La notion de > chez Daniil Harms
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1. 3 G Perec et l erreur dans le syst me G Perec a aujourd hui sa place au panth on des grands crivains fran ais comme l auteur de La disparition un polar crit sans la lettre e ou de La vie mode d emploi construit comme un v ritable puzzle L crivain est pr sent comme le g nie qui a su faire des mots un syst me en tirant partie de son travail au sein de l Oulipo ouvroir de litt rature potentielle atelier entre litt ra ture et math matiques c est dire en d veloppant des contraintes langagi res base de math matique Il est vrai que G Perec est sous l influence d Oulipo et qu il use de contraintes pour construire ses uvres mais on a tort de voir en elles l enjeu le plus important C est que le fonctionnement des contraintes est le plus souvent invisible du fait de leur syst matisme et de leur complexit Seul le sp cialiste pourra acc der aux archives et d gager les modes d emploi laiss s par G Perec Mais il est non moins vrai que celui ci a t sensible la phrase de P Klee donn e en introduction L id e de suivre une contrainte jusqu au bout n a pas de sens si on n y cr e pas un d s quilibre Il faut cr er du jeu dans l application de la r gle C est ce que l on peut nommer la case vide ou la petite erreur fondamentale de G Perec Nous pouvons illustrer quelques erreurs par des exemples Tout d abord l exemple bien connu de la case vide dans La vie mode d em2. autobiographique il ne s agit pas de retrouver derri re le livre quelque Romania Minor http www romaniaminor net ianua La notion de petite erreur 229 NEET A h AT Smet FIGURE 6 Blason de G Perec d tail agrandi d un manuscrit pr paratoire de W chose comme la r alit familiale de G Perec puisque justement rien ne lui revient seulement quelques souvenirs et quelques fantasmes mis en fiction et qui bien que crois s ensemble selon un tissage en X visent moins donner une inter pr tation qu montrer l impuissance affective faire se rejoindre le sens absent des souvenirs mutil s perte des parents etc et le sens pr sent des r ves de l utopie qui semblent marqu s aussi par l Histoire sans en tre le reflet Si les critiques cherchent penser la pi ce manquante le vide affectif du r cit c est toujours en essayant de greffer les jeux formels de contraintes au contenu d une autobiographie celle de l auteur mais ils oublient qu alors ils redonnent sens cet absurde un sens familial ou historique m me si ces l ments sont bien s r pr sents d une certaine fa on Le sens de l uvre n est pas d pos dans les mots si bien que l il du lecteur n aurait plus qu suivre les chemins qui lui ont t m nag s dans l uvre Klee 1964 96 Il semble que pr senter les textes de G Perec comme appartenant la cat gorie de l absurde permet au moins de faire l
3. celle ci court circuite la loi d isotopie qui implique justement une continuit plus ou moins tendue D Harms avait de toute vidence labor une formule personnelle d obtention de l absurde Nous avons gr ce l aide pr cieuse de J P Jaccard r uni quelques sch mas parus en 2006 dans le recueil d articles Risunki D Harmsa sous la direc tion deJ S Aleksandrov Dans ce recueil une s rie de diagrammes asym triques ou exemples architecturaux de petites erreurs comme D Harms le note dans ses manuscrits sont ajout s celui d j pr sent plus haut Ces croquis parfois couch s par l auteur sur du papier carreaux ce qui fait en partie que la qualit graphique des images qui suivent reste faible voquent presque tous la m me id e Mais puisqu ils laissent entrevoir une certaine id e de l activit in terpr tative nous aimerions y revenir bri vement Par ailleurs comme nous le verrons ils constituent une excellente pr paration la conclusion de ce chapitre Romania Minor http www romaniaminor net ianua La notion de petite erreur 225 Parmi les diagrammes manuscrits nous pouvons retrouver une figure sem blable celle donn e plus haut dont l asym trie est vidente et qualifi e par D Harms de d s quilibre sym trique horizontal FIGURE 2 Diagramme asym trique n 2 Harms On peut penser que cette figure reprend cette loi dict e en latin que Daniil D H
4. du r cit sont comme vid es un peu au sens o Barthes parle de z ro de l criture sorte de neutralit qui vient d faire tous les codes donc toutes les contraintes Cette case vide cette erreur ne se donnera que sous la forme d un affect non un signe un mot ni une lettre Il faut pour lire un texte de G Perec moins le comprendre que l prouver il faut se laisser prendre par le mouvement du texte suivre les lignes comme dit encore Klee c est dire le mouvement de l uvre non pas pour trouver les raisons de fonctionnement des contraintes de sa construction mais celles de sa r ception Si l on cherche mesurer le texte seulement selon la contrainte et sa non application ses carts on ne per oit pas l erreur dans le syst me qui rel ve davantage d un geste que d une r gle C est un non sens de ne se contenter que de suivre des r gles pour com prendre un texte de G Perec puisque ce qui prime c est d abord dans le r cit l preuve qu il va nous faire endurer Chez G Perec l affect est li la perte la m lancolie Lire c est exp rimenter ce qui chappe d embl e l entendement Chercher fermer le texte par le rep rage des contraintes et de leur cart et par leur comblement par l autobiographie c est d j pr supposer ce qu on va lire comprendre il faut plut t chercher consid rer plut t cette mani re tout singuli re de G Perec de nous porter au sens en nous le faisant
5. fabuleux Die Maschine o le g nie de la machine c est de construire un syst me partir de l erreur De fait l erreur est moins la mani re dont le r cit s carte de l application de la contrainte que la mani re dont elle va pouvoir le happer tout entier et en faire pr cis ment l enjeu absurde du texte Pour pallier cette vision absurde injustifiable de la pi ce manquante les critiques ont voulu y voir le signe d un marquage le signe d une vie bless e trou e par l Histoire et qui semble s indiquer elle m me dans les textes comme dans l exemple remarquable de W ou le souvenir d enfance dont le blason sugg re en effet un appel la justification d une vie Non frustra vixi qu on peut traduire comme je n ai pas v cu en vain La pi ce manquante serait donc ni plus ni moins que la marque ou le symbole qui renverra it la vie de G Perec En fait le sens latin de la phrase dans le blason du livre sugg re bien un ancrage autobiographique mais les armoiries d Otto Apfelstahl auxquelles il renvoie dans W ou le souvenir d enfance offrent leur d chiffreur des figures en quelque sorte doubles d un dessin la fois pr cis et ambigu qui semblait pouvoir s interpr ter de plusieurs fa ons sans que l on ne puisse jamais s arr ter sur un choix satisfaisant Il ne s agit donc pas en d finitive de fixer un sens ces symboles Nous ne pouvons pas lire le livre de G Perec selon une sorte de pacte
6. hypoth se d une lecture qui ne r duit pas les textes de G Perec une sorte de grille d analyse quelle soit litt raire historique langagi re contraintes ou autobiographique A vouloir justifier le texte lui m me c est dire le rationaliser en rabattant ces p les les uns sur les autres on donne une raison d tre au vide lui m me on perd l int r t de la case vide Les critiques form s la po tique des ann es 60 structuraliste ne supportent donc pas de ne pas comprendre le sens des textes de G Perec et cherchent les rapporter un r f rent r el des traces de vie ou des p les La case vide chez G Perec est une sorte de case vide au sens diagramma tique C est une dimension du langage qui est au del du signe lui m me ou l int rieur de lui C est justement ce qui ne se voit pas et qui pourtant oriente affectivement le lecteur l attrape pourrait on dire C est comme si tout le r cit prenait son sens partir des contraintes et des aspects multiples des autres p les mais que tr s vite c est un v nement que nous devions arriver Cet v nement lanua 11 2011 ISSN 1616 413X 230 Christophe Cusimano amp Joachim Dupuis quelque soit sa forme est justement ce quelque chose qui nous chappe et qui n est appr hendable que sous la forme d un affect qui fait suite ou pr c de un acte dont il est la raison d tre sans pourtant s puiser en lui Les virtualit s du sens
7. que nous tudierons intitul e La punaise nous pouvoir noter de beaux exemples de ce que Jaccard 1985 299 appelle l immotivation des comportements et des v nements et l absence de cause logique La punaise Peretchine s assit par m garde sur une punaise et d s lors sa vie en fut brutalement chang e Lui qui tait un homme pensif et doux 6 Nous reprenons cette tonnante figure de Jaccard 1985 275 lanua 11 2011 ISSN 1616 413X 224 Christophe Cusimano amp Joachim Dupuis voici qu il devint une fieff e canaille Il se laissa pousser des mous taches et prit l habitude de se les couper n importe comment en sorte qu une moustache tait toujours plus longue que l autre Et puis elles poussaient toutes de travers Il n tait absolument plus pr sentable ce Peretchine d autant qu un il cligna it de fa on r pugnante et sa joue tait perp tuellement secou e de tics Au d but Peretchine se borna de petites bassesses il colportait des m di sances mouchardait resquillait dans les tramways en payant le re ceveur avec de la petite monnaie o il manquait toujours deux et m me trois kopecks En effet on a du mal comprendre ici qu une simple piq re de punaise puisse changer le cours de la vie d un homme La suite de l histoire pr sente d ailleurs certes un homme qui a chang mais pas forc ment au point de devenir une fieff e canaille Les liens logique
8. que D Harms a voulu mettre en vidence la vacuit de certaines correspondances en effet il est notoire que nombre de lettres sont de parfaites uvres de rh torique dont l auteur s applique longuement ne rien dire ou comme pr f re le formuler T Ogarkova la suite de J P Sartre qui s est int ress e au m me texte parler du Rien Dans ce cas ce mode de communication formel n aurait pas les faveurs de D Harms dont la vie n avait rien de conformiste Pour rebondir sur l interpr tation formul e par Jaccard 1985 279 on pourrait aussi voir dans ce circuit qu arpente le scripteur une tentative de retarder l apparition de l angoisse qui finit toujours par saisir les personnages chez D Harms Cette angoisse s emparera it ici de l auteur de la lettre d s le dernier mot couch SD ailleurs comme le note T Ogarkova c est souvent le d but des court textes de D Harms qui d gagent le plus d nergie On sait qu il s en pr occupait particuli rement Romania Minor http www romaniaminor net ianua La notion de petite erreur 223 Cette circularit bas e ici sur le principe de r p tition prend tr s rapidement un caract re obsessionnel et inexorablement l angoisse s empare de l individu On pourrait donc s inscrire en faux devant l id e selon laquelle ce cercle vicieux qui ne d bouche sur rien Ogarkova 2007 293 car ce cercle conduit malgr l absurde qui lui est inh ren
9. this causes in a meaningless world rational explanation being unequal to providing purpose 2Rappelons par analogie les pes es effectu es par McDougall en 1907 pour mesurer le poids de l me d s la mort physique des sujets et qui sur les humains donnaient invariablement un r sultat de 21 grammes Romania Minor http www romaniaminor net ianua La notion de petite erreur 221 En effet l absurde litt raire est ici le reflet de l absurde de la vie ni plus ni moins Au niveau s mique dans son bel ouvrage sur le paradoxe Woltowska 2008 s est efforc e de discriminer par des crit res pr cis son objet d tude et son embarrassant voisin l absurde Elle en vient tout d abord carter l allotopie comme crit re d cisif puisque les paradoxes peuvent s y inscrire de m me Par contre un certain type d isotopie l isotopie g n rique semble tre absent des nonc s absurdes 2008 117 Lle paradoxe ne saurait donc tre identifi l absurde malgr la pr sence incontestable d une ou de plusieurs allotopies sp cifiques la s quence paradoxale est une s quence isotope vu qu elle comporte au moins un s me isotopant m me d une grande g n ralit aux niveaux m so et macrog n rique C est justement la pr sence des isotopies g n riques qui permet de distinguer le paradoxe de l ab surde C est ainsi qu un nonc comme Je suis la fois heureux et malheureux ne saur
10. La notion de petite erreur chez Daniil Harms et ses correspondances dans l uvre de Georges Perec Christophe Cusimano amp Joachim Dupuis Universit Masaryk de Brno Universit Paris 8 ccusim phil muni cz joachimdupuis orange fr R sum Chez D Harms la dissym trie est ni plus ni moins qu une condition de l criture mais aussi elle est ce qui nous rend sensible au monde en pro voquant un d s quilibre qui est sans raison De mani re ind pendante G Perec a d velopp lui aussi toute une criture de la r p tition suivant des contraintes formelles qui rencontrent aussi cette petite erreur qui fait d vier le syst me Nous tudions ici quels sont les rapprochements possibles entre les deux auteurs Mots cl s Harms Perec dissym trie r p tition petite erreur contrainte diagramme Re u 31 V111 2011 Acc pt 9 x11 2011 Table des mati res 1 Introduction 2 La petite erreur chez Danill D Harms 3 G Perec et l erreur dans le syst me 4 Conclusion Ouvrages tudi s R f rences 217 lanua Revista Philologica Romanica ISSN 1616 413X Vol 11 2011 217 234 http www romaniaminor net ianua Romania Minor 218 Christophe Cusimano amp Joachim Dupuis 1 Introduction On conna t la phrase de P Klee le g nie c est l erreur dans le syst me dont le sens sugg re une attention toute particuli re du peintre l irr gularit l excep tion une mani re de m
11. a fin d ailleurs Ce proc d n est pas sans rappeler ce que Riffatterre 1979 217 234 signalait propos des textes absurdes l absurde le non sens par le fait m me qu ils g nent le d codage contraignent le lecteur une lecture directe des structures en d autres termes de la trame narrative Ici la r p tition de tournures semblables marquant les m mes id es emp che toute progression J P Jaccard dans un brillant article d j cit plus haut Jaccard 1985 278 avait bien not cette tendance dans la prose de D Harms m me si c est propos d un autre texte qu il produit cette r flexion Il ce texte pr sente cette structure circulaire que l on trouve dans de nombreux textes de D Harms Cette circularit exprime le mal d tre du personnage qui sent bien qu il doit tre en mouvement puisque c est par le mouvement qu on a l impression d tre en vie et qui s invente des d sirs Aussi longtemps qu il aspire l assou vissement du d sir il a l impression d exister Orici malgr ce d sir du personnage de rester en vie en donc en mouvement D Harms brise apparemment la loi selon laquelle un locuteur ne peut pas r p ter ind finiment les m mes id es et donc en dernier recours produire un texte qui ne fait pas sens Mais l encore l esprit du lecteur ne peut en rester cette invalidit du texte Dans le cadre de ce dernier il est tout fait imaginable de consid rer
12. a t un autre sens le sens le plus vrai Fontanier 1968 137 la tension 1Que ce soient des exemples de ce que Ogarkova 2007 391 appelle des ch timents sans crimes ou des crimes sans ch timent lanua 11 2011 ISSN 1616 413X 220 Christophe Cusimano amp Joachim Dupuis s mantique qui se produit ainsi loin d tre une fin elle m me est consid r e comme pourvue d une fonction pragmatique parti culi re consistant attirer l attention du destinataire vers l nonc bizarre pour mieux souligner ce qu il veut dire au fond On pourrait faire le m me raisonnement propos du texte absurde l absur dit est interpr t e comme une fonction cryptique utilis par l auteur veillant la curiosit du lecteur Le message serait donc seulement cach C est le cas de cette premi re vignette qui n a de sens que si l on lit entre les lignes Un homme se coucha Un homme se coucha le soir en croyant encore en Dieu Au r veil il n y croyait plus Il se trouvait que cet homme avait chez lui une balance de m de cin sur laquelle il avait pris l habitude de v rifier son poids matin et soir Or donc il s tait pes la veille avant de se coucher et son poids tait de 4 pouds et 21 livres Le lendemain matin apr s qu il se f t r veill sans plus croire en Dieu il vit qu il ne pesait que 4 pouds et 13 livres Par cons quent se dit cet homme ma foi pesait environ huit li
13. ait tre mis dans le m me sac avec par exemple le c l bre Le silence vert bral indispose le voile licite de Tesni re nonc allotope par excellence 2008 115 Pourtant selon nous si ce crit re semble pouvoir s appliquer des nonc s absurdes ce n est peut tre pas le cas de tous les textes suspect s d absurdit Parfois il semblerait que ces derniers comportent eux aussi des isotopies g n riques Prenons pour exemple une premi re vignette tir e de Incidents de D Harms Mon cher Nicandre Andre evitch Mon cher Nicandre Andre evitch j ai bien re u ta lettre j ai tout de suite compris qu elle tait de toi Sur le coup je me suis dit qu elle n tait peut tre pas de toi mais peine ouverte l enveloppe j ai su tout de suite qu elle tait bien de toi alors que j avais d abord failli penser qu elle n tait pas de toi Je suis bien content de savoir que tu es mari depuis longtemps parce que quand quelqu un pouse ce qu il voulait pouser a veut dire qu il a obtenu ce qu il voulait C est pour a que je suis si heureux que tu te sois mari avec qui tu voulais pouser parce que tu as enfin obtenu ce que tu voulais Hier quand j ai re u ta lettre j ai su tout de suite qu elle tait de toi ensuite je me suis dit qu elle n tait peut tre pas de toi mais une fois ouverte j ai su que c tait bien une lettre de toi Tu as tr s bien fait de m crire Tu ne m crivais pas de
14. arms reprend de son ami philosophe Iakov Druskin et que l on pourrait traduire par un certain quilibre avec une petite erreur Dale res C3 FIGURE 3 Diagramme asym trique n 3 Harms Ce qui est int ressant c est que l vidence de la petite erreur laisse parfois place une incertitude lorsque les diagrammes se complexifient c est le cas pour les diagrammes n 4 et n 5 dont le lecteur aura bien du mal extraire les l ments toutefois bien r els qui fondent l asym trie A bien y r fl chir il n en va pas autrement de la lecture d un texte qui tend vers le non sens 7Pour indice D Harms a couch sous cette figure dans son manuscrit ce que l on pourrait traduire ainsi d s quilibre sym trique d placement inverse lanua 11 2011 ISSN 1616 413X 226 Christophe Cusimano amp Joachim Dupuis bessmyslennost l illogisme alogichnost ou l absurde absurd comme nous l avons montr plus haut FIGURE 4 Diagramme asym trique n 4 Harms FIGURE 5 Diagramme asym trique n 5 Harms Pour comprendre cette obsession de la petite erreur chez D Harms il convient de noter qu au sein du groupe Oberiu outre le fait que l on chan tait l incantation quaedam aequilibritas cum peccato parvo sur des airs de polka les amis de l auteur et lui m me se passionnaient pour la possibilit de conna tre le monde ext rieur justement en modifiant quelq
15. arquer le poids du d s quilibre dans un tableau Chez D Harms la dissym trie est comme nous le verrons une sorte de condition sine qua non de l criture mais aussi elle est ce qui nous rend sensible au monde en provoquant un d s quilibre qui est sans raison Suite D Harms mais de mani re ind pendante G Perec a d velopp lui aussi toute une criture de la r p tition de la redite notamment citationnelle plus li e la litt rature sui vant des contraintes formelles qui rencontrent aussi cette petite erreur qui fait d vier le syst me et en quelque sorte place de l existentiel de la vie au sein d un syst me formel Mais peut on dire que G Perec rejoint D Harms Et sinon de quelle fa on le rejoint il tout en proposant une autre mani re de penser l absurde L enjeu de cet article est de souligner les voies d interpr tation que la probl matique de l absurde semble faire merger par sa dimension limite dans un texte 2 La petite erreur chez Danill D Harms Qui est Daniil D Harms Bien s r on ne saurait en dire autant que ne l a fait Jaccard 1991 qui sur plus de 600 pages s efforce de faire d couvrir le person nage et l uvre Toujours dans l univers francophone on peut aussi signaler la th se de Ogarkova 2007 Si l on ne pr sente plus F Kafka cette br ve des cription de D Harms est uniquement destin e compl ter les connaissances du lecteur pour qui son nom seul serait vocate
16. chez D Harms vise nous installer dans un affect durable de malaise et d tranget Avec D Harms l absurde est une mani re de buter contre les mots donc une mani re de nous le rendre pr sent dans ses Romania Minor http www romaniaminor net ianua La notion de petite erreur 233 contradictions il n est pas compl tement d nu de sens ma s il confine un sens politiquement ou socialement incorrect On peut dire que chez G Perec c est quelque chose comme une tranget lointaine qui nous reste dans la t te nous hante Le texte n est pas sans sugg rer du sens mais c est un sens dont on doute qu il a exist dont on n arrive plus tracer par la m moire les contours Un halo de sens qui vient nous mordre notre tour sans que l on n arrive l extirper En un sens la r ception du r cit de G Perec n cessite d aller du c t d une sorte d affect De sortir des contraintes et de leur rationalisation dans le mise en lien avec l autobiographique Il s agit de rendre aux livres de G Perec du sens mais pr cis ment en mettant de c t cet aspect qui les rend m canique les listes de combinatoires pour redonner la case vide sa fonction de premier moteur de la cr ation de geste de la vie qui a quelque chose de l expressionisme de P Klee Ouvrages tudi s Harms Daniil 2006 Incidents Traduction de Henri Abril Belval PEREC Georges 1945 W ou le souvenir d enfance Pa
17. e mani re d prouver le texte sur nous L interpr te que nous sommes alors est donc dans un dessaisissement du sens qui semble d abord le conduire vers une v rit sensationnelle et nier cette v rit la rendre non justifiable la retirer notre d sir de lecteur En ce sens le texte est li la consid ration d une erreur ou d une sorte de d s quilibre du texte lui m me pensable comme une sorte de tableau d espace visuel graphique Au lieu de conjurer l angoisse G Perec la rend possible et la prolonge ind finiment par le retrait de la v rit du sens du texte 4 Conclusion G Perec prolonge ainsi le sens de la formule de P Klee plac e en exergue de La vie mode d emploi G Perec est le plus peintre des crivains si l on peut dire Son r cit ne peut donc que se comprendre comme li moins des contraintes de langage qu des lignes graphiques spatiales un espace graphique o le mouvement du texte sera donn par une petite erreur un affect Le sens n est pas dans la v rit de ce qu il dit mais dans le retrait Le retrait g n re une interrogation qui ne renvoie pas la vie de G Perec mais se tient en lui m me Par sa forme sa dimension productrice le r cit se donne comme une image mentale construite comme un symbole au sens de P Klee des mouvements pouvant utiliser des contraintes pour s affermir mais aussi comme un affect comme singularit au sein de ce tableau D o l importa
18. iable Ainsi G Perec semble trouver dans ces carts la contrainte un justificatif la cr ation et aussi une mani re de neutraliser le sens du livre puisque l on n atteint finalement jamais le sens des actes des personnages m me si on sait qu il peut s agir d une vengeance comme dans La vie mode d emploi ou encore dans un Cabinet d Amateur Une vengeance rel ve d un affect mais elle ne rel ve pas d un acte qui peut se justifier C est pourquoi l interpr tation d un livre de G Perec se fera toujours au nom d un principe qui n est pas formel C est seulement n gativement que les contraintes d limitent un territoire de non sens vid de son sens Mais pr cisons davantage Nous supposerons que la pi ce manquante a quelque chose qui rel ve de l absurde Un acte absurde vient rendre impossible l application parfaite des r gles du syst me un tableau parfait merveilleux est d truit pour toujours provoquant une sorte de m lancolie profonde chez les spectateurs qui l avaient vu C est comme si ce qui hantait les livres de G Perec c tait toujours un trou un manque un vide de quelque chose qui ne sera point nomm dit pens mais seulement v cu affectivement prouv exp riment En cela G Perec rejoint Klee qui pratiquait dans ses tableaux la m me recherche du d s quilibre affectif dans le syst me visuel qu il proposait aux spectateurs Il est vrai que G Perec en donne la formule dans un texte
19. is TokAREv D V 2002 Kurs na chud ee Absurd kak kategorija teksta u D Charmsa i S Bekketa Moskva Novoe literaturnoe obozrenie Wozrreys Julian Roggins Ruth Womack Kenneth 2006 Key concepts in literary theory Edinburgh Edinburgh University Press WorzowskA Katarzyna 2008 Le paradoxe en langue et en discours Paris L Har mattan Christophe Cusimano Universit Masaryk Institut des Langues et Litt ratures Romanes Facult de Lettres et Philosophie Arna Nov ka 1 602 00 Brno R p Tch que Joachim Dupuis Universit Paris 8 20 rue brule maison 59000 Lille France Romania Minor http www romaniaminor net ianua
20. le Le Voyage d hiver Le texte est tr s court Il se pr sente comme un r cit emboit plusieurs niveaux un professeur de lettres Vincent Degra l est invit passer quelques jours dans une propri t ayant appartenu aux parents d un de ses coll gues et d couvre dans la biblioth que un livre intitul Le voyage d hiver un r cit mi fantastique qui se trouve tre un pr texte Romania Minor http www romaniaminor net ianua La notion de petite erreur 231 une sorte de confession lyrique dont les mots veillent en lui une s rie de souvenirs de lecture po tiques Tr s vite il en vient consid rer que le livre est une suite de phrases po tiques qui ne sont en rien des citations puisque ce livre les pr c de La v rit jaillit l auteur du livre a t copi par une bonne trentaine d crivains connus et c est toute l histoire litt raire qui est refaire Mais l v nement de la guerre vient ruiner cette r v lation puisque le livre est d truit Aucun moyen de prouver sa v rit sa d couverte Tous les exemplaires de l ouvrage resteront introuvables comme si on avait voulu touffer cette v rit au cours des ann es et jusqu au souvenir de son auteur La fin du r cit nous donne un niveau suppl mentaire la compr hension de l uvre un peu comme dans l pilogue de Bartleby on retrouve une nouvelle mention du livre intitul Le voyage d hiver mais cette fois il s agit d un liv
21. mieux le non sens donne lieu des si tuations dr les et dans une tendance peut tre moins appr ciable des sc nes de violence crues Il faudrait dire un dernier mot dans cette succincte intro duction sur les auteurs qui ont inspir D Harms T Ogarkova note avec finesse l h ritage pour l humour noir de l allemand W Busch et quant l absurde proprement parler d un des ma tres anglais du limerick E Lear Des hommages marqu s ce dernier auteur pour ne pas dire plus sont clairement attest s par Ogarkova 2007 424 431 Revenons pr sent notre raisonnement A la suite de la section pr c dente on pourrait donc se demander s il existe vraiment des textes absurdes Etant donn que la pr somption m me de l absurdit est per ue comme une phase d passer en vertu de la loi qui veut que tout locuteur produise du sens le probl me semble inextricable Comme le dit Wolowska 2008 27 propos du paradoxe Ainsi Riffaterre pr sente le paradoxe litt raire comme le contraire du paradoxe logique car il part des pr misses apparemment inaccep tables pour en tirer un nonc valide 1996 149 Ces pr misses sont en fait des unit s de la langue mots ou propositions dont le sens est codifi dans le syst me ou cr au fil du discours objectivement correctes et acceptables mais dont la jonction discursive para t sur prenante voire absurde Pourtant c est de cette jonction que n
22. nce de l embo tement que sugg re le titre du livre dans le Voyage d hiver il permet de mesurer qu il y a un emboitement donc des esp ces d espaces qui montrent la construction progressive d un encadrement d une sorte de tableau dans le tableau et aussi son arrachement Le travail de G Perec tant la fois de construire et d arracher la vue Symbole au sens d une construction du r cit quelque chose prend forme se dessine mais affect qui arrache et nous enl ve le symbole D autre part dans sa dimension de r ception c est dire du point de vue du r cit lu par le lecteur le Voyage d hiver renvoie la constitution du th me de l tranget qui peut tre vue comme une cat gorie de l absurde si on ne r duit pas celui ci seulement au non sens mais que l on ouvre le champ du terme une typologie plus fine des possibilit s de lecture qu il pr sente pour l interpr tation d un texte dans la mesure o il pousse le r cit au point de distorsion avec la r alit r f rence Le texte est donc trange car la r alit qu il pr sente au sein de la r alit semble la menacer d abord avant de disparaitre Comme si on passait du familier ce qui trange et qu on revenait une sorte de familiarit mais hant par l trange On n arrive pas mettre en question le r cit lui m me mais il nous fait le questionner nous demander ce qu il veut bien dire Ce n est pas une pratique du non sens qui comme
23. perdre en nous le retirant Le texte suit lib re un mouvement o le sens se construit les r gles fonctionnent mais toujours d j partir du vide laiss par la non application de la contrainte son d r glement ou sa mise en marche De fait il nous semble que ce qui importe dans les textes de G Perec c est plut t l effet que cette case vide a sur nous plut t que la case vide elle m me comme absence de contrainte ou son d r glement Il faut revenir la r ception du texte et non s int resser seulement sa production qui la limite n a qu un int r t limit Les deux dimensions ne se recouvrent pas car on analyse d un c t et on explore par l intuition on prouve de l autre Renoncer lire les textes de G Perec selon le principe du pacte autobiographique comme si derri re le texte il y avait toujours l auteur qui pouvait s y inscrire ou avec les contraintes d j connues c est lire G Perec selon une approche proche de Borges autrement dit plus proche d un crivain de l interrogation Le sens du texte devant moins tre compris qu prouv Or nous voudrions faire l hypoth se que les contraintes comme la dimension auto biographique sont dans la r ception du lecteur moyen absolument sans int r t et que ce qui plut t ne peut manquer de l int resser c est ce qui justement chappe au rationnel autrement dit la dimension affective et symbolique de l uvre Prenons un exemp
24. ploi marqu spatia lement par la cave de l immeuble o se passe le r cit cave o rien ne se passe car les contraintes ne s y appliquent pas Ce lieu est d ailleurs marqu dans le r cit symboliquement par l image d une petite fille mordant le bord d un petit LU A la fin du roman cependant c est l histoire d un personnage Bartlebooth qui symbolise cette pi ce manquante du long puzzle que constituent le livre et chaque chapitre avec l impossibilit d achever le puzzle r el qu il a comment non pas tant par sa mort que par l inad quation de la pi ce avec le jeu qu il a sous la main la mani re du Docteur Pascal achevant la g n alogie des Rougon Macquart et qui sorte de d miurge de l histoire semble s en excepter lanua 11 2011 ISSN 1616 413X 228 Christophe Cusimano amp Joachim Dupuis par une complexion normale Il s agit en effet de la derni re pi ce d un puzzle en forme de W non congruent la forme des pi ces en X On voit par ces er reurs que ce n est pas la contrainte qui compte mais plut t l erreur qui d fait la contrainte et la parasite au point de cr er une multitude d infimes variations changements dans le livre puisque les critiques ont pu relever que les listes d objets de personnes de citations avaient connu quelques entorses leur des tination prescrite par la contrainte Il faut donc tenir la pi ce manquante pour moyen et fin de l uvre elle m me injustif
25. puis longtemps mais tout coup tu m as crit m me si tu m crivais aussi avant de cesser de m crire pendant un bout de temps D s que j ai re u ta lettre je me suis dit qu elle tait de toi et ensuite j ai t tr s content de savoir Dont on se souvient que Rastier 2001 162 disait qu elle tait une relation de disjonction exclusive entre deux Sm ou deux complexes s miques comprenant des s mes incompatibles Elle reprend en cela les propos de Rastier 1987 155 156 lanua 11 2011 ISSN 1616 413X 222 Christophe Cusimano amp Joachim Dupuis que tu t es mari Parce que quand quelqu un a envie de se marier il lui faut tout prix se marier Nous coupons volontairement l extrait ici qui court encore sur une page selon le m me mode op ratoire si l on peut dire Il semble que le texte soit balis par une isotopie g n rique au moins correspondance est attest travers de multiples lexies comme lettre enveloppe re u m crire et bien d autres encore Par contre ce qui sugg re ici l absurde c est plut t la construction textuelle travers une r p tition d id es identiques pour le moins suspecte En effet l auteur de la lettre signale de trop nombreuses reprises qu il a h sit sur l identit de son correspondant puis qu il est ravi de savoir que celui ci se soit mari pour revenir sur le premier th me et ainsi de suite jusqu l
26. re crit par Vincent Degra l l asile psychiatrique o il fut intern jusqu sa mort Ce livre contient deux parties in gales lui aussi d abord le r cit des recherches du livre de la biblioth que en 8 pages et les 392 autres sont vides Le livre de G Perec qui contient le tout est lui m me nomm ainsi Il y a donc trois niveaux niveau du livre de G Perec niveau du livre d couvert par Vincent et niveau du livre crit par Vincent Le titre Voyage d hiver semble finalement d sign par sa r currence l enjeu du livre qui se pr sente la fois comme v rit de la litt rature et une recherche vaine puisque le livre finit sur la st rilit l absence de mots un affect On peut donc distinguer deux p les o le mouvement du livre s effectue celui qui anime Vincent le lecteur que nous sommes et qui se donne comme une d couverte borg sienne qui remettrait la litt rature en question et celui que nous avons au final c est dire le vide l absence le manque la blancheur de cette v rit sa disparition Nous ne faisons appel aucune contrainte quand nous lisons cette nouvelle nous entrons seulement dans une v rit que nous constituons sur la base des hypoth ses de Vincent jusqu au moment o cette v rit qui est une v rit folle absurde semble d truite par la r alit elle m me une guerre et le temps en sont la cause Si bien que la v rit au final c est comme un tableau vol retir nos yeux q
27. ris Deno l PEREC Georges 1978 La vie mode d emploi Paris Hachette PErec Georges 1993 Le voyage d hiver Paris Seuil PErec Georges 1996 D fense de Klee lettre essai de 1959 In L il d abord Georges Perec et la peinture Cahiers Georges Perec 6 Paris Seuil R f rences FoNTANIER Pierre 1968 Les figures du discours Paris Flammarion Jaccarn Jean Philippe 1985 De la r alit au texte L absurde chez Daniil D Harms Cahiers du monde russe et sovi tique 26 3 4 269 312 Jaccar Jean Philippe 1991 Daniil D Harms et la fin de l avant garde russe Berne Peter Lang KLEE Paul 1964 Th orie de l art moderne Paris Gonthier OcarkovA Tetyana 2007 Une autre avant garde la m taphysique le retour la tradition et la recherche religieuse dans l uvre de Ren Daumal et de Daniil D Harms Th se de doctorat Universit Paris XII Val de Marne URL lt http doxa scd univ paris12 fr theses th0367721 pdf gt RASTIER Fran ois 1987 S mantique interpr tative Paris PUF RASTIER Fran ois 2001 Arts et sciences du texte Paris PUF RiFrATTERRE Michel 1979 La production du texte Paris Seuil RIFFATTERRE Michel 1996 Paradoxe et pr supposition In Ronald LAND HEER amp Paul J Smita ed Le paradoxe en linguistique et en litt rature Gen ve Librairie Droz 149 171 lanua 11 2011 ISSN 1616 413X 234 Christophe Cusimano amp Joachim Dupu
28. s sont cass s Tout d abord s assit sur une punaise et sa vie chang e sont allotopes s opposant par des normes sociales et de bon sens tacites Cette allotopie lie clairement un v ne ment mineur comme cause un v nement majeur la cons quence Ensuite une foule de d tails sur ce qu est devenu le pauvre Peretchine viennent prolon ger l allotopie Et le moins que l on puisse dire c est que les d fauts fraichement acquis ne sont pas convaincants D ailleurs l hypertrophie des d tails comme dirait Jaccard 1985 277 est souvent la marque de fabrique de cette petite erreur qui fait basculer les textes dans l absurde Ici l erreur est pos e d embl e et l hypertrophie des d tails tente de justifier argumenter en quelque sorte l ab surdit du lien mis en vidence dans l allotopie On pourrait dire que la suite du texte met aux prises changer la vie qui contient un trait majeur avec cette foule de d tails que sont les moustaches mal coup es les m disances l ou bli volontaire de quelques kopecks bref ces bassesses si mineures qu elles entrent en conflit avec l interpr tant donn ci dessus On serait en droit d at tendre une isotopie mettant en jeu des changements majeurs la place de cette allotopie de s mes sp cifiques Il est tr s int ressant de voir que D Harms accorde une place pr pond rante la l g re asym trie dont nous avons parl puisque
29. t directement au sens On peut trouver dans l article de J P Jaccard l id e d un presque invariant m me si le mot n est pas prononc par l auteur dans la construction du texte absurde chez D Harms Ce mode op ratoire est particuli rement int ressant dans le sens o l on pourrait se demander si le parcours interpr tatif effectu par le lecteur ne s appuie pas sur ce point de pivot que D Harms appelle lui m me une petite erreur soit une l g re asym trie logique ou formelle qu il essaie dans ses manuscrits de sch matiser sous forme g om trique FIGURE 1 Destruction de la sym trie Harms Cette petite erreur ce petit l ment qui fait exister le monde qui rend le monde existant et r el pour nous Ogarkova 2007 63 d s quilibre le texte par son aspect inattendu ou inutile Au niveau formel cela peut tre un mot une phrase la reprise l identique ou presque d une tournure ou d un passage au niveau conceptuel l apparition d un objet la production d une id e ou m me d une s rie de r p titions Cette petite erreur pourrait tre dans Un homme se coucha au niveau conceptuel l id e que la balance va servir peser la foi Dans Mon cher Nicandre Andre evitch c est la r apparition d id es d j puis es qui alerte le lecteur De nombreux proc d s sont l uvre pour engendrer la dissym trie et ceux ci n en sont que deux Dans cette derni re vignette
30. ues uns de ses plus petits param tres L objectif demeure donc la connaissance finale du monde dont il faut alt rer comme au cours d une exp rience en physique une parti cule pour que la v ritable solution livre la formule par laquelle elle nous atteint Romania Minor http www romaniaminor net ianua La notion de petite erreur 227 A ce titre on ne s interdit de d former ni la r alit des cat gories logiques ni les m canismes de la conscience L exp rimentation par la petite erreur est donc bien plus qu un projet ludique c est aux yeux des membres d Oberiu un outil de red couverte du monde et des sentiments que l on nourrit son gard A ce titre ce que certains appellent chez D Harms la th ologie n gative cf Tokarev 2002 95 combin e ce go t pour les m saventures rencontr es par les enfants et les personnes g es et ce m me si D Harms d testait vraiment les enfants ne doit pas nous tromper il s agit plut t d une op ration ludique et exploratrice des points de basculement du r el vers l aberration Dans un sens l investigation par le d tecteur qu est la petite erreur rejoint la conception que A Camus lui m me se faisait de l absurde une position de d part laquelle on ne peut certes pas chapper et qu on ne peut ni faire dispara tre ni d passer comme on d passerait le doute cart sien mais qui peut conduire l humanit la r flexion puis la r bellion
31. ui n est plus qu une poussi re de v rit et qui va bient t disparaitre avec celui qui l a forg e L enjeu de cette nouvelle r side dans cette pi ce manquante cet affect laiss par des v nements le hasard et l Histoire On peut donc voir dans cette construction du livre de G Perec l espace litt raire comme travaill par deux forces oppos es la mise en forme d une v rit symbole et son d litement affect Ce qui reste dans les t tes du lecteur au bout du compte c est l arra chement de cette v rit et comme son oubli on finit par se demander s il n a pas r v ce texte On peut m me penser que ce livre qu crivait Vincent l asile est simplement l expression crite de l affect ressenti par le retrait de son objet aim ador introject Il y a dans le travail de G Perec une erreur qui travaille bien le r cit mais elle n est pas dans les mots les contraintes langagi res mais plut t dans l image mentale terme important que l on trouve tr s t t dans les propos de Perec que nous nous faisons du r cit dans l v nement fondamental qui touche les existences des personnages Le r cit n est pas pour G Perec le moyen de d lanua 11 2011 ISSN 1616 413X 232 Christophe Cusimano amp Joachim Dupuis ployer des contraintes ou des jeux de combinatoires que nous ignorons tant que l on n ouvre pas les manuscrits de l crivain on ne verra pas la contrainte c est plut t un
32. ur D Harms Daniil Ivanovitch louvatchev de son vrai nom reste peu connu dans la sph re litt raire fran aise Il en va tout autrement dans le monde russophone et m me anglophone o celui ci plut t crit Kharms alors a m me son groupe sur un fameux r seau social Cet auteur d tonnant a d ailleurs bien failli n tre connu de personne ou presque mort d s 1942 en h pital psychiatrique un de ses amis du cercle litt raire dont il tait le cr ateur sauva ses manuscrits menac s par les organes de l oppression l niniste Si l on pourrait certains gards caract riser sa po sie en prose de po sie de l infini comme le fait T Ogarkova il n en reste pas moins que la dimension philosophique de l homme dans son rapport au monde produit souvent un r sultat troublant m lange d humour noir et de non sens particuli rement propice servir nos projets dans ce chapitre J P Jaccard n h site pas parler d absurde tout comme T Ogarkova qui rapproche son uvre de la Critique po tique de la raison de A Vvedenski Pr cisons d s lors que mis part certaines vignettes puisqu il s agit essentiellement de court textes l univers D Harmsien n est gu re joyeux comme le rappelle Ogarkova 2007 425 Cet absurde de D Harms comme celui de Ren Daumal n est pas le rire joyeux et rejoint la ligne de la litt rature moderne o le rire fait souvent la figure du d sespoir Romania Minor http
33. vres Il convient sans doute de voir dans ce court texte de prime abord absurde une br ve satire de la frange des croyants dont la foi est plus ou moins variable Parler du poids de la foi l ment immat riel s il en est reste soi un non sens ainsi les isotopies mesure balance poids pes pouds x2 livres x3 et religieux constitu e par croyant Dieu croyait croire en Dieu et foi s opposent pour fonder l absurde apparent La premi re chose retenir est donc que l absurde est s mantiquement marqu par une incompatibilit isotopique La seconde c est la fa on dont celui ci se trouve effac il suffit ici de consid rer que l on ne peut raisonnablement pas produire un texte comme celui ci sans vouloir signifier autre chose C est ce qu entend K Wotowska lorsqu elle crit ce qu il veut dire au fond Dans ce cadre on n est pas si loin des d finitions que l on peut trouver dans les manuels litt raires comme celle issue de Key concepts in literary theory Wolfreys Robbins amp Womack 2006 4 o l absurde est un courant souvent rapport au th tre et m me s il n est pas n cessaire de le d finir en soi mais seulement d apr s les crits des auteurs qui semblent y appartenir l absurde reste significatif Conventionally theatre of the absurd involves presentation of the futility of human action or behaviour and the anguish
34. www romaniaminor net ianua La notion de petite erreur 219 Il semblerait d ailleurs que pour D Harms l absurde ne soit pas seulement un rendu po tique d sir mais un reflet du monde qui concasse l individu Par la suite seulement l absurde en devient un puissant outil d investigation C est le sens de la remarque de Jaccard 1985 269 la validit de l existence de toute chose est syst matiquement remise en question De plus si dans un premier temps l absurde est un constat d s lors qu il devient la pierre angulaire de la po tique de l crivain il est galement un moyen En effet non sense parodie distorsions narratives etc sont autant de moyens chez D Harms d interroger le r el et par un autre chemin que celui de la raison d obtenir une r ponse au pourquoi lancinant qui surgit d s lors que l on constate l arbitraire du lien qui existe entre les divers l ments du monde Comment cela prend il effet dans les textes M me si nous en verrons plu sieurs extraits disons en premi re approximation que l ordre tant narratif que celui des choses voqu es est soumis rude preuve Rien n est sa place et les mouvements des personnages dans l espace et le temps s opposent toute logique toute attente Les p rip ties nombreuses poussent le lecteur dans ses retranchements La r p tition joue aussi parfois un r le majeur dans les sc nes v cues par les personnages Au
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