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1. Article De l cart la trace avatars de la contrainte Bernard Magn tudes litt raires vol 23 n 1 2 1990 p 9 26 Pour citer cet article utiliser l information suivante URI http id erudit org iderudit 500924ar DOI 10 7202 500924ar Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudlit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 November 2015 05 43 AE EN AE ET rrit hr DE L CART LA TRACE AVATARS DE LA CONTRAINTE Bernard Magn entre la contrainte troite cette restriction la lettre cet lan taciturne ce carcan lu ressort ce co te que co te et tout le reste la nuit nou e le trou noir du doute l illusion naine du destin la douce distance du sens et du non sens du2. ANNEXE 3 4 Le mod le de pseudo quenine d ordre 10 que j avais imagin dans Cinqui me figure pour 4 Vie mode d emploi s est r v l inexact bien que plausible Voici la d cine utilis e par Perec pour g n rer ses bicarr s latins diff rents elle figure dans les manuscrits du fonds Perec d pos s la biblioth que de l Arsenal sous la cote 111 151 2 1 2 4 8 5 0 9 3 6 l 2 4 8 5 D 9 7 3 6 l 2 3 6 l 2 4 8 5 DO 9 7 3 4 8 5 0 9 7 3 6 L 4 4 5 0 9 7 3 6 2 4 8 5 6 l 2 4 8 5 O 9 7 3 6 7 3 6 l 2 4 8 5S 0 9 7 8 5 0 9 7 3 6 l 2 4 8 9 7 3 6 l 2 4 8 5 9 0 9 7 3 6 l 2 4 8 5 0 26
3. Joseph Haydn aurait tout aussi bien pu produire Josepha yeux damnent d o il n tait gu re difficile de tirer un micror cit gt soit des textes contraintes ne supposant aucune transformation par exemple la boule de neige o le nombre des lettres de chaque mot doit tre r guli rement croissant puis ventuellement d croissant J AI CRU VOIR PARMI TOUTES BEAUT S INSIGNES ROSEMONDE RESPLENDIR FLAMBOYANTE PANTELANTE CARTEL E VOQUANT QUELQUE CHARME TORDU SCIE SUR UN X 14 Mais lorsque l on veut penser le rapport de la transformation la contrainte c est presqu coup s r l id e d une transformation r gl qui 10 Un peu plus de quatre mille po mes en prose pour Fabrizio Clerici dans Action po tique 85 et ici m me l in dit de Georges Perec publi par nos soins 11 81 fiches cuisine l usage des d butants repris dans Penser Classer Paris Hachette 1985 Textes du XX si cle p 89 108 243 cartes postales en couleurs v ritables Italo Calvino dans e Fou parle 8 oct 1978 12 Notes sur ce que je cherche dans Penser Classer p 11 13 C est pr cis ment cette absence de r gle stricte qui permet l exercice oulipien propos dans la Cantatrice sauve 1981 o il s agit d obtenir partir du m me nom g n rateur Monserrat Caball le plus grand nombre possible de m tanalyses et donc de micro r cits diff rent
4. amicales ce stade le travail du clinamen est tel que la contrainte de base explose litt ralement comme si force d tre transgres s e la r gle finissait par devenir l exception On vient de le voir le clinamen introduit un certain jeu dans un syst me r gl Mais si l on y songe tout crit contrainte ob it en r alit un double r glage d une part sans doute les contraintes formelles toujours explicitables TUDES LITT RAIRES VOLUME 23 N 1 2 sinon toujours lisibles et qu on pourrait appeler avec Jean Ricardou des zextures par exemple l absence de telle ou telle lettre la distribution sym trique du palindrome la progression dans la longueur des mots etc d autre part non moins les contraintes m mes de la langue implicites mais toujours pr sentes d s lors que l crit reste soumis au principe de la repr senta tion et qu on pourrait appeler des scriptures par exemple la correction grammaticale l ortho graphe etc Or si le clinamen dans les cas jus qu ici analys s agissait sur les textures rien n in terdit de le faire jouer l inverse sur les scrip tures au lieu de soumettre les r gles textuelles aux injonctions de la langue c est cette derni re alors qui se pliera aux exigences du texte Utilis dans les textes contrainte dure ce type un peu particulier de clinamen concerne surtout lipo grammes h t rogrammes et palindromes et prend princ
5. analys s jus qu ici ne remettent pas en cause le fonctionne ment global d une structure ou d un contrainte Il n en va pas de m me avec ce que Perec appelle le clinamen et qu il a souvent comment Quand on tablit un syst me de contraintes il faut qu il y ait aussi de l anticontrainte dedans Il faut et c est important d truire le syst me des contraintes I ne faut pas qu il soit rigide il faut qu il y ait du jeu comme on dit que a grince un peu il ne faut pas que a soit compl tement coh rent un clinamen c est dans la th o rie des atomes d picure le monde fonctionne parce qu au d part il y a un d s quilibre Citant plusieurs reprises la phrase de Klee phrase cl Le g nie c est l erreur dans le sys t me invoquant la programmation du hasard 6 Perec n a de cesse de d r gler les machineries sophistiqu es qu il labore L exemple le plus connu puisque l auteur l a lui m me comment est celui de 4 Vie mode d emploi o la structure de base qui pr voit un immeuble de 100 pi ces et un livre de 100 chapitres est fon damentalement transform e par la suppression d un l ment On remarquera que le livre n a pas 100 chapitres mais 99 La petite fille de la page 295 et de la page 394 en est seule responsable Bien entendu la petite fille qui mord dans un coin de son petit beurre Lu p 295 et qui r appara t la fin du chapitre 6
6. conscient et de l inconscient s inscrira ton criture Georges Perec Prise d criture E Soit deux fragments autobiographiques l un Fautre l incipit de Still life Style leaf l explicit d un chapitre de W ou le souvenir d en f ance Le bureau sur lequel j cris est une ancienne table de joail lier en bois massif munie de quatre grands tiroirs et dont le plan de travail l g rement d prim par rapport Moi j aurais aim aider ma m re d barrasser la table aux rebords sans doute pour emp cher que les perles qui de la cuisine apr s le d ner Sur la table il y aurait eu jadis y taient tri es ne risquent de tomber par terre est une toile cir e petits carreaux bleus au dessus de la tendu d un drap noir d une texture extr mement serr e table il y aurait eu une suspension avec un abat jour presque en forme d assiette en porcelaine blanche ou en Table de cuisine table de joaillier le phan t le maill e et un syst me de poulies avec des contre Aisne enaitin ec l description minutieuse du bureau de l crivain ont au moins un point mier de bois je les aurais pos s sur la table et j aurais fait commun dans tous les cas le support de l crit mes devoirs r sulte d une pr alable mutation o il n est peut poids en forme de poire Puis je serais all chercher mon cartable j aurais sorti mon livre mes cahiers et mon plu 1 W ou le souvenir d enfance Pa
7. ignore pas les d lices de la r cur sivit MANQUE et FAUX appartiennent en effet au 10 groupe de 4 unit s ils occupent res AVATARS DE LA CONTRAINTE pectivement les 39 et 4 rangs Chaque fois que le r glage d ensemble pr voit MANQUE et ou FAUX en 10 le scripteur peut donc d cider de choisir par exemple un FAUX du FAUX On ne s tonnera pas que Perec ait opt plusieurs reprises pour cette s duisante solution sp culaire Dans ce cas 1l recourt une logique un peu par ticuli re le FAUX du FAUX n aboutit nulle ment un VRAI ce qui reviendrait annuler les effets du clinamen r gl mais le FAUX du FAUX d place l impact du FAUX sur un autre groupe de 4 unit s par exemple dans le chapitre 36 dont j ai tudi ailleurs toutes les con traintes 4 le FAUX en 10 a pour cons quence que le faux n est pas dans le 10 mais dans le 5 et c est donc une unit du groupe 5 qui s en trouve affect e en l occurrence celle qui d pend du paradigme v tement l uniforme pr vu par la contrainte globale est remplac par un costume geste d lib r du scripteur o d aucuns seront tent s de d celer un antimilitarisme primaire de bon aloi mais de toute mani re cas flagrant de clinamen r cursif autoclinamen int gr Si l on accepte d appeler m tacontrainte une contrainte qui modifie une contrainte on en dis tingue imm diatement deux types Soit comme on vient de le voir que la m ta
8. initial b si Pon admet qu il existe deux types de palindromes les uns ayant un nombre pair d l ments et juxtaposant leurs deux parties sym triques par contiguit imm diate par exemple pour un palindrome de lettres ELLE les autres ayant un nombre impair d l ments et articulant Pour plus de d tails voir Magn les Revenentes De l effervescence entre lengge et texte dans Perecollages p 175 192 On ne consid rera pas comme un clinamen l lision des deux e muets d avale et de p re AVATARS DE LA CONTRAINTE leurs deux parties sym triques autour d un l ment central par exemple LAVAL alors on a ici l pair 2 impair centre plein DE 3 impair centre 4 pair plein V Le palindrome tant lui m me une structure en chiasme on voit que les deux relations en sur cro t renforcent de mani re absolument remar quable l unit organique d un texte qui malgr sa bri vet devient d s lors un peu plus qu une simple d monstration de virtuosit C est dans Alphabets que se rencontrent les sur contraintes les plus spectaculaires En effet aux r gles normales du onzain h t rogrammatique po me fabriqu partir de la permutation de 11 s ries de 11 lettres avec non r currence de lettres l int rieur d une s rie viennent s adjoindre divers r glages suppl mentaires que la disposi tion typographique particuli re du recueil per met de visualiser isogr
9. intitulera localisation appr ciation occupation l occupation 2 salutations On s aper oit pourtant assez vite que cette structure formelle est soumise divers accidents D une part les trois variantes de chaque op ration sont loin d tre videntes Pour la localisation on peut distinguer sans trop de mal h tel ville et pays par exemple On est l h tel Beau Rivage Un petit mot d Urbino Nous sillonnons la Costa Esmeralda Pour l occupation 2 les trois variantes correspondent sant essentiellement des coups de soleil activit s et rencontres par exemple J ai pris un coup de soleil J ai p ch un saumon On s est fait plein damis Enfin pour les salutations il y a les baisers les pens es et la date de retour par exemple Bons baisers Amicales pens es On revient le 3 En revanche pour les op rations interm diai res appr ciation et occupation 1 il est tr s dif ficile d tablir des variantes syst matiques tout au plus peut on remarquer la pr sence r currente de la nourriture du bronzage de la plage sans qu on arrive rep rer une v ritable gram maire D autre part pour la m me variante d une m me op ration plusieurs formulations sont possibles On est l h tel Nous sommes l h tel Nous sommes descendus au Nous sommes au H tel Nous avons trouv nous h berger Nous avons trouv une chambre l h tel Nous avons
10. patiemment son r seau de signes Il y aurait ainsi une sorte d thique perecquienne de la lecture Il appara t aujourd hui de plus en plus clairement que toute l uvre de Perec s apparente un gigantesque 43 effort pour mettre ensemble et relier ce qui un jour quelque part dans le ciel cr pusculaire d un 11 f vrier 1943 fut brutalement interrompu par l Histoire avec sa grande hache W p 13 D un effort encore une fois non point identique mais du moins similaire en tout cas aussi diffi cile Perec pense que son lecteur n est peut tre ni tout fait indigne ni tout fait incapable Rien ne m est donn il me faut tout acqu rir non seu lement le pr sent et l avenir mais encore le pass cette chose que tout homme re oit gratuitement en partage cela aussi je dois l acqu rir c est peut tre la plus dure besogne Ewa Pawlikowska qui lui citait ces lignes de Kafka Milena Georges Perec r pondait Cela correspond exactement ce que je pourrais reprendre pour moi Face l uvre extraordi nairement complexe de Georges Perec au lecteur non plus rien n est donn mais du moins bien des choses sont construire m me si dans le d dale des contraintes pi g es et les m andres des clinamens impr visibles rien jamais ne peut tre tenu pour d finitivement acquis Il faut toujours en revenir ce passage capital de W ou le souvenir d enfance Une fois de plus les pi ges de
11. recueil le Corpus de Mathews situ e sur la page voisine er correctement form e L erreur est ici d autant plus f cheuse que le Principe de Roubaud nonce les r gles num riques de la morale l mentaire le texte d s lors contrevient la contrainte qu il nonce et ne m rite plus son titre puisque le principe de Roubaud affirme qu un texte crit suivant une contrainte parle de cette contrainte Af as p 90 17 Les Anagrammes de Georges Condominas ont t publi es dans Orents Pour Georges Condominas Paris Sudestasie et Toulouse Privat 1982 p 23 24 Le beau pr sent pour Jacques Poli se trouve dans la plaquette dit e par la Galerie Adrien Maeght l occasion d une exposition en novembre 1979 Voir Perec Textes crits pour l exposition de Jacques Poli Peintures entomologiques 1978 1979 et B Magn Rep res pour trois textes de Georges Perec sur les peintures de Jacques Poli dans Texte en main 7 hiver 1988 1989 p 15 17 et 19 20 18 Pour le x de aux c est un peu plus complexe apparaissant dans la strophe 4 la fin de la ligne 3 certe lettre privil gi e laquelle Perec consacre un long d veloppement dans W oxu le souvenir d enfance p 105 106 est donc li e au chiffre 43 fortes connotations autobiographiques 1943 est l ann e de la disparition de la m re de Perec dans les camps de concentration 19 Sur cette notion et son fonctionnement voir mon tude le Puzzle mode d
12. rie sans absence ni r currence Autant dire que cette contrainte r a lise la combinaison exhaustive des 100 paires d l ments pris deux deux dans deux listes de 10 l ments et leur distribution rationnelle dans les 100 cases du carr En appliquant ce syst me aux 21 paires de paradigmes constituant son r servoir Perec peut remplir chaque pi ce de l immeuble et ou chaque chapitre de son roman il lui suffit d utiliser pour chaque paire les uni t s d sign es par les deux chiffres contenus dans la case Mais la rigueur d un tel agencement se paie d une excessive rigidit chaque pi ce cor respondront toujours pour toutes les paires de paradigmes les l ments de m me rang Par Quatre figures pour la Vie mode d emploi PERS FA PS une ngea i2 eF Ane SF Za TUDES LITT RAIRES VOLUME 23 N 1 2 exemple la pi ce situ e dans l angle sup rieur gauche d crite dans le chapitre 59 recevra tou jours les premiers l ments de chaque paradigme puisque le bicarr latin lui attribue les chiffres l et 1 C est pour viter cet inconv nient que Perec recourt une m tacontrainte en exploitant une des caract ristiques du bicarr latin On constate en effet qu en permutant dans un tel carr soit les colonnes soit les lignes on modifie le contenu des cases sans remettre en cause les principes de non r currence et d exhaustivit Pour obtenir un maximum de vari t
13. 5 sur le couvercle d une vieille bo te biscuits en fer blanc carr e p 394 soulign par nous est moins la respon sable que la figure m taphorique du clinamen cause duquel dans l angle inf rieur gauche du plan de l immeuble une cave ne sera jamais visi t e ni d crite contribuant ainsi faire un blanc dans le carr Mais c est dans un texte moins connu et presque secondaire les 243 cartes postales en 23 Je laisse au lecteur le soin de le v rifier en relevant la liste des 27 produits qui servent au saupoudrage des 27 garritures d ac compagnement et des 27 sauces 24 Perecritures Actes de l Universit d t sur la r criture para tre l Universit de Grenoble 25 Entretien avec Ewa Pawlikowska dans le n cit de Litt ratures p 69 76 26 27 Ce qui stimule ma racontouze entretiens dans Texte en main 1 print 1984 p 49 59 Quatre figures pour a Vie mode d emploi dans Oulipo Atlas p 387 395 le passage cit est la p 390 Pour le d tail de ce fonctionnement voir notre article 4 Vie mode d emploi texte oulipien 14 AVATARS DE LA CONTRAINTE couleurs v ritables Italo Calvino que Perec pousse le plus loin le d r glement d un syst me par le clinamen Ce texte combinatoire est iden tique en son principe aux 81 fiches cuisine mais chaque carte postale repose sur cinq op ra tions au lieu de quatre pour les recettes qu on
14. Perec va donc utiliser pour r gler la distribution de chaque paire de paradigmes un bicarr latin dif f rent obtenu par permutation des colonnes et ou des lignes partir du mod le initial Bien entendu ces permutations ne doivent rien au hasard elles ob issent un algorithme tr s pr cis que Perec appelle une pseudo quenine d ordre 10 dans le seul crit o il en parle de mani re d ailleurs parfaitement nigmatique et d cine dans les manuscrits pr paratoires de son roman Je n en donnerai pas ici le d tail ayant d j d crit ailleurs ces m canismes minutieux et complexes mais je ferai simplement deux remarques d ordre g n ral D abord la m tacon trainte rel ve de la surcontrainte puisqu elle constitue bien un r glage suppl mentaire mais c est un surcro t de second degr car il y a chan gement d objet dans Alphabets les surcon traintes acrostiches rimes quenine concernent le m me mat riau que les contraintes propres l h t rogramme la s rie de 11 lettres dans 4 Vie mode d emploi la pseudo quenine d ordre 10 T AUTOMNE 1990 ne concerne pas les paradigmes de 10 l ments mais la contrainte qui en r gle par ailleurs la dis tribution Ensuite cette m tacontrainte a elle m me t obtenue par transformation d une con trainte pr existante En effet comme son nom l indique la pseudo quenine est issue de la que nine c est dire dun type de permutation tu
15. ait du chapitre LIX dans Oulipo Aflas ae litt rature potentielle Paris Gallimard 1981 Id es p 394 8 Oulipo la Litt rature potentielle Cr ations re cr ations r cr ations Paris Gallimard 1973 Id es p 123sq L ensemble du dossier concernant ces proc d s constitue le n 3 des Cahiers Georges Perec sous le titre de PALF Production automatique de litt rature fran aise aux ditions du Limon 9 On en trouvera un exemple avec les Epithalames publi s dans 4 Biblioth que oulipienne Paris Ramsay 1987 t H n 19 10 AVATARS DE LA CONTRAINTE des 100 000 milliards de po mes de Raymond Queneau tant t leur r alisa tion exhaustive Par ailleurs on le sait le principe de la con trainte joue un r le fondamental chez Georges Perec et je me bornerai au rappel d un propos pour attester ce qui est devenu un clich in vi table de la critique perecquienne presque aucun de mes livres ne se fait sans que j aie recours telle ou telle contrainte ou structure oulipienne 2 Transformation contrainte le rapport de ces deux modes de fonctionnement n est sans doute pas automatique On peut ainsi rencontrer e soit des transformations non r gl es par une contrainte par exemple les homophonismes o le d coupage de l nonc g n rateur ne semble soumis aucun algorithme explicitable dans la Petite Histoire de la musique au lieu de J ose et faille donne
16. ammatisme lettre iden tique l initiale de chaque s rie po mes n 50 125 162 la finale po mes n 78 123 en diagonale dextro descendante po me n 24 s nestro descendante po me n 26 reprise de la premi re s rie en acrostiche initial po me n 28 reprise de la derni re s rie en acrostiche final po me n 3 combinaison de l acrostiche initial et d isogrammatisme en diagonale po mes n 41 42 43 45 106 108 Il faut en outre pr ciser que les 11 po mes en C ceux qui ont pour s rie de base les lettres ESARTINULO C ont une construction tout fait sp cifique puisque leurs lettres finales ob issent une per mutation r gl e selon une quenine d ordre 11 ce que Perec signale dans l Atlas de litt rature poten tielle la page 245 non point canonique mais transform e par inversion ce que Perec omet d indiquer Lorsque l on sait que la mise en page de chaque po me c est dire la r partition sur la page du recueil de la matrice typographique et du texte d finitif et l organisation de chaque s quence de onze po mes il y a seize s quences au total ob issent elles aussi des r gles for melles tr s strictes et pour l essentiel parfaitement explicitables avec certes les habituels clinamens on comprend qu A phabets repr sente certaine ment dans l uvre perecquienne le degr super latif d un r seau de contraintes M tacontraintes C est sur un mode un
17. as innocent comme j ai pu le montrer Une difficult bien r elle en revanche appara t avec le bicarr latin et c est un v ritable pi ge tendu l arch ologue textuel que la publication du mod le original accompagn d un exemple de liste celle du cha pitre 23 Comme je l ai d j dit dans l article que je viens de citer ces r v lations constituent de AVATARS DE LA CONTRAINTE parfaits exemples de la technique dite de la double couverture que Perec pr te quelques uns de ses personnages Sans aucun doute le jeu de l crivain avec son lecteur rel ve du cache cache et dans cette partie la m tamorphose des contraintes est essentiellement du c t du masque Mais il s agit moins pour Perec de trom per le lecteur que de lui viter l illusion de la retrouvaille Il faut ici relire les deux pigraphes de a Vie mode d emploi la citation de Jules Verne Regarde de tous tes yeux regarde et celle de Paul Klee L il suit les chemins qui lui ont t m nag s dans l uvre Faute de les avoir mis en pratique je dois avouer avoir mal lu ces frag ments Malgr les apparences ils ne r duisent pas la lecture un reflet de l criture comme j ai pu autrefois le pr tendre le Puzzle mode d em ploi mais ils exigent du lecteur une intense activit de rep rage et de construction gwivalente et non pas 2dentique bic jacet lepus celle que le scripteur a d ploy e pour tisser
18. contrainte se modifie elle m me c est en quelque sorte une autom tacontrainte soit comme on va le voir maintenant que la m tacontrainte modifie une autre contrainte c est d une certaine fa on une h t rom tacontrainte Dans a Vie mode d emploi le choix d une unit dans un paradigme donn 34 35 Pour toutes ces finesses je renvoie videmment Perec lui m me De la liste la ligne dans les Actes du colloque Penser classer crire para tre aux Presses universitaires de Vi 19 n est videmment pas laiss au hasard Cette s lection ob it une r gle distributionnelle stricte reposant sur un bicarr latin orthogonal d ordre 10 la base du roman il y a on le sait une matrice form e par un damier de 10 cases sur 10 cases assimilable au plan de l immeuble vu en coupe chaque case correspondant une pi ce en fa ade Cette matrice a deux fonctions prin cipales d une part elle sert d terminer l ordre des chapitres du livre chacun comporte la des cription d une pi ce gr ce la polygraphie du cavalier r gle de parcours emprunt e au domaine du jeu d checs d autre part elle per met l usage du bicarr latin dont je reproduis l annexe 2 le mod le donn par Perec Ce bicarr latin r partit donc dans chaque case deux chiffres de 1 10 en respectant une r gle simple on doit retrouver dans chaque colonne et dans chaque ligne les 10 chiffres d une s
19. de contraintes sera suffisamment puissant et structur qu il admettra la venue d l ments moins contr l s qui d s lors enrichissent l ensemble capable de les int grer La contrainte vise moins abolir le hasard qu lui assigner un lieu d o il pourra faire sens Sans hasard c est le blocage comme dans ce jeu de jacquet lectronique de 4 Vie mode d emploi o chaque joueur disposant tour de r le de la meilleure attaque et ou de la meilleure d fense l issue la plus fr quente d une partie est un blocage r ciproque des pi ces quivalant un nul p 164 Sans rep re c est l amorphe l innommable Ce qui caract rise cette poque c est avant tout son absence de rep res les souvenirs sont des morceaux de vie arrach s au vide Nulle amarre Rien ne les ancre rien ne les fixe Presque rien ne les ent rine Nulle chronologie sinon celle que j ai au fil du temps arbitrairement recons titu e du temps passait Il n y avait plus de pass et pendant tr s longtemps il n y eut pas non plus d avenir simplement a durait On tait l Les choses et les lieux n avaient pas de noms ou en avaient plusieurs les gens n avaient pas de visage W p 93 94 L criture est pr cis ment ce qui sur le vide inorganis de la page tente de disposer quelques signes pour faire sens mais sans jamais parvenir la saturation toujours quelque part dans le puzzle restera un manque un clinam
20. di par Raymond Queneau partir du mod le de la sextine m di vale du troubadour Arnaud Daniel Je ne peux que renvoyer ici aux crits oulipiens o l amateur de combinatoire trouvera tous les claircissements n cessaires Af as p 243sq Comme je l ai signal Perec a utilis la quenine dans A phabets et d j en la modifiant selon ses exigences propres ci il va plus loin encore dans cette d marche transformatrice Pour des raisons accessibles aux seuls math maticiens il n est pas possible d appliquer la permutation en quenine un ensemble de 10 l ments qui s y risque constate d sol qu au cours des op rations le 7 l ment refuse obstin ment de changer de place ce qui est videmment con traire au principe m me d un syst me o un l ment ne doit jamais occuper deux fois la m me place les 3 G et 9 l ments se conduisent eux aussi fort mal retrouvant intervalle r gulier leur place initiale Perec bricole donc une pseudo quenine d ordre 10 qu il appelle d cine en modifiant les r gles de d placement et finit par obtenir un outil parfaitement adapt son projet voir annexe 3 Au total pour chaque chapitre de 4 Vie mode d emploi la liste des 42 l ments utiliser r sulte d une interaction fort complexe entre contraintes 36 Esp ces d espaces Paris Galil e 1974 l Espace critique p 57 sh 20 Cinqui me figure pour la Vie mode demploi dans Cahiers Geurg
21. emploi Petite prop deutique une lecture m tatextuelle de la Vie mode d emploi de Georges Perec dans Texte Toronto n 1 1982 reprise r cemment dans mon recueil Perecolluges 1981 1988 Toulouse Presses universitaires du Mirail 1989 les Cahiers de Litt ratures p 33 59 AVATARS DE LA CONTRAINTE pitre LI de 4 Vie mode d emploi le vers 45 du Compendium au lieu des 60 signes espaces requis par la r gle en dispose seulement 59 de minimes transformations locales en m na geant dans la structure globale d un texte des espaces chappant au r glage 12345678901234567890123456789012345678901234567890123456789 L ATOMISTE LISANT AUX dans une d finition qui embl matise jusqu l hy perbole le manque l homme tronc sourd et muet et par antiphrase la coupure l atomiste est par d finition tymologique le sp cialiste de l z divisible Or par son rang n 45 ce vers forme syst me avec le po me de m me rang dans Alphabets o se lit deux fois dans le premier vers et en acrostiche la lexie Tu as orfelin et o se retrouve donc toujours sur le mode de la saturation la m me pr sence du manque trange statut que celui de ces carts qui mani festement involontaires font traces et loin d af faiblir le r seau des signifiances en renforcent au contraire la densit Zones libres Certaines contraintes tendent leur emprise sur l espace textuel en son entier sauf e
22. en 41 42 Le Magazine litt raire 141 oct 1978 Le Puzzle mode d emploi T AUTOMNE 1990 je sens confus ment que les livres que J ai crits s ins crivent prennent leur sens dans une image globale que je me fais de la litt rature mais il me semble que je ne pourrai jamais saisir pr cis ment cette image qu elle est pour moi un au del de l criture un pourquoi j cris auquel je ne peux r pondre qu en crivant diff rant sans cesse l instant m me o cessant d crire cette image deviendrait visible comme un puzzle inexorablement achev Notes sur ce que je cherche p 12 Par ailleurs Perec a volontiers reconnu une autre des raisons qui le poussent pervertir un syst me de contraintes il s agit pour lui de dis simuler les structures Dans Lz Vie mode d em ploi il avoue avoir eu l id e d enlever un cha pitre de fa on ce que l on ne puisse pas reconstituer le syst me qui n existe que pour lui Ce qui stimule ma racontouze En r a lit les choses sont peut tre un peu moins simples puisque par l pitexte auctorial abon dant dont il accompagne son roman il att nue largement cet effet de brouillage partir des indications fournies dans Quatre figures pour la Vie mode d emploi il est tr s facile de recons tituer la distribution des chapitres de pointer l endroit pr cis o joue le clinamen et de cons tater ainsi que cet endroit n est p
23. es Perec 1 Paris POL 1985 AVATARS DE LA CONTRAINTE et clinamens multiples quoi il faudrait rajouter du c t des contraintes plusieurs r gles suppl mentaires moins formalis es 8 et du c t du cli namen l omission relativement fr quente d l ments pourtant pr vus par la liste de base Le sch ma qui suit tente de visualiser tout cela 42 paradigmes Quenine de 10 l ments contrainte r servoir 21 bicarr s latins Bicarr latin diff rents Pseudo quenine d ordre 10 originel contrainte h t rom tacontrainte contrainte transform e Liste de 42 l ments avec manques et faux CONTRAINTES NON FORMALIS ES Clinamen programm Zone libre Autorn tacontrainte Ommissions ou ajouts Clinamen Lu CHAPITRE Pragmatique conclusion Et Dieu qui voit tout vit que tout cela n al lait pas servir grand chose Ce constat d sabus du narrateur de Quel petit v lo guidon chrom au fond de la cour ne serait on pas tent de le reprendre son compte au terme d un parcours quelque peu aride travers un tel tortueux r seau de contraintes g om trie variable Certes on peut lire Perec avec plaisir voire avec jubilation en ignorant tout des subtilit s de la quenine ou du bicarr latin sans doute aussi une excessive attention aux proc d s d criture risque parfois de d tourner du texte lui m me comme Perec semble
24. hwork C est lune d entre elles qui devra dispara tre Pour le groupe 4 correspon dant aux paradigmes style meubles longueur divers les unit s sont style Louis XIV table environ 8 pages couteau C est l une d entre elles qui devra tre remplac e par une autre quivalente On assiste par cons quent ici une double transformation de la contrainte initiale d une part le m canisme g n ral qui permet de choisir une unit dans un paradigme d signe de mani re stricte les deux groupes affect s respec tivement par le MANQUE et par le FAUX d au tre part en d signant des groupes de 4 unit s et non une unit pr cise ce clinamen r gl ob it au principe d j vu de la zone libre et int gre en son sein une sorte d autoclinamen de second degr Il appartient en effet au scripteur et lui seul de choisir hors de toute contrainte formelle celle des 4 unit s qui subira les effets du MANQUE et du FAUX Pour le chapitre 68 c est le patchwork qui dispara tra tandis que la lon gueur du texte ne sera pas de 8 pages comme pr vu mais de quelques lignes On remarquera qu avec le FAUX le scripteur a une double libert il choisit non seulement le paradigme de l unit remplacer comme avec le MANQUE mais aussi l int rieur du m me paradigme la nouvelle unit de remplacement De plus qui m aura bien lu jusque l l aura peut tre pressenti ce clinamen r gl autocli namen int gr n
25. ipalement la forme de cacographies c est dire de graphies d rogeant aux normes orthographiques on en trouvera des exemples dans 4 Disparition l hasard scrivain dans Ulc rations ciclone tiran clounerie dans Alphabets orfelin trofe asur dans le Grand Palindrome ohc an coulevrine mais c est dans es Revenentes comme on le voit d s le titre que ce clinamen cacographique loin de se r duire comme on pourrait le croire une simple facilit d criture devient un l ment pri mordial dans la production du sens 28 29 30 31 Ricardou article cit Ibid 16 T AUTOMNE 1990 Surcontraintes Si le clinamen reste la mani re la plus ouli pienne et la plus connue de transformer une con trainte il n est pas rare de trouver chez Georges Perec une strat gie de modification exactement inverse non plus une suspension momentan e mais un surcro t ponctuel dont j offre illico un exemple simple Soit le bref texte suivant figu rant dans l Af as de litt rature potentielle la rubrique palindrome syllabique L eau celant Lancelot Gauvain devint Goth Perceval avale ce p re Oh le gars Galehaut P 220 Dans chaque vers le palindrome syllabique est parfait Mais ce dispositif majeur vient s ajou ter une double construction en chiasme a si l on consid re la position des noms propres dans chaque vers on a 2 nom initial 4 nom final 1 nom final 3 nom
26. l criture se mirent en place Une fois de plus je fus comme un enfant qui joue cache cache et qui ne sait ce qu il craint ou d sire le plus rester cach tre d couvert p 14 29 D I ANANA N e D NNENNN e eae eae e e e e e i e nA SO Ne OO D M AU ER NN e O TUDES LITT RAIRES VOLUME 23 N 1 2 ANNEXE 1 T AUTOMNE 1990 Liste des 42 unit s du chapitre 68 de a Vie mode d emploi Agenouill R parer Proust Nabokov 4 personnes fournisseurs faire part tablir une filiation panneaux de m tal parquet point de Hongrie R volution empire Russie Style Louis XIV Table 8 pages couteau jeune fille 17 ans rat Souris chandail patchwork fil bleu ciel sous v tements collier revue 26 27 28 29 30 31 32 35 34 35 36 27 29 40 41 42 jazz Baugin Ubu lait viandes radio automates ambition gravure rectangle cube bronze Manque en 5 Faux en 4 Orgueil pr jug AVATARS DE LA CONTRAINTE ANNEXE 2 D apr s Perec Quatre figures pour 4 Vie mode d emploi p 391 BICARR LATIN POSITION ACTIVIT PAPADRARER en 3 G me 4 5 me 5 4 me 3 PR BECECLE e FERREE s PP A 1 PaP as 0 La S sol Dans chaque case le chiffre de langle sup rieur gauche correspond la liste position celui de langle inf rieur droit la liste activit 29 TUDES LITT RAIRES VOLUME 23 N 1 2 T AUTOMNE 1990
27. n 1 Dresser sur le plat de service pr a lablement chauff et saupoudrer largement de X 2 Servir avec Y 3 Envoyer part une sauci re de Z 20 La Vie mode d emploi Romans Paris Hachette 1978 Litt rature p 294 21 Alphabets Cent soixante seize onzains h t rogrammatiques Paris Galil e 1976 Ecritures Figures 22 Sur ce r seau voir la Vie mode d emploi texte oulipien dans Perecollages p 153 163 et le Puzzle mode d emploi 15 TUDES LITT RAIRES VOLUME 23 N 1 2 T AUTOMNE 1990 On le voit alors que les op rations a b et c sont fixes et se retrouvent telles quelles dans chaque recette d la pr sentation offre une structure par ticuli re en pr voyant un l ment variable et jamais r current Chaque recette est donc double ment unique d abord parce qu elle repr sente une combinaison particuli re des variantes de chaque op ration ensuite parce qu elle com porte au sein de la derni re op ration un l ment original puisque les 27 X les 27 Y et les 27 Z sont diff rents entre eux Par ce m canisme simple la contrainte d li mite ainsi une zone o les r glages ne sont sans doute pas absents mais s exercent diff remment dans ce cas pr cis c est la motivation du titre de la recette que va servir le choix de l l ment original selon diverses strat gies dont j ai donn ailleurs le d tail 4 Clinamen Volontaires ou non les carts
28. parfois le redouter Il n emp che mettre au jour le travail de transfor mation des contraintes analyser les rapports complexes entre la r gle et les carts essayer de voir ce qui se joue dans cet quilibre improbable tout cela me semble clairer les tenants et les aboutissants d une d marche d crivain et en d finitive aider mieux lire ses textes en sugg rant de les lire un peu autrement On me permet tra donc pour terminer quelques r flexions plus g n rales qui pourraient tre les rudiments d une pragmatique perecquienne Bien entendu la transformation d une con trainte son d r glement ou sa mise en suspens momentan e n implique en rien l abandon d une criture volontaire dont le principe essentiel demeure le refus de l al atoire si le hasard est tol r c est seulement sous le contr le de la r gle On l a vu le plus souvent cette derni re est 38 Sur toutes ces contraintes nous renvoyons de nouveau notre article 4 Vie mode d emploi texte oulipien 39 Il y a aussi parfois des ajouts Sur ces omissions et ajouts voir De la liste la ligne 40 Voir notamment son entretien avec Patrice Fardeau dans France Nouvelle 16 avril 1979 241 TUDES LITT RAIRES VOLUME 23 N 1 2 modifi e non par le bas ce serait l oubli ou l omission mais par le haut c est dire par l ajout d une ou plusieurs relations en surcro t C est dans la mesure o un syst me
29. peu diff rent que 4 Vie mode d emploi autre texte construction sophis tiqu e joue avec ses propres contraintes De ce dispositif que Perec a lui m me comment plu sieurs fois je ne retiendrai que les l ments indis pensables mon analyse Ce que r alise l4 Vie mode d emploi c est un premier niveau lappa 32 De ce point de vue la comparaison de ce quatrain avec les autres palindromes syllabiques cit s dans la m me page est tr s loquente 33 Dans le cadre restreint de cet article je ne peux que signaler ce r seau sans en fournir le d tail On en trouvera des l ments dans mon tude para tre Pour une lecture r ticul e Mais il faut au moins pr ciser que ce r seau s organise tr s fortement autour du chiffre 11 d une part et des figures du chiasme et de la diagonale d autre part TUDES LITT RAIRES VOLUME 23 N 1 2 rent paradoxe d un clinamen r gl Voici comment Chaque chapitre de ce roman peut tre assi mil une mani re de syntagme articulant 42 unit s dont chacune est choisie dans un para digme de 10 l ments Les 42 unit s forment une liste particuli re chaque chapitre on en trouvera un exemple l annexe 1 pour le chapitre 68 L ensemble des 42 paradigmes constitue ainsi une sorte de grand r servoir global organis o Perec puise suivant des r gles strictes d finies par une structure dite bicarr latin orthogonal d or dre 10 dont je parlerai
30. plus loin Ces para digmes concernent aussi bien l univers di g tique nombre ge sexe position occupation des per sonnages caract ristiques du d cor etc que les traits formels d un chapitre nombre de pages citations et allusions cach es etc Deux d entre eux ont un r le tr s particulier puisque par un mouvement r flexif ils concernent le fonction nement du r servoir lui m me Ces deux para digmes sont intitul s MANQUE et FAUX et sont constitu s chacun d une liste de dix chiffres de 1 10 Pour chaque chapitre un de ces dix chiffres est associ au MANQUE et un autre au FAUX Ainsi pour le chapitre 68 on trouve MANQUE en 5 FAUX en 4 voir annexe 1 Ces chiffres d signent des groupes de 4 unit s la liste de 42 unit s est divis e en 10 groupes de 4 unit s num rot s de 1 10 les deux derni res unit s constituant une paire particuli re non con cern e par le m canisme de clinamen r gl La formule MANQUE en 5 signifie donc qu une des 4 unit s du groupe 5 ne sera pas utilis e dans le chapitre et la formule FAUX en 4 qu une des 4 unit s du groupe 4 sera remplac e par une autre unit du m me paradigme Si l on consulte 18 T AUTOMNE 1990 la liste du chapitre 68 on voit que pour le groupe 5 correspondant aux paradigmes sexe ge des per sonnages animaux v tements tissus naiure les unit s sont jeune fille de 17 ans rat ou souris chandail patc
31. ris Deno l 1975 Lettres nouvelles p 95 2 Still life Style leaf dans l Infra ordinaire Paris Seuil 1989 la Librairie du XX si cle p 107 tudes Litt raires Volume 23 N 1 2 t Automne 1990 TUDES LITT RAIRES VOLUME 23 N 1 2 T AUTOMNE 1990 tre pas trop malais de lire par m tonymie de la contigu t une certaine mani re de consid rer la ransformation comme geste fondateur de toute criture Cette conception transformationnelle maints exemples l attestent dont voici une liste nulle ment compl te e variations discr tes sur un po me de Verlaine ou transformations multiples sur un quatrain de Goethe e traductions lipogrammatiques par exemple Six madrigaux archi connus qu on a tous lus dans un Michard ou dans un Pompidou qu on a tous appris quand on avait dix ans Bris marin par Mallarmus Booz assoupi d Hugo Victor Trois Chansons du fils adoptif du Commandant Aupick Vocalisations d Arthur Rimbaud e d coupages homophoniques o la m tana lyse d un nonc produit l instar du pro c d roussellien une s quence narrative in dite hypogrammes o un nom propre r duit sa structure phonique se dissimule dans un nonc anodin glissements s mantiques progressifs de la litt rature s mo d finitionnelle o on choisit deux nonc s aussi diff rents que possible Dans chacun de ces nonc s on remplace les mot
32. rreur un lipogramme est lipogrammatique de bout en bout et parfois m me un peu au del puisque le p ritexte peut tre lui aussi affect comme lorsque Perec signe Gargas Parac son mono vocalisme en a What a man Oulipo Atlas p 216 D autres l inverse semblent proc der L VRES DE L HOMME TRONC SOURD ET MUET Le fonctionnement des 81 fiches cuisine l usage des d butants en offre un exemple par fait L ensemble des fiches est obtenu par un jeu combinatoire simple Chaque recette est compo s e de quatre phrases correspondant quatre op rations successives la pr paration la cuisson l addition la pr sentation Pour chaque op ra tion il y a trois possibilit s a Pr paration 1 Lever cru les filets de deux belles soles 2 Tartiner g n reusement 2 jeunes lapereaux de moutarde forte 3 Escaloper finement 4 ris de veau que vous aurez auparavant fait d gorger dans une eau l g rement citronn e b Cuisson 1 Mettre four moyen pendant 40 2 LA Les mettre dans une cocotte dont on aura garni le fond de quelques bardes et de carottes minc es tomates fra ches et oignons nouveaux 3 Faire par tir feu vif dans une grande sauteuse puis baisser la flamme et laisser mijoter c Addition 1 mi cuisson ajouter 250g de cham see pignons de Paris 2 D glacer au Noilly 3 Ajouter hors du feu 1dl de cr me double d Pr sentatio
33. s dans ce cas pr cis pas moins de 101 Claude Burgelin Paul Fournel B atrice de Jurquet Harry Mathews Georges Perec Jacques Bens la Cantatrice sauve dans Oulipo z Biblioth que oulipienne X p 305 322 14 Dans Oulipo la Litt rature potentielle p 110 TUDES LITT RAIRES VOLUME 2 s impose d embl e et l exemple type pourrait en tre le po me h t rogrammatique issu de la transformation anagrammatique d un ensemble de lettres 11 14 selon les cas combin es selon une r gle s rielle on ne peut r p ter une lettre avant d avoir puis la s rie Or ce rapport entre les deux principes rien n emp che de le concevoir un peu autrement et d imaginer non plus une transformation ob issant une contrainte mais une contrainte affect e par une transformation C est quelques unes de ces transformations de con trainte que je voudrais m int resser ici Dyspo ses Le cas le plus simple correspondrait ce que dans son organigramme des programmations Jean Ricardou nomme la dyspoi se c est dire une d fectueuse ex cution des op rations requises par le programme prospectif Plus que de transformation c est de d formation qu il faudrait alors parler ou si l on pr f re d une 3 N 1 2 T AUTOMNE 1990 transformation par insuffisance Malgr sa virtuo sit Perec n est pas toujours l abri de tels acci dents Ainsi oublie t il un groupe substantif adjectif dans
34. s signifiants par leur d fi nition pour obtenir une citation la mani re de Au terme d une s rie de transformations les deux nonc s de d part aboutissent un texte uniques combinaisons anagrammatiques des beaux pr sents o un texte s crit avec les seules lettres du nom de son d dicataire textes combinatoires enfin donnant lire tant t leur matrice virtuelle la mani re 3 Micro traductions 15 variations discr tes sur un po me connu dans Change 14 Transformer traduire 1973 Die Maschine Stuttgart Reclam 1972 Universal Bibliothek 5 La Disparition Roman Paris Deno l 1969 p 116 Les textes traduits sont aux pages 118 125 Les transformations de Bris marin ont t tudi es par John Lee Brise ma rime L Ivresse livresque dans la Disparition dans Litt ratures Toulouse Presses uni versitaires du Mirail n 7 Georges Perec print 1983 p 11 20 Pour un autre type de transformation le r sum lipogrammatique voir ici m me le travail de Mireille Ribi re sur Moby Dick de Melville 6 Ces textes crits et envoy s des amis au moment du jour de l an sont r unis dans V nx Paris Seuil 1989 la Librairie 3 3 du XX si cle J ai tudi ailleurs certains aspects de cette criture De l homophonie dans Texte en main Grenoble n 1 1984 p 31 38 7 Voir Apparition hypographique de l OuLiPo dans 4 Vie mode d emploi extr
35. une morale l mentaire 6 deux reprises il crit un beau pr sent en utilisant des lettres absentes du nom g n rateur on trouve gangue dans les Anagrammes de Georges Condominas alors que ce nom propre ne comporte aucun z et paissit PUIS aux dans le texte sur les peintures de Jacques Poli dont le nom n a ni ni x 7 Mais dans ces deux cas l erreur s accompagne de son indirecte d si gnation figur e la gangue voque bien l id e d un surcro t de mati re h t rog ne Dans les filons m tallif res parties non m talliques qui enveloppent le minerai selon Littr et le vient bien par son ajout intempestif paissir le stock des lettres permises Tout se passe alors comme si de telles op rations m tatextuelles venaient r mun rer le d faut du texte au lieu pr cis o il enfreint la contrainte globale J en fournirai un dernier exemple en rappelant comment au cha 15 Jean Ricardou Pour une th orie de la r criture dans Po tique 77 f vrier 1989 p 6 16 Le Principe de Roubaud dans 4 Cl ture et autres po mes Paris Hachette 1980 POL p 71 Je rappelle que la morale l mentaire forme fixe invent e par Raymond Queneau comporte en sa premi re partie 3 x 3 1 donc douze groupes substantif adjectif C est le douzi me que Perec a oubli comme on peut le constater en comparant le Principe de Roubaud une autre morale l mentaire du m me
36. une chambre au On a une chambre au On est 15 log au On habite l h tel Notre adresse motel Notre motel s appelle etc On retrouverait la m me vari t pour les localisations en ville et dans les pays ou r gions Par ailleurs les cartes postales tendent len semble des cinq op rations de base le principe de la zone libre que les fiches cuisine r servaient une seule noms d h tels de villes de pays ou de r gions occupations sportives ou rencontres dates de retour ne r apparaissent jamais deux fois l identique Enfin et c est encore une nouveaut radicale par rapport aux fiches cuisine ni l ordre ni le nombre des op rations d une carte postale ne sont v ritablement stables c t de cartes la struc ture canonique Nous campons pr s d Ajaccio Il fait tr s beau On mange bien J ai pris un coup de soleil Bons baisers en voici une autre avec ses cinq op rations pr sent es dans un ordre dif f rent Temps sublime repas fins gens exquis Nous sommes l h tel de Gascogne On pense beaucoup vous Ailleurs ce sera une carte avec changement d ordre et op ration manquante Tout est parfait l H tel de la Mer On va au casino Baisers gt Ou encore plus court puisqu on ne trouve plus que trois op rations localisation occupation 2 salutations On a fait la Jud e On a des coups de soleil comme des tomates Mille pens es
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