur d une chatte francaise aupr s d Alfredo Arias spectacle qui a recu le Moli re du meilleur spectacle musical en 1999 En dehors du Groupe TSE elle travaille pour Leo Katz et ses ceuvres de Louis Charles Sirjacq Armada de Didier Carette mise en sc ne de Simone Amouyal et Reviens toi encore de Gr gory Motton dans une mise en sc ne d ric Vigner Pour la t l vision elle a tourn avec Nina Companeez dans Chef de famille aux c t s d Edwige Feuill re Pierre Duxet et Fanny Ardant Au cin ma elle a travaill avec Daniel Schmid Ariane Mnouchkine Hugo Santiago Michel Soutter Alfredo Arias Virginie Th vennet Pascal Bonitzet Claire Denis et Catherine Corsini En 2007 elle tourne dans Des fleurs pour tout le monde de Michel Delgado et dans Mus e haut mus e bas de Jean Michel Ribes H l ne Alexandridis Formation au Conservatoire national sup rieur d art dramatique dans les classes de Robert Manuel et Claude R gy Parcours artistique 2007 Dernier caprice mise en sc ne J o l Jouanneau Th tre Vidy Lausanne 2005 Platonov d Anton Tchekhov mise en sc ne Alain Fran on 1998 L
45. t e au cin ma par Nikos Papatakis sous le titre Les Abysses 1963 Nancy Meckler a r alis au Royaume Uni Sister My Sister sur le m me th me avec Joely Richardson et J odhi May Claude Chabrol a repris la trame dramatique du destin des soeurs Papin et l a adapt pour son film La C r monie en 1995 avec Isabelle Huppert et Sandrine Bonnaire s inspirant du roman de Ruth Rendell qui avance la th se de la lutte des classes pour expliquer le crime Jean Pierre Denis reprendra ce fait divers dans son film Les Blessures assassines 2000 avec Sylvie Testud et Julie Marie Parmentier mettant en vidence que 67 ans apr s l affaire des soeurs Papin suscite toujours interrogations inqui tudes voire passions Le spectacle Le metteur en sc ne Jacques Vincey N Paris en 1960 ce sont ses tudes de lettres et sa formation au conservatoire de Grenoble qui am nent Jacques Vincey d buter sous la direction de Patrice Ch reau en 1983 dans Les Paravents de Jean Genet Sa carri re de com dien est lanc e et il continue travailler avec des metteurs en sc ne tout aussi prestigieux tels Bernard Sobel La Charrue et les Etoiles H cube Robert Cantarella Baal Le Voyage Le Si ge de Numance Le Mariage L Affaire et la mort Alg rie 54 62 Luc Bondy Andr Engel ou encore Laurent Pelly Au cin ma et la t l vision il a tourn notamment avec Arthur Joffe Peter Kassowitz Alain Tasma Luc Beraud Nicol
46. t un op ra la t l vision tandis qu au dessus d eux sur un petit palier balcon Sophie et Jeanne les toisent La simple r v lation de cet am nagement de la pi ce glace le sang symbole de la revanche que tient alors Sophie qui jouit enfin d un point de vue imprenable d un regard dominant la situation et lui conf rant tout le pouvoir Brillante utilisation du d cor qui correspond un autre proc d hitchcockien C est toujours la question de choisir la taille des images en fonction des buts dramatiques et de l motion et non pas simplement dans le dessin de montrer le d cor disait Hitchcock Truffaut en r ponse cette remarque Je pense une chose qui constitue probablement une r gle dans votre travail Vous ne montrez la totalit du d cor qu au moment le plus dramatique de la sc ne Nul doute que Chabrol ait gard cette image en r serve car il aurait t facile et banal de l utiliser dans la sc ne ou madame Leli vre fait visiter la maison de Sophie laquelle sc ne est ing nieusement court e Sophie s achemine vers la c r monie finale car elle ne peuttrouver sa place dans le monde La sc ne initiale d accord cordial informel se double d une mise en sc ne tr s formalis e madame Leli vre se tient sa place alors que Sophie prend la place qu elle lui donne La r gle vaut pour toute la famille Leli vre qui a un faible pour les postures arr t es qui confortent et concr tisent leur pos
47. th n e Paris le 19 avril 1947 Yvette Eti vant jouait Claire Monique M linand Solange et Yolande Laffont le r le de madame 19 Pistes de lecture Les critiques sont tr s violentes et nombreuses Plus de cinquante articles paraissent dans les mois qui suivent la premi re repr sentation Dans la plupart des cas la pi ce est jug e surjou e longuette malsaine II faut galement se reporter au contexte d apr s guerre marqu par une volont de r affirmation de valeurs morales N anmoins la puissance dramatique des Bonnes a t reconnue On peut consid rer apr s coup que le th tre de Genet tait l g rement en avance sur son temps compar au th tre de Giraudoux tr s la mode La pi ce laisse une grande possibilit de mise en sc ne en passant du style tr s charg d un appartement bourgeois de Louis Jouvet la sc ne tr s pur e d Allain Olivier C est l oeuvre la plus jou e de Jean Genet dont l tude figure aujourd hui dans les programmes de francais au lyc e Une gr ce invers e Cette pi ce pourrait tre le fantasme des deux soeurs uniquement car les actions qui s y produisent semblent tre pour elles un moyen de r gler leurs probl mes L auteur renie totalement le r alisme Les personnages sont inqui tants Claire apparemment la plus r serv e est celle qui versera le poison Elle fr le la schizophr nie en se prenant pour madame principalement vers la fin de la pi ce ava
48. u deuil le blanc qui symbolise l assomption Mais tout cela se brouille Le rouge est aussi la couleur des juges et des condamn s et la robe blanche celle du deuil des reines Ce sont les robes qui marquent la distance qui s pare madame des bonnes Ce sont des accessoires du corps montr s ou cach s Les robes participent l rotisme et la haine dans cet univers trouble Entre caresses et agressions habiller madame c est l adorer en la dominant c est l avoir entre ses mains Lorsque Claire est habill e dans le r le de madame c est en fait ne poss der qu une image et c est une facon pour Solange de tenir Claire sa merci Les fleurs sont r parties dans toute la chambre ce qui donne une atmosph re touffante cette pi ce la fois chapelle ettombeau Il y alesfleurs fun bres de la chambre sous lesquelles madame sera ensevelie les fleurs fan es dont elle comble Claire et Solange Ces fleurs sont la fois symbole de mort et de f minit Tout le d cor de la chambre est baroque travers madame ce sont elles m mes que les bonnes flagellent Elles s aiment et se haissent et leur pulsion de mort est suicidaire La souffrance clate partout dans la pi ce avec violence et accompagne la transgression des interdits Dans certaines repr sentations ce sont des hommes qui ont jou le r le des bonnes Il y a un va et vient vertigineux entre le sacr et le profane C est le couple infernal du criminel et de la sainte
49. uet de Platon adapt par Fr d ric Vossier qu il avait mis en sc ne au printemps 2010 Enfin en mai 2012 il mettra en sc ne Amphitryon de Moli re au Th tre du Vieux Colombier Com die francaise Parall lement son activit d acteur et de metteur en sc ne Jacques Vincey m ne r guli rement un travail p dagogique dans les lyc es et les coles professionnelles d acteurs cole des Teintureries Lausanne CNR de Grenoble cole sup rieure TNBA atelier volant TNT etc transmettant ainsi sa vision de la th tralit et sa passion de la mise en sc ne 10 Note d intention Si nous opposons la vie la sc ne c est que nous pressentons que la sc ne est un lieu voisin de la mort o toutes les libert s sont possibles Jean Genet Lettres Roger Blin Le 2 f vrier 1933 Christine et L a Papin assassinent sauvagement et sans aucune raison apparente leur ma tresse et sa fille Une dizaine d ann es plus tard Jean Genet s inspire de ce fait divers pour en faire du th tre Il fait entrer Les Bonnes selon Michel Corvin dans la famille des r prouv s glorieux qui prennent dans l imaginaire une revanche sur leur condition de mis re Ces dames les bonnes et madame d connent D embl e Claire et Solange jouent tre autre chose que ce qu elles sont Elles se projettent dans des fictions qui exacerbent leurs pulsions et donnent consistance leurs fantasmes Madame elle m me joue
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