Sexe, genre, sexualité : mode d`emploi (dans l`Antiquité)
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1. L opposition neutre c est dire descriptive sans valuation morale est encore plus r cente Si la reproduction h t rosexu e est la base biologique des soci t s humaines la cul ture h t rosexuelle n est qu une construction parmi d autres et en ce sens elle ne saurait tre pr sent e comme le mod le unique et universel crit Louis Georges Tin dans un article o il met en vidence les points aveugles des tudes sur les soci t s pass es Dans la d finition de ces deux cat gories encore op rantes actuellement m me si elles le sont de fa on diff rente d j d il y a une dizaine d ann es intervient la notion de genre C est moins frappant dans le cas de l h t rosexualit puisqu elle est souvent naturalis e mais bien visible dans le cas de l homosexualit La conjonction entre les questions de genre et de sexualit ana lyse ric Fassin appara t avec force dans les figures de l homme eff min ou de la lesbienne butch qu il s agisse de figures assum es et choisies par les individus eux m mes ou de repr sentations d pr ciatives Par ces figures qui r v lent le lien que nous faisons entre genre et orientation sexuelle se dessine en creux une repr sen tation genr e de l h t rosexualit loin d tre un fait naturel l h t rosexualit construite sur des repr sentations du f minin et du masculin est un fait qui varie et que Pon peut par cons q2. SEXE GENRE SEXUALIT MODE D EMPLOI DANS L ANTIQUIT HALPERIN D M 2002 How to do the History of Homosexuality Chicago University of Chi cago Press HALPERIN D M et al d 1990 Before Sexuality The Construction of Erotic Experience in the Ancient World Princeton Princeton University Press HENDERSON J 1975 The Maculate Muse Obscene Language in Attic Comedy New Haven Londres Yale University Press H RITIER F 1996 Masculin f minin La pens e de la diff rence Paris Odile Jacob HiRATA H LABORIE F LE Doar H et S NOTIER D dir 2000 Dictionnaire critique du f minisme Paris PUF Iacus M 2004 L Empire du ventre Pour une autre histoire de la maternit Paris Fayard Karz J N 2002 L Invention de l h t rosexualit M Oliva Sokol et C Th venet trad Paris pel dition originale The Invention of Heterosexuality New York Dutton Books 1995 LAQUEUR T 1992 La Fabrique du sexe Essai sur le corps et le genre en Occident M Gauthier trad Paris Gallimard NRF essais dition originale Making Sex Body and Gender from the Greeks to Freud Cambridge Mass Harvard University Press 1990 Lisa S 1983 Homosexuality in Republican and Augustan Rome Helsinki Societas Scien tiarum Fennica Commentationes Humanarum Litterarum 74 Loraux N 1993 loge de l anachronisme en histoire Le Genre humain 27 p 23 39 MACBAIN B 1982
3. et montrent quelles traces ce type de relations a laiss es dans les mythes Souvent peu prise en con sid ration par les chercheurs am ricains qui parfois y voient tort une justifi cation de m urs consid r es a priori comme inacceptables mais qui se verraient expliqu es par leurs liens des rites sociaux et subissant le contrecoup de la r pu tation pass e des recherches indo europ ennes cette approche est primordiale Elle montre quel point les Anciens n opposaient pas la normalit des relations h t ro sexuelles l anormalit des amours entre personnes de m me sexe elle souligne la valeur sociale positive attach e d s la Haute Antiquit une certaine forme de relation entre hommes et tablit combien les soci t s ont t marqu es dans la construction 50 Halperin et al 1990 rassemble les contributions des deux colloques dirig s par David Halperin John Winkler et Froma Zeitlin et qui se sont d roul s en 1986 aux tats Unis Nous leur emprun tons la formule Before Sexuality 51 Veyne 1978 et 1983 52 Cf Lilja 1983 122 Voir ce propos le commentaire de Williams dans Williams 1999 5 53 Pour une critique m thodologique de cette approche cf Williams 1999 4 6 54 Sergent 1984 et 1986 Sergent 1996 101 SANDRA BOEHRINGER des rapports de sexe et dans leur patrimoine culturel et mythique par un type de relation institutionnalis e Les r cents travaux de Cla
4. le monde en convient n offre pas non plus un miroir fid le des repr sentations Ainsi Kenneth Dover l auteur de Greek Homosexuality donne l exemple du Contre Timarque d Eschine afin de discr diter son adversaire de pures fins politiques et non morales l orateur tablit que celui ci s est prostitu une loi interdit ce type de comportement un citoyen qui intervient dans la vie politique Eschine nous donne acc s aux sentiments qu il tait sage de professer en public au sujet de l homosexualit Ath nes l poque classique Ce texte nous permet d acc der un discours de m me nature que celui qu un homme politique tiendrait au XXT si cle lors d une campagne lectorale je suis mari p re de 3 enfants et jaime ma femme mais cela ne nous apprend rien sur la r alit de sa vie priv e ni sur sa con ception de la fid lit conjugale charge pour l historien de reconstituer la distance entre le discours les normes sociales et la r alit Certes le chercheur en histoire ancienne dispose galement de t moignages arch ologiques ou pigraphiques mais dans les domaines de l identit personnelle et de la sexualit la majorit des documents sont litt raires et iconographiques il s agit d un traitement particulier du r el et c est au chercheur de retrouver les circonstances de la production de ces artefacts de leur nonciation ou de leur perform
5. loi 2001 pour Rome 62 Halperin 2000 1990 42 63 Veyne 1978 64 Winkler 2005 1990 95 142 103 SANDRA BOEHRINGER par exemple Florence Dupont montre qu Rome le sein n est pas maternel et que la division symbolique masculin f minin dans l levage des b b s humains est bien diff rente des repr sentations des soci t s occidentales contemporaines le ven tre de la m re au moment de la conception est un lieu masculin o le sperme devient la puissance agissante et lacte de nourrir le b b n est pas culturellement maternel Comme le souligne galement Yan Thomas il y a Rome une paternit nour rici re Dans une m me logique de d construction des a priori genr s les tudes de l ouvrage collectif Corps romains dirig par Philippe Moreau montrent com ment l identit de sexe a pour cons quence par ses manifestations culturelles et socia les de modifier et les attitudes et le corps m me des hommes et des femmes Prenons un autre exemple La prostitution en Gr ce ou Rome a longtemps t tudi e dans les ouvrages consacr s aux femmes dans la pr sentation habituelle des diff rents statuts sociaux des femmes pouses et m res esclaves ou prostitu es ou dans les parties d ouvrages g n raux consacr s la vie priv e et aux plai sirs des hommes La prostitution le fait de se prostituer fait partie de l histoire des hommes autant que de cell
6. se trouve un sujet construit Cette mise au point est importante car tr s souvent les d tracteurs de l his toire des femmes et du genre reprochent aux travaux portant sur l Antiquit ou sur l poque m di vale de manquer de vraies sources c est dire dans ce contexte de sources crites par les femmes C est en effet regrettable et tous les chercheurs souhaiteraient disposer de sources plus vari es mais le probl me n est pas le sexe de l crivant il est id ologique Il faut convenir que pour toutes les poques la majorit des sources qui nous parviennent sont des sources qui sont autoris es par le pouvoir et l id ologie dominante Une tude sur l histoire genr e de la production des discours selon les poques cin ma photos arts vari s litt ratures mais aussi journaux publicit etc peut apporter des informations importantes et permettre 10 L introduction de Thierry loi et de Florence Dupont leur rotisme masculin dans la Rome anti que est tr s pol mique Bien avant l homosexualit in Dupont amp loi 2001 9 30 alors m me que les auteurs adoptent la m me d marche constructionniste que certains travaux qu ils criti quent ou ignorent cette tude des pratiques socio sexuelles de l homme romain loin de s oppo ser aux travaux de David Halperin par exemple Halperin 2000 1990 ou pr cis ment Halperin et al 1990 ou l tude de Craig Wil
7. tayer son propos l opinion publique et la d mo cratie 87 SANDRA BOEHRINGER que souvent ils travaillent dans la m me direction Ce qui importe avant tout c est de pr ciser la nature des cat gories utilis es et l usage que l on en fait Le sexe des sources une fausse question Une derni re remarque de m thode sur les sources s impose on dit souvent que les sources antiques posent probl me parce que nous n avons que des images ou des textes produits par des hommes La question est plus complexe le probl me ne porte pas sur le sexe de leur auteur mais vient du fait que ces sources v hiculent majoritairement un discours norm c est dire influenc par l id ologie des grou pes dominants Ce n est pas parce qu une femme crit que c est plus int ressant ce qui est int ressant est d avoir un discours qui sort des normes qui brise le silence et qui permet de conna tre les pratiques et les sentiments consid r s comme d viants par rapport la norme Il existe par exemple en Afrique de nombreuses femmes qui vont soutenir la pratique de l excision Et de nombreux hommes qui vont la combattre Il existe de nombreux trait s de savoir vivre crits par les femmes qui reproduisent un syst me de domination masculine On ne peut pas faire l histoire du genre qui pr cis ment refuse l id e d une identit de sexe naturelle et tout la fois remettre du biologique l o
8. BOEHRINGER SERGENT B 1984 L Homosexualit dans la mythologie grecque Paris Payot r dit dans Sergent 1996 SERGENT B 1986 L Homosexualit initiatique dans l Europe ancienne Paris Payot r dit dans Sergent 1996 SERGENT B 1996 Homosexualit et initiation chez les peuples indo europ ens Paris Payot Histoire TAMAGNE F 2000 Histoire de homosexualit en Europe Berlin Londres Paris 1919 1939 Paris Seuil L Univers historique TH BAUD F 1986 Quand nos grand m res donnaient la vie La maternit en France dans l entre deux guerres Lyon Presses universitaires de Lyon M decine et soci t TH BAUD F 1998 crire l histoire des femmes Fontenay aux Roses ENS Soci t s espaces temps THomas Y 1986 Rome p res citoyens et cit des p res in Histoire de la famille I Mon des lointains mondes anciens Burgui re C Klapisch Zuber M Segalen et F Zonabend dir Paris A Colin p 195 229 r dit in Rousselle Sissa et Thomas 2005 p 65 125 THoMas Y 1991 La division des sexes en droit romain in Histoire des Femmes en Occi dent G Duby M Perrot dir t I P Schmitt Pantel dir Paris Plon p 103 156 T n L G 2003 L invention de la culture h t rosexuelle Les Temps modernes 624 p 119 126 VEYNE P 1978 La famille et Pamour sous le Haut Empire romain Annales ESC 33 p 35 63 r dit dans La So
9. Prodigy and expiation A study in religion and politics in Republican Rome Bruxelles Latomus Latomus 177 MATHIEU N C 2000 Sexe et genre in Hirata Laborie Le Doar et S notier 2000 p 205 213 Mesui R 2006 La Virilit romaine en mutation tude sur les spectacles dans les Vies des douze C sars de Su tone m moire de Master II sous la direction de P Moreau soutenu l universit de Caen Basse Normandie le 22 avril 2006 dactyl MoREAU P d 2002 Corps romains Grenoble J Millon Horos Nusssaum M C SIHVOLA J d 2002 The Sleep of Reason Erotic experience and sexual ethics in ancient Greece and Rome Chicago Londres University of Chicago Press PARKER H 2001 The Myth of the Heterosexual Anthropology and Sexuality for Classi cists Arethusa 34 3 p 313 362 REBREYEND A C 2005 Comment crire l histoire des sexualit s au XX si cle Bilan historiographique compar fran ais anglo am ricain Clio 22 p 185 209 RoOUSSELLE A SissA G et THoMASs Y 2005 La Famille dans la Gr ce antique et Rome Bruxelles ditions Complexe Historiques Scorr J W 1988 Genre une cat gorie utile d analyse historique E Varikas trad Les Cahiers du GRIF n 37 38 Le Genre de l histoire p 125 153 dition originale Gender a useful category of historical analysis American Historical Review 91 1986 p 1053 1075 109 SANDRA
10. contexte nonciatif crit Claude Calame la conception moderne de la subjectivit et de lint riorit s av re perdre sa per tinence Dans une d marche anthropologique similaire Florence Dupont insiste dans ses travaux sur le citoyen romain sur la n cessit de ne pas s parer artificiellement les questions des pratiques sexuelles de celles des pratiques politiques Elle privil gie l utilisation de termes latins par exemple pudicitia virtus mollitia pour favo riser la r sistance l anachronisme et montre que les Romains joignent des notions que notre soci t consid re comme h t rog nes ce n est donc pas une red finition des concepts mais un r el red coupage qui est n cessaire si l on veut approcher au plus pr s les cat gories sociales et culturelles des Anciens La sp cificit de l histoire ancienne Pour des raisons videntes il west pas possible de travailler sur PAntiquit de la m me mani re que des historiens et des sociologues travaillent sur l poque moderne et contemporaine Travailler sur la construction culturelle des identit s de sexe dans une soci t contemporaine demande de faire une histoire totale et n cessite des recherches de sources dans des domaines nombreux et vari s les sources polici res les sources juridiques comptes rendus statistiques judiciaires proc s verbaux les 5 Dupont 1994 Calame 2002 6 Calame 1998 105 85 SANDRA BOEHRING
11. l autre notion et tout entier li notre conception moderne du sexe et de la sexualit Le terme d h t rosexualit appara t pour la premi re fois en 1892 et comme le montre J N Katz il ne s oppose pas imm diatement l homosexualit les deux termes n ont pas la fonction totalisatrice qu on leur pr te actuellement L h t ro sexualit dans son usage r pandu d signe une forme de pathologie que manifestent 42 Halperin 2000 1990 43 43 Halperin 2002 10 44 Halperin 2000 1990 25 45 Nous renvoyons pour tout ce paragraphe aux travaux de J N Katz Katz 2002 1995 particuli rement 25 38 99 SANDRA BOEHRINGER des personnes attir es par les deux sexes et usant de moyens anormaux pour par venir au plaisir Le sens volue pour d signer aux tats Unis en 1923 une passion sexuelle morbide pour le sexe oppos Il s agit d opposer l amiti conjugale hon n te une attirance excessive pour le sexe oppos mais galement les relations pro cr atrices entre hommes et femmes aux relations non procr atrices entre hommes et femmes L opposition entre homosexualit et h t rosexualit ne devient effective que plus tard Freud recourt au terme d h t rosexuel par r f rence homo sexuel mais il n utilise pas la cat gorie h t rosexualit de fa on absolue Au d but des ann es trente le terme prend le sens de relations sexuelles normales
12. pas forc ment beaucoup sur la condition f minine en g n ral l inverse galement la domination dite masculine n impose pas des contraintes qu aux femmes ces contraintes portent galement sur les hommes aux quels on impose un id al de virilit conqu rante politique et sexuel C est en ce sens que John Winkler intellectuel am ricain sp cialiste de Antiquit parle de d sir et de contraintes pour les femmes comme pour les hommes Ses tra vaux proposent une tude des textes o apparaissent des discours qui ne vont pas dans le sens de l id ologie dominante et qui permettent aux chercheurs contempo rains de savoir qu il existait des hommes qui refusaient ce syst me Une domination n est donc pas masculine en tant qu elle pose toutes les femmes comme victimes et tous les hommes comme bourreaux Une domination est politique et l histoire du genre a pour but de d terminer quel aspect du genre est en jeu dans ce syst me de domination La nature des sources entre normes et r alit Les textes particuli rement bavards sur les comportements des hommes et par fois aussi sur la d bauche des femmes ont permis aux philologues aux anthropolo gues et aux historiens de conna tre les normes qui r gissaient la vie sexuelle et sociale des hommes grecs et romains Mais comme le d veloppe longuement John Winkler il faut tre particuli rement prudent Il nous faut apprendre lire nos text
13. sexuel les et les identit s sexuelles dans l Europe bourgeoise de la fin du XVII au d but du XX si cle le sexe acquiert de nouvelles fonctions sociales et individuelles et rev t une nouvelle importance pour d finir et normaliser le soi moderne la fin des ann es soixante dix la suite d un cycle de cours au Coll ge de France consacr la place de la sexualit dans la culture occidentale le philosophe Michel Foucault commence la vaste entreprise qui restera inachev e de faire lar ch ologie des discours sur la sexualit Ses travaux bouleversent d finitivement les recherches sur la sexualit il se propose d tudier le r cent processus de mise en discours sur le sexe et la sexualit ainsi que la volont qui porte ces discours et l intention strat gique qui les soutient Il tudie les techniques de contr le du corps et de la sexualit mises en uvre par le pouvoir l art rotique des Anciens il oppose la science de la sexualit que contribuent construire ces multiples discours et il montre que la sexualit est une construction moderne une mani re de parler d un soi qui se constitue en fonction du d sir de l individu et des par ticularit s de ce d sir Les travaux de Michel Foucault eurent une influence consid rable sur les tra vaux sur la sexualit dans l Antiquit aux tats Unis comme en Europe Alors que durant des si cles les savants tudia
14. testicules a conduit les parents diagnos tiquer un sexe f minin Il y aurait donc bien plus de gar ons que l on a pris pour des filles que l inverse Cela a probablement sauv de la mort un bon nombre de petits gar ons au sexe mal form Dans ce cas le sexe f minin est un sexe attribu 24 Diodore de Sicile 32 10 dans Photius Biblioth que p 127 14 130 5 377b 378b pour la transfor mation d H ra s et 32 11 ibid p 130 6 131 39 378b pour la transformation de Kall 25 Diodore de Sicile 32 10 dans Photius Biblioth que p 129 35 38 378b Finalement le seul r el probl me qui se pose pour Kall n est pas le fait qu il elle a pous un homme mais c est que en tant que pr tresse de D m ter il elle a vu des choses qu un homme ne devait point voir 26 Tous ces chiffres sont apport s par divers articles scientifiques parus dans un num ro sp cial de La Recherche hors s rie n 6 2001 2002 Voir plus particuli rement l article d A Fausto Sterling La fin programm e du dimorphisme sexuel p 58 62 27 Sur le sort r serv aux enfants hermaphrodites cf Delcourt 1938 et Brisson 1997 93 SANDRA BOEHRINGER par d faut En revanche une fois que la pr sence d organes g nitaux masculins est attest e m me si ces organes se trouvent en pr sence d un second sexe on nomme Pindividu d un substantif masculin et cela m me lorsqu il s agit de parler de l
15. ANS L ANTIQUIT dominant domin Les points aveugles et les anachronismes lorsqu on voque de fa on concr te les pratiques sexuelles sont les plus difficiles rep rer pour le chercheur contemporain Cette non existence de la sexualit comme ensemble de pratiques humaines participant la construction personnelle et psychologique de l individu comme principe constitutif du soi rend caduque toute tentative de cat gorisation par opposition entre homosexualit et h t rosexualit Les Anciens en effet n ont jamais labor ni pens une cat gorie homog ne qui englobera it indistinctement hommes et femmes de tous milieux sociaux ayant pour unique caract ristique com mune d tre attir s par les personnes du m me sexe qu eux pas plus qu ils ne lui ont oppos une cat gorie qui engloberait hommes et femmes attir s par les person nes de Pautre sexe ce sont d autres crit res essentiellement sociaux qui pr valaient dans l valuation morale des pratiques De plus analyse des sources grecques et romaines a non seulement montr qu il n existait pas de cat gorie commune aux homosexuels et aux homosexuelles mais aussi qu il n existait pas de cat gorie homo sexualit masculine M me si Paul Veyne passe sous silence la question des relations entre femmes son choix de l expression aimer un puer ou une puella comme expression cl de lamour antique est int ressant pour
16. D EMPLOI DANS L ANTIQUIT R f rences bibliographiques ADAMS N J 1982 The Latin Sexual Vocabulary Londres Duckworth BOEHRINGER S 2004 Ces monstres de femmes Topique des thaumata dans les discours sur l homosexualit f minine aux premiers si cles de notre re in Mirabilia Conceptions et repr sentations de l extraordinaire dans le monde antique Actes du colloque internatio nal de Lausanne 20 22 mars 2003 P Mudry O Bianchi O Th venaz d Berne Peter Lang p 75 98 BOEHRINGER S 2005a Iphis tait une femme Ovide M t IX 666 797 in Liber amico rum M langes sur la litt rature antique et moderne la m moire de Jean Pierre N raudau F Lestringant B N raudau D Porte J C Ternaux dir Paris Champion Colloques congr s et conf rences sur la Renaissance europ enne 48 p 83 94 BOEHRINGER S 2005b Histoire des femmes histoire du genre et histoire de la sexualit Historiens et G ographes 392 p 119 127 BOEHRINGER S 2006a para tre All Hag sichora me teirei Alcman fr 3 Ce que les travaux sur la sexualit apportent aux recherches sur le genre in Probl mes du genre en Gr ce ancienne V Sebillotte Cuchet dir Paris Publications de la Sorbonne BOEHRINGER S 2006b para tre Comparer l incomparable La sunkrisis rotique et les cat gories sexuelles dans le monde gr co romain in Le Choix de l homosexualit Reche
17. EMPLOI DANS L ANTIQUIT c est ce qui est porteur de signification Ainsi il est int ressant de travailler sur les repr sentations et les imaginaires li s la chevelure rousse certaines poques mais actuellement un doctorant qui travaillerait sur ce crit re de diff renciation dans la soci t fran aise serait en manque de mati re Il y a des particularit s des diff ren ces qui font sens certaines poques et qui ne font plus sens d autres poques qui font sens dans certains lieux et non dans d autres lieux Il n y a pas de diff rence objective pour l historien ce qui int resse l anthropologue et l historien c est le processus de diff renciation ce qui est oppos compar consid r comme tr s dif f rent peu diff rent c est galement le processus de cat gorisation ce qui est consi d r comme suffisamment semblable pour tre int gr dans une m me cat gorie Par exemple Rome la premi re ligne de fracture entre individus qui est ressentie c est l opposition individus libres esclaves et ce bien loin devant la question de la couleur de peau ou de l identit de sexe Alors que nos soci t s occidentales se sont construites sur une opposition fortement ressentie entre les hommes et les femmes les soci t s antiques s appuient d abord dans leur processus de cat gorisation et dans leur perception des individus sur des crit res sociaux La diff rence de sexe
18. ER textes m dicaux articles scientifiques registres m dicaux la presse pamphlets et d bats les archives personnelles lettres journaux photos C est par exemple la d marche adopt e par Florence Tamagne sp cialiste de Sciences politiques dans son Histoire de l homosexualit en Europe Berlin Londres Paris 1919 1939 7 Cette diversit des sources peut tre pour l historien une difficult il faut conna tre cha que domaine il faut en ma triser les outils d analyse mais elle est aussi pour lui un garde fou qui emp che toute g n ralisation h tive ou tout raccourci tentant Dans le champ de l Antiquit l inverse les chercheurs travaillent sur des fragments des informations parcellaires ou repr sentatives d un groupe social restreint Il s agit tr s souvent d un travail sans filet Par ailleurs la nature des sources dont nous disposons est probl matique pas de c d roms pas de photos ni de proc s verbaux bien class s dans des archives Ce qui nous est parvenu consiste essentiellement en des textes litt raires ou plut t en des textes de circonstance dont pr cis ment on a perdu les circonstances Ces sour ces ne peuvent en aucune mani re constituer des documents directs a fortiori lors qu il s agit d identit personnelle ou de sexualit Or l r side la principale difficult un texte litt raire s il mest pas un t moignage direct sur les pratiques comme tout
19. IQUIT sexuelle sont fr quemment r ifi es ce qui brouille la perception des cat gories indi g nes par le chercheur Ces points aveugles ne se limitent pas ce que nous regroupons sous le terme de sexualit En Gr ce archa que une des pratiques rotiques est fond e sur une pratique discursive la po sie Or nous avons galement une id e pr construite de ce que sont un texte un discours un po me ou un auteur Les travaux de Florence Dupont et de Claude Calame ont mis au jour la diff rence immense qui existe entre les productions culturelles antiques et leur performance d une part et la fonction du texte et de l uvre d art dans le monde actuel d autre part Ainsi pour compren dre l r s m lique le chercheur ne peut limiter son tude aux traces textuelles de l poque archa que mais il doit largir son approche au contexte rituel et insti tutionnel de ces productions dans le cas par exemple des Parth n es d Alcman ou encore de l uvre de Sappho de Pindare et d Anacr on Il doit par cons quent non seulement relativiser les cat gories actuelles du sexe et du genre mais galement celles des pratiques nonciatives cela s ajoute le fait que les documents qui nous sont parvenus correspondent souvent des actes ayant une dimension communau taire importante et qu ils sont davantage r v lateurs de fonctionnements sociaux que du moi intime d un sujet Dans ce
20. SEXE GENRE SEXUALIT MODE D EMPLOI DANS L ANTIQUIT Pierre Bourdieu en travaillant sur le syst me de repr sentation de la g n alogie chez les peuples kabyles montrait quel point tait r pandue dans diverses soci t s la tendance consid rer comme relevant du naturel des lois ou des comporte ments qui taient en r alit culturellement construits La confusion loi naturelle loi sociale est tr s fr quente lorsque les individus se repr sentent les conventions qui r gulent leur propre soci t Chaque ordre tabli tend produire des degr s tr s divers et avec des significations tr s diff rentes la naturalisation de son propre arbitraire Ce constat a une double implication l ethnologue qui tudie une soci t sait qu il va rencontrer dans la culture cible des croyances et des r gles qui ne sont pas celles de sa propre culture il sait aussi que ces croyances sont souvent per ues comme fond es sur des lois universelles par les individus de la soci t tu di e Conjointement l ethnologue arrive avec une grille de lecture ou des questions particuli res qui se fondent sur les syst mes de repr sentation de sa propre culture l int rieur de laquelle certaines lois ou certaines oppositions sont per ues par ses contemporains comme logiques allant de soi voire naturelles Lorsqu ils travaillent sur le monde antique les historiens et les philologues occi dentaux restrei
21. ance avant m me de recourir aux outils d analyse qu offre l histoire du genre 7 Tamagne 2000 voir plus particuli rement l introduction m thodologique 9 20 8 Dover 1982 1978 29 86 SEXE GENRE SEXUALIT MODE D EMPLOI DANS L ANTIQUIT La question de l anachronisme Comment justifier la pertinence d une approche faite au moyen d outils d ana lyse contemporains sur un mat riau si ancien La question qui se pose ici est bien celle de l anachronisme on ne pose jamais les m mes questions au pass et s il arrive que les questions soient les m mes les attentes de ceux qui les posent sont tr s dif f rentes et les r actions du monde universitaire et scientifique diff rentes galement La part croissante que prend l historiographie dans les recherches actuelles apporte la preuve que chaque recherche chaque fa on de faire l histoire ne peut tre d ta ch e du contexte culturel et social duquel elle merge C est bien ce que souligne Nicole Loraux dans un article intitul loge de l anachronisme en Histoire Il faut user d anachronisme pour aller vers la Gr ce ancienne condition que l his torien assume le risque de poser pr cis ment son objet grec des questions qui ne soient pas d j grecques qu il accepte de soumettre son mat riau antique des in terrogations que les Anciens ne se sont pas pos es ou du moins n ont pas formul es ou mieux n ont pas d coup
22. cas d une jeune fille qui devint un homme et que l on exila sur une le d serte en 171 avant J C Il voque plusieurs cas simi laires son poque Diodore de Sicile lui aussi fait tat de deux transformations 20 Sur la question de l indistinction de sexe et des m tamorphoses sexuelles voir entre autres Del court 1938 Brisson 1997 MacBain 1982 et Boehringer 2004 21 Tite Live 24 10 10 22 Phlegon De mirabilibus 6 3 d Giannini 23 Pline Histoire naturelle 7 36 92 SEXE GENRE SEXUALIT MODE D EMPLOI DANS L ANTIQUIT sexuelles qui se sont produites au I si cle avant notre re mais elles ne sont pas re lat es sur le mode des mirabilia Au contraire l auteur affirme clairement qu il s agit d une erreur de la nature et non de prodiges signes des dieux il s agit d H ra s qui des parties g nitales masculines apparaissent peu de temps apr s son ma riage et de Kall qui tait contrainte de supporter des treintes contre nature avec son poux avant sa transformation assist e m dicalement L explication que nous pouvons donner ces changements de sexe spontan s ou assist s par une technique chirurgicale particuli re est que la personne tait atteinte pr alablement d une malformation g nitale Dans tous les cas mentionn s la transformation se produit peu de temps apr s le mariage ce qui correspond la fin de l adolescence l exp
23. ci t romaine Paris Seuil Des travaux 1991 p 88 130 Veyne P 1983 L l gie rotique romaine L amour la po sie et l Occident Paris Seuil WILLIAMS C A 1999 Roman Homosexuality Ideologies of Masculinity in Classical Antiquity New York Oxford Oxford University Press WINKLER J J 2005 D sir et contraintes en Gr ce ancienne S Boehringer et N Picard trad Paris pel dition originale The Constraints of Desire The Anthropology of Sex and Gender in Ancient Greece New York Londres Routledge 1990 110
24. e voire inutile un homme est un homme pense t on et l h t rosexualit s oppose tout naturellement l homosexualit C est ainsi que l on trouve sans intro duction m thodologique qui justifierait le titre des livres entiers sur les femmes Rome ou sur l homosexualit en Gr ce Or l int r t de l histoire du genre est de r introduire du culturel l o notre regard a introduit tort du naturel l o nous avons plaqu en toute bonne foi des cat gories totalement anachroniques Cette m thode d analyse historique et anthropologique dont nous nous propo sons dans cet article de donner les principaux outils et de d crire les principales applications au monde antique ne se limite pas l tude de la construction des hommes et des femmes elle est un moyen d acc s une meilleure connaissance des soci t s en g n ral en mettant au jour des syst mes de repr sentations sp cifi ques qui traversent des domaines aussi vastes que les questions religieuses sociales et culturelles Pr liminaires l anthropologue les sources et l id ologie dominante Tenter une traduction transculturelle La d marche qui consiste aborder les soci t s antiques par le biais des ques tions modernes du genre et de la sexualit se heurte des questions de m thode qui sont celles de la traduction transculturelle il s agit de mener une confrontation entre deux ensembles distincts e
25. e des femmes L tude de Florence Dupont sur les prostitu e s libres montre que dans les repr sentations des Romains le sexe de la personne qui se prostitue n est pas la donn e essentielle D autres crit res plus impor tants entrent en jeu C est on le voit tout un syst me avec ses ensembles ses lignes de d marcation d opposition et d analogie qu il convient pour l antiquisant de reconstituer un sys t me qui fait fonctionner le genre et le sexe selon des modalit s tr s diff rentes de celles que nous connaissons Et si comme par une illusion d optique il est possible de croire un instant qu une cat gorie contemporaine peut tre d gag e dans tel ou tel document il convient de se m fier de ce sentiment de familiarit D crire un syst me antique de genre perspectives de recherches Il importe d sormais d int grer ces approches de documents nombreux et vari s produits sur une longue chelle de temps dans une tude plus vaste des syst mes de cat gorisation du monde antique Les classes sociales les diff rences de sexe Poppo sition entre trangers et autochtones entre citadins et ruraux entre hommes sains et malades entre d viants et citoyens irr prochables sont autant de lignes de force qui structurent les m canismes sociaux politiques et conomiques des soci t s anti ques les r cents travaux de David Halperin de John Winkler et de Florence Dupont soulignent quel point
26. es comme telles Elle pr cise Tout n est pas possible absolument lorsqu on applique au pass des questions du pr sent mais on peut du moins tout exp rimenter condition d tre tout moment conscient de langle d attaque et de l objet vis largissons son propos toutes nos questions au pass sont anachroniques et il nous faut toujours tre conscient de l angle d attaque et de l objet vis Les recherches por tant sur le genre et le sexe si elles semblent tre toutes nouvelles ou directement venir d outre Atlantique ne sont pas plus anachroniques que ne l taient en leur temps celles sur la repr sentation de tranger en Gr ce le statut de l esclave Rome ou le personnage po te chez Properce Ce qui est important c est que l historien d fi nisse ses outils d analyse avec pr cision et les consid re non comme d crivant ce qu il lui faut retrouver dans les sources mais comme des cat gories heuristiques son objectif tant de d finir comment des l ments coh rents pour nous modernes se r partissent dans d autres ensembles selon d autres logiques d autres paradig mes propres aux soci t s antiques Cette mise au point est n cessaire car de nom breux d bats qui opposent les chercheurs se perdent parfois dans des questions de terminologie utiliser ou non le terme de sexualit ou d homosexualit alors 9 Loraux 1993 28 Elle d veloppe deux points pour
27. es selon plusieurs points de vue sachant qu ils sont en m me temps l expression d une bonne foi et une fa on de se couvrir exacte ment comme les informateurs essaient de manipuler l anthropologue qui les observe en se pr sentant lui sous leur meilleur jour Au lieu de couper des affirmations de leur contexte comme dans le cas de la c l bre expression du Contre N ra et de les 12 Winkler 2005 1990 13 Il s agit de cette phrase Nous avons des courtisanes pour notre plaisir des concubines pour le soin quotidien de nos corps et des pouses pour porter nos enfants l gitimes et garder un regard vigilant sur les biens de nos maisons Pseudo D mosth ne Contre N ra 122 trad personnelle 89 SANDRA BOEHRINGER prendre comme parole d vangile nous devrions apprendre voir les diverses con notations et les fausses pistes qui infl chissent le sens de telles d clarations dans leur contexte social total et percevoir les indications sc niques implicites mais non non c es par l acteur du jeu social Il n est pas rare que nous puissions y d tecter la fois un d ni et une acceptation de r alit s sociales id ologiquement g nantes Il pr cise Notre priorit doit tre de retrouver les postulats ou les conventions tacites qui r gissaient les propos publics il appara tra alors que ce que les hommes disaient des femmes et d eux m mes n tait pour une bonne part qu un pur et si
28. gnons notre propos cette aire g ographique et culturelle sont mutatis mutandis dans une d marche d anthropologues la distance entre les soci t s contemporaines et les mondes grec et romain leur impose de porter un regard critique sur leurs propres cat gories de pens e qu elles ressortissent au domaine religieux culturel ou conomique Il est sans objet tout le monde en convient de rechercher dans le monde grec l quivalent exact d une opposition prol taire bourgeois ou dans le monde romain l ensemble exact regroupant les membres d une famille contemporaine Ce travail de r flexion anthropologique qui con siste pour l antiquisant tre sans cesse en aller retour entre deux cultures est 1 Cet article est une synth se de mes travaux ant rieurs sur la sexualit antique de ma th se sur l homo sexualit f minine dans le monde gr co romain para tre aux Belles Lettres et plus particuli re ment des articles suivants Boehringer 2005b Bonnard 2005 et Boehringer 2006 para tre 2 Bourdieu 1972 164 Kentron n 21 2005 SANDRA BOEHRINGER inh rent toute tude sur le monde antique c est la premi re tape d une d mar che que le monde de la recherche qualifierait de scientifique Pourtant lorsqu il s agit d enqu ter dans le domaine du sexe et de la sexualit cette r flexion pr liminaire sur la d marche adopt e semble pour beaucoup acces soir
29. ient les sexualit s en termes de continuit his torique et culturelle l approche constructionniste que d veloppe Michel Foucault d j amorc e par l anthropologie anglaise et am ricaine des ann es soixante les tu die en termes de discontinuit La sexualit n est plus un objet transhistorique et transg ographique stable et invariant Elle est une construction historique et cul turelle et par cons quent une question moderne et anachronique pos e l Anti quit Dans la continuit des travaux de Michel Foucault mais aussi sous l influence d anthropologues comme Mary McIntosh et de constructionnistes am ricains 39 Halperin 1990 18 19 40 Foucault 1976 16 41 Ibid 21 22 98 SEXE GENRE SEXUALIT MODE D EMPLOI DANS L ANTIQUIT comme Georges Chauncey David Halperin tudie les cat gories sexuelles antiques en montrant que les cat gories actuelles d homosexualit et d h t rosexualit sont des constructions extr mement r centes et que notre conception de la sexualit n est pas exportable Dans une synth se de sa d marche publi e en introduction de son dernier ouvrage il pr cise Mon objectif en historicisant l homosexualit tait d extraire l h t rosexualit du domaine du naturel de lui retirer d finitivement la possibilit de se revendiquer comme une valeur traditionnelle pour en d finitive briser ce syst me autoproclam sur lequel repose l opposit
30. ion homophobe entre l homosexualit et l h t rosexua lit Ce que nous consid rons comme relevant de la sexualit n est qu une des formes Ro x 2 2 wg N 44 de la vie rotique relativement r centes et troitement li es la culture Les cat gories contemporaines de la sexualit Les cat gories actuellement l uvre dans la perception contemporaine des sexualit s sont non seulement r centes mais galement mouvantes Le concept mo derne d homosexualit s est charg de sens et allie comme le d crit David Halperin une notion clinique h rit e des th ories m dicales du XIX si cle quelqwun peut tre qualifi d homosexuel m me s il n a pas de pratique sexuelle telle partir du moment o il y a alt ration du genre et que cette alt ration est consid r e comme une pathologie par exemple ce qui sera consid r comme un comportement eff min ou le travestissement une notion psychanalytique homosexualit qualifie un d sir prouv pour quelqu un de son propre sexe elle ne d crit rien de perma nent et ne s oppose pas a priori une norme et une notion sociologique sont pri ses en compte en dehors de toute notion psychologique les pratiques sexuelles et celles ci sont consid r es comme d viantes par rapport une pratique majoritaire rig e en norme Le sens actuel est donc particuli rement fluctuant selon l impor tance donn e l une ou
31. ion sexuelle dans l Antiquit Dans l Antiquit plusieurs textes de naturalistes d historiens ou de paradoxo graphes voquent des m tamorphoses sexuelles r elles c est dire hors du mythe On constate qu il s agit toujours de jeunes filles qui deviennent des gar ons et jamais l inverse Les historiens rapportent des cas r els de personnes dont les proches se rendent compte un moment donn que la personne s est transform e et qu elle n a pas le sexe qui lui avait t socialement attribu Tite Live voque un cas de transfor mation spontan e Spol te en 214 Cet v nement est per u comme un des nombreux miracula qui se sont produits en m me temps un f tus qui parle dans le ventre de sa m re un b uf qui parle la lance de Mars qui bouge toute seule Lef fet des prodiges prodigia est conjur par des sacrifices de victimes adultes Phl gon au IT si cle de notre re rapporte qu Antioche en 45 apr s J C une jeune fille se transforma en homme L auteur commence son r cit en parlant d un andro gyne mais c est l explication donn e de fa on annonciatrice ce ph nom ne dont il fait le r cit La transformation se produit lorsque les parents d cident de marier la jeune femme parthenos Cet v nement est suivi d un rite de purifica tion Pline l Ancien aussi voque de telles transformations et insiste pour dire qu il s agit d v nements bien r els Il cite le
32. les Anciens aimer un gar on ou une fille proc de de la m me essence il n y a pas de diff rence ontologique de l amour qui serait fond e sur l identit de sexe de la personne d sir e Le lien entre genre et pratique sexuelle Le lien entre genre et pratique sexuelle intervient dans la repr sentation de Pin dividu en tant qu tre politique et social C est par exemple ce que montre J J Winkler dans son tude sur la surveillance des comportements sexuels Ath nes les deux figures de l hoplite et du kinaidos en tant qu extr mes oppos s balisent le champ de la masculinit tablissant deux genres gender l int rieur m me de la mascu linit Une autre direction de recherche est galement fructueuse l tude de domai nes o nous modernes consid rons comme importante la diff rence des sexes mais o pour les Anciens ce sont d autres l ments qui font sens Il s agit bien en effet d largir l histoire des femmes l histoire du genre afin de d terminer dans quelles circonstances le fait d tre une femme ou d tre un homme est ou n est pas une donn e signifiante Dans une tude sur l allaitement et l ducation du nourrisson 61 Sur la difficult de conna tre les pratiques r elles partir de textes litt raires et sur la complexit des repr sentations antiques concernant les pratiques sexuelles elles m mes cf Winkler 2005 1990 pour la Gr ce et Dupont amp
33. les images bucoliques qui ont berc notre enfance le taureau ne va plus saillir la vache dans les campagnes fran aises ni le b lier la brebis mais une fermi re ou un fermier avec une seringue suffit au transfert du sperme mais il faut n cessairement un ovule et un spermatozo de respectivement produit par l tre femelle et l tre m le L ut rus f minin du moins encore pour quelques d cennies accueille la cellule f cond e C est certain il y a une r elle diff renciation biologique entre les individus m les et femelles dans le r le que jouent certaines cellules de leur corps dans la reproduction Remarquons cependant que dans le monde des humains il existe de nombreuses autres diff renciations biologiques grands petits forts faibles individus malades individus sains couleurs des yeux des cheveux de la peau etc Ce qui int resse l his torien et l anthropologue n est donc pas la diff rence en tant que telle mais la fa on dont elle a t investie culturellement par les soci t s ce qui int resse le chercheur 28 Sur la question du dimorphisme sexuel lire Herculine Barbin dite Alexina B pr sent par Michel Foucault Paris Gallimard 1978 et l excellent roman de Jeffrey Eugenides Middlesex trad fr M Cholodenko Paris ditions de l Olivier 2003 New York Farrar Straus and Giroux 2002 29 Sur ces questions voir Iacub 2004 94 SEXE GENRE SEXUALIT MODE D
34. les relations rotiques entre hommes ne peuvent tre isol es 65 Dupont 2002 66 Thomas 1986 67 Moreau 2002 68 Dupont 2003 104 SEXE GENRE SEXUALIT MODE D EMPLOI DANS L ANTIQUIT de la vie publique des Grecs et des Romains et sont part int grante des relations de pouvoir dans la vie politique Pour ce qui est des femmes il n est pas possible bien videmment de nous arr ter des explications biologisantes justifiant exclusion de celles ci de la vie publique par des raisons d imp ratifs de procr ation De sur cro t le discours des Anciens sur les relations sexuelles et amoureuses entre femmes r v le une asym trie du syst me de genre si l on tablit une comparaison avec son fonctionnement dans le monde contemporain et une conception tr s diff rente selon les poques de ce que nous appellerions Pamour le d sir ou la sexualit domaine qu il est impossible d isoler en ce qui concerne le monde antique des ques tions politiques et sociales Conclusion Travailler en histoire du genre demande au chercheur antiquisant une d mar che suppl mentaire celle de se d tacher des d finitions et des outils l uvre dans sa recherche ou du moins de ne pas les consid rer comme fig s Les d finitions de Joan Scott ou des auteurs du Dictionnaire critique du f minisme ou des Mots de l histoire des femmes sont des d finitions ou des m thodes efficaces et op ratoires elle
35. liams sur Rome Williams 1999 prolonge ces recherches amorc es depuis plus d une dizaine d ann es 11 Le terme genr est adjectif tir du substantif genre au sens anglais d fini plus haut de gender construction culturelle des caract ristiques li es au sexe Il signifie qui se rapporte au genre une histoire genr e est une histoire qui s int resse aux soci t s et aux individus en posant la ques tion du sexe et du genre de genre ou marqu par le genre on parle de corps genr en tant qu il est model et construit en fonction des caract ristiques sociales li es au sexe 88 SEXE GENRE SEXUALIT MODE D EMPLOI DANS L ANTIQUIT une meilleure compr hension des sources Il importe pour le chercheur de trou ver des discours qui ne sont pas le discours officiel et ces discours m me s ils sont quantitativement moins importants nous apprennent beaucoup sur les comporte ments et modes de pens e des Anciens Ainsi dans le cas de la Gr ce archa que nous disposons d un texte crit pour un ch ur de jeunes filles qui nous apprend beaucoup sur l homo rotisme f minin il s av re que ce texte est crit par un homme Il s agit d Alcman po te mandat par la ville de Sparte qui crit ses Parth n es au VIT si cle avant notre re l inverse si nous disposions d un entretien avec une riche matrone romaine de l poque r pu blicaine nous n apprendrions
36. lication r side probablement dans une modification des parties g nitales provoqu e par une influence hormonale Ici il est question de chan gement de sexe car un sexe a t attribu l individu et l on peut voir quelles sont les cons quences de cette transformation Ces cons quences sont avant tout sociales ce qui va affirmer la non f minit d H ra s et de Kall n est pas le fait qu elles ne peuvent pas avoir des relations comme les femmes en ont avec leur poux Ce qui marque leur nature d homme c est leur nom elles en changent toutes les deux leurs activit s elles cessent de s adonner aux travaux f minins et leur habit H ra s devenue Diophante va combattre dans la cavalerie du roi Comment expliquer que les transformations m me prodigieuses soient tou jours de femme en homme On peut avancer une hypoth se les cas d hermaphro disme pur sont selon les scientifiques actuels extr mement rares une sur 100000 naissances En revanche les malformations g nitales de diverses natures et qui pro c dent de causes diverses repr sentent 1 7 des naissances Il n est pas impossible que certaines de ces malformations aient t consid r es par les Anciens comme un tat d hermaphrodisme ce qui entra nait la mort de Penfant Mais il est fort pos sible aussi que d autres cas n aient tout simplement pas t d cel s pour la simple et bonne raison que l absence de p nis ou de
37. lument pas ressen tis par les Anciens comme relevant d un ensemble d actes coh rents ou d un ensem ble d attitudes pouvant tre regroup es en un m me ensemble Il faut veiller dans nos lectures distinguer ou tenter de distinguer ce qui est relatif une identit notion tr s moderne de ce qui est relatif une cat gorie de personnes une cat gorie d actes ou un autre type de cat gorie qu il convient pour le chercheur de d finir 37 Sur l tat de la recherche sur la sexualit voir Chaperon 2002 et Rebreyend 2005 38 Sur l importance de d naturaliser l h t rosexualit et d en faire l histoire cf Katz 2002 1995 et Tin 2003 97 SANDRA BOEHRINGER Historiciser la sexualit Dans le sens o nous l entendons actuellement mutatis mutandis la sexua lit d signe les pratiques sexuelles r elles mais aussi les d sirs non concr tis s les fantasmes avou s ou non et de fa on g n rale la totalit du parcours sexuel d une personne ainsi que son attitude face ce parcours La sexualit contemporaine est constitutive de l identit psychologique d un individu Le lien entre identit person nelle identit de sexe et orientation sexuelle est tr s complexe Il est aussi tr s r cent Quelque chose de nouveau s est produit dans les divers rapports qu entretiennent les r les sexuels les choix d objets sexuels les cat gories sexuelles les conduites
38. mmes pour tre plus muscl es que certains hommes Bref les caract ristiques secondaires sexuelles ne sont int ressantes tudier qu partir du moment o elles sont investies culturellement 30 Dans le domaine de la morale P Veyne a montr que la cat gorisation fond e sur les statuts sociaux avait plus d importance que la cat gorisation fond e sur la diff rence sexuelle Veyne 1978 31 Sur la construction des corps voir Laqueur 1992 1990 95 SANDRA BOEHRINGER Une surd termination culturelle la diff rence des analyses de Fran oise H ritier l approche construction niste part du principe que la diff rence des sexes n est pas en soi ou naturelle ment une diff rence premi re ou primordiale La diff rence appara t comme l crit Nicole Claude Matthieu lorsque les soci t s humaines surd terminent la diff renciation en assignant aux deux sexes des fonctions diff rentes divis es s par es et g n ralement hi rarchis es dans le corps social en son entier Selon cette d finition la hi rarchisation entre les genres n est pas syst matique Cette perception du gender est donc diff rente de la d finition de Joan Scott et des histo riennes de la revue Clio La d finition par Joan Scott est fond e sur un constat il y a g n ralement domination masculine il est vrai c est une d finition empirique et th orique la fois Mais en th orie le concept de genre peut e
39. mple bluff Ainsi les relations entre hommes adultes ont beau tre raill es et d cri es cette norme n est pas le reflet exact des pratiques en Gr ce la relation de Pausanias et d Agathon pour prendre l exemple de personnalit s connues dura plus de trente ans La difficult se pose dans les m mes termes pour les femmes en g n ral La plupart des documents parvenus jusqu nous ne peuvent pas tre pris pour argent comptant quand il y est question des femmes Tant que la discussion garde pour objet les gunaikes les pouses citoyennes nos donn es sont parasit es par le sens des con venances sociales propres au discours masculin Ne serait ce que mentionner le nom d une pouse citoyenne dans un cercle d hommes tait consid r comme une honte et une insulte car cela signifiait une intrusion symbolique dans l intimit d un autre De fa on g n rale de nombreux textes et images qui nous sont parvenus expriment l id al de la norme et non la r alit Il n est pas possible de consid rer comme images fid les du r el les nonc s normatifs et il faut essayer de trouver dans les textes des indices qui nous permettent d acc der l au del de la norme aux com portements des individus et leur position par rapport ces normes tout en gardant l esprit la force de ces repr sentations et l influence r elle qu elles peuvent avoir une fois int rioris es sur les comportements i
40. n est donc pas en soi naturellement une diff rence qui a du sens La seule diff rence objective est le fait que pour l instant une m re porte neuf mois enfant dans son ventre une m re et non les femmes car beaucoup de femmes ne portent pas d enfants L tude des volutions des corps masculins et f minins a bien mis en vidence combien les corps sont construits selon les po ques les modes les pressions sociales les activit s que l on attribue aux diff rents groupes sociaux ou aux diff rents sexes On pourrait penser au fait que en dehors de la diff rence de fonctionnalit des organes g nitaux dans la reproduction il existe des caract res sexuels secondaires Or les biologistes ont constat que chez les prima tes sup rieurs les comportements secondaires li s la reproduction s amenuisent et disparaissent chez les tres humains Soyons plus claire il n y a pas conjonction entre f condit et d sir sexuel comme chez les biches ou les lapins o existe une p riode d c strus Chez les humains il y a disjonction entre procr ation et sexua lit De m me en ce qui concerne les caract ristiques dites secondaires comme la pilosit ou la forme du bassin elles ne prennent sens que si les soci t s leur don nent un sens Les hommes gardent ils leur barbe Si oui pourquoi Et quoi qu il en soit il y aura toujours des hommes pour avoir une taille plus fine que certaines femmes ou certaines fe
41. ndividuels Sexe et genre d finitions et constructions antiques Sexe genre un couple complexe Faire l histoire du genre c est admettre pr alablement que ce que nous nommons femme homme f minin masculin est un concept ou un ensemble culturellement 14 Winkler 2005 1990 25 27 15 Brisson 2000 16 Winkler 2005 1990 27 17 Halperin 2000 1990 85 90 SEXE GENRE SEXUALIT MODE D EMPLOI DANS L ANTIQUIT construit fa onn par une soci t donn e d pendant du contexte g ographique et temporel d o il merge Si tout tait naturel il n y aurait pas besoin de faire de His toire On fait l histoire de ce qui volue de ce qui change de ce qui n est pas naturel Les identit s femme et homme ainsi que les caract ristiques qui leur sont at tach es n existent pas naturellement elles ne sont pas invent es par une divinit quelconque ou par une Nature qui jouerait les d miurges Il s agit d une invention humaine ou plut t d inventions humaines que l on peut tudier de la m me mani re que l on travaille par exemple sur les classes sociales en Russie les castes religieuses en Inde la constitution des identit s nationales entre les deux guerres ou l invention de la d mocratie Ath nes Le genre s oppose au sexe biologique en ce qu il est variable et socialement construit Le terme gender est utilis pour la premi re fois dans ce
42. ns cas particuliers comme lhermaphrodisme ou Pindistinction sexuelle due divers types de malformations De nos jours l assignation d un b b hermaphrodite un sexe 18 Scott 1988 1986 Voir galement la d finition donn e par le collectif d auteurs de la revue Clio his toire femmes et soci t Clio 2004 s v ainsi que celle de Nicole Claude Mathieu Mathieu 2000 19 Th baud 1998 114 91 SANDRA BOEHRINGER ou un autre par le chirurgien reste affaire de culture qu est ce qui va primer La pr sence d ovaire ou l bauche d un sexe masculin Les hormones ou la pr sence de tel g ne De r centes recherches sur les pratiques m dicales tablissent que la fin du XX si cle aux tats Unis les chirurgiens valuaient la r ussite de leur inter vention m dicale au fait que le patient avait l ge adulte des relations amoureuses et sexuelles avec une personne de sexe diff rent Cette valuation est minemment culturelle le sexe du partenaire ne serait pas entr en ligne de compte Rome s il s tait agi de mesurer les comp tences phalliques d un vir Romanus Remarquons que cette pratique du corps m dical met au jour une repr sentation contemporaine du genre l identit de sexe homme femme est intimement li e la question de la sexualit Ici la pratique sexuelle prouve l identit de sexe O le sexe anatomique est culturel l exemple de l indistinct
43. ourquoi des prostitu e s ing nu e s Rome Clio 17 p 21 44 Duponr F Lor T 2001 L rotisme masculin dans la Rome antique Paris Belin L Anti quit au pr sent Fassin 2002 Genre et sexualit des langages de pouvoir Revue europ enne d histoire sociale 3 p 60 64 Fassin 2005 L Inversion de la question homosexuelle Paris ditions Amsterdam FoucauLr M 1976 La Volont de savoir Histoire de la sexualit t I Paris Gallimard Biblio th que des Histoires FoucauLr M 1984a L Usage des plaisirs Histoire de la sexualit t IL Paris Gallimard Bi blioth que des Histoires FoucauLr M 1984b Le Souci de soi Histoire de la sexualit t III Paris Gallimard Biblio th que des Histoires FoucauLT M 2001 1981 1982 L Herm neutique du sujet Cours au Coll ge de France 1981 1982 Paris Gallimard Seuil Hautes tudes GLEASON M W 1995 Making Men Sophists and Self Presentation in Ancient Rome Prin ceton Princeton University Press Gros F 2001 Situation du cours in Foucault 2001 1981 1982 p 487 526 HALLETT J P SKINNER M B d 1997 Roman Sexualities Princeton Princeton Univer sity Press HaALpERIN D M 2000 Cent ans d homosexualit et autres essais sur Pamour grec I Ch te let trad Paris pel dition originale One Hundred Years of Homosexuality New York Londres Routledge 1990 108
44. r ches in dites sur la question gay et lesbienne B Perreau dir Paris pel Bonnar J B 2005 Histoire des femmes dans l Antiquit pr sentation Historiens et G ographes 392 p 83 87 BOURDIEU P 1972 Esquisse d une th orie de la pratique Gen ve Droz version augment e et traduite en anglais par R Nice Outline of a Theory of Practice Cambridge Cambridge University Press 1977 Brisson L 1997 Le Sexe incertain Androgynie et hermaphrodisme dans l Antiquit gr co romaine Paris Les Belles Lettres V rit des mythes Brisson L 2000 Le Banquet de Platon comme document sur les comportements sexuels et leur repr sentation sociale in Homosexualit s Expression r pression L G Tin G Pastre d Paris Stock p 49 62 BUTLER J 2005 Trouble dans le genre Pour un f minisme de la subversion C Kraus trad Paris La D couverte dition originale Gender Trouble Feminism and the Politics of Sub version New York Londres Routledge 1990 CALAME C 1977 Les Ch urs de jeunes filles en Gr ce archa que I Morphologie fonction re ligieuse et sociale II Alcman Rome Edizioni dell Ateneo amp Bizarri traduction anglaise par D Collins et J Orion avec nouvelle introduction et quelques modifications Choruses of Young Women in Ancient Greece Their Morphology Religious Role and Social Functions Lanham Rowman amp Littlefield 1997 74 Dans le cas d
45. r au jour le jour dans ses pratiques quotidiennes son statut et son genre Judith Butler parle de performance tayent les ana lyses de Michel Foucault sur la construction du sujet dans l Histoire de la sexualit et dans l Herm neutique du sujet le philosophe tudie la fa on dont les Anciens partir du IT si cle de notre re inventent l int riorit psychique Il oppose cette subjecti vit largement promue les si cles suivants par la culture chr tienne la construction du sujet antique selon une ext riorit thique tudier les syst mes antiques de genre nous permet la fois de mieux savoir comment se pensaient les individus des soci t s grecque et romaine et autour de quelles valeurs ces soci t s se sont constitu es L his toire du genre n est pas une histoire part ni une tude d l ments autonomes et d tach s de l Histoire c est une d marche d historien au sens noble du terme Sandra BOEHRINGER Universit Marc Bloch Strasbourg II 71 Fassin 2005 72 Judith Butler d veloppe sa th orie de la performance du genre dans son ouvrage traduit sous le titre Trouble dans le genre Pour un f minisme de la subversion Dire que le corps genr est per formatif veut dire qu il n a pas de statut ontologique ind pendamment des diff rents actes qui constituent sa r alit Butler 2005 1990 259 73 Gros 2001 106 SEXE GENRE SEXUALIT MODE
46. s nos soci t s occidentales une des caract ristiques des genres f mi nin et masculin id aux c est dire lorsqu ils concordent avec le sexe biologique est le fait que les hommes sont attir s par les femmes et les femmes par les hommes Les repr sentations de la normalit voluent la fin du XX si cle mais g n ra lement lorsqu il est fait mention d union de d sir de sexualit de mariage il sem ble assez vident pour le locuteur et son public qu il s agit d une relation homme femme Il y a donc un point aveugle lh t rosexualit qui ne dit pas son nom ainsi qu une caract risation tacite du genre Le travail de historien r side l rep rer dans ces domaines ce qui semble aller de soi ce qui est r ifi et tenter de d terminer quel processus social est en uvre pour produire cette naturalisation La comparai son entre les soci t s g ographiquement ou chronologiquement loign es est un tr s bon moyen de faire appara tre par contraste les points aveugles La phrase de Bourdieu est l pour nous rappeler que nous sommes nous aussi pris dans un sys t me tacite de construction du genre Genre et sexualit des probl matiques indissociables Le premier constat que fait l historien de Antiquit dans l tude des documents qui lui sont parvenus c est que ce que nous nommons sexualit et ce que nous regroupons dans la cat gorie pratiques sexuelles n taient abso
47. s ont t labor es par les premiers chercheurs dans ces domaines souvent dans des moments o politique et recherche se rejoignaient selon des probl matiques du monde contemporain Dans de nombreux cas de figure l antiquisant est amen modifier ces outils pr cis ment parce que dans le monde sur lequel il travaille les fronti res entre les sexes n ont pas la m me valeur ni la m me pertinence Il convient de retrouver ce qu un jeune chercheur latiniste Rostom Mesli nomme un syst me romain de genre formule que nous largissons pour notre sujet des syst mes antiques de genre Les individus grecs et romains se cat gorisent les uns les autres selon des p les o le crit re de sexe nous venons de le dire n est pas le crit re central mais o galement et par voie de cons quence ce que nous nommons masculinit ou f minit des oppositions toujours calqu es sur une organisation duelle du monde selon des rapports sociaux de sexe n est pas pertinent La traduction trans culturelle que nous souhaitons promouvoir est une tude des soci t s dans laquelle les outils d analyse sont red finir ou affiner perp tuellement notre connaissance des syst mes de pens e de la culture cible doit en effet tre soumise le moins pos sible aux limites des outils utilis s Le genre des Anciens est un syst me o se croisent et se nouent des tensions et des lignes de force qui ne
48. sont pas celles du genre du monde occidental contemporain Lorsque John Winkler montre quel point la masculinit grecque se formule en 69 Cf ma th se para tre ainsi que Boehringer 2004 2005a et 2005b 70 Mesli 2006 105 SANDRA BOEHRINGER cat gories inframasculines ou lorsque Rostom Mesli pr sente travers l tude des figures du gladiateur et du praeco importance de crit res sociaux conomiques et culturels dans la construction du genre romain il appara t clairement qu il n y a pas une histoire du genre et que les modes d emploi des travaux sur le sexe le genre et la sexualit dans l Antiquit gr co romaine sont adapter en permanence selon le point d observation du chercheur et selon le terrain explor Ces angles d attaque des cultures antiques nous forcent d naturaliser des notions importantes dans la construction du sujet contemporain l identit de sexe l orientation sexuelle et que nos soci t s ont tr s souvent r ifi es ils nous poussent tudier le normal non en tant qu ordre symbolique anhistorique mais en tant que norm ils nous per mettent ainsi d approcher de fa on plus fine les fonctionnements sociaux et les repr sentations des mondes antiques et de mieux conna tre la fa on dont les individus se d finissaient les uns et les autres ainsi qu eux m mes L importance de nombreux cri t res sociaux la n cessit de prouve
49. st revenue cependant sur cette question dans ses ouvrages post rieurs et a nuanc sa position 33 Mathieu 2000 205 34 Voir les exemples et la bibliographie apport s par Holt Parker Parker 2001 35 Mathieu 2000 36 Fran oise Th baud explique que mettre au monde n est pas seulement un acte biologique la fa on dont s effectue la mise au monde varie selon les poques et exprime une culture des rapports sociaux la place des femmes et m me un niveau de d veloppement Th baud 1986 287 96 SEXE GENRE SEXUALIT MODE D EMPLOI DANS L ANTIQUIT Pour les chercheurs en histoire contemporaine ou en sociologie les autres aspects du genre v tement comportements in galit s sont li s ces deux domai nes Un troisi me champ important existe qui commence tre tudi en Europe en histoire contemporaine et en anthropologie c est le champ de la sexualit Dans certaines soci t s en effet la bipartition du genre et du sexe se concr tise dans l id e d une h t rosexualit naturelle et n cessaire comme unique forme de sexualit pos sible ou du moins comme unique forme de sexualit normale Ce n est pas le cas de toutes les soci t s dans les soci t s antiques l opposition homme femme pour d finir une orientation sexuelle n est pas d terminante En revanche toujours dans le monde antique le champ de la sexualit reste un domaine important d expression du genre Dan
50. t il n existe aucun quivalent de cette notion moderne de sexualit L activit du sexe n est pas per ue ind pendamment des autres pratiques du corps Par ailleurs lacte sexuel n est pas per u comme un acte concernant conjointement deux partenaires Les termes latins et grecs exprimant la relation sexuelle quelle qu elle soit d terminent quasiment toujours le r le assum dans la relation par l un et par l autre et ces r les sont tr s souvent per us comme tant diff rents Cependant la d signation de ces r les par les termes d actif et de passif choue rendre compte de la totalit des repr sentations et de leur complexit Certes cette dichotomie appara t dans les discours normatifs de l Antiquit mais elle n entra ne pas forc ment une quivalence entre des types de pratiques sexuelles et des r les pr cis que l on associerait une relation 55 Gleason 1995 56 Williams 1999 57 Hallett amp Skinner 1997 58 Nussbaum amp Sihvola 2002 59 Dupont amp loi 2001 60 Pour les diff rents aspects de cette synth se je renvoie avant tout aux travaux de Dover 1982 1978 et Halperin 2000 1990 59 63 pour la Gr ce et Williams 1999 et Dupont amp loi 2001 pour Rome aux tudes lexicales d Adams 1982 et Henderson 1975 ainsi qu mes travaux sur l homo sexualit f minine para tre aux Belles Lettres 102 SEXE GENRE SEXUALIT MODE D EMPLOI D
51. t dix en Europe ne se position nent pas particuli rement par rapport ces nouvelles directions de recherche mais ils sont un regard nouveau sur la sexualit antique que des si cles de philologie pudi bonde avaient trait e comme un sujet mineur Paul Veyne d crit l ventail des pos sibles de la sexualit romaine et dans L homosexualit Rome axe sa description des pratiques de la sexualit romaine sur la notion de sexualit de sabrage Sara Lilja dans un ouvrage exclusivement consacr Rome met en vidence les diff ren tes valuations morales selon les types de relations va Cantarella publie en 1988 aux ditions de la D couverte dans la collection Textes l appui Selon la nature Pusage et la loi La bisexualit dans le monde antique o par le terme de bisexualit elle souligne le caract re inadapt des cat gories oppos es d homosexualit et d h t rosexualit son approche a le m rite de s int resser aux cultures grecque et romaine et de faire conna tre un grand nombre de sources mais comme Sara Lilja elle per p tue une approche des pratiques o l homosexualit s oppose l h t rosexua lit Dans une optique tr s diff rente les recherches de Bernard Sergent mettent en vidence l importance de la donn e initiatique dans certaines relations sexuelles entre hommes chez les peuples indo europ ens d s la Haute Antiquit
52. t organis s de repr sentation culturelle La question et la perspective adopt es sont forc ment inform es par les pr construits culturels li s au hic et nunc de celui qui fait l tude Or les cat gories de genre et d identit 3 Holt Parker Parker 2001 a tabli un mode d emploi tr s int ressant pour les sp cialistes de An tiquit int ress s par l histoire de la sexualit il s appuie sur les m thodes de l ethnologie et montre que les repr sentations contemporaines des liens de parent et des sexualit s sont loin d tre univer selles Notre article associe la question des cat gories sexuelles la question du genre et s appuie da vantage sur les travaux r cents des historiens et philologues europ ens Nous ne saurions cependant pr tendre proposer ce que les Anglo Saxons nomment un Companion to exhaustif il nous im porte d esquisser les grandes lignes des m thodes de l histoire du genre et de la sexualit d en d crire les principaux outils et surtout de mettre en vidence son apport la recherche dans le domaine du monde antique Si nos lecteurs trouvent dans ces pages des axes de lecture ou des articulations qui leur permettent de d celer dans leur source des l ments nouveaux notre but sera atteint 4 C Calame recourt cette expression dans son article Interpr tation et traduction des cultures Calame 2002 84 SEXE GENRE SEXUALIT MODE D EMPLOI DANS L ANT
53. tte acception en 1968 il d signe l ensemble des caract ristiques sociales attribu es chaque sexe bio logique un moment pr cis de l histoire dans un endroit pr cis du monde L his torienne am ricaine Joan Scott la th oricienne de la gender history met en vidence dans ses travaux tout l int r t de cette cat gorie d analyse dans la d marche de Phis torien et montre que l histoire des rapports entre les sexes et l histoire de la construc tion sociale et culturelle de la diff rence des sexes font partie int grante de l Histoire Elle donne cette d finition Le genre est un l ment constitutif des rapports sociaux fond s sur des diff rences per ues entre les sexes et le genre est une fa on premi re de signifier des rapports de 18 pouvoir Fran oise Th baud dans son ouvrage historiographique sur l histoire des femmes le d finit de fa on plus large Le sexe est per u comme un invariant tandis que le genre est variable dans le temps et l espace la masculinit ou la f minit tre homme ou femme ou consid r comme tel le n ayant pas la m me signification toutes les poques et dans toutes les cul 19 tures On aurait la tentation de faire ce raccourci le sexe est naturel le genre cul turel C est majoritairement vrai mais cela n est pas toujours aussi simple La dis tinction homme femme reste galement une question de culture dans certai
54. ude Calame r unis dans L ros dans la Gr ce antique poursuivent et compl tent ce que Les Ch urs de jeunes filles en Gr ce archa que avait tabli pour le versant f minin ils mettent en vidence dif f rents aspects d ros en Gr ce ancienne selon le type de discours dans lequel il appa ra t d montrant l anachronisme de certains de nos outils d analyses qu ils soient anthropologiques ou litt raires Dans le prolongement des travaux constructionnistes sur la Gr ce des recher ches sur Rome voient le jour Maud Gleason s int resse la construction du mo d le viril Rome et Craig Williams l id ologie de la masculinit Rome travers la repr sentation des relations sexuelles entre hommes Judith Hallett et Marilyn Skinner publient un ouvrage collectif sur les sexualit s romaines et Martha Nuss baum et Julia Sihvola encore plus r cemment ouvrent galement dans un ouvrage collectif le champ de leurs travaux sur l exp rience rotique aux deux soci t s grec que et romaine Enfin en France Thierry loi et Florence Dupont proposent une approche riche et fouill e des sexualit s de l homme romain avec des hommes et des crit res qui pr sident l valuation morale de ces sexualit s Le monde antique Before Sexuality Les travaux les plus innovants et les plus convaincants postulent un monde d avant la sexualit Dans l Antiquit gr co romaine en effe
55. uent tudier Faire l histoire de la sexualit antique br ve historiographie Les travaux s appuyant sur cette d marche constructionniste se d veloppent au cours des ann es quatre vingt dans le monde anglo saxon John Winkler regroupe 46 C est la premi re d finition de l h t rosexualit donn e par le New International Dictionary de Merriam Webster en 1923 corrig e en 1934 Manifestation de la passion sexuelle pour une per sonne du sexe oppos c est dire la sexualit normale Pour l volution de la signification de ce mot cf Katz 2002 1995 85 111 47 Tin 2003 48 Fassin 2002 dans un num ro th matique tr s int ressant de la Revue europ enne d histoire sociale L homosexualit l preuve des repr sentations 49 Cf nouveau Parker 2001 100 SEXE GENRE SEXUALIT MODE D EMPLOI DANS L ANTIQUIT ses recherches entam es depuis plusieurs ann es sous le titre de The Constraints of Desire The Anthropology of Sex and Gender in Ancient Greece en 1990 Pouvrage col lectif Before Sexuality The Construction of Erotic Experience in the Ancient World o l influence du structuralisme est galement sensible regroupe des travaux de cher cheurs fran ais et am ricains qui appliquent et d ploient ces th ories dans divers champs historiques culturels et litt raires de la soci t grecque D autres travaux publi s dans les ann es quatre vingt et quatre ving
56. ui avant sa transformation Tout cela nous permet de penser que de nombreux petits gar ons souffrant de malformations ont t consid r s comme des filles avant que la pubert ne r v le leur sexe v ritable C est donc l absence ou la pr sence du p nis qui est le crit re qui pr side l attribution sociale du sexe le sexe f minin tant un sexe par d faut Les attributions de sexe auraient t tr s diff rentes si les Anciens avaient eu les moyens scientifiques modernes de prendre en compte le crit re hor monal ou g n tique ce qui ne veut pas dire que les moyens scientifiques modernes soient objectifs puisque l interpr tation de ces tests m dicaux reste li e des crit res culturels contemporains Quoi qu il en soit il appara t l que l vidence biologique d une bipartition fixe de l humanit est probl matique les individus intersexu s existent naturellement puisqu ils sont n s ainsi et l attribution d un sexe varie selon les lieux et les p rio des La question de la diff rence biologique Restons encore dans le domaine du sexe et non encore du genre si Pon reste dans le domaine du biologique on constate que les humains font partie des esp ces reproduction h t rosexu e Il existe deux types dans cette esp ce qui per mettent la reproduction de lesp ce Ce n est pas qu il faille obligatoirement un m le et une femelle en effet maintenant et malgr
57. uvres traduites il est fait r f rence dans les notes l ouvrage par le nom de l auteur suivi de l ann e de la traduction puis de la premi re dition originale entre crochets La pagination se r f re la traduction fran aise 107 SANDRA BOEHRINGER CALAME C 1996 L ros dans la Gr ce antique Paris Belin L Antiquit au pr sent CALAME C 1998 ros revisit la subjectivit discursive dans quelques po mes grecs Uranie 8 p 95 107 CALAME C 2002 Interpr tation et traduction des cultures L Homme 163 p 51 78 CHAPERON S 2002 L histoire contemporaine des sexualit s en France Vingti me si cle 75 P 47 59 Cuo 2004 Collectif Clio histoire femmes et soci t Les Mots de l Histoire des femmes Tou louse Presses universitaires du Mirail DELCOURT M 1938 Sr rilit s myst rieuses et naissances mal fiques dans l Antiquit classique Paris Les Belles Lettres Biblioth que de la Facult de Philosophie amp Lettres de l univer sit de Li ge LXXXIII Dover K J 1982 Homosexualit grecque S Sa d trad Grenoble La Pens e sauvage di tion originale Greek Homosexuality Londres Duckworth 1978 Duronr F 1994 L Invention de la litt rature De Pivresse grecque au texte latin Paris La D couverte DupoxrT F 2002 Le lait du p re romain in Moreau 2002 p 115 138 DuponT F 2003 La matrone la louve et le soldat p
58. xister sans rapport de pouvoir puisqu il s agit d une certaine mani re d une grammaire Dans nos soci t s occidentales contemporaines le normal d finit individu pour lequel il y a ad quation du genre masculin f minin et du sexe tre un homme ou une femme Cette biconstruction du genre c est dire construit sur l opposition des deux genres fonctionne dans des soci t s o l opposition homme femme joue un r le important dans la vie r elle ou dans les repr sentations Cependant il y a des soci t s o il y a plusieurs genres Il y a aussi des soci t s o les p les genr s impor tants divisent et opposent les hommes entre eux et non les hommes aux femmes c est le cas comme nous le verrons un peu plus loin des soci t s antiques Il existe divers domaines o s exerce visiblement le genre Les historien ne s de l poque moderne et contemporaine ont essentiellement travaill sur deux champs importants la division sociosexu e du travail et des moyens de production le domaine de la reproduction o les capacit s reproductives de l un et de l autre sexe ne sont pas exacerb es de la m me mani re selon les soci t s et par extension le champ de l levage du nourrisson 32 H ritier 1996 19 C est observation de la diff rence des sexes qui est au fondement de toute pen s e aussi bien traditionnelle que scientifique Fran oise H ritier e
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