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DIX-SEPT ANSde Didier Nion

1. DIX SEPT ANS de Didier Nion LYC ENS AU CIN MA EN R GION CENTRE ET EN R GION HAUTE NORMANDIE SOMMAIRE SYNOPSIS FICHE TECHNIQUE ET ARTISTIQUE Mode d emploi LE R ALISATEUR Didier Nion le cin ma comme fondation NION EN BREF FILMOGRAPHIE D COUPAGE S QUENTIEL Guide ANALYSE DU R CIT La dramaturgie de l apprentissage MISE EN SC NE Un cin ma de proximit D finition Piste p dagogique 1 FILMEUR FILM Alter ego Piste p dagogique 2 CHOIX ESTH TIQUE Le choix de l argentique Distance ANALYSE DE PLANS Un style port e de cam ra ANALYSES DE S QUENCES Lavage de voiture et p tage de plomb Atelier 1 Rupture la plage FILMER La deuxi me fois Piste p dagogique 3 Piste p dagogique 4 Atelier 2 L Affiche Ouvertures p dagogiques CRITIQUE Histoire s de cin ma s R F RENCES NON U Aa S 11 12 15 14 14 is 16 16 17 18 18 20 20 20 21 22 25 ditoria t Le partenariat initi entre l Atelier de Production Centre Val de Loire et le P le Image Haute Normandie autour du film Dix sept Ans est original plusieurs titres Tout d abord l criture et la production de ce long m trage documentaire ont b n fici des soutiens des R gions Centre et Haute Normandie dans le cadre de leurs aides la cr ation cin matographique et audiovisuelle Par la suite succ dant au choix des deux r gions d inscrire le film dans l op ration Lyc ens au cin
2. la fois coller la r a lit et s en d tacher pour mieux la r v ler en lui donnant de l espace du hors champ voquant son tour une m moire r elle et imaginaire A deux reprises le son se d synchronise nettement de l image lorsque les paysages et la voiture de Jean Beno t glissent sans bruit devant la cam ra embarqu e s quences 17 et 22 la troisi me fois le son des grillons accompagne alors en un modeste hymne la joie une discr te euphorie de normand tout en retenue l clatante blondeur des champs fra chement moissonn s et la r ussite de Jean Beno t s quence 39 Le style de Didier Nion tient cette trange tension entre deux p les le premier l am ne s engager dans le pr sent du plan en train de se faire comme cin aste qui croit au sens mystique du terme que quelque chose va advenir qui va r v ler du sens condition de ne pas transiger sur le pacte sinc re et profond qui l unit avec celui qu il filme comme il l a fait dans ses films pr c dents notamment Clean Time l autre p le c est celui de la composition du temps suspendu lorsqu il intercale au montage une succession de plans et de sons qui viennent nous d tacher de ce pr sent aride pour mieux en saisir l motion Le plan devient discr tement une image composition arrach e au flux du temps qui passe des actions qui s encha nent des corps qui bougent des mots qui se bousculent de la pellicule vierge qui se d rou
3. le premier film qui m ait vraiment mar qu aux films populaires comme La Grande Vadrouille Fantasia chez les ploucs les Bourvil les De Fun s C tait synonyme de moments heureux avec ma m re se souvient il Didier Nion arr te l cole 14 ans et choisit de s orienter vers les m tiers du bois J ai voulu faire de la menuiserie de l b nisterie et m me tre b cheron Tu as vu comment je suis taill la mort de sa m re il tente en vain de partir au Canada pour couper des arbres et com mence un CAP de menuisier l Institut Lemonnier Finalement Didier Nion d ci de de partir en Suisse chez un b niste Il fallait que je fuis apr s avoir accom pagn ma m re malade jusqu sa mort En Suisse j ai compris deux choses que j tais un ouvrier et que j tais un tranger explique t il Pendant ces ann es Didier Nion continue pratiquer la photographie et filmer avec une cam ra super 8 UNE FAMILLE D ADOPTION En 1981 il s installe Paris et gagne sa vie en travaillant dans l int rim J ai retrouv un ami dont les parents m ont accueilli Ils sont devenus ma famille d adoption ils ont lev ma conscience politique sociale et culturelle J entrais dans un univers qui n tait pas le mien Un jour il d cide de changer de vie Un lundi matin vers six heures j attendais du boulot Rien pour toi me dit le type Je ha ssais ces gens l des n griers J a
4. Le premier noir se situe presque 40 minutes du d but du film s quen ce 23 il succ de l altercation entre Jean Beno t et le r alisateur qui donne l impression que le projet celui du dipl me mais aussi celui du film n arrivera pas son terme Le second noir intervient vingt minutes de la fin s quence 35 et am ne le d nouement avec la r ussite de Jean Beno t son examen Ainsi le r cit se d coupe t il en trois ensembles le premier mouvement du d but jus qu au premier noir alterne r ussites et checs espoirs et d ceptions autour de cette exp rience que le jeune homme a d cid d entreprendre passer son BEP de m canicien Il se ponctue par le conflit avec le r alisateur Le second mouve ment qui d bute avec la s quence des autos tamponneuses s quence 24 va tre impr gn par le poids du pass l vocation du p re du foyer et se traduit dans le pr sent par une p riode de doute de crise pour Jean Beno t qui est sur le point de tout perdre c est dans ce passage qu il se fait virer de l cole o il pr pare son dipl me s quence 32 Le troisi me temps apr s le deuxi me noir l cran marque la mise en pratique de ses nouvelles r solutions par Jean F gt 2Y Beno t et l ouverture d sormais qui se pr sente lui vers de nouvelles possibili t s Sa r ussite l examen sonnera comme la conclusion momentan e autant qu heureuse de cette exp rience Une tape i
5. etc PINEL Vincent Le Montage l espace et le temps du film Cahiers du cin ma coll Les petits Cahiers CNDP 2001 Pour mieux cerner le rapport des images entre elles depuis le cin ma sans le montage jusqu au monta ge du cin ma virtuel PINEL Vincent Vocabulaire technique du cin ma Paris Nathan coll r f 1996 r dition 2002 Cet ouvrage recense les principaux termes techniques du cin ma pour en proposer des d finitions et des explications claires et accessibles tous SIETY Emmanuel Le Plan au commencement du cin ma Cahiers du cin ma coll Les petits Cahiers CNDP 2001 Retour concis pr cis et p dago gique sur les d finitions de plan la profondeur de champ et le travail audio visuel qu il engendre P Do Vid ographie s lective DIX SEPT ANS Outre le film le DVD comprend un bonus qui permet d accompagner le tra vail d analyse filmique partir de son montage par Catherine Zins monteu se du film La relation filmeur film la mise en sc ne du r el la m taphore du travail de reconstruction sont parmi les questions abord es dans ce bonus r alis par le P le Image Haute Normandie DVD disponible la vente di tions Les Films du Paradoxe www filmsduparadoxe com DVD P DAGOGIQUES Le Cin ma documentaire Le Documentariste et ses outils travers les ges Les Grands courants La Place du cin aste DVD CNDP coll L Eden CINE MA 2003 Vues
6. fl chi et il n y avait pas d alternative un seul il enre gistrait le r el Avec un enjeu majeur trouver la bonne distance 0 E ANALYSE DE PLANS Un style port e de cam ra Le cin ma de Didier Nion oscille toujours entre la confronta tion directe avec le sujet film y compris dans ce qu elle met en danger le cin aste et une forme esth tique affirm e Les trois exemples de plans choisis montrent quel point son cri ture semble toujours se servir de la r alit port e de cam ra un gros plan de nature un paysage un visage pour mieux exprimer ce qui se joue d collant momentan ment du flux de la r alit en train de se vivre pour mieux la r v ler Plan 1 Apr s avoir voqu devant la cam ra le suicide de son p re et les conditions de sa mort Jean Beno t parle de ce qu il lui a trans mis l amour mais aussi la violence qui l habitaient Pendant qu il prononce ces mots la cam ra filme en tr s gros plan l corce d un arbre flottant au gr des natures mortes qui se recomposent sous l effet du cadre mouvant Le lichen et la mousse transforment pro gressivement l corce en un trange parchemin que la nature a lais s l Cette trace nigmatique ce myst re grav dans le bois se transforment par l effet du montage en message la fois ind cryptable et plausible porteur d un r cit que nul ne peut d chiffrer celui qui relate le souvenir d une souffrance i
7. la fois l image le sc nario et la r a lisation de Dix sept ans On n est pas pr t d oublier l extraordi naire quilibre de d licatesse et de cruaut dans lequel il parvient maintenir la v rit de son histoire Saisi en plein air dans une fluide et venteuse libert le film est en lui m me une exp rience et une m taphore de la beaut pre parfois ingrate de ce grand ado compliqu qui nous fait face Il ma transmis la violence dira t il de son p re sans n cessai rement nous convaincre mais en nous bouleversant par ce que cet aveu nous apprend sur le regard que Jean Beno t porte sur lui m me On peut y lire la trace d un certain dressage psychosocial mais gr ce au happy end bien r el et la grosse vanne dont Jean Beno t vient le parachever on sort de Dix sept ans comme son h ros gonfl bloc Il est maintenant adulte lui enfin la vie Le Monde 22 Histoire s de cin ma s Le texte crit par Olivier S guret l occasion de la sortie du film condense en quelques mots les enjeux essentiels du cin ma de Didier Nion Il est question de documentaire de trouver sa place d homme la cam ra d exp rience de plein air de violence Tous ces termes se rassemblent autour d une expression essentielle Ja v rit de son histoire ou comment le cin ma parvient lorsqu il est servi par un grand documentariste extraire du r el ce qui nous est intime Ce texte critiqu
8. le rep rage des lieux de tournage Lors du passage l acte il faut aussi pour le r alisateur choisir le bon angle de prise de vue et d finir la bonne dis tance de captation de l image Le documen taire dispose de ce qui peut tre consid r comme un inconv nient mais qui peut se transformer en atout majeur le hasard Ainsi dans Dix sept ans certaines s quences voir la s quence 23 o Jean Beno t s loigne brutalement ne sont pas cernables l avance et le r le du r alisateur cam ra l paule est cet endroit d adapter le dispo sitif l instant film d o parfois des mouve ments brusques Le choix de l argentique correspond aussi aujourd hui une pratique particuli re Il manifeste une volont celle par exemple de n avoir qu une cam ra disposition alors que le passage au num rique a permis des r alisateurs tels Lars Von Trier d utiliser plu sieurs dizaines de cam ra pour le filmage d un m me plan dans Dancer in the Dark 1999 Faire ce choix est donc affirmer un point de vue Il n y a pas deux plans deux angles de prise de vue disponibles pour le m me plan C est ici une des diff rences entre le tourna ge en num rique et le tournage argentique Chaque image chaque cadre chaque dur e d enregistrement est le r sultat d un choix soit d cid l avance par le r alisateur soit impliqu par les circonstances de tournage Ce qui a t film a t pens r
9. ma cette collaboration a permis d associer les comp tences des deux p les d ducation artistique pour cr er destination des enseignants et des l ves un ensemble p dagogique complet sur supports papier et DVD Ces outils compl mentaires permettront nous l esp rons une exploration approfondie d un des films fran ais les plus marquants de ces derniers mois Ce projet r pond d une volont partag e de faire vivre les uvres au del d une sortie en salle ou d une diffusion t l visuelle qui ne peuvent garantir elles seules un acc s gal tous les publics Nous souhaitons aujourd hui que cette exp rience en appelle de nouvelles pour nous m mes et d autres partenaires convaincus que la qualit de nos politiques d ducation l image gagnera tre enrichie par des collaborations interr gionales toujours plus troites Emmanuel Porcher directeur de l Atelier de Production Centre Val de Loire Richard Turco directeur du P le Image Haute Normandie LES R DACTEURS R dacteur du dossier Fr d ric Sabouraud est co auteur de l ouvrage Depardon cin ma et critique pour les revues Trafic et L Image Le Monde Il a r alis plusieurs documentaires et un court m trage de fiction Il est enseignant de cin ma R dacteur p dagogique Laurent Godel est charg de mission et enseignant cin ma et audiovisuel ducation l image IUFM de l Acad mie de Lyon et intervenant Lyc ens au cin ma pour l ACRIRA r gion Rh
10. me fois Quand avec Dix sept ans Didier Nion d cide de faire un second film avec Jean Beno t il sait que la relation ne pourra tre la m me la fois parce que Jean Beno t d sormais conna t la musique mais aussi parce que le film se centrant sur sa propre exp rience va tre amen n cessairement r quilibrer la relation Cette logique de la deuxi me fois est suffisamment r currente dans le cin ma documentaire pour qu on analyse ce qu elle remet en jeu Prenons l exemple de Johan Van der Keuken qui apr s avoir fait un documentaire sur une institution pour enfants non voyants L Enfant aveugle 1964 d cide de faire une suite en se centrant sur un des enfants qu il a rep r L Enfant aveugle 2 Herman Slobbe 1966 Dans ce film le cin aste n erlandais adopte une toute autre attitude il ne suit plus des parcours crois s des lieux des activit s il accompagne une personne un jeune adolescent aveugle en l occurrence travers cette d marche il exprime comme l a d crit Serge Daney dans un tr s beau texte intitul La Radiation cruelle de ce qui est la n cessit pour certains cin astes de revenir sur leurs pas Chez Van der Keuken il s agit avant tout d affronter d une mani re plus frontale que dans le film pr c dent ce que Daney appelle l change in gal Quoi de plus d s quilibr en effet que la relation entre quelqu un muni d une cam ra et d un micro c est dir
11. 1994 nous accorde nous spectateurs un espace pour sentir exister refuser critiquer penser l o d autres pr f rent nous capter nous mettre dans leur poche et nous embobiner parfois m me sur le dos de ceux qu ils filment La juste distance du r alisateur avec la personne film e engendre dans l uvre de Didier Nion celle du film avec le spectateur sans jamais tricher avec l alt rit irr ductible qui nous s pare de Jean Beno t 1 Ce courant documentaire cr la fin des ann es 1950 est n d une r action d op position profonde et visc rale au documentaire de montage dont certains effets d voy s par le cin ma de propagande ou le cin ma militant avaient fini par devenir sinon impossibles en tout cas insupportables apr s la d couverte la fin de la deuxi me guerre mondiale des camps de concentration nazis et du Goulag en Union Sovi tique Il s agissait de r quilibrer la relation filmeur film et de s int resser des gens ordinaires au monde qui nous entoure tel quel sans exotisme sans artifice en pri vil giant la logique du plan s quence et de la prise de son directe 2 BONITZER Pascal Peinture et cin ma D cadrages Cahiers du cin ma ditions de l Etoile 1985 3 Les deux versions d criture filmique sont accessibles au format pdf sur le site Wwww apcvl com 4 BARTHES Roland L Empire des signes ditions Skira 1970 Le terme d apprentissage correspond dans ce film plus
12. Pour autant cette vari t n a pas pr tention en offrir une lecture exhaus tive mais tout au contraire proposer une s rie d entr es la fois pr cises et ouvertes afin que ce livret soit pour le profes seur un outil usage imm diat et multiple Signal par les zones gris es r dig par un formateur en audiovisuel le deuxi me niveau concerne la p dagogie pro prement dite et souligne encore cette dimension pratique I se d coupe lui m me en deux volets Le premier est constitu de Pistes p dagogiques le plus souvent d duites du texte prin 111 cipal Le second est constitu d Ateliers dont l objectif est de proposer des travaux impliquant la participation active des l ves Renvoyant de l un vers l autre un pictogramme 1 ach ve de renforcer le lien entre le livret et la Fiche l ve dans le m me souci de clart et d efficacit Les sites ressources pour l approche du film et de son r a lisateur pour l ducation l image ainsi que pour des bases de donn es sur le cin ma sont accessibles sur wwWw apcvl com Le site propose le dossier ma tre et la fiche l ve en ligne ainsi que diff rentes phases d critu re du projet de Didier Nion au format pdf Les r f rences des films voqu s dans ce dossier dispo SYNOPSIS Dix sept ans Jean Beno t un jeune homme de dix sept ans que Didier Nion a rencontr lors de son pr c dent film Juillet d cide d entreprendre la f
13. adjoindre forc ment un jugement p joratif les diff rences entre reportage et documentaire Le rapport entre la temporalit du r cit et la pr sence quasi permanente de Jean Beno t l image nous permet de mesurer les avanc es du personnage de rep rer les chemins de traverse qu il emprunte pour se d rober de comprendre les diff rentes tapes de son apprentissage de la vie Qu est ce qui a chang en lui et pour lui entre le d but du film juste apr s le g n rique et la fin happy end qui laisse pr sager des jours meilleurs Comment ce personnage s est il m tamorphos Physiquement intellectuellement Jean Beno t vit ce moment comme une grande p riode de mutation Seul un filmage au long terme pouvait en saisir la port e CRITIQUE Ce film documentaire de rencontre objet cin matographique singulier est un grand et beau film sur l tat d adolescence et le passage dans le monde adulte un ado bourru un documentaire au ton juste Olivier S guret Le Monde 19 mai 2003 Un objet comme a on n en croise pas souvent dans une vie de cri tique Dix sept ans est un documentaire tout simple et tr s carr qui trouve sa place dans notre imaginaire aux c t s de mytholo giques fictions celles des tous premiers Truffaut celles des der niers Rossellini ou celles des actuels Dardenne Cet homme la cam ra dont on ne conna tra que la voix off c est Didier Nion qui signe
14. argentique il filme le visage en gros plan dans toutes ses nuances sa diversit Je tourne en basse lumi re pour avoir toute la chair pour ne pas oublier le sillon Lorsqu il filme les paysages de Normandie le r alisateur travaille sur la lumi re changeante et la profondeur de champ pour en saisir toutes les nuances toutes les variations l int rieur d un m me plan Les jours o Jean Beno t me laissait tomber j tais avec ma cam ra pleine de pellicule et j allais graver des paysages des coquillages des fleurs Didier Nion a tent une exp rience en vid o avec Vientiane Carnet Octobre 1999 lorsque la cha ne ARTE lui propose de r aliser au Laos un pisode de Voyage Voyage seul avec une petite cam ra digitale mini DV Il a d s adapter pour cette exp rience la sp cificit du rendu de l image num rique Je tour nais toujours t t le matin car la vid o ne r agit bien que dans des lumi res enve lopp es elle est plus sensible que le film en basse lumi re Et j ai vit les gros plans de visage Au fond c est le film qui conditionne l outil De gauche droite Clean Time le soleil en plein hiver Ventiane Carnet Octobre 1999 Dix sept ans 14 Le dispositif de filmage Tout acte cin matographique qu il soit fic tionnel ou documentaire repose sur la mise en place d un dispositif de filmage Cela implique plusieurs actes pr alables tels que l criture d un sc nario
15. convi s d assister sans en conna tre tous les enjeux un accord o chacun prend des risques et s engage aller jusqu au bout Pour Jean Beno t c est entre prendre ces tudes qu il voquait comme un r ve encore inaccessible dans la s quence extraite du film pr c dent Pour Didier Nion rien de moins qu essayer travers l preuve que constitue cet apprentissage de filmer la mise en acte d un d sir tenace quelque chose comme un rite de passage d cisif o se joue une question de vie ou de mort symbo lique tre la hauteur de l image du p re disparu de ce qu il attend dans l imaginaire de Jean Beno t de son fils ce jeu de quitte ou double la fonction d accompagnateur de passeur jou e par le cin aste n chappe personne UNE LOGIQUE D ACCOMPAGNEMENT De cette logique d accompagnement nous verrons les traces tangibles comme des comptes rendus r guliers travers des entretiens pour faire le point qui vont venir scander le r cit Cette parole initi e par le cin aste laisse progressivement entrevoir le danger que repr sente une telle d marche l impudeur du geste d aller nommer l innommable de toucher la plaie vive enfouie et jamais caut ris e On retrouve cette logique d accompagnement lors des passages r guliers de Jean Beno t devant l tabli que la cam ra suit et capte avec affect et complicit pour mieux en saisir l enjeu sauver symboliquement sa peau face au spectre de l ch
16. de 60 minutes sans aucun commen taire telle que l a souhait e le r alisateur Produit par JBA Productions Diffusion de la version courte sur ARTE en 2000 Dix sept ans 82 16mm 35mm 2000 Didier Nion suit Jean Beno t rencontr sur le tournage de Juillet au cours de sa formation de m canicien Production Mille et Une Films Diffusion sur ARTE en mars 2003 Pr g n rique S quence 1 Extrait de Juillet d but 18 Jean Beno t enfant sur la falaise pr s du camping o il passe ses vacances voque son foyer l loignement de sa m re son attirance pour le vide et son r ve travailler dans un garage G n rique d but 2 48 S quence 2 Atelier et soudage d but 3 10 Jean Beno t l atelier serrant un crou puis appre nant souder l arc S quence 3 Chez Jean Beno t l admission d but 5 02 Plan d un aquarium puis de la photo du p re Jean Beno t exprime sa joie d tre admis pour faire son apprentissage de m canicien S quence 4 Sur la plage ensoleill e d but 7 24 Jean Beno t et H l na en maillot sur la plage C est la premi re fois que la compagne du jeune homme appara t S quence 5 Atelier outil et jet nettoyant d but 9 01 Le jeune homme s accroche avec des employ s propos d outils disparus On le voit net toyer une voiture au jet S quence 6 Chez Jean Beno t l aquarium et H l na d but 10 02 Jean Beno t se chama
17. de pens e et de perception Sans soleil 1982 ne cesse de tourner autour de cette ques tion avec une virtuosit enivrante qui devient comme dans tout film de Marker une interrogation sur le cin ma et sur les images comme frag ments d une m moire commune comme celles de conflits retravaill es sur ordinateur par son ami Hayao Yamaneko pour cr er la Zone que le recul du temps permet de r interroger de revisiter pour la fois gar der trace et mieux comprendre le monde en garder la sensation exacte la m moire d une motion juste de laquelle avec le temps on peut mieux saisir le sens On pourrait multiplier les exemples notamment chez Abbas Kiarostami qui entrem lant fiction et documentaire retourne sur les lieux du film O est la maison de mon ami 1977 apr s le tremblement de terre de 1990 pour tourner Et la vie continue 1992 Dans ce deuxi me passa ge le cin aste iranien fait jouer son propre r le par un acteur et ne cesse de montrer les contradictions de celui qui regarde le cin aste face ceux qui font face la souffrance Toute l habilet de Kiarostami consiste viter de donner raison totalement l un ou l autre qu il s agisse du r alisateur de son fils ou des villageois frapp s par le s isme Chacun porte en lui une part de v rit chacun a quelque chose apprendre l autre une contradiction pointer L encore le r le du d miurge incarn dans son humanit
18. diff rente de la premi re sc ne de plage entrevue dans la s quence 4 au d but du film qui nous a permis de faire la connaissance d H l na en d bardeur Puis vient le plan matriciel de cette s quence plan 2a qui va durer presque jusqu la fin et fait quasiment office de plan s quence c est l qu a lieu le conflit livr en un seul bloc au montage d un temps enregistr au tournage sans trembler et rythm discr tement par les recadrages successifs Celui o le r alisateur perd son sang froid o la personne dont on fait le portrait quitte le plan et semble vouloir dire que c est le film qu il veut abandonner a commence par un change pris en cours de route au cours duquel par un l ger panoramique vers la droi te on d couvre le visage d H l na dont on avait d j entendu la voix Un peu avant Puis la cam ra recadre sur le visage de Jean Beno t qui bient t se cache comme dans la premi re s quence du film emprunt e Juillet derri re la visi re de sa casquette en penchant la t te en avant plan 2b Les mots s interrompent mais pas la cam ra Le r alisateur tient bon par del l envie sans doute pour Jean Beno t d en rester l Puis le dialogue reprend et Jean Beno t affronte le regard de Didier Nion et l il de la cam ra Brusquement Jean Beno t quitte le cadre la cam ra panote pour le rattraper et on le voit de dos s loigner plan 2c La cam ra ne coupe toujours pas Jean Beno t s en
19. garagiste qui a pris Jean Beno t sous sa protection voque avec g n rosit les difficult s du Jeune homme rester stable Plan ext rieur de nuit du garage S quence 34 Appartement de Jean Beno t la lettre est arriv e d but 1h01 44 Jean Beno t d crit Didier Nion la situation difficile dans laquel le il se trouve tout en voquant le bien que lui pro cure la pr sence d H l na S quence 35 Falaise Jean Beno t prend de grandes d cisions d but 1h06 27 Jean Beno t annonce H l na et Didier Nion qu il veut avoir son examen Noir S quence 36 Chambre coucher d but 1h07 39 Jean Beno t et H l na sont au lit On entend des bribes de conversation On voit les pois sons dans l aquarium S quence 37 Port de Rouen d but 1h08 55 Jean Beno t voque son manque de volont le r le maternel qu H l na devenue blonde joue pour lui Didier Nion l interroge sur le fait qu il ait oubli la date de l examen S quence 38 L examen d but 1h13 26 Le jeune homme passe les diff rentes preuves de son CAP de m canique S quence 39 Le travelling du bonheur d but 1h15 44 La voiture de Jean Beno t glisse sur l auto route ensoleill e sur fond de grillons Il sourit H l na nous fait signe S quence 40 L annonce de la r ussite d but 1h16 25 En bord de mer Jean Beno t voque sa r ussite l examen embrasse H l na et chante une chanson d
20. n a pas t retenue est compos e d une mani re sensiblement identique si ce n est que les deux photographies de Jean Beno t sont prises en l g re plong e produi sant le sentiment qu il est en train de faire un acte dont il cherche se cacher I fume et porte un regard un peu inquiet vers le hors champ La pr sence de la cigarette prend ici un sens particulier c est aujourd hui un vrai signe de r bellion de diff rence et d individus la marge d une soci t qui a pris l op tion de normaliser l acte de fumer 20 F MONTAGE CATHERINE ZINS BANDE SONORE JEAN MALLET Le hors champ du film Le hors champ s impose par trois choix la fois distincts et compl mentaires La pr sence du p re est vidente tr s pr gnante indissociable de l existence quotidienne de Jean Beno t Et pourtant pas une image mouvement de lui juste 4 photos pas un son juste son vocation par le discours La pr sence de la m re est elle effective r elle par l interm diaire du hors champ du son ce personnage sera invisible mais son existence sonore remet en cause opacifie l enfance de Jean Beno t La pr sence du cin aste r v lateur des ambitions des difficult s de Jean Beno t face une existence qui parfois lui chappe Didier Nion est de par son positionnement physique pr sent dans le hors champ du cadre derri re la cam ra mais aussi dans le hors champ du son
21. ne Alpes Directeur de publication Serge Caillet R dacteur en chef Luigi Magri Auteur du dossier Fr d ric Sabouraud R dacteur p dagogique Laurent Godel Conception et r alisation Atelier de Production Centre Val de Loire 24 rue Renan 37110 Ch teau Renault t l 02 47 56 08 08 fax 02 47 56 07 77 site www apcvl com Les textes sont la propri t conjointe de l Atelier de Production Centre Val de Loire et du P le Image Haute Normandie Publication sp ciale pour Lyc ens au cin ma r gions Centre et Haute Normandie L Atelier de Production Centre Val de Loire Le P le Image Haute Normandie septembre 2004 APCVL coordination Luigi Magri Conception graphique Dominique Bastien Conception TP O a multim dia Julien S n las L APCVL et le P le Image Haute Normandie remercient Didier PD cvl E 7 Nion Gilles Padovani Mille et une Films Les Films du Paradoxe Le Monde H autes Nor maf ndie Ce livret est d coup en deux grands niveaux Le premier est le texte principal r dig par un critique de cin ma Il se parta ge entre des parties informatives et d autres plus strictement analytiques L accent est particuli rement port sur la d fini tion des rubriques avec la volont de d gager des perspectives et des cadres diff rents d analyse dramaturgie filmeur film analyse de s quences de plans point technique etc Autant de vitesses et d angles d approche du film tudi
22. notamment lors de la discussion autour du refus de Jean Beno t de se laisser filmer criture s La r alisation finale comporte trois niveaux d criture indissociables Premier niveau l criture premi re Le sc nario r dig tr s fr quemment sous la forme d une note d intention Second niveau l criture au filmage Les crits pr alables sont confront s aux circonstances du tournage et doivent par cons quent subir une premi re modification du fait de conditions ext rieures diff rentes de celles qui taient attendues Troisi me niveau l criture au montage phase ultime avant la diffusion Les l ments filmiques recueillis se trouvent confront s aux coh rences et logiques du montage 21 Une temporalit adapt e au sujet Lorsque la dur e de tournage est limit e dans le temps il est difficile d obtenir la substantifique moelle du sujet trait tout au plus peut on esp rer en donner dans le meilleur des cas une illustration dans le pire la justification d un discours surplombant 1 Int grer le fait qu il faut donner du temps au film pour permettre l mergence de hasards de probl matiques a priori non apparentes dans le sujet de d part avoir une capacit d observation et de captation du r el telles sont les exigences conduisant la r alisation d un documentaire Ces param tres temporels sont aussi un moyen de d finir sans y
23. par sa m re se trouvaient le projecteur et la cam ra 8 mm de son p re Je me souviens de lui nous filmant dans la cuisine en train de torr fier le caf qu il ramenait de ses voyages et des projec tions de ses films un des rares bons souvenirs que j ai avec lui Didier Nion s initie la photographie quand il est en pension apprend d velopper et tirer ses preuves En rentrant la maison j ai achet le mat riel pour consti tuer un labo et j ai exhum les n gatifs de ma m re raconte t il dix sept ans il ach te un appareil photo avec son premier salaire Je rencontre cette poque l un ami de mon fr re voyou et brocanteur dont le fr re adore brico ler les cam ras un technicien dans l me passionn de cin ma Pendant quatre ans je reste dans son sillage nous essayons de fabriquer du cin mascope des grues et je tourne des bouts de films sur ma rue ma s ur ma m re mon fr re les fleurs tout ce qui vient PREMIERS APPRENTISSAGES Son premier film il le tourne comme moniteur de colonies de vacances 17 ans Mais si r alis avec les gamins dont il a la charge s inspire d un film pro jet un soir et reconstitue la Passion du Christ une fiction tourn e en deux ou trois jours qui va de la naissance de J sus sa crucifixion Ces premiers m tres de pellicule s accompagnent d une exp rience de spectateur qui voit tout ce qui se pr sente lui de La Grande illusion
24. pas d entourloupe la cam ra comme le micro perch se donne voir distance de coup de poing comme le dit avec humour le r alisateur cambodgien Rithy Panh Un soir apr s la guerre 1997 La Terre des mes errantes 1999 S 27 La Machine de mort Khm re rouge 2003 elle ne cherche pas non plus se faire oublier du spectateur d coupe du visage d cadrage jeu de contre jour avec la lumi re Le cadre est bien l affirm comme une criture On retrouve dans la mani re de filmer de Didier Nion tout l apport du cin ma direct mais aussi celui de la photographie une d marche qui n est pas sans rappeler dans un style diff rent le travail de Raymond Depardon dans ses films documentaires nourri de son exp rience de photographe sans pour autant se confondre avec elle La cam ra se fait proche de celui qu elle accompagne et surtout elle lui laisse le temps Ne pas couper tel est le leitmotiv invent la fin des ann es 1950 par les pr curseurs du cin ma direct Richard Leacock Primary 1960 Documentaire d finition im possible Monterey Pop 1968 David Pennebaker ou Jean Rouch lorsque avec des cam ras Bolex ressort o des Eclair Coutant 16mm plus silen cieuses et gr ce l invention du magn tophone Nagra portable ils peu vent accompagner ceux qu ils filment et leur laisser l espace et le temps d exister Chez Didier Nion on retrouve le m me esprit la m me mora le laisser
25. s foraines sous le regard bienveillant d H l na S quence 25 Travelling voiture avec visage de Jean Beno t d but 42 40 Au volant de sa voi ture le jeune homme se souvient d un accident de voiture de son p re S quence 26 Ancienne maison familiale d but 42 44 Jean Beno t voque les souvenirs li s cette maison et comment il a t plac en foyer S quence 27 Tombe du p re d but 4615 Le Jeune homme nettoie la tombe de son p re six ans apr s la mort de celui ci S quence 28 Atelier la scie fait des tincelles 4713 Des ouvriers s affairent sous un camion Jean Beno t s acharne sur une pi ce avec une scie circulaire S quence 29 Carnage en voiture d but 49 33 L adolescent fait rageusement des ronds avec sa voiture dans une clairi re S quence 30 Devant le foyer d but 5049 Jean Beno t devant son ancien foyer se souvient du moment douloureux o on lui a appris le suicide de son p re On voit la cime des arbres et leur corce S quence 31 Travelling voiture et champs de ma s d but 5526 On voit d filer des champs et au loin un ch teau d eau S quence 32 Les profs annoncent Jean Beno t qu il est vir d but 55 46 Un camion de lait s approchant du garage Puis on assiste une r union entre Jean Beno t et les professeurs de l co le qui lui annoncent qu il est vir S quence 33 Le garagiste bienveillant d but 59 20 Le
26. siste dans sa diversit qu un plan ou une s quence ne peuvent puiser L analyse d une s quence fonctionne sur deux tapes distinctes et compl mentaires la des cription identifi e aussi sous le terme de d no tation et l interpr tation ou connotation o le premier temps induit le second et le second se nourrit du premier La premi re tape est une mani re d objectiver les diff rents param tres constitutifs de l ima ge rep rages du cadre des mouvements de cam ra des d placements des personnages dans le champ de la position du plan dans le contexte global du film de sa dur e des rac cords avec le plan pr c dent et le suivant des l ments de la bande son Ces donn es rep r es constituent la grille de base de l analyse fil mique La seconde tape est un moment essentiel dans l tude collective d un film Il s agit ici d en tendre les diff rents points de vue argument s des l ves R fl chir avec les l ves sur la construction du cadre dans nombre de s quences du film am nera se poser la ques tion de la production de sens Parfois le hasard entre en sc ne et il faut r ajuster le dispositif La s quence Lavage de voiture et p tage de plombs dispose d un d coupage technique rela tivement simple et efficace La phase de des cription r v le un cadre majoritairement fixe une pr sence importante du hors champ une bande son contrast e compos e d un son d ambiance dans le
27. tourner m me quand Jean Beno t se fait muet comme une tombe quand sa bouche se tord s quence 15 quand le visage se d tourne Ne pas couper quand il p te les plombs s quence 23 et envoie tout balader clate l enjoliveur de sa voiture s quence 21 ou quitte le cadre Toujours recomposer en direct comme dans une course folle o la r alit qu on d fie avec orgueil a toujours la main Cadrer pour mieux saisir l instant d couper le visage attraper le regard le geste la lumi re affirmer l absence d cadrer pour signifier le vide le p re manquant ou iriser les contours par un contre jour aveuglant comme la lame chauff e blanc Capter au plus juste au plus pr s les diff rents tats de Jean Beno t ses doutes ses joies s quence 39 ses renoncements sa relation avec H l na sur le fil du rasoir filmer le temps qui passe avec ses crises ses r conciliations ses passages chez le coif feur et ses teintures qui changent celles d H l na brune puis blonde sans jamais oublier de les mettre en cadre de les mettre en sc ne pour mieux leur donner sens Dix sept ans nous rappelle sans cesse sans effet outrancier mais avec une vigilance tenace que filmer n est pas qu enre gistrer Ce corps devant nous s inscrit dans des paysages qui sont les reflets de son me et l expression picturale d une r gion d un monde charg d histoire et de mythologies celle d une nature la fois paisible et inqui tante o le gris bl
28. va et Didier Nion recadre sur H l na qui tourne la t te derri re elle pour suivre le jeune homme du regard plan 2d On retrouve ici pouss e son comble la logique d crite dans l analyse de la s quence pr c dente ne pas transiger sur le cadre ne pas couper recadrer dans un deuxi me temps pour poursuivre le r cit maintenir le lien Avec cette fois un enjeu qui rend ce parti pris beaucoup plus difficile tenir le h ros du film quitte le plateau le r alisateur s affole mais la cam ra elle continue de filmer de cadrer a n a l air de rien mais il y a l une grande force une grande ma trise un grand sens du tempo comme si Didier Nion se d doublait cet instant trange schizophr nie entre celui qui s nerve et l autre qui filme la relation sans bouger L effet produit est vident d un seul coup on mesure la fois la violence de la situation et la fragilit de ce projet celui qui jusque l semblait guider le film le r a lisateur est lui m me en danger Quelque chose se r quilibre voir La deuxi me fois p 18 entre filmeur et film en direct devant nous travers cette rupture La s quence se conclut par trois plans l un o H l na voque dans l apr s coup avec Didier Nion ses doutes quant sa rela tion avec Jean Beno t plan 3 L autre o on voit le couple mar cher au loin cho du premier plan vide de la s quence qui semble indiquer que la relation entre le
29. violents des flous des plans surexpos s des perches et des micros dans le champ Il n en reste pas moins l affirmation sur un mode plus discret plus propre de la pr sence du cin aste dont le pouvoir qu il exerce sur la r alit film e se trouve ainsi relativis UNE PLACE POSSIBLE POUR LE SPECTATEUR C est par cette approche de la mise en sc ne la fois singuli re par sa proximit avec les corps film s ses choix de composition et en m me temps inscrite dans une histoire du documentaire et dans sa morale celle du cin ma direct que nous trouvons notre place de spectateurs au sein Elle est o ta place du film Dix sept ans en affrontant courageusement la demande d ac compagnement de Jean Beno t et l impudeur de la d marche cin mato graphique au risque de s y perdre par trop d implication voir Alter ego p 12 nous laisse une place possible sans fausse honte ou sentiment d tre voyeur Car celui travers qui nous acc dons au monde de Jean Beno t se tient la bonne distance la sienne car dans l absolu il n y en a pas qu une et se donne sinon voir en tout cas entendre nous sen tons sa pr sence nous percevons ses choix nous supposons son d sir d tre l de filmer cette exp rience qui le concerne de pr s plus d un titre Cette justesse dont nous trouverions une autre d clinaison dans le cin ma de Denis Gheerbrant notamment dans La Vie est immense et pleine de dangers
30. Edith Piaf Il blague avant d voquer sa fiert d avoir su remonter un moteur de camion La pellicule se voile la voix continue en off sur fond noir D dicace et g n rique de fin d but 1h19 33 Le film est d di Jean Beno t Luc et Lamidou Fin du film 1h21 30 Dur e du film en projection 1h23 24 images seconde alors qu en vid o la vitesse tant de 25 images seconde la dur e s av re plus courte de plus de trois minutes Le d coupage s quentiel est l un des outils dont dispose l analyse du film La descrip tion pr cise et minut e de toutes les s quences d finies comme unit s nar ratives permet un regard synth tique sur une structure per ue intuitivement Le d coupage de Dix sept ans montre combien ce film est centr tous les sens du terme sur le personnage acteur Jean Beno t et sur la mise en sc ne documen taire qui l impose comme figure centrale du film Les s quences fonctionnent alternative ment et spatialement entre sc nes d ext rieur et d int rieur renvoyant respective ment des espaces contraignants ou par opposition des perspectives larges La lin arit du r cit indique combien Dix sept ans fonctionne de mani re coh rente sur les principes d apprentissage La parole commente et fonctionne en contrepoint des actes r alis s ou manqu s Il est pos sible de fait de montrer l oscillation per manente du personnage et par l m m
31. Lumi re petit petit le cin ma vol I DVD CNDP coll L Eden CINE MA para tre AUTRES FILMS CIT S Au travers des oliviers VHS Arte vid o Le Cin ma une histoire de plans Tome 1 Alain Bergala VHS Les Enfants de Cin ma D lits flagrants DVD Arte vid o ADAV r f 53808 Faits divers DVD Arte vid o ADAV r f 53821 L Enfant aveugle 1 L Enfant aveugle 2 VHS ADAV r f 19292 Grands comme le monde VHS Les Films du Paradoxe ADAV r f 32410 L Homme d Aran VHS France vid o distribution Monterey Pop DVD Home Vision Entertainment zone 1 Nanouk l esquimau DVD Arte vid o ADAV r f 30338 O est la maison de mon ami DVD CNDP coll L Eden CINEMA Primary 1960 DVD zone 1 Ressources humaines DVD Arte vid o ADAV r f 29528 Route One USA DVD Arte vid o S 21 La Machine de mort khm re rouge DVD ditions Montparnasse Sans soleil DVD Arte vid o ADAV r f 43642 Urgences DVD Arte vid o ADAV r f 53804 La Vie est immense et pleine de dangers VHS Les Films du Paradoxe ADAV r f 11991 Conditions ADAV voir le catalogue 2003 2004 t l 01 43 49 10 O2 www apcvl com acc s aux documents p dagogiques enrichis de sites ressources Sources iconographiques tous droits r serv s Sauf mention contraire Les Films du Paradoxe Page 4 DR p 5 Didier Nion Arte p 13 Mille et une films p 14 Didier Nio
32. aisir la substantifique m lle Quelques uvres d auteurs contemporains t moignent de cette articulation entre deux axes fondateurs qui tablissent la coh rence sc naristique d un film documentaire Co te que co te de Claire Simon 1994 La Vie est immense et pleine de dangers 1994 o Grands comme le monde de Denis Gheerbrant 1998 D lits flagrants de Raymond Depardon 1994 convois interminables des trains de marchandises les cit s aux contours sinistres les nuages qui filent sous le vent qui courbe les herbages ses verts ses gris ses ocres s quences 1 11 15 17 37 etc tout comme suinte une beaut t n breuse issue des reflets argent s de la graisse sur le m tal de la p nombre de l tabli ou de la noirceur des culasses Dix sept ans est aussi une affaire de lumi re de couleurs d impressions reflets d tats d me emprunts de spleen de mondes imaginaires et d espoir UN ART DISCRET DE LA COMPOSITION La force du film tient encore sa fa on d attraper le son le grain de la voix jusque dans son murmure ses sanglots touft s le souffle le silen ce comme autant d l ments qui vont restituer au plus pr s la justesse des motions l intensit des sc nes L ambiance rude de l atelier et celle m lancolique du bord de mer le son de l appartement ou d un train qui passe la scie qui strie le m tal et le souffle du chalumeau ici tout comme la lumi re l enregistrement sonore vient
33. centes ont des motivations diverses relations familiales rela tions d amour de haine d amiti professionnelles R aliser un sch ma partir de l ensemble de ces relations d crites et argument es montre quel point Jean Beno t est le point nodal de la mise en sc ne et du r cit Un exemple la figure du p re malgr son absence s impose tout au long du film du fait d un discours le mettant en jeu et de la pr sence d un cin aste la dimension paternelle l2 Juillet CHOIX ESTH TIQUE Le choix de l argentique Le parti pris de Didier Nion de tourner sur un support filmique et non pas vid o va l encontre d une tendance actuelle dominante du documentaire Il repose sur une longue pratique du super 8 d s ses d buts voir Le cin ma comme fon dation p 4 et sur un choix qu il justifie pour trois raisons En premier lieu ce qui d termine l utilisation de l argentique tient paradoxale ment la contrainte de temps qu il impose l origine je tournais avec des cassettes de films super 8 d une dur e de 2 minutes 30 J ai eu tout de suite envie de faire des plans s quences Lorsque plus tard j ai commenc tourner en 16mm notamment pour Juillet j ai choisi de prendre des magasins de soixante m tres 5 minutes et non pas de cent vingt m tres 10 minutes La cam ra ainsi tait moins volumineuse et proche de l id e du temps que j avais exp riment e en super 8 Jean Beno t a d aill
34. de son album de famille ainsi que son visage S quence 16 Atelier d montage du piston d but 2445 Jean Beno t tente de remonter pis ton et segments S quence 17 Falaise voiture et cadeau d but 2646 Sur la falaise Jean Beno t voque sa joie d avoir une voiture et de pouvoir partir en ballade avec H l na Celle ci lui offre du parfum pour ses dix huit ans Au loin un train passe sur un pont S quence 18 L examen blanc d but 3040 Jean Beno t passe un examen blanc avec difficult S quence 19 la sortie de l examen blanc d but 3340 Didier Nion voque avec Jean Beno t ses difficult s S quence 20 R union de professeurs d but 34 16 Les professeurs voquent la baisse g n rali s e des notes de l adolescent et ses carts de com portement S quence 21 Lavage de voiture et p tage de plomb 35 16 Jean Beno t se chicane avec H l na tout en briquant sa voiture Hors de lui il casse un enjoliveur S quence 22 Travelling silencieux d but 3712 La voiture longe silencieusement des sous bois et des champs de ma s S quence 23 Rupture la plage d but 3730 Jean Beno t peu content de la pr sence de l quipe du film est interpell par Didier Nion et par H l na Il s loigne brutalement H l na confie ses inqui tudes Noir S quence 24 F te foraine d but 41 32 Jean Beno t fait de l auto tamponneuse et d autres activi t
35. e m me de fixer les actes de l autre son visage son corps sa voix sur un support qu on pourra montrer d autres et un tre qui a priori subit d autant plus cet acte qu il est aveugle Comme le d crit Daney il y a quelque chose de scandaleux dans ce dispositif dans le fait qu il am ne comparer le statut de l un et de l autre Mais ce scandale porte ses fruits il introduit le troisi me l ment de la triangulation savoir le spectateur Mettre en sc ne d une mani re vidente l obsc nit qui Des films gigogne r sulte de tout acte de filmer c est amener le spectateur prendre ses distances son autonomie par rapport celui qui filme mais aussi s in terroger sur son propre regard celui qu il porte sur les autres sur le monde et r fl chir sur le statut des images qu il re oit et l effet qu elles produisent Dans L Enfant aveugle 2 on remarque assez vite que Van der Keuken filme Herman de dos Ce qui peut se dire autrement que le Jeune homme choisit de lui tourner le dos et nous en m me temps comme une fa on extr mement claire de nous dire je ne vous ai rien demand En revanche cette posture n est en aucun cas un refus d changer Elle dit l autre simplement si tu t int resses vraiment moi prends le temps d aller voir mon monde par dessus mon paule Et celui d Herman est d une richesse intense Fond sur une exp rience dont la simple vocation laisse entrevoir une
36. e du film dire et faire faire et dire ainsi progresse le personnage acteur sur le che min de la vie ANALYSE DU R CIT La dramaturgie de l apprentissage is LA Lorsqu on voit Dix sept ans on a l impression un peu paradoxale pour un docu mentaire que le film est construit avec un d but un milieu et une fin Ce senti ment de progression dramatique ne provient pas seulement du contrat moral de d part qui consiste pour Didier Nion filmer Jean Beno t du d but la fin de son apprentissage L effet de romanesque est issu d une autre narration que celui qu impose la pure chronologie des faits Ce r cit qu on peut appeler dramatur gique s il s appuie sur les v nements qui ponctuent la formation s attache aussi aux motions et aux r actions contradictoires de Jean Beno t qui en d cou lent Il se structure galement partir des entretiens que Didier Nion r alise avec les diff rents protagonistes et qui ponctuent r guli rement le film Cette recons truction op r e pendant le tournage puis au montage permet au spectateur d tre pris dans un mouvement une spirale qui peu peu se resserre sur les vrais enjeux du film tout en nous donnant fortement l impression d accompagner l ex p rience de Jean Beno t dans ses principales tapes Si l on essaye de rep rer plus pr cis ment ce qui permet l laboration de cette dramaturgie on distingue deux pivots indiqu s implicitement par des noirs l cran
37. e deux de ses trois films suivants Juillet et Dix sept ans Puis vient Juillet premier long m trage tourn en 1997 Quiberville dans un camping proche de celui o il s journait avec ses parents J avais envie de montrer les lieux o les gens se retrouvent encore et la riches se de ce qu ils contiennent explique t il cette occasion Didier Nion ach te une cam ra 16mm cr dit et tourne le film en deux mois Je d cide qu il n y aura qu une seule optique le 25mm voir Un cin ma de proximit p 8 C est cette occasion que Didier Nion fait la rencontre de Jean Beno t avec qui il tourne Dix sept ans trois ans plus tard Le film prend corps apr s la rencontre avec le jeune homme en avril 2000 et l accord de celui ci de s engager pour au moins deux ans dans cette aventure la rentr e suivante Jean Beno t est pris en formation dans le garage o il a fait un stage Nous commen ons tour ner en septembre sans argent dans le garage ainsi que la premi re s quence de la plage s quence 4 Avec l aide du CNC avance sur recettes d ARTE de la R gion Centre du minist re des Affaires sociales du Travail et de la Solidarit et de la R gion Haute Normandie le projet devient r alisable Entre septembre 2000 et ao t 2002 Didier Nion filme quarante heures de rushes et commence le montage seul puis pendant huit mois avec Catherine Zins Le film est diffus en mars 2003 sur ARTE et sort en salle un a
38. e est par ailleurs truff de r f rences cin matographiques sont convoqu s Truffaut Rossellini les fr res Dardenne et Dziga Vertov allusion au film r alis en 1922 L homme la cam ra Ces r alisateurs cit s ont fait majoritairement des films de fiction int grant des aspects documentaires on peut citer titre d exemple Les 400 coups pour Truffaut Allemagne ann e z ro pour Rossellini et La Promesse de Luc et Jean Pierre Dardenne Dix sept ans filme lui aussi l enfance et devient une uvre cin matographique de r f ren ce I ne s agit pas d un documentaire spectacle comme peuvent l tre ceux de Michael Moore mais d une v ritable extraction du r el un pr l vement de la vie comme Rossellini Truffaut ont pu le mettre en sc ne travers des uvres de fiction Le happy end terme minemment hollywoodien contraste singuli rement avec la facture du film rien ne serait ici hollywoodien si ce n est la fin Il y a dans cet crit une condensation de nombre d enjeux importants du film la dimension documentaire qui montre l universalit du propos les notions de contrainte et de libert pour le personnage telles que l on a pu les rep rer dans les sc nes film es l int rieur et celles d ext rieur Dix sept ans nous apprend donc voir ce que nous ne voyons plus ou plus pr cis ment ce que notre actuel rapport au monde bas sur la question du para tre plus que de l tre ne nous permet plus d identif
39. ec de la mort du suicide qui hante la m moire du jeune homme Cette exp rience nous est donn e voir et entendre jusque dans le risque de rupture quand Jean Beno t sur la plage d cide de ne plus jouer le jeu de prendre ses distances et que le r alisateur sans trembler lui demande des comptes voir analyse de s quence p 17 On ne triche pas avec l intensit de ce qui se joue devant nous au risque du ridicule au risque de la d ception au risque de l humiliation au risque de l arr t sur image d un film inachev Chacun un moment ou un autre devra enlever son masque le filmeur comme le film C est donc moins d un portrait qu il s agit que d une confrontation o chacun est intimement concern par ce qui se joue devant et derri re la cam ra Ce n est pas fortuitement que le film s appelle Dix sept ans et non pas Jean Beno t c est bien un ge de la vie que le jeune homme le r alisateur et le spectateur vont pouvoir partager travers l exp rience du film et de sa projection L APPORT DU CIN MA DIRECT ET DE LA PHOTOGRAPHIE Le double accompagnement de l intime et de l apprentissage s appuie sur une mise en sc ne fond e sur la logique de proximit la cam ra est port e l paule et filme frontalement la focale ne triche pas Le 35 mm quasiment quivalent au 50 mm en photo respecte les pers pectives sans les d former mais impose pour le gros plan de se tenir proche de celui qu on filme Ici
40. erroger dans son approche singuli re ce qui se joue dans le cin ma documentaire au sein de la relation entre le r ali sateur et celui qu il filme Dans ce film l change se d ploie sur un mode qui laisse entrevoir des chos intimes sans directement les citer ATTRACTION R CIPROQUE Lorsqu on revoit Juillet qui inscrit sur la pellicule la premi re rencontre entre Didier Nion et Jean Beno t en 1997 on mesure quel point celle ci na t d un mouvement conjoint c est autant l enfant qui va chercher la cam ra que le mouvement inverse au cours duquel le cin aste cherche cadrer dans tous les sens du terme celui qu il a en face L un aimant l autre et r ciproquement comme une reconnaissance implicite comme une attente diff rente pour chacun mais compl mentaire Jean Beno t sent bien qu il exerce une sorte de fascination sur Didier Nion et sans en conna tre les rouages choisit d en user d en jouir de se construire tra vers cette aventure I doit donc apprendre il y parvient tr s vite jouer avec la cam ra apprendre s en servir Il suffit pour s en convaincre de regarder comment le jeune gar on au cours de sa deuxi me apparition dans ce film consacr la vie d un camping normand au d but de l t a int gr le dispositif il r gle sa canne p che mime le geste du p cheur comme si la cam ra n tait pas l alors qu elle se trou ve moins d un m tre de lui et avec un sens du
41. es nous avons reconstitu une partie de sa vie partir des photographies de son album C est moi qui lui ai rendu son histoire Didier Nion monte sur ces sons des images de Jean Beno t tourn es d autres moments dans son appartement de Canteleu ainsi que des photos de l album qu il a film entre temps C est la seule s quence enti rement fabriqu e du film celle o se d pose une partie de l histoire Elle a t la plus dure monter un mois et demi de travail environ Comme s il s agissait de contrebalancer cet interventionnisme Didier Nion conclut son film en laissant d lib r ment les traces de sa fabrication LES SCORIES DU FILM La derni re s quence la plage se pr sente comme une succession d instants H l na et Jean Beno t lan ant des pierres dans l eau Jean Beno t racontant le d roulement de son examen Didier Nion les deux jeunes gens en train de s embrasser Jean Beno t chantant dith Piaf en plaisantant avant d voquer sa fiert d avoir su remonter le moteur cor rectement On ne cherche pas nous faire croire une fausse continui t mais bien comme dans la s quence de plage au d but du film s quence 4 une reconstitution un collage d instants mis artificiel lement c te c te s lectionn s sans chercher cr er l illusion d une unit de temps Dans le tout dernier plan la pellicule lt celle en fin de magasin qu habituellement on coupe au montage parce q
42. et ses contradictions se trouve d mystifi ramen l tat d humain et par l m me accorde tant celui qu il filme qu au spectateur une plus grande autonomie Cette d marche de la deuxi me fois va l encontre d une tendance majori taire du cin ma qui niant l in galit incontournable entre filmeur et film continue d infantiliser celui qui le regarde 1 Cahiers du cin ma n 290 291 juillet ao t 1978 2 COMOLLI Jean Louis L Anti spectateur sur quatre films mutants Malaise dans le documentaire Images documentaires n 44 p 9 2002 19 De haut en bas Route One USA Sans soleil Et la vie continue Dire et Faire Faire et Dire Mettre sa parole en actes et agir tel que sa parole l a exprim sont les deux piliers fondateurs du com portement de Jean Beno t Comment se projeter dans le futur m me rapproch par la parole Comment justifier de l cart entre cette parole et les actes commis Tels sont les paradoxes ou plus exactement les ressentis contradictoires de Jean Beno t lorsqu il regarde son parcours dans le r troviseur Le film mesure les carts entre la parole et les actes Il n est en aucun cas condamnation et jugement sur l incapacit de Jean Beno t tenir ce qu il dit le propos est de mettre en vidence les difficult s d accomplir dans une temporalit assez longue ce que l on a nonc donc par extension promis I ne s agit pas ici pour le personnage acteur de se just
43. eurs parfaitement int gr ce temps de la prise qui change fondamentalement la relation quand on tourne Pour Didier Nion chaque support filmique contient sa propre temporalit le super 8 le 16 ou le 35 mm La seconde raison qui le pousse tourner en film tient au rendu qu autorise la pellicule Quand tu deviens op rateur et donc photographe tu t aper ois de la possibilit que t offre le support argentique la profondeur de champ le contras te la lumi re voir Un cin ma de proximit p 8 et Analyse de plans p 15 Le troisi me argument que le r alisateur invoque pour justifier son choix du sup port film est la fois plus sensuel et plus philosophique J aime bien cette id e qui chez moi remonte loin que le support chimique constitu de grains d argent juxtapos s et superpos s en plusieurs couches soit travers par la vie Le r sultat est al atoire nous ne sommes pas dans le binaire 0 1 0 1 comme en vid o num rique L al atoire c est la vie Quand j tais gamin mon r ve c tait de fabriquer des autochromes Ces plaques sont constitu es de milliers de petits grains color s juxtapos s c est de la f cule de pomme de terre teint e dans la masse bleu rouge et vert Ces tirages produisent une motion tr s forte proche de celle que suscite la peinture impressionniste Dans Dix sept ans on voit quel point Didier Nion joue avec les ressources que lui offre le support
44. eut de la mer que surplombent les falaises us es laisse la place au vert intense des prairies celle collective d un peuple meurtri par une succession de crises et restructurations dont les usines en ruines et les quais d serts sont les derniers vestiges d une g n alogie d faite et d une m moire qui s effrite et celle plus intime de Didier Nion lui m me qu on cro t entrevoir en miroir dans ces natures mortes qui s grainent la Normandie ses ports laiss s l abandon les Qu est ce qu une image documentaire et par extension qu est ce qu un film documentaire La d finition n est pas ais ment cernable comme le pr cise Guy Gauthier dans son ouvrage Le Documentaire un autre cin ma Nathan Universitaire 2000 Il s agit de retourner aux origines des Vues Lumi re aux films de Robert J Flaherty Nanouk l Esquimau 1920 L Homme d Aran 1932 pour comprendre que deux enjeux majeurs permettent de rep rer les indices d une r alisation dite documentaire la mise en sc ne documentaire et l immersion dans le milieu La mise en sc ne documentaire fonctionne sur l ad quation entre le sujet film et le dispositif en place ou comment provoquer le hasard du r el en s atta chant son organisation l immersion dans le milieu correspond une prise en compte de la temporalit du filmage pour permettre une extraction pertinente du r el prendre le temps de comprendre et d assimiler le monde film pour mieux en s
45. i rarchisation pr cis De la reproduction de photogrammes l utilisation de photos de plateau en passant par tous les supports picturaux imaginables dessins esquisses collages toutes les combinaisons sont possibles Couleurs formes composition lignes de fuite et lettrage sont eux aussi au servi ce d une strat gie que la description aidera d coder L affiche de Dix sept ans joue sur la division Deux axes orthogonaux pourraient la partager celui des abscisses d j apparent qui montrent deux visages du m me personnage et celui des ordonn es qui r partit les regards dans deux directions oppos es Le lien et la continuit sont alors assur s par le titre qui se joue de ce parta ge et par les acteurs au sens large du film polices de caract re identiques pour tous taille de caract res hi rarchisant les fonctions Le visage lui aussi est partag par un clairage signi fiant Le parcours de Jean Beno t est m tapho rique de cette image il oscille entre ombre et lumi re L affiche par ses couleurs sa composition graphique et le choix de ses cadrages ne laisse aucun doute le personnage pr sent sera la figure centrale du film et l clairage moderne au sens de la modernit cin matographique n a pas l ambition d un quelconque effet star Enfin signalons que deux affiches ont t r alis es dans la version officiel le Jean Beno t appara t s rieux puis souriant La seconde qui
46. i laiss ma caisse outils et je suis all sur les Champs lys es acheter Le Technicien du Film Dans la liste des films en pr paration il y avait Gar on de Claude Sautet Je me suis rendu au 70 Champs lys es j ai pris l ascenseur pour me rendre aux bureaux de Sara films Renn Productions j ai franchi un couloir et j ai vu une file d hommes qui fai saient la queue avec un dossier dans les mains et au fond un monsieur assis derri re une table de camping qui les recevait Quand a a t mon tour je lui al expliqu que je n tais pas l pour le casting mais que je voulais travailler dans le cin ma Il m a propos de revenir deux jours apr s Je suis all voir les autres productions qui avaient un film en pr paration et me suis fait virer de partout comme un malpropre Le mercredi je suis revenu avec mon curriculum vit je ne savais m me pas ce que c tait vingt quatre ans Le directeur de pro duction m a re u dans un immense bureau avec des boiseries d essences exo tiques Il m a dit d aller faire des photos d identit au photomaton En descen dant je pleurai dans l ascenseur Quand je suis remont il m a racont qu vingt ans il tait venu de Turquie en Vespa dans la patrie du cin ma Ensuite il m a bombard comme stagiaire machiniste le premier de l histoire du cin ma J ai eu l impression que cet homme me rendait quelque chose qu on lui avait donn L EXP RIENCE DES PREMIERS FILMS D
47. idier Nion apprend sur le tournage de Gar on puis sur celui de Subway de Luc Besson travailler comme technicien sur des films gros budget Le jour j tais sur le plateau la nu t je tournais un film avec un copain se souvient il Apr s tre pass chef machiniste il devient assistant op rateur en 1993 sur de nombreux courts m trages et travaille pour la t l vision Parall lement il continue de faire des petits films en super 8 J ai r alis ce que je consid re comme mon premier film Le Mariage tourn en 16mm en 1982 qui dure environ 30 minutes Trois ans plus tard l occasion des noces de sa s ur il r alise Le Baiser cam ra en super 8 deux cam ras son synchrone et musique J ai pass deux trois mois apr s pour le parfaire se souvient il Son troi si me film La Mise en bouteille 1986 relate le rituel auquel s adonne chaque t sa famille d adoption au cours d une grande f te familiale qui dure une semaine Pour son quatri me film Didier Nion choisit de se d tacher de son environne ment proche pour aborder un genre qu il d veloppera par la suite celui du film rencontre J tais parti comme assistant op rateur pour participer au tourna ge d un film qui retra ait la vie d un saxophoniste de jazz aux Etats Unis Ricky Ford J avais amen dans mes bagages ma propre cam ra et mon magn to phone J avais depuis longtemps pris l habitude de faire des sortes de
48. ien dans la mani re dont le r alisateur questionne et interpelle le jeune homme qu elle est le fruit d une connivence non feinte o cha cun reste sa place o le d sir du spectacle ou de la r v lation ne prend jamais le pas sur le respect de l autre Nous pouvons deviner aussi en creux que nous sommes pris dans un jeu de miroirs et d alt rit dont nous ne conna trons jamais tous les secrets mais qui fonctionne tel quel car chacun devant nous filmeur ou film joue gros LIEUX COMMUNS La parole enfouie de Jean Beno t va peu peu se lib rer gr ce au par cours que le r alisateur va organiser avec tact de l appartement de Canteleu pr s de Rouen au garage de la Maine en contrebas de l co le technique priv e de Saint Etienne du Rouvray au port autonome de Rouen en passant r guli rement par ce que Didier Nion appelle joli ment la falaise des promesses Cette falaise nous l avons vue au d but du film c est celle de Juillet lieu de la confidence des aveux et des projets C est l qu avec H l na Jean Beno t f te dans Dix sept ans Son anniversaire devant la cam ra c est l aussi qu il voque son doute sa peur de tout perdre s quence 17 Mais Didier Nion sait qu il devra aussi en passer par trois autres sites hant s par les drames de l en fance du jeune homme la maison de Monterollier s quence 26 celle o la famille tenta en vain de se reconstituer le cimeti re o repose
49. ier voir ce sujet l influence de la t l r alit Nous connaissons tous des adolescents vivant une existence quotidienne difficile comme celle de Jean Beno t Le film apporte un clairage que nous n avons peut tre plus et produit de fait une v ritable ducation du regard Certes Jean Beno t a grandi Il est maintenant adulte mais le spec tateur du film aussi notre point de vue sur l adolescence est apr s la projection du film forc ment diff rent troubl par ce que nous r v le le film d une existence proximit de la n tre et que nous ne savons parfois pas prendre en compte R f rences DIX SEPT ANS P RON Didier Il venait d avoir Dix sept ans Lib ration 10 mars 2004 REIGNER Isabelle Didier Nion cin aste artisan enfin lib r Le Monde 19 mai 2004 S GURET Olivier Dix sept ans mis nu Lib ration 19 mai 2004 OUVRAGES THEORIQUES BARTHES Roland L Empire des signes ditions Skira 1970 BARTHES Roland La Chambre claire Notes sur la photographie Cahiers du cin ma Gallimard Le Seuil 1981 BONITZER Pascal D cadrages peinture et cin ma Cahiers du cin ma ditions de l Etoile 1985 DANEY Serge La Rampe bis Petite Biblioth que des Cahiers du cin ma 1996 TEXTES OUVRAGES SUR CERTAINS CIN ASTES CIT S Pedro Costa COMOLLI Jean Louis L Anti spectateur sur quatre films mutants Malaise dans le documentaire revue Images documentaires
50. ieurs tats du personnage principal apprentissage d un m tier d une vie professionnelle venir apprentissage de la vie d un homme du passage de l tat d adolescence celui d adulte enfin apprentissage du cin ma et de la capacit de confier son image ses discours compos s d attentes de doutes et de col res L uvre de Didier Nion met en lumi re la difficult pour un adolescent ou pr adulte de franchir ce moment de la vie durant lequel il faut trouver sa place L apprentissage est une p riode d acquisition de connaissances mais aussi de confrontation un univers bien r el et que l on ne per oit malgr tout que partiellement Cette confron tation renvoie la vision d un monde confus et contraignant dans lequel il n est pas simple de s int grer Cette th matique est r currente dans nombre de films fictionnels Ressources Humaines de Laurent Cantet 1999 La Promesse de Luc et Jean Pierre Dardenne 1995 Kes de Ken Loach 1969 Le Fils adoptif d Aktan Abdykalykov 1998 et elle se retrouve aujourd hui dans certains documentaires Grands comme le monde dont l objectif avou est sans doute de nous parler de ce moment peut tre le plus complexe de la vie d un homme L effet miroir du film est dans ce type d approche une piste p dagogique forte Jean Beno t essaie de trouver sa place qu en est il de ma propre situation 11 FILMEUR FILM Alter ego Dix sept ans permet d int
51. ifier ou de vivre les v nements comme une mise en d faut de sa parole mais de comprendre en quoi ces carts peuvent engendrer une progression dans ses relations aux autres ses rapports son futur milieu professionnel De fait chaque affirmation est un pari sur l avenir m l e de doutes et d incompr hension aussi bien de la part de l metteur Jean Beno t que des r cepteurs les autres le cin aste et nous m mes Du Voir au Faire Autour de la notion d images documentaires et pour une articulation entre analyse et pratique un atelier pourrait mettre en relation deux actes associant les deux dimensions d une p dagogie du regard Voir des Vues Lumi re avec la classe Faire une exp rience cin matographique avec des l ves L id e de d velopper une activit autour des deux axes analyse et passage l acte partir des Vues Lumi re devrait permettre la prise de conscience des enjeux importants du cin ma documen taire Le visionnage par exemple des diff rentes versions de La Sortie des usines Lumi re 1895 est de ce point de vue un moment d analyse tr s constructif identifier dans ces films quelles sont les constantes entre plusieurs Vues quels statuts donner aux images documentaires fictionnelles quelles fonctions leur attribuer et selon quels crit res Ce qui se joue de plus vident dans l analyse de ces petits films se situe du point de vue des l ves dans la fixit du cadre la c
52. ille avec H l na propos de l aquarium Celle ci voque son d sir de retrouver du travail S quence 7 Devant le garage d but 11 36 Le jeune homme tire nerveusement sur une cigaret te devant le garage S quence 8 Atelier la roue du camion d but 12 05 Jean Beno t se fait aider par le garagiste pour enlever une roue de camion S quence 9 Un train est pass d but 13 32 Passage d un train sous un ciel nuageux S quence 10 R union des professeurs d but 1350 Un professeur pointe les faiblesses de Jean Beno t dans diff rentes mati res S quence 11 Falaise a se g te d but 15 19 l adolescent voque avec Didier Nion ses difficult s scolaires S quence 12 L aquarium et la m re d but 1813 Jean Beno t bricole son aquarium se cha maille avec H l na et se f che avec sa m re qui reste hors cadre S quence 13 Bricolage de voiture d but 1952 Le jeune homme r cup re des pi ces sur une voiture S quence 14 l ascenseur d but 20 46 Jean Beno t dans son ascenseur S quence 15 Les photos et le pass doulou reux d but 21 03 Plan large de la cit ciel plomb Jean Beno t commente des photos et voque son pass l absence de sa m re qui travaille de nuit dans un h pital les diff rentes ruptures familiales l alcoolisme paternel le mal qui semble s acharner sur sa famille Pendant qu il parle off on voit des photos
53. ilm qui le pr c de Le spectateur peut de ce fait mesurer les avanc es les r gressions de celui ci et int grer la dimension essentielle d une vraie temporalit Au regard de ces uvres gigogne trilogie de Kiarostami r currence du personnage d Antoine Doinel chez Truffaut ces choix sc naristiques donnent du sens l uvre sur un terme plus long qu un film unique puisqu ils int grent non seulement cin matographiquement mais r ellement la notion de temps qui passe et conf rent de fait une v ritable paisseur au personnage acteur de ces films L imbrication des sc narios auto rise une lecture fonctionnant sur des r sonances des connivences et des passages d un film l autre 1 Ce film est disponible en copie 35mm aupr s de Mille et une Films 02 23 44 03 59 18 De haut en bas L Enfant aveugle 2 Herman Slobbe La Chambre de Wanda O est la maison de mon ami contradictions et les limites de celui qui filme et nous am ne faire un chemin du m me ordre On retrouve un parcours similaire chez le cin aste portugais Pedro Costa Apr s avoir tourn une fiction Ossos 1997 dont les personnages principaux taient jou s par de jeunes marginaux toxicomanes d un squat du centre de Lisbonne le r alisateur accepte la demande d une des protagonistes de tourner un docu mentaire en se rendant sur les lieux chaque jour pendant un an Dans la chambre de Wanda 2000 est le r sultat de cette e
54. immense souffrance et une grande solitude cet univers s est construit seul avec des objets des ren contres qu il s est appropri la musique noire nord am ricaine le rythm n blues par exemple Ou encore l id e de faire sa propre radio d en tre le pr sentateur Lorsqu il se livre ses improvisations musicales o ses bruitages magnifique s quence o il fait lui m me le bruit des voitures de course le film peu peu se met son service par la mise en sc ne le montage et lui offre ce qui lui manque encore un public Il s int resse souligne par le montage notamment ce que la mise en sc ne d Herman suscite Et peu peu plus le film avance plus Van der Keuken laisse filer son objet donnant Herman le r le de guide d in terviewer et de commentateur comme dans la f te foraine qu il d crit en direct Alors travers m me l obsc nit g n rique quelque chose se retourne s inverse ou en tout cas se r quilibre Parti du constat de l injustice initiale le film a fait une partie du chemin en montrant les Jean Beno t trouve ses origines cin matographiques dans le film Juillet de Didier Nion Comme dans la trilogie de l iranien Abbas Kiarostami O est la maison de mon ami 1987 film montrant lui aussi la confrontation d un enfant au monde des adultes figures de la Loi Et Ja vie continue 1991 Au travers des oliviers 1994 Dix sept ans remet en sc ne le personnage du f
55. ion laisse entrevoir tout au long du film et que le cadre dans la proximit qu il instaure avec le visage de Jean Beno t r v le Plan 3 La multiplicit d tats que traverse Jean Beno t et qui le tra versent tout au long du film son visage en porte la trace La cam ra de Didier Nion joue avec finesse des changements d expression du visage la fois enfantin et parfois tr s dur adulte de la vari t des regards tant t ferm s tant t charmeurs charmants ou perdus flottants tout comme elle sait jouer avec la plasticit m me de ce visage De face o de profil cheveux ras s ou plus longs plaqu s sur le cr ne il exprime des tats diff rents du d sespoir la col re de la joie l apaisement Ce visage la fois beau et laid masculin et f minin dur et doux encadr de pr s par la cam ra se fait paysa ge expression de l me figure de l motion Il exprime la nervosit la tension quand la cigarette va et vient dans un rythme effr n I n est que souffrance quand la bouche se tord et le regard fuit de biais La cam ra varie les distances laissant parfois de l air autour de ses contours d coupant d autres moments un fragment pour mieux en saisir l expression Mais jusqu au bout il garde son myst re sa diff rence avec le spectateur son ambigu t Nous ne pouvons tre Jean Beno t il nous chappe sans cesse nous ne pouvons le cerner l aimer en permanence tout accepter de lui Il r
56. journaux film s sur les plateaux sur lesquels je travaillais comme machiniste ou assistant op rateur Apr s la fin du tournage du film Atlantic City je rencontre un homme assis sur un banc dans un square Un type jeune avec le visage d fait Je l aborde et il accepte d tre film Je fais son portrait en une apr s midi Il raconte que ses amis sont partis d penser leur argent au casino et voque sa vie d immigrant portoricain qui travaille dans le Bronx Je l ai compris apr s c tait mon p re que je filmais travers cet homme us pr matur ment alcoolique Le film Ray Diaz 1993 permet Didier Nion d aborder une mani re de filmer qu il d veloppera par la suite des plans frontaux et longs avec une focale courte LE TEMPS DE LA RECONNAISSANCE Sans le savoir avant d avoir tourn Ray Diaz il d bute le projet suivant en fil mant du bateau de croisi re bord duquel il navigue un ami proche Marc Rioufol en train de nager accroch par un bout l arri re de l embarcation Soudain l homme l che prise et manque de se noyer Cette s quence ouvre Clean Time le soleil en plein hiver un film tourn en super 8 sonore qu il pour suit plus tard en d cidant de faire le portrait de cet ami un dandy flamboyant Il l accompagne pendant deux ans tournant pr s d une dizaine de fois y com pris lorsque celui ci d cide de d crocher de la drogue C est mon premier film avec Marc Padovani NDLR le producteur d
57. le cin as te dans cette aventure s expose aussi C est dans cet entre deux que na t le cin ma Ce n est pas uniquement l histoire de Jean Beno t c est aussi la mienne explique Didier Nion Lorsque j ai compris a j ai d ci d d avoir une pr sence tr s forte dans le film de ne pas simplement m impliquer avec mon regard cette mani re de filmer et de petites relances mais aussi d y mettre ma propre violence et de ce que a dit sur moi Cela rend encore plus l gitime le fait de faire le film avec Jean Beno t Le cin ma est pour nombre de r alisateurs l art de filmer l intervalle entre les personnes Dix sept ans est au regard de cette probl matique un film remarquable Remarquable du fait de son ancrage sur un personnage central mais aussi dans les relations que celui ci noue avec les autres Une premi re piste consiste rep rer tous les personnages principaux ou secondaires du film Justifier la position de chacun produit un travail d argumentation l gitime H l na est elle un personnage principal o au contraire secondaire Cela induit un ques tionnement sur le terme h ros quelles d finitions en donner De m me pour la place du cin aste l int rieur de son propre film en quoi lui est il propre Dix sept ans met en sc ne un tissu de relations entre tous les acteurs y compris ceux qui sont absents tel le p re disparu Ces relations nou es au fil des ann es ou au contraire tr s r
58. le corps de son p re et le foyer o Jean Beno t a t plac l poque s quence 27 Chaque endroit am ne une nouvelle parole rapproche Jean Beno t du lieu de souffrance et de lib ration J ai le sentiment de n avoir fait Dix sept ans que pour la s quence du foyer et le r cit de la mort du p re confie le r alisateur sentant que a allait lib rer Jean Benoit Ce que nous savons moins et que nous pressentons c est quel point ces lieux sont aussi fortement vocateurs pour le r alisateur lui m me Ainsi la tour o habite Jean Beno t fait face celle o Didier Nion a v cu une partie de son enfance Le garage o il travaille se trouve dans un lieu dit o le r alisateur a s journ enfant Le port de Rouen voque pour le cin aste l absence du p re marin qui a quitt la famille alors qu il tait encore enfant Le foyer o Jean Beno t a s journ se trouve pr s du camping o Didier Nion a pass ses vacances et la foire de Saint Romain o Jean Beno t fait de l auto tamponneuse est celle de son enfance La mani re m me dont le projet de Dix sept ans s est consti tu nous instruit sur la connivence objective qui unit le r alisateur celui qu il filme Je n avais pas l id e de faire une suite apr s Juillet En revanche j avais envie de raconter l apprentissage de quelqu un qui serait en rapport avec ma propre exp rience Avant le tournage de Vientiane voir Le choix de l argentique p 14 e
59. le du magasin de la cam ra Un train passe sur un pont un ruban orange et un papier jaune sont pris dans les mailles d une herbe touffue une main brillante couverte de graisse s active dans la p nombre d un atelier une autre nerveuse crase une cigarette une vitre s embue aussi opaque que le futur de Jean Beno t un coquillage s enlise dans le sable la lumi re aveuglante d coupe la cime des arbres pour mieux nous aveu gler Le cin ma direct laisse alors la place l il du photographe ou celui du peintre la composition interrompt momentan ment le conti nuum des v nements pour mieux en saisir l essence au del des mots et des actes qui ne peuvent tout contenir dans ce punctum vient se nicher ce qui d borde l invisible ce qui chappe aux mots ce que Pascal Bonitzer nomme le plan tableau sans que jamais l effet de style ne prenne le dessus aux d pens de celui dont on relate la vie 10 INTERVENTIONNISME DE LA MISE EN SC NE La marge de man uvre de Jean Beno t va se trouver certains moments pr cis du film r duite par ces formes plus affirm es de la mise en sc ne Ainsi le tr s beau plan du ruban rouge pris dans les herbes est le fruit d une volont de Didier Nion pr m dit e de longue date s quence 17 D s la premi re mouture du projet le texte d crit le plan avec pr cision Quand pendant le tournage H l na voque l anniver saire de Jean Beno t le r alisateur d cide d interve
60. mportante vient d tre franchie mais rien ne pr sage du devenir du jeune homme travers l tude plus pr cise de ce qui constitue l architecture dramatique du film nous mesurons donc qu elle ne repose pas seulement sur l volution des r actions motionnelles du personnage principal mais aussi sur un autre mouve ment initi par Didier Nion lui m me celui qui s instaure par la reconstruction au montage d une chronologie qui simplifie et pure les mouvements chao tiques de cet apprentissage Mais ce sentiment d avancer de creuser dans la plaie du jeune homme jusqu atteindre le point le plus sensible le plus doulou reux nous est galement sugg r travers la s rie d entretiens qui ponctuent le film une douzaine en tout dont neuf en pr sence de Jean Beno t deux avec H l na en apart et un avec un m canicien Cette succession d changes notamment ceux avec le jeune homme donne lieu diff rentes vocations du pass de Jean Beno t de sa famille de son p re Ce r cit l volue comme une spirale qui se rapproche de son centre douloureux sans jamais l atteindre totale ment Le faisceau se resserre on touche finalement au plus br lant au plus secret le suicide de son p re s quence 30 Cette focalisation progressive s en trelace aux v nements et aux r actions du personnage accompagne ses doutes leur donnant au del des explications plus ou moins convaincantes des p dagogues qui l entourent le
61. n 44 2002 Raymond Depardon DEPARDON Raymond SABOURAUD Fr d ric Depardon cin ma Cahiers du cin ma 1992 Abbas Kiarostami NANCY Jean Luc L Evidence du film Abbas Kiarostami Yves Gevaert diteur 2001 SABOURAUD Fr d ric L Homme sans cam ra fonction du per sonnage du cin aste dans Et la vie continue d Abbas Kiarostami m moire de DEA Universit Paris VIII Saint Denis 2003 Robert Kramer VATRICAN Vincent VENAIL C dric Trajets travers le cin ma de Robert Kramer Institut de l Image d Aix en Provence Collection Polimago 2001 EISENSCHITZ Bernard Ponts de d part entretien avec R Kramer Institut de l Image d Aix en Provence Collection Polimago 2001 Chris Marker POURVALI Bamchade Chris Marker Cahiers du cin ma coll Les petits Cahiers CNDP 2003 Johan Van der Keuken VAN DER KEUKEN Johan L Aventure d un regard Cahiers du cin ma 1998 LE DOCUMENTAIRE Ouvrages g n raux COLLEYN Jean Paul Le Regard documentaire ditions Centre Georges Pompidou 1993 Ouvrage synth tique pr sentant les grandes tapes de l histoire du documentaire et les principaux enjeux esth tiques du genre MARSOLAIS Gilles L Aventure du cin ma direct revisit e Montr al Les 400 coups Le Seuil 1997 Approche du cin ma direct dans une perspective his torique L essai s attache notamment souligner les implications d ordre technique indications sur la r alisation le mo
62. n Arte p 18 Documentaire sur Grands Ecrans G mini Films Les Grands Films Classiques p 19 Connaissance du cin ma Les Grands Films Classiques p 20 Verdet Lakits amp David Poullard Les droits de reproduction des illustrations sont r serv s pour les auteurs ou ayants droit dont nous n avons pas trouv les coordonn es mal gr nos recherches et dans les cas ventuels o des mentions n auraient pas t sp cifi es 23 Un cin ma de rencontre Etudier Dix sept ans c est entrer presque par effraction dans la relation intime qui unit Didier Nion et Jean Beno t Durand Mais travers cette intrusion laquelle le film nous invite nous sommes amen s nous reposer sur un autre mode des questions que le documentaire et plus sp cifiquement le cin ma direct ont mis sur le tapis depuis les ann es soixante Qu est ce qui se joue dans la relation entre l homme la cam ra et l tre film En quoi cette question am ne le spectateur entrer dans la danse et r fl chir sur son rapport aux autres au monde et aux images qu il re oit Ce qu il y a de nouveau dans le genre cin matographique dans lequel s inscrit le film de Didier Nion et que nous pourrions appeler cin ma de rencontre c est la mani re dont le d s quilibre initial filmeur film se trouve en partie compens par une implication forte du r alisateur et un espace et un temps plus vastes accord s l autre film sans rien c der pour autant su
63. n octobre 1999 je com mence crire un projet bas sur une dur e quivalente celle de mon Relation entre les personnages la figure de l intervalle propre apprentissage qui a dur trois ans et qui ne s est pas termin J imaginais alors faire le film l Institut Lemonnier Caen o j avais moi m me appris la menuiserie Je re ois un coup de fil de Jean Beno t qui m appelle parce qu il veut se raccrocher quelqu un Juillet lui avait ren voy une image positive de lui m me et l poque il tait assez voyou Il s chappe II me propose de faire un autre film ensemble et d un seul coup tout se raccorde autour de son projet de formation Et tous les th mes tombent d vidence l apprentissage l adolescence les premiers amours le p re la famille la violence Didier Nion sait parfaitement comment Jean Beno t a pour lui un effet de miroir On en trouve d ailleurs l aveu implicite dans la seconde d dicace la fin du film Luc et Lamidou sont les parents choisis par Didier Nion ses parents d adoption Cela ne veut pas dire qu il y ait confusion projection rapt ou arnaque mais permet de mieux com prendre ce qui peut constituer une relation entre un cin aste documen tariste et son sujet une connivence tacite et une alt rit des demandes diff rentes de part et d autre qui s articulent parfaitement Et le senti ment pour le film de pouvoir r sister notamment parce que
64. n plus tard De gauche droite Clean Time le soleil en plein hiver Ventiane Carnet Octobre 1999 Le Mariage 24 environ 16mm 1982 Film tourn l occasion des noces d un ami Le Baiser cam ra 38 environ super 8 1985 Film tourn deux cam ras avec son syn chronis et musique l occasion du mariage de sa s ur Auto produit La Mise en bouteille 31 super 8 son syn chrone 1986 R cit de la f te annuelle dans la famille adoptive de Didier Nion Auto pro duit Ray Diaz 17 super 8 son synchrone 1993 Portrait d un homme rencontr dans un parc Atlantic City Auto produit Clean Time le soleil en plein hiver 26 super 8 35mm 1997 Portrait d un ami par Didier Nion dont il filme notamment la cure de d sintoxication Production Mille et Une Films Diffusion sur ARTE en 1998 Juillet 85 16mm 35mm 1998 Didier Nion filme dans un camping normand proche de celui de son enfance les vacanciers en juillet et en ao t 1997 Production Mille et Une Films Il existe une version t l vis e 68 inti tul e Juillet Quiberville diffus e sur ARTE en 1999 et 2000 Vientiane Carnet Octobre 1999 60 mini DV Beta SP 1999 Didier Nion r alise la demande d ARTE un pisode de la s rie Voyage Voyage seul avec une petite cam ra vid o dans la capitale du Laos C est de cet pisode de 45 minutes intitul Wentiane et accompagn d une voix off qu est issue la version
65. ndicible celle de Jean Beno t mais aussi le secret que contient tout acte de suicide toute destruction de soi Le tr s gros plan d une nature morte induit ainsi une sorte d abstraction de d collement du temps comme de l es pace pour susciter un sens plus diffus plus opaque proche de celui qui mane d une peinture ou d une photo abstraites Plan 2 Ce plan ouvre la s quence au cours de laquelle Jean Beno t va parler de son examen et de sa fuite incessante face cette ch ance Il nous montre un bateau quai film par l arri re dans le port autonome de Rouen et fonctionne comme une d tente deux coups Il est la fois l annonce du lieu o l entretien se d rou le champ d inactivit qui porte les marques d une profession en crise dont les g ants immobiles sont les t moins silencieux Cette 15 sc ne est celle du spleen du doute de Jean Beno t au moment d af fronter l preuve comme un repli sur soi un lieu et un temps de m ditation de bilan Mais ce havre est aussi en superposition l image d un souvenir pour Didier Nion celle de son p re disparu marin qui a quitt la famille et l a abandonn Sans que le specta teur n ait conscience de cette double signification l importance donn e ces plans fixes de port la s quence se termine par un autre plan de quai cette fois vide figure de l absence fait cho la complicit entre le r alisateur et le jeune homme que le ton de la voix de Didier N
66. nir Je lui ai deman d de lui offrir ce qu elle voulait l exception d un CD J ai achet le papier et le ruban et lui ai donn en lui sugg rant de remettre le cadeau Jean Beno t sur la falaise pendant le tournage Didier Nion va par ailleurs mettre en place avec celui qu il filme trois types de regards diri g s qui correspondent trois points de vue Quand Jean Beno t regarde la fois mon visage et la cam ra il s adresse nous tous moi comme au spectateur explique le r alisateur Quand il regarde mon il pendant que je cadre m me s il est ferm c est moi qu il s adres se Enfin quand il regarde l objectif de la cam ra il interpelle directe ment le spectateur comme dans la s quence du foyer apr s avoir dit qu il avait besoin comme son p re de parler avec quelqu un D un geste de la main Didier Nion sugg re au jeune homme de fixer son regard ici ou l selon les circonstances Cette fa on de mettre en sc ne d une mani re plus dirig e la parole de Jean Beno t se retrouve dans la s quence 15 o celui ci voque ses souvenirs familiaux en contrepoint des photos Lorsque j ai commenc monter des images du film il m a sembl qu il manquait une s quence qui puisse clairer la deuxi me partie du film celle qu on voit apr s le clash o l on remonte dans le pass de Jean Beno t Nous avons fait deux s ances d enregistrement sonore chez moi Paris au cours desquell
67. ntage et propose une classifi cation des tendances de ce courant Nombreux t moignages et r pertoires chronologie des films dictionnaire biographique et th matique des r alisa teurs filmographie des uvres les plus significatives Ressources p dagogiques BIFI Biblioth que du film Filmer le r el ressources sur le cin ma documen taire BIFI 2001 Ensemble indispensable pour tous les enseignants et l ves d sireux d examiner les diff rentes formes et enjeux du cin ma documentai re L accent est mis sur la dimension p dagogique Une m thodologie rigou reuse classement chronologique par genres coles fiches biographiques sur les principaux documentaristes et une bibliographie s lective de films dis ponibles en vid o ou DVD font de cet ouvrage un outil indispensable pour la d couverte du cin ma documentaire l cole BRESCHAND Jean Le documentaire l autre face du cin ma Cahiers du cin ma coll Les petits Cahiers CNDP 2002 Synth se historique et analy tique rigoureuse du documentaire dans la collection Les petits Cahiers DUCATION L IMAGE AUMONT Jacques BERGALA Alain MARIE Michel amp VERNET Marc Esth tique du film 1983 Nathan coll Cin ma 3 dition revue et aug ment e 1999 Manuel destin aux tudiants aux enseignants du secondai re qui aborde le Septi me Art sous ses aspects techniques et formels le montage la narration la profondeur la r ception
68. o il va qui il a en face de lui voir La deuxi me fois p 18 LA PR SENCE INVISIBLE DU CIN ASTE L intervention r currente de la parole du cin aste dans Dix sept ans ins taure un type de lien particulier Reste toi m me dit le r alisateur au jeune homme dans l entretien o celui ci annonce sa joie d entamer sa formation Tu crois que tu vas r ussir l interroge t il plus tard Cette voix celle du r alisateur dont nous ne voyons jamais le visage sait se faire attentive et discr te affirmative et nuanc e Elle est une pr sence non visible essentielle pour Jean Beno t comme pour le film qu el le marque de son empreinte Didier Nion a choisi travers elle d expri mer le lien de proximit qui l unit avec celui qu il filme acceptant la res ponsabilit laquelle un tel contrat engage celle d accompagner jus qu au bout m me dans les pires moments celui dont on fait le portrait Celle aussi de ne jamais surplomber l autre de ne jamais mettre le spec tateur dans sa poche contre celui dont il fait le portrait et accompagne un moment de vie Cet accord tacite induit pour le spectateur une rela tion particuli re Jean Beno t Nous sommes la fois c t de lui sans que jamais nous ne puissions nous confondre Il est diff rent de nous comme il l est du r alisateur qui ne cherche jamais faire croire autre chose ce titre tout est affaire de nuance de subtilit nous enten dons b
69. omposition de l image en diagonale le filmage en noir et blanc l absence de bande son la taille du cadre de l image la pr sence de personnages leurs entr es et sorties du champ Dans le cadre du passage l acte accepter l ensemble de ces contraintes am neront les l ves se poser la question du sujet et du dispositif de filmage c est dire les interrogations fondamentales de la r alisation d une image ou d un film documentaire car produire des images c est produire du sens N B un document vid o con u par Alain Bergala et intitul Le Cin ma une histoire de plans ana lysant trois Vues Lumi re Attelage d un camion 1897 La Jeune fille et le chat 1896 Le Faux cul de jatte 1897 peut constituer un outil p dagogique pertinent visionner pour cl turer cet atelier On pourra galement se reporter Louis Lumi re inventeur et cin aste Vincent Pinel coll Synopsis Nathan 1994 PRISE DE SON PASCALE MONS UNE COPRODUCTION MILLE ET UNE FILMS ARTE FRANCE L affiche comme la bande annonce illustre le statut et les conditions d exploitation d un film Sa fonction publicitaire est d terminante puis qu elle est d abord charg e de s duire un public Outre le titre et des extraits du g n rique plu sieurs l ments de l intrigue y sont d voil s tra vers la pr sence fragmentaire de personnages d objets ou de d cors qui ob issent des prin cipes de s lection et de h
70. ormation de m ca nicien dont il r vait Le r alisateur le suit dans son apprentissage Il l aide aussi voquer son pass douloureux le divorce de ses parents et la mort de son p re Mais bient t les difficult s s accumulent les r sultats baissent la tension monte entre Jean Beno t H l na sa compagne et le r alisateur Le jeune homme plonge alors dans l vocation de son pass douloureux repasse par les lieux hant s par le suicide de son p re et s engage redresser la barre Il obtient finalement son CAP FICHE TECHNIQUE ET ARTISTIQUE Dix sept ans France 2003 R alisation Didier Nion Sc nario image Didier Nion Son Pascale Mons Montage Catherine Zins Montage son mixage Jean Mallet Producteur Gilles Padovani Production Mille et une films Coproduction ARTE France Dur e 83 minutes couleur Format 35mm 1 66 Visa n 102 412 Sortie fran aise 10 mars 2004 Distribution Les Films du Paradoxe Avec la participation du Centre national de la cin matographie de la Procirep du minist re des Affaires Sociales du Travail et de la Solidarit du P le Image Haute Normandie de la Ville de Canteleu de la R gion Centre et de la R gion Bretagne nibles en vid o ou DVD sont pr cis es page 23 La copie DVD de Dix sept ans est disponible la vente Les Films du Paradoxe www filmsduparadoxe com 1959 Naissance le 21 janvier Petit Quevilly en Seine Ma
71. plan 2 Retour au phare plan 3 et plan sur H l na plan 4 Ces deux tres sans qu ils n aient eu besoin de rien se dire sont isol s s par s par la coupe et le plan de phare qui s intercale Le montage sugg re le conflit en inscrivant ces deux corps dans des espaces dis tincts et non contigus Par ailleurs le fait de d marrer par un plan serr cr e un petit suspense pour le spectateur qui n identifie pas tout de suite l action et devra attendre le quatri me plan pour d couvrir que Jean Beno t n est pas seul La r alit se d couvre peu en peu en m me temps que le conflit lentement se r v le Ensuite le d coupage va accentuer par ses coupes la mont e dramatique n h sitant pas recourir l ellipse interrompant une action et encha nant sur la suivante entre le plan 8 et le dernier plan celui de l enjoliveur on sent la saute mais elle passe bien car elle nous fait franchir une marche de plus dans le conflit et am ne son paroxysme 16 ANALYSE DE S QUENCE Rupture la plage La s quence 23 commence 37 minutes 30 secondes et dure 3 minutes 2 secondes Elle s ouvre selon le m me principe que dans la s quence 21 mais est abord e diff remment Au lieu du plan serr qui donne un fragment d une action qu on d couvre par la suite gros plan de phare au d but de la s quen ce 21 cette fois on est en plan tr s large et les acteurs ont dis paru plan 1 La plage est vide sans personne bien
72. quel se distinguent les dia logues et les chocs sonores l enjoliveur bris renvoyant une violence r currente du person nage Le spectateur a ici une grande libert d interpr tation qui peut se jouer par exemple sur les diff rents niveaux de focalisation dans lequel le film ne souhaite pas forc ment nous entra ner mais vers lequel il le pourrait Confronter cette s quence la suivante Rupture la plage produit un effet vident sur la perception globale du film La premi re ana lyse s int resse une sc ne que l on pourrait qualifier d int rieure alors que la suivante est tourn e dans l espace ouvert du film l o la libert est visuellement la plus vidente C est cet endroit du film que le r alisateur intervient de la mani re la plus forte le tournage est ici un point de rupture et rien ne dit qu il pourra se poursuivre ANALYSE DE S QUENCE Lavage de voiture et p tage de plombs La s quence 21 commence 35 minutes 16 secondes et dure 1 minute 56 secondes Sa construction repose sur une criture en deux temps celui du tournage et celui du montage qui jouent sur des registres dif f rents et compl mentaires Au tournage ce qui semble primer c est le choix d un cadre fixe comme une affirmation qui met en sc ne la situation en d coupant l espace plan 1 phare avec mousse et laisse au corps la possibilit d en chapper plan 2 large en accordant une autonomie Jean Beno t en
73. r la rigueur de la mise en sc ne Fr d ric Sabouraud Libert galir Fraternite R PUBLIQUE FRAN AISE et ei se nuit 2 Lyc ens au cin ma en R gion Centre avec le soutien de la R gion Centre du Centre national de la cin matographie de la DRAC Centre et du Rectorat de l Acad mie d Orl ans Tours Lyc ens au cin ma en R gion Haute Normandie avec le soutien de la R gion Haute Normandie du Centre national de la cin matographie de la DRAC de Haute Normandie du Rectorat de l Acad mie de Rouen et de la Chambre Syndicale des Cin mas de Normandie
74. rd rencontre le propre d sir du cin aste de revenir travers le jeune homme sur sa propre exp rience d apprenti menuisier voir Alter ego p 12 En commen ant abruptement par un des extraits les plus forts de Juillet qui fut l occasion de la premi re rencontre avec Jean Beno t Dix sept ans se soumet d embl e la double preuve de la comparaison et du pari Cette s quence indique par sa succession de plans mont s sans raccord sa lumi re cr pusculaire et un ton de connivence entre filmeur et film qu il s agit d un moment de vie un film une rencontre qui a d j eu lieu et qui initialement ne devait pas se perp tuer Lorsque Didier Nion nous proj te ensuite dans le ici et maintenant de la vie de Jean Beno t il sait qu il va devoir prouver la force du lien qui l unit au jeune homme pour voir s il a r sist s il y a bien encore mati re pour un film venir qui soit la hauteur de ce qui a d j eu lieu Le corps de Jean Beno t qui s expose deux s quences plus tard sur la plage n est plus celui de l enfant vu quelques minutes auparavant et s il en fallait une autre preuve il est accompagn d une jeune femme Il va donc tre question de filmer pour voir si le lien qui unit le cin aste et le jeune homme tiendra le coup Je te donne mon visage et mon corps filmer mais toi en face dans l ombre tu m aides traverser le gu Ce film repose bien sur un pacte secret auquel nous sommes
75. ritime 1976 Mais si Premier tournage avec des enfants en colonie de vacances sur la Passion du Christ 1979 Travail d b nisterie en Suisse 1981 Installation Paris dans sa famille d adoption 1983 Premier travail dans le cin ma comme machiniste stagiaire sur le film de Claude Sautet Gar on 1986 Chef machiniste sur Esther d Amos Gita et rencontre avec Henri Alekan 1993 Assistant op rateur sur le t l film de Denis Berry Chlo et sur de nombreux courts m trages 1997 Tournage de Juillet Quiberville Haute Normandie 2004 Sortie de Dix sept ans en salles LE R ALISATEUR Didier Nion le cin ma comme fondation S il est une expression qui revient souvent dans les propos de Didier Nion lors qu il voque son parcours et sa vie c est celui d exp rience fondatrice La tra jectoire singuli re de ce r alisateur n en 1959 pr s de Rouen peut se lire comme l auto construction de ses propres fondations celles d un autodidacte devenu cin aste pour qui l exp rience du cin ma joue le r le de colonne vert brale Le premier souvenir qu il voque propos de son pass en Normandie c est cette image violente des scell s pos s sur l appartement familial qui l em p che lui sa s ur et sa m re de rentrer chez eux Entre temps le p re marin a disparu en laissant quai ses ardoises et ses dettes Didier Nion se souvient aussi que parmi les affaires r cup r es
76. s deux jeunes gens se per p tue mais loin bien loin du film de la cam ra et du spectateur plan 4 Nous sommes pour l instant exclus de ces r conciliations sans savoir si le film va pouvoir continuer suivre Jean Beno t Le dernier plan montre un coquillage ouvert retourn sur le sable plan 5 Il fait cho trois autres plans vus au d but du film dans la s quence 4 o l on voyait un coquillage ferm pos sur le sable cadre assez serr puis en fin de s quence la main de Jean Beno t enfouissant un coquillage dans le sable et dans le plan suivant un autre coquillage blanc pos sur le sable mais dans un cadre plus large la fin des vacances Cette m tapho re du coquillage chou retourn sur le sable joue ici la fonc tion de plan tableau voir Un cin ma de proximit p 8 qui se rapporte autant Jean Beno t qu Didier Nion lui m me et son sentiment probable d avoir t l ch et de sentir son film lui filer entre les doigts propos de cette s quence conflictuelle le r alisateur souligne l importance qu elle a eue bien apr s le tournage La construc tion du film s est lib r e autour de cette s quence de rupture avec Jean Beno t Comme si au montage comme au tournage il avait fallu en passer par cette exp rience limite pour pouvoir bifurquer et trouver progressivement une nouvelle perspective au film comme l exp rience de Jean Beno t 17 FILMER La deuxi
77. ta tion et le jeu mais ce qui se joue l devant nous sous l impudeur de notre regard et de notre ou e diff r s de t l spectateur touche l es sentiel une relation forte fond e sur la complicit et l alt rit de deux tres dont les d sirs diff rents s harmonisent UNE AFFAIRE DE TEMPS Cette impression de toucher l essence d une relation est videmment li e l effet du temps qui s impose nous le tournage s est tal pen dant deux ans au cours desquels Didier Nion et Pascale Mons ing nieur du son ont accompagn Jean Beno t et H l na bien loin du temps de pseudo documentaires que la t l vision nous propose si souvent Il faut y adjoindre la dur e du montage commenc pendant le tournage et qui s est poursuivi pendant huit mois mais aussi en amont le temps de la r alisation de son film pr c dent Juillet film choral tourn pendant les deux mois d t 1997 dans un camping de Normandie dans lequel Jean Beno t s octroie une place importante voir Alter ego p 12 sans oublier la dur e entre les deux tournages durant laquelle la relation entre l adolescent et Didier Nion ne s est pas estomp e Dix sept ans n est rien d autre que la r sultante d une longue gestation qui a amen le pr ado de Juillet demander trois ans plus tard au r alisateur de faire un autre film ensemble avec pour enjeu la r ussite de sa formation Et qui par une co ncidence qui n est pas tout fait un hasa
78. tempo digne d un com dien s adresse l ing nieur du son comme si de rien n tait pour conclure le plan Nous sommes l dans une zone ind cise entre docu mentaire et fiction entre jeu ma trise et abandon dans un champ du mental qui outrepasse le plaisir narcissique imm diat et se fait l expres sion d une demande inconsciente et profonde de reconnaissance et d coute En contrepartie l enfant s abandonne accepte de se laisser fil mer jusque dans ses crises comme lorsqu il balance son v lo faute de pouvoir regonfler son pneu sc ne dont nous aurons la r p tition par faitement sym trique quelques ann es plus tard avec le p tage d enjoli veur dans Dix sept ans s quence 21 Ce qui donne de la force aux images qui d coulent de cette rencontre et la prolonge c est la diversi t de registres dans lesquels nous nous trouvons jeu ma tris par le jeune homme puis crise panique violence nervement l expression chappe alors Jean Beno t l motion la rage viennent exploser devant la cam ra sans retenue sans contr le enfin la parole la confidence l aveu permettent de d nouer la crise au moins pour un temps Jean Beno t a un besoin vital de parler et non pas seulement un homme qui ferait office de p re de substitution Il a quelque chose dire confier 12 et m me crier la face du monde Dix sept ans lui donne l occasion de lib rer cette parole d autant plus qu il sait mieux d sormais
79. train de laver sa voiture et en se tenant distance le laissant affronter seul sa relation tendue avec H l na certains moments Didier Nion s autorise le droit de recadrer l int rieur d un m me plan pour continuer l histoire maintenir le lien Ce syst me qui consiste cadrer selon un choix et recadrer de temps en temps en fonction des mouvements du corps qu on filme est fond sur la dur e Ne pas cou per adage du cin ma direct s applique ici au tournage auquel il faudrait ajouter tenir son cadre choisir et tenir bon quitte recadrer dans l apr s coup en s adaptant celui qu on filme sans en tre totalement tributaire Ainsi la fin de la s quence plans 9a et 9b quand Jean Beno t brise l enjo liveur et s en va la cam ra ne tremble pas et ne cherche pas plus l accom pagner Elle reste l devant cette gente tristounette et dans un second temps panote verticalement vers le bas pour filmer les d bris Un plan deux cadres relay s par un panoramique Ce plan en lui m me raconte d une mani re contract e ce qui vient de se passer entre les deux jeunes gens comme une m taphore qui contient la violence de Jean Beno t et en porte les traces Elle en est la r sultante et l image conclusive Au montage on ressent nettement la volont de d coupage qui accentue la narration de la situation film e met en sc ne le conflit plan serr sur le phare plan 1 puis plan sur Jean Beno t
80. u elle est sur expos e blanchit d avoir re u trop de la lumi re laisse entrevoir une derni re fois en surimpression le visage de Jean Beno t La pr sence de cette pellicule voil e relativise cette derni re image qui semble plus impos e par la longueur du m trage disponible que par le choix du r a lisateur m me s il s agit aussi a posteriori d un effet de style qu on choi sit de laisser au montage Par l m me le film signifie au spectateur qu il refuse la logique du dernier plan du dernier mot comme pour mieux indiquer que cette fin n en est pas une qu elle est arbitraire que rien n est d finitivement r gl pour Jean Beno t car rien ne se r gle Jamais dans l existence que la vie par la mort Une telle conclusion interroge en creux l acte de filmer en laissant trace de ses limites la quantit de bo tes de pellicule notamment un peu la mani re du th tre de marionnettes Bunraku qui montre sur sc ne les manipulateurs habill s de noir Si le manipulateur n est pas cach pourquoi comment voulez vous en faire un dieu crit Roland Barthes propos de cet art de la sc ne japonais Ici le cin aste laisse les marques de son travail inachev comme Bacon les gouttes tomb es sur son tableau Ces traces de d coffrage sont moins affirm es que celles qu on trouve dans les documentaires des ann es soixante au d but du cin ma direct quand Leacock ou Pennebaker laissaient au montage des zooms
81. ur dimension tragique Ainsi pouvons nous r sumer la construction du r cit au tournage puis au mon tage autour d un double mouvement l un en trois temps qui am ne Jean Beno t la r ussite C est le temps du pr sent du film Le second entrelac au premier est celui de l vocation qui en spirale atteint le c ur de la plaie le sui cide du p re pour finalement s en lib rer au moins momentan ment avec la r ussite de l examen C est sur cet entrelacs des deux mouvements du pr sent et de l vocation que repose cette sensation de romanesque qui ressort de la vision du film MISE EN SC NE Un cin ma de proximit D s la premi re vision Dix sept ans nous donne l impression d tre en terrain connu ce sentiment na t non seulement du fait que nous recon naissons ce genre de cin ma le documentaire issu du cin ma direct mais aussi par le ton g n ral celui de la voix de la lumi re et du cadre Nous entrons en douceur sur la pointe des pieds dans l inti mit d une relation la fois fragile et intense construite pas pas avec pr caution entre quelqu un qui filme et quelqu un d autre qui se laisse filmer La voix de l homme la cam ra est douce et le cadre solide En face la parole oscille le regard vadille tant t charmeur tant t teint parfois fuyant ou col rique nous sommes de part et d autre entre la traque l apprentissage l attendrissement la s duction la peur l irri
82. uriosit particuli re comme on va demander des nouvelles d un proche en sachant en m me temps que la cassure la rupture qui ont eu lieu celle de la guerre du Vietnam notamment sont inexorables Il y a dans l acte de Robert Kramer arpenter pendant cinq mois la route qui va du Canada la Floride sur la c te Est des tats Unis une mise en danger o le cin aste sait qu il va se confronter ses d mons ses checs ses utopies perdues Comme dans tout retour l acte en lui m me comporte une part qui chappe celui qui le tente commen cer par les rencontres mais aussi par le retour des fant mes enfouis C est sans doute cette perte de contr le qui motive en bonne partie la d marche de Robert Kramer comme la n cessit pour un cin aste de r inventer film apr s film un dispositif qui d joue ses certitudes sa ma trise ses habitudes pour rester en mouvement D autres comme Chris Marker font le voyage retour travers les images Les plans qu on a tourn s ou ceux qu on emprunte on les d tourne pour reconstruire mettre en rapport en relation les images c te c te et interroger le sens qui mane de la collure quel rapport entre les Capverdiens et les Japonais entre les traditions religieuses afri caines et les rituels d Extr me Orient En quoi l interrogation d ven tuelles passerelles entre ces deux mondes d apparences si loign es nous en dit plus sur les limites de notre propre mode
83. xp rience o l encore l obsc nit de l acte de filmer et le d s quilibre vident qui r si de entre l homme la cam ra et les junkies qu il accompagne va se mettre l preuve du temps Nous sortons du syst me de repr senta tion pour passer du c t du document ou de l archive et le film devient document sur les preuves v cues par les corps film s pendant son tour nage crit Jean Louis Comolli propos de ce film De par la dur e accord e l exp rience du tournage et gr ce au dispositif de longs plans fixes qui se succ dent on voit peu peu Wanda s approprier le film jouer avec la cam ra le cadre cr er son territoire l int rieur m me du projet en r sistant en refusant de se laisser vampiriser m me lorsqu elle se shoote Cette logique de la deuxi me fois prend dans le cin ma documentaire d autres d clinaisons chez Robert Kramer dans Route One 1989 il s agit de retourner sur les terres originelles celles des tats Unis d o il vient et o il a fait ses premiers films avant d aller s exiler en Europe Ce film de retrouvailles est aussi celui d une irr ductible alt rit le constat comme dit la chanson que le temps perdu ne se rattrape plus mais qu on entretient avec cet autre d o l on vient une forme de diff rence particuli re travers e d une profonde tendresse d une m lancolie d un vide qui ne peut se combler Il s agit moins d une r conciliation que d une c

DIX-SEPT ANSde Didier Nion

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