et non des moindres
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1. et avec qui j ai vu certains films marquants L Empire des sens dans quel fauteuil j tais lov lorsque j ai lu LaVie mode d emploi et sur quel bureau j ai crit les textes qui me sont le plus chers Autour de ces lieux d invention il y a bien entendu un lieu de vie une ville et des sources o j allais m abreuver des librairies et des cin mas des maisons de la presse des biblioth ques mais aussi un rempart un caf la porte d une maison une salle de classe d saffect e un lit et bien d autres lieux aux contours estomp s D ici j aper ois mes fictions amarr es des cadres incertains eux m mes ancr s des poques plus ou moins pr cises et le tout d rive de conserve D ans l espace infini o je vaga bonde je me rep re d apr s le lieu flou la date approximative le genre arbitraire T rois dimensions il en manque une Les fictions qui constituent un individu coexistent toutes un moment donn mais elles ont s diment peu peu et se replacent sans cesse L e simple fait de les crire de les lire dans un ordre quel qu il soit ne suffit pas pour restituer leur mouvement brownien Pour ce livre ci criture et lecture se doivent d tre fluctuantes et impr visibles comme le sont les fictions dans la vie de chaque jour En fouillant dans les s diments de mes mondes int rieurs je cherche remuer les v tres Pour reprendre le titre fran ais d une nouvelle de science fiction lue il y2. M artin Winckler L gendes P O L 33 rue Saint Andr des Arts Paris 6e O pher Liba en souvenir de 2001 Paul Otchakovsky L aurens en souvenir du Ko Tout est vrai puisque je l invente Tout est faux puisque je l cris Rapha l M arc ur PR AM BULE LeM ans juillet 2001 Dans la chambre de l un de mes enfants une affiche portant la photo du vaisseau spatial Enterprise clame AI need to know about life learned from Star Tr amp Tout ce que je dois savoir sur la vie je l ai appris dans StarTrek gt L esprit de cette affiche t moigne d une attitude tr s am ricaine l gard de la culture il n est pas interdit de revendi quer sa dette envers une fiction populaire et en m me temps de la regarder avec distance I n est pas interdit de m ler tendresse et ironie Un jour apr s avoir revu Sneakers beau film m connu de Phil Alden Robinson je me suis mis num rer les titres des films que j avais vus et qui m avaient marqu depuis l enfance Je jouais alors avec l id e vague d crire un texte qui se nommerait Un film par jour dans la lign e des F ilms de ma vie de Fran oisT ruffaut C e ne serait pas un texte critique mais une suite de r miniscences dans lesquelles les films constitueraient des rep res affectifs J avais envie de d finir ce qu ils avaient suscit en moi un moment donn et ce faisant de raconter ce qu ils avaient ponctu ou accompagn Au bout
3. a tr s longtemps j aimerais que devant ces histoires le lecteur se retrouve en proie au temps Au d but de l ann e 2001 la livraison quotidienne sur le site P O L d un roman de Jacques Jouet L a R publique de M ek O uyes me 19 souffle la solution je propose Paul Otchakovsky L aurens de publier ce livre ci en feuilleton Les pisodes r dig s au fur et mesure de mes explorations ont t seront publi s chaque jour pendant plu sieurs mois la fin de chaque chapitre des liens renvoient d autres r cits de fiction pass s ou venir chacun est libre de les emprunter ou de les ignorer Le feuilleton cessera a cess la publication en volume Bien s r au moment de cette publication j ai d j depuis longtemps fini de l crire Tout ceci devrait pouvoir entretenir la confusion Cependant ce que vous lisez en ligne en ce moment m me est identique ce qui sera imprim sur le papier ce que vous avez com menc lire sur le papier ne contient rien d autre que ce qui s est affich jour apr s jour sur les crans informatiques Entre le moment o je commence crire et celui o vous finissez de lire ce qui a chang ce qui changera c est peut tre vous c est peut tre moi CHRONOLOGIE Depuis ma naissance j ai habit successivement dans un appartement de la colonne Voirol un quartier d Alger Alg rie de 1955 1961 dans un pavillon en pr fabriqu N atan
4. de cinquante et un titres je me suis dit qu il tait impos sible d en d crire un pour chaque jour de l ann e En avais je vu assez S rement mais est ce que tous avaient pour moi une valeur intime D evais je les laisser resurgir spontan ment ou me les rem morer en plongeant dans des dictionnaires de films Et d ailleurs pourquoi seulement des films J aime le cin ma mais aussi les livres et beaucoup d autres supports de l imaginaire Je dois de belles mo tions des bandes dessin es des s ries t l des pi ces de th tre des fictions radiophoniques ou grav es sur disque 17 J ai grandi dans la fiction Elle m a prot g des souffrances qui suintaient de ma famille et consol de mes chagrins De m me que le jeune h ros mutant de Cristal qui songe de T heodore Sturgeon d vore des fourmis pour y trouver la substance qui lui manque j ai d vor des histoires sous toutes les formes Elles ont toujours t et sont encore ma drogue et mon indispensable source d nergie M ais en creusant un peu on se dit qu une fiction a n est pas seu lement une histoire invent e par quelqu un d autre Tout autour de nous se nourrit de l imaginaire Les v nements qualifi s de r els d tablis d indiscutables et que l on se surprend parfois citer de mani re presque g n rique ma naissance ma ville natale mes ann es de fac de service militaire de gal re mon premier ma
5. n revanche opaques presque insignifiants ceci pr s qu ils r sonnent dans une zone sonore de mon cerveau par la voix de ma m re ou de mon p re Une autre cat gorie de mots venus d Alger ou de l enfance et non des moindres est bien s r la liste des plats des recettes ou des g teaux surtout des g teaux que ma m re a cuisin s jusqu la fin de sa vie et dont j orthographie ici le nom tel que je l enten dais prononcer autour de moi et non tel qu on doit l crire d ailleurs chacun l entend diff remment tchoutchoukah galettes blanches mekrods cigares aux amandes k n glettes sph ri s ou cette confiserie aux amandes dont le nom sur les bo tes m tal liques dans laquelle elle est vendue est halva mais que j ai tou jours entendu d signer par le terme a priori peu app tissant de caca de cheval Le lieu Alger est aussi associ des noms de per sonnes qui ont compt dans la vie de mes parents ou dans la mienne Goldenberg T assadite II y un an ou deux une journaliste a sollicit ma participa tion un livre souvenir sur l Alg rie d avant l ind pendance l Alg rie mythique de mes parents et de leur g n ration Int ress par le projet il consistait demander des personnalit s de raconter leurs souvenirs en les illustrant d une riche iconographie d poque j ai accept mais avec r ticence Je pensais n avoir rien de suffisamment pr cis pou
6. r que ma contribution f t int ressante Elle a insist Assis une table de caf je lui ai racont les quelques souvenirs qui me revenaient Au bout de quelques mois j ai re u les preuves des pages o elle les avait saupoudr s Comme j aurais pu le pr voir a ne m a pas plu M on interlocutrice qui m avait pourtant enregistr les avait r crits en me faisant dire par exemple que ma m re confectionnait tel ou tel plat typique dont je n avais jamais lu ni entendu le nom avant de le lire sur ces pages fra chement compos es En tout ma contribution au livre se r sumait cinq ou six paragraphes Je n eus aucun scrupule demander qu elle les supprime et qu on retire mon nom de la liste des participants Je suis peu pr s s r que l auteur tait de bonne foi et qu elle n avait pas modifi sciemment ce que je lui avais livr mais le projet d un livre consacr mon p re me trottait d j dans 23 la t te et j avais d cid que si quelqu un devait r inventer mes sou venirs d Alger si t nus soient ils ce devait tre moi et personne d autre Liens La dict e d Alger Tassadite La peur que mon p re meure
7. re serait une r invention de ma vie r elle et r v e dans un monde en suspens Vu comme a le projet tait fabuleusement excitant Et d mesur Quand j ai entrepris d organiser mes fictions je les ai d abord class es par genre films livres bandes dessin es disques et pi ces radiophoniques programmes de t l vision histoires r invent es his 18 toires crites M ais je voulais signifier aussi la mani re dont ces genres avaient agi agissent encore sur moi dont j agis sur eux pr s de nombreux t tonnements j ai fini par donner mes cat gories des titres qui ont le m rite d tre polys miques lieux voix bras cases songes pages traces toiles reflets La liste elle seule ne constituait pas un ordre D abord certaines de mes fictions pouvaient appartenir plusieurs cat gories Ensuite m mesi je ne voulais pas m en tenir la chronologie les fictions sont intem porelles crivais je la fin d une premi re version de ce texte ci je ne pouvais pas l ignorer compl tement Je devais rendre compte dela simultan it en moi des sentiments d aujourd hui et des motions d hier expliquer que les fictions de l enfance ont model mes pens es d adulte et qu en retour je n ai de cesse aujourd hui de les red cou vrir Enfin lorsqu elle est tr s intime une fiction n est jamais sus pendue dans le n ant Je me rappelle tr s bien o
8. riage la mort de mon p re sont des fables R ves et souvenirs sont toujours des trompe l l n s dans une chambre noire ils se pro jettent hors de soi ils montrent et ils cachent ne parle t on pas en psychanalyse de souvenirs cran Les photos de soi au milieu des autres sont elles seules de petites histoires recompos es Pour ne pas se dissoudre dans l coulement du temps chaque homme chaque femme labore ses fictions personnelles mensonges fantasmes faux semblants espoirs insens s conqu tes irr sistibles vengeances et crimes parfaits Pour l crivain les textes en projet ou en travail sont des fictions bien avant de devenir des livres et d s leur publication ses livres deviennent des fictions que s approprient d autres que lui La m moire est un monde sous marin aussi vivant que le corail l imaginaire y recouvre lentement l pave de chaque v nement r el ou non les monstres n s dans l inconscient y voluent ou s entre d vorent avec les formes chatoyantes que nous avons rencontr es au souvenir des fictions se m le indissolublement la fiction des souvenirs D ans ma t te et sur le papier j ai bient t abandonn l vocation filmique pour une plong e autobiographique J ai eu envie d explorer p le m le les histoires qui ont nourri mes motions et celles que j ai labor es pour pallier mes oublis et panser mon horreur du vide Le texte le livre que je voulais d sormais cri
9. s photos des films que ma m re avait faits J ai entendu beaucoup d histoires son sujet jusqu ce commentaire entendu un jour dans la bouche de ma s ur qui y tait retourn e la fin des ann es soixante dix C est une toute petite ville Plus qu une suite d images d fra chies dans ma m moire ancienne l Alger de mon enfance est surtout une ribambelle de mots Les mots que les membres de ma famille pronon aient quand ils se racontaient leur vie pass e Beaucoup de mots qui me reviennent d Alger d signent des lieux Pour certains je sais ce qu ils d signent la rue Champlain et Bab El Oued sont les lieux o mon p re a grandi l avenue de la Bouzar ah est celle o bien plus tard il eut son cabinet m dical la Colonne Voirol d signe le quartier o mes parents ma s ur mon fr re et moi avons habit pendant les ann es qui ont pr c d notre d part mais quel tait le nom de la rue exactement la M adrague d signe la plage o nous nous rendions le dimanche et le cabanon la maison d t familiale elle n appartenait pas mes parents peut tre un de mes oncles o l on se r unissait le jar din d essais c est le parc o mon p re nous emm ne le dimanche et o nous donnons manger des cigarettes aux gazelles je vois la gazelle pointer son museau au travers du grillage D autres noms 22 d autres mots le Gouvernement G n ral la rue d Isly Saint E ug ne M ustapha sont e
10. ya puis dans une maison ancienne Jaffa Isra l entre octobre novembre 1961 et octobre 1962 dans une demeure bourgeoise sise au 5 rue du ou des Chardon s Pithiviers Loiret entre 1963 et 1972 dans une maison sous sol au 3000 W 86th Street Bloomington M innesota entre ao t 1972 et juillet 1973 dans un foyer d tudiants rue H l ne Boucher puis en colo cation rue Plantin et enfin dans un appartement biscornu rue D esaix Tours Indre et Loire entre octobre 1973 et l t 1979 dans une maison tage au lieu dit Les Petites Billardi res M ontbizot Sarthe entre l t 1979 et f vrier 1983 dans une fermette restaur e au lieu dit La Croix Souill Sarthe entre f vrier 1983 et d cembre 1991 Depuis d cembre 1991 j habite au M ans Sarthe jusqu en 1994 rue Ambroise Par au rez de chauss e d une b tisse ancienne entour e d un parc aujourd hui ras e par les promoteurs et depuis dans une maison assez grande pour que huit enfants y aient chacun leur chambre Depuis 1979 ou 1980 je s journe aussi p riodiquement sans domicile fixe dans une ville imaginaire que j ai baptis e Tourmens 21 Alger 1955 1961 Lieux 1 Je suis n Alger Alg rie mais j en garde peu de souvenirs Je l ai quitt e avec ma famille fin 1961 je crois je ne suis m me pas s r de la date Pour moi cette ville tout enti re est une fiction J en ai vu de
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