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Le Florilège : présentation par Léon Rosenthal de vingt peintures du

1. 26 d tournaient le mus e de sa mission premi re qui aurait d tre la mise en valeur les artistes locaux Corr lativement ils continuaient s offusquer de la nomination de non lyonnais tel Rosenthal des postes de direction Convenons d ailleurs que les inconditionnels de l art lyonnais s ils avaient ouvert Du Romantisme au kR alisme auraient trouv mati re s inqui ter Ils auraient pu lire dans le chapitre consacr aux paysagistes C est encore cette langue triqu e qui rend malgr leur bonne foi insupportables les uvres de l cole de Lyon Celle ci s orientait d s 1824 dans une voie nouvelle un tableau de Duclos en fait foi Malheureusement Duclos Belloy et Grobon ne surent pas s affranchir des le ons techniques de Richard et de Revoil pr curseurs lyonnais du Romantisme l aridit du contour les colorations blafardes l aspect maill de la toile donnaient une apparence de proc s verbal des uvres d une inspiration sinc re p 289 290 Et quelques pages plus loin La perfection laborieuse des bouquets sign s par Saint Jean et par ses mules de Lyon ne nous s duit plus nous y voyons des tours de force artificiels et froids imitation st rile des travaux p rim s de Van Huysum et de Rachel Ruysch Les fleurs que Delacroix peignit dans son atelier parce qu elles faisaient des taches harmonieuses et parce qu il les aimait nous ont habitu s une intelligence sup ri
2. la reconstitution de sa biographie Farouche brutale rude dans ses traits dans son allure dure pour elle m me et pour les autres habitu e la lutte perp tuelle la mara fch re a tenu t te son mari pour l emp cher de boire sa paye elle a fait marcher droit ses enfants Quand la R volution a clat elle a retrouv les instincts ancestraux de r volte et comme au temps d Etienne Marcel ou de la Fronde elle s est m l e la tourmente elle tait en octobre 89 sur les chemins de Versailles elle a plus tard v n r Robespierre et Marat Elle a pu assister sans piti au passage de la charrette qui conduisait les ci devants au supplice Exalt e mais g n reuse elle a envoy ses fils aux arm es et applaudi aux victoires de l An II Une pr cision pourtant Rosenthal prend soin de se d marquer des commentateurs contre r volutionnaires qui n ont pas t sensibles la noblesse fruste du visage les critiques se sont tromp s qui ont cru voir en elle une sorte de tricoteuse hurlant la mort dans les clubs ou au tribunal r volutionnaire On serait tent de demander aussi bien ces critiques qu Rosenthal lui m me Qu en savez vous De l identification du mod le Rosenthal passe celle de l artiste C est d abord pour confesser que l attribution de l uvre David n est rien moins qu assur e L uvre est c l bre justement c l bre et elle ne
3. En conclusion de cette pr sentation Un Delacroix ni h ro que ni dramatique tranger au mal du si cle aurait t un autre mais tout de m me assur ment un grand peintre Nous en avons la preuve ici Nous voyons bien ce que l auteur sugg re en effa ant de La mort de Sardanapale les accessoires du th me byronien le satrape le harem le cheval l ex cuteur il reste comme dans Femme caressant un perroquet un superbe corps de femme avec en prime le passage salutaire du romantisme exalt un art plus simplement r aliste Mais est ce tout fait vrai Il suffit de comparer Femme caressant un perroquet avec son esquisse reproduite dans le Floril ge pour voir que l odalisque achev e avec son trange coiffure exotique son port altier et le mobilier qui l entoure reste dat e aussi bien que la Mort de Sardanapale de l ge d or du Romantisme J B Camille Corot La moisson dans une vall e Morvan p 121 122 Ce qui frappe d abord dans la notice que Le Floril ge consacre un tableau de Corot c est qu elle ne suit pas le plan habituel D ordinaire la pr sentation commence par situer l uvre dans la biographie de l artiste puis la d crit telle que la toile la figure cela fait la notice prononce un jugement de valeur et justifie ce jugement deux niveaux celui de l inspiration puis celui de la facture Le commentaire de La moisson dans une vall e contient ces diverses parties
4. un Balzac ou d un Flaubert l atmosph re d une f te l gante et officielle la morgue des uns les intrigues des autres grandes dames coquettes belles couteuses C est l selon les cat gories de classement et d valuation de Rosenthal une uvre typiquement r aliste La virtuosit technique la facture La toile est peine couverte le pinceau a couru avec une aisance une d sinvolture une s ret rares sugg rant les personnages du premier plan laissant deviner les couples qui dansent l orchestre l irradiation des lustres et dans la p nombre les tentures lourdes Les notations sont sommaires cursives mais il n est pas une dissonance aucun rapport n est douteux clat scintillant des ventails chatoiement des satins des velours et des tulles carnations fra ches gammes subtiles de gris bleu tres roses ou mauves tout est d licat pr cieux raffin Jean Louis Ernest Meissonier Les joueurs de boules p 165 166 La notice consacr e Guichard donne de l uvre du peintre une appr ciation d ensemble n gative mais Rosenthal entendait montrer que ses r serves ne sont pas l effet d un parti pris syst matique et pour ce faire il a t heureux de pouvoir faire l loge d une uvre qui lui est apparue comme une exception heureuse Nous allons retrouver la m me strat gie en action l occasion d un autre peintre Meissonier galement n Lyon mais qui avait tr
5. une tendait exclure l autre et comme si cartel entre les deux l artiste tait condamn opter soit pour la forme comme dans Vision antique soit pour le sentiment comme dans Inspiration chr tienne ou dans le tableau repr sentant Mme Puvis de Chavannes ce portrait d me o rien de mat riel ne doit s interposer Cette croyance la n cessit de privil gier l un des p les aux d triment de l autre n est assur ment pas du go t de Rosenthal Il nous le fait savoir S ils avaient voulu dire ce que les spectacles terrestres peuvent fournir l imagination cr atrice on devine les pages magnifiques et somptueuses qu auraient bross es Rubens Titien ou Delacroix Rubens Titien ou Delacroix c est dire trois peintres qui sont peut tre les pr f r s de l auteur un pour Venise un pour la Flandre un pour la France Il encha ne en affirmant que Puvis n est pas de leur race ce qui signifie que Puvis bien qu issu de Chass riau n est pas de la race des peintres qu il pr f re Que lui reproche t il La terre qu il nous montre ne parle pas aux sens Il s agit d un univers id alis c est dire d r alis ultime rejeton des conceptions acad miques qui triomph rent si longtemps Florence et Bologne avec les platoniciens et les clectiques en France avec David et Ingres Le pays o il nous conduit pur ordonn par le g nie hell nique n offre que d lectatio
6. Reste qu entre Berthe Morisot la grande bourgeoise et Victorine Meurend le mod le professionnel Rosenthal h site situer la fille du P re Lathuille Il n en est d ailleurs pas au bout de ses errements Revenant son point de d part il se souvient d avoir profess que Manet ne s int resse en principe ni aux id es ni aux sentiments Il renonce donc provisoirement interpr ter 23 l uvre dans une perspective d investigation psychologique car peintre par dessus tout Manet y a d velopp une symphonie en bleu et rose La description de cette symphonie va bient t tre faite Pas tout de suite cependant De digression en digression Rosenthal prend le temps de mentionner une uvre contemporaine dans laquelle Manet s abandonne la seule joie de peindre C est le temps o en 1880 il peignait Chez le p re Lathuille page brillante fanfare de plein air taches clatantes plaqu es avec brio d une main comme enivr e de sa propre ma trise L ivresse du pinceau triomphe aussi dans le Portrait de Mlle Gauthier Lathuille mais diff remment Ici au contraire et dans les portraits de Georges Clemenceau qui datent de la m me poque la gamme s est volontairement r duite l harmonie est toute en nuances ainsi Goya quand il module ses gris argent s Mais avec cette sobri t volontaire Manet se retrouve tout entier et son pinceau a tour tour les caresses les plus insinuantes et des brut
7. avec une s duction de facture qu il a rarement ambitionn e lui Delacroix d ordinaire si r serv subordonne le caract re dramatique le sens byronien de son sujet un po me o se chante le charme du corps f minin nacr souple voluptueux Toujours selon l auteur la Mort de Sardanapale marque dans la vie de Delacroix le paroxysme d une crise sentimentale ou sensuelle qu il aurait travers e de 1825 1827 et tandis qu il m dite cette grande page ou qu il y travaille il multiplie les tableautins consacr s un semblable objet Parmi ces uvres mineures la Femme caressant un perroquet occupe malgr ses dimensions r duites une place minente Certes le sujet peut para tre insignifiant quoi de plus banal qu un nu M me le geste assign la femme allong e sur un sofa de caresser un oiseau terre n est pas sans pr c dent dans l histoire de l art il a pu tre inspir par une toile d un Hollandais italianisant Lambert Sustris que Delacroix a d voir au Louvre Banalit du nu banalit du geste assign la femme nue allong e sur un sofa de caresser un oiseau terre Mais l insignifiance du sujet est rachet e par d autres consid rations Celles ci se r f rent la crise pudiquement qualifi e de sentimentale ou sensuelle Rosenthal laisse un expert M Raymond Escholier le soin d en d crire l objet II ne s agit plus d une V nus fournie par l hist
8. l Hiver Paris voque la vie de sainte Genevi ve au Panth on glorifie tour tour Marseille Rouen Avant tout il c l bre les nobles vertus le patriotisme Amiens et les joies sup rieures que donnent la puret morale et la culture des hautes facult s de l esprit la Sorbonne Boston Il s exprime de fa on synth tique dessin abr g et fortement caract ris gestes sobres paysages ou architectures voqu s par des traits essentiels La composition tr s tudi e sous une apparence de libert est ample et claire Le model est att nu la couleur dont l esprit varie selon les convenances de chaque difice est subordonn e L ex cution mat rielle s efface le plus possible Cette r serve hautaine dissimule une sensibilit d licate Cet art h ro que aux aspirations sublimes demeure profond ment humain p 120 Ces lignes d finissent la position officielle de Rosenthal en accord avec ses responsabilit s d ducateur dans Notre Mus e Elles ne rendent pas compte des vues personnelles de Rosenthal sur l orientation esth tique et l thique de l uvre pris dans son ensemble Encore moins laissent elles pr voir les 34 critiques qu il pourrait avec les pr cautions d usage avoir formuler dans Le Floril ge Mais lisons les notices de quatre uvres mises l honneur au Mus e des Beaux Arts de Lyon Portrait de Mme Puvis de Chavannes Le Bois sacr cher aux arts et aux muses Vision
9. sert en 1835 par son pret marque peut tre plus l influence du groupe que la personnalit du ma tre p 145 146 C est par cons quent en se d gageant de cette influence que Corot se serait d couvert Son charme n est qu lui seul p 146 D s lors on ne peut que constater sans lui trouver d explication vidente le retour en 1928 pour la notice du Floril ge d une th se depuis longtemps abandonn e et d ailleurs bien peu n cessaire pour comprendre l closion du g nie de l artiste Nous rel verons enfin une l g re discordance entre certaine touche n gative qui appara t dans le Floril ge vers la fin de la notice et le jugement uniform ment positif port sur Corot dans Notre Mus e Nous lisons en effet dans ce dernier Ind pendant de toute convention il choisit d instinct les aspects calmes quilibr s il vite les forts contrastes aim s des Romantiques ch rit la lumi re fine et les gris nuanc s du matin Il note avec une justesse exquise des valeurs subtiles sans virtuosit de pinceau par indications larges grasses mates p 104 Dans Le Floril ge au contraire il ne craint pas de d noncer certaines facilit s de l artiste vieillissant C est un beau jour d t sous le soleil L heure voqu e le caract re de la r gion et de la sc ne ne comportent pas les ind cisions vaporeuses les brumes argentines auxquelles Corot par la suite ne s est que trop comp
10. t l unit organique du couple constitu par Dominique et Fran ois Ce dernier est d ailleurs mal d crit le texte le qualifie d extatique alors que loin d appara tre en extase il participe activement la sc ne et s associe des yeux et des bras la protection du monde par Dominique Rosenthal juge encore que le registre sup rieur ne vaut pas l inf rieur mais n est ce pas parce qu il m conna t la n cessit pour le peintre de placer les personnages c lestes Christ Saint Esprit Dieu le p re en retrait pour donner la sensation de profondeur et d loignement requise l essentiel tant gr ce la Vierge de maintenir une continuit la fois logique et visuelle dans le mouvement en spirale ascendante qui parti de saint S bastien passe par Dominique et Fran ois puis par la Vierge elle m me et par le Christ avant de venir s absorber dans le myst re de la Trinit La m connaissance par Rosenthal des donn es narratives de l exemplum n a donc pas t sans cons quence pour sa structuration du tableau Elle se marque encore dans sa banalisation du Christ que cette partie ait t peinte par Rubens ou par un de ses l ves Corneille Schut Le commentaire n a pas relev l originalit de son attitude planante presque horizontale qui contribue creuser l espace en profondeur Il lui fait brandir mollement non pas trois lances dirig es contre trois p ch s mais la foudre d
11. antique Inspiration chr tienne le commentaire de Rosenthal peut tre compris comme la recherche constante d un compromis entre une r v rence officielle oblig e et certaines r ticences impossibles taire Portrait de Mme Puvis de Chavannes p 185 186 Des quatre uvres le Portrait de Mme Puvis de Chavannes est celle dont la pr sentation laisse le moins appara tre les r serves du commentateur Mais comment value t il le tableau proprement dit Nulle part ailleurs l artiste n a plus concentr sa pens e ni ma tris davantage sa sensibilit nulle part cette sobri t et cette r serve ne trouvent plus nous mouvoir C est ici un portrait d me o rien de mat riel ne doit s interposer L ex cution pour se dissimuler n en est pas moins magistrale dans la gamme restreinte o elle est maintenue la page se mod le et se nuance en rapports d licats et s rs L loge de la noblesse d inspiration est ici exempt de toute r serve mais que pense au juste Rosenthal de la facture du tableau All guer qu il s agit d un portrait d me o rien de mat riel ne doit s interposer n est ce pas se dispenser bon compte d valuer la repr sentation de ce corps qui reste malgr tout la voie d acc s l me Quels sont ces rapports d licats et s rs qui font que l ex cution pour minimaliste qu elle se veuille se r v le magistrale au lieu de se dissimuler En r alit le portrait de c
12. autant pour d plorer son mat rialisme grossier et le caract re triqu du r alisme qu il professe En r f rence notre tableau Du Romantisme au R alisme avait mis le jugement suivant A d autres instants il Courbet se rapproche de Couture par la facture et le sentiment des Amants dans la campagne 1844 1845 p 394 Il n est rien moins que s r que ce rapprochement ait valeur d loge surtout en ce qui concerne le sentiment Quoi qu il en soit le Floril ge se montre moins s v re 21 L inspiration est jug e ici assez sinc re pour qu on passe sur le Romantisme attard et les aspects passablement vulgaires du th me un certain effort de sublimation ressortirait d ailleurs de la comparaison avec une variante moins travaill e il existe une tude pr paratoire l gu e par Mlle Juliette Courbet au Petit Palais elle est tr s proche de notre tableau le type de la femme est plus vulgaire d une sensualit plus appuy e Courbet lui m me est plus color moins affin plus vrai tr s probablement L ex cution plus l effet plus apparent e aux pratiques romantiques Notre tableau a plus d unit grasse et de gravit Quant la facture de l uvre de Lyon elle est en tout point digne du grand artiste que Courbet est devenu l cole des grands ma tres Le morceau de peinture est de premier ordre ex cut solidement en pleine p te avec des parties caress
13. de la ville de Lyon Rosenthal a trouv parmi les acquisitions de l ann e pr c dente le Nave Nave Mahana de Paul Gauguin Il serait assez vain de se demander ce qu il pensait au fond de cette uvre si difficile juger selon les crit res auxquels il tait accoutum Constatons au moins qu il n en a laiss personne la pr sentation et qu il l a appr ci e avec le maximum d ouverture d esprit dont il s est senti capable Son texte suit le plan canonique de ses notices d abord un long d veloppement sur les circonstances biographiques de l uvre et sur son sens pour l artiste Jours d licieux C est pour cet europ en malade n vros aux prises avec les difficult s r elles les plus graves et qui se forge encore des embarras gratuits l exaltation de la simplicit sereine de la douceur d une vie facile et ing nue sous un ciel ti de pr s de la mer parmi les fleurs Puis une description du tableau tr s vite entrem l e des notations concernant l inspiration et la facture Le geste lent les grands yeux vides o l on chercherait en vain le reflet d un sentiment ou d une pens e les jeunes tahitiennes indolentes et simples statues se dressent avec une majest native Aucun objet pr cis ne les rassemble elles nous offrent l expression un peu morne peut tre d une f licit continue L uvre est de tout point typique La composition malgr sa spontan it appar
14. doit sa notori t qu sa valeur propre car l attribution David ne repose sur aucun document on la lui a donn e parce que nul autre que lui ne paraissait capable de l avoir peinte jugement de sentiment qui n est pas sans force J y souscris comme l ont fait Marcel Raymond et Gonse sans marchander Jules David et M Focillon avec les r serves qu impose l esprit scientifique La distinction entre deux niveaux d adh sion celle de la perception imm diate repr sent e par MM Raymond et Gonse et celle de l expert autoris MM David et Focillon permet aux raisons du c ur de s octroyer au b n fice du doute la caution de la raison tout court Ayant ainsi satisfait au d sir l auteur soulage sa conscience en d f rant son tour aux r serves qu impose l esprit scientifique Une r ussite exceptionnelle par un artiste secondaire surtout dans une poque capable de galvaniser les talents de les lever au dessus d eux m mes ne serait cependant pas invraisemblable En effet si l ex cution m le de l uvre s accorde d une fa on g n rale avec l art de David il faut conc der l existence de quelques d tails g nants La construction de la t te a quelque chose d incorrect que l on ne rencontre pas d ordinaire dans les t tes davidiennes aux volumes plus tablis Certains tons rouges du fichu ont une qualit une acidit qui ne sont pas coutumi res David Nous ne savons
15. es Puvis r apparaissent dans cette notice d abord celle d avoir manqu au contrat par lequel le peintre s engageait c l brer sa ville natale de Lyon Certes Puvis de Chavannes qui avait d abord song repr senter le Campo Santo de Pise y a renonc parce qu une v rit particuli re aurait diminu la port e de ses intentions Il n en a pas moins localis la sc ne hors de France et dans un site caract ris par une architecture qui n est pas de chez nous A l abri d un clo tre italien des moines et des artistes soutenus par l esp rance et guid s par la foi suspendent leur vie aux v rit s supra terrestres Pas plus que dans Le Bois sacr la cit lyonnaise n a eu droit aux hommages conjointement dus sa prosp rit temporelle et son l vation spirituelle 39 Hors ce clo tre m di val situ sur l autre versant des Alpes Puvis selon Rosenthal ne verrait point de salut pour les artistes s ils jettent un regard par dessus le mur de cl ture ils n aper oivent de la terre que des coteaux mornes plant s de grands cypr s noirs qui cette heure tardive sous le ciel verdi au derni res lueurs du cr puscule paraissent plus que jamais fun bres Du monde ne viennent eux que la mis re et la souffrance Enum rant les personnages figur s le texte note Trois de ces jeunes gens sont des la cs ils porteront dans le si cle l inspiration g n reuse Mais Ros
16. es loisir et d autres enlev es de verve de premier jet A la m me poque Rosenthal r sume dans Notre Mus e son opinion sur Courbet dans les termes suivants R aliste de temp rament il a tort de condamner l imagination mais il a raison de proclamer l int r t pictural de son temps Il a un haut degr le sentiment de la vie physiologique de la nature s exprime avec puissance et malgr des vulgarit s avec souplesse form au Louvre au contact des ma tres c est un magnifique ex cutant p 108 On rel vera au passage la parent d inspiration sinon de facture attribu e Rubens et Courbet ni l un ni l autre ne sont des esprits d une grande l vation mais tous deux ont au plus haut degr le sens de la vie Edouard Manet Portrait de Mile Gauthier Lathuille p 133 134 Pr sentant Edouard Manet Rosenthal crit dans Notre mus e p 112 Manet ne s int resse ni aux id es ni aux sentiments pur artiste il peint ce qui s offre ses regards et se propose de traduire les spectacles non tels qu ils peuvent tre r ellement mais tels qu ils lui apparaissent d form s impr cis sans souci de correction de science anatomique ou perspective avec le seul d sir de sinc rit Trois ans plus t t dans Manet aquafortiste et lithographe il a affirm plusieurs reprises cette position Son art a t un perp tuel effort pour fixer sur la toile ou sur le papier l
17. l obligation de le faire r apparaitre pour le r tablir dans son statut d artiste cr ateur Sur ce th me repoussant une peinture magnifique G ricault a donn voir le bonnet le fichu rouge le visage verd tre et le costume gris sale tels qu ils sont dans la r alit voil pour le proc s verbal Mais les bords blancs du bonnet servent l clairage du tableau le fichu introduit une note vibrante entre le visage verd tre et le costume gris sale voici pour l art En conclusion Entre l inspiration et la facture l adaptation est parfaite Comment Rosenthal sait il cela Le tableau ne pouvant tre confront aucun mod le disponible l assertion est inv rifiable L auteur fait reposer la v ridicit du tableau non sur une observation contr lable non pas m me sur une analyse fondant la coh rence des composants du mod le mais sur la communication d une impression globale Le pinceau fougueux et contenu mani librement a une puissance de suggestion inou e Sans prendre la peine de les analyser il nous fait voir mieux que ne l aurait fait la patience minutieuse d un Denner les rides du front et les veines gonfl es sur les tempes Rosenthal met ici en cause Balthazar Denner 1685 1749 mais c est probablement Meissonier qu il pense Meissonier qu il m nage dans Le Floril ge en faveur de ses Joueurs de boules mais qui il a consacr dans sa jeunesse un article impitoyable Meissoni
18. le premier mu par les faits qu il r v le Le paradoxe de ces assertions r appara t quelques lignes plus loin Rosenthal affirme propos des dix tudes d ali n s peintes dans cette intention documentaire que la plus puissante la plus intense la plus mouvante de ces images est le portrait d une femme que l on avait nomm la Hy ne et qui avait la monomanie de l envie Et il d taille l effet du portrait Ce proc s verbal implacable nous obs de le regard oblique les yeux inject s de sang le teint terreux et jusqu la crasse du visage jamais lav tout concourt donner la sensation d abjection Mais comment apr s avoir soutenu que G ricault ne s tait propos ni de nous apitoyer ni de susciter l horreur Rosenthal peut il prof rer une telle affirmation sauf supposer que l artiste ait atteint le but inverse de celui qu il visait Pressentant peut tre l objection Rosenthal temp re son propos G ricault a produit un document d o l motion semble bannie mais cette impassibilit au moins apparente conf re l image une intensit singuli re Tout reposerait donc sur l incise au moins apparente l artiste partage l motion qu il suscite mais il la contient et la concentre pour en accro tre l effet G ricault est d sormais attribu le m rite d avoir d s l aube du Romantisme anticip la r action parnassienne La lucidit terrible qui note scrute sa
19. mais pas dans l ordre canonique le premier alin a part d un jugement de valeur prononc avec clat Un tr s simple et pur chef d uvre continue avec un d veloppement qui est la fois la description du paysage figur et induite de cette description une g n ralisation de ce paysage Dans un pays vallonn un coin de campagne tel que le promeneur peut en rencontrer chaque pas Sujet indiff rent et pr sentation la moins calcul e rien n est soulign Suit le programme d une esth tique fond e sur la d banalisation de l apparemment banal La beaut nous entoure de touts part il n est point de motif banal Le secret de cette esth tique Elle n est pas affaire de volont mais d motion et de talent il faut le don d amour 14 Corot le poss de au supr me degr il sait aussi nous communiquer ses sentiments et il le fait l aide du langage le plus simple et le plus rare En un sens tout est dit d s ces premi res lignes Mais cela fait Rosenthal revient en arri re pour compl ter les parties manquantes ou insuffisamment d velopp es circonstances qui ont pr sid la conception de l uvre particularit s de facture description mat rielle et histoire du tableau jusqu son entr e au Mus e de Lyon Le retour aux circonstances qui ont pr sid la conception de l uvre et qui sont cens es en expliquer au moins en partie les caract res originaux
20. nos fiches de lecture et qu on peut syst matiser ainsi e Nom de l artiste et titre du tableau e Expos des circonstances ayant pr sid la conception et l ex cution de l uvre e Description du sujet figur et ventuellement narration d v nements ayant pr c d ou suivi celui que fixe la toile e Evaluation de l uvre d apr s le but vis par l artiste et les motivations intellectuelles affectives thiques qui l ont inspir e Evaluation de l uvre d apr s les moyens sp cifiquement picturaux ou non employ s par l artiste pour atteindre son but e Confrontation de l uvre avec d autres qui lui sont comparables un titre ou un autre e Histoire de l uvre jusqu son entr e au mus e de Lyon e Caract ristiques mat rielles de l uvre Tel qu il est ci dessus ce plan nous a paru exp rience faite suffisant pour ne rien laisser chapper d essentiel Il pourrait d ailleurs le cas ch ant tre tendu au codage d autres textes comportant des analyses d uvres telles par exemple que celles qui abondent dans les Chroniques d art de l Humanit Mais il ne s agit bien entendu l que d un plan type l ordre des rubriques leur longueur et leur contenu sont sujets dans Le Floril ge m me de multiples d rogations Nous signalerons les plus remarquables au fil de leur rencontre et verrons le cas ch ant comment les interpr ter G rard David p
21. par les Hollandais ou par Monnoyer on reconna tra qu il leur a donn une sorte 27 d enveloppe qui manquait ses pr d cesseurs le coloris est plus frais et plus clair Mais l argument d cisif qui plaide en faveur du peintre est ailleurs dans ce contr le de l motion que les non Lyonna is prennent pour de la froideur mais auquel les compatriotes de Berjon ne se trompent pas Le sentiment pour ne pas s affirmer n en est pas moins r el Les Lyonnais y reconnaissent les nuances de leur sensibilit contenue Aussi est ce aux compatriotes de Berjon et eux seuls qu est d l gu le soin d une appr ciation autoris e Ils continuent aimer les Berjon et admirent surtout le Cadeau Ecoutez de quel accent M Germain le d crit Le melon la poire la petite pomme les p ches et les raisins du Cadeau 1793 donnent la sensation de r alit et de beaut des meilleurs Chardin L ensemble est d une puissante harmonie Enthousiasme sans doute excessif corrige Rosenthal la fois soulag et g n mais cet enthousiasme souligne des affinit s dont il serait injuste de ne pas faire tat Les Raisins avec trop de pr cision analytique sans doute t moignent une grande science et une rare justesse Les Lyonnais savent reconna tre qu ils n ont pas t regard s d un il indiff rent Joseph Guichard Bal la Pr fecture p 161 162 Des quatre peintres locaux lyonnais pr
22. pare l ivraie l exploitation facile des ridicules dans le style du Charivari du bon grain une pens e philosophique plus profonde qui fait de Daumier le peintre des foules Une seconde dichotomie distingue dans la th matique du peintre des foules en chemin de fer deux cat gories les voyageurs en wagon les salles d attente Un premier d veloppement est consacr l num ration des occupants vari s d un compartiment de troisi me classe Un second d crit l aquarelle n XLIII et voque son atmosph re Les salles d attente offrent des spectacles plus complexes La foule y est plus bigarr e elle forme des groupes impr vus les malles que l on d charge les paniers les paquets forment de pittoresques taches Agit s ou flegmatiques les voyageurs 18 sentent peser sur eux le malaise ind finissable du d part Rosenthal termine par quelques notations de forme en rapport avec le fond il souligne la solidit avec laquelle les figures sont construites l int r t individuel de chaque personnage et l art avec lequel ils sont tous subordonn s cette impression unique c est dire le malaise ind finissable du d part par la r partition ing nieusement dos e de la lumi re Comment Rosenthal passe t il de ce commentaire de l aquarelle n XLII ou KI 251 la pr sentation de la peinture du Mus e de Lyon L entreprise rel ve de la gageure car ni le lieu ni ses occupants ne sont pr sent
23. saint un instant auparavant a tent de prot ger le globe en le couvrant de ce manteau celui ci venant de glisser lorsque Dominique assist de saint Fran ois se redresse pour lever les yeux au ciel De m me le texte ne mentionne pas que le geste de Dominique main droite tendue pour prot ger le monde et main gauche lev e pour demander l intercession de Marie a son exacte r plique dans celui de la Vierge main droite tendue comme pour prot ger le monde et main gauche lev e pour retenir le bras arm du Christ Quittons l examen critique du th me pour voir comment ont t trait es les autres rubriques d une notice typique Celle des circonstances ayant pr sid la conception de l uvre est particuli rement remarquable Rubens tait trop connu pour donner lieu un r cit de sa vie Le commentaire biographique se r duit donc indiquer qu il s agissait pour Rubens d honorer une commande donc de faire preuve d inventivit dans l adaptation d un th me Les contraintes pr vues par le cahier des charges taient de deux ordres moralement il fallait pouser le caract re de la pi t du XVIIe si cle particuli rement dans les Pays bas espagnols culte des saints go t du drame religion sensible sensuelle mat riellement il s agissait d ex cuter un tableau d autel destin former le centre moral de l glise tre vu de loin et de toutes parts et qui doit parler haut et fort pour lutter
24. toujours par la r sonance d un petit nombre d accords l mentaires et sonores la valeur de ces accords est appr ci e ind pendamment de l exaltation de la vie qu ils accompagnent De m me l harmonie des couleurs dans La femme au perroquet de Delacroix ne vaut pas simplement comme moyen d exalter la femme la symphonie claire o dominent les notes froides vaut par elle m me Parfois enfin Rosenthal semble h siter ou m me passer plusieurs fois d une position l autre Ainsi dans le Portrait de Mlle Gauthier Lathuille il commence par affirmer la subordination de l uvre une inspiration f ministe exceptionnelle chez Manet Puis il se ravise et ouvre la pure facture un espace de libert car Manet peintre par dessus tout y a d velopp une symphonie en bleu et rose 46 En r alit dans Le Floril ge comme dans ses Chroniques d Art de L Humanit l appr ciation des uvres par Rosenthal r sulte de l application de deux chelles de valeurs distinctes et ind pendantes l une d ordre thique qui sous les noms d inspiration ou de conception prend en compte l l vation de la pens e la hauteur de vue de la fin vis e l autre d ordre esth tique qui sous le nom de facture value l agr ment des moyens employ s ind pendamment de leur subordination la fin vis e D o une chelle de notations r ductible aux quatre combinaisons des deux termes selon qu ils sont no
25. un des portraits que Manet fit de Berthe Morisot qu il aurait aim pr senter dans le Floril ge Mais il faut faire avec ce qu on a A d faut donc de la belle s ur de Manet toute impr gn e comme l crivait Th odore de Banville d un caract re intense de modernit Manet Aquafortiste et lithographe p 72 c est sur les fr les paules de Mile Gauthier Lathuille que portera le poids des aspirations de la femme moderne L auteur lui m me n est pas tr s s r d avoir d chiffr les arcanes de ce visage et saisi quels attraits ont motiv Manet en faire le portrait quelques lignes apr s avoir pr t Mlle Gauthier Lathuille les inqui tudes d une femme d lite et un long regard grave limpide tout ensemble et r veur impr gn d une ind finissable tristesse il juge que l expression nigmatique un peu morne de la jeune fille n tait pas sans analogie avec la figure infiniment moins complexe de Victorine Meurend le mod le favori de Manet D o Rosenthal tient il que la physionomie de Victorine Meurend tait moins complexe que celle de Berthe Morisot moins propre par cons quent incarner les aspirations de la femme moderne Le pr jug social d poque n est que trop vident Aujourd hui au contraire la modernit de Victorine cette femme libre qui dispose librement de son corps et passant du statut d objet celui de sujet deviendra peintre son tour en fascinerait plus d un
26. 45 46 Quentin Metsys p 49 50 S agissant de tableaux sujets religieux du XVe s l inspiration de G n alogie de la Vierge et de La Vierge tenant l enfant J sus ne donne pas lieu un commentaire d velopp la d votion mariale n est pas un fait propre l artiste elle appartient son temps La discussion se concentre sur l identification de l auteur et les particularit s de facture ne sont elles m mes relev es qu autant qu elles peuvent servir d argument pour identifier l artiste Ainsi dans La Vierge tenant l enfant J sus le traitement de la chevelure de la Vierge le type des figures l usage de ces colonnes en partie transparentes de quartz vein que Quentin Metsys n a pas seul employ es mais pour lesquelles il a une particuli re pr dilection Cela dit certaines de ces particularit s de facture sont malgr tour relev es pour leur valeur artistique intrins que Ainsi dans G n alogie de la Vierge Les gants rouges d Aaron le manteau vert reflets rouges le costume brod de David sont d une ex cution particuli rement pr cieuse Les t tes ont beaucoup de suavit surtout celle des donateurs et celle de saint Jean l Evang liste dans La Vierge tenant l enfant J sus Ce qui frappe avant tout c est l esprit de l uvre En un moment unique sans renoncer la curiosit ing nue au besoin d exactitude de ses pr d cesseurs l artiste introduit un besoin nouveau de s
27. Le Floril ge pr sentation par L on Rosenthal de vingt peintures du mus e de Lyon Vers 1926 ou 1927 L on Rosenthal directeur depuis 1924 met en chantier la r alisation d un livre collectif consacr la pr sentation comment e d une cinquantaine de chefs d uvre des mus es de Lyon Sous le titre Le Floril ge des Mus es du Palais des Arts de Lyon il s agit d un ouvrage de prestige pr fac par le maire de la ville Edouard Herriot et r unissant des signatures de sp cialistes minents Rosenthal s est lui m me r serv le commentaire d une vingtaine de ces uvres toutes des tableaux et pour la plupart des tableaux de ma tres fran ais du XIXe s Que doit on s attendre trouver sous sa plume dans ce livre L expression condens e en un style soutenu des th ses qu il soutient depuis le d but du si cle sur le r le de ces artistes dans l volution de la peinture en France ou ce qui pour lui revient presque au m me dans le progr s de l art en g n ral Ce sera aussi une des expressions ultimes de sa pens e Le Floril ge paru en 1928 la m me ann e que Notre Mus e est contemporain des premi res manifestations du mal qui devait mettre un frein son activit aux approches de la soixantaine et l emporter en 1932 Au del des diff rences dues la diversit des uvres et des artistes les notices r dig es par Rosenthal tournent autour d un m me plan qui nous a servi laborer
28. a pl nitude int grale et sans m lange de ses sensations visuelles p 119 citant Camille Mauclair Quand Manet croit peindre Nana il ne fait qu un beau morceau de peinture sans signification psychologique parce que si moderniste que Manet se soit pens c tait avant tout un coloriste et un homme de mentalit simple et saine p 132 et encore propos d Olympia Oui Manet s duit par le caract re pictural de 22 son mod le Victorine Meurend l trange fille d licate et nerveuse aux membres graciles la chair puis e a cherch et r alis un arrangement pittoresque dict par de simples volont s d harmonie p 135 Les m mes termes quelques variantes pr s servent dans Le Floril ge introduire la notice sur le Portrait de Mile Gauthier Lathuille Manet a peu de go t pour les probl mes psychologiques Il est attir par le c t neuf les aspects in dits de la vie contemporaine mais ce sont surtout pour lui des spectacles Il se soucie peu de ce que peuvent penser les personnages dont son il surprend le geste le mouvement la figure et dont il note les apparences fugitives dans la lumi re Mais Rosenthal explique ensuite que Manet habituellement peu concern par la vie int rieure des personnes avait fait une exception en faveur des aspirations de la femme au XIXe si cle En crivant ces mots il pense Berthe Morisot et il ne le cache pas A coup s r c est
29. ait comprendre comment il se fait que ce savant trahissant sa vocation fonci re a peint des tableaux au lieu de r diger des m moires D autant que Rosenthal au risque de se contredire lui attribue dans d autres passages du m me livre une vocation artistique aussi pr coce qu imp rieuse Il suffit au reste d examiner tous ces croquis pour se persuader que d s qu il prit le crayon G ricault fut domin par le culte de la forme et la recherche de l harmonieuse image Domination de la vocation scientifique domination de la vocation artistique la contradiction trouve sa solution dans la distinction de deux plans celui de la forme et celui du fond r gis par un condominium paisible Chez G ricault l originalit est double elle existe dans le m tier et la conception sa technique est personnelle et elle traduit des id es nouvelles Il faut donc examiner successivement la main qui ex cute et le cerveau dont elle traduit les intentions p 137 Vingt ans plus tard dans Le Floril ge Rosenthal reprend les m mes th mes Il a sans doute raison de signaler la part de curiosit scientifique ou non qui anime G ricault mais pourquoi ajoute t il que l artiste dans La Folle ne s est pas propos de nous mouvoir Pourquoi la volont de produire un document v ridique devrait elle exclure celle d apitoyer ou d horrifier ceux qui le consultent Et pourquoi d ailleurs l auteur ne serait il pas tout
30. ait quand il pouvait de grand matin longtemps avant le lever du jour pour guetter les premiers fr missements de la lumi re Ce qui le hantait c tait le mirage des heures o la r alit semble chim rique o tout s enveloppe d impr cision o le r ve se m le l observation l analyse la m ditation mystique Parfois aussi le soir dans un int rieur une salle de caf ou de restaurant il notait sous la lumi re artificielle avec un esprit analogue des visions ind cises Il tait attir par les lumi res froides par les brumes o les formes et les couleurs se dissolvent par les aspects ingrats et pauvres les murs nus les arbustes malingres Pour lui le soleil n tait pas d or mais d argent Sans le secours des cadmiums et des chromes il traduisait la lumi re par du blanc De l dans ses pages les plus caract ristiques un aspect blafard crayeux qui rebute tout d abord Il chargeait sa toile de couleurs reprenait au couteau sans se soucier de faire dispara tre les traces du grattage peignant du reste pour lui m me ex cutant rarement un tableau multipliant les essais o l motion s exprimait comme en une confidence 32 Fran ois Vernay Les prunes p 177 178 Alors que les autres peintres lyonnais l exception peut tre de Carrand donnent lieu dans Le Floril ge un int r t plus poli que sinc re l enthousiasme de Rosenthal pour Fran ois Vernay s exprime sans r
31. alit s d cisives Rien de plus d licat que le model en pleine lumi re par d insensibles passages du visage et de la gorge Le jeu des gris bleu tres et des roses est exquis par quoi on devine le sein sous l toffe transparente du corsage blanc Les mati res mousseline tulle et les carnations sont sugg r es comme par miracle Par contraste les ombres s crasent charbonneuses sous le chapeau autour du nez Ultime revirement greff sur la derni re notation au risque d tonner son lecteur Rosenthal s efforce en prenant appui sur l crasement des ombres charbonneuses de renouer avec le th me f ministe initialement pos Ce n est ni par n gligence ni par hasard qu aucun contour ne cerne l paule gauche que le tour du chapeau a l air incertain que l ovale du visage en opposition est serti de noir Cette vari t de facture r pond au fr missement de ce jeune tre vivant qui tout de m me se contraint immobilit Et Rosenthal de conclure en faisant siens les termes d un autre critique Tout le portrait d un coloris mat t moigne d une m lancolie attachante p 134 Intitul L impassibilit de Manet le dernier chapitre de Manet aquafortiste et lithographe t moignait d j de la difficult prouv e par Rosenthal maintenir sans concessions sa th se d un artiste indiff rent aux id es et aux sentiments Il y avait tant d exceptions la r gle Exceptions
32. alit s d observation physique chez Meisonnier l acuit de l observation psychologique chez l auteur anonyme du portrait de Jacques Stella et chez Joseph Guichard l imagination et un lyrisme ing nu chez Seignemartin 2 moyens sp cifiquement picturaux G rard David Rubens Delacroix Gauguin Puvis de Chavannes excellent par le sens de la composition invention et disposition par celui de la hi rarchie et du rythme Le sens de l harmonie ou de la symphonie des couleurs distingue Rubens G ricault Delacroix Manet Berjon Puvis de Chavannes dans Vision antique Le m me Puvis de Chavannes dans Inspiration chr tienne joue occasionnellement d un contraste des couleurs L exaltation de la couleur est une constante dans l art de Gauguin Corot se montre virtuose dans l emploi des couleurs rompues le dosage subtil des valeurs la sobri t de la touche l auteur anonyme du portrait de Jacques Stella G ricault Delacroix Guichard Seignemartin excellent dans le maniement rapide du pinceau de m me Courbet en alternance avec d autres parties au contraire caress es loisir 45 Daumier pratique la mise en vigueur des volumes Manet Daumier la r partition des jeux d ombre et de lumi re Manet Gauguin l accentuation ou l estompage des contours Puvis de Chavannes et Gauguin se caract risent par l att nuation ou l absence du model Entre facture et inspiration le rapport est e
33. antisme Mais les temps romantiques allaient bient t tre r volus et Courbet n tait pas un romantique Des circonstances l auteur passe la description du tableau Le beau t n breux par lequel Courbet aurait voulu selon un passage d une lettre de 1854 peindre un homme dans l id al et dans l amour absolu livre au vent sa longue chevelure noire il prend un air inspir il ne m dite pas malgr ses allures des desseins de grande envol e La m lancolie que lui inspirent le 20 cr puscule et la menace de l orage est passag re Ce sont Courbet a le soin de nous en avertir sentiments du jeune ge qui n auront pas de lendemain Une pr sentation de la compagne du peintre compl te cette description Rosenthal pique la curiosit du lecteur en distillant les quelques rares informations biographiques qui nous sont parvenues concernant cette personne puis instaure une discussion de ses charmes tels qu ils ressortent des avis contrast s de pr c dents commentateurs De la jeune femme nous ne connaissons que le pr nom Jos phine c tait une comtoise mari e de famille bourgeoise Elle avait tout quitt pour suivre l artiste dont elle fut longtemps la ma tresse et le mod le C est elle assure Th ophile Silvestre qui aurait pos la baigneuse debout vue de dos qui suscita un si beau tapage dans le c l bre tableau de la collection Bruyas au Mus e de Montpellier Sa figure ici a t app
34. assion r volutionnaire de La mara ch re chez G ricault peignant La folle il est postul titre exceptionnel dans l int r t de Manet pour les probl mes de la jeune femme moderne dont est cens t moigner le portrait de Mlle Gauthier Lathuille Il r gne sans partage dans le portrait d me fait de son pouse par Puvis de Chavannes Il serait en revanche absent chez Meissonier dont l inspiration s arr te aux aspects ext rieurs du corps et n a acc s ni l me ni l esprit de ses mod les C est un don de communion encore non avec autrui humain mais avec la nature que Rosenthal rel ve chez les paysagistes Corot et Carrand chez les peintres de fleurs ou de fruits Berjon et Vernay Le plus minent des paysagistes Corot le don d amour en tout ce qu il touche Carrand plus limit a la hantise des heures o la r alit semble chim rique Parmi les Lyonnais peintres de natures mortes Berjon a su porter sur Les raisins un regard qui n tait pas indiff rent plus v ritablement dou Vernay a eu le don de transfigurer fruits et fleurs en joyaux d une chim rique splendeur Une l vation aust re distingue Puvis de Chavannes dans Le Bois sacr comme dans Vision antique et dans Inspiration chr tienne Les nobles vertus et la culture des hautes facult s de l esprit s incarnent dans les grands lieux communs qu il affectionne Il est anim dans le Portrait de Madame Puvis par la volont de r
35. atin e le cr puscule p 229 Dans le paysage comme en toute autre branche de l art pictural lieu commun et r alit selon Rosenthal ne font pas seulement bon m nage ils sont indissociables Le m canisme volutif ainsi d crit vers 1908 tait il de nature satisfaire compl tement Rosenthal Quoi qu il en soit la question est reprise quelques ann es plus tard dans Du Romantisme au R alisme Nous y retrouvons les m mes exemples et les m mes anecdotes relatives au s jour romain en compagnie de Bertin et d Aligny mais les effets positifs imput s la crise de grand style disparaissent il n est plus question de grandeur et de noblesse laiss es en h ritage la sortie de crise Au contraire c est en r agissant contre elle que Corot aurait d couvert son g nie propre L influence doctrinaire faillit un moment devenir oppressive Agar dans le 16 d sert en 1835 ne retenait plus rien de la fraicheur et de la finesse de notation que les tudes tr s fameuses du Forum et du Colis e que le Pont de Narni avait t moign es en 1827 mais d s lors par une progression constante travers Sil ne 1838 D mocrite et les Abd ritains 1841 l artiste se ressaisissait et dans Le Verger 1841 il se montrait ma tre de son g nie et mancip Du Romantisme au R alisme p 285 En 1925 encore dans L Art et les artistes romantiques Rosenthal estimait que L Agar dans le d
36. autant qu ils furent sinc res et spontan s Mais les Joueurs de boules constituent une heureuse exception N cessit fait loi en lieu et place de l pop e napol onienne d sormais condamn e au m me titre que les anecdotes du XVIIIe s c est d sormais le dessin donn par Chenavard au Mus e de Lyon qui pourvoit au salut de l artiste Le th me est un de ceux qui lui convenaient le mieux il ne dit rien au c ur ni l esprit mais permet de pr senter avec une grande vari t d attitudes des personnages group s Silhouettes profil es d un trait indications elliptiques touches sommaires d aquarelle ind cisions repentirs m mes ont un caract re savoureux auquel nous sommes d autant plus sensibles que l artiste pour son malheur n a pas souvent t capable d h siter de nous laisser quelque chose deviner de se contenter du trait vocateur Nous lui pardonnons tricornes perruques et culottes pour jouir du mouvement juste et de l observation spirituelle Jean Seignemartin Le page p 169 170 Bien qu il ait dirig en 1925 une exposition r trospective consacr e Jean Seignemartin pour le cinquantenaire de sa mort Rosenthal n a qu une m diocre estime pour l uvre de ce Lyonnais Certes il lui reconna t un m rite de peintre de fleurs et de portraitiste ce qui correspondrait la sp cialisation honorable d un artiste local Mais il lui reproche de graves d fauts d inspiratio
37. avec l clat des riches cadres dor s des architectures des sculptures et avec le luxe des costumes eccl siastiques le bruit des chants et des orgues C tait l un travail d ing nieur dont Rubens nous dit en substance le commentaire s est acquitt non seulement avec brio mais avec g nie de pr s le pinceau para t mou et m me l che mais avec le recul qu imposait la pr sence de l autel et que Rubens a escompt la page acquiert fermet relief elle donne une sensation d enveloppement d espace et de libert qu une ex cution plus formelle aurait paralys e Paru la m me ann e 1928 que le Floril ge mais crit dans une perspective de vulgarisation p dagogique Notre mus e d gage dans les termes suivants le r le de Rubens dans l histoire de la peinture celle de son pays comme celle de l Europe il r v la aux Flamands des traits jusqu alors contenus de leur nature le go t exub rant du mouvement des formes opulentes de l clat joyeux des spectacles sous cet aspect il incarna leur g nie Ni id aliste ni profond ni psychologue tranger au souci de correction et de puret il est dou un degr extr me du sens physiologique de la vie il a d ploy une imagination charnelle d une f condit inou e Il s est prodigu dans tous les genres animant tout ce qu il touchait Son dessin hardi sa couleur clatante sans raffinement sa science g n reuse et libre ont depuis le XVIIe s
38. ccoutum s d s longtemps exercer leur m moire et la remplir d images trouvent devant le mod le et la multiplicit de d tails qu il comporte leur facult principale troubl e et comme paralys e n XL Le Charcutier p 96 Gustave Courbet Les amants dans la campagne Souvenirs du jeune ge p 129 130 Rosenthal a construit cette notice en trois mouvements les circonstances qui ont conditionn l ex cution du tableau la description de la sc ne figur e et les informations relatives au mod le dans ce cas le mod le est duel compos en partie de l artiste lui m me et en partiede sa ma tresse une valuation de l int r t pictural de l uvre inspiration d abord facture ensuite Les circonstances sont celles qui ont marqu le passage de Courbet de son romantisme de jeunesse au r alisme de sa maturit La th matique deux amants enlac s sous un ciel qui vire l orage t moigne encore d un romantisme de jeunesse Courbet est depuis 1840 Paris o il est venu avec cette belle confiance en son g nie qui ne l abandonnera jamais conqu rir la gloire El ve nominal de Steuben il travaille surtout au Louvre D s ce moment il est un ma tre admirable ex cutant mais il ne s est pas encore reconnu lui m me et ne sait quel usage il fera de sa force En ces ann es de lassitude et de gestation qui marquent la fin de la monarchie de juillet il demande encore ses th mes d inspiration au Rom
39. chose d inqui tant Sc ne banale acteurs indiff rents dont Daumier a d gag une sorte de drame obscur C est un aspect du spleen Rosenthal a t il trouv la toile du Mus e de Lyon aussi magnifique que l aquarelle KI 251 Suite son erreur de localisation elle a d tout le moins le d concerter Il juge sobrement La notation a une grandeur brutale sommaire d cisive peinture de sculpteur qui met en vigueur les volumes et r partit par masses puissantes la lumi re remarquable parti tir du costume moderne Changeant de sujet l auteur ajoute pour finir une information sans pertinence particuli re par rapport L Attente la gare L artiste n a pas vu telle quelle la sc ne qu il d crit il ne dessinait pas d apr s nature elle est le 19 r sultat et la synth se d un ensemble d observations Cette information ne sert vraisemblablement qu atteindre le bas de la seconde page du commentaire usage qui avait d j t le sien dans le Daumier mais avec un d veloppement plus richement toff Ni le charcutier ni aucun dessin n a t pris directement Daumier tait incapable de copier un mod le Assertion appuy e sur une citation d expert Quand un v ritable artiste dit Baudelaire en est venu l ex cution d finitive de son uvre le mod le lui serait plut t un embarras qu un secours Il arrive m me que des hommes tels que Daumier et M G Constantin Guys a
40. chr tienne Fantaisie historique e Seignemartin Le page ou les jouvenceaux Hormis l importance donn e au portrait ce premier essai de classement n est sans doute pas tr s significatif Plus int ressantes nous paraissent les deux cat gories d valuation correspondant l une la finalit de l uvre la qualit de son inspiration dans la t te ou le c ur de l artiste l autre aux moyens utilis s pour communiquer au spectateur avec cette inspiration le sentiment de la beaut autrement dit les deux cat gories critiques fondamentales que sont dans le syst me de Rosenthal l inspiration et la facture 43 Inspiration sentiment ou pens e de l artiste communiquer au spectateur Dans les tableaux m di vaux sujet religieux la part du sentiment proprement religieux est suppos e pr valoir dans l inspiration de l artiste d votion mariale sinc re dans G n alogie de la Vierge de G rard David et dans La Vierge tenant l enfant J sus de Quentin Metsys Apr s la Renaissance dans Saint Fran ois et Saint Dominique de Rubens comme d ailleurs dans l ensemble de l uvre du peintre flamand la ferveur religieuse fait place au sens physiologique de la vie Dans les portraits tous post rieurs au XVIe s la volont d acc der l me du mod le travers les traits de sa physionomie est soulign e chez l auteur du portrait de Jacques Stella chez Jacques Louis David partageant la p
41. doute la facture peut mobiliser des proc d s inverses chez Puvis la couleur est subordonn e l artiste use de tonalit s amorties emprunt es l art de la fresque tandis que chez Gauguin toute couleur est exalt e Mais au del de ces diff rences de facture et de la diversit du contenu anecdotique les deux uvres ont un fonds de pessimisme commun chez Gauguin Le geste lent les grands yeux vides o l on chercherait en vain le reflet d un sentiment ou d une pens e les jeunes tahitiennes indolentes et simples statues se dressent avec une majest native Aucun objet pr cis ne les rassemble elles nous offrent l expression un peu morne peut tre d une f licit continue chez Puvis Le calme la paix et le repos r gnent en ce site choisi Pourtant aucune joie n anime les personnages Aucun sourire n anime leurs l vres Antoine Berjon Le cadeau p 153 154 Sans doute est ce en sa qualit de directeur des mus es de la Ville de Lyon que Rosenthal n a voulu laisser personne le soin de pr senter Berjon Guichard Seignemartin Carrand Vernay c l brit s locales dont la mise en valeur demandait un certain tact gale distance du dithyrambe et du d nigrement La place donner aux artistes lyonnais au sein du mus e avait t longtemps une question sensible Certains nostalgiques pouvaient encore estimer que louverture des collections de tout temps et de tout pays
42. e Mus e en particulier peut tre consid r comme un fr re jumeau relevant de la m me intention didactique que Le Floril ge Certes la cible est ici un lectorat restreint et cultiv et l un large public scolaire ou populaire Mais dans le fond comme dans la forme les deux se rejoignent souvent Le Floril ge trouve sensiblement les m mes termes avec peine moins de concision et plus d envols lyriques que Notre Mus e pour pr senter Rubens Delacroix ou Corot L originalit des notices du Floril ge est ailleurs elle r side dans l effort d adaptation entrepris par Rosenthal pour ajuster ce qu il voudrait dire de l artiste en g n ral ce qui lui est permis d extraire de l uvre particuli re qu il pr sente De ce point de vue tout ne lui a pas t simple Il a surtout fallu tenir compte concernant les artistes retenus de l in gale repr sentativit des uvres disponibles au Mus e de Lyon Cette contrainte n a caus aucune g ne dans le cas de Rubens de G ricault de Corot repr sent s par des uvres bien typiques ni dans le cas de David de Delacroix ou de Courbet repr sent s par une uvre insolite dont Rosenthal ne demandait qu assumer la marginalit En revanche elle a fait probl me pour d autres artistes Daumier et Manet notamment repr sent s en d sespoir de cause par une uvre relativement mineure qui sert de doublure au chef d uvre souhait mais non disponible Enfin nous avo
43. e de la forme humaine un sentiment exceptionnel de la composition color e noirs profonds d o jaillissent des blancs soigneusement m nag s voil les joies que donnent une estampe de Daumier p 354 Trois ans plus tard en 1912 Rosenthal prenait une revanche plus compl te en publiant son Daumier con u sous la forme d une reproduction de quarante huit lithographies aquarelles peintures accompagn es chacune de deux pages de commentaire Plus tard encore vers 1926 c est parmi ces quarante huit uvres comment es que l auteur a d chercher en vue du Floril ge un chantillon apparent pour le fond ou pour la forme ce dont il disposait au Mus e de Lyon Son choix s est alors arr t sur une aquarelle le n XLIII intitul e La Salle d attente qui lui a paru recouper th matiquement l uvre du Mus e qu il retenait pour Le Floril ge une peinture qu il intitule L Attente la gare Mais c est un titre qu il donne tort il n a pas vu esquiss s l arri re plan gauche des fa ades droite un arbre qui indiquent qu il s agit d une sc ne de rue et non d une cohue dans un hall de gare Mais cette derni re localisation l arrangeait car elle permettait un commentaire en partie calqu sur celui de l aquarelle n XLIII de son Daumier Le point de d part est dans les deux cas la th matique g n rale du voyage en chemin de fer Dans l aquarelle n XLIII une premi re dichotomie s
44. e invincible de son g nie Puvis qui c l bre le rythme des choses et des tres enveloppe son hymne d une involontaire gravit Mais l auteur n a pas plus t t formul ce diagnostic qu il l aggrave d un autre assez d concertant Peut tre aussi un grec tonn de cette nuance de sentiment moderne n aurait il pas reconnu dans les formes f minines la perfection plastique dont l artiste a voulu les parer L Rosenthal semble aller un peu loin peut on faire grief un peintre du XIX s de ne pas peindre comme Apelle Et en quoi d ailleurs l anticipation de notre destin mortel serait elle une nuance de sentiment moderne inconnue des Hell nes Ne pouvant se permettre de terminer sa pr sentation sur une note aussi n gative Rosenthal cherche le rachat des imperfections qu il d nonce dans un abandon aux charmes de la couleur qu il ne pr sente d ailleurs pas comme imputables l esth tique coutumi re de Puvis mais une revanche ponctuelle de son h r dit lyonnaise Au moins autant qu il tait en lui et dans la mesure o l y autorisait la convenance n cessaire avec les autres panneaux Puvis a t il ici poursuivi l agr ment de la couleur Des tons clairs et chantants vibrent que domine la tache plus intense de la mer et par cette ardeur contenue se marque le temp rament lyonnais de Puvis de Chavannes Inspiration chr tienne p 197 198 Diverses r serves critiques d j adress
45. endre hommage dans un portrait d me son Eg rie A l poque de La mort de Sardanapale le corps f minin fascine Delacroix jusqu l obsession ainsi qu en t moignent Femme caressant un perroquet et une s rie d autres nus En rupture avec l unanimisme figur dans une autre partie de son uvre Daumier exprime dans L attente la gare le sentiment d isolement des individus dans le monde moderne ce sentiment tant un aspect du spleen contemporain 44 L exaltation romantique de Courbet jette ses derniers feux avant le passage au r alisme dans Amants dans la campagne Sentiments du jeune ge Tranchant sur son habituelle indiff rence psychologique ou sociale Manet laisse vibrer sa fibre f ministe dans le Portrait de Mlle Gauthier Lathuille mais un autre versant de son inspiration plus habituel chez lui et purement pictural celui l le conduit d velopper parall lement une symphonie en bleu et rose Gauguin aspire dans Nave nave Mahana et d autres uvres trouver l apaisement dans un paradis exotique Dans Le page et dans son uvre en g n ral Seignemartin se laisse guider par son go t de la fantaisie color e Moyens employ s pour communiquer l inspiration au spectateur de l uvre 1 moyens non sp cifiquement picturaux Ce sont le souci de perfection le professionnalisme chez G rard David Le besoin d exactitude une curiosit ing nue chez Quentin Metsys Des qu
46. ente a t tudi e selon un rythme complexe de lignes de volumes et de taches en surface et en profondeur les verticales dominent qui conf rent une sorte de solennit hi ratique tout concourt donner l il une impression de repos 25 Le dessin synth tique enveloppe et r sume les formes d un trait qui les sertit il souligne le caract re ethnique les paules larges les seins cart s les jambes massives l aisance des corps que nul v tement rigide n a jamais contraints Selon le principe cher Gauguin toute couleur est exalt e Le sol est rouge mauve dans le lointain le ciel d or p le ou verdi Les arbres sont violets Les chairs ont des tons de fruits m rs Par le jeu des contrastes la figure couronn e de fleurs est d un gris verd tre Les figures d ailleurs sont subordonn es et comptent moins que les torses Les pagnes blancs rouges vineux violets forment une symphonie o chante l toffe rouge grandes fleurs blanches Le pagne blanc au centre offre des modulations d une extr me sensibilit Peu ou point de model apparent mais tout en faisant jouer de larges surfaces des indications subtiles par valeurs tr s rapproch es Si paradoxale qu elle puisse para tre une mise en relation para t possible du point de vue de Rosenthal entre l atmosph re des Jours d licieux de Nave Nave Mahana et la f licit de la Vision antique de Puvis de Chavannes Sans
47. enthal ajoute Que deviendra t elle hors de cette atmosph re sanctifi e Question toute rh torique qu aucun l ment objectif interne au tableau ne justifie mais laquelle le pr sentateur fort de l id e qu il se fait du pessimisme de Puvis sugg re une r ponse qui ne peut tre que d sesp r e Nous avons mentionn en son temps propos du Bois sacr le d tail perfidement relev de l enfant offrant la Peinture des fleurs symbole des th mes favoris de l art lyonnais Le grief d avoir chichement rendu hommage aux artistes locaux est cette fois articul avec moins de m nagements De m me apr s avoir promis de rappeler les peintres lyonnais il s est content de donner au disciple qui appuie son bras contre le mur les traits d Hippolyte Flandrin Prot g par l anonymat du pronom personnel on Rosenthal instruit un dernier proc s celui de l attardement de Puvis des conceptions pr romantiques qui le feraient r gresser dans sa conception de notre Moyen Age national jusqu aux pr jug s anti gothiques de David ou d Ingres On lui a reproch d avoir plac sa sc ne en Italie au lieu d invoquer le Moyen Age fran ais Comment expliquer cette pr f rence donn e par Puvis un site tranger Deux hypoth ses se pr sentent l esprit de Rosenthal Selon la premi re Puvis aurait valoris l Italie par m connaissance de l art m di val fran ais Il se peu
48. er qu il accuse d avoir voulu d grader la peinture en rivale de la photographie Meissonier qui il reconna t un g nie de portraitiste exact dans l analyse du d tail ext rieur mais qui il refuse la capacit de percevoir ou du moins d exprimer l me de ses mod les Il ne dit rien ni au c ur ni l esprit Tandis que la diff rence de Denner et de Meissonier G ricault par son g nie observateur et la magie de son pinceau ouvrirait une voie d acc s l me de son mod le Rosenthal affirme l int r t de ce tableau proc s verbal pour la science psychiatrique mais il n en pr cise pas le mode d emploi S agissait il de fournir au Dr Georget pour illustrer quelque tude monographique l quivalent d une planche anatomique Mais dans ce cas la pr cision et la clart analytique aurait prim la suggestion synth tique d ensemble et Donner sous ce rapport vaudrait mieux que G ricault Aujourd hui encore n arrive t il pas aux historiens en l absence de photographies de recourir aux 11 tableaux de Meissonier pour illustrer leurs r cits des batailles napol oniennes Mais il est vident que l ambition pr t e G ricault tait plus haute et que le portrait de la monomaniaque de l envie devrait tre consid r non comme un document d appoint mais comme une d marche scientifique autosuffisante Sans bien expliquer en quoi l approche synth tique de G ricault serait intellectuellement
49. es d une mani re qui devrait faciliter la comparaison Cette fois encore son commentaire proc de par dichotomie mais partir d un autre point de d part Se r f rant l homme des foules de Baudelaire il professe que Daumier a pous la foule et a t le peintre des foules Mais les foules qu il a peintes se pr sentent sous deux formes oppos es il s agit tant t de la foule unanime groupant des personnes qui vibrent l unisson selon un rythme qui les domine tant t d une foule dissoci e juxtaposant des individus qui ne communient ni ne communiquent De cette seconde cat gorie rel vent les usagers des chemins de fer Et c est ici que les deux cheminements dichotomiques convergent Sur les bancs des wagons de troisi me classe il a vu les gens demeurer juxtapos s isol s dans leur immobilit forc e et dans la sensation d une dur e interminable Dans les salles d attente agit s ou flegmatiques les voyageurs se coudoient sans s apercevoir la gare Saint Lazare il a not dans une magnifique aquarelle KI 251 les gens qui courent les malles que l on d charge les paniers les paquets la cohue Ici il ne nous propose que le malaise ind finissable de l attente et du d part Press s les uns contre les autres mais demeur s trangers ou hostiles ces gens s impatientent Les minutes lentes creuses durcissent leurs visages mornes Leurs physionomies ferm es ont quelque
50. est assez d routant Rosenthal le pr sente ainsi Au moment o il peint cette page entre 1840 et 1845 sans doute Corot vient de traverser une sorte de crise de grand style Agar dans le d sert l a inaugur e en 1835 avec une particuli re rigueur Saint J r me la Fuite en Egypte D mocrite en sont les manifestations principales Il y a nourri peut tre son instinct de grandeur et nous en b n ficions ici dans cette tude directe o la vision sinc re sans d formation ni syst me se rev t d une noblesse spontan e Qu est ce que cette crise de grand style et quel titre lui sommes nous redevables de la noblesse spontan e dont se rev t la vision de Corot Nous serions bien en peine de r pondre si Rosenthal ne s en tait d j expliqu ailleurs plusieurs reprises D abord vers 1908 dans une de ses conf rences sur Le Paysage au temps du romantisme Dans le paysage comme ailleurs explique t il le Romantisme contrariait le g nie fran ais amoureux de sobri t de clart de pr cision il tait le fait de sensibilit s nerveuses parfois un peu maladives et de cerveaux r veurs il y avait en lui trop de choses amass es confus ment entrevues sans discernement il heurtait l ducation classique du public p 223 Il heurtait aussi une autre tendance de notre go t h r ditaire Les amis de la couleur ont toujours t en petit nombre en France et c est la ligne nette
51. et le h tre sont remplac s par des arbres gr les dont le jet droit imite les colonnades bouleaux pins et peupliers La nature enfin y appelle l homme et si l artiste ne se contente pas de plaquer des personnages s il accorde leurs sentiments au caract re du paysage c est encore l antiquit c est la mythologie ou dans le cas pr sent l histoire sainte qui parlent son imagination et lui fournissent des h ros p 225 226 Nous serions en droit de juger qu il y a loin d Agar dans le d sert o d ailleurs la subordination du paysage au drame humain n est pas contestable La moisson dans une vall e o par un effet de subordination inverse le moissonneur et son pouse sont int gr s la nature environnante Mais sans doute s agit il pour Rosenthal de marquer avec Agar dans le d sert lavant derni re tape d une volution qui conduira les paysagistes fran ais et Corot en particulier une conception sublim e des rapports entre l homme et la nature Corot a transform toute formule par l Amour Il est avec Prud hon avec Andr Ch nier qu il apprit conna tre par hasard en 1845 le plus grand peintre classique classique par le sentiment Ses personnages parlent pour nous et leur langage est ternel Ils disent les lieux communs de l me la tendresse la m lancolie le charme de la solitude comme ses paysages fluides et musicaux voquent les lieux communs de la nature le printemps la m
52. etenue Certes il ne se prive pas d exploiter comme d autres l ont fait les aspects pittoresques de ce boh me haut en couleurs ce qui aurait pu tre un moyen d esquiver l appr ciation des uvres mais l analyse fouill e qu il fait du tableau choisi les Prunes exclut toute complaisance Cette uvre une nature morte n est premi re vue qu un morceau de pure facture savourer sans r f rence aux valeurs du monde r el mais Vernay fait beaucoup plus Prunes vertes dor es estomp es par leur fleur fruits drus gorg s de suc prunes noires qui les escortent feuillages d un vert vigoureux pichets de Delft bord cr meux d un vieux plat de fa ence voil un th me banal et prodigieusement suggestif Chardin l e t impr gn de po sie intime et Vernay gueux indiff rent aux bienfaits de ce monde l a dot d une chim rique splendeur L pith te chim rique ne vise pas d valoriser l uvre Certes Vernay n est pas Chardin il n acc de pas la po sie intime qui impr gne les uvres de celui ci il n a pas et ne communique pas le sens des bienfaits de ce monde Mais toute chim rique qu elle est la splendeur de Vernay est sa mani re bien fond e Vernay tait dit Rosenthal moins curieux de traduire les r alit s que d obtenir entre les quatre baguettes du cadre un effet chaud et riche Il pr cise encore Ses uvres sont peu vocatrices elles int ressent
53. ette vieille dame fournit surtout Rosenthal une occasion d voquer le destin de la princesse Marie Cantacuz ne et un dessin que fit d elle Chass riau lorsqu elle tait dans tout l clat de sa beaut De quoi t moigne en effet au del de l int r t accord la facture de l uvre de Puvis la longueur relative du d veloppement consacr la biographie de son pouse Tout d abord nous semble t il de la fascination exerc e sur Rosenthal par cette figure d Eg rie Peut tre m me prouve t il une nostalgie du r ve h las avort d s le Carpaccio qu il fit lui m me de former avec Gabrielle un couple moderne exemplaire uni dans une vie de recherche d art et de combat Ensuite d une pr dilection marqu e pour la personne et l uvre de Th odore Chass riau Chass riau qu il galait Delacroix et mettait cent coud es au dessus d Ingres Et encore dans l uvre de Chass riau lui m me d une pr dilection particuli re pour les figures de femme dont l artiste a fix un type inoubliable Rappelons que LR avait accroch dans son appartement 35 de la Rue du Val de Gr ce deux reproductions l une de la V nus anadyom ne l autre de La toilette d Esther Esther fleur admirable les bras ploy s en un rythme rare est servie comme une idole par les esclaves d Asie mais dans ses yeux profonds r gne une infinie tristesse Cette po sie trange inqui tante prenante colore l art de Cha
54. eul t moignage que Rosenthal nous ait laiss de son admiration pour Vernay Ayant trouv dans le fond d un placard un carnet de dessins du peintre il en a fait r aliser une dition en fac simile assortie d une pr sentation o il commente sa d couverte De grands dessins puissants massifs et sobres trac s au crayon noir ou au fusain sur du papier de couleur parfois sur du vulgaire papier de boucherie et rehauss s de quelques touches grasses nous montrent chez Vernay une sensibilit et un esprit vraiment classiques Il y voque avec un accent intense des paysages grandioses calmes et silencieux anim s d une vie secr te et en m me temps ordonn s selon un rythme certain La nature sans rien perdre de sa fraicheur ob it aux lois de la logique fran aise Cette fois ce n est plus Chardin mais Poussin ou Corot que Vernay est compar Puvis de Chavannes Notre Mus e r sume dans les termes suivants l uvre de Puvis de Chavannes Reprenant les recherches d Ingres d Hippolyte Flandrin l ve chr tien d Ingres et surtout de Chass riau Puvis de Chavannes a adopt pour ses compositions peintes sur toile et coll es maroufl es sur les murs les tonalit s amorties de la fresque Ses uvres donnent une impression de grandeur et de s r nit elles appellent le recueillement et la m ditation Il d veloppe de grands lieux communs la Paix la Guerre Amiens l Et
55. eure et plus intime p 296 Rosenthal n avait videmment pu pr voir en 1914 qu il lui faudrait dix ans plus tard trouver le moyen de changer de langage sans avoir l air de trop se d juger Une premi re chappatoire a consist avant de donner de l art du peintre qu il pr sente une appr ciation prudemment nuanc e s tendre sur sa biographie en la nourrissant de d tails pittoresques Ainsi pour Antoine Berjon Un long d veloppement est consacr la carri re mouvement e du peintre et aux tribulations dues son caract re imp tueux Puis vient en trois temps l appr ciation de l uvre par trois types d arbitres Rosenthal fait d abord tat de l impression du visiteur occasionnel forc ment trop peu r fl chie pour tre retenue mais malgr tout r v latrice de quelque imperfection r elle Ceux qui visitent en passant le mus e de Lyon sont tent s en pr sence des tableaux achev s avec une conscience excessive un poli m ticuleux de n y voir que travaux de patience ou objets de curiosit Puis il note le reproche inverse d un critique contemporain du peintre La nature bien imit e dans la masse crivait Miel en 1817 n est pas assez tudi e dans les d tails On peut dire de ces fleurs et de ces fruits que ce sont de larges et faciles bauches Enfin se posant lui m me en arbitre du juste milieu De fait si l on rapproche les uvres de Berjon des tableaux de fleurs peints
56. i cle jusqu nos jours passionn les artistes ind pendants p 60 Le sens physiologique de la vie Une approche intertextuelle n aurait pas manqu de d celer ici une paraphrase des Phares de Baudelaire Mais o la vie afflue et s agite sans cesse Comme l air dans le ciel et le mer dans la mer Portrait de Jacques Stella p 85 86 La notice consacr e au portrait de Jacques Stella est centr e comme celle de G n alogie de la Vierge et de La Vierge tenant l enfant J sus sur les recherches pour identifier l auteur inconnu du tableau De cette discussion il est possible d extraire quelques lignes dans lesquelles une appr ciation de la valeur esth tique de l uvre est utilis e comme argument Comme en plusieurs autres occurrences Rosenthal privil gie la fougue et la rapidit de l ex cution R futant l hypoth se qu il puisse s agir d un autoportrait il ajoute En ce cas d ailleurs il lui aurait t impossible d obtenir cette ex cution franche la toile couverte dans quelques s ances et sans retouches Il y revient quelques lignes plus loin La page a une puissance une intensit une sobri t qui ont frapp tous ceux qui lont examin e elle s impose d s les premiers instants on ne l oublie pas ais ment La t te est model e avec une rare fermet la main est de toute beaut en lumi re dans l espace le reste sur un fond peine couvert est enlev avec rapidit q
57. iomph Paris et appelait donc de moindres m nagements Ecrit pour pr senter un dessin Les Joueurs de boules ce texte reprend en 1928 la substance des id es d j expos es trente trois ans plus t t sous le titre Meissonier dans une revue litt raire Nous en poss dons un tir part qui d apr s son contexte devait s intituler Revue d art et de litt rature et avoir paru vers 1895 Comme il fera plus tard dans Le Floril ge le jeune Rosenthal part du discr dit qui frappe Meissonier discr dit d autant plus extraordinaire qu il succ de une immense faveur S interrogeant sur les causes de ces vicissitudes Rosenthal attribue la faveur dont Meissonier a d abord joui une extr me acuit de vision jointe une habilet d ex cution sans gale et sa chute la prise de conscience par le public de son incapacit communiquer un sentiment ou une pens e Chez lui la pens e ne fut pas la hauteur de ce don merveilleux qu il eut d ex cuter ce qui frappe d abord c est l extr me pauvret d id es de l homme qui fut un si parfait praticien La pens e est pour ainsi dire absente de son uvre les personnages qu il nous pr sente sont des fantoches ils gesticulent mais ils n ont pas d me p 269 De l par exemple son inf riorit dans le portrait Je comprends qu il n ait pas t 29 satisfait de celui qu il fit d Alexandre Dumas car s il est impossible de d sirer une toi
58. it par rapport une thique sinon une esth tique qui mest pas la sienne Rosenthal termine par l hommage circonstanciel d l uvre Telle qu elle s offre avec son noble et lucide quilibre son envergure et sa philosophie aust re elle commande le respect Le respect pas l adh sion Vision antique p 193 194 Les critiques adress es aux options thiques et esth tiques de Puvis de Chavannes sont reprises et pr cis es l occasion de deux panneaux associ s au Bois sacr Rosenthal lui m me indique l articulation des uvres dans les termes suivants L artiste selon son temp rament et selon les poques est pr occup par ce qu il voit ou par ce qu il imagine la r alit et le r ve le vrai et l id al se disputent sa pens e Parfois il les associe parfois il est uniquement domin par l une des tendances Puvis nous les propose toutes deux Vision 37 antique et Inspiration chr tienne l art selon son propre commentaire tant compris entre ces deux termes dont l un voque l id e de la forme et l autre d id e du sentiment L antith se n est pas d une vidence limpide Pour autant que nous la comprenions Vision antique est du c t du r ve de l utopie et de la forme Inspiration chr tienne du c t de la r alit du vrai et du sentiment Ces deux sources d inspiration nous sont toutes deux propos es par Puvis de Chavannes mais en deux tableaux s par s comme si l
59. le d une pratique plus parfaite il est difficile d imaginer un portrait plus froid tous les plis toutes les rides de la face sont rendus mais la v ritable physionomie celle qui d couvre l homme int rieur n y est pas donn e p 269 Pour r sumer en une formule en charmant l il il n a pas essay de nous sugg rer une id e p 270 Meissonier fut parfois grand artiste jamais peintre de g nie p 272 273 De l encore l absence de l motion amoureuse ou sexuelle dans sa th matique Le nu est presque enti rement absent de son uvre Il d daigna ou il m connut la po sie du c ur humain L auteur crit c ur mais il pense au moins autant corps Il constate en effet qu il n y a pas d acad mies dans ses tableaux non plus que dans ses bauches Quant la femme elle joue un r le tr s restreint dans son uvre comme si ce qu il y a de moelleux et d ondoyant en elle avait cart la pr cision troite de son pinceau p 271 Pas non plus chez Meissonier de vibration ethnique sociale ou nationale On l a compar aux Hollandais mais peintre arch ologue et froid eut il les id es et les motions de ces bourgeois pris de leur rustique et tranquille libert p 272 A la condamnation qu il prononce Rosenthal ne consent vers 1895 que deux exceptions d abord les portraits de ses petites filles par l artiste chappant sa s cheresse ordinai
60. lu Honor Daumier L attente la gare p 125 126 Dans L Art et les m urs en France 1909 le chapitre sur Daumier n a pas t attribu Rosenthal qui a d se contenter de pr senter Decamps Travi s Grandville Henri Monnier et Gavarni Mais il concluait par ces lignes qui font transition avec le chapitre suivant pr cis ment consacr Daumier Dans le malaise que subirent toutes les consciences artistiques sous la monarchie de juillet quelques critiques d avant garde quelques artistes aventureux annonc rent un art qui serait le reflet de l ambiance pr sente et des pr occupations sociales Cette formule lib ratrice que l on cherchait en t tonnant les caricaturistes l avaient d j trouv e seuls les pr jug s contre un genre r put inf rieur emp chaient de s en apercevoir Tandis que peintres 17 coloristes et dessinateurs opposaient leurs doctrines formelles par les lithographies de quelques amuseurs modestes se renouait le lien entre l art et la soci t p 179 180 A d faut d avoir pu suivre Daumier dans le d veloppement complet de sa carri re Rosenthal semble avoir voulu esquisser dans ces lignes les circonstances qui avaient favoris son essor En 1909 encore dans La Gravure il caract rise en quelques mots la mani re de Daumier en lithographie bien s r mais aussi bien au del Un dessin brutal sommaire minemment compr hensif une reconstruction original
61. moins par ce qu elles repr sentent que par leur facture plut t que des tableaux ce sont des objets d art Le motif n est qu un pr texte symphonie color e Une fois n est pas coutume Rosenthal se fait le chantre d une peinture dont le m rite est de s ancrer non dans la repr sentation du monde r el mais dans la chim re de son apparence entre les quatre baguettes du cadre Transr elle sinon abstraite l uvre de Vernay n en est pas moins splendide Et pourtant Rosenthal ayant absout Vernay pour qui le motif n est qu un pr texte symphonie color e nous nous attendrions le voir donner cong ce motif jug superflu Vernay pr curseur de l art abstrait Mais est ce bien ce que Rosenthal sugg re Pas exactement Il n a pas plus t t enregistr la d r alisation du motif dans les tableaux de Vernay que s duit par une suggestion d Henri B raud il s emploie lester l uvre d un r f rent de rechange Henri B raud le remarque avec finesse et il a raison aussi de comparer ces pages tr s faites des mosa ques ou des maux on dirait encore des tapisseries Vernay en somme aurait peint des prunes qui 33 demandent tre admir es non comme des fruits mais comme des bijoux simulant des fruits La r f rence un r el repr sent n est pas annul e mais plut t recul e d un degr La pr sentation des Prunes dans Le Floril ge n est pas le s
62. n spirituelle et harmonies plastiques Suit la description du panneau c est un catalogue de st r otypes qui paraissent emprunt s des mod les classiques et en particulier des mod les sculpturaux au loin sur le rivage par une sorte de mirage des cavaliers chapp s la frise des panath n es caracolent sans avoir perdu la blancheur du marbre De ces mod les de marbre frauduleusement captur s par la toile Rosenthal se plait souligner sous une s r nit de fa ade la fonci re carence affective Le calme la paix et le repos r gnent dans ce site choisi Pourtant aucune joie n anime les personnages Aucun sourire n effleure leurs l vres Ils sont attentifs ou graves ou m me m lancoliques Ils savent sans doute que la splendeur qui les entoure ne les enivrera pas longtemps que l ge fl trira leurs corps souples que le sombre Had s les attend p 193 Comme les h ros des F tes galantes ils n ont pas l air de croire leur bonheur mais plus 38 parnassien que symboliste c est peut tre aux Po mes antiques cit s par son pouse Gabrielle que pense Rosenthal Assez t t viendront les heures cruelles ma bien aim e et la grande Nuit O nous conduirons dans l Had s sans bruit La danse des morts sur les asphod les Il pr te hardiment au g nie de Puvis s exer ant contre Puvis lui m me le m rite de cette lucidit anticipatrice du n ant Par l empris
63. n et de facture Sur le fond Seignemartin ne peut tre lou d une th matique ancr e dans le r el il tait surtout comme Guichard son ma tre d lection port vers la fantaisie le r ve les visions color es chim riques not es en esquisses tincelantes o la verve se donnait rapidement et librement cours Il en demandait des lectures Don Quichotte un Moyen Age de fantaisie les pr textes non les sujets car les significations ne l int ressaient gu re Sur le plan de l ex cution il ne s est pas montr un ouvrier exigeant ainsi non seulement l uvre pr sent e Le Page ou Les Jouvenceaux est elle caract ristique du lyrisme ing nu des badinages auxquels se complaisait Seignemartin mais encore la libert de son pinceau y appara t peu soucieux d exactitude large sans redouter l impr cis C est encore un loge bien ambigu que celui que lui adresse Rosenthal d avoir en dix ann es refait le parcours de trois quarts de si cle de peinture Ses plus anciennes toiles se rapprochent parfois d une fa on frappante de Delacroix et on les croirait peintes cinquante ans plus t t puis comme s il devinait que la vie lui tait mesur e il volue avec une rapidit extr me sa 31 couleur se d compose en gemmes il est tout pr s de Monticelli qu il n a pas connu Enfin Alger o il rencontre Lebourg dont il oriente le talent il se passionne pour la grande lumi
64. n principe de moyen fin Il est donc permis de s interroger sur la corr lation ventuellement tablie par Rosenthal entre tel type de facture et tel type d inspiration Dans quelques cas assez rares cette corr lation est clairement affirm e Ainsi propos du Portrait de Mlle Gauthier Lathuille Rosenthal reprend son compte une notation selon laquelle Tout le portrait d un coloris mat t moigne d une m lancolie attachante De m me chez Gauguin les verticales dominent qui conf rent une sorte de solennit hi ratique tout concourt donner l il une impression de repos Rosenthal avait crit dans son G ricault que Rubens clama it que la correction froide le c de aux belles audaces que la vie doit se traduire par des images vivantes que le bruit du monde l gitime le tapage des couleurs p 21 Dans Le Floril ge il juge de m me propos de Saint Fran ois et Saint Dominique que La composition pourrait tre produite en exemple du mouvement de la turbulence et de l unit vivante du style baroque organis e en surface et dans l espace par rythme complexe de lignes tumultueuses de volumes contrast s d accords color s et lumineux Dans d autres cas le moyen devient sa propre fin et la facture au lieu de servir une inspiration distincte d elle devient pure facture Quand Rosenthal crit du m me tableau de Rubens Le morceau est magnifique effet obtenu comme
65. ns dit quels ajustements l auteur s tait contraint pour pr senter sous un jour favorable certains peintres lyonnais dont la r putation n exc dait pas les limites de leur ville natale Dans le cas de Meissonier mais pour d autres raisons l ajustement alla jusqu une franche palinodie Sous ces r serves un essai de classement par genres donnerait peu pr s le r sultat suivant Sujet religieux e G rard David G n alogie de la Vierge e Quentin Metsys La Vierge tenant l enfant J sus e Rubens Saint Fran ois saint Dominique et plusieurs saints pr servent le monde de la col re de J sus Christ 42 Portrait e Portrait de Jacques Stella e Jacques Louis David Une mara ch re e G ricault La Folle e Manet Portrait de Mlle Gaultier Lathuille e Puvis de Chavannes Portrait de Mme Puvis de Chavannes e Courbet Les amants dans la campagne double portrait Paysage e Corot La moisson dans la vall e e Carrand Bord de rivi re Nature morte e Berjon Les Raisins e Vernay Les Prunes Nu e Delacroix Femme caressant un perroquet Sc ne de la vie quotidienne e Daumier L attente la gare e Courbet Les amants dans la campagne e Meissonier Les joueurs de boules e Guichard Bal la pr fecture sous le Second Empire Exotisme e Gauguin Nave nave mahana Jours d licieux All gorie e Puvis de Chavannes Le Bois sacr cher aux Arts et aux Muses Vision antique Inspiration
66. ns merci la d gradation de l tre humain est plus impressionnante que les vocations passionn es de Delacroix et m me de Goya L effacement devant l autorit des faits vaut mieux que tout pathos aucun agr ment parasite aucune recherche susceptible de faire valoir l artiste au risque de distraire le spectateur et de diminuer la port e de l uvre Qu entendre par agr ment parasite par recherche susceptible de faire valoir l artiste Qu entendre quand dans Notre mus e Rosenthal affirme propos du m me tableau Aucune mise en sc ne p 96 O commence la mise en sc ne La concentration du portrait sur la t te du mod le et dans cette t te sur l expression physionomique et quelques d tails vestimentaires n est elle pas de l ordre de la mise en sc ne Et cette mise en sc ne qui met en valeur le mod le n est elle pas aussi pour l artiste un moyen aussi l gitime qu in luctable de se faire valoir Mais Rosenthal ne consid re visiblement pas comme faisant partie de la mise en sc ne ces l ments de la 10 composition il les renvoie ce qu il consid re comme la r alit objective du document Le m rite de G ricault se r duirait sur ce point la lucidit terrible et la sinc rit qui le rend capable de dresser proc s verbal du fait consign Ayant ainsi fait dispara tre l auteur derri re l objectivit du proc s verbal Rosenthal se trouve confront
67. nt Il l a fait avec le souci scientifique qui le guidait dans ses tudes peintes d apr s des fragments anatomiques avec ce m me instinct qui le poussait noter exactement quand il pr parait le Radeau de la M duse les alt rations morbides ou la d composition cadav rique En 1907 d j dans son G ricault l auteur avait affirm avec insistance le primat chez l artiste de la curiosit scientifique sur tout y compris la vocation artistique sur le lien de cette curiosit avec une conception r aliste de l art et sur une orientation pr f rentielle de ce r alisme vers les pathologies humaines adolescent ce qui sommeillait en lui ce n tait pas un po te lyrique c tait un savant Il est facile de pr juger les pr dilections que devait entrainer une telle inclination par la pr dominance de l esprit scientifique la porte tait ouverte au r alisme p 27 Un peu plus tard l instinct scientifique qui sommeillait en lui se r veilla Il se posa ce probl me la repr sentation plastique des d formations morbides et il s y donna avec la fougue qu il apportait en tout p 84 Arrivant l ge adulte Il s appuie sur une tude scientifique de l anatomie qui soutient toutes les audaces et les justifie p 138 et c est ainsi que sa passion de la r alit l a amen examiner de pr s toutes les tares toutes les d formations physiques qui assi gent le corps humain p 141 Rester
68. oire de la peinture mais d un corps admirablement model le cou bien attach sur les paules tombantes le sein arrondi la courbe du bras droit accompagnant la courbe exquise du ventre le magnifique allongement des cuisses et des jambes On ne sait bient t plus si ce corps est d crit sur la toile ou imagin dans l atelier du peintre A ce blason l auteur ajoute en son nom propre certains volumes un peu forts sur lesquels il serait d licat d insister et qui nous dit il rappellent le caract re de Mademoiselle Rose un mod le favori de l artiste cette poque De l vocation du corps de Mlle Rose clef sugg r e de la crise travers e par Delacroix Rosenthal passe la transfiguration du th me inspirateur par la magie de la facture sont mentionn es l arabesque des lignes qui d termine 13 un rythme impr vu la saveur presque unique chez Delacroix rare d une fa on absolue de son harmonie De ce beau corps orchestr dans les velours les soies et les satins Delacroix a d gag une symphonie claire o dominent les notes froides Les rouges malgr l importance du manteau qui enveloppe l Odalisque sont subordonn s Les gris bleus les jaunes l or p le dominent Par une rencontre impr vue on songe ici Vermeer Sont encore not es la virtuosit d un pinceau libre et large et les hachures color es sur le coussin de pied qui restent visibles sur la photographie
69. onde ou de troisi me main peut tre d apr s Fromentin citant Lacordaire Il semble en particulier ignorer le r le actif de Saint Fran ois pourtant nomm dans le titre du tableau avant saint Dominique lui m me et destin subsister seul dans une autre version de la sc ne peinte par Rubens vers 1633 pour les R collets c est dire une branche des Franciscains de Gand La possibilit d une rivalit entre les deux ordres mendiants et le d ni de cette rivalit dans notre tableau n a pas retenu l attention de Rosenthal non plus que la raison d tre de plusieurs autres saints dont l efficacit n est pas vidente On comprend que notre commentateur se soit prudemment abstenu de commenter le contenu th ologique de l exemplum Dans sa perspective la port e religieuse de l uvre doit rester hors champ dissoute dans l apport de Rubens la peinture europ enne Reste savoir si la n gligence du d tail anecdotique ne risque pas de se r v ler pr judiciable la compr hension g n rale du tableau Examinons ce point Selon l auteur la composition s ordonne en deux registres qui se superposent moins qu ils ne s quilibrent en une diagonale fulgurante le Christ et la Vierge en haut et gauche r pondant saint Fran ois et saint S bastien en bas et droite Admettons la validit de cette structuration A tout le moins on observera qu elle fait la part belle saint S bastien et m conna
70. politiques L Ex cution de Maximilien La Barricade Guerre civile Exceptions sociales Le Liseur La Convalescente Le Christ aux anges On peut se demander pourquoi il n avait pas allong cette liste jusqu y inclure la totalit de l uvre peinte ou grav e de Manet Il montrait en effet fort bien sur l exemple d Olympia que l absence ou l ambigu t d indices physionomiques posturaux 24 vestimentaires environnementaux loin de d courager la curiosit psychologique du spectateur ne peut que l attiser Il a surpris dans ce corps d nud dont il scrutait le caract re visible tout un ensemble de secrets muets qu il nous a livr s par surcro t et sans s y arr ter lui m me De ces secrets po tes et litt rateurs amis et ennemis se sont empar s Ils ont impos un nom l image et lui ont cr une signification Manet aquafortiste et lithographe p 135 136 On ne saurait mieux dire mais non plus mieux condamner sa propre incons quence que fait Rosenthal dans sa pr sentation du Portrait de Mile Gauthier Lathuille sinon se comporter en litt rateur ou po te et projeter sur une uvre qui s y pr te plus ou moins et d ailleurs en l occurrence plut t moins que plus une interpr tation que Manet a peut tre laiss e possible mais qu il n a pas impos e Paul Gauguin Nave nave mahana Jours d licieux p 141 142 Lorsqu il a pris au printemps 1924 ses fonctions de directeur des mus es
71. posants sous l angle de leur valeur plastique Muses et Arts sont d sign s de la fa on la plus discr te le spectateur peut ne pas les reconna tre il a devant lui group es avec une science souple et libre de jeunes femmes dont le visage pur et noble le corps harmonieux et robuste model sans ombres ressenties les tuniques claires sauf celle de la Trag die s associent avec la prairie fleurie le lac et le feuillage en une symphonie att nu e mais non d color e toute en nuances en un accord intime avec la signification morale de la page Le manque d enthousiasme transpara t pourtant dans certaines notations descriptives faites sans commentaire ou au contraire accompagn es d une ex g se trop appuy e Ainsi la suivante un enfant offre la Peinture des fleurs symbole des th mes favoris de l art lyonnais Pour qui sait ce que pense Rosenthal de cette sp cialit lyonnaise qu est la peinture des fleurs il y a dans le d chiffrement de ce symbole qui a effectivement quelque chose d enfantin une pointe d ironie et comme une pine laiss e la rose offerte La vraie position de Rosenthal affleure dans la conclusion On pourrait opposer d autres sentiments cette conception hautaine th r e sinon abstraite qui s pare l art de la vie ne semble concevoir le Beau qu en dehors du mouvement et ne conna tre que les vertus classiques Se contentant d avoir sugg r les distances qu il prena
72. ppuyer que ce n est pas ce que Puvis a choisi de faire Puvis de Chavannes entreprit de c l brer le charme et la dignit de cette oasis si proche et si loign e des bruits du monde Au lieu de c l brer l union de l industrie et des arts l artiste l ve un mur entre eux il exalte les arts comme un antidote aux m faits de l industrie L id e ma tresse est d velopp e par le Bois sacr Un beau parc qu ombragent des arbres h ro ques le laurier le pin et le ch ne est envelopp par d paisses frondaisons qui l isolent et le d fendent contre l agitation et les soins mat riels Le bois lui m me et les symboles qui lui sont associ s personnages mythologiques et all gories sont identifi s et analys s avec sobri t consciencieusement quoique sans enthousiasme particulier La description insiste sur l atmosph re paisible de la sc ne le calme des attitudes la lenteur des mouvements Le soir tombe propice au recueillement la lune se refl te 36 dans les eaux d or d un lac tranquille Et voici que des airs descendent lentement Euterpe et Erato la po sie intime et la musique liens du ciel et des mes Assise l cart notre gauche Melpom ne s absorbe en de tragiques pens es Partout ailleurs r gne la paix Sans contester ouvertement l int r t de l appareil mythologique et de ses all gories Rosenthal choisit d en diminuer l int r t et de se borner en appr cier les com
73. pure facilement lisible la coloration effac e assujettie au dessin qui ont toujours pr valu dans le sentiment national p 223 D o en peinture comme dans les lettres la r action n oclassique C est le moment du triomphe d Ingres et de son cole Tous font effort pour retrouver la clart lin aire l harmonie simple et ram nent leur inspiration aux sujets antiques C est dans ce contexte qu il convient de replacer la p riode que Rosenthal d signe comme la crise de grand style de Corot Celui ci peignant la campagne romaine en compagnie de Bertin et d Aligny a rapport d Italie une formule nouvelle celle du paysage classique que l on pourrait d finir le paysage italien vu par un il fran ais p 225 Et pour faire comprendre ce qu il entend par l Rosenthal choisit l exemple d Agar dans le 15 d sert Cest un paysage compos mais non l aide de formules ou de recettes l artiste a dans l expression d sir l ampleur Ampleur des masses solidit des terrains quilibre des formes dessin es composent une uvre sobre s v re d inspiration tout ensemble personnelle et classique La couleur brune s che pre sinon d sagr able a t visiblement d pouill e par parti pris de tout agr ment C est une comparse qui ne doit pas usurper l attention Au premier plan des falaises rocheuses au loin des rochers composent des accords solennels Dans cet art le ch ne
74. r ci e de fa on tr s diverse pour Riat c est une fort jolie fille au d licat et po tique profil Estignard estime au contraire qu elle est d pourvue compl tement de distinction et d l gance et cet avis avec des att nuations me para trait plus voisin de la v rit Beaut remarquable de Courbet attest e par ses contemporains et non d mentie par ses portraits destin aventureux de la bourgeoise d chue l importance donn e aux informations de type romanesque concernant les protagonistes est un trait frappant de cette notice Comme dans le cas de la Mlle Rose de Delacroix Rosenthal est content de pouvoir mettre un pr nom Jos phine sur le visage de la dame comme dans le cas de Mile Rose encore l valuation de son attrait physique est d l gu un coll ge d experts l auteur lui m me vitant de trop s impliquer L enracinement de la sc ne figur e et de ses protagonistes dans un r el historique d t il s agir en l occurrence d une simple histoire d alc ve fait corps avec l appr ciation proprement artistique de l uvre Le commentateur n oublie pas le prix sentimental attach par Courbet ce tableau et nous fait savoir qu il le conserva jusqu sa mort La troisi me partie est consacr e l valuation picturale de l uvre sous le double rapport de l inspiration et de la facture Quand Rosenthal parle de Courbet c est d ordinaire pour louer son m tier impeccable mais tout
75. re les blancs clatants On lit entre les lignes un grief de versatilit ou du moins d immaturit Mais Seignemartin aurait il m ri Une rh torique d oraison fun bre d guise peu de frais les doutes du pr sentateur Qu aurait il donn De grandes choses sans doute il est h las vain de former des conjectures Rosenthal ne conc de finalement Seignemartin qu un m rite et ce m rite il le doit la ville o il est n On peut en effet d celer dans Le page une certaine gravit d accent un m lange de tons froids parmi une ambiance chaude o l on peut reconna tre une marque du temp rament lyonnais Louis Hilaire Carrand Bord de rivi re p 173 174 En d pit des apparences l auteur est plus int ress par la personne et l uvre de Carrand que par celles de Berjon de Guichard ou de Seignemartin Non cause de ses qualit s d ouvrier car ses uvres achev es sont m diocres mais cause de l inspiration singuli re laquelle il s est vou corps et me La notice trouve pour profiler le personnage et son labeur des mots justes qui font regretter que L on Rosenthal n ait pas pers v r dans la voie de la nouvelle naturaliste o sa sortie de Ecole Normale il semble avoir r v de mener une carri re parall le De Carrand il crit C est qu il trouvait dans la peinture des joies ineffables Il s y livrait toutes les fois que son bureau le lui permettait part
76. re pour pratiquer l art d tre grand p re ensuite la s rie des tableaux consacr s l pop e napol onienne Cette vision tragique d une foule immense anim e par une volont dont elle ignorait les desseins s offrit Meissonier puissante intense obs dante c est elle qui provoqua les toiles intitul es 1806 1807 1814 cr ations de g nie qu il faut s parer et lever bien au dessus du reste de son uvre p 270 Faisons un saut de trente ans Le principe m me du Floril ge oblige Rosenthal trouver dans le Mus e de Lyon une uvre propre convertir en loge sans trop se d juger les termes de ce br lot de jeunesse Les joueurs de boules en fournissent l occasion Certes les griefs anciens sont r it r s dans leur g n ralit La v rit de d tail impeccable implacable qui merveilla plusieurs g n rations nous est devenue odieuse d s le premier jour quelques critiques clairvoyants en condamnaient les exc s nous en repoussons le principe m me et n admettons plus que la peinture se fasse la rivale de la photographie Ailleurs Les sujets sur lesquels l artiste exer a sa virtuosit patiente anecdotes du XVIIIe s sc nes militaires vocations de Napol on nous laissent indiff rents On le comparait aux petits ma tres hollandais nous les admirons plus que jamais et 30 Meissonier est oubli parce que s il imita plusieurs de leurs allures son art est artificiel
77. s int r ts ou pr f rences de leur auteur Il faut bien entendu tenir compte de l exiguit du corpus et des circonstances diverses qui ont pr sid sa composition Au premier rang la pr sence ou l absence d une uvre repr sentative de tel ou tel artiste au mus e de Lyon ensuite si telle uvre suffisamment repr sentative est disponible de la d cision de Rosenthal soit de s en charger soit de la confier un autre plus comp tent ou plus d sireux de s en saisir Il est par exemple compr hensible que le soin de pr senter la sculpture antique ait t confi Charles Picard que Henri Focillon ait h rit d un relief roman d une c ramique extr me orientale et surtout en sa qualit de pr d cesseur la direction du mus e de L homme qui marche de Rodin De m me encore appartenait de droit Edouard Herriot le buste de Mme R camier par Chinard Et nous avons signal au passage les raisons diplomatiques qui avaient pu conduire Rosenthal lui m me prendre en charge une partie des artistes lyonnais M me compte tenu de ces contraintes la concentration des choix de Rosenthal sur la peinture fran aise du XIX s est un fait frappant Il n a opt pour aucune uvre italienne ou espagnole n a touch la Flandre que par deux uvres du XV s et par un Rubens A part cela laissant peut tre regret P P Prudhon Jean Guiffrey se r signant sans doute facilement confier S Rochebla
78. sent s par Rosenthal dans Le Floril ge Guichard n est pas celui qu il pr f rait mais celui peut tre qui lui paraissait le plus facile sauver La notice commence par plusieurs observations montrant en Guichard un type d artiste talentueux et sympathique aur ol du prestige d avoir servi de ma tre Berthe Morisot mais chouant parce qu incurablement boh me et incapable de continuit dans l effort Il avait disait Chenavard le g nie de l esquisse Sur un bout de toile en quelques coups de pinceaux condition de ne pas tenter d aller plus loin il se montrait l gal des ma tres les plus grands les plus audacieux car toujours r ceptif il pressentait les v rit s en gestation et participait au travail d enfantement de l impressionnisme De menus chefs d uvre au Mus e le montrent mule tour tour de Delacroix Diaz Fantin Latour ou Monticelli Fable litt rature religion l inspiraient plus rarement la r alit La r alit qui est selon Rosenthal la pierre de touche de l artiste vraiment sup rieur Mais si la r alit n a que rarement inspir Guichard le Bal la Pr fecture constitue une exception qui montre quel artiste Guichard plus disciplin aurait pu devenir De ce tableau Rosenthal souligne d abord l int r t th matique puis la virtuosit technique 28 L int r t th matique ll y d ploie les plus fines qualit s d observateur note avec l acuit d
79. si des tudes post rieures ont fait avancer notre connaissance de ce portrait et l identification de son auteur Quoi qu il en soit s en tenir aux informations rapport es dans cette notice on peut conclure ceci le portrait connu sous le titre Une mara ch re est celui d une inconnue entre deux ges de condition populaire et de profession ind termin e Il a t peint dans les derni res ann es du XVIIIe s par un artiste aussi inconnu que son mod le Rosenthal n avait en 1928 pour tayer la biographie du mod le d autres donn es qu une figure sur la toile la tradition qui attribue au mod le la profession de mara ch re et la supposition qui d signe Jacques Louis David comme l artiste r alisateur Cette triple hypoth se lui a donn l occasion de brosser en arri re plan du tableau un fragment de l pop e r volutionnaire de lAn II telle que pouvait la concevoir un lecteur assidu de Michelet et de Victor Hugo Th odore G ricault La Folle p 109 110 Relatant les circonstances dans lesquelles G ricault a con u le portrait de La Folle Rosenthal explique que l artiste a peint pour son ami le Dr Georget m decin chef la Salp tri re dix tudes dans lesquelles il s attachait fixer des physionomies typiques d ali n s Il ajoutera que G ricault ne s tait propos ni de nous apitoyer ni de susciter l horreur Il n a apport ici aucune intention dramatique Il a voulu fixer un docume
80. ss riau L Art et les artistes romantiques p 138 139 Il n y a donc pas s tonner si du portrait de Mme Puvis Rosenthal remonte instantan ment au merveilleux dessin que Chass riau fit quelques d cennies plus t t de la Princesse Marie Cantacuz ne Le Bois sacr cher aux Arts et aux Muses p 189 190 On n attaque pas Puvis alors au z nith de sa gloire L hommage que le Floril ge se doit de rendre un natif de Lyon et une uvre qui fait corps avec le mus e interdit une critique ouverte Mais que pense au fond Rosenthal de cette composition Rappelant la mission confi e Puvis de Chavannes de d corer le nouvel escalier du mus e de la Ville de Lyon Rosenthal extrait de la position topographique du Mus e sa signification symbolique Au c ur d une cit active industrielle et riche notre Mus e oppose ou associe aux pr occupations tr pidantes de la vie conomique les joies et les repos de la d lectation spirituelle La phrase est curieuse car pourquoi oppose ou associe L auteur pose en fait une alternative entre deux programmes possibles optant l un pour l association l autre pour l opposition Le premier e t t le sien le second fut celui de Puvis Selon Rosenthal en effet l esprit de la composition command e requ rait un hommage Lyon et son mus e en tant qu ils r alisent au c ur de la cit l union f conde de l industrie et des arts Mais il constate sans a
81. stion et administration de preuve Mais la puissance inou e du pinceau de G ricault ne saurait garantir la valeur documentaire de son information et encore moins lui conf rer un privil ge de r v lation ontologique Le vrai probl me r soudre serait de comprendre comment cet homme intelligent et droit form aux exigences de la m thode historique a pu sous le couvert du r alisme s accommoder de tels sophismes Eug ne Delacroix Femme caressant un perroquet p 113 114 Ayant pris en charge la pr sentation d une uvre de Delacroix Rosenthal aurait pu arr ter son choix sur quelque tableau de taille imposante tel que Mort de Marc Aur le entr au Mus e de Lyon depuis cinquante ans Il a pr f r une peinture de dimension beaucoup plus modeste la Femme caressant un perroquet 12 Pourquoi ce choix Bien que d une r daction touffue le premier alin a de la notice consacr aux circonstances qui ont pr sid la conception de l uvre le laisse deviner Si la Mort de Sardanapale avait t visible Lyon et non au Louvre c est cette uvre qui e t t retenue Non par int r t pour le satrape assistant sans tressaillir la destruction des tr sors uniques dont il avait orn une vie de faste et de volupt L Art et les artistes romantiques p 112 mais cause de la jeune femme qu on voit au premier plan de dos cambr e par la poigne de l gorgeur En cette uvre exceptionnelle
82. sup rieure la minutie analytique de Denner Rosenthal tend lui attribuer une port e euristique intrins que On sait pourtant que l amour passionn des chevaux et leur observation attentive n a pas emp ch G ricault de se tromper quand il a voulu les repr senter courant le Derby d Epsom Notre commentateur le savait aussi Aujourd hui nous savons comment un cheval court nos contemporains ont utilis des documents scientifiques pour tracer des images qui nous ont d rout s d abord auxquelles nous nous sommes accoutum s pr sent et les chevaux de G ricault nous apparaissent faux et fig s G ricault p 112 113 Le cas de La Folle est il diff rent Pour commencer qui nous garantit la validit du diagnostic cat gorisant cette femme comme monomane de l envie Cet tiquetage n a pu rester sans effet sur le regard que portaient d abord G ricault sur son mod le puis Rosenthal lui m me sur l uvre de G ricault Aujourd hui que l arsenal conceptuel des ali nistes a volu ressentons nous au m me degr le sentiment d abjection qui nous est dit maner de cette malade ou si nous le ressentons est ce avec la m me bonne conscience Car cette femme n est apr s tout qu une malheureuse r agissant aux frustrations qui l accablent avec les m canismes de d fense dont elle dispose Il est trop vident que Rosenthal s exprime dans cette notice comme s il acceptait d assimiler puissance de sugge
83. t s positivement ou n gativement e inspiration positive facture positive e inspiration positive facture n gative e inspiration n gative facture positive e inspiration n gative facture n gative Entre l art pour l art h rit de sa culture de jeunesse parnassienne ou baudelairienne et son culte du progr s toile de fond commune au XIX s et fix e en ce qui le concerne dans un socialisme patriotique il n appara t pas que L on Rosenthal ait jamais pu ou voulu choisir C est un aspect de la complexit qui nous le rend attachant Claude Bremond Directeur d tudes retrait de l EHESS Paris 47
84. t qu il e t peu de tendresse pour le gothique Il partageait certainement le pr jug encore courant autour de lui qui attribuait aux Italiens seuls la renaissance des arts Selon la seconde il aurait d valoris la France en raison m me de la plus minente de ses qualit s ternelles Peut tre encore le g nie quilibr la foi souriante de la France se seraient ils mal pr t s l id e de renoncement et d asc tisme qu il voulait d velopper Rosenthal on le voit ne consid re pas Puvis comme le repr sentant d un christianisme souriant et c est en somme parce que le sourire de l ange de Reims ne lui convenait pas qu il aurait refus de localiser la sc ne en France Cela dit on ne voit gu re en quoi l Italie dans cette hypoth se pouvait mieux lui convenir car l Italie de Boccace et de saint Fran ois souriait aussi A supposer que Puvis ait eu une raison particuli re de choisir l Italie contre la 40 France supposer encore qu il e t r ellement consid r la France m di vale comme une terre de barbarie il a pu encore choisir l Italie en pensant que celle ci dans ses clo tres pr servait l tincelle de spiritualit qui allumerait bient t la grande flamme de la Renaissance Le proc s que lui fait L on Rosenthal para t assez mal engag De la vingtaine d uvres dont Rosenthal a sign la pr sentation dans Le Floril ge quels traits saillants pouvons nous d gager t moignant de
85. te d inqui tude avec d fiance avec d fi Le visage ravag par les ans et les peines elle garde une sorte de noblesse fruste Le mouchoir qui enserre ses longs cheveux gris a presque l aspect d un diad me Cette description est elle sans parti pris Le visage est certes ravag par les ans et les peines son expression est fruste mais a t il gard une noblesse aussi vidente que celle que Rosenthal y d c le La comparaison du mouchoir qui enserre les cheveux avec un diad me viendrait elle l esprit d un observateur qui ne serait pas pr dispos sacraliser le mod le comme une reine du Peuple antith tique de celle dont la t te vient de tomber Une hypoth se en nourrissant une autre le pr suppos qui fait de la mara ch re une actrice des temps r volutionnaires fortifie celui qui d signe sans aucune preuve David comme l auteur du tableau Portrait fortement caract ris o s incarnent tout ensemble une classe une race une poque image vraie et image symbolique ainsi que M Focillon le remarque avec justesse on ne saurait aller plus loin dans l effort de v rit et dans l intelligence de l me populaire L artiste comprenait et aimait le peuple et il partageait les passions de son mod le Ayant valid l une par l autre l identification du mod le et celle de l artiste l auteur l ve la mara ch re la dignit d un arch type et proc de par une s rie d extrapolations hardies
86. ubordination et de rythme A l analyse on admire un fin paysage on aper oit derri re la Vierge dans une glise gothique une sorte de ch ur mystique mais cela et le cadre architectural les statues des proph tes et les anges musiciens eux m mes se laissent oublier seule compte la Vierge debout dans son ample manteau d un blanc cr me Recueillement et sens plastique Quentin Metsys est pr t pour recevoir la le on de L onard Pierre Paul Rubens Saint Fran ois Saint Dominique et plusieurs saints pr servent le monde de la col re de J sus Christ p 53 54 Command pour l autel de leur glise par les Dominicains d Anvers le tableau d sign par ce titre profus illustre un exemplum m di val que plusieurs versions dont une dans la L gende dor e nous ont transmis Il s agit d une vision de saint Dominique le Christ indign par la corruption de la terre brandit trois lances sans doute dirig es contre trois p ch s capitaux La Vierge interc de aupr s de son fils et l apaise en lui d signant Dominique comme champion de la r g n ration du monde Le Christ ne voulant pas tre en reste montre son tour la Vierge Fran ois qu il d cide d adjoindre Dominique Le lendemain saint Dominique rencontre saint Fran ois qu il n avait encore jamais vu et le reconna t comme celui qui dans sa vision lui a t adjoint comme fr re d armes Rosenthal ne connaissait apparemment l histoire que de sec
87. uelques touches exp ditives et justes suffisent faire jouer un velours Ces m rites sont essentiellement d ordre pictural Rosenthal leur adjoint ou semble leur adjoindre des qualit s de psychologue Que dit le texte Le morceau est de main d ouvrier il est aussi d un p n trant observateur Il r gne dans cette physionomie grave et m me chagrine une ardeur singuli re les yeux semblent scruter l me du spectateur Mais qui est donc cet observateur p n trant Est ce le mod le ou l artiste Les qualit s psychologiques attribu es l artiste sont en fait induites de celles que son pinceau a pr t es au mod le Rosenthal examine ensuite mais pour les rejeter l un apr s l autre les divers peintres envisag s comme auteurs possibles du portrait Poussin Simon Vouet Bourdon Franz Hals Mais Poussin ne peint pas dans ce style et a cess le portrait Vouet est trop en dehors et inconsistant Bourdon aurait eu cette finesse mais son pinceau est moins arr t Quant Franz Hals L expression est digne de lui mais la facture pour libre qu elle soit para t timide aupr s des hardiesses elliptiques du peintre de Descartes En d autres termes l auteur de Jacques Stella a montr du talent mais ses audaces ne sont quand m me pas celles d un g nie Jacques Louis David Une mara ch re p 101 102 Dans Notre mus e Rosenthal pr sente dans les termes suivants l volution q
88. ui tendit un moment faire d vier Jacques Louis David de son classicisme proclam vers une forme de r alisme porteuse d avenir Cette doctrine intransigeante qui s parait l art de la r alit a t battue en br che par les v nements La R volution d abord puis l Empire ont fascin les peintres et ont requis leurs pinceaux Jacobin conventionnel montagnard David oublie ses th ories et donne libre jeu son g nie r aliste quand il c l bre Marat assassin La R volution comme jadis la Renaissance exalte les individus et r clame des portraits David portraitiste fixe en toute sinc rit et avec une p n tration passionn e des physionomies qu il l ve sans parti pris jusqu au type p 88 Sans parti pris On se demande dire vrai quel sens on peut donner ces mots quand la passion r volutionnaire fait vibrer la main qui tient le pinceau L auteur cr dite David portraitiste de sinc rit mais cela ne suffit pas Il attribue la passion qui anime David la facult de s lever de la physionomie individuelle au type universel mais n est ce pas confondre la passion r volutionnaire avec la recherche de la v rit Le m me doute peut tre mis concernant sa pr sentation de La mara ch re dans Le Floril ge Les premi res lignes d crivent l attitude de l h ro ne et l expression de son visage Les bras crois s la t te haute la mara ch re regarde de c t avec une sor
89. un quelconque Jupiter tonnant Il voit le manteau bleu d color de la Vierge soulev par on ne sait quel vent de temp te comme si l on devait s tonner que la fin imminente du monde s accompagne de bouleversements m t orologiques de grande ampleur On peut encore regretter que la raison d tre non seulement plastique mais narrative et dramatique des autres saints n ait pas t mise en question n y aurait t il pas lieu d opposer l intervention active et r solue des deux fondateurs d ordres mendiants l imp ritie des assistants agglutin s autour d eux L un peut tre saint Ambroise a t d rang dans sa lecture et semble s interroger sur la cause de ce brouhaha deux autres S bastien et Georges sont des militaires portant les insignes de leurs exploits pass s mais d pass s par les formes modernes du combat sainte Catherine regarde d un oeil plus curieux qu angoiss le serpent de l h r sie qui enserre le globe dans ses anneaux tous les autres regardent en l air les yeux fix s sur Marie avocate des causes d sesp r es comme s il n y avait rien d autre faire qu attendre la suite des v nements La description de Rosenthal rel ve juste titre l importance du manteau noir de saint Dominique dans la composition du registre inf rieur mais cette importance n est relev e qu au point de vue du traitement des couleurs Elle ne d gage pas la signification narrative du geste par lequel le
90. ve L Odyss e d Ingres accrochant une allusion Chass riau gr ce Puvis de Chavannes il s est fid le la ligne de ses recherches depuis 1904 concentr sur l volution de la peinture fran aise au XIX s jalonn e par les noms de David G ricault Delacroix Corot Daumier Courbet Manet et il a achev son parcours en poussant dans l impressionnisme une pointe inattendue vers Gauguin comment avec une volont d ouverture m ritoire Pour la pr sentation des artistes fran ais dont il se chargeait il a pu notamment mettre contribution ses publications pass es un article sur Meissonier qui peut dater de 1895 son David de 1904 son G ricault de 1905 les passages relatifs Corot d une conf rence sur Le paysage romantique 41 ant rieure 1908 son Daumier de 1912 son Manet aquafortiste et lithographe de 1925 et naturellement pour Delacroix et Courbet Du romantisme au R alisme paru en 1914 La remarquable permanence des convictions esth tiques de Rosenthal sur une dur e de trente cinq ans lui rendait la t che ais e trop ais e peut tre si l on pense aux r dactions manifestement h tives des notices concernant Corot ou Daumier Il a pu aussi profiter de la mise au point de ses id es et surtout de leur formulation condens e auxquelles il se livrait simultan ment pour L Art et les artistes romantiques et pour Notre Mus e deux ouvrages parus en 1928 la m me ann e que Le Floril ge Notr

Le Florilège : présentation par Léon Rosenthal de vingt peintures du

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