dans La Vie mode d`emploi ?
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1. en effet lorsque les mitrons sortent des pains du four c est par milliers et les portions de rago t sont vers es par centaines En outre on pourrait voir dans l article des dont nous avons d j parl plus haut une marque imperfective dans le sens o celui ci n implique pas de borne On devrait enfin sans doute consid rer l effet de profusion comme une combinaison d isotopies de taille inf rieure cette multiplicit exprim e dans le tableau ci dessus et le d passement de seuil amplifi par l it ration que nous abordons pr sent Car ce qui est remarquable ici c est la mise en commun de ces activit s produite par l nonciation mais encore leur empilement sous terre et diff rents niveaux En effet les plus bas successifs marquant le d but de chaque paragraphe sauf le quatri me o Perec choisit plus loin laissent bien entendre que l imagination de Val ne s enfonce vers les profondeurs Mais cette descente graduelle ne semble pas correspondre une intensit infernale croissante Preuve en est donn e par Perec lui m me lorsqu il crit au d but du huiti me paragraphe plus bas recommenceraient les 4 De nettes ressemblances sont voir ici avec la s rie des prisons imaginaires de G Piranesi des planches grav es intitul es Invenzioni di carceri litt ralement inventions de prisons dans lesquelles celui ci met en uvre une spatia2. La caract ristique majeure d une impli citation c est son implicitation c est dire son aptitude s int grer au discours du narrateur sans que soit perceptible la rupture d isotopie nonciative une suture invisible voil Pop ration que doit r ussir le scripteur B Magn distingue aussi implici citation simple sans trace nonciative marqu e et complexe avec trace du changement d nonciateur Ces distinctions ne sont pas sans rappeler celles qui sont l uvre dans les diff rents types de discours rapport Au niveau interpr tatif il n y a d autre outil de d tection que la connaissance du texte impli cit coupl de soup on Mais au del de ces consid rations notre souci est de d montrer comment par ces impli citations Perec importe aussi le th me des textes dont celles ci sont extraites car comme le rappelle D Bellos 1994 645 son roman est l pour les honorer pour honorer POuLiPo et les livres que Perec aimait et d sira non seulement citer mais rcorborer dans son uvre ma tresse Comment les th matiques de Les Villes invisibles se trouvent elles repr sent es et d velopp es dans le chapitre en question Christophe Cusimano et Joachim Dupuis 7 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi ludons Les villes et le nom 3 et donc Pirra qui ne donne lieu qu une courte impli citation pompes hydrauliques Perec convoque Les v
3. la forme de multiples langues Double mouvement d expansion anatomie et d explosion po sie mondiale Ce double mouvement correspond d abord l int gration d un cnamen dans les contraintes un certain jeu puis l on passe la fin une sorte de nouveau po me qui n est plus simplement l cart ou l exception d un syst me mais ce qui va conditionner le syst me autrement et le recr er ce moment l Perec modifie son rapport au syst me mais ce n est plus lui qui ordonne le po me ce dernier est anim par une case vide un premier moteur qui n est pas au m me niveau que ce qu il anime Ce point nous semble t il a chapp aux perecquiens sauf peut tre D Bellos qui en a pr cis ment l intuition avec l id e de geste On aurait donc en consid rant toute la pi ce radiophonique s cases du syst me qui fonctionnent selon des contraintes un cnamen variations et une case vide geste de cr ation qui Panime en profondeur Soit la fois les contraintes les variations et l erreur qui fait bouger le syst me autrement en le recr ant zotalement Les Oulipiens envisagent surtout les structures et restent finalement peu sensibles la logique des forces et des tensions qui peuvent s inscrire dans une logique contrapunctique Il en parle lors de ses invitations l tranger et notamment propos des contraintes en po sie Le dinamen lui sert dans ce cas souligner les carts ou libert
4. t s v tus de tabliers de cuir noir leur il unique prot g par un verre bleu serti dans du m tal martelant de leurs masses d airain des boucliers tincelants 2 Les textes de Calvino Les villes et le nom 3 Longtemps Pirra a t pour moi une ville ench ss e sur les pentes d un golfe avec de hautes fen tres et des tours ferm e comme une coupe avec au milieu une place profonde comme un puits et avec un puits au milieu Je ne l avais jamais vue C tait une de ces nombreuses villes o je ne suis jamais all que je m imagine seulement travers leurs noms Euphrasie Odile Margara G tullie Pirra avait sa place parmi elles distincte de toutes les autres comme chacune des autres unique aux yeux de Pesprit Vint le jour o mes voyages me conduisirent Pirra peine y avais je mis les pieds que tout ce que j imaginais tait oubli Pirra tait devenue ce qu est Pirra et je croyais avoir toujours su que de la ville on ne voit pas la mer cach e par une dune sur la C te basse et ondul e que les rues sont longues et droites que les maisons sont group es de loin en loin qu elles ne sont pas hautes et que les s parent des d p ts de bois de charpente et des scieries que le vent fait tourner les moulins des pompes hydrauliques D sormais le nom de Pirra me remet en Pesprit cette vue cette lumi re ce bourdonnement cet air dans lequel vole une poussi re jaune il est vident qu il ne signif
5. Joachim Dupuis 12 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi Annexes 1 Le texte de Perec CHAPITRE LXXIV Machinerie de l ascenseut 2 Parfois il imaginait que l immeuble tait comme un iceberg dont les tages et les combles auraient constitu la partie visible Au del du premier niveau des caves auraient commenc les masses immerg es des escaliers aux marches sonores qui descendraient en tournant sur eux m mes de longs corridors carrel s avec des globes lumineux prot g s par des treillis m talliques et des portes de fer marqu es de t tes de mort et d inscriptions au pochoir des monte charges aux parois rivet es des bouches d a ration quip es d h lices normes et immobiles des tuyaux d incendie en toile m tallis e gros comme des troncs d arbres branch s sur des vannes jaunes d un m tre de diam tre des puits cylindriques creus s m me le roc des galeries b tonn es perc es de place en place de lucarnes en verre d poli des r duits des soutes des casemates des salles de coffres quip es de portes blind es Plus bas il y aurait comme des hal tements de machines et des fonds clair s par instants de lueurs rougeoyantes Des conduits troits s ouvriraient sur des salles immenses des halls souterrains hauts comme des cath drales aux vo tes surcharg es de cha nes de poulies de c bles de tuyaux de canalisations de poutrelles avec des plat
6. l interpr tant dans la vie de Perec en effet nous savons que son enfance est litt ralement tragique puisqu il perdit son p re tr s t t mort au combat en 1940 et que sa m re mourut Auschwitz en 1943 De ces absences il puise la n cessit imp rieuse d crire pour recr er le foyer familial Ceci est crit on ne peut plus clairement dans W ou le souvenir d enfance 1975 59 J cris j cris parce que nous avons v cu ensemble parce que j ai t un parmi eux ombre au milieu de leurs ombres corps pr s de leur corps j cris parce qu ils ont laiss en moi leur marque ind l bile et que la trace en est l criture leur souvenir est mort l criture l criture est le souvenir de leur mort et l affirmation de ma vie 6 I cadaveri seccati in modo che ne resti lo scheletro rivestito di pelle gialla Le citt e i morti 3 7 C Burgelin m crit il pas 2002 217 Toutes ces qu tes auxquelles on s affaire autour de la rue Simon Crubellier sont oiseuses et futiles 8 Al posto dei tetti ci si immagina che la citt infera abbia pattumiere rovesciate da cui franano croste formaggio carte unte resche risciacquatura di piatti resti di spaghetti vecchie bende Le citt e il cielo 2 Christophe Cusimano et Joachim Dupuis 8 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi Sans vouloir revenir en d tails sur ces l ments nous pourrions toutefois
7. les lexies salles d archives remplies centraux t l phoniques alignant sur des kilom tres liasses monceaux entass es On peut aussi y noter un ordre certain impeccablement repass es blouse grise mange papier chemises brunes registres reli s Mais lactivit d velopp e est plut t rative les militaires d placent des drapeaux les fonctionnaires compulsent les t l scripteurs cr pitent les ordinateurs d bitent les incin rateurs engloutissent et ceci longueur de journ e sans fin La premi re lecture que nous venons de d tailler et qui s appuie sur des interpr tants presque exclusivement co textuels rend compte d un parcours depuis un empire mythologique jusqu Pempire technologique notre sens elle doit pr sent tre compl t e par une seconde couche interpr tative bas e sur l hommage inscrit explicitement dans ce texte de Perec l un des auteurs qu il tenait en haute estime 2 ou vers les Villes Invisibles d Italo Calvino En effet cette image de l iceberg dont nous avons parl plus haut n est sans doute qu une projection de Bersab e cette ville zwwsible dont les habitants pensent qu une autre ville souterraine infernale recueille selon leurs d sirs tous les d chets Credono pure questi abitanti che un altra Bersabea esista sottoterra ricettacolo di tu
8. nobles et les pierres rares ils rejettent les effusions passag res ils laborent des formes compos es rigoureusement Ils croient pourtant ces habitants qu une autre Bersab e existe sous terre r ceptacle de tout ce qui leur arrive de m prisable et d indigne et c est pour eux un soin constant que d effacer de la Bersab e visible tout lien ou ressemblance avec la jumelle d en bas A la place des toits on imagine que la ville inf rieure a des poubelles renvers es desquelles s chappent des cro tes de fromage papiers gras ar tes de poisson eau de vaisselle restes de spaghettis vieux bandages Ou tout simplement que sa mati re est celle l m me sombre souple et dense comme la poix qui tombe dans les cloaques prolongeant le parcours des visc res humains d un trou noir dans un trou noir jusqu ce qu elle s crase sur l ultime fond souterrain et que pr cis ment partir de bols paresseux lov s l bas s l vent tour apr s tour les difices d une ville f cale aux fl ches torsad es Dans les croyances de Bersab e il y a une part de v rit et une part d erreur Il est vrai que deux projections d elle m me accompagnent la ville Pune c leste et Pautre infernale mais pour ce qui est de consistance on se trompe L enfer qui couve dans le plus profond sous sol de Bersab e est une ville dessin e par les architectes les plus autoris s construite avec les mat riaux les plus chers sur la pl
9. rspiel Ce passage doit donc bien recevoir un sort diff rent des autres chapitres dans le sens o il est n cessaire l dification de immeuble il faut bien que l erreur soit marqu e dans le syst me de mani re flagrante l chelle d un chapitre il faut bien qu il y ait une case vide Or celle ci n est pas la place vide apparente de la cave m me si Perec a aussi besoin de marquer cette d faillance Christophe Cusimano et Joachim Dupuis 11 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi k m 10 Dad x x dans le syst me lui m me La saisie de la case vide ne peut se faire que dans le trou que Perec s efforce de m nager dans les lignes de l uvre pour paraphraser la citation de Klee qui commence la Vie Mode d emploi Il faut alors errer dans des lieux que l on ne reconnait pas en tant que vivants comme lors de ce voyage onirique dans la machinerie de l ascenseur Indications bibliographiques D Bertelli 1998 Petite revue d un scrutateur les impli citations d Italo Calvino dans La Vie mode d emploi pp 265 277 in Perec et l Image Le Cabinet d amateur Revue d tudes perecquiennes n 7 8 d cembre 1998 D Bellos 1994 Georges Perec une vie dans les mots Paris Seuil D Bertelli et M Ribi re d 2003 Georges Perec Entretiens et conf rences T 1 1965 1978 Joseph K J D Bertharion 1998 Po tique de Georges Perec Paris Nizet C Bur
10. s qu il a pu prendre dans l criture sens que retiennent D Bertelli et M Ribi re Christophe Cusimano et Joachim Dupuis 10 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi Or ce dernier point ii appelle des claircissements Cet aspect de l affect pourrait faire songer des sensations ou des motions d un sujet Dans notre passage on ne peut que postuler que c est un r ve de Val ne mais nous ne pouvons pour autant nous focaliser sur le personnage On ne peut pas non plus vraiment voquer la biographie de Perec comme clef pour comprendre ce qui est en jeu ici m me si Perec encrypte dans son uvre des l ments biographiques Il nous serait bien difficile de les y retrouver tous et on peut souligner le caract re interminable de cette t che L essentiel est peut tre donc tre ailleurs il est chercher dans ce qui est sible mais du c t de ce qui nous chappe dans le lisible Or les derni res uvres de Perec comme ce chapitre que nous avons tudi sont justement li es des situations affectives l affect est central dans ce passage de La Vie mode d emploi et aussi dans ces nouvelles fascinantes qu il nous a laiss es Que ce soit le geste fou qui arrache la vue le tableau aux infinies variations du Cabinet d amateur o que ce soit P trange fin du Voyage d hiver on sent que Perec per oit comme essentiels ces moments o le r cit se troue Car l affect n est pas u
11. ses quartiers ses districts et ses zones la cit des tanneurs avec leurs ateliers aux odeurs infectes leurs machines souffreteuses aux courroies fatigu es leurs entassements de cuirs et de peaux leurs bacs remplis de substances brun tres les entrep ts des d molisseurs avec leurs chemin es de marbre et de stuc leurs bidets leurs baignoires leurs radiateurs rouill s leurs statues de nymphes effarouch es leurs lampadaires leurs bancs publics la ville des ferrailleurs des chiffonniers et des puciers avec leurs amoncellements de guenilles leurs carcasses de voitures d enfant leurs ballots de battle dresses de chemises d fra chies de ceinturons et de rangers leurs fauteuils de dentiste leurs stocks de vieux journaux de montures de lunettes de porte cl s de bretelles de dessous de plat musique d ampoules lectriques de laryngoscopes de cornues de flacons tubulure lat rale et de verreries vari es la halle aux vins avec ses montagnes de bonbonnes et de bouteilles cass es ses foudres effondr s ses citernes ses cuves ses casiers la ville des boueurs avec ses poubelles renvers es laissant s chapper des cro tes de fromage des papiers gras des ar tes de poisson des eaux de vaisselle des restes de spaghetti des vieux bandages avec ses monceaux d immondices charri s sans fin par des bulldozers gluants ses squelettes de machines laver ses pompes hydrauliques ses tubes cathodiques ses vieu
12. tendus comme des nerfs transportant des bois de placage des moteurs d avion des pianos de concerts des sacs d engrais des balles de fourrage des billards des moissonneuses batteuses des roulements billes des caisses de savon des tonneaux de bitume des meubles de bureau des machines crire des bicyclettes et plus bas encore des syst mes d cluses et de bassins des canaux parcourus par des trains de p niches charg es de bl et de coton et des gares routi res sillonn es de camions de marchandises des corrals pleins de chevaux noirs piaffant des parcs de brebis b lantes et de vaches grasses des montagnes de cageots gonfl s de fruits et l gumes des colonnes de meules de gruy re et de port salut des enfilades de demi b tes aux yeux vitreux pendues des crocs de bouchers des amoncellements de vases de poteries et de fiasques cliss es des cargaisons de past ques des bidons d huile d olive des tonneaux de saumure et des boulangeries g antes avec des mitrons torse nu en pantalon blanc sortant des fours des plaques br lantes garnies de milliers de pains aux raisins et des cuisines d mesur es avec des bassines grosses comme des machines vapeur d bitant par centaines des portions de rago t graisseuses vers es dans des grands plats rectangulaires et plus bas encore des galeries de mine avec de vieux chevaux aveugles tirant des wagonnets de minerai et les lentes processions des mineurs casqu s
13. Christophe Cusimano et Joachim Dupuis O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi 1 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi C CUSIMANO Universit Masaryk de Brno et J DUPUIS Universit Paris 8 R sum Fr Le chapitre 74 de La Vie mode d emploi de Georges Perec intitul Machinerie de Pascenseur 2 se pr sente comme une rupture herm neutique dans l ouvrage par sa dimension onirique mais aussi par ce qu il semble r v ler sur l immeuble lui m me Ce texte chappant donc la seule logique de la contrainte nous l envisageons selon trois axes de lecture en r f rence Penfer dantesque aux villes invisibles de Calvino et l hoocauste Enfin un raisonnement conclusif permet de temp rer la pertinence tant de analyse par la logique de la contrainte que selon ces axes et de montrer comment ce chapitre constitue ni plus ni moins qu une des conditions de l existence de limmeuble Mots cl s Fr Perec La Vie mode d emploi machinerie de l ascenseur Les Villes invisibles Calvino immeuble herm neutique s mantique interpr tative impli citation Abstract Eng Chapter 74 of Life a users manual by Georges Perec entitled Lift machinery 2 constitutes a hermeneutical break in the book as its looks like a drean in that way it reveals more than we may first think about the building itself This text is set beyond the o
14. ace elle fonctionne dans chacun de ses m canismes mouvements d horlogerie engrenages elle est d cor e de glands de franges et de volants suspendus chaque tube et chaque bielle Appliqu e accumuler les carats de sa perfection Bersab e prend pour de la vertu ce qui n est d sormais que sombre obsession de remplir le vase vide qu elle est elle ne sait pas que ses seuls moments d abandon g n reux sont ceux o elle d tache de soi laisse tomber r pand Cependant au z nith de Bersab e gravite un corps c leste qui resplendit de tout le bien de la ville renferm dans les tr sors des choses qu on a mises au rebut une plan te flottant au vent d pluchures de pommes de terre parapluies perc s bas fil s tincelante de morceaux de verre boutons perdus papiers de chocolat pav e de tickets de tram rognures d ongle et de durillons coquilles d uf Telle est la ville c leste et dans son ciel roulent des plan tes longue queue qu a envoy es rouler dans l espace le seul acte libre et heureux dont soient capables les habitants de Bersab e la ville qui cesse d tre avare calculatrice int ress e seulement quand elle chie
15. bitume S5 p niches charg es de bl corrals pleins de colonnes de meules enfilades de demi b tes amoncellements de vases des milliers de pains aux raisins 6 Test s de tonneaux surcharg s de cr atures bacs emplis 6 entassements de cuirs es entrep ts amoncellements carcasses ballots stocks montagnes de bonbonnes 7 Figure 2 Isotopies sp cifiques de l enfer industriel Les machines et objets en tous genres regroup s par Perec sont anim s par la vie des hommes machinalement serait on tent de dire l activit se fait dans un grouillement le terme est m me donn par Perec deux reprises mais aussi et surtout selon un aspect imperfectif isotopie sp cifique qui indexe hal tements de machines sillonn es de camions de marchandises tirant des wagonnets lentes processions navigueraient charri s Des adverbes comme inlassablement ou sans fin donnent voir un univers d activit s sempiternelles m me si certaines courroies fatigu es r v lent l usure des machines Bien s r l omnipr sence du conditionnel cet imparfait combin au futur tout comme la faible densit de pr dicats dans le texte participent de ce sentiment M me les verbes perfectifs coupl s au contexte produisent un effet it ratif
16. c l image invers e de la lettre initiale des trois cl s du puzzle M andre Mort et M re L absence maternelle donne dans ce cadre une dimension motionnelle particuli re au premier paragraphe du chapitre car elle donne voir les portes de fer marqu es de t tes de mort comme un passage oblig une entr e bien gard e Tout compte fait ce qui produit la richesse de ce texte de prime abord exclusivement num ratif c est certes qu il permet de plonger vers l enfer jud o chr tien mais aussi de le faire habit de lPabsence du sourire maternel et en traversant des cit s ch res un ami Si nous disons juste le texte est certes parcouru de contrainte mais aussi d motion comme le sont les r flexions que se fait Val ne sans doute l auteur dans le roman lorsqu il descend les escaliers de l immeuble p 91 les escaliers taient chaque tage un souvenir une motion quelque chose qui palpitait quelque part la flamme vacillante de sa m moire un geste un parfum un bruit un miroitement Christophe Cusimano et Joachim Dupuis 9 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi 4 Contraintes clinamen affects Toutefois si ce chapitre est un r ve et si nous voluons bien dans un registre fantastique ces axes interpr tatifs font difficult Il y a bien des aspects qui nous les font postuler mais ceux ci ne peuvent se poser comme des axes de lecture s r
17. duite en fran ais de 1974 on obtient les num ros de chapitre plac s en gras dans le tableau suivant La Vie mode d emploi Les Villes invisibles pages lieux emprunts chapitres pages noms des villes XLIV 242 Winckler 2 Les villes et les signes 5 IV 75 Olivia 272 274 Foulerot 3 Les villes et le regard 1 II 66 Valdrade LXXII 415 417 Marcia 5 Les villes et le d sir 1 I 13 Doroth e Les villes et les morts 3 VI 127 Eusapie LXXIV 428 429 Machinerie Les villes et le ciel 2 VII 130 13 Bersab e N 2 Les villes etlenom3 VI 10 Pirra Les villes et les morts 3 VII 127 Eusapie LXXVII 444 Escaliers 10 Les villes et la m moire 1 I 11 Diomira Les villes effil es 1 I 27 Isaura p Les villes et les changes 5 VI 106 Sm raldine Les villes et le regard 5 VII 123 Moriane 558 Dinteville 3 Les villes et les signes 4 HI 59 60 Ipazie Figure 4 Tableau des emprunts M Van Montfrans 2007 121 Dans le cadre de ce texte il convient ainsi en prenant appui sur les textes dans ce tableau d essayer de comprendre quelle r alit s mantique se cache sous le terme emprunt ou comme le dirait D Bertelli 1998 la suite de B Magn 1989 74 d pli citation Le m canisme de l impli citation peut se r sumer ainsi s agissant du discours fonctionnel le scripteur LO introduit clandestinement dans les nonc s du narrateur L1 des nonc s emprunt s un autre locuteur L2 qui est l auteur cit
18. e pas tr s nombreuses mais fruits s rement d une r flexion pond r e non de caprices passagers D une ann e sur l autre disent ils on ne reconna t plus l Eusapie des morts Et les vivants pour ne pas tre en reste tout ce que les cagoulards leur racontent des nouveaut s des morts ils veulent le faire eux aussi Ainsi l Eusapie des vivants s est elle mise copier sa copie souterraine Ils disent que ce n est pas d aujourd hui que cela se fait en r alit ce seraient les morts qui auraient construit PEusapie de dessus la ressemblance de leur ville Ils disent que dans les deux villes jumelles il n y a plus moyen de savoir lesquels sont les vivants et lesquels les morts Les villes et le ciel 2 Bersab e se transmet cette croyance qu il existe suspendue dans le ciel une autre Bersab e o flottent les vertus et les sentiments les plus lev s la ville et que si la Bersab e terrestre prend pour mod le la Bersab e c leste elle ne fera plus qu une avec elle L image que la tradition en donne est celle d une ville en or massif avec des boulons d argent et des portes en diamant une ville joyau toute en incrustations et ench ssements telle qu un maximum d tude et de labeur peut la produire en s appliquant aux mat riaux les plus pr cieux Fid les cette croyance les habitants de Bersab e tiennent en honneur tout ce qui voque leur ville c leste ils accumulent les m taux
19. ence d une interpr tation de l uvre la lumi re de la seule contrainte onlipienne montrer que ce texte semble chapper ce genre de lecture et peut tre d crit selon au moins trois axes de lecture qui ne s appuient que ponctuellement sur le Cabier des charges Puis nous essaierons de mesurer la pertinence de ces axes au regard d une approche prenant en charge l affect qui traverse le texte Nous esp rons ainsi d tailler et ordonner cette longue description moins num rative qu il n y para t Il s agit de d passer ce sentiment selon lequel les objets d sign s de mani re aussi exacte qu opaque sont assign s r sidence ne disent rien personne C Burgelin 2002 198 Mettre en route la machine paresseuse comme le dit U Eco puisque le texte est incomplet et sollicite donc la coop ration interpr tative du lecteur J D Bertharion 1998 143 1 Un voyage jusqu l Enfer dantesque En premier lieu on pourrait dire que le terme du voyage ressemble de pr s l Enfer chr tien tel qu imagin par Dante et o l on trouve un monde de larves et de b tes avec des tres sans yeux trainant des ramasses d animaux et des monstres d moniaques corps d oiseau de porc ou de poisson cet Enfer est mat rialis par le dernier paragraphe o l on trouve aussi des Cyclopes h b t s v tus de tabliers de cuir noir leur il unique prot g par un verre bleu se
20. es formes mobiles fix es sur des v rins d acier luisants de graisse et des carcasses en tubes et en profil s dessinant des chafaudages gigantesques au sommet desquels des hommes en costume d amiante le visage recouvert de grands masques trap zo daux feraient jaillir d intenses clairs d arcs lectriques Plus bas encore il y aurait des silos et des hangars des chambres froides des m risseries des centres de tri postaux et des gares de triage avec des postes d aiguillage et des locomotives vapeur tirant des trucks et des plates formes des wagons plomb s des containers des wagons citernes et des quais couverts de marchandises entass es des piles de bois tropicaux des ballots de th des sacs de riz des pyramides de briques et de parpaings des rouleaux de barbel s des tr fil s des corni res des lingots des sacs de ciment des barils et des barriques des cordages des jerrycans des bonbonnes de gaz butane Et plus loin encore des montagnes de sable de gravier de coke de scories de ballast des b tonneuses des crassiers et des puits de mine clair s par des projecteurs la lumi re orange des r servoirs des usines gaz des centrales thermiques des derricks des pompes des pyl nes de haute tension des transformateurs des cuves des chaudi res h riss es de tubulures de manettes et de compteurs et des docks grouillant de passerelles de ponts roulants et de grues des treuils aux filins
21. et des boyaux suintants tay s de madfriers gonfl s d eau qui m neraient vers des marches luisantes au bas desquelles clapoterait une eau noir tre des barques fond plat des bachots lest s de tonneaux vides navigueraient sur ce lac sans lumi re surcharg s de cr atures phosphorescentes transportant inlassablement d une rive l autre des paniers de linge sale des lots de vaisselle des sacs dos des paquets de carton ferm s avec des bouts de ficelle des bacs emplis de plantes vertes malingres de bas reliefs d alb tre des moulages de Beethoven des fauteuils Louis XIII des potiches chinoises des cartons tapisserie repr sentant Henri II et ses mignons en train de jouer au bilboquet des suspensions encore garnies de leurs papiers tue mouches des meubles de jardins des couffins d oranges des cages oiseaux vides des descentes de lit des bouteilles thermos plus bas recommenceraient les enchev trements de conduites de tuyaux et de gaines les d dales des gouts des collecteurs et des ruelles les troits canaux bord s de parapets de pierres noires les escaliers sans garde fou Christophe Cusimano et Joachim Dupuis 13 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi surplombant le vide toute une g ographie labyrinthique d choppes et d arri re cours de porches et de trottoirs d impasses et de passages toute une organisation urbaine verticale et souterraine avec
22. fect est li la perte la m lancolie Lire c est exp rimenter ce qui chappe d embl e lPentendement 3 On pourrait aussi davantage penser avec le cyclope Ulysse ou la mythologie grecque que chr tienne Christophe Cusimano et Joachim Dupuis 4 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi Isotopies sp cifiques UNITES SEMANTIQUES GRANDEUR ENTREMELEMENT ENTASSEMENT b lices normes gros comme des troncs d arbre d un m tre de diam tre f1 salles immenses hauts comme des cath drales chafaudages gigantesques 2 hangars plate formes J5 montagnes de sable centrales thermiques hyl nes de haute tension 4 passerelles grues 5 en tournant sur eux m mes branch s sur des vannes jaunes creus s perc es de place en place 1 carcasses en tubes et en profil s 2 chaudi res h riss es de tubulures de manettes et de compteurs 4 grouillant de passerelles syst mes d cluse et de bassins JG enchev trements de conduites g ographie labyrinthique 7 vo tes surcharg es de cha nes de poulies f2 marchandises entass es piles de bois pyramides de briques barils et barriques 3 montagnes de sable 4 sacs d engrais caisses de savon tonneaux de
23. gelin 2002 Georges Perec Paris Seuil C Cusimano 2012 La s mantique contemporaine du s me an th me Paris PUPS C Cusimano amp J Dupuis 2011 La notion de petite erreur chez Daniil Harms et ses correspondances dans l uvre de Georges Perec pp 217 234 in Ianua Revista Philologica Romanica en ligne Volume XI 2011 http www romaniaminor net ianua J Dupuis 2012 Gilles Deleuze F lix Guattari et Gilles Ch telet de l exp rience diagrammatique Paris L Harmattan M Heck 2012 Georges Perec Le corps la lettre Jos Corti E Jongeneel 2006 Les Villes invisibles d Italo Calvino entre Utopie et Dytopie pp 591 612 in M Jansen et P Jord o d The Value of Literature in and after the Seventies The Case of Italy and Portugal B Magn 1989 Perecollages 1981 1986 Toulouse Presses Universitaires du Mira l Toulouse F Rastier 1987 S mantique interpr tative Paris PUF coll Formes S miotiques M van Montfrans 1999 Georges Perec La contrainte du R d Rodopi Amsterdam Atlanta _ 2007 L ench ssement des nigmes Les villes invisibles d Italo Calvino dans La Vie mode d emploi de Georges Perec pp 115 127 in B Magn amp C Reggiani d Ecrire l nigme Paris PUPS 10 Voire de la r p ter par des images de surface au sein de l immeuble comme celle de la jeune fille qui mord dans le coin d un biscuit Lu Christophe Cusimano et
24. ie et ne pouvait rien signifier d autre que cela Mon esprit contient toujours un grand nombre de villes que je n ai pas vues et ne verrai pas des noms qui portent avec eux une image ou un fragment ou un reflet d image imagin e G tullie Odile Euphrasie Margara La ville haute sur le golfe est toujours l elle aussi avec sa place ferm e autour du puits mais je ne peux plus l appeler par un nom ni me rappeler comment j ai pu lui donner ce nom qui signifie tout autre chose Les villes et les morts 3 Aucune ville plus qu Eusapie n est port e jouir de la vie et fuir les probl mes Et pour que le saut de la vie la mort soit moins brutal ses habitants ont construit sous terre une copie exacte de leur ville Les cadavres s ch s de mani re qu il en reste le squelette rev tu d une peau jaun tre sont port s l dessous pour continuer leurs occupations d avant De celles ci ce sont les moments d insouciance qui ont la pr f rence la plupart sont assis autour de tables servis ou dispos s dans l attitude de qui danse ou joue de la trompette Mais pourtant tous les commerces et m tiers de l Eusapie des vivants sont en activit sous terre ou du moins tous ceux que les vivants ont tenus avec plus de Christophe Cusimano et Joachim Dupuis 14 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi satisfaction que d ennui l horloger au milieu de toutes les horloges arr t es dan
25. illes et les morts 3 par le biais de cadavres s ch s squelettes rev tus d une peau jaun tre mais en r alit en impli citant ce passage de Calvino Perec fait bien plus que parler de ces cadavres Il fait ni plus ni moins appara tre immeuble 11 rue Simon Crubellier comme la partie de Bersab e qui se trouve la surface quand avec la machinerie de l ascenseur commencerait la ville des morts qui conditionne la ville des vivants Comme le dit M van Montfrans La copie souterraine s pulcrale de la ville voqu e dans le chapitre LXXIV doit beaucoup aux villes calviniennes impli cit es de Bersab e et d Eusapie Les consonances bibliques de Bersab e lieu d Abraham et d Isaac font appara tre le th me de la jud it et identifient cette descente au sous sol une visite au royaume des ombres La jud it de Perec se trouve ainsi litt ralement zise sous terre En outre les deux projections de Bersab e dont parle Calvino l une c leste et l autre infernale celle ci viennent se projeter sur immeuble en le posant comme une ville miniature dont les habitants seraient engag s dans une course vaine cette obsession de remplir le vase vide qu elle est celle de copier la ville c leste qu ils imaginent se trouver au dessus de la leur Les villes et le ciel 2 qui sont rappel es travers ses poubelles renvers es laissant s chapper des cro tes de fromage des papiers gras des ar tes de p
26. la malchance de prendre lPascenseur et d y rester coinc s en pleine nuit s y trouvent Flora Champigny qui pousera Raymond Albin aussi pr sent monsieur J r me et Serge Val ne Ceux ci sont rentr s semi ivres du feu d artifice et doivent faire passer le temps en jouant aux cartes notamment L un d eux ayant d cid de pousser la chansonnette tous les locataires dont Emile Gratiolet le propri taire de l immeuble sont r veill s Dans un acc s de cl mence Gratiolet d bloque alors les portes de ascenseur et la fin du chapitre ne laisse pas entrevoir ce qui se passe ensuite Serge Val ne dont Perec nous laisse p n trer l imagination vient peut tre de se recoucher apr s avoir t r veill ou se tient dans un tat de semi veille propice une r verie fantastique M me si Perec est familier de l exploration des r seaux souterrains comme cela est le cas dans Esp ces d espaces 1974 74 par exemple S efforcer de se repr senter avec le plus de pr cision possible sous le r seau des rues Penchev trement des gouts le passage des lignes de m tro la prolif ration invisible et souterraine des conduits lectricit gaz lignes t l phoniques conduites d eau r seau des pneumatiques sans laquelle nulle vie ne serait possible la surface ce texte reste particulier car il permet en quelque sorte de d passer le corps de l immeuble par limagination Val ne se pla t croire que l immeub
27. le n est pas zout que quelque activit souterraine permettrait de mieux comprendre son fonctionnement Dans le Cahier des charges Perec a crit avant de le hachurer le message suivant ak uper bee Fred hes gak Q inao pa frx fua fan four York du hen h ba Meegen le allo ede d ou eeben peaa e T F Figure 1 Cahier des charges chapitre 74 de La Vie mode d emploi d B Magn H Hartje et J Neefs Cadeilhan Paris Zulma ditions du CNRS 1993 ditions du CNRS E Bienenfeld C est d ailleurs par cette image de l iceberg que commence le chapitre 1 Le chapitre dont il est question dans cet article et les extraits de Les Viles invisibles d Italo Calvino sont disponibles en annexe Christophe Cusimano et Joachim Dupuis 3 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi Parfois il imaginait que l immeuble tait comme un iceberg dont les tages et les combles auraient constitu la partie visible Au del du premier niveau des caves auraient commenc les masses immerg es Par la suite on verra que la m taphore est pleinement assum e par Perec dans le sens o la partie immerg e semble comporter un nombre important de niveaux comme autant de nouvelles villes Et le saut du cavalier ne permet plus d y acc der c est par l imagination du narrateur que l on plonge dans ces sous sols Nous voudrions donc dans cet article sans nier la pertin
28. lit et une g om trie ind cises rythm es par des escaliers et des ponts Christophe Cusimano et Joachim Dupuis 5 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi enchev trements dans ce paragraphe il s agit ainsi du m me enfer D ailleurs la ville administrative voqu e vers la fin si tel n tait pas le cas n aurait sans doute rien faire juste avant l enfer dantesque et la ville administrative avec ses quartiers g n raux grouillant de militaires aux chemises impeccablement repass es d pla ant des petits drapeaux sur des cartes du monde avec ses salles d archives remplies de fonctionnaires en blouse grise compulsant longueur de journ e des fiches d tat civil avec ses centraux t l phoniques alignant sur des kilom tres des standardistes polyglottes avec des salles des machines aux t l scripteurs cr pitants aux ordinateurs d bitant la seconde des liasses de statistiques des feuilles de paye des fiches de stock des bilans des relev s de quittances des tats n ants avec ses mange papier et ses incin rateurs engloutissant sans fin des monceaux de formulaires p rim s des coupures de presse entass es dans des chemises brunes des registres reli s de toile noire couverts d une fine criture violette Cette fin de chapitre reprend peu pr s les m mes traits que ceux voqu s pr c demment nous avons bien un entassement qui indexe
29. mploi peut donc se lire selon les contraintes habituelles oulipiennes et les autres autobiographie fiction infraordinaire mais ce chapitre contient ces dimensions repli es et enchev tr es La vraie case vide du livre est donc cet affaissement dans les profondeurs du r ve elle n est pas le dinamen mais ce qui explique qu il y ait namen Si les r f rences Calvino sont incontestables elles se m lent d autres et la construction ne permet pas de tirer ici une sorte de signification du passage c est m me plut t par rapport des r f rences mythiques que se construit ce chapitre On est pris dans un vertige qui m le les r f rences du temps pass et pr sent mythes modernes et modernit s miteuses C est comme si nous tions arriv s une sorte de neutralit un point o les r gimes du texte narratifs s abolissaient un temps Ainsi on comprend mieux en quoi l aphorisme de Klee a t d terminant pour Perec si le niveau des contraintes du syst me peut tre consid r en lien avec la logique du cnamen de la variation de exception Perec va plus loin dans les ann es 70 et envisage m me l expression de Klee le g nie c est l erreur dans le syst me comme ce qui conditionne le syst me par l erreur Ici cette case vide recr e immeuble comme son image virtuelle il s agit d une chambre d cho comme celle que donne entendre apr s l analyse du po me la polyphonie po tique du H
30. n manque mais une case vide qui travaille la derni re partie de son uvre De plus il n est pas possible de r duire l affect l affect inconscient de la psychanalyse La principale raison en est que Perec lui m me ironisait sur la psychanalyse On atteint un sommet avec la description de la s ance de psychanalyse qui est lire dans le sillon laiss par d autres uvres et qui montre que tout vient du travail du texte des z brures sur le plafond et non d un soi disant travail de cure Dans La Disparition o il est question de se moquer du signifiant Dans Les Revenentes Perec s en prend la prohibition de l inceste Et dans La boutique obscure qui traite des r ves Perec pr sente les r ves selon des contraintes d criture plut t que selon les principes de la psychanalyse Les oulipiens tendent y voir surtout des contraintes et en retenir la gne biographique qui inclut le rapport la m re et au p re dans les termes de P dipe et aussi dy inclure la grande Hache de l histoire qu est la Shoah sans voir que la psychanalyse explique essentiellement les choses par le familisme Nous ne nions pas que Perec ait pu crire sur cette id e de la perte c est vident pour W ou le souvenir d enfance mais erreur est de tout ramener cette hypoth se Or ce chapitre nous plonge dans une relativit restreinte localement il cr e un effondrement et une dilatation un nouvel immeuble Conclusion La Vie mode d e
31. nly plan of writing constraints and we weigh up three main reading keys Dante s Inferno Calvino s Invisible cities and the Holocaust Finally a conclusive reasoning mitigates the relevance of analysis by the formal constraints and along these three reading options We thus try to show that this chapter may be seen as one the conditions of the existence of the building Key words Eng Perec Life a user s manual lit machinery Invisible cities Calvino building hermeneutics interpretative semantics impli citation Christophe Cusimano et Joachim Dupuis 2 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi La Machinerie de l ascenseur 2 chapitre 74 un chapitre part Pour justifier l int r t de ce texte nous pourrions commencer par dire qu il tient une place part dans La Vie mode d emploi dans le sens o c est le seul texte que l on puisse rattacher au r cit onirique voire au genre fantastique Cela n a d ailleurs pas chapp de nombreux critiques comme C Burgelin 2002 174 Quant l immeuble m me Val ne Perec r ve qu il est soutenu par une infernale machinerie qui serait en elle m me une cit piran sienne et souterraine vivante illustration de ce qu est le romans Cette r verie fait suite la Machinerie de l ascenseur 1 o Perec narre la fin de la vir e nocturne du 14 au 15 juillet 1925 Quatre locataires apr s une soir e alcoolis e ont
32. oisson des eaux de vaisselle des restes de spaghetti des vieux bandages permet d affiner cette intuition La situation Eusapie est encore plus troublante que la vanit d effacer toute trace des choses qu on a mises au rebut en effet le double d Eusapie sous terre se caract rise par sa v pourrait on dire laquelle seule une confr rie des cagoulards a acc s Or ceux ci peuvent se rendre compte que les choses voluent que les objets sont d plac s et que ces changements sont le fruit s d une r flexion pond r e Enfin chose plus surprenante encore la ville des morts cens e n tre que le pendant ou le miroir d Eusapie serait peut tre le mod le et non la copie Aussi voquer ces cit s invisibles est il un moyen pour Perec de rattraper dans le spectre onirique du peintre les habitants de limmeuble pris dans le reflet du miroir Val ne dans sa r verie arpente tel un cagoulard d Eusapie la ville invisible souterraine l image de l immeuble comme une projection de la vie d errance des locataires dont lui m me il suffit de penser au destin de Bartlebooth Mais par ailleurs sous la machinerie de l ascenseur se passe t il vraiment autre chose que dans nos villes contemporaines 3 Une porte vers l univers concentrationnaire Une troisi me et derni re interpr tation plut t d ordre biographique s av re n cessaire pour compl ter le tableau Il faut alors en chercher
33. rti dans du m tal martelant de leurs masses d airain des boucliers tincelants Mais avant d y parvenir le lecteur passe par d autres enfers en suivant celui de l univers industriel tout d abord Se trouvent mis en sc ne dans cette isotopie sp cifique les traits profusion grandeur entrem lement mais aussi entassement qui forment donc un faisceau d isotopies que F Rastier traite comme un type particulier de poly isotopie puisque celles ci se compl tent et se renforcent 1987 116 On pourrait toutefois objecter que l isotopie profusion est d j une combinaison de traits le produit des deux derni res Pour une raison suppl mentaire nous en ferons l conomie dans le tableau suivant en effet celle ci est en partie produite par la suite d l ments juxtapos s ou coordonn s comme par le fait que Perec ne d termine aucune de ces unit s par l article d fini singulier mais par le pluriel des La profusion est en bref tout autant contenue dans l extr me diversit lexicale du chapitre que dans son uniformit grammaticale 2 Nous avons d j ponctuellement d fendu propos de Perreur notamment cette lecture par le biais de Paffect C Cusimano amp J Dupuis 2011 230 C est un non sens de ne se contenter que de suivre des r gles pour comprendre un texte de G Perec puisque ce qui prime c est d abord dans le r cit preuve qu il va nous faire endurer Chez G Perec l af
34. s Ce serait m me plut t la marque de leur chec On ne peut pas les d duire et la profusion polys mique emp che en quelque sorte l lection d un sens du texte On pourrait dire que c est peut tre le seul chapitre des quatre vingt dix neuf que compte l uvre qui fonctionne ainsi On assiste une v ritable rupture ou le germe d une excroissance qui trouve sa place au prix d un changement local de perspective herm neutique en un mot une perturbation interpr tative dans l ouvrage On entre dans les profondeurs de immeuble par un r ve Cela implique au moins deux points de rupture une rupture avec le syst me des cases du livre ou si l on pr f re avec une logique des contraintes et une rupture avec le r cit nous glissons dans un r ve un affect Voyons ces deux points i le premier que tout ne peut tre envisag sous langle des contraintes ii le second que Perec d roge la logique psychanalytique que l on assimile d ailleurs souvent la biographie Pour fixer i il faut se souvenir de l aphorisme de Klee e g nie c est l erreur dans le syst me Dans leur dition des textes de Perec D Bertelli et M Ribi re 2003 242 rappellent la trajectoire de cet aphorisme au sein de l uvre Apr s avoir consid r s v rement cet aphorisme Perec y voit un moyen de parler de la dimension langagi re de son uvre Il indique d s 1967 que le g nie d une machine ici un tex
35. s sa boutique approche une oreille parchemin e d une pendule d saccord e un barbier savonne d un blaireau sec Pos des pommettes d un acteur tandis que celui ci repasse son r le en fixant le manuscrit de ses orbites vides une jeune fille au cr ne souriant trait une carcasse de g nisse Sans doute les vivants sont ils nombreux qui demandent pour apr s leur mort un destin diff rent de celui qui fut le leur la n cropole est envahie de chasseurs de lions de mezzo sopranos de banquiers de violonistes de duchesses de filles entretenues de g n raux en plus grand nombre qu en compta jamais ville vivante La mission d accompagner en bas les morts et de les arranger l endroit voulu est confi e une confr rie de cagoulards Personne d autre n a acc s l Eusapie des morts et tout ce que l on sait de l bas se sait par eux Ils disent que la m me confr rie existe parmi les morts et qu elle ne manque pas de leur donner un coup de main les cagoulards apr s la mort continueront de remplir leur office dans Pautre Eusapie ils laissent m me croire que quelques uns d entre eux d j morts continuent de se promener en haut et en bas Sans aucun doute l autorit de cette congr gation sur l Eusapie des vivants est elle tr s tendue Ils disent qu chaque fois qu ils y descendent ils trouvent quelque chose de chang dans l Eusapie d en dessous les morts apportent des innovations dans leur vill
36. soup onner des traces d un ancrage biographique dans ce chapitre Cette longue description laisse m me transpara tre lentr e du monde des ombres la cit souterraine comme comportant de nettes similitudes avec celles des camps de concentration des escaliers aux marches sonores qui descendraient en tournant sur eux m mes de longs corridors carrel s avec des globes lumineux prot g s par des treillis m talliques et des portes de fer marqu es de t tes de mort et d inscriptions au pochoir En cho ces lignes on pourrait rappeler que les camps taient souvent munis de portes monumentales que tous taient entour s de barbel s D autres lexies comme usine gaz peuvent tre per ues comme index es par la m me isotopie holocauste Mais certains passages sont peut tre des allusions plus quivoques en tout cas moins claires et tout ceci laisserait donc entendre que c est surtout l entr e vers ce monde souterrain qui est marqu e par la Shoah Une cl qui ouvre le royaume des ombres et donc sugg re l indicible absence du p re et surtout de la m re dont certains n ont pas h sit voir la trace dans le fameux W renvers D Bellos 1994 649 Plus profond ment la mort de M andre est aussi Pultime retour du fleuve la M re la myst rieuse derni re pi ce en forme de W que Bartlebooth ne parvient pas poser dans le seul espace vide qui subsiste et qui a la forme d un X est don
37. te est d tablir un syst me partir de l erreur Or malgr ce qu en disent D Bertelli et M Ribi re il ne s agit pas seulement de penser le couple bert contrainte m me s il arrivait Perec de le dire Il ne s agit pas seulement de penser la d viation dans la contrainte le cnamen pat rapport aux agencements atomiques du syst me d autant plus que la citation invoqu e plus loin dans la m me note le d ment clairement La citation se rapporte Dze Maschine qui est une pi ce radiophonique D abord cette pi ce se pr sente comme une pi ce st r ophonique c est dire comme un texte vocal jou la radio C est ainsi un texte qu on ne peut se repr senter visuellement La pi ce est une chambre d chos qui se d roule dans le temps Il s agit pour Perec d activer une machine selon quatre voix une voix f minine Erato qui est le syst me contr le de la machine textuelle et les trois autres voix masculines qui sont trois processeurs esclaves comme dit D Bellos 1994 403 Il y a ainsi deux gestes un geste d agression de la po sie et un geste de retournement d annulation du premier geste par l orchestration d une po sie mondiale 1994 405 Un po me de Goethe est en effet d abord analys sous l angle de la syntaxe de la s mantique puis il est recr po tiquement par une sorte de polyphonie des langues La machine est d compos e pi ce par pi ce et ensuite redonn e sous
38. tto ci che loro occorre di spregevole e d ingegno ed costante loro cura cancellare dalla Bersabea emersa ogni legame o somiglianza con la gemella bassa Car il est bien connu que parmi les textes de Calvino que Perec a mis contribution Les Viles invisibles 1972 ou plut t leur traduction fran aise de 1974 occupent en effet une place de choix avec douze emprunts il Pemporte de loin sur les cinq autres cit s M Van Montfrans 2007 116 A propos du chapitre LXXIV de La Vie Mode d emploi qui concerne la porte gauche et donc 2 de la machinerie de Pascenseur Le cahier des charges de La vie mode d emploi ne laisse planer aucune ambigu t avec pas moins de trois allusions aux carnets de voyages imaginaires de Marco Polo 5 Ils croient pourtant ces habitants qu une autre Bersab e existe sous terre r ceptacle de tout ce qui leur arrive de m prisable et d indigne et c est pour eux un soin constant que d effacer de la Bersab e visible tout lien ou ressemblance avec la jumelle d en bas traduction de Jean Thibaudeau Christophe Cusimano et Joachim Dupuis 6 O la machinerie de l ascenseur conduit elle dans La Vie mode d emploi v lu Frog HE Figure 3 Cahier des charges chapitre 74 de La Vie mode d emploi d B Magn H Hartje et J Neefs Cadeilhan Paris Zulma ditions du CNRS 1993 ditions du CNRS E Bienenfeld Lorsqu on se r f re ces pages dans l dition tra
39. x appareils de T S F pli canap s perdant leur crin et la ville administrative avec ses quartiers g n raux grouillant de militaires aux chemises impeccablement repass es d pla ant des petits drapeaux sur des cartes du monde avec ses morgues de c ramique peupl es de gangsters nostalgiques et de noy es blanches aux yeux grands ouverts avec ses salles d archives remplies de fonctionnaires en blouse grise compulsant longueur de journ e des fiches d tat civil avec ses centraux t l phoniques alignant sur des kilom tres des standardistes polyglottes avec des salles des machines aux t l scripteurs cr pitants aux ordinateurs d bitant la seconde des liasses de statistiques des feuilles de paye des fiches de stock des bilans des relev s de quittances des tats n ants avec ses mange papier et ses incin rateurs engloutissant sans fin des monceaux de formulaires p rim s des coupures de presse entass es dans des chemises brunes des registres reli s de toile noire couverts d une fine criture violette et tout en bas un monde de cavernes aux parois couvertes de suie un monde de cloaques et de bourbiers un monde de larves et de b tes avec des tres sans yeux tra nant des ramasses d animaux et des monstres d moniaques corps d oiseau de porc ou de poisson et des cadavres s ch s squelettes rev tus d une peau jaun tre fig s dans une pose de vivants et des forges peupl es de Cyclopes h b
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