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L`Invasion des profanateurs de sépultures

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1. ratrice appelant Miles Un fondu encha n sur une rue sombre semble r pandre dans l image le noir de l appareil 1 tandis que la voix off de Miles remplace celle de l op ratrice et explique que leur seul espoir est d essayer de rejoindre Sally La voiture de Miles arrive du fond du champ et le premier panoramique de la s quence l accompagne vers la gauche o l on d couvre une station service Ce genre d articulation d espaces par un simple mouvement de cam ra ici purement fonctionnel r v le parfois des voisinages plus inqui tants cf p 11 et 15 Que le m me pro c d serve des effets diff rents conf re aux panora miques les plus communs une charge sourde chaque mouvement est susceptible de se transformer en basculement sinistre et on comprend vite que la sta tion service n est pas si ordinaire La voiture s est arr t e un raccord dans l axe montre Miles qui en sort et apr s avoir demand le plein 2a est suivi en panoramique jusqu une cabine t l phonique 2b On revient la voiture et Becky surcadr e dans l habitacle et discr tement mais fermement cer n e dans toute la profondeur du champ 3 alterna tivement approch e l avant champ puis l arri re par le couple d employ s de la station qui l interroge sur cette sortie nocturne Miles s en aper oit et courte sa tentative d appel un plan sur lui de dos l int rieur de la cabine raccorde sur une reprise d
2. DON SIEGEL mi Io it MODE D EMPLOI Ce livret se propose de partir des contextes de la cr ation du film pour aboutir la proposition d exercices ou de pistes de travail que l enseignant pourra prouver avec ses classes Il ne s agit donc pas tant d une tude que d un parcours qui doit permettre l appropriation de l uvre par l enseignant et son exploitation en cours Des pictogrammes indiqueront le renvoi des rubriques compl mentaires pr sentes sur le site www transmettrelecinema com sultar comm 6 5 NA Directrice de la publication Fr d rique Bredin Propri t Centre national du cin ma et de l image anim e 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 T l O1 44 34 34 40 R dacteur en chef Thierry M ranger R dacteur du livret Cyril B ghin Iconographe Carolina Lucibello R vision Sophie Charlin Conception graphique Thierry C lestine Conception printemps 2014 Cahiers du cin ma 18 20 rue Claude Tillier 75012 Paris T l 01 53 44 75 75 www cahiersducinema com Achev d imprimer par l Imprimerie Moderne de l Est septembre 2014 SOMMAIRE Synopsis et fiche technique Avant la s ance jrols mises en garde Contexte Stephen King va au cin ma Gen se De Mill Valley Hollywood R alisateur Sous le sceau de la violence Genre Sur la terre plut t que dans le ciel D coupage narratif R cit
3. snatchers elle infiltre et d compose le quotidien linvasion a lieu dans une ville pavillonnaire o les camions des fermiers cultivant les cosses remplacent les soucoupes volantes Destins du film noir Si allier la science fiction l horreur n est pas nouveau Siegel se d marque aussi des films qui ont trait avant lui l asservissement du corps humain par des entit s extraterrestres Une comparaison avec Le Monstre de Val Guest de l ann e pr c dente est r v latrice cf p 18 c est la monstruosit de la norme et non celle de l anormal qui int resse Siegel Lorsque Teddy s aper oit que le corps gisant dans son salon ouvre les yeux elle s crie Its alive C est vivant exclamation qui pour les amateurs de films d horreur est celle lan c e par le docteur Frankenstein dans le classique de James Whale 1931 Le go t du sc nariste pour la citation voqu plus haut propos de Shakespeare et la malice de Siegel fonctionnent ici merveille le docteur Frankenstein r agissait un corps rapi c et in dit Teddy l inverse s exclame devant un corps synth tique sans couture et d j vu un clone de son mari Lhorreur comme la science fiction est un instrument ironique C est la fin du film tout le double sens de la r plique off de Miles sur la peur suscit e par le baiser chang avec la fausse Becky Siegel sait faire l conomie des intrigues amou reuses m
4. c t de lui pour y glisser un doute Il se fragmente et interagit La sc ne de la serre r v le d abord l int rieur des cosses sous la forme d une mati re blanche fluide mais cume qui entoure les corps en formation injecte dans l image un grouillement de micro contrastes les reflets sur les multiples bulles relayant une chelle minuscule les z brures d j produites par la structure de la verri re Le noir et le blanc se c toient ainsi un niveau microscopique pour former une m me mati re la texture de la peau des doubles de m me que la texture des parois de la mine appara tra plus tard comme un lacis de facettes noires et blanches avec parfois ses propres scintillements comme dans le premier plan montrant Miles et Becky adoss s la roche Si la logique all gorique de la lumi re est donc celle de la confusion d une sorte de fractionnement infini des oppositions de tonalit s il ne faut pas perdre de vue que sa perception passe essentiellement par le noir Les ambiances nocturnes EE a gt AE A h a j d E i sont dautant plus importantes qu elles m langent des proc d s cr ant diff rents rapports entre la clart et l obscurit contrastes des nuits am ricaines tourn es en plein jour devant le restaurant noirs profonds des plans film s en ext rieur lors de vraies nuits les plans de rue nuits de studio aux clai rages plus graphiques la cave la serre
5. espace qui promet la paix globale d une forme de vie qui ignore les sentiments Miles et Becky leur chappent et poursuivis par une meute d habitants se r fugient dans une mine d saffect e Un double se substitue Becky Terroris Miles parvient rejoindre une autoroute l h pital les psychiatres qui doutaient d abord de son r cit finissent par pr venir les autorit s AVANT LA SEANCE Trois mises en garde L argument de l Invasion des profanateurs de s pultures est fascinant voil qu une forme de vie inconnue prend l apparence des habitants d une ville et se substitue sa population que cette ville et peut tre un pays se trouvent ainsi remplac s de l int rieur dans une sorte d indiff rence gla ante Cet argument devrait lui seul permettre au film d tre vu sans pr paration On se contenterait alors d expliquer que le titre fran ais est une fausse piste cons quence d une erreur de traduction due entre autres au souvenir d une nouvelle de Robert Louis Stevenson The Body Snatcher Le R cup rateur de cadavres adapt e au cin ma en 1945 par Robert Wise Dans le film de Don Siegel il n est pas question de s pultures mais de v ritables corps il n y a pas de profanation mais une duplication d identit physique Invasion of the Body Snatchers se traduirait donc plut t par L Invasion des voleurs de corps l argument n est pourtant pas suffisant Compar e aux adaptati
6. comme en t moignent les lectures contradictoires qui ont pu tre propos es cf p 3 et 18 Cette difficult du film est aussi son aspect le plus passionnant il faudra arriver faire comprendre que le body snatching est moins une m taphore qu une sorte de structure m taphorique ouverte de multiples contenus une coquille vide comme les personnages qui en sont victimes mais qui fait tourner les hypoth ses inter pr tatives plein r gime Jack Finney lui m me disait radicalement de son roman C est une m ta phore de rien It is a metaphor for nothing 2 3 Le film est invraisemblable Il contient de nombreuses situations aberrantes non justifi es ou contradictoires Tout en ne perdant pas de vue les effets de sens de ces aberrations il faut y faire le tri de ce qui semble effectivement rat d suet ou d certaines contraintes de production cf p 4 Il y a l des effets de mise en sc ne car l conomie et la rapidit de la s rie B entra nent de fortes ellipses mais aussi des volont s humoristiques de Siegel cf p 7 Comment par exemple le premier corps se retrouve t il sur une table de billard chez les Belicec Cette situation bizarre justifi e dans le roman de Finney puisque Jack Belicec l a trouv dans la cave et emmen dans le salon reste sans explication chez Siegel produisant un effet d incongruit satirique le corps semble une manation monstrueuse du confort bour
7. en laboratoire avec le proc d Superscope qui offrait un format de projection de 2 00 en coupant le haut et le bas de l image Miles Bennell est il fou Dans un h pital il raconte son invrai semblable histoire Trois jours auparavant de retour Santa Mira la petite ville californienne o il vit et exerce la m decine Miles a t confront des comportements tranges un enfant ne reconna t plus sa m re une femme affirme que son oncle n est pas son oncle Accompagn de Becky Driscoll un amour de jeunesse qu il ma jamais revu il va de surprise en surprise Chez des amis Jack et Teddy Belicec un corps immobile prend les traits de Jack Dans la cave du p re de Becky Miles en trouve un autre qui ressemble la jeune femme Un confr re psycha nalyste le docteur Kauffman donne des explications ration nelles ces v nements et le lendemain la n vrose collective semble calm e Le soir Miles et ses amis d couvrent pourtant d normes formes v g tales qui donnent naissance d autres corps imitant leur apparence Ils comprennent que la substitu tion d finitive a lieu durant le sommeil et que la population est ainsi progressivement remplac e Miles et Becky ne parvien nent pas fuir la ville d j sous contr le o s organise la diss mination du ph nom ne grande chelle Jack et le docteur Kauffman dupliqu s leur expliquent qu il est inutile de r sister cette invasion venue de l
8. il essaie de rejoindre Sally mais celle ci est d j d doubl e Une alerte est lanc e contre eux les fugitifs trouvent refuge dans le cabinet de Miles et tentent de ne pas dormir 7 Ne r sistez pas 00 54 39 01 04 14 Le lendemain matin Miles et Becky toujours retranch s observent l activit de Santa Mira par les fen tres du cabinet Une soudaine mobilisa tion silencieuse fait converger des dizaines de passants vers le centre d une petite place tandis que des camions arrivent charg s de cosses Sur les ordres d un officier les gens prennent des cosses pour aller les disperser dans leurs quartiers respectifs Miles comprend qu il y a l comme une maladie contagieuse qui se r pand dans tout le pays Jack et le docteur Kauffman arri vent dans le cabinet ils ont t d doubl s et tan dis que d autres d posent dans le bureau des cosses destin es Miles et Becky ils tentent de convaincre le couple de se soumettre sans lutter cette transformation indolore et merveilleuse qui va apporter une paix globale ils vont rena tre dans un monde sans probl me o tous sont les m mes et o les sentiments ont t radiqu s De nouveau enferm s en attendant qu ils tombent de sommeil Miles et Becky r ussissent chapper leurs gardes 8 La ru e 01 04 15 01 08 57 Dans la rue ils essaient de se faire passer pour leurs propres doubles mais Becky ne peut sem p cher de crie
9. me temps qu elle introduit un autre vide la pr sence creuse du kitsch bourgeois Que Wilma s occupe d une bou tique d antiquit s n est pas anodin les signes culturels sont corrom pus les bibelots repr sentent un danger L aspect le plus passionnant de LInvasion des profanateurs est la mani re dont ces effets d videment et de trop plein entrent en conjonction dans les motifs naturels La vie v g tale des snatchers n est confirm e que vers la moiti du film mais elle impr gne d une tonalit inqui tante les manifestations ant rieures de plantes et d arbres dans les d cors Ainsi les branches mortes s int grent dans les plans de la sc ne du restaurant Le noir et blanc contrast tend souligner le caract re foisonnant des herbes ou des feuillages tout en leur conf rant une pr sence purement graphique que cherchent accentuer les clairages de la serre cf p 16 L inqui tude li e aux plantes glisse ainsi vers l abstraction dans la poursuite finale les arbres herbes et bosquets z brent l image de textures de plus en plus fines reprises par les reliefs min raux des parois de la mine qui remplissent int gralement le fond des plans l invasion semble litt ralement incrust e dans toute chose TECHNIQUE Travers es Film petit budget tourn en peu de jours L Invasion des profanateurs tire en partie son conomie de mise en sc ne des conomies de production impos es Don Sie
10. Artists quelques r pliques trop humoristiques furent supprim es Mais les changements les plus massifs concernent la voix off de Miles qui n existait pas dans le sc nario et le premier montage ainsi que louverture et la conclusion l origine le film d butait avec l arriv e de Miles la gare et s achevait sur le gros plan o il crie vers la cam ra Vous tes les prochains L id e d un cadre narratif transformant l ensemble du r cit en un long flash back permettait de temp rer cette fin trop brutale et pessimiste pour le studio Siegel d abord hostile et refusant de tourner les sc nes aurait ensuite reconnu leur utilit En plus de cet ench ssement Wanger ima gina diff rentes mani res d introduire le film pour en souligner la port e poli tique n anmoins indistincte ou l importance culturelle qu il voulait faire passer en force Il pensa d abord ouvrir avec une citation de Winston Churchill extraite de son ultime discours politique donn avant sa d mission du poste de Premier ministre qui venait d tre prononc le ler mars 1955 Peut tre le jour viendra t il o la loyaut l amour du prochain le respect pour la justice et la libert permettront aux g n rations actuellement souffrantes de laisser derri re elles avec s r nit et apr s lavoir vaincue l horreur du temps que nous vivons D ici l ne fl chissez jamais ne vous laissez jamais d courager ne d sesp rez ja
11. Dans l avant derni re s quence le tournage en nuit am ricaine produit dimpressionnants contrastes de d tails sur les herbes ou les arbres En m me temps des pans entiers de noir traver sent les plans comme des failles ainsi les poutres l entr e de la mine ou de vastes clipses la pente que descend Miles en senfuyant est plong e pour moiti dans l obscurit Lorsque Miles et le double de Becky sortent en titubant et tombent puis s s embrassant sur le sol ils re oivent m me leur corps une ultime manifesta tion de ombre l humidit et la boue les maculent comme la derni re tape d une incorporation du noir Leur chute r p te la position qu ils avaient quelques minutes plus t t allong s dans un trou de la mine avec la foule pas sant au dessus d eux comme s ils taient d j dans une tombe enterr s et m l s la mati re Ce travail des textures culmine ainsi avec les gouttes d eau sur le visage de Becky et la boue sur celui de Miles dans une forme d rotisme terro risant c t de l affiche Miroir noir chez les Belicec une autre annon ait justement Femme fatale 1 Le low key est un style de prise de vues qui repose sur un faible niveau de lumi re et joue sur de forts contrastes Le high key accentue au contraire l impression de luminosit Les profanateurs des Profanateurs Comme de nombreuses s ries B de l poque L Invasion des profanateurs
12. Un concentr d invasion Personnage L attaque des clones Plans Duplications et doubles fonds S quence En voiture Figure L angoisse du d cor Technique lravers es Motif Miroir noir Filiations Soixante ans de profanations Critique Oiseaux et rhinoc ros consulter 10 11 12 14 15 16 18 20 ICHE TECANIQUE SYNOPSIS Th tre du temple L Invasion des profanateurs de s pultures Invasion of the Body Snatchers tats Unis 1956 R alisation Sc nario Image Son Montage Musique D cors Effets Sp ciaux Producteur Production Dur e Format Tournage Sortie Interpr tation Miles Bennell Becky Driscoll Jack Belicec Teddy Belicec Danny Kauffman Sally Wilma Le p re de Becky Oncle Ira L employ du gaz Don Siegel Daniel Mainwaring d apr s le feuilleton et le roman de Jack Finney L Invasion des profanateurs The Body Snatchers Ellsworth Fredericks Ralph Butler Robert S Eisen Carmen Dragon Edward Ted Haworth Milt Rice Walter Wanger Allied Artists 1 h 20 2 00 Superscopetl Noir et blanc 23 mars 27 avril 1955 5 f vrier 1956 tats Unis 8 novembre 1967 France Kevin McCarthy Dana Wynter King Donovan Carolyn Jones Larry Gates Jean Willes Virginia Christine Kenneth Patterson Tom Fadden Sam Peckinpah 1 Le film fut tourn en 1 85 puis trait
13. Www transmettrelecinema com Plus d informations de liens de dossiers en ligne de vid os p dagogiques d ex traits de films sur le site de r f rence des dispositifs d ducation au cin ma Vous tes les prochains C est sur ce cri d sesp r que s achevait en 1956 l avant derni re sc ne de l Invasion des profanateurs de s pultures de Don Siegel Pr s de soixante ans plus tard Miles Bennell le personnage paniqu qui tentait d alerter les spectateurs d une catastrophe invisible court toujours dans les multiples adaptations qui ont t faites du m me roman de Jack Finney ses cris d alerte n ont pas cess de s encha ner et gageons qu il y en aura d autres Pourquoi les body snatchers ont ils ainsi pris place parmi les figures obs dantes de l horreur au m me titre que les vampires ou les zombies Que r veillait le film de Don Siegel cette s rie B petit budget avec des acteurs peu connus devenue l un des fleurons de l ge d or de la science fiction am ricaine Fort d un r alisme qui osait se d barrasser des image ries technologiques ou monstrueuses il ne d tournait pas les yeux du quotidien am ricain et laissait na tre en montrant des objets et des visages ordinaires le soup on d un mensonge ou d une duplicit qui pr parait aux uvres parano aques des ann es 1960 et 1970 Dans son m lange d horreur et de science fiction comme travers les ambiguit s d
14. bouche de Miles par le sc nariste Daniel Mainwaring l une au d but de la s quence 4 dans la voiture avec Becky Je connais une rive o cro t le thym sauvage emprunt e au Songe d une nuit d t l autre au milieu de la m me s quence au pied des esca liers menant la chambre de Becky C est de ce c t qu est la folie emprunt e au Roi Lear Quelques commentateurs ont m me vu une r f rence Hamlet dans la radiographie d un cr ne tenue par Miles au d but de la s quence 3 Faute de consen sus Invasion of the Body Snatchers fut adopt y compris par Jack Finney pour les r ditions de son roman ILMOGRAPHIE 1946 1949 1952 1953 1954 1956 1956 1957 1958 1960 1962 1964 1964 1968 1968 1969 1970 1971 1976 1977 1979 1980 S LECTIVE Don Siegel The Verdict a commence Vera Cruz The Big Steal Duel sans merci The Duel at Silver Creek Ici brigade criminelle Private Hell 36 Les R volt s de la cellule 11 Riot in Cell Block 11 Face au crime Crime in the Streets Invasion des profanateurs de s pul tures Invasion of the Body Snatchers L Ennemi public Baby Face Nelson The Lineup Les R deurs de la plaine Flaming Star L Enfer est pour les h ros Hell Is for Heroes Le Prix d un meurtre The Hanged Man bout portant The Killers Police sur la ville Madigan Un sh rif New York Coogans Bluff Sierra torride
15. chez Hirschbiegel de formes tentaculaires ou en r silles tr s tra vaill e chez Kaufman se combine dans le film de Ferrara un poudroiement de la lumi re des blouissements et chatoiements qui radicalisent en couleur les effets de fractionnement que l on a d crits propos du noir et blanc du film de Siegel cf p 16 1 C est l expression utilis e par Jean Fran ois Rauger dans Remakes am ricains cf p 21 D placements Il peut tre passionnant de rep rer les l ments du film de Siegel qui se retrouvent dans celui de Kaufman d plac s ou dispers s dans d autres sc nes sous des formes tendues ou condens es selon une logique mani riste Un exemple clair est le moment o Miles d couvre Becky en train d tre dupliqu e endormie c t d un t l phone qu elle n a pas pu raccrocher Il est rentr chez elle par effraction comme chez Siegel mais c est le fianc de Becky qui a pris la place du p re dans la maison Miles ne d couvre pas le double dans la cave mais dans une sorte de jardin d hiver attenant la chambre o le corps repose au milieu d une compo sition v g tale luxuriante Lorsque le fianc monte v rifier l volution de la duplication Miles se dissimule dans un placard La sc ne peut tre per ue comme un collage fantasmatique de plusieurs d tails du film de Siegel le t l phone d croch et bourdonnant de 1978 reprend celui de la fin de la
16. cin aste n avait alors jamais abord la science fiction ou l horreur et ne le fera plus dans la suite de sa carri re qu avec deux pisodes de la s rie t l vis e La Quatri me Dimension cf p 7 M me chose pour le sc nariste et romancier Daniel Mainwaring auteur de r cits policiers et de westerns qui avait d j crit pour Siegel a commence Vera Cruz Il faut signaler que Mainwaring avait t menac par les commissions d enqu te sur les activit s communistes Hollywood un l ment en faveur de l interpr tation antimaccarthyste du film Choisir Siegel et Mainwaring tait d autant plus fort qu Allied Artists consacrait depuis 1952 une grosse partie de sa production la science fiction et avait des r alisateurs sp cialis s dans le genre Lun de ses titres les plus connus tait alors un film d invasion de robots extraterrestres Target Earth en 1954 l hybridation entre science fiction et film noir qui caract rise LInvasion des profanateurs tait donc en quelque sorte inscrite son g n rique O est Santa Mira Suivant un rythme de production typique des s ries B mais tout de m me extra ordinairement rapide le tournage du film d buta le 23 mars 1955 exactement trois mois apr s la publication du dernier pisode du r cit de Finney dans le Colliers du 24 d cembre 1954 Les trois versions du sc nario le choix des acteurs et des lieux de tournage furent donc boucl s en moins de 90 jours Wanger a
17. de sentiment qui contamine la ville et menace l humanit y est remplac e par les hyst ries tout aussi inqui tantes d une bande de jeunes d s uvr s et surtout de l un d entre eux jou par John Cassavetes obs d par un projet de meurtre Le sadisme du tueur de The Lineup qui n h site pas frapper une fillette ou l amoralit de lun des flics de Ici brigade criminelle pr t assassiner son partenaire et meilleur ami restent stup fiants aujourd hui malgr l volution des normes de la violence Il ny a gu re quun moment quivalent dans L Invasion des profanateurs celui o Miles enfonce une fourche dans le torse de son double Pour le reste Siegel fait preuve d une exception nelle retenue touffant la repr sentation de la violence afin de trouver la juste tonalit parano aque du film Masses et menaces L Invasion des profanateurs lance aussi un th me qui va traverser le reste de son uvre les protagonistes s y trouvent souvent confront s des masses indis tinctes des groupes anonymes o il leur faut apprendre reconna tre une menace cach e ou l inverse ce qui doit tre sauv comme le travailleur social de Face au crime qui envers et contre tout harc le le jeune Cassavetes Les truands de The Lineup se servent de touristes innocents pour faire passer des paquets de drogue et des cellules terroristes dormantes anciens agents communistes sont activ es par un simple coup de t l
18. dossier est celle sortie en Angleterre par Universal en 2007 malheureusement d nu e de sous titrage fran ais En bonus de cette dition figure la version colori s e Le film a b n fici aux tats Unis d une restau ration et d une excellente num risation donnant lieu l dition d un DVD et d un Blu Ray Olive Film 2012 dont la qualit d image est tr s sup rieure celle de la copie Universal Les autres adaptations Philip Kaufman L Invasion des profanateurs DVD Fox Path Europa 2000 Abel Ferrara Body Snatchers DVD Warner Studios 1999 dition am ricaine Olivier Hirschbiegel Invasion DVD Warner Bros 2008 Quelques films de Don Siegel a commence Vera Cruz DVD ditions Montparnasse 2004 Crime in the Streets Face au crime DVD Warner Bros 2013 The Lineup DVD SPE 2013 dition am ricaine Riot in Cell Block 11 DVD Criterion 2014 di tion am ricaine Les deux pisodes de la saison 5 de La Quatri me Dimension r alis s par Don Siegel Oncle Simon pisode 8 1963 Le Recyclage de Salvadore Ross pisode 16 1964 se trouvent dans le coffret DVD sorti en 2009 dition The Corporation et sont par ailleurs disponibles sur Youtube Science fiction am ricaine des ann es 50 Val Guest Le Monstre DVD Metropolitan 2005 Christian Nyby La Chose d un autre monde DVD ditions Montparnasse 2007 William Cameron Menzies Invade
19. phone dans Un espion de trop le film de Siegel le plus souvent rapproch de L Invasion des profana teurs m me s il ne conserve plus rien de ses ambiguit s id ologiques GENRE Sur la terre plut t que dans le ciel Invasion des profanateurs est consid r comme un film de science fiction et les bases de son r cit ne laissent pas de doute sur cette cat gorisation Le film est pourtant d nu des motifs qui se r p taient dans le cin ma de science fiction am ricain des ann es 50 pas de m t orite de soucoupe volante de robot ou de cr ature humano de de scientifique ou de militaire en alerte Le seul plan sur le ciel est celui nuageux qui court sous le g n rique r pondant par lopa cit au c l bre Watch the sky Surveillez le ciel qui constituait un leitmotiv du genre Le roman de Finney s achevait avec la fuite des envahis seurs dans le ciel le film se suspend sur une route dans l horizontalit angois sante du trafic automobile Le r cit ne confirme que tardivement l hypoth se d une cause extraterrestre par la bouche poss d e du docteur Kauffman et Siegel donne peu d images des m tamorphoses quelques axes sur le double de Jack Belicec un court insert sur celui de Becky dans la cave puis une s rie de plans les plus spectaculaires sur l closion des cosses dans la serre l exception de ces brefs moments la science fiction s appuie sur une imagerie r aliste Comme les
20. qu il croit que sa m re n est pas sa m re son cabinet Miles rencontre aussi Becky Driscoll un ancien amour parti depuis cinq ans elle est venue lui parler d une cousine Wilma qui pense que son oncle n est pas son oncle Pourtant lors qu il va voir la famille de Wilma en compagnie de Becky Miles ne d couvre rien d extraordinaire 4 Deux vagues corps 00 17 08 00 32 00 Allant d ner comme au temps de leur flirt Miles et Becky croisent Danny Kauffman un psychiatre qui a vu se multiplier dans la ville les m mes cas de troubles parano aques et parle d une hyst rie de masse peine rentr dans le restaurant trangement vide Miles est appel par un ami Jack Belicec qui veut le voir au plus vite Sur la table de billard dans le salon des Belicec se trou ve le corps d un inconnu au visage vague et sans empreintes digitales mais qui semble avoir quelques ressemblances avec Jack Miles raccom pagne Becky chez son p re et pendant ce temps chez les Belicec le corps a pris l apparence de Jack Ce dernier et sa femme Teddy terroris s vont se r fugier chez Miles qui appelle le docteur Kauffman la rescousse Miles a le sentiment que Becky est en danger et se pr cipite chez elle en voiture Il rentre par effraction chez les Driscoll en passant par leur cave o un double de la jeune femme est en train de prendre forme l tage il trouve la vraie Becky profond ment endormie et lemm n
21. rep res moraux rapprochent Siegel du cin ma de Robert Aldrich dont la parano a d En quatri me vitesse pr pare un an avant celle de LInvasion des profanateurs ou un peu plus tard de Sam Peckinpah qui fait deux apparitions dans le film et affirmera avoir travaill sur le sc nario Avec eux il appara t comme une influence fondatrice de cin astes du Nouvel Hollywood comme Martin Scorsese ou William Friedkin qui sortent leurs premiers longs m trages entre la fin des ann es 60 et d but 70 moment o Siegel r alise coup sur coup son plus beau film Les Proies et son succ s le plus controvers Inspecteur Harry La travers e des apparences Pour bien prendre la mesure de ce que fait et ne fait pas Siegel dans L Invasion des profanateurs il est utile de regarder quelques uns de ses films de la m me poque La violence est beaucoup plus directe et l humour quasi absent dans Ici brigade criminelle film noir sur deux policiers corrompus Les R volt s de la Don Siegel DR cellule 11 film de prison l un des premiers du genre Face au crime m lodrame autour de la violence juv nile dans la lign e lointaine de La Fureur de vivre ou l excellent et plus joueur The Lineup thriller centr sur un duo de tueurs gages qui pr pare bout portant Face au crime par exemple r alis la m me ann e que L Invasion des profanateurs peut en appara tre comme une sorte de n gatif l absence
22. sien branch aux terminaux de la peur Ce r cit sugg re qu il faut tenter de distinguer un contexte d interpr tation et un contexte de r ception m me s ils se superposent largement Le contexte Les soucoupes volantes attaquent de Fred Sears 1956 Coll Cahiers du cin ma d interpr tation du film de Siegel est multiple et se confond avec une s rie de bouleversements politiques et sociaux dans l Am rique des ann es 50 Il a tr s souvent t comment produisant divers lieux communs aux r sultats contra dictoires selon que lon s attache la parano a anticommuniste au rejet du maccarthysme la d colonisation la peur nucl aire la lente volution des rapports entre les sexes la popularisation de la psychanalyse ou tout sim plement la vague du cin ma de science fiction qui grossissait depuis 1950 l uniformit de pens e des snatchers caricature t elle la peur d un lavage de cerveau communiste la guerre froide celle d un conservatisme social une paix froide ou celle d un aplanissement des individualit s dans un monde technocratique les copies conformes comme image d une conformation de la conscience L invasion n est elle pas aussi l expression au moment des d colonisations d un reflux fantasmatique qui voit le c ur de l Occident colo nis son tour litt ralement de l int rieur R ceptions Le contexte de r ception cumule ces l ments ma
23. The Lineup prenant le clich du genre contre pied Les compositions low key de L Invasion des profanateurs en sont d autant plus tonnantes Elles semblent tre en fait le dialogue du cin aste avec l esth tique d un genre alors en pleine m tamorphose ainsi en 1956 le chef op rateur Stanley Cortez venait de cr er les lumi res post expressionnistes de La Nuit du chasseur de Charles Laughton Robert Aldrich avait tourn En quatri me vitesse autre m lange de film noir et de science fiction qui voquait une bo te conte nant une myst rieuse lumi re aveuglante Le moment le plus joueur ce titre est sans doute celui o Miles raccompagne Becky chez elle le premier soir Attisant leur d sir mutuel le couple allume et teint la lumi re de l entr e passant deux fois d un franc clair obscur un clairage plus ordinaire jusqu ce que cette alternance soit interrompue par un troisi me terme lumineux qui m le les deux ambiances le p re de Becky montant de la cave projette son ombre sur une porte avant de se diriger vers le couple et rejoindre leur clairage Plus tard lorsque Miles revient par effrac tion chez les Driscoll pour emporter Becky endormie la sc ne offre un concen tr de proc d s low key contre jour absolu sur sa silhouette passant par la terrasse abstraction g om trique de la fen tre qu il brise transform e par la salet en un aplat luminescent accentuation des effet
24. Two Mules for Sister Sara Les Proies The Beguiled Linspecteur Harry Dirty Harry Le Dernier des g ants The Shootist Un espion de trop Telefon vad d Alcatraz Escape from Alcatraz Le lion sort ses griffes Rough Cut R ALISATEUR Sous le sceau de la violence Don Siegel 1912 1991 est plus connu pour ses films violents et sardoniques avec Clint Eastwood cinq collaborations d Un sh rif New York L vad d Alcatraz en passant par le c l bre Inspecteur Harry que pour les d buts de sa carri re pourtant prolifiques o Linvasion des profanateurs de s pultures est un titre parmi beaucoup d autres D abord monteur pour des s quences chez Raoul Walsh Gentleman Jim 1942 ou Michael Curtiz Casablanca 1943 il est aussi charg de r gler les sc nes d action de nombreux films y compris pour Hawks ou Curtiz Dans les ann es 50 Siegel tourne en moyenne deux films par an Cette cadence industrielle am ne dans la lign e d une autre colla boration avec Walter Wanger Les R volt s de la cellule 11 radicaliser un style fondamentalement r aliste et attentif la v rit des d cors plus proche de Walsh ou de William Wellman centr sur l action la vitesse et une forme de b haviorisme grin ant qu il illustre travers ses deux genres de pr dilection le thriller policier et le western La s cheresse du style la violence ruptive l ambiguit des h ros et la disso lution des
25. a eu un destin de distribution erra tique avant d tre int gr en 1994 la liste des films de la Biblioth que du Congr s des tats Unis C est ainsi qu en 1988 le studio Republic Pictures ayant acquis les droits en fit une ver sion coloris e pour le march vid o sans supervision du r alisateur La version coloris e de L Invasion des profanateurs disponible en bonus de l dition DVD Universal est un mal heureux exemple de ce vandalisme Elle permet pourtant d illustrer en classe une vidence esth tique le noir et blanc n est pas une simple absence de couleurs il produit et d veloppe des effets sp cifiques Trois sc nes peuvent ainsi tre com par es pour constater que la couleur enl ve plus qu elle n ajoute dans le salon des Belicec les couleurs des objets du d cor annulent la sensation de surcharge du cadre au profit de celle de profondeur dans la cuisine de Miles on perd la sensation de blan cheur et donc de contraste avec la s quence pr c dente dans la mine la couleur impos e aux parois d truit l effet de texture abstraite ramenant le d cor sa seule fonction r aliste La version Republic Pictures rec le d autres aberrations utiles en classe violemment recadr e en 1 33 elle r v le par d faut l importance de la composition des plans de l original format e pour la diffusion t l elle est entrecoup e de noirs qui liminent certaines fins de plan co
26. ais il porte ici un soin particulier aux l ments de com die roman tique entre Miles et Becky Cet aspect est pr sent dans le roman et Mainwaring tait attentif aux personnages f minins comme le prouvera l ann e suivante le couple criminel de L Ennemi public autre collaboration avec Siegel on sait aussi que Siegel s est battu avec la censure du Production Code pour conser ver l information du divorce des deux amoureux ce qui donne lieu la pause tonnante de leur petit d jeuner L encore le genre est finalement min avec le baiser de la derni re s quence lamour est terrorisant D autres m langes plus discrets sont essentiels Le western est rappel par les paysages autour de la mine et par la chanson lointaine qui attire Miles Mais ce sont les l ments emprunt s au film noir qui marquent l hybridation la plus tonnante Il est un h ros isol et perdu en lutte contre une corruption qui gagne ses proches et le pays son bureau n est pas celui d un enqu teur mais il s y r fugie et y pie un moment les v nements Les ambiances nocturnes marquent la r f rence au genre et leur intrusion dans le d cor pavillonnaire distille une confusion qui rappelle un film comme Le Criminel d Orson Welles The Stranger 1946 o un ancien nazi vit sous une fausse identit dans une petite ville am ricaine Cette m tamorphose du film noir dans un bain para noiaque ouvre aussi la voie au cin ma de com
27. d Siegel une distance certaine De Santa Mira Santa Bodega Serge Daney Cahiers du cin ma n 197 janvier 1968 Par on ne sait quelle circonvolution de distribution faisant mentir la propagation rapide des snatchers L Invasion des profanateurs de s pultures n est sorti en France qu en novembre 1967 Que ce film aux consonances politiques contradictoires soit arriv Paris peu avant Mai 68 est une belle co ncidence Sa r ception est toutefois comme aux tats Unis dix ans avant d abord indiff rente les chroniqueurs les plus positifs comme Michel Caen dans la revue Midi Minuit Fantastique lui trouvant toujours quelques normes d fauts Si Caen ignorant des d tails de la production s insurge contre la structure en flash back beaucoup d autres amateurs de science fiction ou de fantastique jugent le film visuellement trop fade lui pr f rant les inventions de la s rie des Quatermass Les Monstres de l espace troisi me volet de la s rie produite par la Hammer c l bre studio anglais sp cialis dans l horreur sorti la m me ann e Figure essentielle de la critique fran aise Serge Daney tait sans doute plus sensible aux implications id ologiques du film Son texte la tonalit logieuse n en reste pas moins tonnant dans les Cahiers du cin ma qui n ont jamais t f rus du genre m me s il y a au sein de la revue une attention port e l uvre de Siegel d s les ann e
28. de la lumi re mais un motif en soi et une pr sence mena ante une mont e au premier plan un pas sage du fond la figure Cette pr sence est toutefois constamment contrari e ou m l e d autres parce qu elle est r serv e certaines s quences l alternance illustrant la volont d hybridation du film mais aussi pour des raisons de pro duction avec les temps de mise en place de cam ra ceux des clairages sont un luxe dans les conomies des films de s rie B Il y a donc confrontation entre les plans en clair obscur marqu s par des contrastes de sources lumineuses ponctuelles et de noirs profonds et les plans plus clair s qui tendent all ger les ombres et cr er des espaces homog nes Cette confrontation pouse en partie la distinction hollywoodienne classique entre clairages low key et high key et leurs attributions des genres sp cifiques Ce ne sont pas seulement les snatchers qui envahissent Santa Mira c est aussi une lumi re stylis e de film noir qui semble envahir des ambiances plus plates de com die dramatique ou de soap t l vis Le tout d but du film en offre un exemple frappant Le plan qui montre l arriv e de la voiture de police est un concentr de low key et d ambiance de film noir l obscurit de la rue est seulement trou e par deux lampadaires lointains quelques fen tres les phares peu puissants du v hicule leurs reflets sur le bitume mouill e
29. dit ne correspond rien de ce que l on a vu jusqu ici Comme si de mani re terrorisante le basculement des personnages n tait plus qu une question de raccord ou le simple effet d une chute dans le sommeil aussi br ve soit elle la science fiction rejoint une logique fantasmatique de conte carts Si la focalisation subjective sur le personnage de Miles est une r gle constante dans le roman Mainwaring et Siegel ne sont pas aussi radicaux que Finney et m nagent de nombreux carts ponctuels pour r v ler des actions ou des expressions que Miles ne peut pas voir par exemple le plan sur oncle Ira la fin de la s quence 3 la br ve sc ne o Teddy surprend le corps ouvrant les yeux s quence 4 le plan sur l change entre Wilma et le p re de Becky s quence 5 cf p 11 ou celui sur Becky seule dans la mine s quence 9 Ces inserts sont la fois des facteurs de suspense et des suspensions momentan es de la focalisation Ils permettent de repousser Miles dans une ext riorit qui est la condition de ce que Siegel avait initialement imagin comme conclusion du film le personnage tourn vers la cam ra pour crier Vous tes les prochains brisant d finitivement l intimit d une focalisation devenue litt ralement obsc ne dans ce contexte de possessions int rieures Mais le cadre narratif et la voix off impos s par la production brouillent les pistes et on comprend pourquoi Siegel les a d abord re
30. du clone dans la culture contemporaine l historien de l art WJ T Mitchell qualifie les clones de super images ou d hyper ic nes et voque le d go t instinctif qu ils suscitent comme une forme profonde d iconophobie Si le clonage n tait pas encore une r alit scientifique l poque du film de Siegel le diagnostic qui alimente les adap tations ult rieures reste le m me les personnages de l Invasion des profanateurs sont autant d hyper ic nes qui l re industrielle incarnent la peur de la production m canique de ressemblances et de simulacres comme une menace l encontre de toute diff renciation 1 WJ T Mitchell Cloning Terror ou la Guerre des images du 11 Septembre au pr sent Les Prairies ordinaires 2011 p 53 74 pour les rapports entre iconophobie et clonophobie PLANS Duplications et doubles fonds Une courte sc ne de la s quence 5 compos e de deux plans situ s exactement au milieu du film condense le trouble qui s attache aux personnages en m me temps qu elle offre une d monstration de l conomie de la mise en sc ne de Don Siegel 00 38 25 00 39 30 Apr s la longue explication de Kauffman qui ram ne les apparitions de corps une succession d accidents et d hallucinations le r cit marque une tr ve Jack et Teddy ont pass la nuit chez Miles ainsi que Becky qui le lendemain prend avec lui un petit d jeuner comme un couple ord
31. e 2b et une inversion du panoramique alors qu il retourne la voiture et d marre suivi par l employ entra nant nouveau la cam ra vers la gauche 5 Une vue de la voiture dans une rue sombre r p te le d but de la s quence mais au lieu d un panoramique vers la gauche c est vers la droite et une ruelle secon daire que le plan bascule Une courte mont e musi cale dramatique est stopp e net par le bruit des freins puis reprend lorsque Miles et Becky sortent et LUBRICATION 2 12a 12b extraient du coffre deux cosses vraisemblablement d pos es l par l homme de la station Miles les br le L conomie de mise en sc ne est extr me Siegel conserve le m me plan pour toute l action l o une vue rapproch e sur les cosses aurait t attendue Le plus surprenant est que la cam ra recadre peine lorsque Miles les d pose terre 8a L intensit de ce moment ne tient pas dans la vision des l ments monstrueux mais dans l hyst rie des personnages et le jaillissement des flammes une bouff e aveuglante au c ur de l obscurit 8b qui n est pas sans rappe ler la lumi re de la catastrophe dans En quatri me vitesse de Robert Aldrich cf p 6 Le rythme sem balle derri re cette fournaise Miles et Becky sont d j remont s en voiture La voix off de Miles confirme qu ils continuent leur route vers Sally et une troisi me vue urbaine bascule cette fois vers la droite dans u
32. e chez lui 5 Rien signaler 00 32 01 00 40 01 Miles repart avec Jack et le docteur Kauffman exa miner les deux corps Mais il n y a plus rien sur le billard des Belicec ni dans la cave des Driscoll Kauffman convainc Miles qu il a eu une halluci nation et un policier affirme qu un corps aux empreintes digitales br l es serait la morgue c est une affaire criminelle Les nigmes semblent r solues Le lendemain matin Becky et Miles par tagent un petit d jeuner en amoureux et vo quent leurs divorces respectifs Plus tard Miles va la rencontre de Wilma qui affirme aller mieux on la d couvre pourtant juste apr s dans un inqui tant conciliabule avec le p re de Becky Au cabinet de Miles le jeune Jimmy Grimaldi et sa m re se sont r concili s 6 Le peuple des cosses 00 40 02 00 54 38 Le soir alors qu il rejoint Becky et les Belicec chez lui pour un barbecue Miles d couvre dans sa serre quatre cosses monstrueuses en train de secr ter des formes humaines Ses amis et lui en d duisent que ces v g taux inconnus sont l ori gine des corps trouv s la nuit pr c dente et que le processus de d doublement ne s ach ve qu avec le sommeil et la disparition de l individu original Miles essaye d appeler des autorit s mais les lignes sont bloqu es Jack et Teddy partent de leur c t chercher de l aide tandis que Miles tue les doubles avant que leur transformation s ach ve Avec Becky
33. e de champ contrechamp banal le peu de latitude laiss aux acteurs et quelques cadres obliques indiquent que Siegel ne fait pas suffisam ment confiance la profondeur de champ utilis e au d but de la s quence ni la surprenante luxuriance graphique du d cor et de la lumi re 1 l inverse Siegel r v le dans les moments interm diaires un art de la concision qui dans le film se d barrasse des d coupages en champ contrechamp et repose souvent sur une extr me profondeur de champ et des combinaisons dynamiques de panora miques On trouve ainsi apr s la longue s quence de la serre une autre plus br ve 4 minutes 40 22 plans qui d crit le trajet de Miles et Becky pour rejoindre Sally La s quence de la serre montrait l origine monstrueuse de l invasion en d pla ant pro gressivement l attention vers l impossibilit de pr ve nir les autorit s le t l phone tait sous contr le De la logique du film d horreur avec la r v lation terro risante de la r alit physique de l v nement on a gliss vers une logique plus proche du film noir la r v lation tout aussi angoissante de l infiltration g n ralis e La s quence suivante 00 47 31 00 52 11 exacerbe ce m lange Plut t qu avec un gros plan sur une cosse ou l un des doubles la s quence de la serre s est termin e avec un gros plan du t l phone dont le combin d cro ch laissait entendre la voix d sincarn e d une op
34. e la s quence de la fuite cf p 12 la voix mise par la radio dans la voiture vide radicalise le trouble produit pr c demment par la voix de l op ratrice parlant sans interlocuteur tra vers le combin d croch du t l phone Les snatchers sont ce m lange entre un creux une d solation et une parole m canique asservie un r seau Avant de faire peur par ce qu ils imposent ils font peur par ce qu ils liminent par leur inflexible facult vider le familier Une iconographie de film d horreur ferait supporter aux corps cet videment Siegel excluant autant que possible les exc s non r alistes en transf re l angoisse dans les d cors les authen tiques plans de ville d int rieurs et de nature o le film a t essen tiellement tourn Les vides surgissent d abord de mani re locale dans des zones de l image ou de brefs plans ce sont les murs du couloir et de l escalier troits menant au cabinet de Miles les rues nocturnes d peupl es les multiples voitures l arr t ce sont les deux inserts sur la cave nue de Miles et les contre plong es qui accentuent la pr sence visuelle des plafonds lorsqu il va chercher Becky ou passe par la terrasse de Sally Au cours de la poursuite les vides changent de dimension le panoramique qui fait passer des escaliers au paysage de collines cf p 15 est un moment de bascu lement puissant comme une radication de la ville un passage de l aut
35. e poursuivre Miles et sa propre fille raccorde en fondu encha n 14b sur l int rieur vide d une voiture de police dont la radio lance une alerte contre le couple La voix d sincarn e fait cho celle du t l phone au d but 15a Le lien entre ces voix sans corps et la nature des snatchers sera confirm la fin du film lorsqu on entendra la doublure de Becky r pondre l appel de Miles avant de la voir Un panoramique montre les officiers qui entendent l appel 15b et remontent dans leur v hi cule Une s rie de sept plans 16 20 fait alors se succ der les voitures en patrouille confirmant lim portance du complot et m taphorisant la prolif ration des d doublements par la superposition des voitures en fondus encha n s Non seulement le couple est cern mais leurs poursuivants r p tent d j en quelque sorte les m mes actions qu eux rouler sillonner les rues Miles regarde en arri re comme s il jetait un coup d il aux images elles m mes cette prolif ration laquelle il ne sait com ment chapper 23 1 Mark Thomas McGee cf p 21 r v le n anmoins que le montage de cette s quence a largement chapp au cin aste 15a 10 14 cofsultatio h Se ij n GURE L angoisse du d cor Que sont les snatchers sinon des images vid es de leur contenu des fa ades dissimulant du rien ou du moins rien de ce que l on conna t la fin d
36. e son all gorie politique LInvasion des profanateurs de s pultures est avant tout un grand film de psychose k R DACTEUR EN CHEF Thierry M ranger est depuis 2004 critique et membre du comit de r daction des Cahiers du cin ma Agr g de lettres modernes et concepteur de documents p dagogiques il enseigne en sec tion cin ma audiovisuel au lyc e Rotrou de Dreux et dans le cadre du Master Pro Sc nario r alisation et production de l Universit Paris Panth on Sorbonne Il est galement d l gu g n ral du Festival Regards d Ailleurs de Dreux R DACTEUR DU LIVRET Cyril B ghin est critique et membre du comit de r daction des Cahiers du cin ma Il crit galement pour plusieurs revues notamment Vertigo cata logues dont ceux du festival Th tres au cin ma de Bobigny et ouvrages collectifs sur le cin ma Il contribue depuis 2001 au dispositif Lyc ens et apprentis au cin ma r digeant entre autres les dossiers consacr s Gare centrale Kairo Pickpocket Tous les autres s appellent Ali et L trange Affaire Ang lica Avec le soutien du Conseil r gional CAHIERS CINEMA
37. effet d enfon cement dans la profondeur de champ La vie v g tale des envahis seurs gagne silencieusement du terrain Wilma rentre dans la boutique comme dans une coulisse 5 Sus pendant le temps d un plan la focalisation narrative sur Miles on la suit en raccordant en contrechamp l int rieur 6 Un panora mique referme l espace et d couvre la pr sence d un homme de dos qui se retourne Cest le p re de Becky 7 La r alit du complot se cristallise pour la premi re fois Les bibelots autour deux forment un d cor d suet et gla ant comme un d tail ironique deux gravures repr sentant chacune un oiseau riment avec les deux personnages et avec le d doublement du plan pr c dent La duplicit s inscrit dans les images les plus innocentes 11 12 SEQUENCE En voiture Dans les films de Don Siegel les moments narratifs importants sont rarement ceux o la mise en sc ne est la plus remarquable Le cin aste devient alors prudent donnant le sentiment de laisser la priorit au r cit et de ne plus tr s bien mesurer ses effets entra nant des d s quilibres inattendus Ainsi la sc ne de la d couverte du corps chez les Belicec est essentiellement compos e de deux axes de prise de vues ce qui lui imprime une raideur qui d place l attention sur les dialogues et le d cor de mani re excessive cf p 14 Le moment cl de la d couverte des cosses dans la serre est quant lui min par un syst m
38. entre l autisme du personnage vautr devant sa t l vision et son mutisme une fois d doubl il est pareillement d c r br et seulement plus froid Ferrara utilise la m me confusion ironique Don Siegel avec les militaires de son adaptation difficile de diff rencier les soldats nor maux d j soumis une uniformit de pens e et les soldats poss d s Comme Kaufman mais plus rapidement Ferrara balaye le personnage de Miles qui se r v lait dupliqu la fin de l adaptation de 1978 et qui est tu par sa propre fille Marty dans celle de 1993 Chez Ferrara en effet Miles mest pas divorc il a une femme un jeune fils et une fille cette derni re tant la narratrice off du film le proc d est absent chez Kaufman Marty sera m me oblig e de tuer son petit fr re radicalisant la d composition familiale d j violente du film de Siegel Dans la version de 2007 le personnage de Miles est devenu une femme Carol Bennell m re c libataire et psychiatre et celui de Becky un homme Ben Driscoll L amour maternel redonne une moralit conventionnelle au r cit et dans une logique proche de la vague des films de contagion et de zombies des ann es 2000 le fils de Carol offre une solution l invasion son sang permettant une sorte de cure Les versions de Kaufman et Ferrara complexifient aussi les modes d apparition et d expansion des snatchers la pr sence des plantes trangement aban donn e
39. es lors de la premi re venue de Becky dans le cabinet de Miles elle porte une robe largement d collet e qui autorise un cadre o elle semble la fois nue et fig e comme un mannequin de cire Par ailleurs Becky et Sally ont des ressemblances frappantes m me taille m me coupe de cheveux m mes plans dans la voiture de Miles cette g mellit r sonne avec les duplications Le baiser dans la mine est une r p ti tion sombre de celui chang au seuil du restaurant Le soup on devient ainsi r troactif Le docteur Kauffman n tait il pas un snatcher depuis le d but Plus fortement l id e d une r plication atteint chaque l ment de figuration et pourquoi pas les objets eux m mes Dans le roman de Finney les snatchers tentent d abord de dupliquer des d tritus une bo te de conserve un manche de pioche cass chez Siegel c est le moindre passant en fond de plan mais aussi les voitures les bibelots les arbres qui se chargent d une tonalit inqui tante L extension g n ralis e d un soup on sur l identit de ce qui est constitue avant toute interpr tation m taphorique le seul sujet de LInvasion des profana teurs et d vaste chaque l ment du quotidien sentiments lamour est ren vers institutions la police est poss d e rep res sociaux la famille est trang re La peur archa que du double est li e celle des images dans un essai sur l omnipr sence du th me
40. es mouvements d bouche sur des effets de discontinuit d espace la dynamique des panoramiques s apparente de plus en plus des basculements par lesquels on per oit la r alit de l invasion sous la forme de voisinages inattendus et inqui tants Le mouvement vers la serre est ainsi comparable celui qui d couvre la nature derri re la boutique de Wilma cf p 11 Il pr pare au simple panoramique qui va faire passer Miles et Becky de la ville aux collines du d cor urbain familier la nature inhospi tali re Comme dans la s quence du d but dans Santa Mira le mouvement de travers e est pr c d d un travelling Ce mouvement arri re dans les longs escaliers appara t comme un m lange cauchemardesque de dynamisme et de statisme les personnages courent mais restent de taille gale dans le plan Il accentue par contraste le soudain basculement du panoramique Pas besoin de destruction grande chelle ou d effet catastrophique avec cette seule rotation de la cam ra Siegel fait passer la ville hors champ et glisse vers un espace d sert post apocalyptique C est logiquement par un ultime panoramique vers l auto route que Miles retrouvera la civilisation dans l avant derni re s quence 19 16 La photographie en noir et blanc de Invasion des profanateurs de s pultures r v le une mont e progressive de l importance du noir pour lui m me Ce noir n est pas un simple degr d intensit dans la gamme
41. fus s Partir revenir Le roman et le film partagent un m me respect de l unit de lieu la r elle Mill Valley chez Finney la fictive Santa Mira chez Siegel essentiel plusieurs aspects de la fable La petite ville rong e de l int rieur m taphorise l chelle du pays ce qui arrive chelle des individus elle t moigne aussi d un mode de vie qui dispara t favorisant les interpr tations nostal giques et conservatrices du film que on peut lire comme l expression d une peur forcen e du changement chez Finney Mill Valley est la ville natale de Miles qui confie au d but du chapitre 12 qu il est d une tris tesse inexprimable de voir mourir une ville Le film souligne cependant l unit de lieu de mani re diff rente induisant des interpr tations contra dictoires Dans le roman Miles est d j Mill Valley et y reste la fin Dans le film il arrive Santa Mira au d but et s enfuit dans l avant der ni re s quence Becky est de retour depuis peu elle se sent comme une trang re Santa Mira tous deux viennent du dehors Le film limine aussi un moment central du roman chapitre 11 o Miles Becky Jack et Teddy fuient en voiture avant de reve nir parce qu ils n ont nulle part o aller Demander aux l ves d inter pr ter l absence de ce chapitre dans le film permettra de r fl chir aux in versions entre les deux r cits chez Siegel c est a
42. gel dans la logique de rentabilit drastique de la s rie B Un grand nombre des mouvements de cam ra du film se substituent un ensemble potentiel de plans une seule mise en place et un seul d marrage de l appareil repr sentant un gain de temps pour les plannings de tournage Nous avons relev p 12 la r currence des vues sur des rues ponctuant les tapes de l avanc e de Miles et Becky vers la maison de Sally Ces plans r p tent un mou vement de rotation de la cam ra sur son axe un panoramique le premier vers la gauche les deux suivants vers la droite qui suivent la voiture et d voi lent un nouvel espace Il aurait t possible de d couper ces moments en deux plans avec raccord dans le mouvement du v hicule mais le choix proprement conomique de Siegel privil gie une continuit spatiale et temporelle qui n est pas sans cons quences Lorsque Miles et Becky sortent du cabinet apr s leurs retrouvailles s quence 3 et traversent une rue de Santa Mira suivis par un mouvement de cam ra com binant travelling et panoramique le plan remplit plusieurs fonctions descrip tives On voit dabord le couple avoir un bref change avec un policier puis continuant de converser passer de l autre c t de la rue o les personnages se quittent devant une quincaillerie Des informations pr cieuses sont donn es au fil du trajet dans le d cor ordinaire du centre ville le policier a un com portement trange et fait pese
43. geois Le film peut aussi provoquer le rire de mani re plus involontaire l hyst rie de l acteur Kevin McCarthy dans la premi re s quence ou le moment du baiser avec Becky la fin d clenchent souvent une hilarit moqueuse qu il sera int ressant de d monter S attarder sur le jeu de McCarthy dans cette sc ne sera ainsi une mani re d aborder le probl me des rajouts du prologue et de l pilogue cf p 4 et 9 Analyser la s quence du baiser permettra une r flexion sur le soup on r troactif du spectateur cf p 10 1 Formule de Jean Baudrillard employ e par Jean Fran ois Rauger propos du film de Siegel dans Remakes am ricains cf p 21 2 Cit par Arthur LeGacy Invasion of the Body Snatchers A Metaphor for the Fifties Literature Film Quarterly 6 3 1978 p 287 CONTEXTE Stephen King va au cin ma Au d but de son essai sur la litt rature et le cin ma horrifiques Anatomie de l horreur Stephen King raconte comment dix ans en 1957 il assista la pro jection d un film de science fiction typique de l poque Les soucoupes volantes attaquent Earth vs the Flying Saucers de Fred Sears La s ance fut brusque ment interrompue par le g rant annon ant que les Sovi tiques venaient de placer en orbite Spoutnik 1 premier satellite de l histoire L anecdote est lim pide elle met en contact un v nement r el et l une de ses repr sentations m taphoriques les invasions extrate
44. gie oncle Ira tait oncle Ira Ne pas voir les doubles s veiller et se dresser ne pas voir ce qu il advient des corps originaux est dans cette logique la fois d cevant et essentiel les substitutions sont imaginer certaines pourraient avoir eu lieu nimporte quand on peut ainsi s interroger sur les duplications du docteur Kauffman ou de Becky Par ailleurs ce qui n est pas enti rement figur par les corps se reporte sur d autres figures et qualit s de l image notamment le d cor et l usage de la lumi re cj p ec pe I6 Photographie de plateau Th tre du temple 2 Le film ne propose aucune interpr tation stable proportion de son manque de spectaculaire et de sa tonalit parano aque Invasion des profanateurs pousse d passer les v nements du r cit pour les rapporter d autres situations Les possessions produisent des sentiments d inqui tante tranget qui exacerbent des rapports probl matiques entre g n rations ou entre sexes que les derniers r sistants Miles et Becky soient deux divorc s est un d tail capital La prolif ration des duplications veille diverses peurs contemporaines aussi bien li es aux maladies contagieuses qu la soci t industrielle au nucl aire ou aux manipulations g n tiques Le discours uniforme des doubles et leur strat gie d invasion totale voquent de nombreuses id ologies politiques Mais aucune interpr tation ne semble pr valoir
45. hn W Campbell raconte la d couverte d un vaisseau spatial dont le monstrueux pilote prend successivement plusieurs apparences humaines ou animales Le r cit est adapt au cin ma en 1951 sous le titre La Chose d un autre monde The Thing from Another World de Christian Nyby Le film marque une tape importante dans les m langes de science fiction et d horreur mais mini mise le caract re polymorphe de la Chose le remake qu en propose John Carpenter en 1982 The Thing est plus proche de l original En 1951 Robert A Heinlein publie Marionnettes humaines o les humains sont contr l s par des extraterrestres qui s appliquent sur leurs dos Le film Invaders from Mars William Cameron Menzies 1953 en reprend partielle ment l id e et pr figure ainsi quelques d tails cauchemardesques de LInvasion des profanateurs un p re aimant poss d donne une violente gifle son fils des repr sentants de la police et de l arm e sont asservis La m me ann e dans Le M t ore de la nuit It Came from Outer Space de Jack Arnold ce n est plus par possession mais par reproduction de l image physique que les extraterrestres infiltrent une autre bourgade au bord d un d sert qui fait parfois penser aux collines du film de Siegel En 1955 l tonnant Le Monstre The Quatermass Experiment Val Guest est un gros succ s de la Hammer qui suit l horrible m tamorphose d un astronaute contamin investi de l int rieur par u
46. iles n est pas fou et donnent l alerte R CIT Un concentr d invasion L adaptation de Daniel Mainwaring est essentiellement fid le au r cit de Jack Finney Certains dialogues se retrouvent du roman au film et m me des d tails visuels comme la lumi re sur le corps d couvert chez les Belicec s quence 4 ce moment tait illustr par un dessin lors de sa publication dans Colliers Finney aimait dire qu il n crivait pas des livres mais des films et que ses des criptions visuelles taient un moyen d attirer l attention de producteurs poten tiels Il ne faut toutefois pas pour autant minimiser le travail du sc nariste qui a condens et pur le roman de mani re remarquable l aide de d place ments et de raccourcis dont il est int ressant de remonter les processus Condensations La condensation la plus forte est temporelle Le r cit de Finney se d ploie sur plusieurs semaines temps n cessaire l expansion de la pr sence des snat chers l o le film imagine que Miles parti pour un congr s m dical revient d urgence Santa Mira Tout a eu lieu pendant son absence et le sc nario peut alors se concentrer sur trois journ es intenses Dans cette logique des sc nes du roman sont entrecrois es le moment o Miles rencontre le docteur Kauffman en voiture et celui o il va au restaurant avec Becky par exemple sont s par s chez Finney alors qu ils forment une m me sc ne chez Siegel Le p
47. inaire ce d tail pr s qu ils parlent surtout de leurs divorces respectifs Un bruit venant de la cave alerte Miles qui se penche par la porte de la cuisine pour d couvrir un employ du gaz venu v rifier le compteur C est par cette m me porte que rentre et sort Jack C est son emplacement qu appara t soudain la faveur d un fondu encha n pr cis ment compos la silhouette de Wilma 1 la cousine de Becky pour laquelle Miles avait pris un rendez vous avec le docteur Kauffman L air s v re et soucieux Wilma se tient derri re l encadrement d une vitrine que nous n avons encore jamais vue o se refl te la rue Le fondu encha n appuie de mani re fantomatique l inqui tude li e la cave il produit aussi une br ve confusion entre reflets et sur impression qui s inscrit dans une s rie de jeux sur les doubles fonds et les transparences que l on retrouve dans le film depuis le magnifique plan o Miles regarde la radiographie d un cr ne c t d un reflet de Santa Mira dans une vitre de son cabinet s quence 3 jusqu au reflet invers de Miles et Becky dans l eau de la mine s quence 9 C est la m me intensification du fondu encha n qui conclut le plan suivant en rempla ant la vitrine par un miroir du cabinet de Miles 8 Les apparences sont troubles et les snatchers se tiennent dans leur entre deux comme des pr dateurs attendant leurs proies Miles se jette dans
48. is ne cherche pas en r soudre les contradictions La pression phobique qu voque Stephen King est la fois exerc e sur des terreurs individuelles celle de ne plus reconna tre ses proches de perdre son identit et sur un ensemble de peurs collectives que le film sait accueillir sans distinction C est cette plasticit m taphorique qui en a fait un remarquable objet pop une r f rence de la culture populaire susceptible de r activations et r actualisations r guli res comme le montrent ses nombreuses versions la fable des body snatchers et des pod people est active depuis soixante ans malgr les changements de contexte cf p 18 Cette port e collective puissante mais indistincte est inscrite dans le film par une r plique du docteur Kauffman Qu est ce qui est l origine de tout cela l inqui tude pour ce qui se passe dans le monde 1 Stephen King Anatomie de l horreur tome 1 1981 Jai lu p 23 30 La Guerre des mondes L inqui tude dont parle le docteur Kauffman son premier diagnostic des comportements dus l invasion comme hyst rie de masse ou n vrose collective gt n est pas seu lement l expression des angoisses sourdes et entrem l es qui hantaient la vie quotidienne des Am ricains de poque Elle annon ait aussi la conclusion du film la peur qu instille le soup on d une possession invisible et grande chelle C est en tou
49. la gueule du loup en avan ant dans le reflet de la vitrine 2 comme plus tard dans le miroir 9 tandis que les autres silhouettes restent inflexibles Le plus inqui tant est que ces expressions vagues et transitoires du danger fond es sur une vanescence visuelle des figures trouvent en contrepartie une incarnation qui investit le d tail des plans On d couvre que la boutique d antiquit s de Wilma s appelle avec une faute d orthographe Le Grifon sans doute parce que les snat chers sont des cr atures doublement hybrides cheval entre l humain et l alien le simulacre et l individu En trois mouvements panoramiques alors que Wilma trahissant sa duplication sort pour pr venir Miles qu elle n a plus besoin de rencontrer Kauffman la cam ra encha ne avec trois autres m taphores des snatchers la figure en surimpression v ritable image en formation 2 une sta tuette qui r pond subrepticement une autre vue pr c demment chez les Belicec 3 5 un couple qui s loigne de dos derri re Miles et Wilma pendant leur change v tu dans les m mes tons comme un cho de l avant champ s enfon ant dans la perspective 4 La boutique a une situation particuli re le deuxi me panoramique r v le qu elle borde une zone bois e produisant un surgissement de nature qui sera r p t chez Miles par un panoramique vers la serre ou vers les collines lors de la poursuite avec le m me
50. mais Il chercha ensuite faire appara tre une figure populaire qui lui appor terait une caution culturelle tout en jouant d une ambiguit sur les limites de la fiction furent ainsi voqu s Ray Bradbury Orson Welles et diff rents pr senta teurs de t l vision cf p 3 Aucune de ces hypoth ses ne fut adopt e Ne dormez plus Il y a eu beaucoup de propositions pour le titre du film et l on peut tra vailler en classe d m ler leurs signifi cations Le feuilleton de Jack Finney s intitulait The Body Snatchers mais la confusion tait trop grande pour le studio avec le film de Robert Wise adapt de Robert Louis Stevenson cf p 2 Allied Artists d sirait connoter la science fiction et proposa They Come from Another World directement copi du succ s de 1951 The Thing from Another World cf p 18 Wanger cher chait une formule qui condense le sen timent d une menace collective et trou va Evil in the Night Le Mal dans la nuit ou The World in Danger Le Monde en danger Siegel avait des id es plus elliptiques qui ne se sou ciaient pas de la science fiction Better off Dead quelque chose comme La mort est pr f rable ou S eep no More Ne dormez plus gt d tour nement d une citation de Macbeth acte Il sc ne 2 qu il sera particuli re ment int ressant d analyser Cette cita tion faisait aussi cho deux autres phrases de Shakespeare mises dans la
51. mme le fondu encha n qui conclut la sc ne dans la boutique de Wilma cf p 11 117 18 Le M t ore de la nuit de Jack Arnold 1953 Universal Body Snatchers d Abel Ferrara 1993 Warner Bros Invasion d Olivier Hirschbiegel 2007 Village Roadshow Films FILIATONS Soixante ans de profanations The Body Snatchers de Jack Finney crit en 1954 a jusqu aujourd hui t adapt quatre fois l cran Don Siegel a t le premier en 1956 l ont suivi Philip Kaufman Invasion des profanateurs 1978 Abel Ferrara Body Snatchers 1993 et Olivier Hirschbiegel Invasion 2007 Cette multiplication des versions fait cho la prolif ration m tastatique gt 1 des doubles que l histoire met en uvre comme une mise en abyme On a d j vu p 10 le lien du th me des snatchers celui du vol de l identit par imitation physique avec la repro duction photographique et cin matographique ainsi que la confusion que ce th me induit entre clone et simulacre La multiplication des versions tend la m taphore cin matographique en sugg rant la reproductibilit sans fin d une m me histoire qui pousant diff rentes formes est susceptible suivant les poques de diff rentes interpr tations pour toucher leurs points de pression phobique cf p 3 Il faut toutefois ne pas oublier pour ne consid rer que la science fiction et ne pas tirer le fil fan
52. mposition d une empreinte est formul e par Jack qui parle du m me corps comme d une m daille laquelle manquerait un estampage C est cependant la formulation directe de la m taphore photographique qui semble manquer sans doute parce que tout le film en est l expression On la trouve pour tant dans le roman originel clairant interpr tation du film lorsque Miles d couvre le double de Becky dans la cave il le d crit comme une photo graphie en train d appara tre L Invasion des profanateurs p 69 plus loin Mill Valley d serte lui fait penser un d cor de cin ma Ibid p 140 PERSONNAGE L attaque des clones Le cadre narratif du film en soulignant la focalisation sur Miles par l ajout d une voix off au pass permet d embl e d ter un doute au spectateur dans ce r cit de vol de corps par duplication o l on ne sait plus distinguer la menace sous les traits du familier et o l image d un m me personnage devient d une sc ne l autre incertaine Miles restera sain et sauf Cette solution n tait pourtant pas la seule Dans son roman Marionnettes humaines publi en 1951 Robert A Heinlein avait imagin une fable de possession par des entit s extra terrestres elle aussi en focalisation interne o le narrateur se trouvait momen tan ment transform en h te et racontait du dedans son exp rience la fin de son adaptation de Invasion des profana
53. ne rue o Miles se gare Il dit Becky qu il pr f re aller v rifier que la maison est s re les vues sur le couple dans l habitacle comme en 9 constituent autant de r p titions sombres des plans quivalents qui les montraient flirtant en voiture au d but du film Miles sort au d but d un plan s quence de 50 secondes construit par combinaison d un faible travelling lat ral et d un aller retour en panoramique Depuis l ex tr me profondeur de champ il s approche de la mai son 12a passe par la terrasse 12b se faufile sous une fen tre 12c et d couvre Sally oncle Ira et Wilma autour du p re de Becky portant une cosse 12d Il est surpris par le policier de la s quence 5 12e qu il frappe avant de s enfuir poursuivi par les snatchers 14a Le plan reformule en un seul mouvement l action de la sc ne o Miles venait enlever Becky chez son p re prolongeant le rapport de g mellit entre Becky et Sally m me contournement de la maison m me silhouette noire de Miles 12b Mais la fen tre de la cave est remplac e par celle du salon et au d ni du p re de Becky se substitue l horrible vision du m me homme tenant une cosse comme un b b Cette vision est re ue par Miles travers le sur cadrage de la fen tre comme devant un cran de t l vision o il regarderait un soap familial et horrifique Le plan d une rare violence morale qui montre le p re de Becky tentant d
54. ne forme de vie microscopique flottant dans l espace l Invasion des profanateurs invente une synth se de ces a n s l extraterrestre y est une spore intersid rale capable d une polymorphie qui d bouche sur des duplications corporelles aux allures de possession les doubles n ayant rien perdu de leurs souvenirs une partie de leur personnalit restant la m me ils semblent simplement convertis enr giment s C est en ayant ainsi ramass dans une m me fable plusieurs renver sements de la figure classique de lextraterrestre tout en les ass chant par un refus des iconographies courantes que le film les a d pass s et a trouv son point de pression phobique Les variations se poursuivent les ann es suivantes avec plus ou moins de bon heur The Brain Eaters Bruno Vesota 1958 est une lointaine adaptation de Kevin McCarthy Marionnettes humaines J ai pous un monstre I Married a Monster from Outer Space de Gene Fowler 1958 ouvre grand le sous texte psychanalytique des Body Snatchers en imaginant un homme poss d par un extraterrestre au lendemain de son mariage transformant un huis clos conjugal en preuve d angoisse Redistributions Dans sa simplicit gagn e par approximations successives l id e des snat chers est saisissante et il faudra peut tre attendre Alien Ridley Scott 1980 pour qu un film m lant science fiction et horreur trouve une nouvelle figure aussi pure de la ter
55. ni re Ce sont d ailleurs des films le plus souvent r actionnaires o l homme se d fend bien de sortir de lui m me o il tait si peu et finit par assumer avec aigreur et conviction cette humanit qu on disons les r gimes totalitaires lui veut refuser Quant au film de Don Siegel c est d abord une assez remarquable peinture de la vie quotidienne dans une petite ville am ricaine Santa Mira Rien de plus r ussi que ces premi res sc nes o le myst re ne fait que s annoncer au milieu des gestes routiniers et des conversations mondaines mesure que le myst re se pr cise et perd ainsi de son myst re le film lui perd de son poids et il faut bien avouer que les cosses g antes n ont rien pour effrayer Au contraire Mais cette aisance de Siegel d peindre le cercle de famille n est pas sans signi fication Afin de rendre l tonnant plus tonnant encore il est bon de fixer son attention sur un milieu ferm disons familial o la moindre d rogation aux habitudes prend des proportions des dispro portions inqui tantes Ainsi la fin du monde est toujours ce qui arrive une famille l intimit la condi tion de ce qui d passe toute intimit Tournant The Birds Hitchcock ne perd jamais de vue cette loi simple qu il tourne son avantage faisant de cette intimit une cause possible du cataclysme C est qu il y a entre le chef d uvre absolu de Hitchcock et le bon film de Donal
56. olicier qui appara t la fen tre de la cave des Driscoll s quence 5 est aussi le r sultat d une condensation du roman Ces raccourcis servent l conomie narrative tout en radicalisant l ambiance parano aque la ville semble minus cule des personnages peuvent surgir de chaque recoin C est le r le du policier de la s quence 5 mais aussi de l employ du gaz jou par Sam Peckinpah qui traverse la cave de Miles dans la sc ne suivante Certains raccourcis produisent des effets d tranget qui correspondent des coups de force de la mise en sc ne Siegel marque quelques sauts incompr hensibles dans la logique narrative pour imposer une sorte de distance et d placer l attention au risque de frustrer les spectateurs les plus f rus de vrai semblance On a d j voqu la bizarrerie expliqu e chez Finney mais pas dans le film du corps sur la table de billard des Belicec devenant une sorte d excroissance monstrueuse du d cor surcharg du salon Lintuition de Miles craignant pour la vie de Becky s quence 4 est elle aussi tr s forc e Siegel la justifiant par la vision de son ombre sur le mur qui rappelle Miles ombre du p re de Becky sortant de la cave dans la sc ne pr c dente on verra plu t t dans cette intuition une expression peine m taphorique du d sir sexuel de Miles La torsion la plus forte vient avec la transformation finale de Becky qui n existe pas dans le roman et dont la rapi
57. on des profana teurs cf p 14 et d signe via le robot une m me angoisse de la r p tition d saffect e et du conservatisme social Lallure ridicule de la machine est ren forc e par le contraste avec l aspect d suet mais r aliste du d cor plut t que chercher estomper cette diff rence Siegel la renforce pour jouer d une tonalit grotesque et satirique qui n est pas absente du film de 1956 La science fiction est bien chez lui une sorte d outil critique D COUPAGE NARRATF Comme dans le reste du dossier le DVD utilis pour le minutage est l dition anglaise Universal 2007 1 G n rique 00 00 00 00 01 47 2 Je ne suis pas fou 00 01 48 00 03 27 Un psychiatre le Dr Hill arrive en urgence la nuit dans un h pital pour y examiner un homme au comportement hyst rique Cet homme Miles Bennell est lui m me un docteur Il raconte son histoire Pour moi tout a commenc jeudi dernier 3 Soup ons 00 03 28 00 17 07 La voix de Miles passe off Rappel par sa secr taire Sally alors qu il participait depuis deux semaines un congr s m dical Miles arrive la gare de Santa Mira Sous ses airs de normalit la ville lui semble poss d e par quelque chose de mal fique Alors que Miles et Sally roulent vers Santa Mira un enfant Jimmy Grimaldi se pr ci pite devant leur voiture et s enfuit sa grand m re expliquera un peu plus tard au cabinet de Miles
58. ons du m me roman tourn es par Philip Kaufman en 1978 Abel Ferrara en 1993 ou Olivier Hirschbiegel en 2007 cf p 18 celle de Siegel est la fois plus s che et plus distanc e Les actions sont nombreuses mais br ves le c ur du sujet les duplications est peu visible les ruptures de tons s av rent parfois d routantes et le genre du film domin par le refus des iconographies ordinaires de la science fiction et un certain r alisme reste diffi cile cerner des facilit s de sc nario passent en force ainsi comment Miles dans la s quence 4 a t il aussi vite l intuition d aller chercher Becky Pour toutes ces raisons le film suscite souvent des r actions de rejet des accusations d inconsistance et d invraisemblance qu il conviendra d accueillir et d exploiter Dans cette perspective il est possible avant la s ance d alerter les l ves sur ce qui pourrait appara tre comme trois faiblesses g n rales pour les pousser en relever des indices utiles l analyse l Le film est d ceptif Il y a un manque spectaculaire r sultat d un d tournement organis la science fiction et l horreur sont sous nos yeux mais invisibles int rieures la mutation est plus psychologique et id ologique que physique le principe tant justement celui de la duplication parfaite et de Te enfer du m me 1 C est ce que condensent des r pliques comme premi re vue tout semblait pareil ou la belle tautolo
59. ou ceux du quotidien ils laissent se d grader les jardins la propret des rues Ce d tail n est pas pr sent chez Siegel sauf dans un insert qui montre au d but du film l tal de primeurs des Grimaldi au bord de la route transform en un amoncellement de cagettes Il y a un destin de d cr pitude et d entassement des choses qui est acc l r dans la mine creuse mais ponctu e de quelques objets abandonn s Ces fatras ne sont pas tr s loign s des accumulations qui caract risent d autres espaces sui vant un trop plein d coratif qui se cristallise dans quelques compo sitions surprenantes Apr s la d couverte du corps chez les Belicec par exemple Teddy groggy est cadr e en plan taille litt ralement envelopp e de bouteilles verres plateaux tableaux pos s sur un comptoir accroch s aux murs suspendus au plafond de son salon Le moment le plus improbable est sans doute celui o Miles se diri geant vers sa cuisine pense soudain que Becky est en danger il s arr te face un mur orn de six objets incongrus des moules g teaux on peut y voir un commentaire humoristique sur la gen se corporelle des snatchers dont c est la seule apparition dans le film Puis apr s avoir jet un il vers la cave il partage un gros plan galit avec une corbeille en osier La surpr sence des objets est paradoxale elle t moigne d un mode de vie menac par le vide des snatchers en m
60. plot des ann es 60 et 70 sous genre toujours actif qu illustrent Un crime dans la t te Frankenheimer 1962 Les Hommes du pr sident Pakula 1976 ou Un espion de trop Siegel 1977 Oncle Simon Don Siegel n abordera nouveau un m lange de science fiction de fantas tique et d horreur qu l occasion de la s rie La Quatri me Dimension The Twilight Zone D s les ann es 50 Siegel a beaucoup travaill pour la t l vision comme r alisateur et pro ducteur de s ries essentiellement dans le western les deux pisodes qu il a r alis s pour La Quatri me Dimension font donc encore figure d exceptions Il s agit d Oncle Simon Uncle Simon 1963 et du Recyclage de Salvadore Ross The Self Impro vement of Salvadore Ross 1964 sai son 5 pisodes 8 et 16 tous deux existent en DVD et sont consultables par les l ves en VO ou VOST sur Youtube Le premier est particuli re ment utile pour clairer la relation aux genres de L Invasion des profanateurs On y voit une jeune femme Barbara vivant recluse sous les ordres d un oncle tyrannique dans une vaste mai son bourgeoise Elle attend sa mort pour h riter Mais l oncle a cr un robot qui sa mort prend sa place et ses habitudes scellant d finitive ment le destin de Barbara L ambiance touffante de la maison avec son d cor charg et ses zones plus vides l escalier rappelle le traitement des espaces dans L Invasi
61. r le soup on sur les autorit s Miles rappelle Becky qu il voulait l pouser quelques ann es auparavant Cette travers e fluide est l un des rares moments o un mouvement d appareil exprime une forme d harmonie m me triviale Il poursuit d ailleurs le pano travelling qui accom pagnait le couple dans le couloir vers la sortie de l immeuble Les ruptures d espace sont minimales et de chaque c t de la rue chaque extr mit du mouvement le d cor est peu pr s le m me On peut par ailleurs voir la quin caillerie o rentre Becky comme une version positive de la boutique d anti quit s de Wilma ce que confirme le fondu encha n ult rieur entre la cuisine clinquante de Becky et la boutique d su te de sa cousine cf p 11 Basculements Cette fluidit va tre progressivement bris e et les travers es vont correspondre des changements d espace de plus en plus importants Plusieurs fins de mou vements sont discr tement signifiantes lorsque Miles Sintroduit chez les Driscoll le panoramique qui accompagne le d but de sa mont e des marches s ach ve sur un fouillis d objets h t roclites qui participe des surcharges d co ratives d j voqu es Plus tard le panoramique qui le suit jusqu l entr e de la serre r v le une trou e dont la perspective contraste avec le fouillis du jardin laxe de prise de vues se calant la fin du mouvement dans axe pers pectif de la serre La continuit d
62. r lorsqu elle voit un camion qui manque de heurter un chien Le couple ainsi rep r une course poursuite s engage une partie de la population de Santa Mira leurs trousses Miles et Becky courent travers la ville puis dans des collines d sertes 9 Vous tes les prochains 01 08 58 01 18 08 Miles porte Becky puis e l int rieur d une an cienne mine Ils chappent la foule en se cachant dans un trou une fois leurs poursuivants repar tis ils s appr tent faire un ultime effort pour arriver jusqu l autoroute Mais un chant f minin lointain attire leur attention Miles va voir de quoi il s agit laissant Becky seule dans la mine Le chant venait de la radio d un camion pr s de vastes serres o poussent des milliers de cosses Revenant la mine Miles trouve Becky endormie en l em brassant il r alise qu elle a t d doubl e Il s en fuit jusqu la route et dans la circulation dense tente d arr ter des voitures en hurlant Vous tes les prochains Un camion charg de cosses fait aussi partie du trafic 10 Alerte 01 18 09 01 20 07 Fin du flash back l h pital Miles termine son r cit devant deux m decins circonspects qu il sup plie d appeler les autorit s Mais lorsqu un infirmier explique que le conducteur d un camion vient d avoir un accident et que son chargement ressem blait d normes cosses v g tales ils comprennent que M
63. re c t du d cor en plein d sert La mine confirme cette abstrac tion et m taphorise d finitivement l int riorit creuse des snatchers De la surcharge l abstraction Simultan ment une tendance la surcharge caract rise de nombreux plans sans tre assignable aux humains ou aux snatchers Lorsque de vastes groupes envahissent la place de Santa Mira ou se lancent la poursuite de Miles et Becky Siegel poste sa cam ra distance Res I Lee PTT le P d l uni nt CU TE A A Er ei TS pour privil gier le fourmillement des silhouettes sur les d tails des corps Ces foules de clones trouvent leur sym trique dans la cohue du trafic automobile de l avant derni re s quence les masses se refl tent les premi res figurant le destin de la derni re Les voitures ont ce titre une double fonction toutes celles qui attendent sur des parkings ou qui comme on l a vu cf p 12 semblent se d mul tiplier rec lent un vide Elles t moignent en m me temps d une r plication m canique cristallisant une identification entre la soci t des envahisseurs et la soci t industrielle qui va dans le sens d une interpr tation nostalgique du film Les d tails des d cors travaillent une m me indiff renciation pourquoi y a t il tant d objets chez les Belicec ou chez Miles Dans le roman de Finney les envahisseurs n ont aucun sens esth tique que ce soit pour les objets de l art
64. reur de l autre et de la d sindividuation Pendant ce temps les diff rentes adaptations de LInvasion des profanateurs n ont cess de r orga niser les configurations de lieux et de personnages du roman de Finney pour en renouveler la fiction et bouleverser ses interpr tations Ainsi le lieu de l invasion n a jamais plus t le m me La petite ville tranquille tait un trope des ann es 50 chez Kaufman en 1978 on passe San Francisco dans un d cor compl tement urbain non seulement parce que la soci t s est modernis e mais surtout parce que San Francisco tait l un des centres de la contre culture des ann es 60 que le totalitarisme id ologique des snatchers met d finitivement au pas Ferrara installe l action dans une base militaire en rase campagne comme une reformulation cynique du d cor pavillonnaire du film de Siegel qui lui permet aussi de retrouver le voisinage inqui tant de la nature La version d Hirschbiegel plante d embl e le caract re global de la menace en se situant Washington au c ur du pouvoir de la plus grande puissance mondiale Les personnages ont connu la m me logique de redistribution permanente Chez Kaufman Miles n est plus m decin mais travaille pour un service de contr le sanitaire Becky est l une de ses coll gues Elle n est pas divorc e et vit avec un homme qui va tre la premi re victime de l invasion mais ironie de Kaufman on ne fait gu re de diff rence
65. ronson Canyon deux lieux au pied des collines portant le sigle Hollywood L avant derni re sc ne o Miles tente d alerter les automobilistes montre une section de Mulholland Drive la longue route qui serpente sur ces m mes collines et dont le nom sera rendu c l bre par le film de David Lynch Les maisons qui ont servi figurer celles de Sally ou du p re de Becky bordent des rues typiquement hollywoodiennes tr s diff rentes de l ambiance de Mill Valley Cet arpentage secret d Hollywood prend une r sonance particuli re si l on consid re les duplications de l Invasion des profanateurs comme des empreintes photographiques monstrueuses les fruits d une reproduction visuelle parfaite cf p 10 C est dans les interstices de la ville du cin ma que ces simulacres sans me prolif rent DEVIN MCCARTHY DANA WRI a i Damma Sai ms mt a DOA BGL aea a DAG MAENE a pe DOTE MESELT ico io HASA AATA Affiche de 1956 Th tre du temple WALTER WANGER S Fe ul mi x mt 7 Li m ER iam ur TE E Ta i Photographie de plateau Th tre du temple R critures et remontages Si le film fut crit et tourn tr s rapidement la postproduction s av ra probl ma tique Apr s un premier montage les producteurs jugeant le film trop sch ma tique et craignant qu il gare le spectateur amorc rent de nombreuses r critures Le m lange des genres tant peu appr ci par Allied
66. rrestres comme image de la menace com muniste dans l Am rique des ann es 50 Mais King fait un pas suppl mentaire Interrompant son propre r cit il y ins re une consid ration th orique sur cette motion particuli re qu est l horreur Celle ci fonctionne crit il sur deux niveaux le premier est celui du haut le c ur pur et simple et le second plus important met en uvre des points de pression phobiques sujets et images ciblant directement des peurs profondes individuelles ou collectives LInvasion des profanateurs de s pultures sorti en f vrier 1956 un peu plus d un an avant la s ance qu il raconte est l un des films de l poque qui se serait montr le plus habile localiser un point de pression r unissant le conscient et le subconscient gr ce une id e puissante Interpr tations La d monstration de King est rapide mais son geste a un tour subtil L Invasion des profanateurs joue dans son texte le r le de l annonce de l envol du Spoutnik au milieu de la projection des Soucoupes volantes attaquent il y ins re la mani festation d une peur sourde et inoubliable Simultan ment il renverse aussi l ordre du r el et du film que r tablissait l arr t de la s ance Dans son histoire de film interrompu par une information r elle King r introduit un film dont il affirme le caract re fondamental LInvasion des profanateurs crit il est aussi profond qu un puits art
67. rs from Mars DVD Mass Production 2010 dition anglaise Bruno Vesota The Brain Eaters DVD DCD Rights 2011 dition anglaise Gene Fowler J ai pous un monstre DVD Atelier 13 2011 Jack Arnold Le M t ore de la nuit DVD Universal Pictures 2013 Bibliographie Romans nouvelles Jack Finney LInvasion des profanateurs Gallimard Folio SF n 27 2000 Robert A Heinlein Marionnettes humaines Gallimard Folio SF n 394 2011 John W Campbell Le ciel est mort Robert Laffont 1992 G rard Klein dir Histoires d envahisseurs Le Livre de poche n 3779 1983 contient une trans cription traduction de La Guerre des mondes d Orson Welles et Le p re truqu de Philip K Dick sur une possession extraterrestre Articles et ouvrages en fran ais Michel Caen LInvasion des profanateurs de s pultures Midi Minuit Fantastique n 18 19 d cembre 1967 janvier 1968 Serge Daney LInvasion des profanateurs de s pul tures Cahiers du cin ma n 197 janvier 1968 Stephen King Anatomie de l horreur Chapitres 1 et 9 J ai lu n 4410 et 4411 1981 Jean Fran ois Rauger Remakes am ricains in Jacques Aumont dir Pour un cin ma compar Influences et r p titions Cin math que fran aise 1996 Jean Fran ois Rauger Visages sans yeux Cin math que n 16 automne 1999 Jean Baptiste Thoret Le Cin ma am ricain des ann es 70 p 54 58 Cahiers d
68. s quence de la serre de 1956 le jar din d hiver a la m me densit touf fante que la serre de Miles le placard voque celui o se cachent Becky et Miles dans le cabinet On peut d com poser de la m me mani re la duplica tion finale de Becky en s interrogeant sur l origine figurative des branchages derri re lesquels appara t le double et sur ce qu est devenue la boue dans laquelle tombait le couple la fin du premier film L adaptation de Kaufman n est pas un remake mais elle prolonge et litt ralement brasse les mati res du film de 1956 au point de faire appara tre Kevin McCarthy hurlant toujours Vous tes les prochains et Don Siegel dans le r le d un chauf feur de taxi snatch lo 20 CRITIQUE Oiseaux et rhinoc ros L un des plus beaux sujets qui soient non seulement l homme dispara t mais c est un autre lui m me qui prend sa place Comme il se doit la r alisation Don Siegel tr s honn te voire talentueuse est tr s en de de tout ce que l id e Daniel Mainwaring annonce et implique quelques ann es avant Ionesco Tout se passe comme s il tait difficile de parler convenablement de ce qui n est pas encore arriv ainsi la fin du monde ce qui n a rien pour surprendre Ce qui est plus surprenant c est que les films de SF soient justement ceux o le sentiment de l trange est le moins encombrant l id e de l Autre comme domestique et routi
69. s 50 L Ennemi public r alis un an apr s L Invasion des profanateurs tait l un des films favoris de Rivette Godard et Truffaut et poursuivie jusqu un beau texte de Jean Andr Fieschi sur bout portant Les tueurs tristes Cahiers n 164 mars 1965 On sent n anmoins dans le choix des adjectifs de Daney un peu de g ne le jugement port dans la seconde phrase repose sur un argument souvent utilis contre Siegel que l on retrouve par exemple en 1970 dans 30 ans de cin ma am ricain de Jean Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier Siegel ne parvient pas cerner ce qu il y a derri re un sujet ce qui fait son importance mais r ussit dans le meilleur des cas nous d crire des actes indi viduels avec une pr cision m canique L ampleur lui fait terriblement d faut Daney utilise quelques comparaisons disproportionn es Ionesco Hitchcock la d faveur du cin aste tout en sugg rant des associations inattendues Il renvoie bizarrement deux m taphores animales alors quil n voque qu en passant le motif v g tal du film Il fait ainsi une r f rence implicite Rhinoc ros d Eug ne Ionesco 1959 mani re de reconna tre pleinement la port e politique mais aussi vaguement comique du th me des snatchers Le renvoi aux Oiseaux d Alfred Hitchcock 1963 s appuie quant lui sur le contexte pavillonnaire et familial et prend contre pied l association plus courante entre L Inva
70. s de d lin ation et de contraste combin e l clairage local des allumettes que Miles craque et qui vont d voiler de mani re vacillante le visage gris tre du double de Becky Cette litanie continue Tetage avec des s ries de jeu d ombres Mais le lende main matin le petit d jeuner entre Miles et Becky est domin par la blancheur des meubles de la cuisine la brillance des ustensiles les clats des verres au premier plan il y a m me des bougies dont les flammes l inverse des allu mettes pr c dentes sont noy es dans la clart g n rale Signes baladeurs Ce retour la lumi re est trompeur les oppositions classiques de la clart et de l obscurit n offrent pas une m taphore stable de l invasion Lorsque Miles s approche de chez Sally cf p 12 le contre jour sur sa silhouette reprend celui vu sous le porche des Driscoll mais par la fen tre il assiste une sc ne effrayante qui baigne dans une luminosit normale comparable celle de la sc ne dans la cuisine Les snatchers imitant des apparences ordinaires la mani re de les clairer respecte cette banalit ce que montre exemplairement le rassemblement sur la place de Santa Mira dans la tranquille lumi re du jour Le noir ne s attache pas qualifier directement les personnages ou les situa tions il est plut t un signe baladeur susceptible de prendre possession provi soirement d une figure de s infiltrer dans un espace ou
71. sion des profanateurs et Psychose 1961 reposant sur lintrusion de l horreur dans le quotidien et la pr sence d un monstre int rieur Cette vocation sourde de l animalit est une mani re de regretter un sentiment d alt rit que le film ne sait pas totalement offrir m me si c est bien l qu est son sujet Daney laisse ainsi entendre qu il n acc de pas ce qui d passe toute intimit La fin du texte de Daney pourra par ailleurs alimenter une r flexion sur la cin philie Quelle est la diff rence entre un bon film et un chef d uvre absolu Deux axes seront propos s Le premier invi tera d battre du statut de l uvre partir de la r flexion de Fran ois Truffaut qui dans Le Cin ma selon Alfred Hitchcock 1966 valorise les grands films malades souffrant selon lui dx erreurs de parcours mais faisant plus ais ment que le chef d uvre reconnu l objet de ce que les critiques appellent un culte Le second r fl chira la revalorisation des films de s rie B dont certains ont acc d aujourd hui au statut d uvre canonique Il en va ainsi du film de Siegel aujourd hui g n ralement consid r comme un diamant Olivier Nicklaus pour Les Inrockuptibles ou un chef d uvre Erwan Higuinen pour Lib ration CONSULTER Filmographie Le film Le DVD fran ais dit par Montparnasse en 1999 tant puis la copie utilis e pour ce
72. t cas ce qu avait l esprit le producteur Walter Wanger lorsqu il proposa Orson Welles d introduire L Invasion des profanateurs cf p 4 Welles res tait essentiellement connu du grand public am ricain pour son adapta tion radiophonique de La Guerre des mondes le roman d invasion extrater restre de H G Wells L mission dif fus e en octobre 1938 empruntait la forme d une s rie de flashes d infor mation en direct et provoqua chez de nombreux auditeurs cr dules des r actions de panique au point que l on parla d hysterie de masse Wanger voulait que Welles apparaisse au d but de Invasion des profanateurs pour expliquer que si La Guerre des mondes tait une fiction le film suivre t moi gnait d v nements bien r els Welles s av rant trop difficile convaincre il aurait pos comme condition de reali ser cette introduction Wanger pensa le remplacer par un pr sentateur ou un journaliste de t l vision mais aucune de ces hypoth ses n aboutit On pour ra revenir plus pr cis ment en classe sur l mission de Welles dont le texte est disponible en fran ais cf p 21 et coutable sur Internet et comparer son contexte avec celui du film de Siegel Photographies de tournage Th tre du temple sultar CO ons O GENESE De Mill Valley Hollywood Les circonstances de production et de r alisation de L Invasion des profanateurs de s pultures ont t d
73. t la fa ade de brique Mais dans l h pital la lumi re est forte et tale privil giant la lisibilit rassurante des figures cette opposition trop simple il faut en ajouter une autre qui intervient quelques minutes apr s dans le plan particuli rement labor ouvrant la s quence 3 Il d bute avec une vue rapproch e de la radiographie d un cr ne derri re laquelle on distingue le regard de Miles Lorsqu il baisse la radio un travelling arri re fait entrer dans le cadre c t de lui le battant d une fen tre o se refl te Santa Mira Sally arrivant derri re la fen tre en soul ve le store le reflet de la ville se superpose alors bri vement sur elle Ces deux moments de superposition correspondent aux deux lumi res la radio est un entrelacs de noirs la ville est cras e de soleil Chacune s imprime sur les corps comme si la lumi re n tait plus un milieu mais une couche ou une tache recouvrant les choses suivant des tonalit s interchangeables Les envahisseurs tendent pareillement aux habitants de Santa Mira un miroir noir pour reprendre le titre de l une des affiches au fond du salon des Belicec Alternances et confusions M me dans ses films noirs Siegel privil giait le high key dont il avait fait une marque de son r alisme Il y a bien quelques ambiances sombres dans Ici brigade criminelle mais la lumi re typique de ses films noirs est plut t la domi nante clatante de
74. taill es dans de nombreux ouvrages en anglais cf p 21 Nous n en r sumons ici que les l ments utiles l analyse en voquant certaines r f rences Celles ci pourront ventuellement tre approfondies travers de simples recherches sur Internet que l on confiera la classe Ainsi quelques infor mations compl mentaires sur Colliers Magazine Walter Wanger les Poverty Row les documents d exploitation du film voire m me la cartographie cali fornienne des lieux de tournage il existe un petit livre sur le sujet am neront des clairages passionnants Feuilleton et s ries B Le r cit original de Jack Finney simplement intitul The Body Snatchers fut publi sous forme de feuilleton en trois pisodes de fin novembre fin d cembre 1954 dans le tr s ancien et c l bre magazine Colliers qui alternait dans ses pages des reportages Winston Churchill y crivit sur la Premi re Guerre mondiale Ernest Hemingway sur la Guerre d Espagne et des fictions sous les plumes de Ray Bradbury Roald Dahl Sinclair Lewis ou J D Salinger Jack Finney auteur de r cits de science fiction pour plusieurs magazines de l poque fut vite contact par le producteur Walter Wanger qui acheta les droits de The Body Snatchers avant m me sa r dition sous la forme d un roman en 1955 Walter Wanger tait un producteur ind pendant la r putation d intellectuel lib ral qui avait travaill avec diff rents s
75. tastique classique des doubles et des vampires que le r cit de Finney comme le film de Siegel ont t eux m mes la cristallisation d une s rie de th mes qui traversaient des uvres ant rieures Premi re poque Dans la foul e de Destination Moon Irving Pichel 1950 les ann es 50 devien nent un ge d or du cin ma de science fiction am ricain dont les productions abondent et gagnent une large attention Le film de Siegel s inscrit au c ur de cette d cennie comme un sommet paradoxal de ce que Susan Sontag dans un texte de 1965 cf p 21 a nomm l imagination du d sastre propre au genre Les non personnes de l Invasion des profanateurs crit Sontag recy clent sans doute la possession vampirique mais dans une froideur qui r sonne avec la mont e de lunivers technocratique La catastrophe qu voque le film de Siegel n est pas une disparition de l humanit par destruction spectaculaire ou passage l animalit du vampire mais par discr te disparition int rieure Ce d sastre de la duplication n a trouv sa formule qu au bout d un chemin tor tueux l argument d une entit extraterrestre sans forme propre mais pouvant imiter celle de divers types de vie n tait pas in dit Une nouvelle intitul e Trois photogrammes de Invasion des profanateurs de Philip Kaufman 1978 United Artists Who Goes There crite en 1938 par l important crivain de science fiction Jo
76. teurs Philip Kaufman prend le spectateur revers en r v lant que Miles a t d doubl Plus classique atta ch une conception du h ros solitaire et obstin le film de 1956 refuse ces deux formes d atteinte l int grit du personnage principal Siegel s en tient en revanche une s cheresse de description des duplications qui relaie puissam ment la peur qu elles suscitent Le soup on attach chaque personnage tient l absence de sc nes o l on verrait les doubles prendre d finitivement forme pour se substituer leurs mod les et ce qui advient de ces mod les un d tail capital trait diff remment dans les adaptations ult rieures cf p 18 o l on assiste leur r duction en cendres Kaufman ou leur liqu faction Ferrara Chez Siegel chaque personnage est susceptible de quitter une sc ne pour r appara tre dans la suivante la fois identique et diff rent C est l humanit de visages et de silhouettes inchang s que le spectateur est appel mettre en doute et investir dun double fond depuis la plus extr me banalit que repr sente le gros plan sur l oncle Ira s quence 3 jusqu la plus grande terreur celui sur Becky s quence 9 Extension du soup on Cette conomie est double tranchant la trop rapide transformation finale de Becky tient du d rapage incontr l et de la radicalisation po tique L immobilit du gros plan voque des images ant rieur
77. tudios et des cin astes aussi impor tants que John Ford pour La Chevauch e fantastique Stagecoach 1939 Alfred Hitchcock pour Correspondant 17 Foreign Correspondent 1940 Fritz Lang pour La Rue rouge Scarlett Street 1945 et Le Secret derri re la porte Secret Beyond the Door 1948 Il avait d j produit Don Siegel pour a commence Vera Cruz The Big Steal 1949 et Les R volt s de la cellule 11 Riot in Cell Block 11 1954 ce dernier avec la m me compagnie qui allait financer et distribuer the BODY PA TCN ERS ho BODY SMATCHERS sm mortel p p es se mig cb de a es ae P le Fie pepis beea hamel Te ne as sam es me eie ES SEE LA 1 LA ET Premi re dition du roman 1955 Dell Publishing Co Inc Le premier des trois pisodes publi s dans Colliers Magazine en 1954 LInvasion des profanateurs le studio Allied Artists ex Monogram Pictures un Poverty Row ainsi nommait on les petites soci t s fonctionnant hors des majors g n ralement sp cialis es dans les s ries B auquel Jean Luc Godard d dierait bient t son bout de souffle Walter Wanger a imm diatement choisi Don Siegel pour r aliser le film d s janvier 1955 ils vont ensemble rencontrer Jack Finney et discuter de l adaptation Si la collaboration avec Siegel s explique par leurs exp riences ant rieures elle est plus myst rieuse en regard du genre le
78. u cin ma 2006 WJ T Mitchell Cloning Terror ou la Guerre des images du 11 Septembre au pr sent Les Prairies ordi naires 2011 Articles et ouvrages en anglais Al LaValley dir Invasion of the Body Snatchers Rutgers University Press 1989 Jerry L Schneider Invasion of the Body Snatchers Film Locations Then and Now Corrigan Ville Press 2009 Barry Keith Grant Invasion of the Body Snatchers Palgrave MacMillan BFI Film Classics 2010 un ouvrage synth tique sur plusieurs aspects du film Mark Thomas McGee Invasion of the Body Snatchers The Making of a Classic BearManor Media 2012 le livre d un fan qui rassemble des informations sur la production et contient une comparaison int grale du film avant et apr s les coupes demand es par Allied Artists Susan Sontag The Imagination of Disaster in Against Interpretation and Other Essays 1966 Picador 1990 Sitographie Les pages des num ros du magazine Colliers num ros des 26 novembre 10 et 24 d cembre 1954 o est paru le feuilleton original de Finney sont consultables et t l chargeables www unz org Pub Colliers La Guerre des mondes d Orson Welles pisode de la s rie radiophonique Mercury Theatre on the Air est disponible en version originale sur Youtube http Avww youtube com watch v Xs0OK4ApWl4e Un r sum du film reproduisant des extraits des dialogues est propos par Filmsite http www filmsite org inva html
79. u d but que Miles revient chez Finney c est au milieu Lorsqu on aper oit l autoroute bon d e au bout d une voie secondaire dans l avant derni re s quence on comprend que Santa Mira est un bas tion cach d o l invasion va prendre son essor l isolement de la ville devient une menace 10 Comme une empreinte On pourra relever les nombreuses m taphores de la duplication qui par courent le film La plus vidente sert d argument la science fiction les extraterrestres sont une forme de vie v g tale un pollen intersid ral qui se nourrit du terreau humain pour en dresser des r pliques Les plantes offrent un arch type de l indiff ren ciation physique et de la vie r duite son expression la plus nue et exploi table ce qui pr figure la peur des manipulations biologiques La m ta phore industrielle appara t au d tour de celle des plantes avec les serres o poussent les cosses s quence 9 elle prend une autre forme avec l omni pr sence des voitures pleines ou vides qui relaient l id e des humains comme v hicules gt cf p 12 Il y a des m ta phores plus proches du corps la radio d un cr ne observ e par Miles et travers laquelle on devine son visage s quence 3 voque une r duc tion essentielle et d personnalis e de la forme humaine tout comme les empreintes digitales grises pr lev es sur le corps chez les Belicec L id e de la duplication comme i
80. vait au d part d autres ambitions pour la distribution qui t moignaient sans doute de sa confiance en la force du projet des notes de production mentionnent Joseph Cotten Charlton Heston ou Robert Ryan pour le r le de Miles Vera Miles Kim Hunter ou Anne Bancroft pour celui de Becky mais l conomie impo s e par Allied Artists le d cida pour les moins prestigieux Kevin McCarthy et Dana Wynter Ce sont les m mes r ductions budg taires qui d plac rent le tournage Wanger et Siegel voulaient filmer les ext rieurs Mill Valley ville proche de San Francisco o r sidait Jack Finney et qui tait le d cor de son roman c est l une des rai sons pour lesquelles l adaptation de Philip Kaufman se d roule San Francisco cf p 18 Ils durent finalement tout inventer dans la r gion de Los Angeles o se trouvaient les studios d Allied Artists La Santa Mira du film est donc une ville fictive et composite la volont de Siegel et Wanger de tourner le plus possible en d cors naturels pour donner au r cit un fort ancrage r aliste n en est pas moins respect e De nombreux plans comme ceux de la petite place de la s quence 7 ont t tourn s Sierra Madre une quinzaine de kilom tres d Hollywood et beaucoup de d tails viennent de la cit du cin ma La mont e des escaliers lors de la poursuite finale a t film e Beachwood Village et la mine o se r fugient Miles et Becky se situe dans le B

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