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Monsieur Smith au Sénat

1. FRANK CAPRA Mens Smith au S nat _ 1606017 Le 7 _ a Es gt 1 0 Br e MODE D EMPLOI Ce livret se propose de partir des contextes de la cr ation du film pour aboutir la proposition d exercices ou de pistes de travail que l enseignant pourra prouver avec ses classes Il ne s agit donc pas tant d une tude que d un parcours qui doit permettre l appropriation de l uvre par l enseignant et son exploitation en cours Des pictogrammes indiqueront le renvoi des rubriques compl mentaires pr sentes sur le site www site image eu consulat i Site im te im Directrice de la publication Fr d rique Bredin Propri t Centre national du cin ma et de l image anim e 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 T l O1 44 34 34 40 R dacteur en chef Thierry M ranger R dacteur du livret Mathieu Macheret Iconographe Carolina Lucibello assist e dQ Eliza Muresan R vision Sophie Charlin Conception graphique Thierry C lestine Conception printemps 2013 Cahiers du cin ma 65 rue Montmartre 75002 Paris T l 01 53 44 75 75 www cahiersducinema com Achev d imprimer par l Imprimerie Moderne de l Est septembre 2013 SOMMAIRE Synopsis et fiche technique R alisateur Citizen Frank Contexte 1929 1939 la grande lessive Acteurs Dynamique trio S
2. Un sens tragicomique Le corps du film est consacr la cocasse transplantation d un pro vincial dans la jungle parlementaire et aux perturbations que pro voque ce choc des contraires Ce comique est double d tente on ne rit pas seulement de l ing nuit du personnage mais surtout de la fa on dont celle ci d sarme en retour l lite politico m diatique pro voque son ahurissement et en m me temps d signe avec malice ses inerties et scl roses La com die s engage ensuite progressivement sur une solide pente tragique fond e sur le parcours de d sillusion du h ros En choisissant le terrain de Willet Creek pour son projet de loi il contrecarre les sp culations de ses protecteurs Cette interf rence d clenche une contre attaque disproportionn e v ritable machine de guerre m diatique qui vise le d truire Capra accompagne alors de mani re r aliste les tapes de cette destruction d crivant au passage certains des plus profonds atavismes qui pourrissent les institutions am ricaines comme le lynchage m diatique ou linquisition b cl e des commissions d enqu te La strat gie du r cit est de mettre en sc ne la victoire compl te des puissants et de faire croire l an antis sement du juste afin de susciter un sentiment d indignation si intense qu il ne sera pas compl tement raval par le retournement optimiste venir Avant cela Capra conduit son h ros la limite du renoncement pour puiser d
3. Smith et trois fois Smith Comment nomme t on ou de qui rap proche t on le h ros du film Quels aspects de sa personnalit sont ainsi mis en avant On remarquera d abord que son nom Jefferson Smith est doublement vocateur Alors que son patronyme voque directement un citoyen lambda son pr nom est une allusion directe au pr sident mythique r dacteur de la D claration d ind pendance cf p 16 Le premier sobriquet qui lui est attribu est 0 au bagout ironique de sa secr taire Clarissa qui le surnomme raillant ses aspects mal d grossis Daniel Boone Boone 1734 1820 est un pionnier qui d couvrit le territoire du Kentucky II devint c l bre gr ce un ouvrage The Adventures of Colonel Daniel Boone qui relatait ses exploits sa mort de nombreux r cits de fic tion entretinrent la l gende d un homme de la nature et en firent une figure incontournable du folklore am ricain Plus tard c est Susan Paine qui sur nomme Jefferson Honest Abe L expression populaire d signe Lincoln Abe est le diminutif d Abraham seizi me pr sident des tats Unis r put pour sa simplicit et son hon n tet et dont l allure lanc e se confond avec celle de James Stewart La moquerie porte sur la disproportion entre l intransigeance morale de l hom me d tat et la na vet de Jefferson mais surtout sur le culte que ce der nier lui voue Enfin quand il entre au S na
4. jeter l ponge mais sa secr taire Saunders incite se battre Avant que son expulsion soit officiellement reconnue Jefferson se lance dans une proc dure d obstruction le filibuster qui consiste tenir la parole le plus longtemps possible devant l assembl e pour freiner la ratification d une loi Tandis que Jim Taylor magnat de la presse d clenche une vaste campagne de d nigrement son encontre le s nateur en disgr ce rappelle ses coll gues les fondements de la d mocratie et d nonce la corruption des institutions Du haut des gradins Saunders le soutient et lui d clare son amour par lettre interpos e Apr s vingt trois heures d un combat h ro que Jefferson s croule puis Paine d vor par la culpabilit se d nonce publiquement et r tablit in extremis la v rit FILMOGRAPHIE S LECTIVE 1926 1927 1931 1933 1934 1936 1937 1938 1939 1941 IIFA 1942 45 1946 1948 1951 1961 Frank Capra LC Athlete incomplet The Strong Man Sa derni re culotte Long Pants La Blonde platine Platinum Blonde Grande dame d un jour Lady For a Day New York Miami It Happened One Night L Extravagant M Deeds Mr Deeds Goes to Town Horizons perdus Lost Horizons Vous ne l emporterez pas avec vous You Cant Take It With You M Smith au S nat Mr Smith Goes To Washington L Homme de la rue Meet John Doe Arsenic et
5. 13 14 VOTE Les circulations de la parole M Smith au S nat bien que sur la br che de l imm diat avant guerre tient encore par de nombreux aspects ce cin ma des ann es 30 qui d couvrit avec euphorie usage du son Depuis l exploitation du premier film parlant en 1927 Le Chanteur de jazz d Alan Crosland les films ont accueilli avec fureur les bruits du monde moderne les rythmes extatiques du jazz les chants du music hall les pas des claquettes et surtout un bavardage empress et d bor dant qu encourageait le retour massif des structures th trales dans le r cit cin matographique M Smith est sa mani re presque int gralement construit sur des changes verbaux qu il s agisse de discussions d argumentaires de d bats d interrogatoires ou de discours Ses personnages sont des tres absolu ment parlants l action proprement dite m me si elle est d terminante ne tient dans le r cit qu une place secondaire d pendant troitement de la parole ou ramenant toujours elle ce titre la conqu te d un espace de parole constitue Pun des enjeux les plus vibrants du film tel point que son transfert d un per sonnage l autre forme un v ritable motif variablement d clin au cours du recit Infusion et friction La premi re sc ne est lanc e la vitesse des moyens de communication modernes un journaliste annonce la mort d un s nateur depuis une cabine t l phonique ave
6. devant l assembl e ou la commission d enqu te Mais Rains parvient programmer admirablement le trouble de cette ma trise ses rel ches ses estompements dans de brefs instants de doute ou de surprise o s effrite la contenance de son personnage et o se r v le un fond de caract re d bonnaire La main pos e sur son visage l assembl e ou une totale absorption dans ses pens es lors d une r ception laissent d licatement entrevoir quelles forces contra dictoires travaillent la conscience du s nateur Paine Claude Rains par la souplesse serpentine de son organe vocal et son l gante assu rance se verra souvent confier des r les de mondain cynique et m prisant repr sentant d une lite d cadente ou d une autorit froide et d tach e On se souvient de ses prestations m morables et com plexes de policier vichyste dans Casablanca de Michael Curtiz 1943 ou d ancien nazi dans Les Encha n s d Alfred Hitchcock 1946 GENESE Id alisme et d sillusions origine de M Smith au S nat remonte un traite ment projet de film sous forme de r cit non dia logu du sc nariste et r alisateur Lewis R Foster intitul The Gentleman from Montana qui contait les d sillusions d un jeune id aliste apr s sa nomina tion au S nat Comme Capra Foster avait fait ses classes dans le burlesque aux c t s de Hal Roach et Mack Sennett mais tait par la suite tomb dans l anonymat vivant d
7. co nomique et productive Grands travaux Le New Deal s appuie en 1933 sur trois domaines d action l agriculture l in dustrie et la lutte contre le ch mage l Agricultural Adjustment Act pr voit le versement d indemnit s aux fermiers qui r duisent leurs espaces cultiv s Le National Industrial Recovery Act encadre le jeu de la concurrence en fixant un bar me de prix La Civil Works Administration d s 1934 emploie 5 millions de ch meurs pour r nover les routes restaurer les coles construire des stades ou drainer des marais Enfin un plan de travaux publics est lanc avec la Federal Emergency Relief Association et la Tennessee Valley Authority qui organi sent dans les tats du Sud touch s par la s cheresse la construction de barrages et de canaux C est bien l arri re plan du film o des d bats font rage autour d une loi destin e lever des fonds suppl mentaires deficiency bill pour des grands travaux Les escrocs Paine et Taylor fondent eux m mes leur sp culation sur la construction d un barrage op 4 Site im Visite du pr sident Roosevelt sur le chantier du barrage Hoover 1935 FDR Presidential Library and Museum Sp culations et collusions D sireux de limiter la sp culation Roosevelt s attaque au syst me bancaire Un Glass Steagall Act limite la pratique du cr dit tout en s parant banques de d p t et banques d investissement La mesure c
8. j le protocole se met en place La raideur de Smith et ses h sitations apportent un contrepoint comique l habitude blas e de Clarissa Il se retourne une derni re fois vers elle comme s il devait se sacrifier Souhaitez moi bonne chance Un superbe travelling avant tout en solennit prend le relais et accompagne ses pas dans le dernier boyau qui le s pare encore de la chambre La cam ra s arr te au seuil de la pi ce et le l che dans la fosse aux lions Devant Smith dans le fond du plan une v ritable fourmili re remue de mille mouvements et quelques visages se retournent vers son grand corps immobile 3 Un plan d ensemble courte focale relaie le point de vue de Jefferson le S nat est vu du sol au plafond comme un grand cube rempli de monde 4 Les premiers pas du personnage dans le parterre sont film s en plong e 5 donnant l impression d crasement et accentuant son isolement Smith avance comme un somnambule entre les rang es de bureaux et c est le page qui le redirige lors de ses garements La plong e rend sensible attention g n rale qui se porte sur Smith Tr s naturellement le cin aste rebondit sur les comm rages sarcastiques qui naissent dans les rangs de l opposition 6 Au son une sorte de rumeur g n rale faite d un brouhaha de voix entrem l es facilite les passages d un recoin l autre de la salle C est par son truchement qu on retrouve dans les gradins Clari
9. parmi lesquels Winchester 73 1950 LApp t 1953 LHomme de la plaine 1955 la prise en charge monomaniaque de l action le poussera une ner vosit extr me un d rangement de toute sa personne sale mal ras les yeux rougis peu naturels pour lui Au c ur de l identit de James Stewart g t un d go t croissant pour ces ridicules d mons trations de virilit dont l h ro sme am ricain fut si friand voire une f minit irr solue qui au contact de l action fige son corps et res sort ensuite sous forme de n vrose Stewart aura pris si compl te ment en charge m me ce corps cette crise du h ros am ricain et de l action en tant que telle qu une certaine forme de masochisme s est attach e ind fectiblement sa figure d homme diminu Jean Arthur fille solide Fille de photographe n e en 1905 New York Jean Arthur a cum longtemps les plateaux de la Fox et les planches des th tres new yorkais dans des petits r les sans int r t C est en 1935 avec Toute la ville en parle tourn par John Ford qu on prend enfin la mesure de son talent comique Et c est d abord par sa voix qu elle se distingue maill e d une fac tie rauque et suggestive elle file toute vitesse et gr ne les r pliques avec un tourdissant sens du tempo Jean Seuls les anges ont des ailes d Howard Hawks 1939 Columbia Arthur impose une solidit de caract re et une assurance physique
10. qui forment autour de son personnage comme une carapace de protection boucl e par un visage dur et ferm Son contrat la Columbia la conduit tourner avec Frank Capra trois films majeurs dont LExtravagant M Deeds 1936 et Vous ne l emporterez pas avec vous 1938 qui lui ouvrent les portes du succ s Dans M Smith au S nat elle fait preuve d une souplesse tonnante et module le cynisme univoque de son personnage Clarissa Saunders secr taire et garde fou du jeune s nateur inexp riment d une tonnante humanit conquise sur une vaste gamme de variations motionnelles Dans la sc ne o elle explique Smith la proc dure de ratification d un pro jet de loi elle laisse tr s subtilement affleurer la surface d une exas p ration d tach e la naissance d un sentiment pour le jeune id aliste qu elle assiste Capra admirait tout particuli rement sa prestation dans la sc ne o elle s enivre aux c t s de Thomas Mitchell Je mets au d fi toute autre actrice de jouer cette sc ne C est une actrice formidable bien plus qu elle ne s en rend compte Elle rendait le r le vraisemblable travers de petites choses comme sa fa on d es sayer de prendre son verre sans savoir lequel elle attrapait la souf france int rieure rendait son esprit si confus Ce mest pas le geste d une actrice mais celui d un tre humain qu on peut com prendre Avec Capra Jean Arthur prouve qu
11. temps les mandats des s nateurs sont renouvel s tous les deux ans au suffrage universel direct Apr s la s ance on constatera que la nomina tion de Smith bien qu absolument l gale n est que provisoire Le d c s du s nateur Foley entra ne au d but du film une vacance laquelle le gou verneur de l tat sans nom concern Hubert Hopper doit rem dier Avant l organisation d une lection sp ciale ce dernier a le pouvoir de nommer un s nateur par int rim qui si gera dans lattente du scrutin comme bin me du s nateur Paine On notera enfin qu il est galement permis au S nat d ex pulser l un de ses lus par un vote la majorit des deux tiers cette proc dure reste pourtant exceptionnelle puisqu on ne d nombre que quinze s nateurs exclus tous avant 1862 dans toute l histoire de la chambre ACTEURS Dynamique trio Stewart Arthur Rains Trois vedettes hollywoodiennes incontest es interpr tes des per sonnages de Jefferson Smith Clarissa Saunders et Joseph Paine dominent limpeccable distribution de M Smith au S nat En t te d affiche et en cho son r le r cent de Vous ne l emporterez pas avec vous 1938 o il a d j fait tandem avec Jean Arthur James Stewart tourne ici une deuxi me fois pour Frank Capra C est sa perfor mance dans le film qui va faire de lui l une des plus immenses stars du cin ma am ricain 31 ans ce jeune homme d gingand j
12. tourne les propos prof r s l assembl e augmentant le concert g n ral par leur propre rumeur Enfin n oublions pas la foule des visiteurs spectateurs de la d mocratie dont les r actions mas sives emportent ou touffent valident ou invalident les discours prononc s l assembl e Dans cette jungle tourdissante o d barque Jefferson Smith on lt Sy IFY EEE 7 tilini comprend que l enjeu majeur sera bien s r de se faire entendre et donc avant tout de prendre la parole Une parole qui en tant que citoyen lui appartient de droit mais pas de fait puisque les politiciens laccaparent Pour cela il lui faut apprendre s exprimer efficacement c est dire dans les limites strictes que r servent les r glements l exp rience se fait logiquement au prix de dou loureuses d convenues mais Smith int gre courageusement les le ons qu il peut en tirer C est en trois temps que s effectue l apprentissage Premi re obligation partir de z ro Apr s avoir t attaqu par un coll gue Smith commence par d cou vrir qu au S nat sa parole ne vaut rien tant qu il n a pas pr t serment Et pr ter serment veut surtout dire qu il faut reconna tre le code avant de s exprimer dans les formes qu il d termine Deuxi me tape tenir sa voix La premi re tentative de Smith d sirant pr senter l assembl e son projet de loi se so
13. de protection d o sont exclus les vieux m les roublards de l assembl e Un d calage burlesque s installe entre l assurance de l enfant qui a parfaitement int gr les habitudes du milieu et la timidit de l adulte Le page explique Smith la r partition fonctionnelle des lieux et c est travers ce passage didactique que le spectateur s oriente dans l espace du S nat On passe alternative ment du champ sur les deux personnages 11 13 15 17 19 21 23 aux multiples contrechamps sur les divers lieux du S nat doctement identifi s par l enfant 14 16 18 20 22 Le protocole s claire point par point et cet espace premi re vue d sordonn prend progressivement un sens Deux inserts viennent sceller ce beau pacte non formul entre l homme et l enfant l un sur l ordre du jour que Smith trouve dans son bureau 12 l autre sur le badge qu il accroche sur la veste du page 25 Seul contre tous Un double balayage panoramique accompagne le petit page vers la sortie 26a et lui substitue le s nateur Paine 26b qui inculque quelques termes de protocole son poulain Ne reste plus qu attendre le moment fatidique du serment temps dont coulement malai s est saisi en trois plans une plong e d ensemble qui suit la course de Paine vers son bureau 27 un plan rapproch sur Jefferson dans ses petits souliers 28 puis une vue de l horloge qui passe midi pile 29 Raccord sur le vice pr
14. elle excelle tout autant dans le registre du drame que dans celui de la com die et mieux qu elle peut jouer les deux en m me temps et les enrichir mutuellement Les larmes qui montent aux yeux de Clarissa Saunders dans les gradins du S nat irrigueront ses prestations sui vantes les plus remarquables chez Howard Hawks Seuls les anges ont des ailes 1939 ou Billy Wilder La Scandaleuse de Berlin 1948 Casablanca de Michael Curtiz 1943 Warner Bros Claude Rains renard argent Pour jouer la duplicit et la compromission du s nateur Joseph Paine il fallait bien toute l onctuosit matoise de Claude Rains acteur d ori gine britannique n Londres en 1889 et form d s son plus jeune ge l cole shakespearienne Il traduit merveille le tiraillement de ce v n rable s nateur corrompu par les puissances financi res mais que l honn tet fonci re de Jefferson Smith rappelle ses id aux de jeunesse Sa flamme n est pas compl tement teinte mais diminu e par des ann es de r alisme politique et autres tricotages d int r ts Rains qui fut la voix de Homme invisible 1933 de James Whale conf re son personnage une virtuosit oratoire une loquence par faite qui en font un puissant animal politique La ma trise de la voix s augmente chez lui d une violence inqui tante lorsque le s na teur Paine accul la d fense de ses int r ts menac s en vient atta quer son prot g
15. jeunes Am ricains et qui dirige leur journal Ind cis Hopper tire pile ou face et nomme Jefferson Smith Taylor et Paine s en inqui tent mais reconnaissent en Smith un nigaud facile manipuler 4 Le banquet 00 11 34 00 15 34 Le gouverneur donne un banquet en l honneur de Smith Sa na vet fait rire l assembl e Il rend hom mage son mentor le s nateur Paine ancien ami de son p re Une fanfare d enfants lui remet avant son d part une serviette en cadeau 5 Sur la route 00 15 35 00 17 43 Smith et Paine se rendent en train Washington Sur le chemin ils voquent son glorieux pass d avocat quand associ avec le p re de Smith il d fendait g n reusement les causes perdues 6 la gare 00 17 44 00 22 14 Les deux hommes arrivent en gare accueillis par un petit comit Smith remarque la beaut de Susan la fille de Paine Au loin il aper oit le Capitole Saisi d admiration il s clipse Tandis qu on le cherche Clarissa Saunders son assistante attend dans ses futurs bureaux 7 Visite au Capitole 00 22 15 00 25 38 Smith se rend en bus au Capitole Les symboles de la nation d filent sous ses yeux Il s arr te devant la grande statue d Abraham Lincoln et pose ses yeux sur son fameux discours Adresse de Gettysburg 8 Baby sitting 00 25 39 00 35 02 Saunders discute avec son pr tendant le journa liste Diz Moore quand Smith d barque avec cinq h
16. le Chicago Tribune journal tr s conservateur lance une campagne de d nigrement contre M Smith relay e dans une vingtaine de titres Le film est instrumentalis dans le combat qui oppose l industrie du cin ma aux mesures anti trust con ues et d fendues depuis douze ans par des parlementaires acharn s et qui devaient terme soustraire les exploitants de abusive politique de vente group e que pratiquaient les studios Des voix de protestation s l vent galement dans le monde politique Le chef de la majorit au S nat improvise une conf rence de presse pour d noncer l invraisemblance du film D autres s nateurs se plaignent de la mauvaise image que M Smith donne des institutions am ricaines on accuse de faire le lit des contempteurs de la d mocratie On lit dans le Washington Star Le film d peint le syst me d mocratique et notre libert de la presse tant van t e exactement comme Hitler Mussolini et Staline aiment les repr senter La rumeur court que Louis B Mayer au nom de tous les grands direc teurs du studio aurait propos d acheter Harry Cohn le n gatif du film pour 2 millions de dollars soit un peu plus que le co t global du film dans le but de le d truire Bien qu une critique alarmiste se r pande dans tout le pays le film trouve autant d opposants que de d fenseurs et la pol mique s installe Le New York Times remarque avec ironie Il y a quelque chose de sav
17. quilibre et en m me temps l endroit d une discr te d licatesse d une finesse qui proc de d une profonde fragi lit C est que contrairement au h ros positif la figure de James Stewart partag e entre le burlesque et l motion ne repose pas sur l accord parfait du physique et du moral mais sur leur inconfortable m sentente et le d s quilibre qui s ensuit Le corps n est plus l ex pression directe d une rigueur morale mais une zone de conflit entre l motion et le geste d o ses constants soubresauts et la diffi cult qu il y a le contr ler Apr s la guerre James Stewart portera maturation cette figure de h ros fragile dont le d s quilibre entre esprit et le corps s accentue doucement jusqu au malaise Sa finesse physique le m nera incar ner un h ros cultiv et hypersensible que divers emp chements Winchester 73 d Anthony Mann 1950 Universal physiques rendent inapte l action D o la surchauffe d un esprit en roue libre que ne jugule plus l activit physique Ce sera particuli rement le cas chez Hitchcock qui mettra en sc ne son impuissance On y retrouvera Stewart paralys par une fracture Fen tre sur cour 1954 ou par la peur du vertige Sueurs froides 1958 et soumis par immobilisme d inqui tantes boucles de fascination voyeurisme dans le premier film et passion morbide dans le second Dans les cinq westerns qu il tournera pour Anthony Mann
18. temps il diminuait l impact politique du film Le tournage se d roule du 3 avril au 7 juillet 1939 sans autre encombre que les bafouillages r p t s de Harry Carey vieil acteur fordien qui interpr te avec incertitude le vice pr sident ainsi qu un d passement de budget de 15 Les sc nes l assem bl e sont tourn es dans une stup fiante r plique grandeur nature des int rieurs du S nat que le d corateur Lionel Banks a reconstitu e partir de photographies et qui occupe deux grands plateaux de la Columbia La f te de fin de tournage se d roule le 8 juillet avec une once de m lancolie puisque tout le monde sait que ce sera le dernier film de Capra pour le studio Peu avant sa divul gation la Columbia prend connaissance de lexis tence d une pi ce l intrigue quasiment identique Both Your Houses qui avait valu son auteur Maxwell Anderson le Prix Pulitzer en 1933 La seule diff rence tenait une fin moins heureuse qui voyait son jeune h ros id aliste venu du Nevada perdre sa bataille au Congr s Tr s vite le studio s empresse d acheter les droits de la pi ce pour un montant coquet afin d viter toute forme de pour suite avant premi re du film le 17 octobre 1939 est un v ritable v nement mondain 4 000 invit s prestigieux sont attendus dont bon nombre de parlementaires et de hauts responsables politiques qui accueillent le film poliment D nigrements D s le 21 octobre
19. vieilles dentelles Arsenic and Old Lace Pourquoi nous combattons Why We Fight La vie est belle Its a Wonderful Life L Enjeu State of the Union Si on mariait Papa Here Comes the Groom Milliardaire d un jour Pocketful of Miracles R ALISATEUR Citizen Frank Comme nombre d artisans de l ge d or hollywoodien le cin aste est n en Europe au tournant du XXe si cle cest en 1897 Palerme en Sicile que vient au monde Francesco Rosario Capra dans une famille paysanne qui migre six ans plus tard aux tats Unis Pour financer ses tudes le jeune homme multi plie les petits emplois et d croche un dipl me d ing nieur Apr s un bref s jour dans l arm e en 1918 il se fait passer pour un cin aste sans aucune exp rience mais avec un certain culot et parvient tourner un court m trage Emball par l exercice Capra met un pied dans le monde du cin ma par le biais du labora toire o il travaille sur le traitement chimique des pellicules D abord accessoi riste il fait ses armes dans le burlesque en crivant des gags pour le producteur Mack Sennett et le com dien Harry Langdon La notori t croissante de Langdon qui rivalise alors avec Chaplin et Keaton permet Capra de tour ner ses premiers longs m trages au prix d incessants conflits avec la star Du rythme et du tragique Licenci par Langdon il accepte de tourner pour la Columbia sur la proposi tion de Harry Cohn patr
20. Il arrive m me que la scripte lise d une voix monotone toutes les r pliques Et quel effet la cam ra toute proche les marques la craie et la voix inconnue lisant les r pliques d une voix monocorde produisent elles sur la pauvre Jean Arthur Aucun sinon celle de l emp cher prati quement de retrouver le ton le rythme la tension dramatique et la voix qu elle avait eus dans le plan d ensemble qui lui avait t tourn des heures voire des jours auparavant Le r sultat habituel lorsque le gros plan est ins r au montage dans le plan d ensemble il ressemble une pi ce rapport e qui s adapte mal au reste du puzzle La cons quence dans les salles les spectateurs sont frapp s par le caract re in gal de son jeu En quoi consistait mon extraordinaire invention J utilisai la bande son originale du plan d ensemble pour donner la r plique Jean Arthur lors du tournage du gros plan Le son du plan d ensemble n tait pas seulement repiqu sur la pellicule mais galement sur un disque Lorsque je me d clarais satisfait du plan d ensemble on ren voyait illico le disque au plateau et on le faisait passer en play back sur une machine pr vue cet effet J avais sous la main fix s mon fau teuil un bouton pour r gler le volume et un interrupteur l aide duquel je pouvais brancher ou d brancher volont le haut parleur du play back Retournons maintenant au gros plan de Jean Arthur Fini les act
21. ais les s nateurs lui pr tent maintenant attention Il rappelle les principes de base de la d mocratie et d fend son projet de camp Paine l che une der ni re salve il fait venir tout le courrier de pro testation contre Smith D truit moralement le jeune s nateur dans un dernier effort rappelle Paine l importance des causes perdues puis s croule Frapp droit au c ur Paine tente de se suicider puis avoue tout l assembl e La v rit sur Willet Creek est r tablie Saunders exulte de joie Le vice pr sident l che un sourire complice R CIT Corruption obstruction explosion La fa on dont M Smith au S nat fait voluer un grand nombre de personnages dans le d cor complexe du monde parlementaire repose sur une id e force l accession de Monsieur Tout le monde aux tribunes du pouvoir C est un argument classique de la com die qui consiste plonger un personnage dans un milieu auquel il n appar tient pas dont il ne ma trise pas les codes L effet comique sera d au tant plus puissant que seront distants les milieux d origine et de des tination du personnage Il s agit donc de plonger Smith jeune pro vincial sorti tout droit du giron maternel dans le grand bain infest de requins de la politique et de la finance Cet argument rencontre assez miraculeusement le propos du film si le pouvoir est celui du peuple comme l entend le terme d mocratie il est naturel que
22. ait supposer d un boy scout attard d un id aliste d magogue ou d un optimiste b at Les banquiers v reux les femmes compromises avec le pouvoir les manipulateurs divers assoiff s de pouvoir personnel pullulent Le visage de la d mocratie n est gu re brillant La foule est sans cesse montr e comme tonnamment ver satile et plus apte se tourner vers le mal que le bien Il faut des prouesses individuelles stup fiantes aux h ros pour retourner une situation d sesp r e comme le c l bre discours de vingt trois heures du s nateur Jefferson Smith M Smith au S nat L optimisme de Capra s enracine sur un pessimisme fon cier qui devient m me grin ant avec L Enjeu qui d bute par un suicide Significatif d ailleurs est le nombre de candidats au suicide qui pars ment les films tel le s nateur Paine Claude Rains rival de Smith C est pr cis ment ce r alisme qui donne l optimisme de Capra toute sa par ticularit et sa modernit Comme certains films de Francis Ford Coppola Tucker par exemple les films de Capra sont des trag dies optimistes Plus l image montre la noirceur d un monde que toute la logique du r cit m ne la catastrophe plus le discours prend de force C est pr cis ment l artificialit des proc d s employ s pour mener vers le happy end qui provoque chez le spectateur une adh sion un acte de foi dans les valeurs fondamentales de Am rique la
23. ans ce d nuement absolu de Tego l nergie du d sespoir L horizon du S nat Le r cit de M Smith est b ti sur le feuilleton pisodique du d bat parlementaire Il d crit ainsi une alternance entre d un c t les s ances au S nat et de l autre ce qui se passe en dehors des d bats mais noue pourtant ce qui va s y jouer D un c t des sc nes cardi nales o se pr cipitent tous les enjeux du film et de l autre les sc nes officieuses d une subtile temporisation ou d un amor age de la session venir Tout se passe en deux temps selon le principe du briefing et du debriefing chaque s ance non seulement se pr pare comme lorsque Clarissa explique Jefferson le protocole de ratifi cation d une loi mais une fois achev e il faut y revenir pour bien comprendre tout ce qui s est pass d o les explications que Smith demande Paine pour comprendre son attitude paradoxale Le S nat point focal de l intrigue et foyer o les regards se concentrent est la fois un dragon dompter et un code briser il faut d abord comprendre comment il fonctionne pour le vaincre ce titre la construction en entonnoir du r cit ne fait que retarder le morceau de bravoure final la fameuse sc ne d obstruction parlementaire qui s tend sur plus d une demi heure et rassemble le dernier quart du film Dans cette derni re partie le r cit tout en nous enfermant dans la pi ce des d bats rebo
24. aurel It Happened One Night http www dvdclassik com critique new york miami Capra Breezy La vie est belle http www dvdclassik com critique la vie est belle capra Prendre la parole Sans doute M Smith au S nat rebutera certains par son optimisme affirm qu on peut trouver dat voire invraisemblable Nous ne devons pourtant pas oublier la noirceur terrible de la r alit sociale sur laquelle s appuie cette perc e au c ur de l organe l gislatif am ricain Frank Capra cin aste alors au sommet de sa carri re expose sans fard la corruption qui ronge une d mocratie am ricaine dont sans aucune ironie il pouse les principes de tous ses sentiments D s 1939 la toute puissance de la sp culation financi re et sa main mise sur les mondes politique et m diatique taient brocard es avec un humour irr sistible dans ce film d un classicisme limpide qui r sonne encore avec notre actualit r cente Les tats Unis sortaient alors de dix ans de crise et le cin ma sous l impulsion de la poli tique rooseveltienne tentait de redonner espoir des millions de spectateurs Jefferson Smith avec un culot kamikaze mais 6 com bien l gitime rappelait quel point il est important de se faire entendre de prendre la parole pour lui faire d gorger autre chose que ce mensonge courant dont abusent les lites de la nation 2 ARR R DACTEUR EN CHEF Thierry M ranger est
25. c un d bit lev qui dit toute la fra cheur et l importance de l information La nouvelle se r pand et cette diffusion donne le rythme du film Un rapide travelling lat ral nous fait passer dans le m me espace du journaliste au s nateur Paine qui galement au t l phone relaie la nouvelle ses acolytes Nous suivons alors la vague de stup faction qui se transmet son coute La parole via l outil t l phonique rebondit de personnage en person nage et dans les ordres ou les indications qui sont donn s est tablie avec une grande efficacit la hi rarchie de leurs rapports D s cette premi re sc ne l es pace est aboli ou d multipli par la v locit d une parole qui agit d embl e comme un v ritable moteur Entre chaque change de rapides volets balaient l image de droite gauche et nous transportent dans un autre espace il ne s agit pas de s installer dans un lieu mais de reproduire une dynamique de contamination Rappelons que ces personnages sont li s par une malversation et qu entre eux circule une parole clandestine un vent de corruption qui se faufile partout et se r pand comme une peste Des obstacles s opposent pour tant l infestation les organismes citoyens et l innocence militante des enfants Les comit s lectoraux opposent un mur de protestations au candidat avanc par Hopper Ce dernier l che et d bonnaire se retrouve harcel chez lui par la propagande intensive d
26. dans tous les m dias une campagne de d nigrement contre Smith 15 Le combat 01 43 26 01 50 23 Dans une salle attenante des s nateurs font une pause et discutent de la proc dure d obstruction tant que Smith tiendra debout personne n aura le droit de l interrompre Pour certains son combat force le respect Paine se drape d indignation Dans la salle Smith s accroche en lisant la D claration d nd pendance puis se lance dans une diatribe contre la corruption et le cynisme des politiciens Un s nateur cherche ajourner la s ance mais Smith persiste Pour le soutenir Saunders lui fait parvenir le volume de la Constitution avec un petit mot o elle lui d clare son amour Smith est galva nis et reprend de plus belle 16 Les enfants dans la rue 01 50 24 01 55 52 Diz alerte Saunders la presse est musel e par Jim Taylor et ne relaie pas les exploits du jeune s na teur Elle contacte le journal des rangers les enfants se lancent dans une dition sp ciale grand tirage Mais la distribution des journaux est violem ment sap e par les hommes de main du magnat et des enfants sont bless s Dans la rue les manifesta tions en faveur de Smith sont bris es par la police Au S nat les rangs se sont vid s les plus tenaces somnolent et Smith lisant la Constitution d une voix rauque tient peine debout 17 Le sprint final 01 55 53 02 04 46 Smith a tenu plus de 23 heures Il est puis m
27. depuis 2004 critique et membre du comit de r daction des Cahiers du cin ma Agr g de lettres modernes et concepteur de documents p dagogiques il enseigne en sec tion cin ma audiovisuel au lyc e Rotrou de Dreux et dans le cadre du Master Pro Sc nario r alisation et production de l Universit Paris Panth on Sorbonne Il est galement d l gu g n ral du Festival Regards d Ailleurs de Dreux R DACTEUR DU LIVRET Mathieu Macheret diplom de ENS Louis Lumi re est r dacteur en chef adjoint du site Critikat Il crit sur le cin ma depuis 2008 et colla bore aux Cahiers du cin ma et Trafic I monte galement des programmes pour la cha ne TCM et anime des cin clubs partout en France CAHIERS CINEMA E Libert Egalir Fraternit R PUBLIQUE FRAN AISE Culture ommunication
28. droite mouvante de franchise et de fra cheur juv nile s impose de film en film Frank Capra qui pr pare Vous ne l emporterez pas avec vous com die lou foque adapt e d un triomphe de Broadway le rep re dans Les Cadets de la mer de Sam Wood 1937 Cest l tre humain qui vous accrochait Vous regardiez directement l homme pas lacteur On voyait son me C est lui qu il me fallait Le film remporte un grand succ s dont deux Oscars et marque le d but d une collaboration essentielle pour Facteur C est d ailleurs avec M Smith au S nat que Stewart pose les fondements de sa personnalit l cran Conscient que Jefferson Smith tait le r le d une vie l acteur s est investi dans une performance inoubliable certainement l une des plus riches et finement ma tris es du cin ma am ricain Dans M Smith au S nat la gaucherie de Stewart r pond sa com pl te inadaptation au milieu politique o il est transplant Dans cet univers o la v rit avance masqu e o r gnent la ruse et la dissi mulation la franche affirmation de cet tre impulsif qui ne retient pas ses motions fait spectacle comme lorsque par exemple il aper oit pour la premi re fois le Capitole ou s exclame de fa on toni truante au S nat Jefferson Smith est d crit comme ayant gard un pied dans l enfance il vit toujours chez sa m re travaille avec des enfants qui l adulent et il leur destine son pr
29. ds Goes to Town pour reprendre son r le dans une sorte de suite provisoirement intitul e Mr Deeds Goes to Washington Mais Cooper est sous contrat avec la M G M et les n gociations avec le studio chouent Capra r cup re alors Stewart qui il en conviendra plus tard convenait mieux pour le r le Gary Cooper tait un type honn te mais il n avait pas la moindre id e de ce qu est un id aliste Il tait pro fond ment honn te et d cent mais il tait un cran en dessous de Jimmy Stewart qui lui tait capable de raisonner En octobre 1938 Capra et son nou veau sc nariste Sidney Buchman entament la phase des rep rages Ils se rendent Washington font le tour des sites cl s de la capitale et r glent avec les autorit s les autorisations de tournage Ils visitent la Maison blanche et assistent une conf rence de presse du pr sident Roosevelt Le cin aste profon d ment conservateur et r publicain convaincu change avec le d mocrate au pouvoir une poi gn e de mains et sort emball de sa rencontre Quelle voix Quelle personnalit s exclame t il Fin 1938 Capra est plong jusqu au cou dans le conflit syndical qui oppose la Guilde des r ali sateurs association des producteurs Alors pr sident de l Acad mie des Oscars il menace de L OU LL TN ak x E sk 7 Pur le 7 Es E p Li 7 1 Tournage du film Colu
30. e manifestations et r pression portent le combat de Smith une chelle plus vaste plus fr n tique et plus violente lemballement atteint sa cr te quand les jeunes rangers qui font campagne en faveur de Smith sont bless s et percut s en voiture par les sbires de Taylor Cette intensification s exprime galement dans sa fa on de filmer le S nat fini le r gime de la frontalit les axes prennent de langle les contre plong es se multiplient l espace est travers de multiples lignes de regard qui aboutissent toutes au courageux Smith Dans cette foule d affects indis tincts la figure du triangle se d tache entre les trois niveaux de la pi ce les gradins la tribune et le parterre entre Clarissa le vice pr sident et Smith un change de regards complices oriente la perc e oblique de l espace et fait res sentir la profondeur vertigineuse du puits o le h ros s est engouffr 1 All the worlds a stage And all the men and women merely players Le monde entier est un th tre Et tous les hommes et les femmes ne sont que des acteurs est le d but du monologue de Jacques dans la pi ce de Shakespeare Comme il vous plaira Il 7 Un chapeau baladeur Comment la mise en sc ne de Capra s affranchit elle des mod les th traux La fin de la premi re visite que Smith rend Paine peut tre l occasion d une analyse clairante 00 44 51 00 46 23 Smith s appr te quitt
31. e s agissant d un film hollywoodien classique il devrait tre ais de le ranger dans une cat go rie g n rique comme la com die les premi res sc nes du film fond es sur les maladresses d un provincial catapult Washington le laissent clairement supposer En revanche l volution douloureuse du film qui accompagne les d sillusions du h ros en att nue singuli rement la port e comique Enfin sa conclusion morale nous fait basculer dans l apologue Ce qui surprend ici est d abord l abandon en cours de route d un genre hollywoodien identifi et le glissement vers une forme de discours didactique travers celui ci des ques tions directement tir es de lactualit politique et sociale agenc es sous forme de message font leur entr e dans un film dont le genre annonc ne disposait nullement ses spectateurs les recevoir Un cin ma rooseveltien On trouve ponctuellement dans la fiction am ricaine des ann es 1930 1945 des films de genre sous tendus par un arc politique qui fait la part belle aux positions politiques du New Deal On d nonce la corruption de certains milieux politiques comme dans Gouverneur malgr lui de Preston Sturges 1940 ou Les Raisins de la col re de John Ford 1940 On galvanise les principes d mo cratiques comme dans Extravagant M Ruggles de Leo McCarey 1935 o un domestique anglais jou par Charles Laughton d couvre b atement l galit en droit de la c
32. e d but de l inscription Equal Justice Under Law justice gale selon la loi Si ge du pouvoir judiciaire la Cour supr me a le pouvoir de v rifier la conformit des lois la Constitution 2 Retour sur Smith Appara t la Maison blanche si ge du pouvoir ex cutif puis les plaques de grandes avenues de Washington Constitution Avenue borde le National Mall parc qui m ne au m mo rial d Abraham Lincoln Pennsylvania Avenue qui coupe Constitution Avenue proximit du Congr s m ne la Maison blanche 3 Le grand d me qui suit n est autre que le Capitole qui abrite le Congr s si ge du pouvoir l gislatif qui comprend la Chambre des repr sentants et le S nat le syst me parlementaire am ricain tant bicam ral 4 l int rieur du Capitole Smith dans la rotonde voit la statue de Thomas Jefferson troisi me pr sident des tats Unis plume dans la main droite et D claration d ind pendance dont il est le principal r dacteur dans la gauche Il s agit du texte par lequel les treize colo nies britanniques ont fait s cession en 1776 5 Suit un d tail sur le tableau de John Trumbull voquant la pr sentation au Congr s de 1776 du projet de D claration d ind pen dance Les trois figures repr sent es sont de gauche droite John Adams Thomas Jefferson et Benjamin Franklin 6 En surimpression une main reconstitue la signature de John Hancock l un des principaux r volutionnaires g
33. e des arm es lengage pour superviser la r alisation de films de pro pagande parmi lesquels les documentaires de la s rie Pourquoi nous combat tons aux c t s d autres cin astes comme Anatole Litvak ou Joris Ivens Loin de s en tenir la galvanisation grossi re du soldat am ricain Capra plonge la source des principes d mocratiques auxquels il l ve un monument lyrique consid rable Apr s la guerre il revient Hollywood et met en chantier son grand uvre le c l bre La vie est belle 1946 qu il produit lui m me au sein de Liberty Films soci t cofond e avec George Stevens et William Wyler En 1948 la M G M l accueille en grande pompe pour r aliser L Enjeu dont le d senchantement annonce l inflexion profonde qui va marquer sa carri re et sa personnalit La fin de la libert Peu apr s il signe avec Paramount un contrat juteux mais au profit duquel il abandonne la libert souveraine qu il avait conquise avec les ann es Son ins piration s effrite il tourne avec la star Bing Crosby quelques films sympa thiques mais sans saveur Dans les ann es 50 l arriv e de la t l vision entra ne une mutation compl te de Hollywood qui laisse Capra sur le carreau Plusieurs de ses projets pourtant longuement m ris n aboutissent pas et le cin aste en est r duit des travaux de commande qui n ont d autre objectif que de pro mouvoir les acteurs l affiche De tous c t s les studios lui to
34. e holly woodien cette poque consiste soigner l effet de continuit entre les plans travailler d s le tournage l assemblage entre vues d ensemble et plus rapproch es et en fin de compte penser une nergie g n rale qui transcende les interruptions contingentes de la pratique Ce souci de transparence est ce qu on appelle l criture classique Le texte nous permet par ailleurs de r fl chir l usage des gros plans Ils interviennent quand le besoin se fait sentir de passer d une notion th trale de la sc ne l int riorit d un personnage du g n ral au particulier donc Les exemples sont nombreux dans le film comme les gros plans embu s sur le visage de Clarissa dans la sc ne o aidant Smith r diger son projet de loi elle tombe amou reuse de lui ou ceux sur le profil fuyant de Joseph Paine apr s son faux t moignage ou encore ceux qui soulignent le sourire complice du vice pr sident de l assembl e chaque fois le gros plan inter rompt le rythme tr pidant du r cit pour souligner un mouvement une inflexion une g ne qui se produisent dans l intimit d un per sonnage ces moments se produit une communication miraculeuse d un ordre quasi religieux proche de la conversion entre la pure t de Smith et la r signation d un autre personnage alors r v l lui m me ou rafra chi par ce contact CONSULTER Filmographie Capra muet Bessie Broadway DVD S
35. e nombreux travaux de com mande D sapprouv par la Production Code Administration garante de l autocensure hollywoo dienne qui craignait que ce portrait critique des ins titutions soit charg de dynamite le projet tra nait depuis 1937 sur le bureau de Harry Cohn le patron de la Columbia et avait fini par tomber entre les mains du cin aste Rouben Mamoulian qui souhaitait le tourner C est alors que Capra ayant eu vent de lenthousiasme de son confr re r ussit intercepter le projet Capra sur tous les fronts Le cin aste qui tente ce moment l de n gocier au mieux son d part de la Columbia est alors dans une phase complexe de sa carri re Samuel Goldwyn essaye de l attirer la M G M o il vient d installer confortablement Robert Riskin son sc nariste attitr depuis New York Miami D autre part Capra tente simultan ment de n gocier avec un David O Selznick plus que circonspect la r a lisation d Autant en emporte le vent qu il convoite ardemment Il r ve toujours de monter sa propre compagnie ind pendante mais mose pas encore se passer du confort et de la s curit des studios La pr paration puis le tournage de M Smith lui don nent le temps de r fl chir Sil pense tout de suite pour le r le de Clarissa Saunders Jean Arthur avec laquelle il avait d j collabor dans ses deux pr c dents films il envisage d abord Gary Cooper la star de L Extravagant M Deeds Mr Dee
36. e ses propres enfants en faveur d un candi dat sorti de nulle part leur moniteur Jefferson Smith de part et d autre de la table du gouverneur sa prog niture le bombarde d arguments et par l alter nance prononc e des axes sym triques qui pivotent autour de sa silhouette en amorce pratique comme un morcellement de sa personne qui en trahit toute l ind cision infusion lente de la parole corrompue le mensonge politique butte alors contre la franche profusion et l assurance burlesque de celle des enfants D s cette premi re s quence la progression du film repose sur des rapports de force verbaux apparemment d s quilibr s enfants contre patriarche frictions de paroles sans commune mesure dont les nergies s opposent pour tant constamment La prise de parole Vu sous cet angle le parcours de Jefferson Smith peut tre consid r comme un v ritable r cit initiatique Washington en tant que capitale politique nous est d embl e pr sent e comme un royaume babylonien de la parole une grande bousculade d ambitions dans la cacophonie de laquelle ne se font entendre et donc ne survivent que ceux qui ma trisent la rh torique et les techniques de communication Au sommet de la pyramide tr nent les hommes politiques dont l loquence est strictement r glement e par le code du S nat qui g re et distribue le temps de parole Tout autour la ruche affair e des journalistes amplifie interpr te et souvent d
37. e silhouette verticale de James Stewart fend le flot des regards plant s sur lui dans un lent d placement horizontal qu accompagne une cam ra panoramique De dos face la tribune un s nateur se l ve soudain 48b empi tant sur la verticalit de Jefferson Des plans de r action tant t sur Moore et Saunders 47 49 tant t sur Smith et Paine 51 54 56 maillent tout le passage Un contrechamp en l g re contre plong e vaguement mena ante saisit les reproches qu oppose la prise de fonction de Smith le s nateur intempestif qui affecte un ton outrag 50 53 Paine vole au secours de son poulain 54 En d pit d une derni re tentative d interruption 55 le serment s effectue malgr tout 58 en un long plan fixe et unique de 25 secondes ins r entre deux plans de spectateurs 57 et 59 la prise de vue s inscrit dans la ligne de regard du vice pr sident qui de sa tribune fixe Jefferson droit dans les yeux La contre plong e creuse l espace du bas vers le haut s appuyant sur la hauteur hi rarchique et spatiale qui s pare la plus haute autorit de l assembl e du jeune pr tendant Les ques tions et r ponses du serment tablissent entre eux un lien ind fectible Quand Jefferson revient sa place sou lag il tombe sur les caricatures de lui qu ont publi es les journaux 61 62 63 Furieux il va se lancer sur la trace des journalistes 64 Une autre sc ne commence d j
38. ean Arthur Claude Rains Edward Arnold Guy Kibbee Eugene Pallette Thomas Mitchell H B Warner Harry Carey Astrid Allwyn Ruth Donnelly Russell Simpson Beulah Bondi Grant Mitchell SYNOPSIS Contre toute attente Jefferson Smith jeune homme naif et id aliste est nomm par le gouverneur de son tat la place vacante d un s nateur d funt Il se retrouve catapult Washington capitale de la roublardise politique Son premier geste est de rendre une visite fervente la statue d Abraham Lincoln sous le d me du Capitole Ses d buts maladroits se font sous la houlette de son mentor le v n rable s nateur Joseph Paine Imm diatement brocard par les journalistes qui poin tent l incongruit de sa pr sence au S nat Jefferson pr te ser ment devant une assembl e r tive et moqueuse Avec laide de sa secr taire Clarissa Saunders il se lance dans la conception d un projet de loi visant l am nagement du site paradisiaque de Willet Creek en camp de vacances pour jeunes gar ons Sans le savoir Jefferson empi te sur les man uvres frauduleuses de Joseph Paine qui soudoy par le puissant homme d affaires Jim Taylor doit faire voter la vente du m me terrain pour y cons truire un barrage Paine profite de l inexp rience de son prot g pour l carter des d bats et accuser de ses propres malversa tions Une commission d enqu te jette le discr dit sur le jeune s nateur D sabus Jefferson s appr te
39. er l appartement de son h te quand Susan appara t Elle s avance vers le jeune homme et lui tend la main celui ci fait tomber son chapeau qu il s empresse de ramasser Dans un premier temps la cam ra suit Susan et s arr te avec elle devant Smith dans un plan de si tuation o les personnages sont ca dr s l un en face de l autre Quel est alors le raccord attendu En bonne grammaire classique il serait logique de se rapprocher du visage des tour tereaux et partant du jeu des acteurs Capra ne s en tient pas la th tralit de la sc ne pousant la subjectivit de Jefferson il propose un gros plan sur sa main droite Il fait abstraction de l environnement pour se concen trer sur un d tail trivial qui prend des proportions d mesur es l univers se r duit cet objet dont le personnage ne sait que faire Ce d centrage nous plonge bien plus vivement et pudique ment dans la perte de moyens du per sonnage que si Capra avait vulgai rement insist sur ses b gaiements Lorsqu la fin de la conversation on revient au plan d ensemble les rep res spatiaux ont disparu de nos esprits et de celui de Smith on d couvre alors qu il renverse la lampe et le gu ridon qui lui barraient le chemin Effet de surprise d autant plus efficace que Capra raccorde directement dans le geste maladroit Smith ne revient la conscience objective du monde qu au prix d un contact douloureux avec sa r al
40. er un plan d ensemble de toute la sc ne les quatre acteurs y figurent Dans un sens ce plan d ensemble est une mini pi ce Puis nous tournons g n ralement des gros plans de chaque acteur rejouant la sc ne afin de souligner de rehausser tel ou tel passage dramatique de la petite pi ce Maintenant lisez attentivement et vous comprendrez pourquoi la m thode commun ment utilis e par les metteurs en sc ne pour tour ner les gros plans est inad quate et d pass e Pla ons par exemple Jean Arthur deux m tres de la cam ra Elle sera entour e de projec teurs divers sa libert de mouvement sera consid rablement res treinte car faible distance la mise au point est critique du manque de profondeur de champ Des oreilles noires avec des marques la craie fix es sur un c t ou les deux de la cam ra serviront de point de rep re son regard en lui indiquant o se trouvent par rapport elle les autres acteurs dans le plan d ensemble Une fois les d tails techniques r gl s on envoie chercher Jimmy Stewart Claude Rains et Edward Arnold pour qu ils se tiennent debout ou bien affal s dans un fauteuil derri re les projecteurs et donnent la r plique Jean Arthur Mais les acteurs importants sont trop occup s trop fatigu s ou trop d go t s par l ennui de la chose pour se pr ter cet exercice fastidieux et monotone Alors des petits r les ou des doublures font le travail pour eux
41. eures de retard Elle le conduit illico une conf rence de presse effar e par son ing nuit dont pro fitent les journalistes pour le ridiculiser Le lende main Saunders demande sa d mission Paine qui la place lui promet une augmentation 9 Premiers pas 00 35 03 00 43 57 Smith entre pour la premi re fois au S nat Un page le conduit sa place et lui explique l organisation des lieux La s ance s ouvre avec l entr e du vice pr sident Recommand par Paine Smith pr te ser ment De retour sa place il prend connaissance des images publi es par les journaux Exc d il frappe tous les journalistes sur sa route jusqu au club de presse o Diz lui fait comprendre son inutilit 10 Au travail 00 43 58 00 57 45 Smith confie ses doutes Paine qui le convainc d crire un projet de loi Le soir Saunders laide r diger son texte pour l tablissement Willet Creek d un camp de jeunes gar ons Le lende main Smith nonce d une voix tremblante son projet devant l assembl e Au nom de Willet Creek Paine bondit hors de la salle et retrouve son homme de main pour distraire Smith de ses objectifs il faut lui jeter Susan dans les pattes 11 Les marques du succ s 00 57 46 01 08 59 Le bureau de Smith est assailli le courrier afflue de partout La belle Susan l invite une soir e de gala Jalouse Saunders ronge son frein et s enivre avec Diz Le soir saoule elle
42. eurs doublures ou script girls lisant les r pliques d une voix monotone Il ny avait plus que Jean Arthur et le play back R p tition Je laissais marcher le play back sans interruption Jean Arthur articulait avec la bouche tout ce qu elle disait dans le play back du plan d ensemble ce qui avait pour effet de la remettre dans l ambiance du plan d ensemble Moteur On tourne Juste avant que Jean ne dise une r plique en gros plan je coupais le son du play back Entre deux de ses r pliques je le remettais de fa on ce qu elle puisse r agir en silence ce que Jimmy Stewart Claude Rains ou Edward Arnold disait dans le plan d en semble R sultat le gros plan de Jean Arthur s adaptait parfaitement au reste du puzzle La prochaine fois que vous irez voir M Smith au S nat t chez de remarquer l harmonie avec laquelle les gros plans se fondent dans les plans plus loign s presque comme s ils avaient t tourn s simultan ment Dans un certain sens ils l taient Frank Capra Hollywood Story Ramsay 1976 Si on souligne g n ralement l impression de fluidit et de vitesse qui se d gage de la vision de M Smith au S nat Capra dans son auto biographie souligne la discontinuit du dispositif cin matographique et du tournage en lui m me Chaque nouveau plan appelle une inter ruption dans le processus d enregistrement et une nouvelle configu ration du plateau Une grande partie du travail du cin ast
43. explose et r v le Smith la man uvre qui l a cart du S nat au moment des d lib rations sur le barrage de Willet Creek 12 Douche froide 01 09 00 01 18 20 Smith interroge Paine sur la question g nante du barrage Jim Taylor d p ch Washington inter vient et tente de corrompre le jeune s nateur qui r siste et d couvre avec douleur la culpabilit de son mentor Ce dernier se justifie par la n cessit du compromis en politique Smith profond ment d u en reste sans voix 13 Le d saveu 01 18 21 01 31 20 Au S nat on aborde la question du barrage Smith souhaite se prononcer mais Paine lui d robe la parole et en profite pour lui rejeter la fraude sur le dos Une commission d enqu te tablit la culpabi lit de Smith que des calomnies d signent comme le propri taire des terrains litigieux Smith d sa bus bagages sous le bras rend une derni re visite au Capitole Saunders le rejoint et lui remonte le moral 14 L obstruction 01 31 21 01 43 25 Smith en pleine disgr ce d barque au S nat gonfl bloc Dans les gradins Saunders prie pour lui Avant que ne soit officiellement act e son expulsion Smith capte la parole et la mono polise Il d nonce l emprise de James Taylor sur le monde politique Paine tente de s interposer mais en vain Les d put s quittent la salle en guise de protestation mais y sont rappel s de force De son c t Taylor d clenche
44. fortes qu invisibles comme la logique psychologique le raccord spatio temporel et l vidence des rapports cause cons quence La mise en sc ne de M Smith s inscrit dans ce cadre Elle brille par l tonnante variation d chelles qu elle met en jeu Capra passe avec une grande fluidit d une vision g n rale de la sc ne aux nombreux d tails qui en composent la pulsation Ce faisant il ne cesse de sauter de l ensemble aux sous ensembles de la masse au groupe et finalement du groupe l individu L action princi palement constitu e de discussions est abord e frontalement le cin aste situant toujours ses sc nes dans un lieu dont il nous donne une vue d en semble Elle est ensuite d coup e selon la prise de parole des individus dont on se rapproche et s loigne alternativement Ces constants allers retours d crivent pourtant une perc e vers les visages de plus en plus prononc e Petit petit le film qui se d roule dans la ruche quest Washington vient buter contre ces limites de la pr sence humaine exprimant tout coup une solitude compl te et bouleversante dans un r cit qui mobilise syst matiquement le col lectif banquet assembl es manifestations Se d gage alors un parcours de gros plans remarquables qui communiquent distance au cours desquels les personnages perc s impudiquement se taisent et abandonnent pour un moment la parole ma tresse et go ste qui r gnait jusqu alors Dans
45. il vraiment tre port au pr judice du cin aste La propagande n est elle qu une forme d guis e de publicit pour la d mocratie am ricaine LExercice de l tat de Pierre Schoeller 2011 Archipel 35 Coll CDC Le texte de Jo l Magny est contemporain de la red couverte de Capra qui eut lieu au tournant des ann es 90 suite la diffusion de ses films la t l vision au Cin ma de Minuit en 1988 et l mergence du march des r ditions de classiques en salles Magny fait de la question du r alisme le point central de sa d fense de Capra Il n en a pas une conception lin aire celle d un arbitre qui d terminerait si oui ou non les choses se passent ainsi dans la r alit mais dynamique plusieurs vitesses Les artifices de la fiction sont pr cis ment ce qui dans M Smith par exemple permettent de penser la noirceur de la situa tion et de lui trouver une issue sur le plan de l id al sans quoi apr s avoir fr l la catastrophe on en resterait au stade d une touffante impuissance l affirma tion d une n cessit inflexible et aveugle La r solution heureuse n est pas pour lui un mensonge mais un changement de paradigme une articulation qui per met de d passer dialectiquement la paresse du constat social malaise qui frappe ce titre bon nombre de nos fictions fran aises Il ach ve son texte en soulignant que la source la plus vibrante de v rit dans les films de Ca
46. ion d une vision du monde solidement ancr es dans le cin ma am ricain et dont il faut com mencer par mettre en lumi re les deux sources fondamentales le classicisme et le th tre Le classicisme hollywoodien une armature et un principe L expression d signe la fois une p riode historique celle de ge d or du cin ma des studios de la fin des ann es 10 celle des ann es 50 et une esth tique dont le cin aste pionnier de Naissance d une nation et Intol rance David W Griffith a pos les bases Le classicisme a d abord vis tablir un langage populaire et universel qui puisse s exporter partout dans le monde Son art essentiellement visuel car b ti au temps du muet atteint tr s vite son apog e dans les ann es 1926 1927 au moment o le cin ma s appr te bas culer vers le parlant Il consiste dans les grandes lignes r sorber la discon tinuit du processus cin matographique les prises le montage et la s paration image son par la recherche de la transparence dans larticulation des plans afin que le film se d voile dans une fluidit inconsciente de sa fabrication Cette conqu te sorte de cosm tique des coutures lui a permis de pousser tr s loin le souci de l efficacit et de la v locit de ses mises en sc ne Cette forme limpide servait une vision t l ologique du monde dont la coh rence et l ordre ainsi affirm es s arc boutaient sur des liaisons aussi
47. is sur l affiche place le titre sous son gide avec le g nitif anglais s qui indique la possession la responsabilit Il est alors assez rare qu Hollywood la marque de fabrique du r alisateur le plus souvent consid r comme un simple technicien de plateau soit ce point reconnue et serve d s l affiche caract riser esprit d un film CETTE Columbia D COUPAGE NARRATIF 0 G n rique 00 00 14 00 01 09 1 Une place vacante 00 01 10 00 02 02 On annonce la mort du s nateur James Foley La nouvelle alerte ses alli s politiques le s nateur Joseph Paine le gros bonnet Jim Taylor et sur tout le gouverneur Hopper qui doit de toute urgence nommer un rempla ant 2 Les dessous des cartes 00 02 03 00 05 28 Les comit s lectoraux s agitent la porte du gou verneur Dans l ombre c est Taylor homme d af faires v reux qui tire les ficelles Avec l aide de Paine qu il soudoie il manigance la nomina tion d un pantin au poste de s nateur afin de conclure une fraude juteuse la vente sp culative l tat des terrains de Willet Creek qui doit tre vot e prochainement au S nat 3 Un lobbying intensif 00 05 29 00 11 33 Hopper est tiraill entre les ordres de Taylor et la pression des comit s qui mettent en avant leur propre candidat Un soir table ses enfants lui par lent de Jefferson Smith un ranger tr s populaire aupr s des
48. it contondante 11 12 S QUENCE i Le serment de Jefferson L entr e de M Smith au S nat 00 35 03 00 41 38 64 plans est une s quence cruciale qui nous pr sente pour la premi re fois le d cor le plus spectaculaire du film nous initie son fonctionnement complexe et poursuit simultan ment les trajectoires des person nages La mise en sc ne impressionnante de fluidit et d aisance nous prom ne entre ces diff rents enjeux et strates de r cit d un coin l autre de l espace le creu sant le d coupant et l organisant entrechoquant les chelles du proche au lointain par une vivacit et une modulation rythmique sid rantes Aux portes du palais La sc ne s ouvre sur l criteau Senators Only plac au dessus d un ascenseur qui rappelle toute limpor tance et la dignit de la fonction La cam ra recule et descend sur Jefferson Smith et Clarissa Saunders qui sortent de l ascenseur la jeune femme pr c de le nou veau s nateur dont l intimidation est perceptible 1 Un raccord arri re nous fait changer brusquement d chelle situant les personnages dans l axe de la porte d entr e et les noyant dans la circulation d ensemble 2 Le couple se rapproche de l entr e avec un second raccord dans l axe nous sommes maintenant quelques pas de l assembl e Clarissa pr sente Jefferson au gardien qui son tour appelle un page d ores et d
49. itoyennet am ricaine La Folle Parade de Henry King 1938 ou Les Hommes de la mer de John Ford 1940 combattent l isolationnisme Deux ans plus tard Pourquoi nous combattons 1942 1945 s rie de propagande supervis e par Capra contribuera convaincre l opinion d approuver l effort de guerre Cette collusion probl matique entre la politique du gouvernement et l cho favorable qu elle rencontra dans le cin ma des studios laisse supposer une ing rence du pouvoir celui ci se serait il servi de cet instrument de per suasion massive pour faire passer son message Tout un ensemble de films pars diff rents par le genre la production l ambition mais semblables dans leur souci de didactisme peuvent aujourd hui quoi qu il en soit tre rassembl s sous la banni re d un cin ma dit rooseveltien dans le cadre duquel s inscrit compl tement M Smith au S nat Le Populisme Malgr la forte impression qu avait laiss e sur Capra la conf rence de presse d octobre 1938 cf p 6 il ne faut pas oublier pour autant la m fiance que le cin aste nourrissait l gard du pr sident et la rage qui le prendra l annon ce de son troisi me mandat en 1940 Il semble en fait que le courant de pen s e qui irrigue M Smith vienne de plus loin que le New Deal Ce courant c est le Populisme dont le programme conomique mis en uvre par Roosevelt allait provoquer le dernier sursaut Ce Populisme tait apparu aux tats Unis apr
50. lde cause de la panique par un hurlement incontr l et ridicule qui entra ne l of fuscation des s nateurs C est ensuite une gal jade du vice pr sident qui lin hibe il ne parle plus assez fort on lui demande de monter d un ton Enfin lorsqu il reprend la timidit l emporte tellement que sa voix se met trembler secou e par l motion pr te se recroqueviller sur elle m me Il lui faudra donc fixer solidement le niveau de sa voix ni trop haut ni trop bas pour trouver la bonne tonalit et parvenir une solennit digne combative sans peur ni agressivit Troisi me objectif garder la parole Lors de la session sui vante Smith s appr te d noncer le projet du barrage comme pr texte sp culation frauduleuse Alert par sa prise de parole Paine profite de son inex p rience pour la lui d rober Il ne la lui rendra plus d chargeant alors un tom bereau d accusations injustifi es sur le pauvre Smith incapable de se d fendre Plus tard convoqu devant une commission d enqu te Smith ne prendra m me pas la peine de clamer son innocence au moment o on le somme de s expliquer il sort de la pi ce sans un mot comme d courag par l id e de s exprimer Il apprend am rement que la parole est un territoire convoit qui se conquiert et se d fend Extinction de voix C est fort de tous ces enseignements que M Smith peut se lancer dans leur application conjugu e avec un v ritable
51. le simple citoyen soit impliqu au c ur de son processus sil ne l est pas c est que le syst me ne tourne pas rond Mais cette rencontre des contraires les dignitaires et ce n importe qui dont le patronyme Smith dit bien le caract re commun par nature invraisemblable doit d abord tre rendue possible par un premier effort du r cit Celui ci ne d marre donc pas comme l on pouvait s y attendre avec Smith mais directement au c ur du sujet la corruption des principes d mocratiques dans ces bureaux o se peaufinent les magouilles que met en danger un d c s D embl e nous sont expos s les cou pables et les m thodes d une malversation dont la r v lation est habi tuellement r serv e en bonne logique hollywoodienne au point d orgue de l intrigue En jouant ainsi cartes sur table Capra nous inscrit imm diatement dans le m canisme de la corruption dont il dresse un portrait pr cis et sans concession En m me temps qu il retarde savamment l apparition de Smith son h ros en titre Capra exhibe la force de frappe de son adversaire le financier Taylor capable de soumettre les lus ses int r ts Mais le burlesque avec lequel sont d crites les figures des malfaiteurs relativise leur omnipotence la nomination de Smith est due une l chet de Hopper et sa prise de fonction une erreur de calcul de Paine Ils cherchaient un pantin et vont trouver terme un homme loquent et courageux
52. le cas lorsque le gouverneur d ne avec ses enfants ou lorsque Smith donne sa premi re conf rence de presse cern par les journalistes le corps de l acteur au centre des regards fonctionne comme un pivot autour duquel les r actions se distribuent Le clou du film n est autre d ailleurs qu un immense plateau de th tre le S nat dont la forme antique et la profondeur de puits visent amplifier la parole et presque la mat ria liser cf p 15 Si la question du th tre est essentielle au film c est qu elle seule enserre troitement les notions de politique de parole et de repr senta tion qui tr nent au c ur de son sujet L agora centre de la vie publique ne reproduit elle pas pr cis ment la forme d une sc ne d o l on ferait face ce public qu est la nation pour le convaincre ou l hypnotiser Sp cificit s Le style du cin aste ne saurait se r duire dans le cas de M Smith une seule influence Capra fait ainsi preuve d une grande habilet pour filmer et faire vivre les masses la fanfare d enfants les comit s de grands lecteurs les groupes de journalistes Il ne laisse aucun des figurants au hasard et leur fait adopter des attitudes qui nourrissent un tableau d ensemble Il n y a qu observer dans le d tail chaque plan de s ance au S nat on y d c le un sid rant panel d ex pressions de torsions des visages saisis dans toute leur vari t Les s nateurs ont mil
53. le fa on de montrer col re surprise outrage ou m pris Non seulement leur mouvement g n ral est chor graphi mais celui ci est anim en interne d une foule de petits v nements Au del des sc nes les transitions qu invente Capra sont remarquables par leur caract re plastique appuy travers elles le cin aste trouve les moyens chaque fois renouvel s d exprimer le passage du temps Qu on pense cette toile du drapeau qui clate en poudre blanche juste avant le banquet donn pour la nomination de Smith ou encore ces coups de poing que le m me Jefferson crase sur le nez des journalistes et qui le conduisent au club de presse Les motifs s affolent l image est secou e par la scansion du montage ou prise d assaut par des formes qui s animent sou dain Il faut lire en ce sens la visite au Capitole la mobilit du personnage et le temps excessif qu il y passe sont relay s par une tonnante mosa que de fon dus encha n s et de surimpressions o se bousculent tous les symboles de la d mocratie am ricaine cf p 16 Mais ce qui caract rise plus profond ment le style de Capra est un certain emballement des rapports entre image et son mesure que la parole se lib re l acc l ration de la mise en sc ne s accentue Lors du morceau de bravoure le marathon de parole final Capra ne peut s emp cher de mettre en paral l le l obstruction parlementaire avec le d sordre de la ru
54. le visionnage du film de partir de plans ou de croquis du lieu tels que les l ves auront pu les esquisser C est ainsi qu appara tra un espace extr mement compartiment quadrill au sol par les bureaux des s nateurs qui se partagent entre le camp r publi cain et le camp d mocrate et entou rent en demi cercle la tribune sur le v e du vice pr sident l tage une galerie de gradins surplombe le par terre sur tout le p rim tre et accueille d autres espaces cloisonn s On re marquera que la partition entre le bas et le haut repose via l opposition de ceux qui parlent et de ceux qui cou tent sur le mod le d un dispositif th tral renforc par la r partition chorale des s nateurs Il sera d s lors int res sant de se demander o Frank Capra choisit de placer ses cam ras et pour quoi les interventions des orateurs sont souvent film es en contre plon g e Il s agira ainsi de rendre sensible importance de la parole et de montrer que larchitecture du lieu fonctionne comme une caisse de r sonance La reconstitution maniaque du S nat par les d corateurs de la Columbia avait en effet impos un espace de tournage peu commun le S nat tait ainsi une grande cuvette ferm e sur elle m me alors que les d cors de studio taient g n ralement ouverts sur un pan pour accueillir la cam ra la lumi re et l qui pe technique 15 16 AVANT LA SEANCE vidences patriotique
55. mbia quitter son poste huit jours de la c r monie annuelle pour faire pression sur les producteurs et acc l rer Tissue du conflit Ses man uvres abou tissent rapidement un claircissement et la c r monie peut avoir lieu le 23 f vrier 1939 Cit pour sept r compenses Vous ne l emporterez pas avec vous emporte deux Oscars dont celui du meilleur film et sacre une troisi me fois Capra au rang de meilleur r alisateur La fabrique de M Smith Au moment d crire le sc nario de M Smith Buchman membre actif de la Guilde des sc na ristes et du Parti Communiste am ricain nourrit une grande admiration pour la politique nationale de Roosevelt C est donc logiquement que son sc nario prend la forme d une attaque en r gle contre la corruption des institutions d mocratiques Les quelques retouches que Capra apporte de lui m me ne concernent pas tant la teneur politique de cette mise en garde que la relation d ceptive qui unit Jefferson Smith son mentor Joseph Paine laquelle il donne un peu de chair Toutefois Buchman regrettera la fa on dont Capra oriente cette relation Quand je revois le film je pars toujours avant la fin Je d teste le suicide de Claude Rains c tait une id e idiote et je l ai com battue sans succ s Soudain la situation devient compl tement irr elle Capra n a pas t capable d viter de tomber dans la violence Il aimait vrai ment cette sc ne mais en m me
56. morale des proc d s qu il emploie En d autres termes Capra pr che t il sans discerne ment pour sa paroisse les tats Unis ou relativise t il son pessimisme par des tours de force sc naristiques La d fense des principes d mocratiques est elle discutable au nom de leur actuelle corruption Le critique Georges Sadoul 1904 1967 compagnon de route du surr alisme et auteur de nombreux ouvrages de r f rence crivit au terme d ann es de recherches et de documen tation une imposante et fameuse Histoire du cin ma mondial v ritable bible qui fit longtemps autorit L extrait que nous en avons tir t moigne de sa cir conspection vis vis de l optimisme de Capra et s il commence par voquer Voltaire c est bien pour reprocher au cin aste son manque d ironie et de recul Il Paccuse d enrober son discours militant sous entendu soumis aux insti tutions officielles sous une fausse critique sociale pour mieux faire passer la pilule propagandiste On constate que Sadoul fait fausse route quand il pr tend au sujet de M Smith que les Parlements savent dompter les mauvais desseins des trusts puisque tout le film s chine montrer par l effort hom rique de son h ros toute la difficult voire l impossibilit qu il existe faire entendre une quelconque v rit dans une chambre parlementaire On pourra r fl chir sur la port e du terme pr dication le fait qu il pr che un discours peut
57. morceau de bravoure le filibuster technique d obstruction par la parole Quand il entre dans la salle et r pond l appel du quorum il n est d j plus le m me homme il l che un pr sent conqu rant qui impressionne ses adversaires Il prend d sormais la parole pour ne plus la l cher et la pousser par son exercice dans ses derniers retran chements Smith a d sormais d limit son propre espace d expression qu il doit toujours d fendre des ruses des s nateurs Sa parole si longtemps conte nue trouve devant elle le champ n cessaire son libre d roulement C est bien par la dur e que Smith vient bout de attention d un auditoire qu il assigne r sidence et finit par son endurance forcer au respect Smith d coiff est en nage tant t militante tant t arbitraire Smith lit la Constitution pour gagner du temps sa parole en roue libre et en surr gime se prodigue jus qu l puisement Petit petit sa voix se fait de plus en plus rauque de plus en plus touff e chaque nouveau mot se gagne sur la fatigue physique chaque nouvelle phrase s arrache aux limites de l endurance humaine Le message atteint la conscience des s nateurs sa voix peut s teindre avec l croulement de toute sa personne Un puits qui r sonne En quoi le S nat am ricain est il un espace particuli rement appropri une intrigue qui repose sur la ma trise de la parole sera possible apr s
58. ndit parall lement sur une foule d v nements ext rieurs campagnes manifestations congr s organisa tion des rangers intimidations repr sailles et relie directement avec audace les soubresauts du discours avec ceux de la rue Il n est pas interdit enfin de voir la trame comme une longue tem porisation avant l explosion d une jouissance appel e depuis le titre En effet M Smith promet l accomplissement d un fantasme que le peuple lui m me en pleine tribune parlementaire prenne la parole qu accaparent trop souvent ses lus De fait la prise de parole de Smith est durant les trois quarts du film emp ch e repouss e obs tru e et il faut bien le dire frustr e Quand par un coup de poker Capra la lui donne enfin au terme d innombrables preuves la digue explose sa parole se lib re et se r pand l ch e en un flot intaris sable jusqu au complet puisement de lindividu 10 VISE EN SCENE The world is a stage Aborder la mise en sc ne de M Smith peut d abord d courager tant celle ci semble discr te et retranch e derri re le sujet qu elle illustre soumise aux dia logues et cal e sur les flux humains qui parcourent le film Si le talent tech nique de Capra a souvent t reconnu on lui a aussi reproch le caract re purement illustratif de son travail Il ne faut pourtant pas sy m prendre cette discr tion et cette limpidit sont le fruit d une construct
59. ojet de loi Ce conflit entre deux ges l enfant et l adulte fonde le d s quilibre d un person nage deux vitesses toujours pris entre son excessive retenue et ses emportements Stewart est remarquable dans ces moments o son personnage explose ne retient plus ses motions son nervement Sueurs froides d Alfred Hitchcock 1958 Paramount Pictures au club de presse ou sa diatribe finale l assembl e et tel une mince brindille secou e nerveusement semble alors vibrer de tout son corps La passion dans ces moments se lit m me la peau Le film permet d s lors d interroger la figure de James Stewart au regard de ce qui d finit g n ralement le h ros am ricain type cow boy justicier ou gangster savoir ses qualit s positives phy siques comme morales force courage talent intelligence virilit Chez Stewart c est au contraire sous langle de la faiblesse qualit toute n gative que le h ros nous appara t et que se distribuent ses caract ristiques gaucherie timidit inadaptation ing nuit h sitation Stewart c est avant tout un corps remarquable qui se distingue du tout venant par son allure de grande tige effil e Il y a chez lui dans la longueur d mesur e de ses bras et de ses jambes quelque chose du singe arboricole qui semble le condamner la maladresse en soci t Ce corps est dans le plan un v ritable prin cipe d instabilit de d s
60. ommission d enqu te est h tivement mont e pour incriminer et salir le jeune s nateur Jusque l r fugi dans l isolationnisme et la neutralit vis vis des conflits europ ens le gouvernement prend conscience d s 1938 qu une guerre devient in vitable En 1939 Roosevelt renonce la neutralit am ricaine et abroge l embargo sur les armes pour aider les pays menac s Le 7 d cembre 1941 l attaque de l arm e japonaise sur Pearl Harbor sonnera l entr e en guerre des tats Unis et inaugurera une nouvelle page d histoire Le S nat mode d emploi Comment Jefferson Smith devient il l un des cent s nateurs des tats Unis Pourquoi est il consid r comme junior Pourquoi est il vu d embl e par la presse comme une potiche honoraire 00 43 39 Un travail de recherche pr alable sur les institutions am ricaines permettra avant la s ance de constater que le S nat qui si ge Washington dans l aile nord du Capitole est avec la Chambre des repr sentants l un des deux corps qui forment le Congr s organe l gislatif du pays Son r le principal est de pro poser et de voter les lois dites f d rales qui s appliquent tous les tats mais il a aussi un pouvoir de contr le sur l ex cutif Chaque tat de la f d ration y est repr sent galit par deux s nateurs le senior et le junior qui est le dernier arriv lus pour six ans mais pas en m me
61. on de ce studio fauch qui croupit alors dans des pro ductions sans attrait En quelques ann es Capra va lui faire remonter la pente Il se forme d abord sur des com dies peu co teuses mais l nergie tr pidante et attire l attention avec Grande dame d un jour 1933 o une pauvre vieille se fait passer pour riche pour ne pas faire honte sa fille Mais c est avec New York Miami 1934 com die romantique r compens e par trois Oscars dont deux pour Claudette Colbert et Clark Gable que Capra remporte son premier succ s public ph nom nal La Columbia lui laisse alors les coud es franches S ouvre ainsi une p riode d une grande richesse o chaque film est syst mati quement couronn de succ s Avec L Extravagant M Deeds 1936 nouvel Oscar Vous ne l emporterez pas avec vous 1938 et M Smith au S nat 1939 son dernier film pour la Columbia il offre au cin ma am ricain avec un impa rable sens du rythme et du tragique des chefs d uvre de p dagogie citoyenne sous forme de fables optimistes o la mise en sc ne du miracle transcende des situations sociales d une noirceur terrible Coll Cahiers du cin ma A la source des principes d mocratiques Dans les ann es 40 il encha ne deux gros succ s pour la Warner l Homme de la rue 1941 nouvelle fable citoyenne et Arsenic et vieilles dentelles 1944 d sopilante adaptation d une pi ce de Broadway Mais de 1942 1945 le minist r
62. ontrarie les milieux financiers Les res ponsables de la R serve f d rale et les associ s ultra conservateurs de la soci t J P Morgan plac s dans 167 des plus grandes entreprises du pays tentent de d stabiliser la pr sidence Cette lutte entre l tat et les sp culateurs se retrouve dans la trilogie humaniste et messianique de Capra que forment avec M Smith Extravagant M Deeds et Homme de la rue On y retrouve le m me personnage du sp culateur sans scrupules interpr t deux reprises par Edward Arnold qui pr te aussi son embonpoint et sa f rocit bonhomme au nanti de Vous ne lemporterez pas avec vous La collusion entre finance et presse ainsi que le terrifiant m canisme des campagnes de d nigrement sont gale ment pr sents dans M Smith Vers la guerre Tourn durant le deuxi me mandat de Roosevelt r lu en 1936 le film permet de saisir le climat particulier qui a accompagn la gestation du film cf p 6 Entre 1937 et 1941 le gouvernement doit affronter une rechute du march bour sier Ce revers est exploit par les ennemis politiques de Roosevelt qui laccusent d ob ir Moscou Une commission cr e par les conservateurs du Congr s doit d busquer les communistes infiltr s dans les agences du New Deal Capra se montre lui m me m fiant envers l interventionnisme du pr sident Cette d gra dation de la vie publique n est pas sans rappeler tout le passage de M Smith o une c
63. ony Pictures Entertain ment 2007 Com dies classiques New York Miami DVD Sony Pictures Entertain ment 2001 Lady For a Day DVD Wild Side 2006 Vous ne l emporterez pas avec vous DVD Sony Pictures Entertainment 2000 La trilogie populiste M Smith au S nat DVD Sony Pictures Entertain ment 2001 CExtravagant M Deeds DVD Sony Pictures Enter tainment 2006 Homme de la rue DVD Wild Side 2012 Capra propagandiste Coffret l Am rique en guerre contient la s rie Pourquoi nous combattons DVD ditions Mont parnasse 2011 Capra apr s la guerre La vie est belle DVD ditions Montparnasse 1997 Un trou dans la t te DVD M G M 2004 Milliardaire d un jour DVD M G M 2004 Bibliographie Biographies et entretiens S il est un ouvrage essentiel recommander qui conque s int resse de pr s ou de loin au cin ma de Frank Capra c est bien sa formidable autobio graphie dont il existe une traduction fran aise qui ne compile que des morceaux choisis Frank Capra Hollywood Story Ramsay 1976 Les anglophones pr f reront retrouver la langue vigoureuse et haute en couleur du cin aste dans son texte original et complet Frank Capra The Name Above the Title an Auto biography The Macmillan Company 1971 En anglais galement une biographie passionnante et plus objective ainsi qu une s rie d entretiens tardifs Joseph McBride The Catast
64. oqu s les contes de Voltaire ou le cin ma de Coppola et Cassavetes Ces allusions loin d tre paralysantes peuvent tre une invita tion inscrire la r flexion dans une perspective comparatiste On pourra ainsi sugg rer d autres uvres miroirs comme Soyez sympas rembobinez de Michel Gondry 2008 fable qui met en relief la notion de communaut ou L Exercice de l tat de Pierre Schoeller 2011 r flexion tr s contemporaine et d sabus e sur les coulisses de la poli tique cet gard la mise en regard des textes de Sadoul et Magny propo se une ligne de partage laquelle les l ves peuvent confronter leur propre regard Le film c de t il au go t de la pr dication en proposant des re p res na fs ou est il un acte de foi salutaire dans le triomphe obligatoire des droits de l homme faute de quoi tout sombrerait dans l absurde et le chaos m me si le monde d crit ici n existera sans doute jamais ailleurs que dans les films de Capra C est dans cette perspective qu une critique devra in fine se poser la question de l actualit du film L id alisme de Jefferson Smith a t il du sens ici et maintenant 0 20 T MOIGNAGE La gageure des gros plans Supposons que Jimmy Stewart Jean Arthur Claude Rains le vieux s nateur et Edward Arnold le politicard jouent une sc ne assez dramatique La premi re chose que nous faisons c est de tour n
65. oue pourtant d j un h ros atypique et paradoxal dont la fragilit annonce les personnages tourment s qu il incarnera bient t chez Alfred Hitchcock Anthony Mann et John Ford mais aussi le der nier qu il interpr tera pour Capra dans La vie est belle en 1946 Face lui Jean Arthur et Claude Rains adjuvant et opposant id aux et subtils sont loin de n tre que des faire valoir James Stewart h ros maladroit N en 1908 dans la petite bourgade d Indiana en Pennsylvanie James Stewart n a rien d un d butant lorsque sort M Smith au S nat Form par le th tre universitaire au sein de troupes comme le Princeton Triangle Club ou les University Players de Falmouth Massachusetts il a jou Broadway o il s est li d amiti avec son colocataire l acteur Henry Fonda Rep r en 1934 dans la pi ce Yellow Jack de Sidney Kingsley il a pass des essais pour la M G M qui l a pris sous contrat et lui fait tourner pr s de vingt six films en cinq ans C est ainsi qu il a gagn ses galons de vedette J tais acteur sous contrat C tait un travail plein temps Si on ne tour nait pas des bouts d essai on s entra nait au gymnase pour garder la forme On prenait des le ons de diction On allait faire la promotion des films On battait la campagne en faveur de l industrie du cin ma Stewart emporte alors une affection grandissante de la part du public Son identit la fois digne et mala
66. oureux dans l id e tr s s rieuse que M Capra sera responsable de l im puissance des tats Unis arr ter la guerre sa sortie le film conna t un beau d marrage Il rapporte terme 3 86 millions de dollars sans faire d normes b n fices il rembourse les d penses du tournage et de la distribution En Europe il est cha leureusement accueilli et n apporte pas comme on l avait craint de l eau au moulin du totalitarisme Au contraire M Smith sera en France le dernier film de langue anglaise tre projet dans les salles avant qu entre en application l interdiction nazie de toute diffusion sur le territoire des bobines de pro venance britannique ou am ricaine Le Hollywood Reporter du 4 novembre 1942 rapporte que Lors que la nouvelle fut annonc e les Fran ais afflu rent vers les cin mas pour voir la derni re projection d un film am ricain Des applaudissements spontan s salu rent la s quence o sous la statue d Abraham Lincoln le mot libert appara t sur l cran lorsque le drapeau am ricain commence flotter sur la t te du grand mancipateur De m me des vivats et des acclamations ponctu rent le fameux discours du jeune s nateur sur les droits et la dignit de l homme Capra s affiche Lune des affiches am ricaines se pr te particuli rement analyse D une rigidit tr s institutionnelle elle met en avant une image fourmillante de la communaut
67. ouverneur du Massachusetts au bas de la D claration d ind pendance 7 Au Congr s Smith contemple les originaux de la D claration d ind pendance et de la Constitution expos s au public 8 Des inserts sur les mots manuscrits Life Liberty pursuit of Happiness sont extraits de la deuxi me phrase de la D claration d ind pendance Nous tenons pour videntes pour elles m mes les v rit s suivantes tous les hommes sont cr s gaux ils sont dou s par le Cr ateur de certains droits inali nables parmi ces droits se trouvent la vie la libert et la recherche du bonheur En alternance retentit la Liberty Bell du Congr s de Pennsylvanie o a t vot e l ind pendance sur laquelle est inscrite en anglais cette phrase du L vitique Vous proclamerez la libert dans tout le pays pour tous ses habitants 9 Entre les coups scand s de la cloche se succ dent les statues de Samuel Adams cor dacteur de la Constitution et d Alexandre Hamilton principal penseur et auteur de la Constitution 10 l ext rieur Smith admire le mausol e en forme d ob lisque d di George Washington 11 Appara t la statue de Washington alors que d marre le th me de l hymne national am ricain 12 La banni re toil e drapeau national flotte en surimpression sur une sculpture de l aigle royal le pygargue t te blanche embl me des tats Unis Toujours sur fond de drapeau on aper oit
68. pel la bonne volont assez loign de la v ritable d mocratie Pourtant l ensemble de leurs films fut caract ristique du lib ralisme de la p riode rooseveltienne Georges Sadoul Histoire du cin ma mondial Flammarion 1949 On touche ici la sp cificit du cin ma de Capra une subtile relation entre le son et l image Dans ses meilleurs films l action l image est rapide tr pidante poustouflante L il a peine en retenir les lignes de force sans cesse renouvel es D o d ailleurs l impression d une absence de mise en sc ne ou d une mise en sc ne pauvre simple illustration du sc nario ce qui a sans nul doute desservi l uvre aupr s d une g n ration sensible la forme visuelle plus qu au discours Le verbe est ainsi n cessaire pour instaurer un peu de stabilit dans ce chaos d v nements contradictoires pour donner un sens que l image trop pr occup e de tout montrer n a gu re la possibilit de faire surgir seule Rep res na fs dit on C est confondre un peu vite la na vet ou l inno cence suppos es des h ros de Capra avec le propos du film et partant la 2 K D ta L 3 wa Y t e Tucker de Francis Ford Coppola 1988 Lucas Film Coll CDC personnalit du r alisateur l Am rique des films de Capra et pas seulement ceux des ann es 30 n est gu re celle que l on pouv
69. plut t qu un quelconque enjeu individuel o un signe d appartenance g n rique du film Son titre et sa distribution sont encadr s dans un motif de fronton ou de plaque comm morative semblables ceux qu on croise sur les monuments officiels dont la typographie stricte et rectiligne empreinte d une dignit solennelle est ici restitu e ce motif renvoie d ailleurs au g n rique Les visages du couple de stars apparaissent c te c te droite du titre dans une m me chelle de gran deur se d marquant par leur taille des autres personnages Leurs regards poin tent dans la m me direction vers une hauteur surplombante nous indiquant que l important r side moins dans lhis toire d amour qui les r unit que dans une v rit transcendante monumentale qui les surplombe le Capitole ou le Lincoln Memorial imagine t on qu on ne voit pas ici mais vers lesquels on l ve plusieurs fois les yeux au cours du film Les deux h ros semblent transport s vers l institu tion qui les contemple Autour d eux s or ganise un collage confus et bariol o les personnages fig s dans des postures dramatiques semblent jet s les uns sur les autres dans une logique cumulative qui promet une richesse de situations une profusion de caract res ainsi que ces fameux mouvements de masses pour lesquels le cin aste Capra s est rendu c l bre On remarquera que l omnipr sence de son nom r p t trois fo
70. pra tient avant tout cette nergie vitale circulant entre les personnages comme un flux puissant et d bordant On pourra bien videmment se questionner suite cela sur la validit ou non de la vraisemblance comme chemin le plus direct vers la v rit cin matographique 1 Sc nariste attitr de Capra la Columbia jusqu Vous ne l emporterez pas avec vous 1938 aupr s duquel le cin aste d veloppa la fameuse formule qui le rendit c l bre et qu il d crit lui m me ainsi un homme du peuple p tri de bon sens et d honn tet brutalement confront aux forces du mal l emporte gr ce sa bont inn e Hollywood Story Ramsay 1976 2 John Cassavetes 1929 1989 com dien et cin aste fut la figure de proue au tournant des ann es 60 d une modernit du cin ma am ricain en renouvelant ses formes avec des films petit budget tourn s dans les rues de New York ouverts l improvisation et peupl s d acteurs inconnus crire sur Capra Comment mettre en place un atelier d criture critique partir de la projec tion de M Smith au S nat La lecture pr alable de Georges Sadoul et Jo l Magny peut s av rer clairante sur cer tains points c est ainsi que les deux textes proposent un regard personnel et nuanc sur le film en ayant recours des r f rences litt raires ou cin ma tographiques qui peuvent tre loi gn es de la filmographie de Capra Sont ainsi conv
71. quelques images des m moriaux de guerre implant s sur le National Mall Puis en travelling lat ral on aper oit le b timent central du cime ti re national dQ Arlington o sont enterr s les h ros et personnalit s de la R publique puis quelques plans des tombes sur les notes de trompette de la Sonnerie aux morts 13 La cam ra embarqu e en voiture tourne autour du mausol e d di Abraham Lincoln seizi me pr sident des tats Unis le Lincoln Memorial 14 Smith devant les marches du mausol e tourne le dos au National Mall et au mausol e de George Washington 15 Smith monte les marches face l imposante statue de marbre blanc de Lincoln repr sent en position assise Surplombant la statue on lit la d dicace du mausol e Dans ce temple et dans le c ur du peuple pour qui il sauva l union la m moire d Abraham Lincoln est pr serv e jamais 16 Sur les murs int rieurs du mausol e figurent les principaux dis cours de Lincoln dont la fameuse Adresse de Gettysburg du 19 no vembre 1863 o fut voqu le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple Un grand p re la fait lire son petit fils tandis qu un vieil et humble homme noir vient rendre un hommage silencieux au lib rateur des esclaves GENRE Le film didactique Les Raisins de la col re de John Ford 1940 20th Century Fox Coll CDC quel genre appartient M Smith au S nat premi re vu
72. rophe of Success Simon amp Schuster 1992 Leland Poague Frank Capra Interviews University Press of Mississippi Jackson 2004 Essais Christian Viviani Frank Capra ditions des Quatre Vents Lherminier Collection Spectacle Poche 1988 Georges Sadoul Histoire du cin ma mondial Quinze ans de films am ricains 1930 1945 pp 246 247 Flammarion 1949 P riodique Positif n 133 Frank Capra octobre 1971 Num ro entier d di au cin ma de Frank Capra Articles Jo l Magny Les trag dies optimistes de Frank Capra Cahiers du cin ma n 448 octobre 1991 Pascal Bonitzer La machine influencer Cahiers du cin ma n 357 mars 1984 Jeffrey Richards Frank Capra et le cin ma du populisme Positif n 133 d cembre 1971 R my Pithon Un cin ma rooseveltien Hollywood au service du pouvoir 1930 1945 Les Cahiers de la Cin math que n 20 t 1976 Serge Daney Frank Capra La Maison cin ma et le monde PO L 1988 2012 Fran ois Truffaut Frank Capra le gu risseur Les Films de ma vie 1975 Sitographie S bastien Chapuys Il ny a qu un seul Capitole et la statue de Lincoln est son proph te http www critikat com Monsieur Smith au Senat html Mathieu Macheret Sexe intentions http www critikat com New York Miami html Alissa Wenz Plus on est de fous http www critikat com Vous ne l emporterez pas avec vous html Erick M
73. s Une s quence se distingue du r gime discursif de M Smith par son emballement plastique celle o le h ros d couvre les monuments de Washington 00 22 16 00 25 37 Elle r pond une figure du r cit cin matographique qu on appelle montage s quence son but premier est d exprimer le passage du temps elle le compresse donc en une succession de vignettes reli es par des fondus encha n s Par un feuillet de surimpressions se bousculent images et symboles des institutions la s quence a l apparence d un clip publicitaire en faveur de la d mocratie et des valeurs am ricaines La musique qui nous porte d un bout l autre du passage confirme cette lecture proposant un montage de morceaux li s l histoire du pays comme Yankee Doodle chanson anglaise devenue chant patriotique am ricain elle mime la conqu te de l ind pendance en progressant globalement du God Save the Queen britannique vers le Star Spangled Banner devenu hymne national par une r solution du Congr s de 1931 l ensemble charrie donc un ensemble de r f rences citoyennes videntes pour un spectateur am ricain mais dif ficilement lisibles aujourd hui pour le jeune public fran ais Il n est donc pas inutile de les expliciter au pr alable en proposant un visionnage de la s quence avant la projection en salle 1 Smith est dans le bus Par la fen tre il voit le fronton ouest de la Cour supr me avec l
74. s la Guerre d ind pendance suite la promulgation de la Constitution et l tablissement dun gouvernement f d ral centralis dont la politique allait l encontre de la ligne d mocratique originelle d fendue par les anti f d ra listes Les Populistes nourrissaient un id al r publicain d honn tet et d galit des chances ancr dans la D claration d ind pendance et soutenaient lindi vidualisme contre le monopole financier et ses privil ges Au d but du ving ti me si cle les crivains populistes issus de la classe moyenne cr rent des uvres aux bonnes intentions et deux d entre eux Clarence Budington Kelland et Damon Runyon sont l origine de deux r ussites de Capra CExtravagant M Deeds d apr s Opera Hat du premier et Grande dame d un jour d apr s Madame La Gimp du second Le principal motif des crits populistes est l l vation de l homme issu du peuple au rang de responsable politique on reconna t l la trame de M Smith Le personnage la fois r el et l gendaire qui concentrait en lui toute cette mythologie du Populisme n tait autre qu Abraham Lincoln avocat l humble naissance qui s tait lev jusqu aux bureaux de la Maison blanche La grande taille et la minceur de cet homme simple se refl tent tonnamment dans l allure de Jefferson Smith et le parall le devient vi dent lors de l hommage qu il rend lui m me Lincoln quand il d barque Washington
75. sident qui dans le salon atte nant regarde sa montre 30 un travelling de biais suit son entr e et vient encore une fois buter au seuil de l assembl e Par ce motif r p t Capra insiste sur la limite qui s pare l int rieur de l ext rieur Une vue d ensemble en plong e sur la tribune que gagne le vice pr sident 31 est coup e par un insert brutal sur les quelques coups de heurtoir qui ouvrent la s ance 32 nous bondissons du g n ral au d tail La lecture de la pri re est relay e par un panoramique qui balaye le parterre 33 puis remonte doucement vers la galerie concr tisant par un lent mouvement d appareil la parole sacr e qui se r pand sur l auditoire et monte jusqu aux combles Absorb dans la pri re 35 Smith se rassied avec un bref temps de retard sur ses homologues 36 signe de sa ferveur et de sa verdeur conjugu es La s ance entre dans son cours normal ponctu e par les corps des s nateurs qui se dressent pour prendre la parole 37 39 et les coups de heurtoir que frappe le vice pr sident 38 Une ellipse mat rialis e par un balayage horizontal de l image nous am ne l heure du serment 41 Spectaculairement cadr du fond de la salle en focale assez courte pour qu apparaissent bu reaux galerie et tribune un plan cardinal suit dans toute sa dur e ins cable la marche qu effectue Jefferson de son bureau jusqu la tribune dans un silence quasi complet 48a La grand
76. ssa qui contrairement Jefferson se faufile habilement 7 et s assied pr s des journalistes Un l ger panoramique accompagne son d placement vif et d cid et un raccord dans l axe la r cup re aupr s de son camarade Diz Moore 8 Ils sont install s comme les spectateurs d une pi ce qui se joue en contrebas ou comme des commentateurs sportifs On se croirait d ail leurs dans les gradins d un stade Capra saisit leur dis cussion de face 9 puis un regard de Clarissa nous ren voie Smith 10 perdu dans l ar ne aux alentours de son bureau L homme et Penfant Le cin aste pose ensuite le cadre familier frontal et pur soutenu par le format 1 37 de l image qui va accueillir la relation touchante entre Smith et le petit page Cet enfant est le seul soutien que Smith rencontre dans l ar ne et c est leur complicit que le cadre met en avant r v lant quelle part infantile habite le caract re du jeune s nateur Par son jeu formidable de finesse James Stewart se met la hauteur du gar on s adresse lui d gal gal sans aucune ironie ni paternalisme mais avec une candeur in galable L acteur se met au niveau de enfant lorsqu il s assied son bureau 11 les deux personnages se parlent alors face face Jefferson pour ses premiers pas au S nat est pass directement des mains d une femme celles d un enfant avec ces deux alli s se dessine une petite communaut
77. t Smith apprend de la bouche du page qu il occupe le bureau de Daniel Webster La r f rence est un clin d ceil la suite Webster fut avant la Guerre de S cession un important homme politique et un orateurs hors pair qui d fendit avec loquence ses positions nationalistes 117 18 Horizons perdus E Capra 1937 Co mb dE us DC CRITIQUE Un tragique optimiste Voltaire en crivant Candide ou Microm gas utilisait des apologues plaisants pour cacher la censure des id es audacieuses Capra et Riskin reprenaient d anciennes fables Cendrillon Don Quichotte etc pour se soumettre la cen sure mais aussi pour imposer au public certaines id es Leur propagande n e t pas t ais ment admise sans la farce qui les enveloppait et sans certaines cri tiques sociales qui furent des couvertures plut t que des audaces Pour le rire ils enseign rent que tout tait pour le mieux dans la meilleure des d mocraties o les Parlements savent dompter les mauvais desseins des trusts M Smith au S nat Robert Riskin n a pas collabor ce film dont le sc nario est de Sidney Buchman Le film contient de tr s beaux passages et est peut tre le chef d uvre de Capra Les deux hommes eurent le tort de c der trop leur go t de la pr dication qui fit de Horizons perdus une all gorie ennuyeuse et ridicule L Homme de la rue Meet John Doe tout aussi pr dicant fut un ap
78. tewart Arthur Rains Gen se id alisme et d sillusions D coupage narratif R cit Corruption obstruction explosion Mise en sc ne The world is a stage S quence Le serment de Jefferson Motif Les circulations de la parole Avant la s ance vidences patriotiques Genre Le film didactique Critique Un tragique optimiste T moignage La gageure des gros plans consulter 10 12 14 17 18 20 FICHE TECENIQUE Monsieur Smith au S nat Mr Smith Goes to Washington LA JAMES STEWART JEAN ARTHUR Columbia tats Unis 1939 R alisation Sc nario Image 50 Direction artistique Musique Montage Producteur Production Distribution France Dur e Format Tournage Sortie Interpr tation Jefferson Smith Clarissa Saunders S nateur Joseph Harrison Paine Jim Taylor Gouverneur Hopper Chick McGann Diz Moore S nateur Agnew Le vice pr sident Susan Paine Emma Hopper Kenneth Allen Ma Smith S nateur MacPherson Frank Capra Sidney Buchman d apr s The Gentleman from Montana de Lewis R Foster Joseph Walker Edward Bernds Lionel Banks Dimitri Tiomkin AI Clark Gene Havlick Frank Capra Columbia Pictures Columbia 1940 Park Circus 2013 2 h 09 137 Noir et blanc 3 avril 1939 7 juillet 1939 17 octobre 1939 tats Unis 19 janvier 1940 France James Stewart J
79. une petite bulle m nag e par le cin aste ils se mettent miraculeusement couter entendre leur interlocuteur ou le mouvement profond de leur me Le th tre preuve de v rit Le muet tait parvenu jusqu la fin des ann es 20 inventer une criture d gag e des assises th trales auxquelles s tait arrim le cin ma premier Dans la d cennie suivante l arriv e du son place au centre du film la voix des acteurs et signe le grand retour du spectacle th tral au cin ma Pourtant quelque chose a chang le th tre n encadre plus tant la repr sentation cin matographique qu il trouve en celle ci un nouvel outil plus dynamique et mobile pour mettre en sc ne ses sujets les diffuser grande chelle et d multiplier par les pouvoirs de la cam ra les possibilit s de la sc ne Les conversations qui font la substance de M Smith sont situ es dans des lieux qui reproduisent la structure traditionnelle de l espace sc nique avec son cadre de sc ne son plateau et ses coulisses Mais Capra n en reste pas l et comme il raconte l apprentissage de l loquence ou la formation d un acteur en vient mettre en sc ne le dispositif sc nique lui m me en le reproduisant plusieurs reprises l int rieur des sc nes favorisant le th tre dans le th tre Souvent un personnage orateur est entour d un public dont les interventions le tiraillent ou l interpellent C est
80. urnent le dos En 1961 il tourne pour la United Artists un remake de Grande dame d un jour Milliardaire d un jour l acteur Glenn Ford fait vivre un tel enfer Capra que le v n rable cin aste va pr f rer se retirer progressivement du m tier Il mourra trente ans plus tard en septembre 1991 d une crise cardiaque CONTEXTE 1929 1939 la grande lessive Pour saisir le contexte qui entoure la fabrication et la sortie de M Smith au S nat en 1939 il faut revenir dix ans en arri re Wall Street principale place boursi re am ricaine en ce mardi noir du 29 octobre 1929 C est le d but d une crise financi re inouie qui s abat sur l conomie et la population am ri caines avant de gagner le monde Cinq ans apr s le krach 5 millions d Am ricains demeurent sans emploi chiffre qui double l ann e suivante et triple encore par la suite Les faillites en s rie jettent 123 millions d habitants dans la mis re Les files s allongent n en plus finir aux guichets des soupes populaires C est dans ce contexte que Franklin Roosevelt gouverneur de New York et leader d mocrate remporte les lections de 1932 face au pr sident sortant Hoover qui annon ait peu avant le krach La prosp rit est au coin de la rue Roosevelt promet au peuple un new deal nouvelle donne et obtient la majorit des voix Sa grande innovation va tre de multiplier les interventions de l tat dans la vie
81. vie la libert la poursuite du bonheur comme dans le triomphe obligatoire des droits de l homme faute de quoi tout sombrerait dans l absurde et le chaos Mais pour que cette croyance puisse fonctionner pour que le spectateur passe de la vision pessimiste au propos optimiste il faut qu entre les deux s tablisse un courant puissant Ce courant John Cassavetes2 admirateur inconditionnel du plus grand de tous les r alisateurs am ricains le voyait dans le flux de vie et d nergie qui irrigue de part en part le cin ma de Capra du r alisateur ses personnages et que l on retrouve sous une forme personnelle dans les films de Cassavetes C est cette vie et cette nergie qui permettent aux per sonnages de renverser les montagnes du mal de l goisme et du pouvoir ce Soyez sympas rembobinez de Michel Gondry 2008 New Line Cinema Coll CDC sont elles qui nous permettent de croire envers et contre tout un monde qui n existera sans doute jamais ailleurs que dans les films de Capra et d admettre avec lui que Its a Wonderful Life Jo l Magny Cahiers du cin ma n 448 octobre 1991 La r union de ces deux textes l un m fiant l autre enthousiaste nous per met d apercevoir l volution qu a suivie la consid ration critique de Frank Capra en France mais donne surtout l occasion de nous interroger sur le rap port probl matique du cin aste la r alit historique et la nature

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