Scholie sur l`idiome scellien des manuels francophones de droit
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1. file droit international est sup rieur l Etat en ce sens qu il constitue une limitation juridique de son pouvoir mais non pas dans le sens que le pouvoir de l Etat est une d l gation du droit international cette th se non seulement n est pas logiquement n cessaire elle a contre elle m me l exp rience historique mais aussi et princi palement la conviction des Etats auxquels rien ne r pugne davantage que l id e d exercer un pouvoir qui leur serait octroy par l ordre juridique international Face des vues aussi nettement oppos es on pourrait s inqui ter de savoir si la v rit habite au nord ou au sud des Alpes Mais qui pourrait on demander d arbitrer ce diff rend Un tiers impartial devrait naturellement tre issu d une tierce culture juridique mais il risquerait alors de ne pas piger la question pos e Inversement l impartialit de ceux en mesure de comprendre serait pour le moins douteuse puisqu il y a fort parier qu ils seraient issus d une des deux cultures juridiques en cause la fran aise ou l italienne Par exemple on peut d j anticiper la r ponse que donnerait l hypoth tique professeur dont il a t question au d but dont je dois vous avouer maintenant qu il n est pas si hypoth tique que a en fait il existe je l ai ren contr Il dirait que les conceptions d Anzilotti sont certes d pass es maints gards mais pas sur ce point et que si certains2. l ments de la pens e scellienne gardent encore aujourd hui une singuli re vitalit il n en vas pas de m me de sa th orie des comp tences des Etats 234
3. Scholie sur l idiome scellien des manuels francophones de droit international public Luigi Condorelli Prenez un professeur de droit international public dont la formation acad mique s est enti rement effectu e au sein de la culture juridique italienne et qui a longtemps en seign dans les universit s du pays de Dante Parachutez ce professeur en pays fran cophone en l obligeant enseigner des locuteurs de la langue de Moli re de sorte qu il se trouve dans la n cessit d utiliser et de faire utiliser des manuels et des ou vrages de r f rence r dig s en fran ais Observez ensuite attentivement l tat de malaise dans lequel il plonge d s qu il a chercher les mots appropri s afin de pr senter convenablement ses tudiants ne f t ce que les aspects les plus l men taires et caract ristiques du droit international Relevez maintenant de mani re sys t matique gr ce un programme d ordinateur sophistiqu comme il se doit les termes techniques qui tra nent dans n importe quel manuel fran ais mais que ledit professeur refuse mordicus d employer au prix des acrobaties verbales les plus p rilleuses Quand vous aurez dress la liste de ces mots attention elle sera longue venez en l tape finale de votre recherche de laboratoire de fa on la plus naturelle qui soit prononcez les mots en question devant votre cobaye en essayant de voir quels sont ceux au son desquels son visage se
4. crispe davantage en une grimace de r pulsion impuissante traduisant un violent combat intime entre l envie de r agir contre la plus insupportable des h r sies et la conscience que s il osait dire ce qu il a sur le c ur l interlocuteur francophone le prendrait pour un fou lier Tirez vos conclusions et constatez que les termes en question sont ceux de comp tences des Etats de th orie des comp tences de r partition intemationale des comp tences et ainsi de suite Votre petite exp rience vous a amen une grande d couverte dont l importance justifie largement les souffrances que vous avez d infliger par amour de la science au malheureux personnage mis l preuve le langage des manuels fran ais de droit international est empreint d une culture juridique qu aucun cheval de Troie n a r ussi Professeur l Universit de Gen ve 1 EJIL 1990 232 L idiome scellien des manuels francophones faire p n trer dans la citadelle fortifi e de l acad mie italienne Celle ci est en effet prot g e par la formidable muraille conceptuelle que Dionisio Anzilotti avait rig e au d but de ce si cle et qui est rest e depuis malgr l coulement du temps un rem part ferme et majestueux contre l h r sie transalpine A l inverse vue de l Hexagone ainsi que de toutes les universit s de Francophonie p riph rique cette h r sie n est rien d autre que la plus pure des orthodoxies jurid
5. erreur grossi re ledit terme supposant pour le droit international un r le que 233 Luigi Condorelli celui ci n est pas en mesure de jouer C est que l Etat n est pas la cr ature de l ordre juridique international lequel ne peut donc ni lui conf rer la souverainet ni lui oc troyer des comp tences L Etat existe per se et de facto comme Etat souverain le syst me international en prend acte et lui offre sa protection c est dire qu il pro t ge la souverainet de chacun par rapport la souverainet de tous les autres au moyen d un ensemble de limitations et de conditionnements r ciproques Chaque Etat a les comp tences qu il s attribue lui m me dans l exercice de sa souverainet non pas les comp tences qui lui seraient attribu es ab externo les normes juridiques internationales intervenant pour faire en sorte que les diverses souverainet s coexis tent et s expriment en m me temps Sur cette question pr cise l enseignement d Anzilotti ne saurait tre catalogu simplement aux yeux de la doctrine italienne comme une opinion digne du plus grand respect il est per u comme indiquant une v rit premi re voire une vidence De ce fait on ne trouvera pas en Italie un seul auteur qui ne soit pr t apposer sa signature sous cette phrase du magister magistro rum je traduis un passage de la quatri me dition du c l bre Corso di diritto inter nazionale publi en 1928 et re dit en 1964
6. iques nourrie comme elle l est de l enseignement de grands ma tres parmi lesquels prime sans aucun doute Georges Scelle La vision rigoureusement universaliste et moniste de Georges Scelle est bien connue et magnifiquement pr sent e dans cette revue par Hubert Thierry il n est pas question d en reprendre ici les traits essentiels Il importe par contre de noter que l emploi des termes comp tences des Etats pour indiquer dans quelles limites spatiales personnelles mat rielles etc ceux ci peuvent exprimer leur souverainet s ils veulent se conformer aux pr ceptes internationaux est en harmonie parfaite avec une telle vision comme il se doit pour chaque tesselle d une superbe mosa que En effet si Scelle parle de comp tences c est parce qu il est convaincu que chaque Etat exerce des pouvoirs qui lui sont octroy s par le droit international dans le cadre d une r partition g n rale autrement dit l Etat serait le b n ficiaire d une v ritable distribution l chelle plan taire des biens dont chacun a le droit de jouir pourvu qu il respecte le mode d emploi le droit international agirait en somme un peu comme une m re qui distribue ses enfants les parts d un g teau pr par par elle tout en s assurant que chacun mange sa part et non pas celle de son voisin en se conformant aux r gles de la bonne ducation Or il est remarquable que l outillage terminologique scellien continue d t
7. re couramment utilis dans la litt rature juridique contemporaine de langue fran aise et ceci m me par ceux qui s inspirent de th ories du droit intemational situ es des ann es lumi re de celle qu on vient de r sumer de fa on apparemment mais apparemment seulement caricaturale A ma connaissance un seul manuel fran ais de la derni re g n ration s carte de la tradition consacr e je veux faire allusion au chapitre sur l Etat de Jean Combacau dans le manuel qu il a r dig avec Hubert Thierry Serge Sur et Charles Vall e On dirait qu en Francophonie il est quasiment impossible m me pour un antiscellien acharn de ne pas parler comme Georges Scelle l enseignement du ma tre v hicul par des paroles charg es d un sens pr cis s impose tous y compris aux l ves qui se sont r volt s contre lui Il en va tout autrement de l autre c t des Alpes si un tudiant avait l imprudence de parler lors de l examen de droit international public de r partition internationale des comp tences des Etats il se ferait alors impitoyablement recaler par n importe quel professeur jeune ou vieux Les coles de pens e sont en effet nombreuses dans la p ninsule les clivages entre les partisans des diverses th ories y restent parfois profonds le d bat est fort anim sur maints sujets mais sur ce point tout le monde est d accord parler de comp tences des Etats en droit international est une
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