Style mode d`emploi - Le pastiche
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1. LA MANI RE DE ANGELO RINALDI De retour d une exp dition dans le Grand Nord un ami nous raconte sa d couverte d un mammouth congel Sit t la glace bris e le quadrup de s enquiert Marguerite Duraille crit elle toujours Et l on s avise tout surpris que voil des lustres que la madone du rien tend son re glaciaire sur la litt rature son style aussi luxuriant qu une toundra son sentimentalisme chaleureux comme une banquise et ses p moisons de jeune phoque sous Prozac en face de BB Les rares m t orites de sens critique ayant travers les paisses couches d encens de l atmosph re litt raire parisienne n ont pas r ussi nous d barrasser de ce fossile ci Et encore sont ils bien diminu s quand ils touchent au milieu des pingouins linlandsis de la prose de Mme Duraille Dans un tel d sert de glace on n en voudra pas l auteur d tre tellement blouie d elle m me sous ces latitudes il faut toujours se d fier du soleil m me le plus rasant De surcro t la nourriture s y fait rare les ouvrages de Mme Duraille tant l uvre d une Jean Rhys ce qu est le hachis surgel au m daillon de langoustine moins qu ils ne se puissent comparer la notice du cong lateur Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 13 Aux derni res nouvelles la romanci re a abjur l inspiration exotique de ses romans asiatiques pouf biblioth que de comit2. Pour bien commencer la journ e il a une altercation dans un autobus de la ligne S Il n coute alors que son courage c est dire qu il prend ses jambes son cou qu il a fort long ce qui accro t son m rite gymnique sinon son h ro sme Il faut reconna tre que son antagoniste n est pas forc ment sublime et qu il nous rappellerait m me des heures qui ne Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 14 sont pas les plus heureuses ni les moins quivoques de notre histoire ce n est pas Mme Duraille qui nous contredira Gu re plus plaisant n est ce dandy que rencontre l ph be la gare Saint Lazare tre un dandy implique le devoir de cultiver le go t aristocratique de d plaire lequel est certainement tranger cette esp ce de chanteur de boys band qui donne au zazou des le ons d l gance et qui nous sommes tent s de r pondre apr s lavoir entendu remarquer qu un bouton du manteau de son ami est d cousu sutor ne supra crepidam avant qu il ne raille son chapeau tresse Avec cette derni re sc ne de la gare on se souvient alors que Marguerite est le pr nom de l animal qui aime voir passer les trains de cet animal qui a donn son nom une forme de l amour que ne tarderont pas prouver pour l auteur gageons le ceux de ses lecteurs qui ne seront pas rest s quai et l auront suivie dans son train train lequel n est pas le transsib
3. cette cath drale d acier et de verre aux cloches joyeuses aux colonnes d encens montant au ciel aux tableaux vivants des flammes de l enfer qu elle avait si souvent admir e dans l ustration en s endormant le soir devant l tre Yonville Le postillon annon a le carrefour La Fayette Charles le r p ta comme un perroquet on s arr ta Emma chercha L on du regard Le grand po te devait les attendre la gare Saint Lazare il ne pouvait pas y couper Elle tait impatiente D p che toi Charles se h ta de descendre de la plate forme il ne voulait pas contrarier Emma Mais L on arriva en retard ayant t ralenti sur la route de Versailles par les comices agricoles qui chaque ann e se tenaient la porte de Paris Il eut pour ses invit s quelques mots d amabilit et comme il tendait son bras Emma pour la promenade son regard se posa sur la boutonni re de Bovary avec tonnement Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 30 7 M tonymies et synecdoques Cette histoire se d roule sous la Quatri me R publique Midi venait de sonner c tait Pheure o Paris rentre casser la cro te dans ses p nates o le travailleur se repose et o la maman nourrit ses petites bouches Pas d air Les coups de soleil guettaient et la chaleur touffante nous coupait les jambes Heureusement la gr ve des bus tait finie et javais pu prendre PS dont les chevaux vapeur brin
4. de semelles de vent n pr s de terres belges NdE Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 17 rendre s lects ses ternels v tements En effet Swenn le fr re expert et excellent esth te le pr tend Ce spencer me d becte ferme le Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 18 4 Zazou dans le bus LA MANI RE DE RAYMOND QUENEAU Kipousstidonktan murmura le zazou en reprenant son souffle Il avait t soigneusement lamin par la foule entrant dans lautobus et je me disais enchant que je n avais jamais vu chose plus horrible que ce carpaccio zazouque Je m appr tais donc passer un inoubliable apr s midi dans le v hicule aux lourds pneumatiques attendant patiemment que la chose se renouvel t quand le zazou au subtil doulos pronon a ces paroles ail es l adresse du vulgue homme P cusse cause de ses tourments m tatarsiens Meussieu vz tes zun malpoli Malpoli mon cul Esp ce d enfl si tu crois que tu m impressionnes avec ton chapeau la con Tu causes tu causes c est tout ce que tu sais faire r pliqua l homme aux lourds panards dans le vacarme ph m re de cet espace exigu Si tu t imagines si tu t imagines xa va xa va xa va durer longtemps le pilon des za le pilon des za pilon des arpions ce que tu te goures bredouilla le zazou inquiet pour son hainesistence tout tonn que l hercule par
5. lui tait pain aussi quotidien que pour moi les consid rations de ma tante L onie sur le chien de MM Sazerat les trennes d Eulalie sur le fait de savoir si Mme Goupil tait arriv e la messe avant l l vation ou ses commentaires sur l affaire comme on disait alors parlant de l affaire Lemoine du nom de cet escroc qui avait failli r ussir convaincre le gouverneur de la De Beers d acheter le secret de la fabrication des diamants et au sujet de laquelle je ne doutais pas que avec son art consomm du contrepoint et des variations auquel j eusse volontiers sacrifi n importe lequel de mes essais litt raires Bergotte e t trouv pour relater les p rip ties et exalter la m taphore baudelairienne du charbon transform en gemme cent tournures plus vari es plus brillantes et plus pr cises que les bavardages de ma tante conf rant sans fin avec Fran oise entre deux verres de pepsine l effet l g rement oblit r par son tat d agitation de l abaissement de la morale dans le monde de la finance fffinance comme disait Fran oise en insistant sur la premi re syllabe monde qui incluait pour ma tante les diamantaires mais dont elle avait la d licatesse d exclure les agents de change par gard pour Swann et son p re qu avait bien connu mon grand p re ce que Fran oise traduisait sa fa on en 2 constatant avec satisfaction comme j imaginais que le faisait la P
6. ne qui s est permis de me couper la route la Concorde par la droite en profitant qu il n y avait pas de voiture de ce c t ce moment parce que s il y avait eu des voitures je me serais arr t mais lui il est arriv de ma droite par un moyen d tourn et m a cartonn et en plus se plaint que j ai caboss sa voiture alors qu il va toucher PArgus pour sa voiture qui vaut rien et que personne m me pas l expert veut plus y toucher Moi aussi j ai eu que l Argus alors que ma femme la vache qu est ce qu elle a pris elle est tout rafl e C est pas juste Et le pire c est ma voiture C tait plus une traction avant apr s Moi j ai bien vu pourquoi il ma pas vu Il suivait le bus 84 qui le pr c dait depuis qu il l avait doubl et il avait son radiateur presque dans le derri re de lautobus tellement qu il matait tout ce qui bougeait dedans Avec a il avait une longue tresse tombant de sur son chapeau que a le faisait loucher comme une vache et que a devrait tre interdit en conduisant comme les t l phones mobiles Il voyait m me pas quand l autobus s arr tait pour prendre des gens et plusieurs fois il a failli lui rentrer dedans ce qui Pa nerv et explique qu il m a refus sa priorit Je me demande s il tait vraiment en tat de sobri t Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 36 En tout cas il n tait pas clair Il avait un gran
7. rit que l crivain me tendait pour refl ter dans mon esprit toutes les impressions que je ressentais afin de pouvoir les retranscrire un jour dans cet omnibus laffluence active sonore odorante color e p n trante et surabondante o j tais bouscul de toutes parts alors que nous remontions l avenue du Bois dans laquelle depuis longtemps ce n taient plus des cal ches fra chement blasonn es de la noblesse d Empire qui croisaient et recroisaient l attelage empanach d Odette Swann mais des omnibus bond s doubl s par des automobiles sans charme dans lesquelles ne sont plus h las Mme et Mie Swann qui ont fui comme les ann es comme Albertine aussi pour qui mon amour comme le grand cru tourne au vinaigre avait fini par tourner la jalousie avant de s vaporer lentement et que je ne me rappelle plus aujourd hui que gr ce la plaquette jaunie de Bergotte et son odeur un peu moisie prestige de la litt rature Un jour d t comme je rentrais chez moi accabl par la morne journ e et la perspective d une triste soir e je sentis sur mon pied le contact d une de ces chaussures qui semblent avoir t imit es des cothurnes antiques port s par les glorieux anc tres de la grande Berma l instant m me o la semelle m l e de boue humide effleura mon escarpin verni je tressaillis attentif ce qui se passait d extraordinaire en moi Un plaisir d licieux m avait envahi et j
8. une simple suite des Exercices de style dans laquelle nous nous serions content s de mettre l original au go t du jour en employant des dialectes inconnus du vivant de Raymond Queneau ch bran rap politiquement correct informaticien ou d autres figures de style ou jeux de mots que les siens nous avons abord des th mes non explor s par Queneau comme celui du pastiche litt raire genre qui par parenth se n est pas partout en odeur de saintet litt raire mais que ne d daign rent pas les auteurs les plus grands et les plus originaux tels Boileau La Bruy re Balzac Flaubert Verlaine Proust combien et plus pr s de nous Jean Louis Curtis Jacques Laurent Patrick Modiano et Patrick Rambaud 1 Si Pon excepte ses textes Exclamations et Pass ind fini qui peuvent passer pour des pastiches de C line et Camus Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 5 Comme tout hommage Raymond Queneau cet ouvrage ne pouvait pas ne pas faire allusion quelques l ments de son uvre et de ses affinit s clectiques comme on s en rendra compte dans chiqu en Physicien Chimiste Passionn ment incorrect et Zazou dans le bus pastiche dans le pastiche ainsi que dans les textes inspir s par POuvroir de Litt rature Potentielle P Oulipo fond en 1960 par Queneau et Le Lionnais que sont Pangrammes Holorime et En recher
9. beaux cheveux roux dont la rencontre m avait fait voir son p re M Swann autrement que comme l invit qui me privait par ses visites du dernier baiser de maman drame de mon coucher dont je n aurais voulu aucun prix que son auteur inconscient le r v l t sa fille demoiselle qui Bergotte servait de chaperon tout aussi naturellement que Fran oise pour moi quand apr s avoir comme elle disait aboutonn mon paletot elle m accompagnait sur les Champs lys es o je la tra nais d s que la couleur du ciel et le barom tre de mon p re me laissaient pr sager un temps propice aux jeux de Gilberte entre le guignol et le cirque auxquels elle ne manquerait pas de m associer quoique M Swann ne vit pas d un bon il tourner autour de sa fille ce jeune homme avec un long cou comme un Greco maigre comme un Carpaccio moins que nous ne dissertassions de la brochure dans laquelle Bergotte parlait de Racine citant ces vers Quel funeste courroux emplit de sa fureur Le flot de calomnies d bordant votre c ur Quelle importune ardeur vous cause ce tourment Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 25 Que me vaut cette haine sur ce char v h ment vers que contrairement Bloch qui y voyait seulement la marque d un zazou des plus subversifs et ne les trouvait potables qu la condition qu ils ne signifiassent rien je consid rais comme des miroirs de la v
10. il discutera du bouton sup rieur de son manteau Une histoire qui serait banale si elle n tait observ e par les yeux de La Fontaine Balzac Flaubert Hugo Proust Rostand Camus Perec Duras Modiano Arlette L un journaliste un publicitaire un rappeur un cin aste un informaticien un oulipien au total quatre vingt dix neuf t moins qui soixante ans apr s Raymond Queneau dans ses Exercices de style nous racontent l pisode chacun sa mani re chacun dans son style propre Ce petit livre est donc un hommage Raymond Queneau et ses Exercices de style dont il reprend le fameux th me du jeune homme dans lautobus pour l agr menter de quatre vingt dix neuf nouvelles variations Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 4 accommodant toutes ce th me d une fa on chaque fois diff rente en pastichant ou parodiant des crivains c l bres des dialectes actuels et en illustrant les principales figures de rh torique oxymore m tonymie zeugma et quelques r gles de grammaire lire par exemple Logo rallye grammatical On voit que ce livre est aussi un hommage la langue fran aise et ses auteurs Son but en m lant humour et didactique est d instruire tout en distrayant Celui qui aura d j lu les Exercices de style de Queneau ne tardera sans doute pas penser qu il est possible de raconter la m me histoire de 999 fa ons diff rentes la diff rence d
11. long N oublions pas son pardessus Il y a beaucoup de monde autour de nous Malgr la clart de cette heure de midi ou peut tre parce qu elle tait aveuglante les visages les gestes et les paroles avaient un caract re flou et irr el Je ne saisissais pas tous les mots chang s dans le brouhaha Ils montaient de plus en plus forts Tu me marches sur les pieds Paolo Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 8 Excuse moi je ne t avais pas vu Le timbre de sa voix Ind finissable Contrit Ironique Pas vu Tu pourrais faire attention Lorenzo tente de faire diversion Jules risque un les pieds de notre ami s ils eussent t plus courts toute la face du voyage aurait chang a ne fait rire que Lorenzo Toujours bon public Toujours joyeux agr able compagnon Il a a dans le sang Quel casse pieds hurle Max De qui parle t il Tu veux des souliers en box calfs susurre Lorenzo Je peux en avoir 5 000 francs la paire Je ne veux pas changer de souliers mais seulement que Paolo fasse plus attention Je les coute On ne s est pas lev du bon pied mon petit Ne mets pas les pieds dans le plat Tu es vraiment b te comme tes pieds Saoul par leur verbiage Laura ne dit rien mais je surprends un sourire navr adress au zazou Peter trouve qu on se fait remarquer Une peur qui remonte aux rafles Et Jules qui sifflote Elle est
12. pr s et de me g n rer de s v res d gel es Et le respect des Des d chets d jet s R p te mec entends je d cr ter s chement Serre tes fesses Merde Je te d teste T es le der des der Et je p se mes lettres pr tend le p te sec effr n Cette sentence refl te r ellement le d r glement de ce pervers Tr ve de cette verve Ces lettres je me les sers tr s vertes et je ne te le permets met ce fervent de De Berg re Ne pers v re et ne me tente de me venger ver de terre Je ne d sesp re de te d fenestrer et de m en d lecter Zen Ne te vexe ne te vexe Le ben t de trente berges perd ses rep res se repent de cette ench re ne s ent te et temp re ses ph m res exc s de s ve effervescente Et d esp rer en le P re ternel le Verbe engendr et le St tre remettez mes p ch s Semer le vent c est entendre les temp tes Le z bre se stresse tremble regrette d tre entr Ce d jet pr f re c der et descendre prestement extr mement exc d de prendre cette veste en effet l chec est tr s net Le temps s gr ne lentement Perre Et vers le terme SNCF j entends derechef le m me f l ce h re ex cr les v nements ses d m l s et ses revers r cents secr tement enterr s lever le verbe et entreprendre de 2 Ces lettres je pense et de m me cette lettre c l br e entre celles r v r es de l tre lest
13. rien mais plut t le convoi bestiaux Agitato Atrabile pat Marguerite Duraille Midi Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 15 3 En recherche des temps enlev s T I Vers chez Swenn TH ME DE G PEREC CLERC DES BELLES LETTRES Je cherche en m me temps l ternel et l ph m re G Perec Les Revenentes Je me le remets en t te C est P t Pr s de S vres cette esp ce de benne verte le S se pr sente Je me d p che et pentre En m me temps les gens les femmes et les b b s se pressent en exc dent C est le d ferlement sc ne de g henne d Enfer d Eden d membr Perte de flegme en germe L ph be esp ce d l ve svelte bl me et empes b ret tress vert bres perch es fr le t te chevel e se sent cern encercl enferm et tr s nerv de se prendre des trempes se rebelle peste entre ses dents et ses l vres temp te et jette b tement ces termes rev ches Eh p p replet Enl ve tes semelles Elles me g nent Le cerb re h l reste bec b en pr sence de cette d mence d l t re h b t des errements v h ments de l cervel et pense m me r ver Ce cerb re reste d cent d f rent m me et ferme c est le chef Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 16 Restez lev Entre gentlemen Je regrette cette m l e ne te permet de me serrer de tellement
14. semblait reconna tre Lorenzo Et l autre N tait ce pas le zazou Oui avec son trange allure d gingand e on aurait dit le zazou Je ne sais pas de quoi ils pouvaient bien parler De ce qui s tait pass midi Pas s r Leurs gestes semblaient se porter vers le bouton sup rieur du pardessus du zazou un mod le qui provenait d un magasin de surplus de l arm e am ricaine Quand nos regards se sont crois s jai prouv une g ne Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 10 ind finissable Le zazou coutait tr s attentivement Lorenzo comme si un bouton un peu plus haut allait changer sa vie comme si on pouvait reprendre au d but oublier l enfance triste et solitaire les fr quents d m nagements les grands appartements vides comme si on pouvait chapper ses fant mes Je me demande encore par quel hasard nous nous tions retrouv s l une derni re fois tous les trois devant la gare Saint Lazare Et moi pourquoi je ressasse ces souvenirs qui m int ressent plus personne Ce soir j ai pris le dernier autobus de la ligne 84 que l on n appelle plus ligne S celui de vingt heures cinquante deux Nous descendons la rue Soufflot en silence Le Boulmich est plus anim Des groupes se sont form s aux terrasses des caf s comme des papillons attir s par la lumi re de la lampe Des clats de voix et de rire Je descends Marche lentement Presque la nuit On devine d
15. ST PHANE TUFF RY Le Style mode d emploi Hommage Raymond Queneau 2004 L e Style mode d emploi extraits St phane Tuff ry age 2 8 9 Le Style mode d emploi Hommage Raymond Queneau J ST PHANE TUFF RY style 4t RTE ET nh enia en A eNit 3 emoty CRE run rte in A E TE 6 Agitato Lamentabile ou la prose de Sibylle 12 En recherche des temps enlev s T I Vers chez Swenn 15 Zazow da s de businesta e ata aeaa 18 D c t de MAIRE an aaa i 20 L ducation omemenmal essais 28 M tonymies et synecdogues se sseesseeeseeeseesseesreesrresrrssreeseceeseresere 30 Pr lude apr s midi d un francophone ss ssssssesesesesesereesrreseeese 31 Plus bl ca tu MEURS nd ia a A a ais 33 10 D claration d accident ss 35 Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 3 Avant propos Les Exercices de style de Queneau sont un chef d uvre palpitant et en fait une des plus merveilleuses histoires de la litt rature fran aise Vladimir Nabokov ao t 1970 entretien avec Alfred Appel publi dans Parti pris Ed Robert Laffont 1999 Paris un jour d t Dans un autobus de la ligne 84 monte un jeune homme avec un long cou et un curieux chapeau Sur la plate forme arri re il se fait bousculer par un voyageur contre lequel il s emporte avant d abandonner la dispute et de se rendre la gare Saint Lazare o il rencontre un ami avec lequel
16. avais cess de sentir les grondements les ripostes les querelles D o avait pu me venir cette puissante joie Je sentais qu elle tait li e au contact de la Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 26 chaussure bourbeuse mais qu elle le d passait infiniment ne devait pas tre de la m me nature D o venait elle Que signifiait elle O lappr hender Je re ois une seconde pouss e o je ne trouve rien de plus que dans la premi re une troisi me qui m apporte un peu moins que la seconde Il est temps que je l arr te la vertu de la bourrade semble diminuer Que dira maman en voyant l tat de mes effets si patiemment lav s empes s amidonn s par Fran oise Je me pose sur une place libre et me tourne vers mon esprit C est lui de trouver la v rit Mais comment Certes ce qui palpite ainsi au fond de moi ce doit tre le signe l image le souvenir visuel qui li ce pi tinement tente de le suivre jusqu moi Mais arrivera t 1l jusqu la surface de ma claire conscience ce souvenir l instant ancien que la traction d un instant identique est venue de si loin solliciter mouvoir soulever tout au fond de mon tre Je ne sais Est il mort Mort jamais Maintenant je ne sens plus rien il s est arr t fatigu peut tre qui sait s il remontera jamais dans le S La clochette de l omnibus tinte en moi comme le grelot de la porte du jardin qui
17. che des temps enlev s Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 6 1 Memory Line LA MANI RE DE PATRICK MODIANO Le petit groupe que nous formions alors sur la plate forme arri re de autobus sur la ligne S je devais me le rappeler bien des ann es plus tard Comment s tait il constitu Il tait plut t h t rog ne avec Max Grogonov le barman du Scopitone aux tonnants cocktails Paolo Handke le fils d un diplomate allemand migr en Argentine Jules Chandeleur l ancien agent double Peter Sch nway le pianiste am ricain et Lorenzo Motliano l impresario d improbables vedettes du music hall Et le zazou D o venait il Qui lavait invit Il n avait plus son p re et on disait qu il passait ses journ es le chercher Chandeleur n aurait il pas pu l aider Apr s la guerre il s tait install comme d tective priv profession dans laquelle sa connaissance de quelques milieux interlopes faisait merveille Il tait habitu aux filatures qui se finissent place Pigalle au petit matin face face avec une personne que l on ne se f t pas attendu trouver cet endroit Mais tout tait vague et insaisissable chez lui Son identit se d robait dans les m andres du d doublement et le zazou n avait jamais os faire appel ses services Il y avait aussi Laura la jeune com dienne Elle s tait retrouv e tr s jeune m re d un petit gar on qu ell
18. d entreprise Elle cesse d explorer sa carte de Tendre un peu jaunie laquelle fit d elle la muse officielle de Pancien r gime Barbara Cartland dans la galerie des Glaces L atteste ce r cit c t duquel un message m t o en alphabet Morse fait figure de joyeuse fantaisie baroque de farce rabelaisienne d brid e Les personnages y voluent avec autant d aisance qu une amicale de retrait s la patinoire municipale de Cerisy la Salle ce n est pas Holiday on Ice et la m re Denis du nouveau roman n est pas Katarina Witt communisme mis part L histoire quant elle est aussi vraisemblable qu une rave party dans l abbaye de la Trappe Quel est donc le sujet de cet opuscule Il semble qu on s approche du z ro absolu les physiciens pr tendent que c est tr s difficile je ne suis pas d accord du minime de l infime de linfinit simal force de pers v rance dans la lecture qui dira l asc se du critique pauvre baudet charg de faire traverser le gu de la litt rature des ponges d autant plus lourdes qu elles sont plus imbib es on finit par comprendre que le protagoniste principal est un ph be comme les affectionne l auteur peut tre juste un peu plus ridicule qu laccoutum e et que ceux de nos lecteurs qui l tat civil a conf r le peu enviable privil ge d avoir connu les horreurs de la guerre situeront si on leur dit qu il s agit d un zazou
19. d cou et une grande gueule aussi Apr s le choc ma voiture g nant la circulation un agent m a aid la mettre sur le trottoir ainsi que ma femme pour pouvoir tranquillement constater les d g ts Avec sa carrosserie tous mes copains taient jaloux mais maintenant j ai peur que a change Personne voudra plus y grimper Tout ce que je vous dis est vrai parce que le soi disant t moin qui dit le contraire c est un copain du chauffard m me que je Pai vu ensuite discuter devant la gare Saint Lazare avec le chauffard qu avait pas Pair si choqu qu il l a dit dans son constat l amiable et m me pas trop baptis du tout Et qu est ce que a peut faire que j aie sign le contraire dans mon constat vu que ce jour l javais pas mes lunettes et que jy voyais rien Ca et le choc psychologique c tait fatal que je mette des croix aux mauvais endroits mais j en ai mis un peu plus pour ne pas risquer d en oublier Puisque vous me dites que c est trop tard pour faire marche arri re dans ma d claration je dois vous signaler que de toute fa on j aurais pas pu j avais des voitures derri re moi aussi Tout de fa on ce carrefour il est devenu dangereux depuis qu ils Pont remplac par un virage tout rond qui tourne tellement qu la fin on perd son contr le En plus les gens qui tournent autour du plot ils n arr tent pas de changer de filles y zen prennent une y zen mordent une autre y en a
20. e adorait et qu elle avait perdu deux ans et Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 7 demi d une maladie du sang Elle tait en tourn e le jour de sa fin et il ne lavait pas revue une derni re fois Depuis elle ne se consolait pas Elle ne voulait pas retourner dans sa famille une dynastie de riches n gociants bordelais si vous voyez ce que je veux dire et vivait dans un meubl Fossombronne la For t Le zazou et elle cherchaient un tre disparu tout en sachant qu ils ne le retrouveraient pas Je les revois dans la brume qui enveloppe leur souvenir Max ses liquides aux couleurs d arc en ciel Qu est ce que vous allez prendre Un max Peter ses manies ses tics ses phobies son Brahms Comment un tre d pressif pouvait il avoir un jeu si nergique Mais il ne se produisait presque plus sur sc ne Laura une petite photo d enfant blond toujours dans son portefeuille Lorenzo chaleureux et attentif sous des dehors de joyeux dilettante Nous aimions nous retrouver dans son grand appartement de avenue Victor Hugo Il aurait fait un beau couple avec Laura Mais pourquoi son regard se voilait il parfois Est ce nous sur cette vieille photo jaunie On distingue la silhouette un peu floue du zazou sur la gauche son cou et son chapeau surtout De quelle couleur tait son chapeau Avait il une tresse ou un ruban On ne saurait pr ciser la forme de son chapeau Son cou semble tr s
21. es nuages dans le ciel sombre dor par les n ons des enseignes Ils y dessinent de grandes ombres comme cette sc ne nocturne dans ma m moire Je m approche d une terrasse o r sonnent des accents de twist Il y a plusieurs ann es que Max n officie plus derri re son comptoir en chantant Memory Line Il tait rest jeune si longtemps que la vieillesse lavait rattrap d un seul coup Sacr Max L o tu es bois tu toujours du bourbon Il disait en plaisantant de son teint rouge tre qu il avait un nez bourbon Je ne reste pas et je reprends ma promenade Rue M dicis Rue de Vaugirard Le Jardin du Luxembourg d sert et silencieux sauf le Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 11 bruissement de la brise dans les feuillages des arbres En passant sous les hautes fen tres d un h tel particulier semblable ceux o je faisais jadis du baby sitting j entends s chapper quelques notes dans l obscurit Jai cout un instant immobile le souffle coup cet air Tout est fini plus de prom nades Je ne suis pas certain de l avoir reconnu Plus de printemps Je me suis avanc un peu Je n ose pas aller plus loin mais je distingue maintenant nettement les paroles du chanteur C est bien lui Swing Troubadour Apr s tant d ann es Le Style mode d emploi extraits St phane Tuff ry age 12 2 Agitato Lamentabile ou la prose de Sibylle
22. finie ta s r nade Tu vas quitter l fanboure Peter soupire Il a bien ses papiers dans la poche Le zazou n est plus s r d avoir raison Paolo Je veux dire Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 9 Il ne finit pas sa phrase et se dirige seul vers l avant dans une zone non occup e O s asseoir Comme un passager lui demande lheure il n ose pas avouer qu il n a pas de montre et bredouille n importe quoi Quatorze heures a ne va pas mon petit le d jeuner n est pas pass Pauvre Swing Troubadour Si je fouille plus loin dans mes souvenirs que vois je Swing Zazou descend de l autobus larr t Assembl e Nationale Changement de rive Au moment o il s en allait javais envie de le retenir et de lui dire que c tait lui qui avait raison Que Paolo aurait d s excuser quoi bon L autobus est reparti et il est rest attendre sous laubette De la plate forme arri re je voyais sa silhouette s loigner lentement et rapetisser Il semblait absorb par la lecture des horaires de la ligne S comme sil avait voulu les apprendre par c ur Les indicateurs c est sa passion O voulait il se rendre Deux heures plus tard j tais de nouveau dans l autobus mais dans le sens inverse Cour de Rome en face des escaliers menant la gare Saint Lazare j ai remarqu deux silhouettes dont l une tait tr s anim e De loin il me
23. guebalaient les cols blancs les cols bleus et le troisi me ge de la Contrescarpe Champerret o le chauffeur laissait le volant de son Renault un coll gue un moment au niveau de Saint Sulpice un jeune cervel au feutre marron tout biscornu apostropha un Hercule qui marchait pour la ni me fois sur ses tennis Mauvaise langue s entendit il r pondre Cette me sensible qui n tait pas de la race des Cassius Clay consid ra la pointure de l autre bip de examina la cause subodora les effets et se pr cipita de tourner les talons La discussion abandonn e sans laurier c tait la B r zina Le jeune Tartarin s assit sur un ska Rem chant son am re d faite num rotant ses abattis il semblait aussi accabl que si tout autobus avait t ligu contre lui l arr t suivant il mit les voiles Plus tard l heure avait tourn et apr s avoir bu un verre puis un petit noir au zinc de Saint Lazare je revis ce jeune qui ayant quitt la route pour le rail pr tait une oreille attentive une t te ch re tr s inspir e par le corozo de sa fourrure Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 31 8 Pr lude l apr s midi d un francophone Deux heures qu il drachait Il faisait cru la premi re claircie je sortis de chez moi chaudement appareill et courus vers laubette au coin de Pilot C tait l heure des travaillants Dans le char nou re de monde monta e
24. ire de Combray avec son vieux porche ses dalles in gales les beaux vitraux de son abside et surtout la fine pointe de son clocher auquel ma grand m re reconnaissait vertu supr me quoique non acad mique un air naturel et distingu ni d un principe moral ou v u mystique qui m e t imp rativement prescrit d viter ce quartier de Paris ni m me en raison des nombreux chocs que les transports en omnibus me laissaient pr sager mais parce que cette visite ma tante L onie en me faisant rentrer plus tard que d habitude la maison aurait pour effet si douloureux pour moi de me faire partir au lit sit t ma soupe prise de sorte que ma m re retenue table comme lorsque nous avions t nous promener le long de la propri t de Swann Tansonville du c t de M s glise ou comme lorsque du monde c est dire Swann venait d ner chez nous ne monterait pas me dire Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 22 bonsoir en m embrassant Pour l apprenti crivain et admirateur de Bergotte que j tais tout rempli des accents m lodiques et des flots harmonieux de po sie dont Bloch m avait appris me d lecter comme d un breuvage nectar en Swann n tait cette poque pas encore aur ol du prestige insurpassable d tre Pami du grand crivain ce que je devais d couvrir plus tard dont lavis sur toutes sortes de sujets lev s artistiques ou litt raires
25. ker a l r pond l enclume Un peu Je sature sur toi tu me t tanises r p te le baltringue Il est ouf lui L che moi je suis v n re tu m prends la t te menace le toss Y a grosse embrouille entre les deux gus Mais le d latt commence baliser sec et a reupe de se faire maraver les dents de devant OK ya pas d lez qu il dit au killer en lui donnant le respect C est a gage d dale Prends le trome 4 Pour ce texte voir le Dictionnaire du fran ais branch de Pierre Merle aux ditions du Seuil ainsi que les ouvrages plus r cents du m me auteur Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 34 Le diban lui a destroy le moral au zazouman et il a la haine Parr t suivant le d calqu s arrache donfe qu il descend Je revois un peu plus tard mon loser avec un bip bip branch qui lui tient le talk Tu m tonnes que t assures pas avec les meufs Sans dec il est un peu violent l ton bombers Et ton tombou c est nullache quelque part Fais comme j te dis c est g nial a d gage Et il lui montre sur sa frusque Mais l autre fomb trouve pas a hypra cool de remonter le tombou tout au top de son zomblou Y s dit qu iva encore falloir allonger d la thune Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 35 10 D claration d accident Monsieur l Assureur Je vous cris au sujet de l nergum
26. m annon ait qu enfin M Swann tait parti et que maman allait monter premi re abdication de sa part mes caprices et mon manque de volont dont elle marquait le d but du d clin ainsi que de celui de ma sant et qui m avait donn la fois l id e de mon uvre et la crainte de ne pouvoir la r aliser Et tout d un coup deux heures plus tard boulevard Malesherbes dans le m me omnibus mais dans l autre sens alors que je venais de croiser Bloch devant la gare Saint Lazare que je connaissais bien avant m me que la peinture de sa verri re par Monet ne men e t r v l l essence passag re ferrugineuse fulminante ferroviaire pour y avoir pris jadis le train de Balbec o j avais fait la connaissance de Saint Loup dont le mariage avec Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 27 Gilberte avait plus tard rapproch les c t s de Guermantes et de M s glise autant que le faisait lomnibus pour la gare Saint Lazare et cette place de la Madeleine si bien d crite par Bergotte au dire de Swann quoique Swann ne p t s emp cher de le proclamer avec cette nuance d ironie dans la voix qu il adoptait toujours pour marquer qu il ne voulait pas s impliquer compl tement dans l opinion qu il prof rait o il m avait prodigu maint conseil vestimentaire utile le souvenir m tait apparu Ce coup c tait celui qu un lundi midi jour o il y avait toujours grand monde sur la ligne S d
27. m me qu en chevauchent deux la fois Pourquoi que vous me parlez de la mar e chauss e a se passait Paris pas au bord de la mer Quant au manteau je vois pas ce qu il vient faire dans l histoire puisque c est pas avec ma voiture que je lui ai arrach son bouton mais cause qu il m a dit plein de salet s que jose m me pas vous r p ter a l a peut tre Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 37 froiss mais c est pas le seul Venez voir la t le de ma voiture qu est toute froiss e aussi Attention Faudrait pas tout me coller sur le dos parce que je connais mes droits et je ne suis pas sans ignorer parfaitement le code de la route D ailleurs je conduisais sans interruption depuis 20 ans quand j ai eu cet accident En plus je vous ferais remarquer que j ai vit le bus et que a fait toujours a de moins J esp re que vous serez content et que vous en tiendrez compte pour r gler les dommages corporels de mon auto Avec toute mon assurance Sign Le Gravidec
28. n m me temps que moi un jeune shra l ge cochon qui n avait plus que la ralingue une cagouette tout lingu e et sur la caboche un tchurieux chapeau avec un filin tout le tour l arr t suivant entre l essencerie et le parc de stationnement le conducteur au volant de son transport en commun donna un violent coup de frein un guindailleur s encoubla les pieds et chavira le jeune rkik qui nerv assez par ce qu il crut tre une jambette prit les mouches et se mit le crier Balek Il parlait joual je ne compris pas ce qu il chiala quelque chose comme Poussez pas y a pas le feu dans les montres Rave Arr te tes balbizes amphibie ou je te bombe une fois lui r pondit son ambianceur de voisin qui lui aussi avait son voyage et commen ait ren cler Je vais me mettre en d ve lui tympanisa t il Je crus que le min olet allait tomber faible tellement il caponnait Se faire laver les chemises de la sorte Il accrocha ses patins et fit avion la pr cipit e vers l avant du tap tap pour se mettre la chotte au milieu des 3 Voir Le fran ais d ici de l de l bas par Henriette Walter aux ditions Jean Claude Latt s ainsi que Le guide des mots francophones par Lo c Depecker aux ditions du Seuil Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 32 navetteurs L il s tendit comme une tourte marabout grigris par la chkoumoune pignolant dans
29. ons la vie d un fils d agent de change et qu il nous appar t tout diff remment qu aux autres personnes qu il c toyait qu il s agit des membres du Jockey Club ou de M de Villeparisis fallait il s en tonner tant il est vrai que les diverses facettes d un individu ne nous apparaissent jamais simultan ment et d pendent de l observateur de son milieu de ses connaissances de ses pr jug s de m me que d pend de lexp rimentateur et de son protocole qu il observera une onde ou un corpuscule selon la m canique ondulatoire du prince de Broglie dont mon grand p re aimait se faire raconter par Swann les petits faits de lPexistence du prince de Broglie pas de la m canique ondulatoire qui Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 24 devait conduire remettre en question le r alisme de la science comme Bergotte remettait en cause dans sa belle philosophie le r alisme de Part et son pr suppos d une r alit ind pendante du point de vue du narrateur comme si c tait le m me Swann qui tr nait dans les meilleurs salons du faubourg Saint Germain et celui qui venait sonner le soir la porte du jardin un panier de p ches la main et certes j aurais t bien tonn d apprendre que cette glise de la Madeleine devant laquelle je passais pour aller chez ma tante Bergotte lavait souvent visit e en compagnie de Gilberte Swann cette demoiselle espi gle aux
30. passagers tant mont s dans la diligence chacun se poussa car on tait tr s serr sur la plate forme arri re de l Hirondelle Charles s ventait soupirant les genoux 7 rentraient dans le corps Il aurait tant voulu se poser quelque part mais il fallait bien se rendre la gare Saint Lazare Emma serait tellement heureuse Il y aurait pourtant encore trop de monde dans cet endroit enfum crasseux insalubre avec ses murs couverts de suie ses poutres de fer rouill es ses verri res opaques de salet Un passager le bouscula Faites attention fit Bovary vous auriez pu me blesser L individu r torqua qu il ne fallait pas exag rer C tait vrai que le choc avait t rude cependant Mais il n allait pas en faire une histoire Mme Bovary d visagea son mari en haussant les paules Quel pauvre homme quel pauvre homme se disait elle tout bas en se mordant les l vres Il tait si ridicule avec son cou trop long son nerf de b uf son feutre si provincial entour d un cordon termin par un gland La lumi re en se Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 29 r fl chissant sur les chromes rutilants de l Hirondelle lui faisait cligner ses petits yeux ce qui lui donnait un air parfaitement niais Il n allait pas avec son charivari lui g cher son voyage dans la capitale Elle en avait tant r v Paris La mode L Op ra La gare Saint Lazare Ce tumulte qui lemplissait
31. son coin qu il en avait par dessus les cheveux de se faire chicoter Nonante minutes apr s cette prise de bouche comme j avais vir de bord vers la Contrescarpe toujours assis dans le m me rapide mais cette fois ci pr s d un ch ssis je revis mon chamailleux devant la gare Saint Lazare Il y avait rejoint un asso fringueur sur son 36 Celui ci ayant pris le train onze l esp rait depuis une bonne secousse et commen ait avoir le temps long quoiqu il loccup t faire sa pintade sur la banquette Comme il tait du genre jasant ils se mirent placoter amitieusement de l ajoute d un piton la phale de son capot le jeune t b disant que ce ne serait pas pire pour tre jazz et se gardant bien de faire la bouche au sujet de sa brette du matin Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 33 9 Plus bl ca tu meurs J suis dans le bus l heure du d j Les zupiens reviennent du taf J vois un crobe over crainteux pas convivial du tout avec un cou qui donne un gueuta pas possible sur sa casquette il a pas Pair de se pendre la louche d j Le genre de naze grave qui s embrouille avec tout le monde J le vois d ailleurs qui calcule ses voisins c t de lui y a un stoco assez basic on voit que c est un tueur qui assure stomba Soudain le warrior bouscule le schtarb qui se met j r mier Putain comment tu me scratches les pieds L t abuses Tu peux rema
32. t vouloir l chement profiter de sa force Ducouleuzazoumil bou Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 19 Je le revis un peu plus tard heure tranquille o les employ s vont boire devant la gare Saint Lazare o il se dandynait avec un copain qui lui tint peu pr s ce langage Montjoie Saint Germain Que tu es joli que tu me sembles beau sans mentir si ton bouton se rapporte au sommet de ton pardessus tu seras le ph nix des zoziaux de cette gare Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 20 5 Du c t de la Madeleine LA MANI RE DE MARCEL PROUST Le seul v ritable voyage le seul bain de Jouvence ce ne serait pas d aller vers de nouveaux paysages mais d avoir d autres yeux de voir l univers avec les yeux d un autre de cent autres de voir les cent univers que chacun d eux voit que chacun d eux est Marcel Proust La Prisonni re Longtemps je me suis promen de bonne heure Parfois peine mont sur la plate forme arri re de l omnibus je n avais pas eu le temps de dire je m assieds et j tais d j bouscul Or soit que mon cerveau inform par la brusque excitation de mes nerfs me t pas class le heurt dans la cat gorie des sensations g n ralement tenues pour agr ables quoiqu il p t para tre tel certaines personnes puisqu il est vrai que les m mes objets ne procurent pas toujours tous les m mes mo
33. tions soit que cette information m me parvenue mon cerveau n y e t pas rencontr l cho qu y aurait provoqu la r surrection du souvenir enfoui de quelque sensation ancienne de m me nature per ue comme agr able en raison des circonstances ayant entour son apparition comme une cavalcade dans les couloirs du m tropolitain ou Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 21 une promenade en vaporetto sur le Grand Canal de Venise ce genre d accrochage ne me plaisait pas Il me rappelait les promenades matinales qui bien des ann es auparavant taient l objet de mes inqui tudes depuis la veille qui les pr c dait lorsque maman montant me dire bonsoir dans ma petite chambre la lanterne magique me disait Demain tu iras voir ta tante L onie ta visite lui fera plaisir et tu t assureras qu elle n a besoin de rien en revenant tu ram neras Fran oise des asperges du march qu elle pr parera merveille en r alit Fran oise laissait la fille de cuisine le soin d plucher les asperges Si d licate que f t ma m re elle ne pouvait se figurer quel point ces promenades la Madeleine o habitait ma tante m inspirait la plus grande angoisse en raison non d une aversion pour le style n oclassique et les colonnes corinthiennes de l glise de la Madeleine qui ne le disputaient certes pas dans mon affection au style champ tre de l glise Saint Hila
34. u c t de la Madeleine o j allais voir tante L onie un individu entre le zist et le zest hautain et bizarre avec le m me clat dur dans le regard que le baron de Charlus ce regard per ant qui m avait tant frapp lorsque je lavais crois dans le raidillon d aub pines du parc de Tansonville le jour m me o j avais rencontr Gilberte pour la premi re fois m avait donn avant que je me jetasse sur un si ge vide La bousculade ne m avait d abord rien rappel peut tre parce que depuis longtemps ma m moire tait comme cet omnibus o se c toyaient serr s comme dans mon petit panier les poissons p ch s au bord de la Vivonne serr s comme des harengs en caque disait Mme Verdurin les Guermantes les Cottard les Brichot les Verdurin les Forcheville qui m apparaissaient soudain fig s clou s leur si ge frapp s de saisissement comme ils leussent t la vision terrible d un implacable contr leur venu leur demander leurs billets dans cet omnibus o ils n taient plus autoris s depuis longtemps voyager face cet ternel contr leur qu est le Temps Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 28 6 L ducation ornementale LA MANI RE DE GUSTAVE FLAUBERT La chaleur devenait touffante Charles d boutonna le col de sa redingote Emma releva un peu la queue de sa robe une jolie robe safran p le ouf fait bien pour Paris et tous les
35. ythie voyant se r aliser un de ses oracles que c est toujours ceux qui ont les Le Style mode demploi extraits St phane Tuff ry page 23 p pettes qui en veulent toujours plus voil d o qu ils piquent donc tant article tout droit sorti du code social portatif de notre cuisini re de sa sagesse paysanne populaire imm moriale et universelle qui avait r ponse tout tout ce qui en tout cas entrait dans son champ d application dans le cadre de sa jurisprudence ce qui lui permettait par exemple d expliquer qu on p t imiter la Crucifixion de Giotto dessein d abuser un collectionneur peu averti et d all ger ind ment son portefeuille mais le rendait incurablement inapte pr tendre lucider les mobiles du faussaire de g nie imitant le style d un artiste la perfection non pour copier une uvre existante et faire passer la copie pour l original mais pour enrichir le catalogue de lartiste d une uvre nouvelle imaginaire et originale tel Hans Van Meegeren inventant avec ses pinceaux de faux Ver Meer de Delft des P lerins d Emmais une C ne ou encore un Christ et la femme adult re lequel avait d ailleurs occup un temps une place de choix dans l tude de Swann sur Ver Meer avant qu il ne s aper t de sa fausset et ne parvint la conclusion que cette f e adult re n tait pas son genre mais que Swann e t une autre vie que celle que nous lui connaissi
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