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La mise en abyme dans les arts

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1. o a 24 v 99 Lm D 4 Enonc th orique de master cole Polytechnique F d rale de Lausanne Section architecture Odile Allimann et Emilie Revaz Sous la direction du professeur Nicola Braghieri Janvier 2015 nom masculin Du latin abyssus et du grec ancien apvoooc bussos de a privatif et de byssos fond de la mer abyme signifie donc sans fond Orthographi aujourd hui abime il prend alors plusieurs acceptions Au sens premier c est un gouffre profond un pr cipice une cavit dont les limites sont insondables De mani re figurative il signifie ce qui est extr me le plus haut degr concevable le myst re l infini ou m me le n ant En religion il symbolise donc l Enfer Sp cifiquement en h raldique dans l expression en abyme ce mot repr sente une pi ce plac au centre de l cu qui ne touche rien d autre et qui est en fait une r plique de l cu miniaturis Nota Bene Nous avons d cid pour la r daction de cet ouvrage de respecter l orthographe qu Andr Gide a utilis e lorsqu il a parl le premier de lt mise en abyme gt Plus je sonde l abyme h las plus je m y perds Alphonse de Lamartine M ditations po tiques MISE EN BOUCHE Deux miroirs Plac s l un en face de l autre ils se dupliquent et changent leur reflet l infini Nous avons tous d j eu un premier contact
2. CINQUI ME NIVEAU MISE EN R VE Le jeu entre auteur et spectateur que provoque la mise en abyme dans l art est conscient Le plus haut niveau de cette gradation de proc d s l est galement Il s agit de la conscience de quelque chose de vertigineux d infini La possibilit de se perdre dans l oeuvre appara t alors comme un risque r el bien que ce ne soit pas le but de l auteur En effet tel Th s e dans le labyrinthe ce dernier prend soin de laisser un fil d Ariane visible l attention du lecteur afin que celui ci puisse se retrouver Une oeuvre peut ainsi se refl ter l int rieur d elle m me l infini comme dans la c l bre bouteille de Rossi l tiquette sur la bouteille repr sente une bouteille avec une tiquette qui repr sente une bouteille et ainsi de suite jusqu l vanouissement de la bouteille Cette figure n est pas sans rappeler le mythe de l Ourobouros soit celui du serpent qui se mord la queue Une mise en abyme l infini peut ainsi sapparenter un cercle vicieux une spirale sans fin qui s enfonce dans l abyme Cet infini peut galement tre repr sent par le degr onirique le r ve est alors vu comme apoth ose de la mise en abyme il permet galement d atteindre le vertige l infini L oeuvre gagne de l autonomie chaque niveau de conscience pour acc der ici une certaine libert Afin de se tromper soi m me et surtout de tromper le spectateur l auteur doit donner
3. Hand with reflecting sphere Arts et illusions 1 Maurits Cornelis Escher Hand with reflecting sphere Pays bas 1935 Pour Escher la transformation de la r alit travers un miroir convexe est une fascination Cet artiste passionn par la puret des mod les math matiques s amuse tout au long de son oeuvre cr er des grilles pour d former les perspectives Dans son autoportrait le plus connu qui nous int resse ici on le voit se refl ter dans une surface convexe Seule sa main est repr sent e la fois l ext rieur et l int rieur de la sph re Le miroir devient alors le sujet principal de l oeuvre servant refl ter la fois l artiste mais aussi toute la pi ce dans laquelle il se trouve La d formation est r aliste identique celle qui existerait s il s agissait d une photographie Nous pouvons y voir ici un miroir pi ge qui proc de en capturant et r fl chissant l image de l artiste pour que celui ci devienne le sujet principal de son oeuvre Celle ci a donc conscience de son cr ateur et le met en sc ne On percoit cette conscience par la pr sence de la main dans chacune des deux images et c est elle l indice qui r v le la mise en abyme L oeuvre est compl tement introvertie dans le sens o elle ne prend pas du tout conscience d un ventuel spectateur mais se focalise enti rement sur l artiste lui m me Il est la pi ce ma tresse de la composition le sens m me de la lithog
4. Val rie Michelet Jacquod explique que La mise en abyme est donc l un des moyens que les symbolistes lisent pour r pondre par l criture la question du Moi puisque l oeuvre capable de prouver son autosimilarit est aussi celle qui l gitimera l existence de son auteur 1 Gabrielle Chamarat et Alain Goulet L auteur Presses universitaires de Caen Caen 1996 p 137 2 Andr Gide Oeuvres compl tes d Andr Gide d augm de textes in dits tablie par L Martin Chauffier 1 Journal 1er 2e cahiers Paris Gallimard 1932 p 511 3 Val rie Michelet Jacquod Le Roman symboliste un art de l extr me conscience p 444 Pour arriver cette conscience de soi Gide raconte qu il s aide d un miroir lorsqu il crit lt J CRIS SUR CE PETIT MEUBLE D ANNA SHACKLETON QUI RUE DE COMMAILLE SE TROUVAIT DANS MA CHAMBRE C TAIT L QUE JE TRAVAILLAIS JE L AIMAIS PARCE QUE DANS LA DOUBLE GLACE DU SECR TAIRE AU DESSUS DE LA TABLETTE O J CRIVAIS JE ME VOYAIS CRIRE ENTRE CHAQUE PHRASE JE ME REGARDAIS MON IMAGE ME PARLAIT M COUTAIT ME TENAIT COMPAGNIE ME MAINTENAIT EN TAT DE FERVEUR Le miroir lui offre donc un point de vue sur lui m me afin de lui montrer les m canismes externes son criture Pour Gide l auteur est au centre de toutes les r flexions 1 Andr Gide Journal 1887 1925 Gallimard Paris 1996 p 578 Les poux Arnolfini Arts et limites 1 Jan Van Eyck L
5. et le tableau son entier regarde une sc ne pour qui il est son tour une sc ne gt La lumi re a ici un r le cl L embrasure de la fen tre droite n est l que pour sugg rer l arriv e du flux de lumi re et ce flux qu elle r pand largement baigne la fois d une m me g n rosit deux espaces voisins entrecrois s mais irr ductibles la surface de la toile avec le volume qu elle repr sente et en avant de cette surface le volume r el qu occupe le spectateur Ainsi cet aspect de mise en abyme permet ici d inclure subtilement le spectateur dans l espace du tableau Le second aspect de la mise en abyme se retrouve dans l utilisation d un miroir au sein du tableau Ce proc d tait fr quemment utilis dans la peinture hollandaise afin de refl ter ce qui se trouvait dans la toile mais en offrant une autre vision modifi e Ici le miroir ne r fl chit rien de ce que l on voit d j dans l espace du tableau mais il r v le ce qui est cach ce qui se situe hors du cadre Il s agit ici du couple royal d Espagne pour lesquels travaillait le peintre Diego V lasquez Ce miroir joue en quelque sorte le r le d une porte qui relie l int rieur du tableau avec l ext rieur c est dire l ext rieur qui est la fois ce qui est peint par le peintre simultan ment au tableau mais galement l ext rieur l on se trouve en tant que spectateur l espace r el hors du tableau PEUT T
6. explique toujours tout au lecteur Il finit pas tre vex de se voir si m prisamment trait le lecteur gt La forme d art potentiel qui en d coule serait donc celle qui attend un lecteur qui l esp re qui a besoin de lui pour se r aliser pleinement le premier postulat de la potentialit c est le secret le dessous des apparences et l encouragement la d couverte Voil comment obtenir le plus s rement une complicit entre les deux personnages principaux de la mise en abyme Gr ce cela les chances de voir apparaitre une alchimie sont maximis es Bien s r m me apr s avoir optimiser ses chances de r ussite l auteur ne peut ensuite qu esp rer que la magie op rera et que le lecteur se laissera prendre au jeu Il ignore si les choses se passeront comme il l a pr vu et imagin lt UN GRAND SAVANT L A DIT lt IL Y A UN CERTAIN PLAISIR IGNORER PARCE QUE L IMAGINATION TRAVAILLE CLAUDE BERNARD 1 Raymond Queneau Gueule de Pierre Gallimard Paris 1994 2 Ibid p 24 3 Raymond Quenenau Pierrot mon ami Gallimard Paris 1943 LAMISEENABYMELITT RAIREPERMETD INS RERAL INT RIEURD UNR CIT UN AUTRE R CIT APPAREMMENT TRANGER QUI EN FAIT REPREND SOUS UNE AUTRE FORME UN CONTENU D J PR SENT DANS LXEUVRE CHAQUE R CIT DANS CETTE RELATION CONCOURT CLAIRER LA SIGNIFICATION DE L AUTRE LES DEUX TEXTES SE R FL CHISSENT SIMULTAN MENT IL EN R SULTE UN JEU DE MIRO
7. distinguer dans le monde cin matographique doivent aussi tre dans la mise en abyme du film Dans son essai sur la mise en abyme au cin ma S bastien F vry distingue deux types de mises en abyme cin matographiques qui d pendent des ces deux vecteurs La mise en abyme homog ne o un seul vecteur son ou image fait r f rence au film dorigine La mise en abyme h t rog ne o la totalit des moyens cin matographiques est utilis e pour refl ter le film cest dire le son et l image On pourrait alors qualifier la mise en abyme homog ne comme mise en abyme partielle tant donn quelle ne modifie pas enti rement le d roulement du r cit cadre et quelle s y int gre plus timidement Dans le Trans Europ Express on retrouve cette forme de mise en abyme lorsque le protagoniste Elias lit une bande dessin e dans le train o l on distingue l illustration de sa propre histoire Ceci est donc un second niveau de mise 1 S bastien F vry La mise en abyme filmique essai de typologie Li ge Edition du CEFAL 2000 abyme ench ss dans le premier qui lui est une mise en abyme h t rog ne Robbe Grillet sest mis lui m me en sc ne dans son propre film pour introduire cette mise en abyme h t rog ne Il joue le r le de l auteur du r cit second r le qu il partage avec ses collaborateurs pour ne pas se mettre lui m me trop en avant Cet auteur Jean se sert du r cit second pour laisser parler ce que
8. mais elle est galement le symbole de sa disparition C est dire qu elle est simultan ment l av nement et la mort de l auteur son effacement devant l oeuvre qui le contient 1 L ultime conscience de sa pr sence m ne donc sa disparition On se rend compte ici que la conscience de l auteur est un point cl dans mise en abyme Il n est pas simplement un conteur il a un r le actif jouer du moins pendant la conception puis de facon r trograde pendant la lecture 1 Claire Latxague L image dans le r cit La Cage ou la mise en abyme iconique in Textimage n 4 2011 p 12 TROISI ME NIVEAU MISE EN SC NE Comme on vient de le constater on voit avec la mise en abyme l apparition d un personnage crucial pour l oeuvre soit son auteur Sa pr sence et son r le sont rendus conscients par ce proc d il devient le premier interlocuteur de l oeuvre Interlocuteur car plus qu un simple personnage il va entrer en contact avec le spectateur second r le principal de la mise en abyme C est dans la conscience de ce deuxi me personnage phare que r side le prochain niveau de r v lation En effet sans la pr sence d un spectateur tout ce qui a t dit pr c demment n a aucune utilit L auteur a conscience de ce fait il sait qu un lecteur est n cessaire S il veut r v ler un quelconque l ment des coulisses de l oeuvre il a besoin de quelqu un pour l couter le lire ou l observer C est gr ce la
9. James Fitzsimmons Volume XIX 2 F vrier 20 1975 p 30 Publicit pour le cacao Droste de rendre l oeuvre consciente comme un effort d sesp r d tablir un lt feed back gt de l oeuvre sur elle m me un semblant d autor glage Une fois de plus la mise en abyme est utilis e pour montrer les coulisses de l oeuvre tout en lui permettant de r v ler quelque chose de traditionnellement invisible Cela lui ajoute donc ce semblant de conscience De la m me facon que la statue de Galat e prend vie gr ce Aphrodite dans le mythe de Pygmalion l autoportrait de Pistoletto prend ici vie travers l oeil dela photographe Antonia Mulas Un d but d interaction entre int rieur et ext rieur voit alors le jour L artiste prend conscience de l autonomie de l oeuvre de son existence autre lui m me Nait alors la distinction entre lui et le reste du monde que l on retrouve sur la c l brissime publicit pour le cacao Droste qui a donn son nom dans plusieurs langues trang res au concept de mise en abyme droste effect effeto droste D bute alors une r flexion vers l infini 1 Valentina Anker et Lucien D llenbach La r flexion sp culaire dans la peinture et la litt rature r centes in Art international James Fitzsimmons Volume XIX 2 F vrier 20 1975 p 45 Second meeting Arts intra muros 5 James Turrell Second Meeting Los Angeles 1989 Second Meeting est une des premi
10. QUE L ON FAIT RODERICK ETC AUCUN DE CES EXEMPLES N EST ABSOLUMENT JUSTE CE QUI LE SERAIT BEAUCOUP PLUS CE QUI DIRAIT LE MIEUX CE QUE J AI VOULU DANS MES CAHIERS DANS MON NARCISSE ET DANS LA TENTATIVE C EST LA COMPARAISON AVEC CE PROC D DU BLASON QUI CONSISTE DANS LE PREMIER METTRE LE SECOND EN ABYME gt Ainsi de nombreux crivains ou peintres avant Gide avaient d j utilis ce proc d afin d clairer leur oeuvre mais galement afin de la rendre plus complexe en raison des nouvelles interrogations qu elle entraine La mise en abyme telle que nous la d finissons aujourd hui connait alors une sorte de renaissance gr ce Gide Le fait delui avoir donn un nom permet de l identifier et donc de mieux la comprendre Il est int ressant de relever que c est dans l h raldique la science du blason que Gide va chercher sa d nomination C est en effet un proc d g om trique qui donne son nom la mise en abyme On comprend alors que cette notion qui est d abord principalement utilis e en litt rature et en peinture 1 Andr Gide Oeuvres compl tes d Andr Gide d augm de textes in dits tablie par L Martin Chauffier 1 Journal 1er 2e cahiers Paris Gallimard 1932 p 511 peut tre appliqu e dans bien d autres domaines Quel est donc la motivation de Gide utiliser une criture mise en abyme D s ses premiers crits on peut apercevoir toute sa r flexion au sujet de la p
11. ce niveau que l imaginaire des protagonistes serait le plus sollicit C est ce niveau galement qu une abyme onirique se d voilerait comme apoth ose de la mise en abyme menant au vertige l infini Lecteur si vous d cidez de suivre l ordre des pages c est en suivant cette gradation que vous entrerez dans le monde de la mise en abyme dans les arts Ainsi se succ deront Mise en reflet Mise en pr sence Mise en sc ne Mise en jeu et Mise en r ve Bien s r si cet ordre n est pas celui que vous avez choisi il n appartient qu vous de tourner la page tout instant de choisir un chapitre au hasard ou de suivre le th me qui vous inspirera confiance Car au fil des pages vous allez d couvrir cinq th mes qui proposent un autre ordre de lecture une autre facon de faire des liens entre architecture et arts chelles limites illusions intra muros et langage de la construction Et s il s av re que ce sont les exemples architecturaux de mise en abyme qui vous int ressent en cet instant pr cis ou tout moment de votre lecture rien de plus simple Il vous suffit alors de faire effectuer l ouvrage que vous tenez entre vos mains une rotation de 180 soit un demi tour et vous serez entr dans l autre partie la partie architecturale Au fond la mise en abyme est un langage invisible perceptible seulement par celui qui d cidera d y tre sensible Lecteur il n appartient donc plus qu vous de jouer le j
12. observer le repas Seuls deux individus sur la gauche ne sont pas compris dans ce premier espace int rieur Par la sc ne se d roulant en annexe du tableau central on voit que la vie suit son cours dans le monde englobant la sc ne principale Ces deux personnages font le lien entre spectateur et peinture entre int rieur et ext rieur ils sont pos s par le peintre comme une porte ouverte vers ce monde clos Ils repr sentent le seuil entre les deux espaces encastr s l un dans l autre A l ext rieur des toiles sont peintes comme des indices permettant de comprendre que cette sc ne est comprise dans un monde plus vaste Il s agit donc ici d un espace dans un espace d un syst me de r alit s compl mentaires et ench ss es cr ant une mise en abyme Arts et chelles 2 William Shakespeare Hamlet Londres 1603 En litt rature il existe un exemple relativement ancien et donc tr s innovant pour l poque de mise en abyme Il s agit de l oeuvre de William Shakespeare dans laquelle cette forme stylistique est utilis e maintes reprises Certains auteurs plus r cents se sont d ailleurs risqu s essayer de th oriser cette figure Une des meilleures d finitions fut donn e par Jean Ricardou qui cite ici Hugo Toutes les pi ces de Shakespeare offrent l observation une particularit qui semble avoir chapp jusqu ce jour aux commentateurs et aux critiques les plus consid rables C est un
13. pi ce Il se retrouvera galement pi g de facon indirecte puisque son image va alors tre captur e par le miroir pour tre d form e transform e et r fl chie sa surface A mesure qu il va se d placer dans la pi ce il va prendre conscience de ce double pi ge Il pourra ensuite exp rimenter les limites de celui ci chercher en comprendre les r gles voire m me essayer de le d jouer L oeuvre n cessite donc la pr sence d un spectateur pour se r aliser pleinement L auteur en a conscience et bien quil perturbe les codes classiques de l art il n oublie pas de laisser une place cet alter ego dont il a besoin Il lui pr pare m me un espace parcourir et d couvrir une sorte de jeu dans lequel le spectateur pourra choisir sa propre voie et chercher percer le message myst rieux laiss par l artiste AU DEL DES FORMES QU ELLE PEUT PRENDRE LA MISE EN ABYME RESTE AVANT TOUT L L MENT CHARNI RE D UNE COMPOSITION MIROITANTE CRISTALLINE CAPABLE D CLAIRER SELON LE V U DE GIDE TOUTES LES PROPORTIONS DE L ENSEMBLEY gt Val rie Michelet Jacquod Le Roman symboliste un art de l extr me conscience lt l TISAHSNAHCI SNOLEHOdO Hd STT SALNOL gt 4GdIO ADA NOTAS INITIV ILSTSO LA ALNVLIOAIM NOLLISOdINOO HN HWWHAINSIVHO LNWIAWTACI LAOL LNVAV ALSAA ASIN SHIASIOA SAA VIAA
14. puisque aucun tableau n est son tour repr sent dans letableau du tableau Nous pouvons constater que l intention du peintre bien qu elle soit de se jouer des r gles classiques de l art en floutant la limite entre vrai et faux n est pas non plus d abandonner son spectateur devant une abyme sans fin et sans fond Il souhaite plut t le mener vers une vision diff rente de l art Arts et chelles 4 Alain Robbe Grillet Trans Europ Express France 1966 Apr s avoir exp riment la mise en abyme en litt rature Alain Robbe Grillet sest galement aventur dans le domaine du septi me art Comment la mise en abyme est elle alors appliqu e lorsque plusieurs vecteurs tels que l image et le son s ajoutent la narratologie En 1966 il a r alis le Trans Europ Express dans lequel une quipe de cin ma imagine un film apr s avoir crois un homme suspect dans un train L histoire se construit peu peu sur la base de l imagination de chacun au sujet de l homme la valise pr nomm Elias Le film est alors entrecoup de ce second film imagin par l quipe et il en devient m me rapidement le film principal Le r cit cadre se limite alors principalement un r cit verbal tant donn qu il se concentre sur la parole des narrateurs alors que le r cit ench ss reste plut t visuel car les personnages mis en sc ne illustrent les paroles des narrateurs D s lors on remarque que les vecteurs son et image qui sont
15. res uvres de la s rie Skyspaces de James Turrell Elle incarne les th mes cl s de son travail espace et lumi re WE DON T NORMALLY LOOK AT LIGHT WE RE GENERALLY LOOKING AT SOMETHING LIGHT REVEALS gt 1 La lumi re qu elle soit naturelle ou artificielle est une mati re intouchable qu il faut valoriser Elle a une pr sence physique que Turrell veut mettre en valeur et il tente de l apprivoiser gr ce l architecture En effet en isolant le spectateur l int rieur d une boite carr e qui ne poss de qu une porte et qu une ouverture z nithale il lui permet de dialoguer seul seul avec le ciel et la lumi re Par cette ouverture il cadre le ciel il en fait une peinture vivante qui se modifie du jour la nuit C est une mise en abyme du ciel captur dans le plafond d une pi ce En ne nous en montrant qu un petit morceau Turrell veut nous en faire prendre conscience Cette isolation d une partie du ciel permet notamment d intensifier sa couleur bleu et de faire abstraction de ce qui pourrait d ranger la vision 1 Interview de James Turrell in Exclusive Art 21 2013 ramenant le ciel de l ext rieur l int rieur de l espace l on se trouve il offre alors un nouveau rapport en l homme et le ciel En les s parant par une limite c est dire la pi ce il permet de les rapprocher De plus Turrell veut offrir au spectateur une approche diff rente de l art MY WORK HAS NO OBJECT NO I
16. F vrier 20 1975 pp 28 32 45 48 MICHELANGELO PISTOLETTO ANKER Valentina et D LLENBACH Lucien La r flexion sp culaire dans la peinture et la litt rature r centes in Art international James Fitzsimmons Volume XIX 2 F vrier 20 1975 pp 28 32 45 48 http en wikipedia org wiki Droste JAMES TURRELL TURRELL James Interview tir de Exclusive Art 21 2013
17. PAYSAGE CACH E PAR LA VISION DE LA PEINTURE AINSI L ARBRE REPR SENT DANS LA PEINTURE CACHE DE LA VUE L ARBRE SITU DERRI RE ELLE EN DEHORS DE LA CHAMBRE IL A EXIST POUR LE SPECTATEUR COMME S IL TAIT DANS SA T TE SIMULTAN MENT L INT RIEUR DE LA CHAMBRE DANS LA PEIN TURE ET L EXT RIEUR DANS LE PAYSAGE R EL C EST COMME ON VOIT LE MONDE TANT EN DEHORS DE NOUS M MES M ME SI LA R ALIT N EST QUE REPR SENTATION MENTALE DE CE QUE L ON EXP RIMENTE L INT RIEUR DE NOUS M MES Le peintre a pleinement conscience du spectateur lorsqu il r alise ce tableau Comme dans toute mise en abyme il essaie de lui faire prendre conscience du dessous des choses en l occurrence du rapport entre la r alit et la repr sentation de la r alit Pour ce faire il trouble la limite entre les deux de facon rendre ambigu la compr hension de l ensemble Le 1 In Suzi Gablik Magritte Londres 1970 p 97 spectateur est devant un tableau qui repr sente un tableau et le lieu qui l a inspir Ces deux l ments sont si parfaitement align s qu il est difficile de ne pas s y m prendre au premier coup d oeil et de ne pas croire l arbre faisant partie de la r alit et non de la repr sentation C est donc le r le du spectateur de s parer les deux et d en comprendre ce qu il en est capable en suivant les indices laiss s par le peintre Ici il s agit comme souvent dans l oeuvre de Magritte d une mise en abyme finie
18. Un jeu se construit donc entre les deux personnages jeu de patience de r flexion d interactions L un essaie de parvenir par tous les moyens obtenir puis conserver l attention de l autre de le diriger dans les m andres de l ouvrage la lueur de quelques indices L autre se retrouve d s la premi re page plong au coeur d une nigme dont il doit trouver la cl et ce gr ce aux indices soigneusement d pos s au fil des lignes par le premier L un fixe le cadre dans lequel l autre va voluer L autre choisit sa voie dans l espace que l un lui propose Perec crit ce propos ON EN D DUIRA QUELQUE CHOSE QUI EST SANS DOUTE L ULTIME V RIT DU PUZZLE EN D PIT DES APPARENCES CE N EST PAS UN JEU SOLITAIRE CHAQUE GESTE QUE FAIT LE POSEUR DE PUZZLE LE FAISEUR DE PUZZLE L A FAIT AVANT LUI CHAQUE PI CE QU IL PREND REPREND QU IL EXAMINE QU IL CARESSE CHAQUE COMBINAISON QU IL ESSAYE ET ESSAYE ENCORE CHAQUE T TONNEMENT CHAQUE INTUITION CHAQUE ESPOIR CHAQUE D COURAGEMENT D CID S CALCUL S TUDI S PAR L AUTRE Cette r flexion participe une relation active et consciente entre auteur et lecteur qui tend vers une dimension ludique le deuxi me tant mis contribution par le premier pour qu il puisse y construire lui m me sa propre histoire Plus simplement s il suit les chemins qui lui ont t m nag s dans l oeuvre s il regarde de tous ses yeux comme o
19. autres personnages qu ils ont devant leurs yeux et dont nous spectateurs ignorons la pr sence L inscription au dessus du miroir confirme qu il s agit du peintre ainsi que de sa femme comme certains le supposent lt Il se peindrait en train de se peindre on remarque d j ici une volont de l artiste de se repr senter dans son travail cela restant encore n anmoins tr s timide compar ce que V lasquez r alisera environ deux cents ans plus tard Le miroir peut alors avoir un r le ambivalent soit il est vu comme une intrusion comme un pi ge car il capture l insu des personnages ou des images que le spectateur est sens ignorer Soit il peut tre vu comme un moyen pour le peintre d en dire plus que ce qu il peut mettre dans son oeuvre d j limit e par quatre c t s Il est une mani re de d passer la limite de l oeuvre et de r v ler un espace plus complexe Il est donc soit un oeil inquisiteur soit une porte vers un autre espace N anmoins l utilisation du miroir dans la peinture limite la mise en abyme La r alit visuelle ne propose qu un espace fini car une seule duplication de l oeuvre est possible en raison de la position du miroir D llenbach affirme m me qu ainsi 1 Georges Perec La Vie mode d emploi Fayard 1978 p 280 comprend on que les miroirs picturaux n aient pu de facon durable attacher la pens e gidienne l intrusion qu ils op raient n tait qu une approximation assez d fic
20. avec une mise en abyme Que ce soit par ce jeu de deux miroirs ou que ce soit par une image qui contient une r plique exacte d elle m me en miniature et sur cette miniature l image se r p te maintes fois jusqu devenir imperceptible Peut tre m me avons nous d j lu un roman dont l histoire raconte une autre histoire semblable celle que nous sommes en train de lire Mais n allons pas trop loin Ce premier contact vous a t il laiss insensible Probablement pas Ce ph nom ne a s rement d vous interpeller car il est fascinant de voir qu un objet peut la fois revendiquer sa propre existence et se contenir lui m me Le meilleur moyen de comprendre ce qu est une mise en abyme est de l imaginer comme un miroir comme une glace plac e dans une oeuvre et qui permet d en r v ler ses facettes C est un outils rh torique qui offre la possibilit l oeuvre de d voiler une partie d elle m me de r v ler un secret sur sa conception d ajouter une dimension de conscience l oeuvre d art On retrouve l utilisation de ce proc d dans la plupart des arts comme la litt rature la peinture ou le cin ma o il a t th oris et explicit Cet ouvrage propose de r v ler la pr sence de mise en abyme ainsi que d en montrer les m canismes travers les arts Il s agit donc dans cette partie de comprendre en quoi elle consiste afin de pouvoir l appliquer l architecture Bien s r il ne s agit ici que de quelque
21. bande dessin e a t inspir son auteur par le Nouveau Roman mouvement litt raire qui cherchait mettre en question de facon exp rimentale les fondements m me de la litt rature On retrouve traduits en images tous les l ments importants sur lesquels travaillaient les auteurs de ce courant Il applique m thodiquement les m canismes et les r gles mis en place par les Nouveaux Romanciers Il n y a donc dans La Cage aucun personnage repr sent et l ouvrage est organis selon une logique quasi math matique case par case cage par cage C est un livre qui s auto construit sous les yeux du lecteur de facon machinique L IMPORTANT LE PRINCIPAL EST DE SAVOIR CE QU IL FAUT OBSERVER La Cage est en r alit une sorte de syst me vertigineux de mises en abyme qui oblige le lecteur prendre position au coeur du dispositif narratif trouver sa propre voie dans cette galerie des glaces Tous les rep res du lecteur sont boulevers s il ne peut plus se rattacher aux l ments auxquels 1 Edgar Alan Poe Histoires extraordinaires J Ai Lu Paris 2004 2 Claire Latxague L image dans le r cit La Cage ou la mise en abyme iconique in Textimage n 4 2011 p 3 il est habitu Le lecteur devient donc membre actif de cet ouvrage sans m me s en apercevoir Il est ainsi impliqu dans le d chiffrage de l histoire dans sa compr hension Il n y a pas de texte pr sent dans les cases de La Cage Seul un pa
22. du roman tout ce qui se passe derri re l criture nous est d voil cela gr ce la mise en abyme Pas une seule fois des passages du livre d Edouard Les Faux Monnayeurs ne nous sont r v l s Cela prouve que ce qui compte est le fait d crire et non l histoire m me comme le sugg re l analyse d Alain Goulet qui affirme que l un des int r ts majeurs des Faux Monnayeurs c est bien de mettre en sc ne les coulisses du roman En nous faisant acc der l envers du d cor Gide instaure une nouvelle relation avec le lecteur comme s il lui donnait les cl s d un secret Mais est ce que les Faux Monnayeurs d Edouard est le m me roman que les Faux 1 Andr Gide Les Faux Monnayeurs Gallimard Paris 1925 p 73 2 Gabrielle Chamarat et Alain Goulet L auteur Presses universitaires de Caen Caen 1996 p 145 Monnayeurs de Gide Cela signifierait que nous sommes en train de lire l histoire de l criture d un roman alors que nous avons ce roman m me entre les mains Ainsi l oeuvre ma tresse se reproduit l int rieur d elle m me ce qui illustre la mise en abyme de Gide Ce dernier a m me crit en parall le le Journal des Faux Monnayeurs o il se confie entre autre sur la mise en sc ne de ses personnages Y a t il une troisi me oeuvre qui jouerait en fait le premier niveau de la mise en abyme l oeuvre cadre De plus dans le roman d Edouard une autre oeuvre est peut tre incluse commence et s a
23. la litt rature r centes in Art international James Fitzsimmons Volume XIX 2 F vrier 20 1975 pp 28 32 45 48 BECCHIS Michela Pietro Lorenzetti Silvana Editoriale Milan 2012 BORGES Jorge Luis Enqu tes Paris Gallimard 1957 CALVINO Italo Les Villes invisibles Gallimard Paris 1972 CHAMARAT Gabrielle et GOULET Alain L auteur Presses universitaires de Caen Caen 1996 COMPAGNON Antoine La seconde main ou le travail de la citation Editions du Seuil Paris 1979 FEVRY S bastien La mise en abyme filmique essai de typologie Li ge Edition du CEFAL 2000 FOUCAULT Michel Les Mots et les choses une arch ologie des sciences humaines Paris Gallimard 1966 GENOVA Pamela Antonia Andr Gide dans le labyrinthe de la mythotextualit Purdue Universtiy Press West Lafayette Indiana 1995 Andr Oeuvres compl tes d Andr Gide d augm de textes in dits tablie par L Martin Chauffier 1 Journal 1er 2e cahiers Paris Gallimard 1932 GIDE Andr Journal 1887 1925 Gallimard Paris 1996 GIDE Andr Les Faux Monnayeurs Gallimard Paris 1925 GIDE Andr Journal des faux monnayeurs Paris Gallimard 1927 JACQUOD Val rie Michelet Le Roman symboliste un art de conscience LATXAGUE Claire L image dans le r cit La Cage ou la mise en abyme iconique in Textimage n 4 2011 METZ Christian Essais sur la signification au cin ma Klincksieck Paris 2003 OULIPO Atlas de lit
24. vie son oeuvre lui donner une me pour qu un d but d interaction avec elle soit possible C est ce que nous allons d couvrir avec les exemples qui suivent Portrait de Michelangelo Pistoletto Arts et limites 5 Antonia Mulas Portrait de Michelangelo Pistoletto Italie 1933 Sur ce tableau Autoportrait de Pistoletto comme on l a d j expliqu auteur et spectateur se partagent les r les cl s afin que l oeuvre se r alise pleinement Un degr est n anmoins ajout par la photographie de cette oeuvre On a affaire ici un double autoportrait voire un triple En effet en plus du tableau repr sentant l artiste dans sa partie fixe ce dernier est galement visible dans sa partie ph m re ainsi qu une troisi me fois posant debout devant le tableau Le jeu d oscillation entre int rieur et ext rieur est donc ici pouss l extr me L artiste est pr sent dans son oeuvre il fait partie de celle ci gt L oscillation entre int rieur et ext rieur participe pleinement l aspect vivant de l oeuvre Ce mouvement entre dedans et dehors offre une sorte d autonomie l oeuvre En se repliant sur elle m me dans ce jeu de reflets qu on pourrait imaginer sans fin l oeuvre merge une certaine conscience En effet l emploi du miroir peut tre interpr t comme un d sir 1 Valentina Anker et Lucien D llenbach La r flexion sp culaire dans la peinture et la litt rature r centes in Art international
25. E A ENLEV E UNE SORTE D QUIVALENT DU TOIT SOULEV DANS LE DIABLE BOITEUX DE TELLE SORTE QUE DU REZ DE CHAUS S E AUX MANSARDES TOUTES LES PI CES QUI SE TROUVENT EN FACADE SOIENT INSTANTAN MENT ET SIMULTAN MENT VISIBLES LE ROMAN DONT LE TITRE EST LA VIE MODE D EMPLOI SE BORNE SI J OSE EMPLOYER CE VERBE POUR UN PROJET DONT LE D VELOPPEMENT FINAL AURA QUELQUE CHOSE COMME QUATRE CENTS PAGES D CRIRE LES PI CES AINSI D VOIL ES ET LES ACTIVIT S QUI S Y D ROULENT LES SOURCES DE CE PROJET SONT MULTIPLES L UNE D ENTRE ELLES EST UN DESSIN DE SAUL STEINBERG PARU DANS THE ART OF LONDRES HAMISH HAMILTON 1952 QUI RE PR SENTE UN MEUBL ON SAIT QUE C EST UN MEUBL PARCE QU C T DE LA PORTE D ENTR E IL Y A UN CRITEAU PORTANT L INSCRIPTION VACANCY DONT UNE PARTIE DE LA FA ADE T ENLEV E LAISSANT VOIR L INT RIEUR DE QUELQUE VINGT TROIS PIECES JE DIS QUELQUE PARCE QU IL Y A AUSSI QUELQUES CHAPP ES SUR LES PI CES DE DERRI RE gt 1 1 Georges Perec Esp ces d espaces Galil e Paris 1974 La Condition humaine Arts et illusions 4 Ren Magritte La Condition humaine 1898 1967 Le tableau en abyme est un th me fr quemment trait par Ren Magritte Comme par exemple avec La Condition humaine qu il voque en ces mots J AI MIS EN FACE D UNE FEN TRE VUE PAR L INT RIEUR D UNE CHAMBRE UNE PEINTURE QUI REPR SENTE EXACTEMENT LA PARTIE DU
26. IRS QUI STRUCTURE L UVRE Pamela Antonia Genova Andr Gide dans le labyrinthe de la mythotextualit TRAADI THALLOQRLES N SAIOAN N AL NA TI LNHIWAINVITONIS 5 AS SNOLLONALSNON 1 1 AA NOLLVOLIINOIS HANIVI9H V L3000NOO NOLLVTA 11 SNVG AANLOALIHONV 400VHO 7 WHAD D I SNVd LNASAUd NN TALAV ANA SNOS LIVA NA 100 1 LNANNANVAdV NOLLOQWLSNOO AALAV ANN NOLLOQWLISNOO ANNA V HANASNLA L ANNAd ATVANLOALIHONV ANAIV NA ASIN gt Fresques de La Maison des Griffons Arts et illusions 2 La Maison des Griffons Rome fin 2 me s d but 1er s av J C Les fresques qui recouvrent les murs de cette villa sont le parfait exemple du deuxi me style pomp ien cat gorie formelle et chronologique qui constitue une r f rence pour les fresques de l Empire romain Ce qui est relever dans La Maison des Griffons Cest le relief qui appara t en trompe l oeil Les l ments architecturaux qui composent le d cor sont tous peints sur les murs cr ant l illusion et la sym trie afin de tromper le visiteur La technique est pouss e d ailleurs son extr me durant cette p riode comme le dit Vitruve lt 15 EN VINRENT REPR SENTER DES DIFICES AVEC DES COLONNES DES FRONTONS QUI SE D TACHAIENT PARFAITEMENT SUR LE FOND Ces surfaces peintes sont si
27. MAGE AND NO FOCUS WITH NO OBJECT NO IMAGE AND NO FOCUS WHAT ARE YOU LOOKING AT YoU ARE LOOKING AT YOU LOOKING WHAT IS IMPORTANT TO ME IS TO CREATE AN EXPERIENCE OF WORDLESS THOUGHT On ne regarde donc pas seulement le ciel on se regarde galement en train de regarder C est une sorte de mise en abyme de nous m mes un acc s vers la profondeur de nos pens es C est comme si cette pi ce isol e nous amenait dans un autre monde r v De m me que certains auteurs prennent conscience d eux m mes par d focalisation comme l crit Paul Val ry Je suis tant et me voyant me voyant me voir et ainsi de suite Turrell veut ouvrir la vision du spectateur et le placer dans la position la fois du regardant et du regard Ce proc d permet de distinguer ce que l on contr le de ce que l on ne contr le pas We are receiving these perceptions as opposed to creating them But we do create reality in which we live La mise en abyme est donc ici pleinement li e au sens de la vision 1 www jamesturrell com 2 Paul Val ry La Soir e avec Monsieur Teste Editions du Sagittaire Paris 1931 p 43 3 Interview de James Turrell dans Exclusive Art 21 2013 juste ses mo comme s pour prouver to sion m thodique devait finalement r v ler a dissimuler La Cage p 153 Arts et illusions 5 Martin Vaughn James La Cage Belgique 1986 La Cage chef d oeuvre de la
28. RE Y A T IL DANS CE TABLEAU DE V LASQUEZ COMME LA REPR SENTATION DE LA REPR SENTATION CLAS SIQUE ET LA D FINITION DE L ESPACE QU ELLE OUVRE 3 Ce tableau marque donc un tournant dans l volution de l histoire de la peinture Son sujet n est pas les personnages repr sent s ils ne sont qu un pr texte son sujet n est que lui m me 1 Michel Foucault Les Mots et les choses une arch ologie des sciences humaines Paris Gallimard 1966 p 19 2 Ibid p 13 3 Ibid p 21 Autoportrait avec June et mod les Arts et limites 3 Helmut Newton Autoportrait avec June et ses mod les Paris 1981 Voici une photographie prise environ 350 ans apr s le tableau de Diego V lasquez La r f rence au peintre espagnol est flagrante un miroir une image coup e qui sugg re que la r alit ne s arr te pas au cadre la pr sence de l artiste en plein exercice de son art une ouverture sur un monde plus vaste par la pr sence d autres personnages ainsi que d une fen tre l arri re tout y est Le photographe en nous prenant nous spectateurs pour cible travers l oeil de son Rolleiflex essaie une fois encore d inverser les r les de brouiller les limites entre int rieur et ext rieur En effet difficile de dire ici ce que cherche repr senter l artiste et ce qu est l objet central de la mise en sc ne Est ce les mod les sa femme ou lui m me Ou alors est ce le spectateur directement Le jeu des regards
29. TIALLNALOd AYNLOALIHONVI gt QUATRI ME NIVEAU MISE EN JEU Nous avons not l existence d une relation entre lecteur et spectateur Il est donc utile de s arr ter sur la nature de cette relation ses r gles implicites ou explicites et ses sp cificit s Notez bien que le jeu qui de ce rapport a pour but d tre ludique esth tique et divertissant pour le lecteur Il forme un des niveaux de conscience qui permet de comprendre le fonctionnement de la mise en abyme Ce jeu n a pas d autre vis e que de participer la r v lation des dessous de l oeuvre Les r gles de ce jeu r gissent bien videmment les rapports entre spectateur et auteur mais galement entre spectateur et oeuvre Il est donc n cessaire de comprendre sur quels principes se basent les auteurs pour les noncer puisque ce sont eux qui les choisissent Dans le cas de certains auteurs qui utilisent la mise en abyme ces r gles peuvent se rapprocher des math matiques ou de la logique Dans le cas des auteurs de l Oulipo par exemple crire sans contraintes leur parait impossible C est pourquoi avant m me d entamer le moindre chapitre de l un de leurs ouvrages ils ont l habitude de poser eux m mes des contraintes choisies arbitrairement et qu ils suivront tout au long de la r daction ainsi qu ils l expliquent eux m mes dans divers ouvrages Les r gles peuvent galement para tre plus floues quasiment dues au hasard quand elles sont mises en pratiq
30. ateur et auteur En effet par la pr sence du miroir peut d duire que l artiste pleinement conscience de la personne qui se place face la toile pour observer et appr cier le tableau puisqu il lui permet d en faire partie Plus qu une permission il ll int gre contre son gr la sc ne lui imposant un r le cl dans loeuvre sans m me avoir obtenu son consentement au pr alable Il ne peut alors qu esp rer que le spectateur trouvera ce jeu son et y prendra part pleinement Le visiteur est la fois spectateur de l oeuvre lorsqu il l observe distance arri re plan de l oeuvre lorsqu il s y r fl chit furtivement en passant devant sa surface ou mod le part enti re lorsqu il se fige devant elle en essayant de percer son secret C est le visiteur qui donne vie l oeuvre En effet deux parties sont diff rencier dans ce tableau la partie fixe compos e par la repr sentation de l artiste autoportrait immobile et permanent de l artiste et la partie ph m re que repr sentent le miroir et toutes choses se refl tant sa surface qui conf rent au tableau un aspect vivant Les deux parties sont inter d pendantes l une de l autre les deux tant n cessaires au bon fonctionnement du tableau Cela signifie que le spectateur aussi bien que l auteur sont indispensables l oeuvre chacun ayant son propre r le sa propre fonction Un dialogue entre ces deux espaces de repr sentation est bien s
31. avec le plan en coupe de l immeuble imagin qu il tient enfin la trame de ce qui sera l un de ses plus fameux livre Il demande alors la jeune tudiante en architecture Jacqueline Ancelot de lui dessiner la facade de l immeuble On peut encore y reconnaitre aujourd hui des d tails du roman comme par exemple avec l atelier de l artiste en haut gauche Ila donc tel un architecte imagin en plan et en l vation ce que serait l immeuble abritant les personnages de son roman C est entre ces murs que se juxtaposent et se recoupent le 1 Italo Calvino D fis aux labyrinthes II Textes et lectures critiques Editions du Seuil Paris 1991 traduit en 1993 p 438 2 Oulipo Atlas de litt rature potentielle Gallimard Paris 1981 p 392 destin des personnages qu il a invent s et dont il fait ici la description Comme on le ressent travers ce roman Perec prouve une grande fascination pour les collections Il d crit donc chaque sc ne avec grande minutie n omettant aucun d tail Dans chaque appartement une foule d objets et de tableaux en lien avec l ext rieur de l immeuble sont ainsi d crits Tableaux vrais tableaux imaginaires faux tableaux gt comme si le monde repr sent et celui qui se trouve en dehors du cadre appartenaient au m me niveau de r alit Il y a donc dans ce livre une foule de petits miroirs pi ges dispos s savamment par l auteur pour y refl ter des bribes du monde ext rieu
32. c ses propres coulisses Le premier objet de ces coulisses qui est mis en lumi re c est l auteur lui m me C est ainsi que va se d velopper le deuxi me niveau de conscience autour de l auteur personnage vital l oeuvre et traditionnellement absent Par la mise en abyme l oeuvre devient consciente d elle m me consciente de son propre espace de cr ation consciente de son cr ateur C est donc tout naturellement que l on aper oit ce dernier appara tre au d tour d une page Celui ci est r v l par la pr sence d un miroir pi ge miroir plan ou d formant selon les situations L auteur utilise alors son reflet pour permettre au spectateur d entrer un peu plus dans le dessous des choses Il s auto repr sente dans son oeuvre afin de rendre plus vident un des m canismes impliqu s dans la r alisation de tout art Pour se repr senter les auteurs ont fait preuve d imagination et op rent tous leur fa on et en fonction du m dium avec lequel chacun travaille On retrouve des exemples l auteur est directement pr sent dans l oeuvre et d autres exemples seuls des indices de sa pr sence sont visibles L autoportrait fait bien s r partie de ce niveau de r v lation puisqu il est l image m me de l auteur mise en sc ne par lui m me La citation est galement rattacher ce niveau puisqu elle est image de l auteur galement Comme l explique Antoine Compagnon toute citation de mani re analogue es
33. compagn es d une sorte de voix off Le fait qu il n y ait strictement personne de repr sent dans l ouvrage n emp che pas pour autant l auteur de laisser exister une silhouette qui vit cette histoire au fil des pages tout au long de notre lecture On peut deviner la pr sence de cet individu travers la pr sence d un grand nombre d objets du quotidien Il y a par exemple un lit qui est pr sent de nombreuses reprises et sur lequel on peut apercevoir p 115 la masse d un corps allong form par l assemblage d objets h t roclites On peut avancer sans trop de risque que cette silhouette repr sente non seulement le seul personnage de l ouvrage mais galement qu elle est le reflet de l individu le plus important pour La Cage soit l auteur lui m me Il s est donc auto repr sent dans son oeuvre transformant celle ci l espace d une page en miroir pi ge Il s agit ici de montrer par une absence la pr sence de l artiste quasiment omnipotent ayant un r le cl dans la conception de l oeuvre Celui ci a conscience de lui m me et de sa position privil gi e Il en profite pour d ranger l oeuvre l extr me De plus il y a quelque chose de paradoxal dans cette auto repr sentation La forme qu elle prend soit une silhouette tendue sur un lit et cras e sous des briques avec une tache d encre au niveau du flanc est r v latrice Elle est le symbole de la toute puissance de l auteur comme on vient de le voir
34. d int grer dans son film tout un train ambigu de r flexions sur ce qu on pourrait reprocher son film Christian Metz parle m me de double mise en abyme nous n avons pas seulement ici un film sur le cin ma mais un film sur un film qui aurait lui m me port sur le cin ma autrement dit un film sur un cin aste qui r fl chit lui m me son film Guido est donc bien le double parfait de son cr ateur Fellini m me s il ne joue pas lui m me dans son propre film De plus ce qui est tr s innovant de la part de Fellini c est que 1 Christian Metz Essais sur la signification au cin ma Klincksieck Paris 2003 p 224 2 Ibid p 224 lefilm imagin par Guido se confond avec celui que fait Fellini En r alit on ne voit jamais celui de Guido et on ne connait pas son titre Christian Metz parle l du triomphe paradoxal de la mise en abyme quand il n y a plus de film inclus quand les deux films d clar s distincts sont physiquement confondus de facon totale La pellicule de Fellini correspond donc tout ce que Guido aurait souhait mettre dans la sienne et il ne serait que r p tition du film que nous voyons que de montrer des s quences de celui de Guido C est donc ici comme si le film ench ss revenait son origine son film cadre comme si la boucle tait boucl e La mise en abyme est donc finie et parfaite Quel d nouement donner ce cycle parfait Guido renonce tout d abord
35. des rues d une ville sans jamais l atteindre Apr s leur r veil ils ont cherch cette ville et se sont retrouv s tous ensemble au milieu de nulle 1 Italo Calvino Les villes invisibles Gallimard Paris 2013 p 164 2 Ibid p 121 part Ils d cid rent alors de construire la ville dont ils avaient r v et c est ainsi qu elle vit le jour Le r ve est vu ici la base m me de la r alit comme impulsion premi re de celle ci Il n est donc pas toujours une ouverture vers l infini mais peut tre l avant m me que la ville existe Il est dans tout les cas mis en miroir d une r alit Ou alors est ce la r alit qui est mise en miroir du r ve MISE EN PERSPECTIVE Par un reflet de l oeuvre plus ou moins fid le la mise en abyme permet de r v ler son fonctionnement et sa structure Par la r p tition qu elle instaure elle trouble l oeuvre en la d doublant en introduisant un autre niveau de narration l int rieur d elle m me Ces deux effets remettent alors en question l unit de l oeuvre cadre puisqu ils l interrogent et essayent de la red finir tendant la faire clater en de multiples morceaux Paradoxalement la mise en abyme permet galement de rassembler les fragments de r cits qui font r f rence l oeuvre cadre Division et unification sont ainsi relev s par Jean Ricardou Tel est son r le antith tique l unit elle la divise la dispersion elle l unit Il est important de no
36. e double action qui traverse le drame et qui le refl te en petit Prenons l exemple de Hamlet pi ce majeure de l oeuvre de Shakespeare Dans cette oeuvre le lecteur assiste une pi ce de th tre dans la pi ce de th tre En effet pour que la v rit clate le personnage d Hamlet fait jouer devant le roi une pi ce intitul e La Sourici re Celle ci est le reflet de ce qui s est r ellement pass dans la narration Ce miroir qui refl te une image transform e de la r alit sugg re d j une fin alors que celle ci n a pas encore eu lieu Par l utilisation de la mise en abyme le personnage du roi est donc mis face une prolepse au m me instant que le lecteur bien qu ils n appartiennent pas au m me niveau de narration Diff rents niveaux de narrations sont donc ench ss s instaurant des similitudes entre eux par l utilisation de ces miroirs plac s au sein m me de l oeuvre 1 Jean Ricardou Le Nouveau Roman Editions du Seuil Paris 1973 p 49 Le Jardin de Paradis Arts intra muros 2 Maitre du Haut Rhin Le Jardin de Paradis Francfort 1410 1420 Ce tableau r alis par un peintre dont on ne conna t pas l identit repr sente l id e m me du jardin clos A l int rieur d une muraille blanche sont repr sent s Marie J sus et six saints Plantes et animaux sont galement pr sents dans cette espace peints de facon si minutieuse qu il est possible d identifier les esp ces C est presque c
37. e la construction 3 Diego V lasquez Las Meninas Espagne 1656 Spectateur peine les yeux pos s sur la peinture de Diego V lasquez Les M nines vous voil d j pris au pi ge du tableau Ces personnages ce peintre qui vous regardent vous incluent vous observateur passager dans la toile comme s ils voulaient inverser les r les et devenir spectateur votre place V lasquez a ainsi subtilement renvers l oeuvre en se peignant lui m me en train de peindre un sujet qui se trouve hors du cadre Au fond de la pi ce se trouve un miroir qui r v le les sujets de la peinture En effet dans sa d finition Andr Gide cite ce tableau afin d illustrer son propos sur le r le du miroir dans la mise en abyme dans le sens celui ci refl te l oeuvre l int rieur d elle m me On retrouve ainsi deux aspects de la mise en abyme dans ce tableau Le premier est donc le fait que le peintre s est inclus dans son tableau pour se montrer en train de peindre un autre tableau Ce n est pas un simple autoportrait car l auteur r v le en m me temps l acte dela peinture qui engendre l oeuvre ce qui peut faire r f rence l oeuvre qui se trouve en r alit devant nous Le peintre s est ainsi mis en abyme dans sa peinture de la m me facon qu un crivain se met en abyme dans son roman Il nous r v le ainsi les coulisses de l oeuvre renversant lesujet dela peinture Le spectateur fait alors partie du tableau et dialogue avec
38. entre les diff rents protagonistes op re en une complexit suffisante pour troubler le spectateur dans sa lecture de l image La pr sence dans l oeuvre du mod le pr f r de Newton du reflet de l artiste de celui de sa femme de ceux de ses mod les de face ainsi que de celui de l cran blanc et de celui d une partie du studio de Vogue France Paris est une composition tr s inattendue Elle met en sc ne tout ce qui fait partie dela vie de Newton selon une mise en abyme ais ment reconnaissable parla pr sence du miroir Le spectateur peut avoir l impression d assister aux coulisses de la cr ation d une image de voir l envers du d cor tel qu il existe sans artifice alors qu il n est en v rit qu en face d une composition longuement r fl chie par l artiste Celui ci fait croire au spectateur qu il est t moin de quelque chose de secret alors qu en v rit tout est calcul pour ne montrer une fois de plus que ce qui doit l tre Sc ne d ouverture de La Nuit am ricaine Arts intra muros 3 Francois Truffaut La Nuit am ricaine France 1973 Fran ois Truffaut a r alis La Nuit am ricaine dix ans apr s le film de Fellini qui l avait beaucoup marqu A l instar du r alisateur italien Truffaut a utilis la mise en abyme afin de parler du monde du cin ma Il joue son propre r le de r alisateur l cran de m me qu il a demand sa v ritable quipe de se pr ter au jeu d acteur
39. es poux Arnolfini Flandre 1434 Dans la peinture flamande la mise en abyme a t beaucoup exp riment e gr ce l utilisation d un miroir au sein de l oeuvre Les poux Arnolfini en est l un des exemples les plus c l bres Au centre de l oeuvre l converge la perspective se trouve un petit miroir convexe Cette mise en abyme du tableau nous donne un second point de vue sur celui ci refl te non seulement sous un nouvel angle ce qui se trouve dans son cadre mais il d voile surtout l envers de l oeuvre l espace se trouvait le peintre et l espace nous nous trouvons en tant que spectateurs Ainsi l invisible est rendu visible gr ce la mise en abyme Par la d formation de sa surface et donc par son jeu optique le miroir permet de ramener l int rieur de l oeuvre des r alit s qui lui sont fictivement ext rieures Il agit comme un espion comme un deuxi me oeil Les peintres flamands se servaient souvent de cet outil pour introduire l espace qui serait exclu du champ de vision Quentin Matzys dans Le Peseur d or en est un autre exemple mais son miroir d borde enti rement de l espace de la repr sentation en 1 Lucien D llenbach Le R cit sp culaire Essai sur la mise en abyme Paris Seuil 1977 p 22 D tail du tableau montrant uniquement ce qui n est pas d j repr sent dans le tableau Van Eyck s en est servi lui pour montrer les poux vus de dos ainsi que deux
40. et m me la vie priv e des acteurs qui est m lang e leurvie professionnelle De plus les fractions du film second qui nous sont montr es ne sont pas dans le bon ordre elles apparaissent dans la temporalit o les acteurs jouent On d couvre les images m me temps qu ils les tournent C est donc le monde du cin ma en g n ral que Truffaut met en avant aussi bien au niveau du tournage que de la vie des acteurs La Nuit am ricaine se termine lorsque le second film en abyme lui m me est clos A la fin du premier l accessoiriste qui se fait interroger par des journalistes lance la derni re r plique Nous esp rons que le public aura autant de plaisir voir ce film que nous nous avons eu le tourner Est ce ici une derni re parole de Truffaut qui nous est destin e nous les vrais spectateurs Ensuite a lieu un zoom arri re depuis la place urbaine o avait d but la premi re sc ne place qui se trouve maintenant compl tement vide On prend alors conscience du d cor du film en abyme qui r v le de simples facades qui faisaient office de b timents Comme si l on sortait d finitivement de la mise en abyme la cam ra n est plus au niveau et l chelle des personnages mais elle s envole et montre d en haut des images in dites du lieu de tournage Arts et illusions 3 Michelangelo Pistoletto Autoportrait Italie 1933 L oeuvre de Pistoletto est une continuelle recherche sur les rap
41. eu DE M ME QUE LES MISES AU NIVEAU DE LA FICTION S ATTAQUENT NOUS L AVONS REMARQU AU TEMPS DE LA FICTION LES MISES EN ABYME TEX TUELLES CONTESTENT DANS SON PRINCIPE CETTE CHRONOLOGIE DU LIVRE L ORDRE SUCCESSIF DES FEUILLETS IL SERAIT DONC SOUHAITABLE QU UN LIVRE ISSU DE CE PRINCIPE SUPPRIM T DE L ANGLE DE SES PAGES LES CHIFFRES COUTUMIERS DE LA PA GINATION S IL TAIT CONS QUENT CE LIVRE SINGU LIER DEVRAIT AUSSI PROSCRIRE L ORIENTATION QUE D TERMINE LA PR SENCE D UNE PREMIERE PAGE DE COUVERTURE FRAPP E D UN TITRE IL POURRAIT ALORS ENVISAGER QU UN DEUXIEME TITRE SUR L AUTRE FACE DE SA COUVERTURE VIENNE BALAN CER LE PREMIER ET COMME IL ARRIVE SON TEXTE DE SE D DOUBLER CE DEUXIEME TITRE POURRAIT TRE LA R PLIQUE DU PREMIER Jean Ricardou Probl mes du nouveau roman PREMIER NIVEAU MISE EN REFLET Cher lecteur le premier niveau de la mise en abyme dans les arts est un processus simplement r cursif On peut l identifier un miroir une glace C est un proc d qui une fois pr sent dans une oeuvre permet d en refl ter un ou plusieurs aspects Il peut galement refl ter un objet ext rieur l oeuvre pour autant que celui ci ait un rapport avec elle En effet pour qu il s agisse de mise en abyme tout l ment r v l doit tre en lien avec le cadre dans lequel il s ins re C est seulement cette condition qu elle devient un v ritable outils rh torique source d un me
42. faire son film car il n arrive pas faire passer le message qu il souhaite pour changer la vie On assiste donc au suicide symbolique de Guido Refusant son film il est ramen la vie en tant qu acteur et il apercoit devant lui tous ceux qui ont fait partie de son film ainsi que de ses fantasmes et de ses souvenirs Il prend son porte voix de metteur en sc ne pour r aliser la ronde des personnages du film qui se fera quand m me tant donn qu il a compris que le message qu il souhaite passer est la r alisation de l oeuvre c est dire le m me message que Fellini Le coup de gr ce final apparait lorsque Guido entre lui m me dans le cercle autrement dit dans son film pour devenir acteur et redonner les rennes son cr ateur Fellini car c est le film de Fellini qui va d sormais commencer Et de toute la confusion dont le film nous a rendus t moins va il est vrai un film admirablement construit et aussi peu confus que possible La mise en abyme est donc l outil qui permet Fellini de transmettre clairement son message car elle ordonne et rassemble tout ce qui parait chaotique Elle est un moyen pour appuyer la r flexion dans le domaine elle est utilis e en l occurrence ici le cin ma 1 S bastien F vry La mise en abyme filmique essai de typologie Li ge Edition du CEFAL 2000 p 80 2 Christian Metz Essais sur la signification au cin ma Klincksieck Paris 2003 p 228
43. gent leur reflet l infini 1 Jorge Luis Borges Enqu tes Paris Gallimard 1957 p 83 TABLE DES MATIERES MISE EN BOUCHE PREMIER NIVEAU MISE EN REFLET Giotto di Bondone Arts et chelles 1 Pietro Lorenzetti Arts intra muros 1 William Shakespeare Arts et chelles 2 Ma tre du Haut Rhin Arts intra muros 2 DEUXI ME NIVEAU MISE EN CONTACT Andr Gide Arts et langage de la construction 1 Jan Van Eyck Arts et limites 1 Andr Gide Arts et chelles 3 Federico Fellini Arts et langage de la construction 2 Maurits Cornelis Escher Arts et illusions 1 Martin Vaughn James Arts et limites 2 TROISI ME NIVEAU MISE EN SC NE La Maison des Griffons Arts et illusions 2 Diego V lasquez Arts et langage de la construction 3 Helmut Newton Arts et limites 3 Fran ois Truffaut Arts intra muros 3 Michelangelo Pistoletto Arts et illusions 3 Georges Perec Arts et langage de la construction 4 QUATRI ME NIVEAU MISE EN JEU Georges Perex Arts intra muros 4 Ren Magritte Arts et illusions 4 Alain Robbe Grillet Arts et chelles 4 Barry Flanagan Arts et limites 4 CINQUI ME NIVEAU MISE EN R VE Antonia Mulas Arts et limites 5 James Turrell Arts intra muros 5 Martin Vaughn James Arts et illusions 5 Italo Calvino Arts et illusions 6 MISE EN PERSPECTIVE BIBLIOGRAPHIE ANKER Valentina et D LLENBACH Lucien La r flexion sp culaire dans la peinture et
44. iente de la structure r v e 1 Lucien D llenbach Le R cit sp culaire Essai sur la mise en abyme Paris Seuil 1977 p 22 Arts et chelles 3 Andr Gide Les Faux Monnayeurs Paris 1925 Au fil del volution de l criture de Gide on se rendra compte que la mise en abyme sera utilis e d autres fins En effet en plus d tre r v latrice pour l auteur elle le devient galement pour le lecteur Les Faux Monnayeurs est l un de ses romans la mise en abyme atteint son apog e De nombreux personnages sont mis en sc ne mais l accent est mis sur l un d eux Edouard qui est en train d crire un roman Des pages de son journal sont d voil es au lecteur C est dans celui ci que l on apprend que le titre de son roman s intitule Les Faux Monnayeurs On comprend alors qu il est en quelque sorte un double de Gide qu il utilise pour transmettre ses r flexions face l criture On peut lire dans le journal d Edouard des passages o l on sent que l auteur r el Gide a pris le dessus lt IL ME SEMBLE PARFOIS QUE JE N EXISTE PAS VRAIMENT MAIS SIMPLEMENT QUE J IMAGINE QUE JE SUIS CE QUOI JE PARVIENS LE PLUS DIFFICILEMENT CROIRE C EST MA PROPRE R ALIT JE M CHAPPE SANS CESSE ET NE COMPRENDS PAS BIEN LORSQUE JE ME REGARDE AGIR QUE CELUI QUE JE VOIS AGIR SOIT LE M ME QUE CELUI QUI REGARDE ET QUI S TONNE ET DOUTE QU IL PUISSE TRE ACTEUR ET CONTEMPLATEUR LA FOIS Ainsi au cours
45. lui nose pas expliciter notamment les pulsions sexuelles d Elias Mais lui qui se voulait omnipotent perd rapidement les commandes du film second en partageant le r cit avec son quipe mais galement en laissant les personnages de la seconde fiction d cider de leur sort Jean n a plus demprise narrative sur son personnage Elias qui nob it plus ses dires Lauteur narrateur est alors emport dans la fiction Cest ainsi que Robbe Grillet con oit la r flexivit ce nest pas l auteur qui est au centre et qui a la voix de la v rit cest le film entier qui se r fl chit L auteur devient un joueur du film Ce nest donc pas lui le lien entre les diff rents niveaux narratologiques contrairement aux r cits d Andr Gide Il doit jouer le jeu de la fiction car pour qu ils aient voix au chapitre les repr sentants auctoriaux doivent se montrer aussi ambigus que le texte qu ils hantent Ainsi Robbe Grillet d montre par l absurde que le r cit trompe le spectateur ou le lecteur lorsqu il pr tend r soudre le myst re de ses origines Les auteurs du film cadre perdent le contr le de leur film lorsque leurs personnages nob issent plus leur sc nario On suppose alors que le film principal est le deuxi me r cit celui qui est ench ss et que le r cit cadre est rel gu au second plan et nest qu une introduction au r cit afin de se jouer du spectateur Robbe Grillet a par cons quent utilis la mise en ab
46. milaires des miroirs qui refl tent m thodiquement les pleins les vides les ombres la lumi re les textures et les couleurs d une composition architecturale r elle La peinture prend ainsi une certaine autonomie Malgr sa bidimensionnalit elle devient spatiale Puisqu elle refl te des l ments tridimensionnels elle s octroie une dimension 1 Vitruve De l architecture Tomes premier et deuxi me Livre septi me C L F Panckoucke 1847 suppl mentaire qu elle parvient selon le point de vue rendre de facon parfaite pour l oeil du spectateur Ilest vident que lors dela r alisation de ces fresques le peintre avait conscience du spectateur puisque d j dans le choix du mod le il s agit de faire illusion Cela implique d embl e des yeux devant lesquels cette mise en sc ne sera ensuite jou e Il est donc ici question de point de vue L originalit de cette maison est que ces fresques ne sont pas peintes en fonction d un point de vue unique Il n existe aucun point pr cis dans la pi ce qui garantisse au spectateur de pouvoir observer chaque l ment sous le meilleur angle possible Le visiteur doit donc se d placer dans l espace afin de s arr ter diff rents endroits de la pi ce s il veut b n ficier de l ensemble des fresques sous leur meilleur jour Il se voit proposer par le peintre un parcours l int rieur m me de la maison indice d un rapport entre les deux Las Meninas Arts et langage d
47. muniquer avec le lecteur de le faire r fl chir Il a donc pleinement conscience de son propre r le et surtout de celui du lecteur car comme Marco le dit Kublai ce qui commande au r cit ce n est pas la voix c est Dans 1 description de certaines villes on retrouve des indices qui r v lent la pr sence de mise en abyme Par exemple dans la ville d Eudoxie on conserve un tapis dans lequel tu peux contempler la forme de la ville si tu t arr tes pour observer attentivement tu te persuades qu chaque point du tapis correspond un point de la ville et que tout ce que contient la ville est compris dans le dessin Le tapis est donc un v ritable miroir de la ville contenu l int rieur d elle m me Edoxie est d crite comme une ville confuse qui grouille d activit s Le tapis est un reflet parfaitement statique et harmonieux de l ensemble comme si la r alit n avait pu galer cette carte ordonn e La question qui nous vient alors est de savoir si C est bien le tapis qui est le reflet de la ville ou si c est plut t la ville qui est le reflet du tapis La mise en abyme confond ainsi les deux niveaux de r alit s obligeant le lecteur choisir lui m me son angle de vue Autre ville autre principe Dans la ville de Zob ide il existe une dimension onirique L histoire dit que plusieurs hommes ont r v dans leur sommeil qu ils poursuivaient une femme aux longs cheveux travers le labyrinthe
48. n invite d s les premi res pages le lecteur pourra multiplier les parcours c der aux charmes du lin aire ou prendre le risque de quelques traverses savourer les intermittences ou au contraire tenter de relier de relire en continu les fragments dispers s d un destin utiliser le plan de l immeuble ou naviguer dans l index gt Ainsi Perec met en sc ne avec La Vie mode d emploi un roman du jeu gt tel que le dit Bernard Magn A qui aura accept de jouer ce jeu dans la jubilation le plaisir l motion et la complicit le roman sera devenu au sens le plus profond du terme familier Il existe donc ici une r elle complicit ludique entre l crivain et le lecteur 1 Georges Perec La Vie mode d emploi Fayard 1978 p 20 2 Pr face de Bernard Magn de La Vie mode d emploi Georges Perec Fayard 1978 p 9 3 Ibid p 10 LA LITT RATURE POTENTIELLE SERAIT DONC CELLE QUI ATTEND UN LECTEUR QUI L ESPERE QUI A BESOIN DE LUI POUR SE R ALISER PLEINEMENT LE PREMIER POSTULAT DE LA POTENTIALIT C EST LE SECRET LE DESSOUS DES APPARENCES ET L ENCOURAGEMENT LA D COUVERTE OULIPO Atlas de litt rature potentielle lt LHSHAQ0003d VI Y LN34 AHOVHAOONAH I SHONANVddV SAA SNOSSAA AT LANOAS AT ISAO ALITVILNALOd VI LVINISOd NAINANd WI 7 LNHINHNITId WHSIIVHW S INT V 1 0 5 IN 411814 NN GN4LLV 110 2 ONOG A
49. n peut identifier ce triptyque qui se r p te l int rieur de lui m me En traversant les si cles le retable emporte avec lui un peu de son histoire Ici le sujet de la mise en abyme n est donc pas la r alisation m me de l oeuvre on ignore tout du peintre rest compl tement anonyme mais c est son contexte historique et politique La C ne Arts intra muros 1 Pietro Lorenzetti La C ne Assises 1315 1330 Cette c l bre repr sentation de la est construite sur le principe de l espace clos On peut clairement d limiter un int rieur lumineux et architectur par rapport un ext rieur plus vaste et sombre La mise en abyme se retrouve ici dans le sens elle montre deux espaces distincts ench ss s l un dans l autre Dans le cadre du tableau il y a la repr sentation de l espace ext rieur particuli rement d taill pour son poque Dans celui ci se trouve un second cadre l espace architectur qui est comme coup et ind pendant de son contexte provoquant ainsi une ambiguit entre cl ture et fermeture Les personnages sont plac s dans cette pi ce en forme de polygone ils regardent en direction du centre est plac le Christ comme si chacun n avait conscience que de cet espace cet instant coup de la r alit ext rieure Les trois pans de mur face au spectateur disparaissent afin de permettre l oeil de celui ci de p n trer l espace Le peintre l invite ainsi
50. omme si l on avait faire ici un herbier recouvert de fid les reflets de r alit Cette sc ne repr sente le paradis soit un espace utopique et r v image parfaite de la nature r elle C est un espace que l on imagine autarcique d apr s sa repr sentation comme un microcosme inscrit dans quelque chose de plus vaste En effet le peintre a pris soin de nous laisser l indice d un espace plus large dans lequel est contenu ce jardin clos A l arri re on apercoit un arbre qui a grandit au del de la muraille Il s agit donc de la repr sentation d un espace l int rieur d un autre espace plus vaste La perfection avec laquelle tout a t r alis et l id al auquel l ensemble s identifie font qu il s agit ici d une vision r v e de la r alit On retrouve cette id e dans diff rentes repr sentations d espaces clos EST MISE EN TOUT MIROIR INTERNE R FL CHISSANT DU R CIT PAR R DUPLICATION SIMPLE R P T E OU SP CIEUSE Lucien D llenbach Le R cit sp culaire Essai sur la mise en abyme C ASNAATOHAS NO HALAdAN NOLLVOT Id GRIPE IVd AEOLLOSLLIHOEV IAA TIJINASNH I LNVSSIHOWTLTASI AIO UIM LAOL 3INASV ASIN LSH DEUXI ME NIVEAU MISE EN PR SENCE La mise en abyme est utilis e dans le but de rendre visible l invisible de r v ler la structure m me de l oeuvre ou d un objet ext rieur et qui permettrait de l expliciter Elle r v le don
51. on reste encore poser Comme vous l avez constat au fur et mesure de sa prise de conscience l oeuvre d art ne gagne pas seulement en clart mais galement en libert Elle devient autonome elle obtient une sorte d existence qui lui est propre L oeuvre prend ainsi une dimension suppl mentaire en devenant comparable la r alit Cela lui ajoute un aspect inqui tant comme le rel ve tr s justement Borges dans ses Enqu tes Pourquoi sommes nous inquiets que la carte soit incluse dans la carte et les mille et une nuits dans le livre des Mille et Une Nuits Que Don Quichotte soit lecteur du Quichotte et Hamlet spectateur d Hamlet Je crois avoir trouv la cause de telles inversions sugg rent que si les personnages d une fiction peuvent tre lecteurs ou spectateurs nous leurs lecteurs ou leurs spectateurs pouvons tre des personnages fictifs gt Voici peut tre ce qui explique que la mise en abyme fascine tant car elle pose une question universelle et profonde D une certaine facon elle remet en question notre existence m me nous positionnant au coeur d une r alit tiroirs C est ici que nous approchons du cadre de ce livre Lecteur vous allez bient t devoir prendre une nouvelle d cision celle de savoir si vous allez fermer l ouvrage ou le lire dans l autre des deux sens Cet ouvrage poss de en effet deux parties Deux miroirs Plac s l un en face de l autre ils se dupliquent et chan
52. osition de l auteur par rapport l oeuvre Dans Les Cahiers d Andr Walter et dans Paludes la limite entre le personnage narrateur de l oeuvre et l auteur lui m me est floue Sont ils une seule et m me personne L auteur semble s tre cr un double afin de lui donner vie dans son oeuvre Alain Goulet dans L auteur affirme que Ainsil criture pourra t elle progresser selon un m canisme de projection de soi et de mise distance c est dire par une sorte de transfert Cette m thode permet l auteur de s interroger sur sa condition et elle permet d instaurer un dialogue entre lui m me et son oeuvre C est un ph nom ne de r ciprocit comme il l explique dans son Journal lt J AI VOULU INDIQUER DANS CETTE TENTATIVE AMOUREUSE L INFLUENCE DU LIVRE SUR CELUI QUI L CRIT ET PENDANT CETTE CRITURE M ME CAR EN SORTANT DE NOUS IL NOUS CHANGE IL MODIFIE LA MARCHE DE NOTRE VIE NULLE Ac TION SUR UNE CHOSE SANS R TROACTION DE CETTE CHOSE SUR LE SUJET AGISSANT C EST CETTE R CIPROCIT QUE J AI VOULU INDIQUER NON PLUS DANS LES RAPPORTS AVEC LES AUTRES MAIS AVEC SOI M ME LE SUJET AGISSANT C EST SOI LA CHOSE R TROAGISSANTE C EST UN SUJET QU ON IMAGINE C EST DONC UNE M THODE D ACTION SUR SOI M ME INDIRECTE QUE J AI DONN E L ET C EST AUSSI TOUT SIMPLEMENT UN CONTE Ce sont l les premiers effets de la mise en abyme pour Gide Dans Le Roman symboliste un art de l extr me conscience
53. paire form e par ces deux protagonistes que les m canismes peuvent tre rendus visibles et surtout tre vus car s il est vrai qu il faut quelqu un pour les montrer il est autant vrai qu il faut quelqu un pour les regarder Lespectateur devientalorsceluiquiest sollicit par les oeuvres directement ou indirectement celui qui les questions et r flexions s adressent De r els rapports s installent alors entre les deux personnages le premier proposant au second des nigmes que seul ce dernier peut r soudre Jacques Bens a beaucoup crit sur ces rapports mettant jour un point cl pour que le message entre auteur et spectateur passe Il faut de la r sistance c est dire que l oeuvre ne se donne pas imm diatement au spectateur et qu elle ne soit pas transparente d s le premier regard Comme Claude Simonnet l a crit Il est essentiel que certains aspects du contenu ne soient qu voqu s allusifs qu ils n existent qu l int rieur du livre comme des horizons que chacun pourra lucider sa guise En effet si tout ne s offre pas d embl e au spectateur sa curiosit sera peut tre touch e et il ressentira probablement l envie de comprendre premi rement par plaisir de relever le d fi qui se pose lui et deuxi mement pour le fin mot de l histoire Car pourquoi ne demanderait on pas 1 Claude Simonnet Queneau d chiffr Julliard 1962 pp 13 14 un certain effort au lecteur
54. ports du spectateur l oeuvre Il exploite les surfaces r fl chissantes afin d approfondir cette r flexion Dans le tableau Autoportrait de l artiste Pistoletto la toile est en fait un miroir sur lequel se peint l auteur Ce fond r fl chissant devient alors la base de multiples r flexions pour l auteur bien s r mais aussi pour le spectateur La mise en abyme est directement pr sente dans l oeuvre par la pr sence de cette glace qui refl te parfaitement ce qui se situe en face d elle m me Le spectateur plac face au tableau est imm diatement refl t par celui ci Il est donc englob dans l oeuvre de la facon la plus directe et rapide possible soit r fl chi par elle Sans m me avoir eu le temps de prendre conscience du jeu qui se propose lui il est happ par le tableau et int gr celui ci Il devient sujet de la composition Comme l crit Soko Phay Vakalis la perspective est l art de situer le spectateur dans l espace de la sc ne repr sent e et de cr er une illusion du r el en trois dimensions par des objets repr sent s sur la surface plane Le miroir est donc g n rateur de perspectives infinies qui s ins rent les unes dans les autres par l utilisation qu en fait Pistoletto Quand j ai peint mon autoportrait sur le miroir j ai vu que tout l espace s ouvrait et devenait vivant Je peignais l image dans le lieu de l image Le miroir devient alors un op rateur de jeux entre spect
55. r Les degr s de narration se confondent se m lent les uns aux autres Chaque appartement poss de alors son propre myst re ses propres personnages Les cents chambres deviennent Les Mille et Une Nuits 3 Malgr l apparence math matique du roman il s agit en r alit d une composition plut t labyrinthique rappelant Les Prisons de Piran se Parmi les citations que Perec a plac es dans son ouvrage se trouvent ses propres citations Il s agit pour lui d un ni me jeu entre auteur et spectateur Comme il l explique pour le cas du peintre au chapitre 51 de son livre il le peintre serait lui m me dans le tableau la mani re de ces peintres de la Renaissance qui se r servaient toujours une place minuscule au milieu de la foule des vassaux des soldats des v ques ou des marchands comme lorsque lisant un livre on tombe sur des phrases que l on a d j lues ailleurs Il s agirait donc d indices d pos s l attention d un spectateur averti et initi La mise en abyme est donc consciemment utilis e de multiples niveaux par Perec comme il le r v le lui m me au fil des pages 1 Italo Calvino D fis aux labyrinthes II Textes et lectures critiques Editions du Seuil Paris 1991 traduit en 1993 p 446 2 Ibid p 446 3 Ibid p 446 4 Georges Perec La Vie mode d emploi Le livre de poche Fayard 1978 p 279 Gravure du Diable boiteux lt J IMAGINE UN IMMEUBLE PARISIEN DONT LA FA AD
56. r primordial Un dernier point important relever est le brouillage des rep res classiques de l oeuvre En effet en int grant 1 Soko Phay Vakalis Le miroir dans l art de Manet Richter Edition l Harmattan 2001 p 22 2 Michelangelo Pistoletto Il segno d Arte Catalogue d exposition Centre d art cntemporain de Thiers et de Vassivi re Mus e de Rochechouart Clermont Ferrand 1993 p 7 syst matiquement lui m me tout objet ou personne plac s face lui le tableau op re une red finition de la limite entre int rieur et ext rieur Il ne s agit alors plus de d finir l un et l autre de ces espaces selon la d finition traditionnelle Les deux se confondent obligeant encore une fois le spectateur participer l oeuvre Celui ci doit alors se cr er sa propre vision dela limite entre les deux ou mieux accepter que celle ci ne soit pas d finie clairement L oscillation entre int rieur et ext rieur participe pleinement l aspect vivant de l oeuvre The Art of Living Saul Steinberg Arts et langage de la construction 4 Georges Perec La Vie mode d emploi Paris 1978 Pour cet crivain membre actif de l Oulipo la pr sence d un lecteur est vitale pour l oeuvre Sans lui l ouvrage ne peut exister Et il ne s agit pas ici d une simple prise de conscience de l importance du spectateur mais v ritablement d une mise en sc ne de celui ci le metteur en sc ne tant l auteur m me
57. ragraphe plac sous les dessins accompagne le lecteur dans son parcours comme une voix off qui lui apporterait les pistes n cessaires au d chiffrage de l histoire mais sans pour autant lui donner toutes les solutions Bien au contraire m me ces textes ne repr sentent en fait que des indices n cessaires Vaughn James afin de ne pas perdre l attention du lecteur et de le rattacher continuellement l histoire mais minimaux afin que ce dernier doive choisir sa voie dans l ouvrage construire sa propre histoire Tout au long de l ouvrage le lecteur est invit suivre les mouvements d un personnage qui n existe pas Ainsi lorsqu il se retrouve entrain au sommet d un gratte ciel p 153 il lui est propos de plonger dans l abyme au sens propre comme au figur en direction d une construction labyrinthique se trouvant en contrebas L auteur joue avec le lecteur conscient du risque de le perdre dans l abyme de l illusion Arts et illusions 6 Italo Calvino Les villes invisibles Italie 2002 Les villes invisibles est construit sur la base d un dialogue imaginaire entre Marco Polo et Kublai Khan o les deux personnages proposent une r flexion sur le monde en d crivant des villes invent es Ce n est certainement pas l ouvrage de Calvino o la mise en abyme est la plus pr sente mais c est celle qui offre le plus de rapports la fois avec ce proc d et avec l architecture L auteur utilise ce dialogue afin de com
58. raphie Bien videmment le fait qu il s agisse d un autoportrait explique en partie ce choix En observant plus g n ralement l oeuvre de Escher on se rend n anmoins compte que seul l int rieur del oeuvrel int resse L l ment cach qui est r v l plusieurs reprises dans son oeuvre c est lui m me souvent mis en sc ne dans ce que l on imagine tre son bureau lieu de toutes ses r flexions L l ment crucial selon lui est donc l auteur maitre de chaque composition et dont il montre sans ambiguit possible le r le primordial la machine est suspendue par les cordes et les courroies selon un angle presque terrifiant pour l emp cher soit d osciller soit de pivoter huit barres ou poteaux de bois sont soigneusement dispos s chacun de longueur diff rente selon la distance couvrir entre le plancher et la partic la plus accessible de 1 atur rayons in gaux ssous du grotes que dispositif s moyeu t plac une fois de plus le lit ses quatre c t exactement parall les aux quatre murs la pi ce vide part cela La Cage 115 Arts et limites 2 Martin Vaughn James La Cage Belgique 1986 La Cage est une bande dessin e qui sort de l ordinaire Dans sa conception l auteur s est permis de bouleverser les codes traditionnels de cette forme d art En effet il n y a dans cet ouvrage ni personnage ni bulle seulement des cases en d sordre apparent et ac
59. rr te la mise en abyme De plus dans sa d finition Gide parle galement de l chelle des personnages Il consid re que la mise en abyme peut se mesurer par rapport une r f rence de base c est dire les personnages Ceux ci permettent d identifier les diff rents niveaux de mise en abyme en servant de rep re dans des niveaux spatio temporels diff rents Lucien D llenbach distingue ainsi trois niveaux diff rents inspir s en partie de G rard Genette les nonc s r flexifs di g tiques autrement dit la di g se qui correspond au niveau des personnages de la fiction initiale comme le personnage d Edouard Les nonc s r flexifs m tadi g tiques qui sont li s la di g se et restent sous la tutelle narrative du r cit premier ce qui se passe dans le journal d Edouard Enfin les m ta r cits r flexifs qui sont men s par autre narrateur interne qui se d tache de la di g se et qui coupe ainsi le r cit Nous pouvons galement rajouter cela le niveau extradi g tique qui correspond au niveau du narrateur ext rieur la fiction Ce niveau est peu ou pas utilis dans la mise en abyme litt raire puisque le narrateur reste hors de l oeuvre Ainsi la notion d chelle dans la mise en abyme permet de mieux comprendre tous les m canismes de l oeuvre en servant de rep re dans les univers diff rents Elle est un moyen d expliquer la construction du roman 1 Lucien D llenbach Le R cit
60. s sa forme conventionnelle de vitre argent e mais sous des formes plus subtiles et vari es que vous n allez pas tarder apercevoir Triptyque Stefaneschi Arts et chelles 1 Giotto di Bondone Triptyque Stefaneschi Italie 1315 1320 Bien que le concept n ait pas encore t identifi cette poque le proc d de mise en abyme se retrouve dans certaines peintures religieuses Le Triptyque Stefaneschi qui se trouvait autrefois dans l ancienne basilique Saint Pierre de Rome en est l exemple Son commanditaire le cardinal Stefaneschi a fait faire ce retable dans le but de ramener la papaut Rome Il est repr sent sur les deux faces du retable Sur le recto destin aux fid les il est genou devant le Christ et est fondu dans la masse des autres personnages Sur le verso destin aux pr lats il se trouve toujours genou mais cette fois devant Saint Pierre Les personnages sont plus grands et donc plus d taill s sur cette face On distingue alors dans la main du cardinal le triptyque m me miniaturis qu il est en train d offrir Saint Pierre reconnu comme le tout premier pape dans la chr tient Cette mise en abyme permet de marquer l oeuvre de sa propre histoire elle refl te subtilement le contexte de l oeuvre r elle en montrant son commanditaire et son destinataire Elle a ici un r le modeste car elle se trouve sur la face arri re et c est seulement en d taillant l oeuvre que l o
61. s pi ces choisies parmi les tr s nombreuses oeuvres dans lesquelles ce concept est pr sent le but principal tant de pouvoir mener terme le parall le avec l architecture dans l autre partie de cet ouvrage La mise en abyme est une mise en conscience et en lumi re des coulisses de l oeuvre Comme dans toute mise en sc ne qui se respecte il existe plusieurs niveaux de m canismes de l ombre r v ler qui peuvent tre lus selon une gradation La premier niveau est la conscience du miroir d un reflet de l oeuvre l int rieur d elle m me passage obligatoire avant de chercher en comprendre d avantage Ensuite intervient la conscience de l auteur du cr ateur en tant que personne qui a fa onn l oeuvre Celui ci est captur par un miroir pi ge l int rieur de son ouvrage il y laisse sa trace son empreinte Puis logiquement le troisi me niveau est la conscience d un spectateur d une personne qui s adresse l objet Les rapports entre auteur et lecteur prennent alors une grande importance La communication entre les deux devient plus directe et plus vidente Le quatri me niveau consiste r v ler le jeu qui peut alors prendre forme entre les deux protagonistes de la mise en abyme et bien s r comme pour tout jeu d en expliciter les r gles et le r le de chacun Finalement le dernier niveau de conscience est l id e de se perdre dans ce jeu et dans l oeuvre afin de mieux se retrouver ensuite C est
62. ses c t s N anmoins l accent n est pas mis sur lui en tant que r alisateur mais sur la construction du film En effet Truffaut se pr sente comme un r alisateur exp riment mais il reste tr s modeste et ne se met jamais au premier plan La mise en abyme est utilis e ici afin d appuyer davantage la fabrication du film que l histoire de fond A la diff rence du film en abyme de Fellini ou de Robbe Grillet celui de Truffaut est le seul l on voit enti rement la r alisation technique M me le titre de son film La Nuit am ricaine ne parle pas d une fiction mais il fait r f rence au proc d cin matographique utilis jusque dans les ann es 80 qui consiste tourner des sc nes de nuit en plein jour et d en modifier ensuite la luminosit l aide d un filtre Ce titre est en quelque sorte un hommage aux techniques du cin ma Au d but on croit assister directement au film alors que ce sont d j des images du film second comme si nous tions directement dans l abyme Celui ci qui est en train d tre tourn porte un titre diff rent de son film cadre Je vous pr sente Pamela D s les premi res minutes du film l histoire du film second nous est d j racont e lorsque l on voit deux des acteurs principaux se faire interroger sur celui ci Cela confirme que le film ench ss n est pas le sujet principal dont Truffaut veut parler Ce qui importe ce sont les secrets du tournage tr s mouvement ses coulisses
63. sp culaire Essai sur la mise en abyme Paris Seuil 1977 p 71 Arts et langage de la construction 2 Federico Fellini Otto e mezzo France Italie 1963 Dans Huit et demi Federico Fellini nous livre une prestation remarquable de la mise en abyme cin matograhique De la m me mani re qu Andr Gide reproduit son double dans certains de ses romans Fellini se met en sc ne travers le personnage de Guido cin aste perturb par ses souvenirs et ses fantasmes incapable de produire le film qu il est sens r aliser Il ne joue pas lui m me dans son film contrairement Robbe Grillet ou Truffaut N anmoins la similitude entre lui et son personnage Guido est vidente En faisant un film sur un cin aste qui doit faire un film Fellini a refl t la p riode cr ative creuse qu il vivait moment l et il a probablement voulu exposer la pression subie par un r alisateur lorsqu il doit cr er le film attendu On peut parler ici de mise en abyme autobiographique Ce film marque par cons quent un tournant dans sa carri re comme une remise en question de lui m me Le titre Huit et demi correspond au chiffre dela lign e dans lequelle film vient s inscrire c est dire apr s sept longs m trages et deux quarts de film d j r alis s Cela repr sente bien l int r t de l auteur de parler d une cr ation de l oeuvre cin matographique et non d une simple fiction Ainsi La mise en abyme seule a permis Fellini
64. ssage secret l attention du spectateur Il s agit donc d un langage qui permet de prendre conscience d une dimension sup rieure celle basique de l oeuvre elle m me La mise en abyme par son principe de r flexion permet de s interroger sur l art son r le sa conception Elle montre l envers d un d cor permet de voir au del du cadre en d pla ant les limites traditionnelles de l oeuvre Car derri re chaque objet artistique se cache de nombreux secrets Une partie de ceux ci sont donc plac s par la mise en abyme port e de main du lecteur Il est difficile de parler de miroir sans parler du mythe de Narcisse En effet c est apr s tre tomb amoureux de son propre reflet la surface d une source que Narcisse va se laisser d p rir tout en observant son image de longs jours durant Cela le m nera sa propre mort cause de cette passion qu il ne peut assouvir Image et r alit s influencent r ciproquement chacune r v lant une partie de l autre Dans les diff rents exemples artistiques qui suivent les oeuvres seront donc parfois contenues en plus petit l int rieur d elle m me apr s avoir t d form es transform es en fonction du souhait des auteurs Les oeuvres pourront galement contenir en elles m mes des reflets d un monde plus large initiant alors un dialogue avec lui par ces petits reflets soigneusement d pos s Dans chacun des exemples le miroir sera pr sent dans l art non pas sou
65. t rature potentielle Gallimard Paris 1981 PEREC Georges Esp ces d espaces Galil e Paris 1974 PEREC Georges La Vie mode d emploi Fayard 1978 PHAY VAKALIS Soko Le miroir dans l art de Manet Richter Edition l Harmattan 2001 PISTOLETTO Michelangelo segno d Arte Catalogue d exposition Centre d art contemporain de Thiers et de Vassivi re Mus e de Rochechouart Clermont Ferrand 1993 POE Edgar Alan Histoires extraordinaires J Ai Lu Paris 2004 RICARDOU Jean Le Nouveau Roman Editions du Seuil Paris 1973 SHAKESPEARE William Hamlet J Ai Lu Paris 2004 SIMONNET Claude Queneau d chiffr Julliard 1962 VALERY Paul La Soir e avec Monsieur Teste Editions du Sagittaire Paris 1931 VITRUVE De l architecture Tomes premier et deuxi me C L F Panckoucke 1847 SITES INTERNET JAMES TURELL www jamesturrell com DIVERS https www wikipedia org CIN MATOGRAPHIE FELLINI Fredercio Huit et demi 1963 ROBBE GRILLFT Alain Trans Europ Express 1967 TRUFFAUT Fran ois La Nuit am ricaine 1973 TURRELL James Interview tir de Exclusive Art 21 2013 SOURCES DES IMAGES COUVERTURE WILTON ELY John Piran se les vues de Rome les Prisons Arts et M tiers Graphiques Paris 1979 Couverture du livret bibliographique http www wikiart org en m c escher drawing hands BONDONE http fr wikipedia org wiki Triptyque Stefaneschi PIETRO LORENZETTI BECCHIS Michela Pietro Loren
66. t aussi une image un instantan un angle de vue sur le sujet de l nonciation un clich pris sur le vif C est un aper u sur l auteur et sur un d tail de sa biographie gt 1 Avec la prise de conscience non seulement de la pr sence mais galement du r le crucial de son auteur l oeuvre amorce une r flexion qui l entraine vers une certaine autonomie 1 Antoine Compagnon La seconde main ou le travail de la citation Editions du Seuil Paris 1979 p 336 Arts et langage de la construction 1 Andr Gide Journal France 1889 1939 Pour expliquer l origine du terme mise en abyme c est vers Andr Gide qu il faut se tourner En effet c est sous sa plume que ce proc d trouve son appellation en 1893 dans son Journal lt J AIME ASSEZ QU EN UNE UVRE D ART ON RETROUVE AINSI TRANSPOS L CHELLE DES PERSONNAGES LE SUJET M ME DE CETTE UVRE RIEN L CLAIRE MIEUX ET N TABLIT PLUS S REMENT TOUTES LES PROPORTIONS DE L ENSEMBLE AINSI DANS TELS TABLEAUX DE MEMLING OU DE QUENTIN METZYS UN PETIT MIROIR CONVEXE SOMBRE REFL TE SONT TOUR RIEUR DE LA PI CE O SE JOUE LA SC NE PEINTE AINSI DANS LE TABLEAU DES M NINES DE V LASQUEZ MAIS UN PEU DIFF REMMENT ENFIN EN LITT RATURE DANS HAMLET LA SC NE DE LA COM DIE ET AILLEURS DANS BIEN D AUTRES PI CES DANS WILLHELM MEISTER LES SCENES DE MAISONNETTES OU DE F TE AU CH TEAU DANS LA CHUTE DE LA MAISON USHER LA LECTURE
67. ter galement un autre des r les de la mise en abyme Entre les deux protagonistes principaux et l oeuvre il existe une rupture puisqu ils sont trangers les uns aux autres En effet le spectateur qui observe par exemple une photographie se pose d embl e comme ext rieur elle comme diff rent d elle Le mise en abyme par son fonctionnement de miroir participe alors supprimer cette barri re dans chacune des relations la relation spectateur oeuvre la relation auteur oeuvre et la relation auteur spectateur Elle est donc source de rapports autour de l oeuvre et entre les personnages cl s qu elle implique Dans cette partie les principaux m canismes de la mise en abyme dans les arts ont maintenant t soulev s Puisque le but final est de pouvoir comparer arts et architecture de faire des parall les entre ces deux domaines il est n cessaire de voir comment ce proc d est applicable chacun d entre eux Ainsi nous constatons quil est possible pour la plupart des m canismes de les appliquer aussi bien aux arts qu l architecture pour autant que l on ne les utilise pas en l tat En effet arts et architecture poss dent des diff rences qu il ne s agit pas ici d oublier Il est donc n cessaire d op rer des transformations de ces principes afin d ensuite les utiliser 1 Jean Ricardou Le Nouveau Roman Paris Seuil 1973 p 75 dans le domaine qui est le n tre soit l architecture Cher lecteur une questi
68. ue par d autres auteurs Le jeu qui existe dans la mise en abyme par l enchev trement d l ments les uns dans les autres par la pr sence d indices et de cl s d couvrir par le dialogue entre les deux personnages principaux absorbe le spectateur dans l oeuvre sans que celui ci s en rende compte Il h site le lecteur il tat nne il ne sait plus tr s bien il lui faut qu il le veuille ou non apporter sa pierre et jouer le jeu gt Il est temps de l imiter et de plonger dans cette interface ludique qui existe entre auteur et spectateur Et qui sait peut tre lecteur auras tu envie de jouer ton tour 1 Oulipo Atlas de litt rature potentielle Gallimard Paris 1981 p 28 A8 an PH ur Facade dessin e par Jacqueline Ancelot Arts intra muros 4 Georges Perec La Vie mode d emploi Paris 1978 La Vie mode d emploi est un roman dont la construction proc de sur la base de r gles qui restent en partie secr tes mais volue une foule de personnages d v nements et de milieux Perec con oit donc son ouvrage selon des sch mas math matiques pr cis soit un bi carr latin Avant m me d avoir crit la moindre ligne de cet ouvrage il a d j le plan complet de chacun des 99 chapitres la liste des l ments et des citations devant y figurer une sorte de cahier des charges comme il le dit lui m me C est le jour o il se rend compte que son bi carr coincide
69. yme comme point d accroche avec lui pour le stimuler du d but la fin Elle est ici un outil pour dynamiser la fiction et se jouer du spectateur 1 Lucien D llenbach Le R cit sp culaire Essai sur la mise en abyme Paris Seuil 1977 p 163 2 S bastien F vry La mise en abyme filmique essai de typologie Li ge Edition du CEFAL 2000 p 130 LS LT n gt i Arts et limites 4 Barry Flanagan Hayward II 1972 Dans son oeuvre Hayward II Barry Flanagan utilise un long miroir qu il met en sc ne dans une des pi ces de l exposition pour laquelle il imagine ce dispositif Celui ci a pour particularit d tre souple et flexible puisqu il est laiss libre sur un de ses c t s Il est donc sensible au courant d air et oscille selon les mouvements d air dans la pi ce Au sol l artiste a plac des poutrelles peintes de couleurs vives Une fois encore ce dispositif n a aucun sens en lui m me Il a besoin de la pr sence du spectateur pour exister pour r aliser tout le potentiel de son oeuvre En effet au moment o quelqu un p n tre dans cet espace il se retrouve pi g de facon directe par l oeuvre puisque celle ci occupe la salle enti re et qu il fait donc instantan ment partie de son espace Il devra par ailleurs viter les obstacles que forment les poutrelles s il veut s aventurer plus loin et n aura pas d autre choix que de composer avec l oeuvre hormis bien s r celui de quitter la
70. zetti Silvana Editoriale Milan 2012 MA TRE DU HAUT RHIN http bettybook22 canalblog com archives 2012 10 24 25413643 html VAN EYCK http fr wikipedia org wiki Jan_van_Eyck MAURITS CORNELIS ESCHER http www mcescher com gallery italian period hand with reflecting sphere MARTIN VAUGHN JAMES VAUGHN JAMES Martin La Cage Les Impressions Nouvelles Bruxelles 1986 LA MAISON DES GRIFFONS ROMANO Serena Cours Repr sentation de l espace 2014 DIEGO VELASQUEZ http fr wikipedia org wiki Les M nines HELMUT NEWTON http www lemotlachose com new look sur newton au grand palais FRAN OIS TRUFFAUT http chavirages blogspot ch 2011 04 la nuit americaine tournage de film html MICHELANGELO PISTOLETTO http www telegraph co uk culture 3675649 Artists Self Portraits from the Uffizi html GEORGES PEREC https blogs cornell edu exlibris 2014 05 14 la vie mode demploi de georges perec comment page 1 GEORGES PEREC OULIPO Atlas de litt rature potentielle Gallimard Paris 1981 http vergile unblog frcategoryxviii e le sage REN MAGRITTE ANKER Valentina et D LLENBACH Lucien La r flexion sp culaire dans la peinture et la litt rature r centes in Art international James Fitzsimmons Volume XIX 2 F vrier 20 1975 pp 28 32 45 48 BARRY FLANAGAN ANKER Valentina et D LLENBACH Lucien La r flexion sp culaire dans la peinture et la litt rature r centes in Art international James Fitzsimmons Volume XIX 2

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