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L`État subsidiaire - Académie des sciences morales et politiques

1. conomie mais la multiplication du nombre des fonctionnaires est tr s n faste un pays postulat anti socialiste la seule solution pour instaurer la justice sociale mane donc de l organisation corporative Le discours officiel ne cesse pas de pr ner l initiative priv e et de se d fendre de centralisation conomique et administrative Pourtant les corporations sont cr es par l Etat et plus int ressant encore PEtat est cens repr senter les int r ts corporatifs et aussi et surtout les int r ts de ceux que la corporation oublie les consommateurs Cette pr tention la repr sentation imm diate est caract ristique On retrouve cette repr sentation donn e d avance et d cr t e dans les th ories marxiste et nazie le parti repr sente le peuple et dans la th orie politique de l Islam le calife repr sente la communaut des croyants Cette osmose plut t que repr sentation qui suppose m diatet et passage laborieux et imparfait du repr sent au repr sentant est irr elle mais justifie l tatisme Le pouvoir mussolinien se d fend d tre cono miquement tatique mais se targue de totalitarisme Dans le discours du 14 novembre 1933 annon ant que la Chambre des d put s doit tre dissoute et remplac e par une chambre corporative le duce r clame un Etat totalitaire c est dire PEtat qui absorbe en soi pour les transformer et les rendre puissants tou
2. 1 Somme th ologique L I1 qu 64 art 2 3 Droit naturel 1 p 313 NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 135 nisme le plus corrompu On peut regretter que Taparelli ne distingue pas mieux ici la morale et le droit ce qui engendre des confusions En tout cas cette infor mation de l action politique par la morale cette justification de l intervention de PEtat pour une communaut de bien tre rappelle les pr suppos s du socialisme La diff rence est pourtant profonde Elle porte la fois sur les finalit s exactes de l action politique et sur les moyens de les poursuivre En ce qui concerne les finalit s le but de l action politique est ici de r aliser dans l existence la dignit essentielle de l homme tandis que pour le socialisme elle est de r aliser P galit Si la r alisation de la dignit de tous r clame n cessairement de prendre aux uns pour donner aux autres elle contredit l galit comme valeur puisqu elle int gre la capacit d panouissement personnel maximal La redistribution ne doit pas contredire cet panouissement puisqu elle se fait moins en confisquant les biens des plus capables qu en incitant les actions de ceux ci servir le bien commun En ce qui concerne les moyens l Etat se garde bien ici de s ing rer directement dans l action de solidarit sauf en cas de n cessit pressante Mais c est par des lois incitatrices qu il suscite le d veloppement des soli
3. Droit l gislation et libert Paris PUF 1973 3 vol 230 L TAT SUBSIDIAIRE Hegel F La constitution de D Allemagne Ecrits politiques Paris Champ Libre 1977 Philosophie du droit Paris Vrin 1986 Hengstenberg H E Philosophische Begr ndung des Subsidiarit tsprinzip Sammlung Politeia Heidel berg K Verlag 1953 p 19 44 Herzog R Subsidiarit tsprinzip und Staatsverfassung Der Staat 1963 2 Band p 399 423 Heyde L berlegungen zum Subsidiarit tsprinzip in der Socialpolitik Festgabe f r G Jahn Berlin 1955 P 99 106 Hoffmann Becking M Die Begreuzung der Wirtschaftlichen Bet tigung der ffentlichen Hand durch Subsidiarit tsprinzip und bermassverbot Fortschritte des Verwaltungrechts Festschrift f r Hans J Wolf Munchen 1973 p 445 462 Humboldt W de Essai sur les limites de l action de l Etat Paris Germer Bailli re 1867 Isensee J Subsidiarit tsprinzip und Verfassungsrecht Berlin Duncker amp Humblot 1968 Jacquin R Taparelli Paris Lethielleux 1943 Jean XXIII Sur la paix entre toutes les nations Imprimerie Saint Michel Mater et Magistra Imprimerie Saint Michel Jean Paul TI Le travai humain Librairie Tequi Kalkbrenner H Die rechtliche Verbindlichkeit des Subsidiarit tsprinzip Recht und Staat Festschrift f r Gunther Kuchenhoff Berlin 1972 p 515 539 Ketteler W de La question ouvri re et le christianisme Li ge 1869 Libert aut
4. Il n est pas interdit de croire que la question ainsi pos e ressort davantage d un probl me p dagogique que d un probl me id ologique proprement dit Les soci t s que nous avons sous les yeux dans l orbite occidentale ne sont pas ennemies du droit naturel au sens classique condition qu il ne devienne pas un recueil de pr ceptes intangibles et consid r s comme objectifs En r alit et mis part quelques exceptions elles vivent le droit naturel comme J Jourdain parlait en prose Les exceptions sont repr sent es par les id ologies de cat gorisation de Phomme les courants totalitaires qui conf rent l homme la dignit sur le crit re de la classe sociale ou ceux qui la conf rent sur le crit re de la race mani res diff rentes mais finalement analogues de r cuser volontairement l intuition instinctive de la dignit inali nable gale chez tous Depuis le moment r cent et peut tre temporaire o les Europ ens ont rejet massivement les totalitarismes un consensus se d gage pour appeler au respect de valeurs correspondant celles du droit naturel classique Cependant nos contemporains restent tr s m fiants vis vis de n importe quelle norme qui voudrait s imposer d en haut et demeu rent au fond d eux m mes encore influenc s par les id aux de re cr ation de l homme Ils savent par exemple apr s l effondrement de l id e marxiste que vouloir r aliser la perfection
5. L une des plus int ressantes analyses de Montesquieu et de Tocqueville pour notre sujet est sans doute celle des vrais caract res de l Etat despotique Ce dernier comme toujours dans l histoire de l Europe n est pas tudi pour lui m me mais comme l envers d une m daille Il repr sente davantage que le contraire le contradictoire de l Etat d sirable et d sir Ainsi les Grecs n en avaient ils extrait que les caract res qui int ressaient leur propre comparaison ils le d crivaient arbitraire et gouvernant sans le consentement de la soci t mais n avaient pas vraiment aper u qu il brisait les initiatives sociales ou les emp chait de na tre C est qu ils cherchaient l opposer la d mocratie participative H ro dote se souciait peu que les Egyptiens ne puissent gu re r colter pour leur propre compte mais percevait tr s nettement en Asie l absence des lus du peuple L tude du despotisme r appara t au xvie si cle dans une vision encore plus ou moins fictive parce que soumise aux concepts europ ens mais sous une approche tout fait nouvelle Cette monarchie particuli re toujours pr sent e comme naturelle l Orient est encore charg e de caract res n gatifs mais ce ne sont plus vraiment les m mes parce que justement le r gime souhaitable a chang le contours Le bouc missaire d finit tr s exactement l envers les traits de l id al L id al n est plus la d mo
6. TAT SUBSIDIAIRE s teindre comme le pr voient les lib raux Car le pouvoir ne joue pas seulement le r le de suppl ant l incapacit d un peuple Il est surtout Partisan de son destin Taparelli int gre l id e de progr s comme la plupart des crivains de son poque mais sous une acception singuli re Il n accepte pas la distinction entre les peu ples enfants qui r clameraient un pouvoir autoritaire et les peuples adultes rendus conscients par les Lumi res chez lesquels deviendrait l gitime la libert politique Chaque peuple est capable de d velopper et d assumer l autonomie qui lui est propre Seule la nature des t ches autonomes diff re ici plus complexes l plus simples Mais la capacit de plus en plus grande promouvoir des uvres libres complexes ne donne pas pour autant une once de droit politique Les deux domaines de l action individuelle et de la politique sont s par s puisque la poli tique se tient dans la sph re des finalit s Et il faudra toujours un pouvoir pour d finir le bien commun L histoire de Taparelli avance vers l unit plus que vers l affermissement des autonomies Sur le plan des actions individuelles et communes auxquelles s applique le principe de subsidiarit la sophistication croissante de l organisation sociale obligera PEtat intervenir davantage dans Pavenir les groupes auront de plus en plus de difficult s traiter eux m mes les probl mes a
7. comme possesseur d un droit subjectif une ducation suffisante mais l Etat n intervient dans cette ducation que dans le seul cas d une d ficience av r e des parents Par ailleurs il est certains domaines dans lesquels les d fenseurs de la subsidiarit admettent une distribution gale la base des bienfaits de PEtat eu gard aux mentalit s des peuples consid r s c est le cas de la sant Mais leurs voix s l vent ici et l pour r clamer dans ce cas une plus grande responsabilit des assur s sociaux par exemple une prise en charge individuelle des petits risques non sans envisager les effets pervers qui pourraient en r sulter par ailleurs A Utz fait remarquer ce sujet que toute libert toute aide de soi suscitent in vitablement un risque l essentiel tant de ne pas laisser ce risque se d velopper d mesur ment D une mani re g n rale la tendance ici n est pas de proposer des mesures concr tes applicables partout uni form ment mais de rechercher pour chaque soci t le meilleur quilibre entre la libert et la s curit Le principe ne donne aucune recette mais s attache faire coexister le devoir de non ing rence et le devoir d ing rence sans avoir en vue une galit rationnellement pos e en valeur L galit est un r sultat indirect elle ressort forc ment de la n cessit de concr tiser la dignit gale par le devoir d aide mais elle ne joue pas un r le de fi
8. est pas et se fourvoient tel est le point de d part th orique du courant catholique social Il ne se trouve en ce sens pas tr s loign de Proudhon qui r clamait la poli tique sociale d assumer les valeurs contraires au lieu d en hypostasier une seule au d triment des autres La valeur de libert dans le lib ralisme la valeur d galit dans le socialisme ont t sacralis es parce que la valeur de dignit avait disparu comme fondement Par ce processus de remplacement elles sont devenues abs traites Elles ont perdu leur rapport aux situations leur relativit qui n tait pos sible que parce que la dignit repr sentait l absolu auquel elles se r f raient Le dessein du catholicisme social consiste r tablir la valeur essentielle dans sa posi tion dominante et corr lativement redonner aux valeurs secondaires leur rang relatif Et en m me temps les exprimer par rapport leurs situations les mesurer leurs possibilit s et non les identifier l absolu qu elles ne sauraient de toute fa on atteindre Le monde est impur et limit Libert galit responsabilit doivent se concr tiser autant qu il est possible Seule la dignit ontologique reste pargn e des al as de l imperfection Dans l absolu un homme en vaut un autre Reste savoir comment cette dignit gale pourra se concr tiser dans la soci t o r gnent l in galit et le conflit L appel du chr
9. et de l Etat dans le temps L Etat n est qu une instance construite Seul l individu est substance et seule la soci t est organisme mais non pas au sens communautaire de Thomas d Aquin au sens d un tout naturel et s articulant de soi Il est donc normal que la finalit de l Etat r ponde seulement au but que lui assigne l organe qui le constitue Le processus d individuation de l homme et d autonomisation de la soci t repr sente un progr s non pas dans l id e d une conqu te sur le pouvoir comme si les hommes avaient r ussi repousser au fil des si cles l emprise d un pouvoir politique l origine tentaculaire Mais un progr s comme d ploiement remarquable des personnes et des organisations c est dire des touts concrets qui de moins en moins sollicitent l aide de Pins tance tatique Il y a progr s parce que c est humain qui s augmente connais sance comp tence vouloir responsabilit de l acteur individuel et social Une certaine quantit d uvres sont entreprendre dans une soci t A cet gard PEtat ou les individus ou les groupes fonctionnent comme deux vases commu nicants Le recul de l action de l Etat correspond davantage d ind pendance possible des touts concrets une prise en main par eux m mes de leurs propres finalit s une conscience de soi plus aigu C est justement cette volution historique vue comme une am lioration que le jaco
10. in vitables effets pervers Ainsi l aide w entra ne pas la paresse ou la d pendande par sa seule existence mais par son loignement L aide qui pro vient de l chelon imm diatement sup rieur ne saurait rendre l assist exsangue puisqu elle est pr cise et d limit e Par ailleurs l aide suppl tive de l Etat devient un droit et en m me temps un devoir Ketteler nonce pour la premi re fois l expression de droit subsidiaire propos de l instance tatiquel Le secours apport ne rel ve donc plus de la charit d Etat mais de la justice d Etat et se voit conf rer une l gitimit juridique au lieu et place du devoir moral Ce d placement de justification tient au fait que la plus haute valeur humaine n est plus ici la libert mais la dignit La dignit englobe la libert mais ne s identifie pas elle et ne s en suffit pas Par sa d fi nition m me la libert comme valeur ultime emp chait de l gitimer toute action ext rieure qui ne soit pas reconnue la fois comme suppl tive d une d faillance et comme condition du d ploiement de la libert la garantie de la s ret reconnue de droit l Etat rentrait dans cette cat gorie mais le secours positif ne r pondait pas la seconde condition et c est pourquoi les lib raux l avaient introduite contrec ur et irrationnellement Chez les chr tiens sociaux l inter vention ext rieure se justifie si elle suppl e une d
11. ind pendance d Emden symbolise la Politica partir de l une th orie une description dirait l auteur s labore Elle inaugure les th ses modernes de l Etat subsidiaire mais s en diff rencie par le contenu qu elle attribue la libert Chaque groupe cherche son bien tre collectif dans la poursuite de ses fins propres Il vise l autosuffisance l asfercheia d Aristote Mais il y tend comme vers un id al auquel la r alisation compl te manque toujours En r alit il n a pas les moyens de l autosuffisance au sens de perfection de l tre D o la 1 Althusius op cif p 41 56 UNE MULTIPLICIT DE CONTRATS SI g n alogie des groupes qui se d ploient les uns dans les autres A la cl du raison nement se trouve la justification finale de l autonomie sociale Si le corps ne peut s autosuffire ce n est pas par une incomp tence al a toire mais par une incapacit de nature Il demeure capable dans le cadre limit de ses uvres sp cifiques plut t faudrait il dire que l tendue de ses uvres l gitimes se d finit par l tendue de ses capacit s Mais il se trouve que son aspi ration d passe le cadre de ses uvres sp cifiques il aspire un bien tre plus large qui ne saurait se r aliser pleinement sans l appui et la protection d instances diff rentes et plus larges La famille qui peut uvrer son bonheur de cellule ind pendante ne p
12. le besoin se fait sentir de plus elle est rendue plus efficace parce qu elle ne secourt qu en situation d termin e Enfin le pouvoir souverain se voit confin dans le seul espace de la n cessit derni re Et il le peut sans dommage pour l ordre ni pour la sauvegarde des personnes parce que les groupes ont d j accompli avant lui une grande partie de ce que l on attendrait sinon de l Etat Le probl me de la soci t politique repose sur cette antinomie l homme n est pas souverain mais il d sire user de sa libert La libert r clame l auto suffisance mais se heurte des limites intrins ques Ce paradoxe ne saurait tre assum que par une organisation sociale qui la fois garantit l espace maximal de libert et pallie les insuffisances Seule la soci t des groupes peut jouer ce r le Car l quilibre p rilleux de la libert et du secours ne saurait tre r gl par une instance Il y faut des organismes de proximit dans la mesure o cette libert et cette insuffisance voluent au gr des situations Chaque homme demeure par nature et sans exception libre et insuffisant mais le degr d auto nomie dont il est capable et corr lativement le secours dont il a besoin varient dans chaque cas Pour La Tour du Pin comme pour tous les adversaires de l individualisme au XIX et au xx si cle la loi Le Chapelier repr sente le d but de la d cadence Depuis cette loi la politique agit co
13. ont vocation empi ter sur la libert et la responsabilit des individus D o le paradoxe qui fait de la soci t politique une instance de compromis et d incessantes r organisations Le probl me politico social h rite du paradoxe humain qu il reproduit sous divers paysages La libert est aussi choix du mal sinon elle n est plus libert Le mal est mis re ou go sme refus des solidarit s La garantie de la dignit est vitalement n cessaire Mais la libert tend la d truire La soci t humaine conna t un tat critique permanent Le seul mobile du travail est le profit et le profit engendre l go sme qui tue la solidarit or on ne saurait supprimer le travail ni son mobile sans engendrer la p nurie Tels se d veloppent les pr suppos s sociaux qui ressemblent ces syllogismes pervers o l on cherche vainement la f lure de la pens e Il n y a pas de solution au probl me social au sens d un r glement d finitif Il wy a que des moyens imparfaits et t tonnants pour g rer cet tat critique perp tuel dans P quilibre des possibles Il s agit d assumer une apotie et non d en d m ler les fils C est parce que la valeur de dignit est plurielle voire para doxale que la doctrine sociale va r clamer un compromis entre le devoir de non ing rence et le devoir d ing rence Dans ce cadre le principe de subsidiarit prend sa dimension d finitive Chez les lib raux la suppl anc
14. une litt rature prolifique Le dilemme est que d une part l appli cation du principe peut permettre une d centralisation des structures eccl siales et une meilleure prise en charge de leur mission par les la ques mais que d autre part le principe dans son acception enti re signifie une autonomie des groupes beaucoup trop large eu gard la vocation de cette soci t particuli re qu est l Eglise Les phrases cit es plus haut de Pie XII et de Paul VI laissent d ailleurs bien entendre le paradoxe Pour la plupart des th ologiens le principe ne peut s appliquer dans l Eglise que d ne mani re induite et analogue En effet l Eglise est une soci t ferm e l inverse de la soci t civile moderne C est dire qu elle ne sous entend pas une appartenance de hasard mais une appartenance de volont m me si virtuellement tous les hommes en sont membres puisque l Eglise a vocation universelle L Eglise pose au pr alable des interpr tations et des finalit s objectiv es et c est post rieurement que chacun choisit ou non de reconna tre ces finalit s tandis que la soci t civile englobe tous ceux qui se trouvent l et leurs finalit s avec eux C est bien pourquoi l Eglise peut excom munier alors que si elle punit c est terreur tandis que la soci t civile peut punir mais si elle ostracise c est terreur Cette distinction essentielle laisse comprendre que le principe ne s ent
15. Le citoyen et m me le non citoyen s int gre dans des groupements volontaires o il d fend ses int r ts et agit en commun La place est laiss e l initiative sociale le pouvoir gouverne mais n administre pas La faible tendue de son assiette financi re suffirait le d montrer Les d penses co teuses concernant l int r t public comme la flotte ou les spectacles restent la charge des riches citoyens par l interm diaire des liturgies Comme l homme de la soci t m di vale l homme de la cit antique poss de son autonomie mais limit e l agir et priv e de la libert de conscience au sens moderne Si le gouvernement repr sente la pens e dominante et parfois dominatrice il voit son domaine d action limit par les initiatives citoyennes et son r le se borne justement prendre en charge les sph res d impuissance des citoyens notamment la guerre et la garantie des contrats priv s La justification de l autonomie citoyenne appara t clairement dans la d fense de la propri t priv e que nous laisse Aristote contre le communisme de Platon Platon avait r clam la communaut des biens des femmes et des enfants dans un souci d galit et d unit sociales Aristote s l ve contre cette unit ou plut t cette unification non seulement parce qu il la juge irr alisable et ce n est pas le moindre m rite d Aristote d avoir introduit dans la politique la cat gorie de l
16. abolit et en ce sens perd sa l gitimit Mais il peut arriver que la soci t se trouve menac e dans son tre m me que des v nements ext rieurs ou int rieurs mettent en p ril sa survie Dans ce cas unique un pouvoir absolu devient l gitime La transition du pouvoir habituel ou ordinaire au pouvoir extraordinaire est qualitative Car la finalit du pouvoir s infl chit au point de se transformer Le pouvoir ordinaire vise maintenir la soci t dans sa diversit et sa libert tout en lui assurant l harmonie d apr s la d finition d Aristote Le pouvoir extraordinaire celui qui utilise la raison d Etat vise uniquement le maintien de la soci t sa dur e voire m me son existence tout court sans plus se pr occuper de ses caract res propres Il m ne une t che d urgence et d laisse les finalit s du bien pour ne plus s attacher qu aux finalit s de la stricte subsistance celle ci repr sentant la condition indispensable pour que le bien soit un jour r alisable Le salut On ne saurait dater le concept de raison d Etat de Machiavel Il s agit d un concept familier au monde antique auquel Machiavel s est amplement r f r Les anciens connaissaient fort bien une certaine forme de pouvoir la fois absolu et l gitim par une n cessit vitale le salut sous entendu le salut du peuple ou de la soci t Ils connaissaient ce pouvoir pour lavoir abondamment pra tiqu et en m me temp
17. ampleur de la faute appara t davantage chez le roi fran ais que chez le prince asiatique son homologue car le premier an antit les autonomies d une soci t rendue libre par son histoire et peut tre aussi libre ontologiquement L id e diff rentialiste d Aristote selon laquelle les barbares seraient esclaves de nature contrairement aux Occidentaux est r manente dans la litt rature concernant le despotisme Elle pose a contrario la question de savoir en vertu de quel crit re magistral doit se l gitimer l Etat secondaire et suppl tif en vertu de la nature ou seulement de l histoire Une certitude est que la monarchie absolue fran aise organise la servitude d hommes accoutum s la libert par leurs institutions ant rieurest Elle d truit en tout cas des coutumes ancestrales que Taine d crira plus tard comme des conqu tes sur l obscurantisme des temps anciens En ce qui concerne le caract re naturel ou culturel de la libert la question se pose travers l affirmation des caract res extraordinaires du gouvernement despotique Gouvernement anti naturel monstrueux pour Montesquieu forme de lanti politique il semble bien laisser soup onner une nature diff rente chez les hommes qui le suppor tent Sinon comment accepteraient ils un tel esclavage d autant qu il appara t chez eux traditionnel et permanent Peut tre peut on entendre dans cette inter rogation et d une autre mani
18. assortie parfois de l institution monarchique symbolisant l identit et l unit nationale voire comme en France d un r gime pr sidentiel mimant sans le dire la symbolique monarchique dont une tradition avait bris le nom Il s agissait toujours d interdire au pouvoir d outrepasser ses fonctions utiles et d volues lui parce qu utiles Nous connaissons depuis longtemps la naturelle propension du pouvoir l exc s et nous savons bien que l autorit se d ploye instinctivement si l on n y prend pas garde L rection de PEtat de droit 224 L TAT SUBSIDIAIRE vise fonder les limites au del desquelles le pouvoir outrepasserait le domaine de son utilit stricte en m me temps qu garantir la protection de la dignit des citoyens C est bien pourquoi la situation exceptionnelle peut l gitimer une moindre protection des libert s en accroissant le r le utile du pouvoir dans cer taines circonstances tragiques Ces limites pos es l Etat sur le plan institutionnel par la d mocratie parle mentaire s tendent au plan conomique et social avec le principe de subsidiarit L Etat subsidiaire correspond l Etat de droit il lui est homologue sur un plan diff rent L id e d une intervention de l Etat selon sa stricte n cessit et utilit engendre ici la d mocratie et l l Etat subsidiaire Il s agit toujours de d nier PEtat le r le de serviteur d une transcendance ou d un sys
19. autonomie pour le futur La subsidiarit se justifie par l essentialit de l action et par le partage de la r alisation du bien commun mais aussi par une id e de la dignit humaine comme autosuffisance m me partielle La dignit qui l gitime le secours positif de l instance sup rieure ne se concr tise pas seulement par la possession du n cessaire nourriture logement ducation mais par l obtention du n cessaire par soi m me La dignit humaine consiste selon Thomas d Aquin tre libre et exister pour soi Le fait de tout attendre d un autre d truit la possibilit d autosuffisance La garantie de la dignit de tous demeure le but dernier de l activit politique englobant la libert elle m me La question sera videmment de savoir comment se concr tise effectivement la dignit puisque cette concr tisation d finit la limite de l intervention tatique Ou encore quoi l individu peut pr tendre qui justifie l action d une autorit sup rieure et quoi exactement il a droit Taparelli aper oit trois droits compl mentaires L homme a le droit de vivre celui d avoir les moyens de conserver sa vie celui de les employer librement En d autres termes les droits de l individu se r duisent aux droits de conservation de propri t d ind pendance tels sont aussi les principaux droits que la soci t doit prot ger Il s agit bien de droits subjectif
20. cessaires pour que les personnes et les groupes dans 1 Jean XXIII Vatican II 74 3 Jean XXIII Mazer et Magistra 54 3 Jean XXIII Pacem in Terris 21 NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 143 leur juste autonomie puissent accro tre et d velopper toujours davantage leur action libre et responsable dans le cadre du bien commun Le r le incitatif d aiguillon se justifie par une certitude de la grande capa cit humaine se prendre en charge en m me temps que par la valorisation de cette prise en charge La protection de l Etat ne sous entend pas une id e de pater nit tut laire mais de garantie ext rieure Que l Etat prot ge ces soci t s fon d es sur le droit que toutefois il ne s immisce point dans leur gouvernement int rieur et ne touche point aux ressorts intimes qui leur donnent la vie car le mouvement vital proc de essentiellement d un principe int rieur et s teint tr s facilement sous l action d une cause externe L Eglise est en g n ral assez s v re pour les groupes sociaux assist s par l Etat providence moderne et a toujours tendance leur pr ter davantage de capacit d autonomie qu ils n en expriment r ellement Le principe de subsidiarit ne s applique pas une situation statique et photographi e il suppose que l on tente de faire voluer la situation toujours dans le sens de l autonomie sociale l Etat repr sentant un garant n cessaire Si
21. d coule n cessairement de la libert quitte supprimer cette libert pour le bien Mais Dieu qui peut tout n a t il pas pourtant d cid de respecter la libert de sa cr ature Le mal exprime la cons quence de cette libert offerte Le plaidoyer de Thomas d Aquin pour la sauvegarde des finalit s autonomes est une r ponse par avance la parabole du Grand Inquisiteur La Providence de Dieu n a pas pr server les tres de leur d ch ance possible elle n a pas carter le mal des tres La perfection pour tout gouvernement est de pourvoir ses sujets dans le respect de leur nature telle est la notion m me de justice dans le gouvernement De m me pour un chef de cit s opposer si ce n est momentan ment en raison de quelque n cessit ce que les sujets accomplissent leur t che serait contraire au sens d un gouvernement humain de m me de ne pas laisser aux cr atures la facult d agir selon le mode de leur propre nature serait oppos au sens du gou vernement divin Mais de ce fait il s ensuit la corruption et le mal dans le monde Si l action autonome est sup rieure tout bien puisqu elle est le bien m me de l tre agissant de quelle mani re le pouvoir politique se manifestera t il Il n interviendra pas syst matiquement mais dans la mesure des besoins Sa pro tection est partielle L id e de capacit en d limite les fronti res mouvantes 1 Contra Gent
22. dans le droit fondamental allemand introduit une norme juridique plus pr cise que le principe de subsidiarit qu il ne fait en r alit que rappeler Il signifie que linter vention tatique doit demeurer proportionnellement mesur e et qualitativement appropri e ses finalit s et en outre qu elle doit se d velopper le moins pos sible ne pas faire de z le L interdiction de l exc s ne r pond pas seulement la question du comment tandis que le principe de subsidiarit r pondrait la question du si s il faut qu ici PEtat intervienne comment doit il inter venir Car les deux questions sont li es La pens e juridique allemande tend montrer que la r ponse la question du si est largement d termin e par celle du comment En ce qui concerne le devoir d ing rence les situations extr mes dans lesquelles l Etat doit toujours ou ne doit jamais intervenir sont rares Toutes les situations sont plus ou moins des cas limites ce qui d ailleurs justifie l existence du principe Dans beaucoup de ces cas l valuation des moyens n ces saires et de leurs effets indirects d termine le rendement de l intervention par rap port la fin poursuivie et permet de r pondre la question de savoir s il faut ou non intervenir En d veloppant les d bats voqu s ici bri vement la pens e allemande s essaie r soudre ou plut t d limiter les contours de la q
23. de une existence d homme qu l int rieur de ces structures A la diff rence de l animal Phomme ne devient lui m me qu en situation Son existence ne se contente pas d exprimer ind fi niment son essence ou de la r sumer mais elle la compl te ind finiment Les structures sociales informent l homme et le font na tre lui m me Les gommer c est fa onner une soci t d hommes sans sp cificit Dans cette optique on ne peut faire l impasse sur les corps interm diaires il est impossible de les ima giner artificiels ou construits Ils doivent exister de nature en m me temps que les individus qui ne se r alisent qu travers eux La Tour du Pin se situe ainsi dans la lign e des critiques du contrat social et annonce la pens e maurrassienne Le contrat lui appara t comme une absurdit intellectuelle La soci t r elle c est celle de Thomas d Aquin de Vittoria pour lequel les communaut s sont des produits de la nature de Suarez qui les appelle les communaut s qui ne sont pas supr mes La naissance des groupes exclut tout dessein volontariste La soci t organique existe avant le pouvoir et poss de sans lui des volont s des besoins des autonomies sp cifiques La corporation Il ne s agit pas pour autant de renier toute esp ce de pacte social La libert ne va pas sans contrat parce que l ob issance non volontaire demeure un esclavage La soci t des corps n ignore pa
24. des divers groupements selon ce principe de la fonction suppl tive de toute col lectivit plus grandes seront l autorit et la puissance sociale plus heureux et plus prosp re l tat des affaires publiques Cet argument de l efficacit rejoint celui de la n cessit de respecter la libert ontologique qui arguait de la proximit essentielle de l acteur et de l action Si chaque acteur n accomplit pas son action proche il en r sulte la fois une d naturation de l acteur et une perte d efficacit de l action L instance publique intervient sans doute peu quantitativement mais ce qui frappe ici c est le caract re discr tionnaire de son ing rence ou de son secours L Etat peut la limite nationaliser pour viter des exc s dommageables il peut niveler les in galit s afin d harmoniser les secteurs il peut d une certaine mani re planifier pour coordonner le travail des groupes sociaux4 Par ailleurs il privil gie les secteurs qui concourent au bien commun et les encourage au d triment des autres Il est vident que toutes ces actions l gitim es par le crit re de la dignit de tous et exclusives de toute autre justification introduisent dans les attributions de Etat un facteur d arbitraire Le syst me lib ral dans lequel PEtat n intervient jamais hors le domaine de la s ret publique et le syst me socialiste dans lequel PEtat prend naturellement en charge l ensemble des secteurs cl s
25. entre les hommes incluant les esclaves avec les autres il dut provoquer une impression trange et les auditoires d alors durent rep rer dans son propos la longue lign e de Tib rius Gracchus et de Spartacus Car ces mots sentaient la r volution et c tait bien de cela qu il s agissait mais d une r volution des mentalit s Paul tait simplement en train de jeter les bases de la valeur de dignit et de l riger en principe normatif des soci t s venir Il ne r clamait pas qu on bris t les cha nes tout de suite pro voquant des bouleversements par lesquels des malheurs plus grands seraient apparus Mais il avertissait qu en r duisant les hommes en esclavage en les faisant la propri t d un autre on contredisait une r alit ontologique et par cons quent incontournable Sans doute une soci t rationaliste comme la n tre peut elle sourire de voir la valeur essentielle fond e sur un myst re th ologique Mais peut tre ce fonde ment reste t il le seul capable de conf rer la dignit son inali nabilit Se pr va loir d un myst re car c en est un pour arguer de la valeur gale de tous les hommes permet d chapper toutes les tentatives de descriptions de la dignit qui rendront finalement certains hommes plus dignes que d autres La philosophie a cherch d couvrir les crit res existentiels de la dignit mais n a d couvert que des crit res subjectifs qui deviennent ainsi
26. existe comme le disait Cic ron Sa dur e ne saurait donc s ordonner une fin plus haute D s qu il s agit de salut alors tout est permis Il faudra trouver un moyen ad quat et utile sans s inqui ter de savoir si ce moyen est politiquement ou moralement bon selon les acceptions ordinaires Ce moyen est le pouvoir absolu Chez des peuples pouvoirs partag s le pouvoir absolu constitue la seule garantie possible du retour l ordre devant un danger int rieur ou ext rieur C est l id e de salut de la cit sous forme de n cessit urgentissime et gravissime qui persuade les Ath niens de confier Solon un pouvoir illimit en 594 avant J C et d abandonner les institutions d mocratiques en 411 pour donner le pouvoir aux Quatre Cents C est l id e de salut qui justifie en Gr ce l apparition des aisymn tes ces tyrans tr s particuliers auxquels le peuple accordait tout pouvoir en situation difficile C est l id e de salut qui donne naissance la dictature romaine magistrature du danger et de la raison d Etat C est l id e de salut qui l gitime le prince au 1er si cle de Rome par la plume de Cic ron et de Philod me de Gadara Dans tous ces cas un peuple habitu la libert poli tique sous des formes diverses se trouve pr t sacrifier cette libert sur l autel de la n cessit ultime la survie du corps social Et non seulement il aban donne ses petits pouvoirs ses pr rog
27. homme parce que social de nature d sire naturellement le bien de tous et travaille donc au bien commun non pas dans la soci t r v e mais dans la soci t concr te On peut videmment critiquer cette vision des choses en la taxant d id alisme c est dire en r cusant le caract re pour ainsi dire instinctif de cette solidarit sociale Il est ais de faire remarquer que chaque individu court son propre bien tre se souciant assez peu de celui des autres et trouve son bonheur dans la r ussite exclusive de sa singularit Mais si l on d veloppe jusqu au bout cette constatation r aliste pessimiste on en vient d crire une soci t qui ne correspond aucune r alit ou alors des r alit s ex cr es par la plupart La soci t lib rale du xxe si cle qui consacrait cette certitude de la poursuite exclusive du bien tre individuel est apparue tellement invivable que le xx si cle a port l ensemble de ses efforts ranimer la pr oc cupation du bien commun engendrant m me des dictatures par exc s de soli darit contrainte Faire remarquer que l homme individuel recherche naturelle ment le bien commun n appara t donc pas si na f ni si ing nu que cela Par contre la suite du raisonnement pr te davantage caution quand les n o scolastiques expliquent cette aptitude au bien commun par l appartenance de la partie au tout Il s agit l d une r surgence du principe de totalit de
28. mais de gouverner des hommes s qualit s c est dire dignes la dignit incluant les autres valeurs et en quelque sorte les relativisant Ici les valeurs de libert d galit ou de justice ne re oivent pas de contenu donn une fois pour toutes mais s adaptent une situation Ce sont des valeurs en situation qui se coordonnent en vue de la plus grande dignit concr te possible dans une soci t d termin e Le principe de subsidiarit appara t au premier abord tir de la doc trine de Eglise qui le promeut et le d fend depuis un si cle Sans doute est ce Mgr de Ketteler qui l a nomm le premier la fin du xrx si cle et Pie XI lui a donn sa forme actuelle dans Quadragesimo Anno en 1931 Il est donc tributaire d une vision sociale issue la fois du christianisme et de la n o scolastique et on verra plus loin quels genres de d boires il devait subir et quelles transformations importantes il allait se voir contraint L id e ne demeure pourtant pas loin de l sp cifique une doctrine d ob dience reli gieuse Elle s impose au courant solidariste puis personnaliste et devient le pivot central du n o lib ralisme allemand Elle informe la soci t allemande d avant et d apr s le IIe Reich et le f d ralisme suisse la reconna t comme l id e fondatrice de son organisation sociopolitique Apr s la seconde guerre mondiale elle fait son entr e dans les constitutions f d rales et d
29. noncer des principes sociopolitiques sans jamais l gitimer un r gime ou une organisation politique sp cifiques se contentant seulement d indiquer quelles organisations r cusent absolument les principes mentionn s Concernant les syst mes elle r cuse mais ne couronne pas Il faut cependant ajouter que le refus violent qu elle oppose au lib ralisme conomique classique de l Etat n ant et la d mocratie jusqu une p riode r cente a pu permettre certains de se r clamer d elle pour justifier non seulement le corporatisme id al mais le corporatisme r alis et devenu une dictature Mais ce glissement des principes au syst me n a jamais t op r par les pontifes eux m mes Le syst me politico conomique de La Tour du Pin rige la corporation en Etat dans l Etat 1 en lui attribuant une autonomie garantie par un contrat pass avec l Etat central Les pr rogatives qu il conf re cette institution sont non seulement importantes mais monopolistiques dans leur domaine En ce qui concerne sa cr ation la corporation provient bien d une volont libre des individus Elle n est pas constitu e arbitrairement par l Etat Mais l Etat la l gitime par apr s en lui permettant d appliquer sa propre juridiction De ce fait il la rend obligatoire puisqu il s agit d une organisation professionnelle nantie de lois propres Ainsi le travailleur doit appartenir la corporation correspondant sa
30. on lui reconna t et quel que soit son go sme vident r clame d tre heureux dans une soci t heureuse Et si aucune th orie ne saurait Pobliger aimer tous ses semblables comme un p re ou comme un fils aucune th orie ne lincitera non plus les tenir pour indiff rents car il se pr occupe naturellement de la soci t qui l entoure avec plus ou moins d ardeur selon la proximit Il a un sens du bien commun qui varie selon les cas et les circonstances mais qu il serait la fois cynique et illusoire de biffer au m me titre qu il est illusoire de le consi d rer comme un tre dou par nature de totale abn gation L id e du bien tre commun est naturelle l individu social et il suffit pour le d montrer d observer l volution des esprits la fin du si cle dernier Une soci t fond e sur les relations d int r ts n a pas su durer davantage que quelques d cennies Si le lib ralisme classique a donn naissance aux id es les plus extr mes concernant le partage des biens et l an antissement de l individu dans la communaut c est bien parce que la soci t engendr e par cette th orie apparaissait tout simplement invivable L impossibilit radicale de supporter longtemps un tel tat social s exprime claire ment lorsque les lib raux eux m mes r introduisent mais sans le justifier le secours d Etat qui contredit le reste de leur th se Ils ob issent l Pappel d un L ID E DE
31. ou encore une unit d ordre qui assume les diversit s La soci t agit par elle m me et poursuit ses buts propres Cela sous entend un r le limit du pouvoir politique Car celui ci ne saurait jamais comme l ont imagin certains tre l auteur d une diversit m me artifi cielle De soi il ne produit que de l unit et on ne lui demande que de produire l unit n cessaire au d veloppement du divers Ramener le corps social un tout unique serait uvre de cr ation conceptualisation d un nouveau concret qui n existe pas On ne demande pas au roi d cr er la soci t il la gouverne ce qui est subsumer des concrets existants sous un ordre Il n engendre rien Il ne peut pas produire des hommes nouveaux ce qui serait prendre la place de Dieu et aussit t le parodier Mais plus humblement il conserve les biens qu il gouverne et en use pour quoi ils ont t cr s Il n impose donc aucune finalit nouvelle mais accompagne dans leur d veloppement les finalit s existantes Ce qui quivaut au respect des personnes des actes et des libert s Les personnes sont certes subordonn es la soci t comme tout parce qu une partie de leur finalit propre est sociale Mais ni l personne ni la soci t ne sont subordonn es au pouvoir comme une instance ext rieure Le pouvoir est investi d une t che de m diation non pas entre la soci t et son bien comme dans le despo
32. raire et ironique une soci t menac e de scl rose par les m faits de l ordre L Allemand 62 L TAT SUBSIDIAIRE dans une langue abstraite une soci t malade du d sordre Mais il s agit toujours d aboutir la coh rence v cue de l universel et du particulier Un regard port sur les deux pens es montre bien que partant de deux histoires absolument dis semblables cette coh rence passe par un seul chemin le d veloppement du parti culier aussi loin que ses forces peuvent le mener et le d ploiement de l universel dans le seul espace qui reste au n cessaire Althusius avait bross le portrait d une soci t suppl ances multiples dans laquelle PEtat n apparaissait finalement que comme un corps couronnant les autres m me si sa caract ristique le diff renciait qualitativement puisqu il tait le seul corps n tre suppl par personne Il ne s agissait pas alors de d finir en particulier le r le de l Etat mais plut t le jeu des activit s sociales les unes par rapport aux autres Il s agissait de d fendre la valeur des initiatives m me les plus infimes face des autorit s qui toutes demeuraient limit es La question du r le de l Etat devient critique d s que l Etat existe comme probl me Cela peut signifier que Etat se d ploie trop ou ne se d ploie pas assez L Etat envahissant oblige red finir sa pr sence Mais l Etat absent dont l absence obsessionnelle rappelle la n ce
33. s les avoir reconnus pour tels D o l office en dernier recours du roi Celui ci doit se soucier du progr s et ceci en s appliquant dans tous les domaines o nous avons parl corriger s il se trouve quelque chose en d sordre suppl er s il y a quelque manque et parfaire si quelque chose de meilleur peut tre fait 1 Ici comme chez Aristote le groupe politique seul s autosuffit dans sa totalit et c est l sa d finition une personne une famille ou un corps de m tier ne se suffisent jamais enti rement Il faut voir la raison de cette autosuffisance dans l action de l autorit supr me qui pallie les manques av r s Le pouvoir seule instance priv e de fins propres a pour mission de garantir toutes les instances finalis es les conditions pour parvenir efficacement leurs buts Ces conditions multiples peuvent se concr tiser en deux g n rales la paix et une quantit suffisante de choses n cessaires au bien vivre Le pouvoir se trouve responsable non seulement de la paix mais de la garantie des biens mat riels l mentaires Le gouvernement de Thomas d Aquin n est pas seulement charg de t ches n gatives soustraire la soci t ses ennemis ext rieurs et int rieurs mais de t ches positives qui consistent garantir les conditions du bien tre Le pouvoir chez Thomas d Aquin repr sente l instance la plus abstraite dans la soci t humaine Pourtant
34. s sont d cern s au prince corr lativement au pouvoir et seule fin de garantir son autorit mais son autorit n est pas issue de caract res sacr s intrin s ques sa personne La th orie platonicienne du despote clair du tyran clair comme il le dit curieusement pr pare l av nement d un pouvoir grec tranger aux mentalit s grecques On sait l admiration qu Alexandre portera aux politiques perses et gyptiennes jusqu les mimer d cha nant ainsi les sarcasmes de ses compatriotes X nophon ne se d fend pas d influence orientale en d crivant Cyrus comme le roi id al Platon justifie l autorit souveraine par un charisme inh rent la personne du prince une comp tence valorisante qui rend inutiles et maladroites les autorit s restreintes Ainsi la politique devient elle une science c est dire une connaissance fond e sur l objectivit ce qui rend le pouvoir sup rieur en tout par sa nature m me la politique d Aristote tait un art l art d harmoniser les diversit s et les autorit s en conflit ce qui la rend fragile et al atoire Le roi philosophe de Platon dans son concept et le Cyrus de X nophon dans son symbole valent pour p res du peuple en tant qu un p re est naturel lement toute comp tence et toute abn gation Ce qui sous entend la fois l affec tion et la connaissance objective et monopolistique du bien commun D s lors le pouvoir s auto
35. sans lumi re n imagine point que leurs affaires pourraient bien tre mieux faites si on chargeait les habitants eux m mes de les faire 1 Il est bien difficile de deviner les vis es secr tes du pouvoir et il peut arriver qu il pr texte se trouver devant un peuple de sots pour se donner des raisons d agir sa place Cette discussion sur les finalit s a d ailleurs peu d importance puisque les r sultats sont les m mes L incapacit suppos e a pour cons quence de d velopper une incapacit r elle La centralisation produit ainsi des soci t s exsangues o l autonomie humaine deviendra le souvenir lointain d une poque r volue Je pense que dans les si cles d mocratiques qui vont s ouvrir l ind pendance individuelle et les libert s locales seront toujours un produit de Part La centralisation sera le gouvernement naturel Le libre arbitre la volont la responsabilit se d ploient ou se dess chent selon l usage comme des membres du corps humain Ces facult s se d ploient par l association et se dess chent par la solitude Une soci t organis e quivaut une soci t vivante parce qu elle agit davantage reconna t ses besoins et y apporte des solutions concr tes Une soci t organis e r sistera mieux qu une autre n importe quelle tentative de centralisation Une soci t exsangue laissera l Etat s introduire dans tous ses rouages et provoquer encore la g n
36. sir d un secours qui ne se sait ni ne se dit L Etat providence signifie peut tre la mauvaise conscience du secours re u et subs quemment la volont de le banaliser de lui ter son nom en le rendant g n ral et habituel L palisation et la syst matisation du secours veulent faire oublier en m me temps la diff rence entre ceux qui ont besoin du secours et ceux qui n en ont pas besoin mais le re oivent tout de m me Ainsi l Etat nivelle par le don ce que dans une soci t de march il ne peut niveler par l exaction Il n aplanit pas mat riellement au contraire cet gard il in galise puisqu il octroie souvent un superflu ceux qui poss dent d j le n cessaire mais il aplanit psychologiquement Il galise davantage les initiatives en les r duisant au plus petit d nominateur commun que les biens et les services Par voie de cons quence chacun finit par ignorer de quoi il serait vraiment capable si l Etat ne lui portait secours et c est peut tre dans cette ignorance voulue et heureuse porteuse d galit r v e que g t la raison fondatrice de l Etat providence Il est ais de comprendre que l instauration d un Etat subsidiaire repr sente une t che difficile la fois parce qu il exige des efforts renouvel s de la part de la soci t et parce qu il suppose une volont de moindre ing rence de la part des pouvoirs publics C est bien pourquoi des voix s l vent d
37. t Les contribuables doivent consentir tacitement la ponction que repr sente l aide d Etat et notamment le secours Le secours n est pas toujours lucide et prime en m me temps la paresse d o l obligation d un accord socialt L intervention tatique doit tre soumise au contr le de l opinion d abord parce qu elle sort ici de la r gle com mune ensuite pour luder les d bordements presque in vitables Mais il ne faudrait pas croire non plus que l opinion publique rejette toujours l ing rence de l Etat Il arrive que les peuples travaillent par instinct s curitaire nier leur propre autonomie Cette n cessit exceptionnelle qui justifie l intervention tatique appara t finalement assez fr quente et l on ne peut expliquer cette contradiction que par l id e de progr s qui l gitime l espoir de limiter cette fr quence dans lavenir Il est des uvres sp cifiques dont la nature r clame de d tourner la loi des attributions Il y a quelquefois avantage substituer l action collective l action individuelle Il y a de telles natures de services dont le principal m rite est la r gularit et l uniformit Il se peut m me qu en telles circonstances cette substitution r alise une conomie de ressources et d pargne pour une satis faction donn e 2 En dehors de ces exceptions caract ris es les lib raux s at tachent particuli rement discuter deux probl mes ce
38. t par nature apporte avec elle devraient maner du pou voir politique tre r gies command es surveill es et conduites par lui L Etat fran ais l Etat prussien finissent par effacer l esprit du peuple en consi d rant la soci t comme une machine La libert est la vie m me et en tant que telle par elle m me sacr e assimil e la dignit de l homme sa fonda mentale valeur Aussi l Etat centralisateur est il un meurtrier Au contraire le gouvernement devrait laisser la libert des citoyens ce qui n est pas n cessaire sa finalit donc sa s curit ext rieure et int rieure le pouvoir d organisation et de gestion et rien ses yeux ne devrait tre plus sacr que la sauvegarde et la protection de l activit libre des citoyens en ce domaine Cette activit libre d finit non pas l homme seul mais l homme dans les groupes La soci t de Hegel est organis e et m me organique On sait que la pens e h g lienne rejoint les pens es corporatistes de son temps dans la d fense d une repr sentation par les int r ts professionnels et sociaux La repr sentation par les partis est consid r e comme abstraite id e que d fendront les catho liques sociaux corporatistes durant tout le xrx si cle et le d but du xx si cle La libert de l homme est situ e et ne s exprime que par des actes communs C est travers ces actes communs que la libert individue
39. travers la relation d autres mais cette relation ne concerne pas seulement le lien d amiti pr sent dans les communaut s ni seulement le lien d int r t o se concr tise la justice commutative pr sent dans la soci t du contrat social Cette relation n est ni purement marchande ni purement thique Elle correspond un passage oblig de d veloppement personnel sur tous les plans Aucune personnalit ne s rige ni simplement n existe que par osmose tant t naturelle et tant t volontaire avec la soci t Les changes s expriment diversement mais toujours ils s av rent n cessaires Ils sont affectifs culturels marchands spirituels L id e ma tresse de cette d finition de la soci t tient dans cette affirmation il est aussi important pour d ployer une personnalit de donner que de recevoir ou d changer L individu a besoin d une soci t vivante c est dire structur e et dot e d un minimum de bien tre pour vivre lui m me Non pas au sens o elle repr sente pour lui un moyen mais au sens o il ressent le besoin de lui apporter ses propres talents pour exister pleinement La question mest donc pas de savoir s il faut pr f rer comme disait Val re Maxime tre pauvre dans un empire riche plut t que riche dans un empire pauvre si la soci t prime sur l individu ou le contraire L individu quelle que soit par ailleurs la libert qu on lui pr te ou qu
40. tre de la jeunesse les aider financi rement et les soutenir en g n ral puis le cas ch ant si et dans les cas o ces mesures se seraient r v l es inefficaces intervenir lui m me en cr ant des institutions ad quates La loi de 1953 engendra dans la soci t allemande des d bats tr s vifs qui portaient sur l utilisation de l expression le cas ch ant gegebenenfalls Ce mot en effet lui seul introduisait une fracture entre l Etat subsidiaire et l Etat providence et tranchait en faveur du premier Il ne s agissait pas pour l Etat d intervenir de toute fa on mais seulement pour assurer la garantie dont seul il tait capable La discussion eut lieu comme il tait politiquement logique entre le parti social d mocrate partisan de l intervention tatique dans un but d galit et les partis cpu et csu qui d fendaient la loi Mais cette discussion demeure fina lement singuli re pour la raison suivante le domaine de l ducation est telle ment sensible qu ce sujet les partisans de l Etat subsidiaire n taient pas d cid s aux concessions Le travail accompli par les instances sociales ou par l Etat en faveur de la jeunesse est un prolongement de l action familiale action dans laquelle s expriment des convictions vitales Laisser l organisme d Etat intervenir sans limite pr cise dans ce domaine c est risquer une tutelle id ologique Ici 1 Cf A Utz Sta
41. BUTS DE L TAT SUBSIDIAIRE 65 m me rang que le despotel Salvateur ou tyran peu importe la finalit de ses m thodes ce qui le d finit ce sont ses m thodes elles m mes Et la limite le salvateur devient plus dangereux que le tyran puisqu il entretient toute une mythologie de l incapacit des sujets et de la paternit du prince Louis XIV dessinait l image d un peuple sot par cela attentif aux bienfaits d un roi secourable L id e tait de se substituer ces sots de prendre leur vie en charge en affirmant qu ils en tireraient avantage Le raisonnement p che en ce que les peuples ne sont ni incapables ni sots qu on les secoure ou qu on les tyrannise toujours on les diminue Et le despotisme se d finit par cette diminution L iden tification de l aide g n ralis e et de la privation de libert r unies dans le m me opprobre est significative Il s agira donc de cat goriser les r gimes par le d ploie ment de l action gouvernementale plus que par les desseins que ce d ploie ment va servir La question du r le de l Etat a remplac la question de la finalit du gouvernement L incapacit des sujets Il y a dans le despotisme une sorte de jalousie des actions une susceptibilit de la prise en main et de la prise en charge Le monarque ne supporte pas de voir son peuple uvrer lui m me Montesquieu le d crit comme lagent conomique supr me et unique production d Etat commer
42. Montesquieu et Tocqueville posent l id e de capacit humaine en exergue de leurs arguments Mais non pas cette capacit souveraine des auteurs r volutionnaires qui l ont puis e chez Locke Non pas cette lumi re illimit e que l on retrouvera chez les lib raux Mais cette capacit situ e cette connaissance intrins que des besoins propres et proches cette habi let organiser le quotidien Putile au jour le jour Une telle affirmation ne se d montre pas par la raison mais par les faits Les corps sociaux ont prouv par le pass qu ils savaient diriger leurs affaires personnelles Une telle affirmation se justifie par la nature cette direction des affaires propres se l gitime de soi il n est que de constater la ressemblance et la proximit entre l acteur et l action Ici Paction est pos e comme un prolongement de lacteur un moment de sa r ali sation Les s parer c est voler une parcelle d tre mutiler un acteur en brisant une continuit naturellement stable La monarchie se perd lorsqu un prince croit qu il montre plus sa puissance en changeant l ordre des choses qu en le sui vant lorsqu il te les fonctions naturelles des uns pour les donner arbitrairement d autres Le despote est un usurpateur des actes il confisque ce qui ne lui revient pas en confisquant l action Le sujet de propri taire de soi devient usu fruitier de soi ou de ses uvres proches ce qui est la m me ch
43. auteurs Ce qui signifie que l id al normatif ne provient pas de l Etat autoritaire mais du consensus social Quand La Tour du Pin r clame un Ordre social chr tien r gi par des pr suppos s religieux et visiblement d cal par rapport la soci t de son temps il ne pense pas un gouvernement autoritaire et thocratique mais sous estime la d christianisation de la France du xixe si cle En tout cas pour 1 J M Mayeur Catholicisme social et d mocratie chr tienne p 52 53 3 Lettres manuscrites non publi es aimablement pr t es par Mme de La Tour du Pin que nous tenons remercier ici 3 Vers un ordre social chr tien p 171 CORPORATISME OU D VIANCE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARIT 153 lui la politique mane d une morale et d une vision du monde collectives loin qu elle soit le gouvernement des diversit s individuelles L id e de subsidiarit ne saurait donc se traduire ici que dans l ordre des actions et non dans l ordre des finalit s puisque les finalit s demeurent rattach es au bien commun d fini par un id al thique La Tour du Pin rappelle Althusius qu apparemment il ne conna t pas Mais sa th orie sonne faux dans une soci t qui a int gr la fois l conomie moderne le suffrage universel et l individualisme sociologique Il restera un penseur de la nostalgie Sa vision politique va contri buer engendrer non pas le retour au Moyen ge dont il r ve mais la dicta
44. bien que la soci t n est pas identique une famille et que l Etat west ni un p re ni une m re puisque les citoyens sont adultes d embl e et mat tendent pas vraiment de p dagogue il reste que la question de la suppl ance s apparente pour les lib raux cette affaire de lacets Car il faut tout prix suppl er la maladresse de l enfant Mais il faut tout prix aussit t qu il a acquis de l adresse le laisser agir seul Et l homme en g n ral se trouve dans cette situation compliqu e o incapable au d but de son histoire de survivre sans le secours de l Etat il a pourtant un besoin urgent d autonomie d s lors que celle ci devient possible L individu dans la soci t lib rale n a pas encore conquis sa compl te aptitude vivre seul C est pourquoi l Etat accomplit son gard une t che de suppl ance Mais il ne s agit que d une suppl ance temporaire m me si elle rev t temporairement une importance r elle L id e de progr s traverse le xrx si cle Il s agit d une certitude de l am lioration de l homme travers le temps Ce perfectionnement appara t moral autant qu intellectuel Taine parle apr s Hegel du d veloppement de la cons cience de soi La plupart des penseurs politiques de cette poque ne consid rent pas le despotisme comme un mal en soi parce qu ils voient dans l autonomie de l homme une caract ristique historique plus qu ontologique Le despoti
45. c cit devant les effets pervers pr visibles du syst me corporatif Cette doctrine se pr sente comme une nouvelle utopie sociale de r alisation des valeurs aboutissant logiquement un d ploiement de la coercition d Etat et la dictature La nostalgie et l utopie Interpr tation fauss e de l histoire m di vale les corporations se sont form es originairement pour suppl er une incapacit tatique On peut tra duire ce vide tatique en incapacit ce qui signifie que l instance souveraine demeure l gitime en pareil cas parce qu il s agissait d un vide juridique d une vacance dans la protection de tous par la loi Les corporations apparaissent comme des forces de pouvoir aptes lutter contre l arbitraire d autres forces de pouvoir les fiefs une poque d absence de souverainet Elles visent donc remplacer dans certains cas le pouvoir l gislatif absent En contrepartie et parce qu elles jouent un r le minent de protection elles restreignent les initiatives et se solidifiant au fur et mesure des si cles elles en viennent entraver le d veloppement conomique C est pourquoi la plupart des scolas tiques critiquent vivement ces cr ations monopolistiques qui pr tendant fixer le juste prix ne fixent en r alit que le prix al atoire de leurs int r ts Pour les thomistes de la fin du Moyen Age le juste prix ne saurait provenir que de la concurrence issue de la libe
46. ce qu il crit il crit ce qu il fait Il n y a pas d utopie chez cet homme C est pourquoi peut tre il manque l lan et le charisme Ren de La Tour du Pin sera aussi de cette sorte Dans Phistoire des id es politiques ces penseurs rassurants et ennuyeux ne suscitent pas de r volutions mais imposent des r flexions qui sont comme des lames de fond Droits des groupes Althusius d crit la soci t allemande de son temps m di vale encore et d nu e d Etat tut laire Il d crit des villes des corporations et des familles autonomes Il donne cette autonomie sa raison d tre et en justifie Pavenir Il tire les cons quences de cette autonomie historique il en extrait une nature et en fa onne une th orie Dans la soci t allemande PEtat manque plus qu il n opprime Althusius apr s Bodin recherche le fondement de la souverainet Mais ici le peuple est souverain le prince n exer ant la puissance que par d l gation La soci t prime l Etat dans le principe comme dans l histoire germa nique Elle ne pr c de pas PEtat dans un temps n buleux dans un tat de nature mythique car Althusius ne paie aucun tribut aux mythes m me explicatifs Mais elle le pr c de dans le primordial et ontologiquement Cela signifie que Phomme se sent un fils de la soci t avant de se reconna tre un fils de PEtat Plac au milieu de cercles concentriques repr sentant la soci t la famille le m ti
47. cette urgence li e l incapacit qui fonde le gouvernement f d ral Celui ci joue donc un r le subsidiaire d abord au sens premier et imparfait de secondaire au d part il est li une situation d exception Il est suppl tif on ne lui conf re que les attri butions que les Etats f d r s ne sont pas en mesure d assumer C est cette seule condition qu il re oit l gitimit En Suisse les cantons signent un pacte en 1291 pour affermir leurs droits et libert s face la menace habsbourgeoise C est pour restaurer l ordre social menac que sont cr s un gouvernement central en 1848 et une assembl e f d rale rempla ant l ancienne di te Ici aussi les pouvoirs de l Etat f d ral lui sont d l gu s par les f d r s et tous les pouvoirs qui ne sont pas d volus l Etat f d ral demeurent aux f d r s Cette transmission de bas en haut montre bien o se trouve l origine du pouvoir Les comp tences appartiennent naturellement et sans r clamer aucune justification de raison aux collectivit s de proximit Les comp tences de l Etat doivent au contraire recevoir justifi cation car elles mergent d une n cessit seconde Les comp tences de l Etat f d ral sont num r es c est dire restrictives et fond es en raison alors que dans les autres organisations politiques et plus forte raison dans l Etat centralis ce sont les comp tences des collectivit s qui sont num
48. clame des corporations obligatoires fortes pr rogatives La doctrine officielle de l Eglise pr f re des associations libres Le d bat qui s engage pose la question de la place des corps interm diaires et de leur r le et cons quemment du r le de PEtat Le courant de R de La Tour du Pin Va au cours d une volution de plusieurs d cennies et probablement son insu vincer l id e de subsidiarit en r instaurant un Etat contraignant L homme social chez La Tour du Pin Officier parlementaire et crivain La Tour du Pin v cut assez longtemps pour participer aux d bats pr c dant Rerum Novarum l poque de la Com mune de Paris et des d cennies plus tard devenir l un des r dacteurs de la jeune Action fran aise C Maurras l appelait Mon cher ma tre et l on ne peut douter de la continuit de pens e qui relie La Tour du Pin Maurras et Massis La d marche de La Tour du Pin est essentiellement catholique et toute sa politique s en trouve impr gn e Il ne croit pas PEtat neutre Il y a des Etats chr tiens des Etats musulmans et parmi les premiers des Etats catho liques des Etats protestants Il my a pas d Etats neutres bien qu on s efforce d y parvenir force de le proclamer Mais il ajoute Parce qu il n y a pas d Etat qui ne soit l expression politique d une soci t et pas de soci t qui soit sortie du vide de croyance ou d id al chez ses premiers
49. d imaginer une tutelle qui se vouerait la dissolution de ce corps qu elle n avait t cr e que pour prot ger La dissolution est totale d s qu il y a ing rence au del du n cessaire puisque chaque organisme ne se d finit que par ses uvres Nous nous trouvons ici dans une situation de contrat politique ou plut t de contrats politiques inverse de celle que pr sentait Hobbes Les commu naut s successives ne s assimilent pas les unes aux autres Elles ne s ali nent pas les unes les autres comme l individu de Hobbes s ali nait l Etat Elles ne conc dent qu une partie de leur libert conservant l essentiel de leurs pouvoirs Le collegium communaut civile ou association rige ses propres statuts et sa propre juridiction condition de ne pas enfreindre la juridiction publique Il poss de ses biens propres que personne ne saurait lui ravir Il les administre sans concurrence La cit tient la haute main sur tout l appareil public de sa propre sph re les cours de justice locales les b timents publics les archives civiques la lev e des taxes municipales les fortifications La province veille la s curit collective des cit s Elle soutient les activit s commerciales ce qui indique bien qu elle ne se substitue pas aux commer ants eux m mes Elle administre la justice Une loi g n rale r git tout cet ensemble ondoyant et divers la propri t est inviolable Le chef de fami
50. d sor mais vinc s de la politique et surtout la raison d Etat laquelle se substituera la d fense de la justice On a l impression que le gouvernement f d ratif apporte 1 Principe f d ratif p 384 3 Principe f d ratif p 546 2 Ibid p 321 4 Ibid p 327 5 Ibid p 352 353 546 114 L TAT SUBSIDIAIRE une nouveaut absolue par rapport tous les r gimes ant rieurs Il indique l appa rition du pur r gne du droit et en ce sens ouvre une re sans pr c dent de r con ciliation entre le citoyen et le pouvoir Il r gle en m me temps tous les pro bl mes cruciaux de la vie politique et sociale Il r concilie les aspirations des diverses classes Il vite d finitivement la guerre Il permet le d veloppement du bien tre de tous On peut se demander comment expliquer cet optimisme extr me et cette cr dulit dans une sorte de miracle L auteur a le verbe haut et fleuri Mais les descriptions dithyrambiques de la soci t f d r e ne sont pas des effets de rh torique Ici comme chez les lib raux la suppl ance de Pautorit s inscrit dans une histoire progressive Le centralisme est r trograde id e que l on trouve aussi chez Taine Pourtant la nouveaut chez Proudhon est qu il int gre l id e f d rative et donc l id e subsidiaire dans un sch ma historiciste o elle vient litt ralement r soudre les apories sociopolitiques La lutte de l autorit et de la l
51. d veloppement de ces initiatives notamment la propri t priv e L argument de la justification pri mitive de PEtat rappelle l id e du pacte initial n pour la garantie des libert s Ainsi PEtat qui y d roge violerait une promesse En ce qui concerne l tendue des comp tences individuelles l auteur serait tent de les juger au crit re de la proximit Les particuliers doivent naturellement demeurer ma tres de leurs uvres priv es c est dire de celles qui les touchent directement Mais en ce qui concerne la gestion publique ils choisissent leurs repr sentants au niveau le plus proche car l on connait beaucoup mieux les besoins de sa ville que ceux des autres villes La libert politique ou participative s exerce mieux par la connaissance li e au voisinage L ampleur des d cisions libres s tend aussi loin que porte la capacit de jugement comme l ampleur des actes libres correspond la capacit 1 Esprit des lois V VII 2 Ibid XX XIX 3 Ibid XXVI XV 4 Ibid XI VI 72 L TAT SUBSIDIAIRE d action La libert de participation r pond aux m mes crit res que la libert d autonomie contrario l Etat se d veloppe dans le domaine des incapacit s sociales par exemple lorsqu il doit porter secours aux indigents les organisations charitables n tant pas en mesure de couvrir tous les besoins Ainsi il a le devoir d intervenir pour secoutir dans des domaines qui peuven
52. de davantage de hauteur de vue mais ce bien commun doit tenir compte d une multiplicit de projets singuliers dont chacun forme un tout Le bien commun du despote clair organise les actions individuelles selon une finalit sociale rig e par le pouvoir Ici le bien commun assume et ordonne des actions individuelles consid r es comme un donn irr ductible Unit d ordre Au Moyen ge la soci t est con ue la fois comme un organisme et comme une organisation de membres ind pendants ce qui a amen O Gierke parler d une id e f d rative de la soci t La comparaison avec l organisme ne doit donc pas laisser identifier le corps social un tout globalis aux l ments naturel lement dirig s d en haut Il s agit d une m taphore d crivant l unit d ordre dont parlait Thomas d Aquin Une unit d ordre correspond l autonomie des parties et leur diversit tandis qu un collectif appellerait une unit d identit C est dans la soci t du Moyen Age naturellement form e de centres auto nomes et avant l id e bodinienne de souverainet que na t le concept de sup pl ance Thomas d Aquin n a pas encore clarifi le concept Il a mis tous ses efforts l gitimer ontologiquement la dignit de l action humaine et fonder la notion de personne Il a d crit un pouvoir qui valorise et unifie les actes sociaux L id e de suppl ance n a pu na tre que dans une soci
53. de l activit sociale sont d pourvus de cet arbitraire parce que l Etat y ob it des r gles n ga tives ou positives labor es en dehors de lui Ici l inverse l absence de ces r gles strictes et la reconnaissance d une intervention fond e sur un principe non politique mais purement humain la capacit et le besoin laissent l Etat seul la d cision concernant la validit ou la non validit de l intervention L ins tance tatique est juge du bien commun et de sa concr tisation efficace juge de 1 Pie XI Quadragesimo Anno 572 3 Mater et Magistra 115 3 Ibid 127 et ss 4 Jean Paul II Le travail bumain go 5 Mater et Magistra 154 NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 147 la capacit ou de l infirmit temporaire ou d finitive des individus et des groupes juge du besoin de secours au demeurant fort subjectif puisque d pendant aussi des circonstances On attribue donc l Etat la t che d valuer avant m me celle d aider ou de secourir Toujours il est pr cis que l conomie par nature repose sur la libre initiative des individus et des groupes mais que l Etat peut nationa liser en cas d abus et la question demeure de la fixation de cette limite flottante entre la mesure et l abus Il est clair ici que l id e de subsidiarit pose autant de probl mes qu elle en r sout En rejetant les lois syst matiques concernant le r le de l Etat il n intervient jamais sau
54. de libert au lieu de la grandir En ce sens l initiative priv e a priorit en valeur sur l intervention publique mais pas forc ment priorit temporelle L Etat doit pouvoir aider pr ventivement afin de soulager l individu de t ches qui auraient pour r sultat proche ou lointain d amenuiser ses capacit s se d fendre par lui m me Dans le m me sens il peut intervenir hors de toute demande comme dans le cas de l enseignement gratuit et obligatoire qui l poque o il fut institu ne r pondait s rement pas une exigence g n rale des membres de la soci t t Le crit re du devoir d ing rence est donc non seulement la demande individuelle et l incapacit sociale d y faire face mais l exigence du bien commun Le bien commun qui ne r sulte pas d un arrangement spontan doit donc tre r fl chi par l instance ta tique et red fini en permanence L ensemble des conditions du bien tre commun varie sans cesse Il est tributaire du niveau de d veloppement et des capacit s propres du pays consid r Dans chaque pays il se modifie avec l histoire Si les droits les plus essentiels et les plus g n raux peuvent tre pos s avant la soci t par contre le contenu pr cis de ces droits ne peut prendre forme que dans la soci t L enfant a droit une ducation avant toute soci t mais il ne peut r clamer l enseignement gratuit toute soci t comme un droit Et l on peut se demand
55. de retrou vailles naturelles et non de l alliance monstrueuse de deux contraires La philosophie des droits supposait la dignit de l homme et implicitement se fondait sur cette valeur m me si elle le disait peu afin de ne pas souffrir d assi milation avec la religion vinc e C est bien supposer l homme digne que de lui conf rer une libert ontologique ou r clamer l galit les dignit s sont gales ou ne sont pas Mais ces valeurs ont t pour ainsi dire s par es de la valeur ini tiale qui les subsumait Priv es de leur fondement elles se sont lib r es en m me temps des situations dans lesquelles elles se concr tisaient Par ailleurs en se la cisant elles se sont rationalis es C est l histoire de cette d viation qui pr occupe les catholiques du xxe si cle Un homme en vaut un autre La dignit est donn e par la th ologie comme une valeur ontologique Elle s entacine dans le lien entre le cr ateur et la cr ature lien la fois de l origine et de NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 121 la finalit L homme est digne parce qu il vient de Dieu et parce qu il va Dieu m me si sa vie concr te n offre pas l image de cette finalit il est virtuellement ordonn Dieu Dieu est racont travers une histoire d amour singuli re avec chacune de ses cr atures et de la m me fa on avec toutes sans discrimination Lorsque saint Paul commen a ses harangues sur l galit
56. de travailler l int r t g n ral Cette volont requiert un d sir d ind pendance plus qu un h ro sme moral qui n est pas en question ici La notion de suppl ance qui attribue des comp tences sp cifiques l auto rit appara t en ce d but du xvrre si cle la fois chez Althusius et chez Locke Mais Althusius justifie pour sa part la soci t organique du Moyen Age tandis que Locke d crit une soci t individualiste d j moderne La texture de la soci t va diff rencier les deux visions sp cifiques de la subsidiarit qui se d velopperont au xrx si cle La soci t individualiste de Locke engendrera l id e de suppl ance des lib raux classiques Tandis que la soci t organique d Althusius fournira le fondement de l Etat subsidiaire des catholiques sociaux et plus loin d une mani re toute diff rente des ordo lib raux du xx si cle C HA PIT RE V Les d buts de l Etat subsidiaire La th orie d Althusius concernait la soci t davantage que l Etat proprement dit La pens e moderne du r le de l Etat face aux autonomies sociales appara t au moment o cet quilibre pose probl me au moment o pour une raison ou pour une autre il s agit de d fendre l autonomie sociale Au d but du xrxe si cle Tocqueville en France Hegel en Allemagne tentent de d terminer le r le de l instance tatique Chacune de ces r flexions r agit des v nements et s int gre dans une hi
57. du f d ralisme sont d abord les d fenseurs du droit naturel et justifient leur organisation par son r alisme vis vis des capacit s humaines Le f d ralisme est un anti syst me parce qu il se tient au plus pr s des besoins l mentaires et ne rationalise pas la plupart des organi sations politiques conomiques et sociales rationalisent soit elles veulent contraindre les individus ressembler leur principe soit elles vivent sur l id e d un homme d fini a priori Le f d ralisme n accorde l individu que autonomie dont il est capable ce moment et cet endroit mais il la lui accorde toute Par ailleurs il porte une id e de progr s de la libert ce qui n est possible justement que parce que la libert n y est pas fig e dans un concept donn une fois pour toutes Les d fenseurs du f d ralisme arguent que cette organisation politique de proximit alliant la n cessit de la souverainet avec le respect des autonomies serait la seule pouvoir assumer valablement la diversit de plus en plus explo sive des soci t s contemporaines Il s agit bien d assumer et non pas de r soudre car la politique n est pas d finie ici comme une science capable de r soudre les probl mes humains L id e de subsidiarit et par cons quent aussi organi 1 La relativisation de la valeur d mocratique est assez fr quente chez les d fenseurs du principe par exemple H Stadler Subsidiarit t
58. du r gime mixte Deux points sont observer dans la bonne organi sation du gouvernement d une cit ou d une nation D abord que tout le monde participe plus ou moins au gouvernement car il y a l selon le deuxi me livre des Politiques une garantie de paix civile et tous ch rissent et soutiennent un tel tat de choses 1 Mais il ne parle ici que de la libert de participer au gou vernement ou de P l ment d mocratique du pouvoir Cette esp ce de libert 1 Somme th ologique I II qu 105 art 1 36 L TAT SUBSIDIAIRE lui appara t circonstancielle et relative un peuple ou un consensus donn en tout cas justifi e seulement par un besoin inexplicable ou qui n aurait pas d autre justification que son existence Il en va tout autrement quand il voque une libert qui n est pas encore notre libert d autonomie moderne mais qui suppose l autonomie des groupes celle ci sera fond e ontologiquement Pourtant de prime abord Thomas d Aquin semble d fendre une id e contraire toute libert sociale et personnelle C est pourquoi avant d en venir la description du pouvoir il faut lever une ambigu t Principe de totalit A la lumi re d Aristote le Docteur Ang lique voit la soci t comme un organisme Il appara t ainsi assumer pour son propre compte le pouvoir contrai gnant que nous trouvons dans le dernier chapitre de la Politique d Arsitote traitant de l duca
59. e engendre deux cons quences li es elle touffe les actes des individus et d ploie excessivement l tat Montesquieu faisait d j remarquer que chez les anciens l galit d mocratique allait de pair avec l ampleur des d penses publiques frugalit des citoyens somptuosit de l Etat Les pages de Tocqueville sur la centralisation d mocratique sont si connues qu il n est pas besoin de les rappeler L essentiel reste que Tocqueville introduit une nouvelle dimension du concept d in galit et par opposition du concept d galit L in galit n est que le lieu des capacit s concr tis es la cons quence des actes Tocqueville pourrait appara tre davantage comme un d fenseur des initiatives bourgeoises que comme un conservateur des privil ges Il admire le d veloppement des associations am ricaines Pour lui l in galit est d ploie ment des uvres Les uvres appartenant intrins quement l tre les hommes 1 Esprit des lois V I C est justement cette abn gation du citoyen favorisant l opulence publique dont parlait D mosth ne pour l admirer et la regretter Mais la comparaison de Montesquieu ne saurait aller trop loin Pour les Grecs l Etat repr sentait v ritablement la chose de tous tandis que pour les modernes il appara t comme une instance abstraite et distante LES D BUTS DE L TAT SUBSIDIAIRE 69 faits sont in gaux Et l galit d crit des hommes d faits ou emp ch s
60. en charge tatique Pour r duire ce paradoxe il faut appeler des instances interm diaires aptes rendre les m mes services que l Etat mais sans en susciter les inconv nients D o la renaissance d une th orie politique fond e sur la l gitimit des groupes interm diaires Dans sa lettre ouverte ses lecteurs du 17 septembre 1848 Ketteler r clame une autonomie communale pour les questions sociales Cette autonomie communale constituera une sorte de pro longement de l autonomie individuelle d faillante c est dire qu elle la d ve loppera sans la contraindre Tant que la famille la commune peuvent se suffire pour atteindre leur but naturel on doit leur laisser la libre autonomie Le peuple r git lui m me ses propres affaires il fait une cole pratique de politique dans l administration communale o se reproduisent en petit les questions qui sont trait es en grand dans les parlements C est ainsi que le peuple acquiert la formation politique et la capacit qui donnent l homme le sentiment de son ind pendance C est donc la d fense d une soci t organis e qui appara t avec Ketteler comme le pivot de cette pens e politique Seules la solidit et la libert des groupes peuvent permettre d carter l Etat tentaculaire mais sans priver la soci t du secours dont elle a besoin Nous allons donc retrouver ici comme chez Althusius une subsidiarit par degr s successifs L accepta
61. est jamais en mesure d assurer seule Pinstruction Les associations doivent accomplir les t ches d assistance Plus loin les communes doivent aider les coles et les associations dans leur mission Plus loin encore l Etat doit financer les communes On voit que cette vision sociale n est pas loi gn e de celle d Althusius ce qui n a rien d tonnant puisque les deux auteurs trois si cles de distance se donnent le m me mod le La suppl ance diff re ici de celle des lib raux D abord par sa d centrali sation et son mode d organisation par chelons successifs et emboit s Ensuite 1 Ibid p 97 2 Devoirs des parents et de la famille p 13 C MILLON DELSOL 5 130 L TAT SUBSIDIAIRE par son contenu l aide subsidiaire apporte un bien tre positif justifi par une vision sociale sp cifique La d centralisation de l aide suppl tive d termine enti rement son caract re de v ritable suppl ance La suppl ance suppose un secours partiel l exactement o se trouve le besoin Or seule une instance proche peut reconna tre le besoin r el Un secours d Etat apport directement l individu sera rendu approximatif par la distance et couvrira trop par crainte de maider pas assez Il ne d c lera pas par ailleurs le moment pr cis o il peut se retirer Il ne s agira donc plus d une suppl ance au sens strict mais dans la plupart des cas d un surplus propre engendrer d
62. et certains dictateurs d pos rent le pouvoir au bout de quelques jours aussit t leur t che accomplie Apr s Machiavel l id e de raison d Etat se teinte d immoralit et cette acception reste vraie de nos jours Cela tient au fait que Machiavel ayant d velopp avec talent l id e de raison d Etat passe pour l avoir d crite comme la raison de l Etat Une r putation injuste le donne comme apologiste du pouvoir absolu ordinaire Il est probable que Machiavel tient sa renomm e de cynisme de sa vision de la religion comme moyen pour maintenir l Etat Mais il ne confond pas cette finalit de l Etat qui consiste maintenir la libert et la r publique et sa finalit comme garant du salut qui est de veiller la dur e de la soci t en utilisant tous les moyens m me repoussants Simplement il s int resse davantage cette derni re finalit Ce qui ne veut pas dire qu il la donne pour unique Dans Phistoire de l id e de raison d Etat certains crivains critiquent la raison d Etat parce qu elle se confondrait avec la raison de PEtat et d autres la r cusent parce que m me exceptionnelle elle utilise des moyens malsains ou vicieux D autres encore comme Machiavel ou Naud jugent que les moyens vicieux sont n cessaires quand ils sont b n fiques au salut social Mais la plupart voient dans cette mani re de gouverner quelque chose de pervers m me si sa finalit bienfaisante titre m diat la
63. et laisse assez vite passer les corps sous l autorit du pouvoir central Salazar avait pr vu de diriger les corporations autoritairement mais de fa on provisoire et en attendant qu elles soient capables de se contr ler elles m mes ce qui videmment n arriva jamais Cette fatalit de l tatisme appara t bien incluse dans le syst me corporatiste comme le dit F Perroux Sans une intervention rigoureuse de l Etat un syst me corporatif conduit en droiture la formation d une f odalit conomique Il semble bien que la plupart des adeptes du corporatisme d entre deux guerres demeurent tent s voire fascin s pour certains par les mod les fascistes Contrairement ce que des catholiques comme La Tour du Pin avaient cru d embl e plus les corporations seront puissantes plus l Etat devra intervenir Car le pouvoir qu on leur conf re est de droit public et d s lors elles appellent afin d viter les abus le contr le coercitif du seul organisme de droit public capable de les surveiller La n cessit de l intervention tatique provient de la prise en main par des organismes sociaux d une autorit de coercition tradi tionnellement d volue l instance publique Ces organismes sociaux utiliseront cette autorit pour d fendre leurs int r ts cat goriels appelant ainsi un contr le sup rieur Si le corporatisme pr ne au d part la non ing rence et doit tr s vite l abandonner c est q
64. excessif de la raison accuser le principe de totalit de totalitarisme Il faut par ailleurs rappeler que le personnalisme en tout cas dans son acception chr tienne ne rel gue pas le bien commun un rang secon daire m me s il pense d une certaine fa on la soci t seconde par rapport l homme Il pose la n cessit de l panouissement de l individu dans le cadre du bien commun On pourrait croire ici qu il y a jeu de mots ou casuistique douteuse Ce n est pas le cas Le personnalisme ne se d tache pas de l organicisme parce qu il pose la dignit fondamentale de l homme ce que Thomas d Aquin avait d j fait Mais parce qu il englobe la libert des fins dans cette dignit ce que Thomas d Aquin n avait pas fait et ce que rejettent galement les n o thomistes partisans de l organicisme La primaut de l homme substance et personne par sa relation Dieu existait d j chez Thomas d Aquin mais l homme social tait englob dans le tout en ce qui concerne ses finalit s On ne voit pas pourquoi la personne libre de son destin ne pourrait servir en m me temps le bien commun Simplement le bien commun n englobant plus naturellement les biens particuliers il faudra lui trouver d autres justifications d existence Utz aper oit chez L on XIII Pappa 1 Notamment dans Vom Sinn des Subsidiarit tsgesetzes 182 L TAT SUBSIDIAIRE rition de la jonction entre les deux pens es L auteur
65. faillance afin de conserver les droits la libert mais aussi si d autre part elle permet dans le cadre dela d faillance individuelle de garantir la dignit en dehors m me de l panouisse ment de la libert La soci t et plus loin l instance tatique se trouve en charge de la concr tisation et du d veloppement des dignit s individuelles A ce titre elle a un devoir subsidiaire secourir les plus faibles ceux dont la libert ne suffit pas r aliser la valeur proprement humaine Ketteler r clame au Reichtag des lois sociales interdisant le travail des enfants de moins de quatorze ans La question de la famille ouvri re dans une conomie lib rale l incit mettre l accent sur les limites de la libert comme valeur Les individus et les familles ne sont pas suff 4 Les catholiques et le Reich Kefelers Schriften IL p 162 NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 131 samment prot g s D une famille faible d esprit d Am rique du Nord et de sa post rit sont sortis 142 mendiants 75 habitants des h pitaux 76 criminelst Pourtant il ne s agit pas non plus d une critique de la libert abstraite du lib ralisme l instar de celle des socialistes qui aboutit la d finition marxiste de la libert formelle et ainsi la n gation de la libert elle m me La libert d auto nomie conserve une place essentielle dans ce que l on appellera la doctrine sociale Mais elle desc
66. finalit que celle de garantir ces fins particuli res Il n est pas d positaire d une uvre concernant le tout parce que ce tout n a qu une existence abstraite et ne peut rien vouloir pour lui m me comme tout il n est qu un r sultat et non une aspiration La seule t che universelle dont PEtat peut la limite se charger est une t che historique celle de contribuer supprimer dans Pavenir sa propre intervention et cette t che co ncide avec le d ploiement de plus en plus autonome des individualit s L id e de bien commun repr sente ici une sorte de chim re ce que serait une essence platonicienne vue par le nominalisme Le bien commun consid r comme un dessein rationnel et justifi suppose une soci t valant pour personne morale laquelle par cons quent les individus pourraient bon escient sacrifier une partie de leur autonomie Le refus de l individualisme fondateur l gitimera l id e de justice sociale dans la philosophie sociale n o thomiste Ainsi l id e de suppl ance se trouve largement pr sente dans la th orie lib rale mais c est une suppl ance qui ne vaut que pour Pin dividu et qui ne vaut que pour un individu consid r comme virtuellement suffisant 1 Op cit p 253 255 C MILLON DELSOL 4 98 L TAT SUBSIDIAIRE Ici l Etat s attache d j ce que l homme ne peut ou ne sait pas accomplir mais cette incapacit se r duit la s ret ou s curit e
67. humaine et tente de l aider se d clencher Elle joue le r le d un stimulant alors que les cr ances remplacent Du moins cherche t elle jouer ce r le le plus possible avant de devenir en urgence distributrice de cr ances Leur action des pouvoirs publics a un caract re d orientation de stimulant de sup pl ance et d int gration Tous les textes insistent sur cette aide l action qui mwa rien de commun avec les cr ances L homme a un droit la responsabilit personnelle un droit l uvre personnelle autant qu un droit au r sultat La dignit humaine fonde galement le droit de d ployer l activit conomique dans des conditions normales de responsabilit personnelle Les pouvoirs publics peuvent prot ger l initiative qui concourt au bien commun voire la privil gier au sens tymologique la placer sous un r gime juridique propre et donc incitatif afin d assurer son d veloppement Ils peuvent utiliser leur puissance valoriser certains secteurs au d triment des autres et pr parer le terrain l ini tiative sociale lui donner les conditions de son exercice Qu on n oublie pas ce crit re fondamental sur lequel doit s appuyer l action des pouvoirs publics pour le bien commun il est important non seulement que les pouvoirs publics d ploient directement et d une fa on propre des activit s d termin es mais encore qu ils pr parent les conditions n
68. il a besoin eu gard sa qualit d homme Cela signifierait que les exigences de concr tisation de la dignit rendent illusoires les exigences de respect de la libert et que le devoir d ing rence par sa justification ruine la justification du devoir de non ing rence C est bien parce que ces deux devoirs par d finition se contredisent mais se justi fient l un et l autre qu appara t le principe de subsidiarit rig pour permettre d assumer ce paradoxe sans le r soudre c est dire pour laisser intactes ces deux exigences sans briser l une ou l autre Face l exigence du bien commun aucune limite ne sera pos e la respon sabilit de l Etat contrairement ce qui se passe dans le lib ralisme classique mais des limites permanentes seront pos es l activit de PEtat contrairement ce qui se passe avec le socialisme L instance publique doit garantir des apports qu elle n est pas loin de l seule prodiguer C est de cette fa on seulement que peuvent coexister dans un quilibre pr caire et incertain la libert de chacun et la dignit de tous Le devoir d ing rence ne saisit pas le besoin la racine d s qu il s exprime mais apr s que la libert de la soci t a tent d y r pondre soit individuellement soit surtout collectivement Remise en cause de l id al d galit La coexistence des deux devoirs contraires n est possible que parc
69. il r sout les conflits pourtant jug s insolubles par les g n rations successives L organisation f d rative exprime l quilibre entre les forces ce point d ach vement o aucun des deux principes ne cherche plus sa victoire parce qu il se trouve la fois contraint par la force de l autre et satisfait de soi Proudhon qui met plus de confiance dans l exp rience que dans la seule raison fait remarquer 1 Ibid p 331 116 L TAT SUBSIDIAIRE que la Suisse ne cherche pas la guerre ext rieure ni n prouve le besoin de se gouverner int rieurement par la raison d Etat L autorit excessive n a plus d alibi si la libert d velopp e partout la rend inop rante en lui tant sa signifi cation Le f d ralisme se prive ainsi de la gloire et de la vanit des conqu tes c est pourquoi probablement il na t si tard dans l histoire au stade de la culture la plus haute L organisation la plus parfaite rentre dans l histoire par la petite porte elle implique mod ration et sagesse et une sorte d abdication de la grandeur L organisation la plus parfaite est aussi paradoxalement la plus loign e de la perfection r v e et id alis e la plus humainement modeste Il ne s agit pas de l ach vement grandiose d un seul principe mais de l quilibre prudent des contraires En tout cas l id e de subsidiarit vient ici r soudre les conflits abolir les tensions rendre possible l impossible Cl
70. il resta dix sept ans Dans son Essai sur le droit naturel dans ses nombreux articles parus dans la Civilta Cattolica il pr pare la doctrine sociale qui sera bient t nonc e par le Vatican s opposant d s cette poque au lib ralisme et au socialisme et cherchant une alter native l individualisme moderne On pourrait trouver beaucoup de ressem blances entre Taparelli et Le Play Il s agit d en appeler un ordre sociopolitique dont le seul pr suppos soit le respect de la dignit des personnes hors de tout 1 Etude du conseil d instruction en Am rique du Nord au d but de ce si cle Devoirs des parents et de la famille p 46 Ici les r flexions sur la c l bre Juke Family et ses quivalents ne sont pas le pr texte des th ories eug nistes comme chez Galton Pearson ou Davenport Les catholiques et le Reich jbid 132 L TAT SUBSIDIAIRE syst me de pens e Consid r son poque comme un original Taparelli est Pinspirateur de la pens e moderne de l Etat subsidiaire Si Taparelli explore le droit naturel c est par ce d sir de retour aux sources qui appara t dans les poques de bouleversement La r f rence thomiste et aris tot licienne exprime cet appel des sources pour op rer partir d elles un tri entre les r f rences contraires L Essai th orique de droit naturel d crit la soci t de la nature non pas au sens de Rousseau mais au sens ontologique et selon se
71. individu ne peut agir Mais la soci t par la voie mutualiste suffit la fois aux t ches conomiques et aux t ches de justice L Etat ne conserve gu re que les fonctions r galiennes En ce sens on pourra reprocher l auteur de faire trop confiance au self help non pas de l individu comme les lib raux mais des groupes seuls ou ensemble Sa vision du mutualisme expulse l tat des t ches de secours que les catholiques sociaux vont lui conf rer supposant que les groupes ne suffisent pas enti rement garantir la justice C est pourquoi il ne peut imaginer ni pr voir le centralisme grandissant que conna tront les f d rations du xx si cle Et c est pourquoi il conf re son syst me le statut de quasi perfection Il pense avoir pour toujours confin PEtat dans un r le second sans que cette situation engendre aucun effet pervers puisque tous les besoins sont assouvis par le jeu de l action sociale L autorit conomique est confin e fin de PEtat providence l autorit politique est confin e C en sera fait des aristocraties des d mocraties et de toutes les craties gangr nes des nations pouvantails de la libert On serait tent de penser que le jeune Proudhon n est pas mort son syst me reste une an archie politique au moment m me o il r organise avec soin et passion la soci t D o la fin de l histoire la soci t trouve enfin le moyen de g rer son bonheur en
72. ing rence subsidiaire et l ing rence de l Etat providence visant l galisation est sans doute l institution du m c nat Le m c nat priv tend des r alisations de bien commun et certains Etats le favo risent amplement notamment par des mesures fiscales se contentant de suppl er les insuffisances videntes aussi bien en qualit qu en quantit L Etat provi dence par contre reproche au m c nat priv d tre un facteur d in galit non pas en ce qui concerne le r cepteur de l aide puisque l Etat subsidiaire garantit que l aide sera apport e de toute fa on en dernier recours mais en ce qui concerne le donneur Le m c nat favorise l mergence d individus et de groupes qui tireront une sup riorit psychologique et sociale de l aide apport e les hommes n tant pas des anges l abn gation totale et anonyme reste illusoire Cette esp ce de jactance arguant de la g n rosit d pla t infiniment l Etat gali taire et c est pourquoi les Fran ais s indignent de voir le nom du m c ne inscrit sur le fronton d un mus e ou d un tablissement d ducation Les d fenseurs de PEtat subsidiaire pensent l inverse qu un b n fice individuel dispens au profit du bien commun sera plus efficace qu un don tatique g n ralis et qu il vaut mieux des libert s se d ployant en vue de la solidarit m me si elles en tirent une fiert par ailleurs l gitime
73. instance prend la place d une autre en vue du bien commun Mais il rappelle davantage l id e du dictateur sauvant la r pu blique qu il n introduit l id e de suppl ance au sein du corps social bient t conceptualis e par Althusius 1 Marsile de Padoue Le d fenseur de la paix 1 ch VI 2 H Beuve M ry Th ories des pouvoirs publics d apr s F de Vittoria p 100 et ss CHAPITRE I V Une multiplicit de contrats Johannes Althusius demeure au d but du xvrre si cle un homme du temps pass Il semble r sumer le Moyen Age plut t qu ouvrir une poque Pourtant il contribue tracer les contours d un moment diff rent o il sera question davantage de Pautonomie des hommes que du choix des r gimes Il pense qu il faut circonscrire les pr rogatives de la soci t avant de dessiner la forme du pouvoir Consid r comme le premier auteur f d raliste il est en m me temps le premier d crire une soci t subsidiaire Althusius ne trouve gu re d chos dans l histoire des id es auteur mal aim presque inconnu crivain au talent plut t p le Otto Gierke son seul admirateur a emp ch qu on le rel gue compl tement aux oubliettes objet d une r probation posthume Althusius fut ensuite victime de l indiff rence presque g n ralet Il laisse pourtant une uvre juridique importante Son activit lui a fait parcourir les pays allemands la recherche d aventures intellectuelles et
74. intervention se l gitime dans ce dernier cas au nom d une solidarit humaine et non plus dans l id e d une solidarit de patrie Cette solidarit se fait un devoir de secourir les ressortissants d un pays tranger et de susciter une aide permettant de d velopper leur autonomie future On aurait tendance parler de charit dans ce cas et de justice dans l autre Au sein d un m me Etat le secours serait d en justice au nom de la solidarit nationale Dans le cadre mon dial il serait d selon la charit puisque aucune loi positive ni aucun gouverne ment supranational ne saurait l riger en obligation Mais la doctrine de l Eglise n op re pas de distinction aussi tranch e Pour elle secours national et secours international concr tisent galement un ordre moral qui pour autant ne poss de pas ce caract re facultatif et al atoire d un ordre issu simplement d un devoir de charit Tout homme dans le monde a droit des conditions de vie d cente droit justifi par l imprescriptible dignit Cela ne signifie pas que chaque gouverne ment a les moyens et les possibilit s de traduire ce droit positivement dans toutes ses dimensions Mais chaque gouvernement a le devoir de concr tiser ce droit au maximum d abord pour ses nationaux et pour tous les hommes en g n ral d s qu il en a l occasion et les capacit s Chez lui il le traduira en justice positive Sur le plan international en un secours qui
75. justice de finances communes et de culte Toutes ces fonctions rel vent de la cit en g n ral et non des affaires des particuliers En ce qui concerne celles ci le pouvoir doit imp rativement surveiller les contrats et assurer le bon ordre 1 ce qui diff re absolument des attributions d volues au pouvoir despotique ou domestique car celui ci g re directement la production et le commerce de son domaine Dans une cit libre ou encore v ritablement politique car les deux mots pour l auteur signifient la m me chose le gouvernement despotique ne participant pas de la politique proprement parler le pouvoir n administre donc pas toutes les affaires mais en garantit la justice et le bon ordre Par contre le pouvoir despotique administre tout comme dans le domaine conomique ma tre absolu en tous les domaines Participation politique et affaires priv es C est pourquoi si Pon met part l aisymn tie forme de royaut singuli re et inassimilable rien de connu les quatre formes de royaut dont Aristote nous trace le portrait peuvent se r sumer en deux formes g n rales distingu es par le r le qu y joue le pouvoir Aristote diff rencie bien les royaut s par leur mode de l gitimation lection h r dit Mais il les diff rencie surtout par l tendue des fonctions du prince Qu il s agisse de la premi re la royaut spartiate ou de la quatri me celle des temps h ro
76. l apport de l individualisme moderne L homme y 1 J Voyame Le principe de subsidiarit p 124 et ss LES CHAMPS D APPLICATION 221 est vu comme un tre en r alisation d fini par ses projets et par ses act s dont seuls il se nourrit L homme n est pas un h ritier de PEtat mais un h ritier de sa communaut d appartenance Celle ci lui permet de d velopper ses capacit s gr ce auxquelles il r alisera ses propres performances La soci t repr sente en m me temps un organisme moral un groupe porteur d un projet global La soci t civile recherche le bonheur de tous en tant qu ils sont ensemble L essentiel est donc de garantir le respect simultan des projets singuliers et du projet commun Ceci implique des attributions de comp tences en spectre des sph res de libert s graduelles bien loin d une id e rationnelle et globale de la libert qui serait davan tage la n tre Pour le f d ralisme aucune autonomie ne vaut en elle m me mais toute autonomie vaut d s lors qu elle grandit l individu vision que l on pourrait qualifier de pessimiste ou de r aliste selon les pr misses que l on se donne Les valeurs essentielles ne se mat rialisent pas dans des r gimes politiques dans des types rationnels d organisation par exemple la d mocratie n a pas de valeur en soi mais dans la mesure o tel pays est capable d assumer cette libert singuli re et d en tirer un bient Les d fenseurs
77. la libert d ploy e qu elle joue un r le subsidiaire Commencer d limiter cet tiage serait absurde puisque la capacit de libert varie sans cesse Ou alors ce serait fonder la justification de l intervention autoritaire sur un autre crit re que la limite de la libert et l on se trouverait en dehors de l id e initiale Par ailleurs des critiques sont formul es dans les ann es cinquante en Alle magne contre une vision trop g n rale du principe cette fois sur le plan de la compr hension de la soci t et non plus de la n cessit d application Suffit il de poser l adage selon lequel la soci t est faite pour l homme non l homme pour la soci t pour laisser comprendre le bien fond de l aide subsidiaire Il semble qu apr s la dramatique exp rience totalitaire que l Allemagne a connue l urgence l gitimer le primat de la personne sur l Etat fait perdre de vue bien des nuances Certains pensent qu il suffit de r affirmer avec force que l homme est plus vieux que l Etat pour pr parer la voie d une politique conomique et sociale conforme aux attentes Or ce n est pas le cas Le d sir pressant de se d barrasser de toute sacralisation tatique est fond juste et compr hensible Mais cette affir mation n gative ne suffit pas faire une politique Et si l on devait utiliser le principe de subsidiatit seulement cette fin on en d vierait le sens en r tablis sa
78. la soci t contre les empi tements de l Etat mais l Etat contre la demande abusive des individus Les l gislateurs allemands ont par le pass recul devant une nonciation nominale du principe cause de sa connotation confessionnelle notamment lors de la conven tion de Herrenchiemsee au moment de la r daction de la constitution Il est vrai que l id e de subsidiarit voque irr sistiblement les crits des papes m me si depuis 1931 elle s est largement transform e et a subi les influences de pens es ext rieures Mais la question serait aujourd hui davantage de savoir si l id e elle m me pourrait trouver des acceptions positives susceptibles d tre re ues dans 1 H Kalkbrenner Die rechtliche p 516 et ss 2 I von M nch Staatliche p 304 305 LES CHAMPS D APPLICATION 217 les textes juridiques On en vient se demander si la nature du principe permet son nonciation juridique pr cise Ses d fenseurs insistent sur le fait qu il s agit d un principe et non d une norme M me s il est non seulement principe de droit naturel mais principe r clamant de se concr tiser dans le droit positif il n en reste pas moins rebelle sa traduction en norme ou en normes parce qu il concerne l appr ciation de limites fluctuantes plus qu il ne porte sur des actes La m me action qu il interdit ici peut se trouver l rendue n cessaire et conforme la m me thique qui lavai
79. le personnalisme tente de r pondre la justice L ID E DE BIEN COMMUN DANS LA SOCI T INDIVIDUALISTE 179 sociale avec le devoir d ing rence qui en est le moyen demeure n cessaire afin de concr tiser la dignit ontologique de la personne mais la justice sociale ne saurait tre d finie en soci t individualiste que de mani re despotique Ou encore faute d une id e claire du bien commun la soci t ne peut respecter la personne individuelle mais le bien commun est une id e confuse et ne s claircit que par contrainte id ologique ce qui la met en contradiction avec elle m me puis que le respect de l homme r clame aussi le respect de sa libert Le personnalisme se s pare du n o thomiste en ent rinant la soci t pluraliste et la diversit des fins Le principe de totalit qui l gitimait la soci t organique se trouve d finitive ment conduit Les membres de la soci t personnes et groupes acqui rent un droit propre dont la garantie devient le but unique de l Etat Le but de l instance tatique n est donc plus de d finir puis de concr tiser au mieux le bien commun mais de le rendre possible par l accomplissement des finalit s individuelles L homme n est plus int gr dans la soci t comme l ment d un ordre mais comme volont individuelle Dans la conception n o thomiste la communaut est ordonn e la personne en ce qui concerne les moyens d agir tandis que la pe
80. le sien d instinct naturel dans Pordre de la gr ce et de vouloir moral apr s le p ch Ainsi le principe de totalit pour trange qu il paraisse aux modernes n exclut pas que la pens e thomiste soit la premi re justification de la personne comme tout Thomas d Aquin rappelle que Bo ce d finissait la personne comme substance premi re Les autres substances cr es sont mues par des causes ext rieures et il n est pas en leur pouvoir d agir ou de ne pas agir 4 La personne est une substance intellectuelle caract ris e par la conscience la volont et la libert Elle est ma tresse de ses actes en tant qu il est en elle d agir ou de ne pas agir 5 Elle est libre la fois de ses actes et de ses jugementsf affirmation qui entra ne des cons quences importantes dans la vie sociale et fait de l Aquinate un pr curseur La personne repr sente donc un tout auquel nul ne saurait voler ses finalit s propres Elle est rattach e la soci t par les n cessit s de l existence mais elle est rattach e ontologiquement Dieu En ce sens seul Dieu pourrait lui imposer ses finalit s mais Il a choisi de lui accorder la libert La soci t n englobe donc pas totalement la personne L homme n est pas ordonn dans tout son tre et dans tous ses biens la communaut politique c est pourquoi tous ses actes n ont pas forc ment m rit ou d m rit envers cette communaut La
81. me Parce que situ e elle varie d o la compli cation de l organisation qui la garantit L id e de subsidiarit correspond avec la multiplicit des contrats conomiques ici avec la multiplicit des suffrages politiques en tout cas avec une soci t clat e parcellaire form e d unit s diverses chacune jalouse de son autonomie Le d veloppement maximal de la libert sous toutes ses formes est au prix d une diversit mouvante voire d sordonn e Il faut renoncer la fascination de l ordre Le Proudhon de la maturit n est plus anarchiste que par opposition un ordre trop logique trop 1 De la capacit politique p 213 SUBSIDIARIT PROGR S ET FIN DE L HISTOIRE 113 abstrait contre l unit excessive qui est l apanage la fois de la monarchie et de la d mocratiel Le pr jug de capacit l acceptation d une diversit multiforme suppose que la soci t de Proudhon repose sur les groupes et non sur les individus m me si l individu n est pas ni il ne s agit pas de restaurer la soci t orga nique Dans la conf d ration les unit s politiques ne sont pas des citoyens mais des groupes naturels c est dire plus anciens que la f d ration elle m me et autonomes au point d tre des Etats dans l Etat Au sein de ces groupes seulement le citoyen constitue l unit de base Cette m diation du groupe entre le citoyen et l Etat f d ral est la seule ga
82. me bonne conscience que si l on apportait un th or me de Pythagore Ce savoir est donc incritiquable La connaissance pour ainsi dire scientifique du bien commun justifie que le pou voir en impose l application Le joug du despote clair se l gitime par la science 178 L TAT SUBSIDIAIRE un aveugle ne rejette pas le bras d un voyant Le peuple fait confiance il subit la contrainte parce qu il pressent que l on pense pour lui et dans son int r t qu il ignore lui m me Ainsi seuls certains pouvoirs peuvent parler du bien du peuple comme d un objet aux contours d finis les pouvoirs despotiques consid rant leurs peuples comme des enfants et les pouvoirs qui gouvernent un peuple d ap tres li s entre eux par une conviction commune consid r e par eux comme objective de la d finition de leur bien g n ral La notion n o scolastique du bien commun n est pas une notion despotique si la soci t se compose d adeptes convaincus du m me id al et li s entre eux par cette conviction Mais elle devient n cessairement des potique aussit t que la soci t a chang qu elle est devenue un conglom rat d individus courant chacun vers ses finalit s singuli res et r cusant d sormais toute id e objective de la finalit commune D s lors un gouvernement qui vou drait encore ordonner la soci t cette fin qu il serait presque le seul consid rer comme objective devrait contraindre et probablemen
83. me temps l id e imm moriale du bien commun et rend apparem ment caduc le devoir d ing rence le privant de sa justification unique Dans ces conditions qu il est impossible de nier vouloir conserver le bien commun des n o scolastiques reviendrait imposer un bien commun despotique Despotisme est ici comprendre au sens tymologique Si une id e du bonheur commun donnant naissance des finalit s communes est apport e par une ins tance sup rieure un peuple non consentant tranger cette id e et ces finalit s cette instance devra utiliser la contrainte Le despotisme n est rien d autre depuis l Antiquit que le gouvernement de celui qui sait mieux que le peuple lui m me le bien du peuple d tenteur du bien objectif Au d part il s identifie au ma tre de maison despof s gouvernant des esclaves des femmes et des enfants c est dire des tres qui ignorent le sens et le contenu de leur propre bien tre Il les dirige donc l gitimement vers un but noble mais leur insu Par extension le despotisme d signe un gouvernement convaincu de l immaturit de ses sujets Il est convaincu de cette immaturit parce que lui m me se d cr te sup rieur qualitativement Car il sait le bien commun et le peuple ne le sait pas ou ne peut apprendre Ici la politique fait partie de la cat gorie des sciences elle est un savoir objectif que l on apporte au peuple de l ext rieur avec la m
84. membre lesquels sont pris en compte par la sph re inf rieure Ainsi la corporation en tant que groupe vise le bien tre des artisans tandis que ceux ci en tant qu individus sont prot g s par la famille Bien que soumis aux m mes imp ratifs d int r t g n ral les groupes divers tendent cependant tous des buts diff rents Les fins de la corporation ne sont pas celles de la cit ni celles de la province ni celles de l Etat La particularit des fins explique et justifie autonomie des groupes selon une id e tr s aristo t licienne chacun tient son tre de son lan vers la perfection de son dessein propre auquel il est ordonn Althusius nonce l id e qui sous tendra plus tard toute la th orie de la subsidiarit les groupes son capables d uvrer efficacement leurs fins propres Cette affirmation semble une redondance Il n en est rien Dire qu ils sont capables c est les confirmer dans leur tre et dans leurs d terminations C est carter l hypoth se ou la n cessit ventuelle d une tutelle man e des sph res sup rieures C est l gitimer un fait social h rit de l histoire et que l histoire future ne devra pas pour l auteur remettre en cause La famille est capable de g rer son conomie particuli re La corporation d riger ses r glements propres La cit de construire ses voies publiques et de programmer leurs charges La lutte d Althusius homme politique pour l
85. nanti d une puissance in galable il vit d une exis tence subordonn e Il s ordonne d autres qui eux s ordonnent eux m mes la d finition du tyran ou du pouvoir perverti est qu il s ordonne lui m me Il ne serait pas faux de lui nier une existence propre puisque sa perfection s identifie celle d autres instances dissoci es de lui Ici d j il est la fois second par son humilit de force servante et secours par le soutien positif qu il apporte Sa juste mission ainsi d finie ressemble la mission universelle assign e au gouvernement juste par rapport au gouvernement tyrannique travailler au bien commun de la soci t et non son propre int r t Mais il se distingue du pouvoir du prince paternel et du despote clair pourtant investi du m me but Le prince p re ou ma tre demeure seul d tenteur de la connais sance du bien commun face des sujets ignorants et infantiles Il les m ne leur perfection mais pour ainsi dire leur insu Ici la perfection de la personne ou du groupe social ne saurait tre propos e ou projet e de l ext rieur car elle ne consiste que dans le d veloppement de l agir propre partir de la raison int rieure Chacun vise son bien qu il conna t Le pouvoir sert des buts qu il ne 1 De Regno I ch XV 3 Ibid 44 L TAT SUBSIDIAIRE d finit pas lui m me mais qu il re conna t Il conceptualise le bien commun parce que seul il poss
86. nergie au service de son propre panouissement Cette soci t C MILLON DELSOL 7 194 L TAT SUBSIDIAIRE dans laquelle aucun r le n est strictement d limit r clame un principe visant clairer le mode de r partition des comp tences Mais le principe de subsidiarit ne peut aucunement donner une recette pour organiser ce type de soci t l o elle n existe pas ou n existe plus Dans ce cas il devient purement normatif ou plut t ce sont ses fondements qui deviennent des normes et r clament comme tels la constitution d une nouvelle soci t R clamer la concr tisation du principe dans une soci t totalitaire n aurait pas de sens puisque les acteurs sociaux y ont t tellement priv s de leurs capacit s d agir que l on ne saurait plus vraiment qui doit tre subsidiaire par rapport quoi Parler de subsidiarit au sens plein et non seulement au sens n gatif dans la soci t du lib ralisme classique ne servirait de rien non plus puisque la disparition des groupes interm diaires et la tr s grande incapacit de la plupart des individus pris isol ment fausseraient la fois la non ing rence et l ing rence Dans ces deux cas extr mes il faudrait avant d noncer la n cessit de la subsidiarit plaider pour la n cessit de ses fondements Dans les cas beaucoup plus fr quents que ces deux cas extr mes o la soci t ne res pecte pas suffisamment la libert et la dignit con
87. plume de S Mill Celui ci pense que la grande pauvret non secourue tend de la m me fa on que l assistance d sordonn e r duire l habitude de l initiative indivi duelle Une aide intelligente pourrait donc contribuer encore au progr s de l humanit en encourageant l autonomie Il faut pour cela tudier minutieusement le niveau de l aide qui doit demeurer inf rieure au salaire minimum et veiller la lucidit de la distribution Des bureaux lointains et centralis s ne peuvent gu re diff rencier un faux besoin d un vrai la charit individuelle par Pinter m diaire de groupements volontaires peut op rer bon escient cette diff ren ciation5 ce qui n emp che pas que l Etat la subventionne pour cela L ing rence et ses justifications Mais le fait que allocation de l Etat puisse permettre une gestion du progr s humain ne suffit pas la justifier Pour bien des lib raux de cette poque l Etat se trouve en charge de la soci t dans la mesure o celle ci faillit ses propres 1 Trait de l gislation civile et p nale p 225 3 Ibid p 232 3 Principes d conomie politique p 542 4 Ibid P 543 5 Ibid p 544 96 L TAT SUBSIDIAIRE soins Humboldt pr cise par exemple que la t che de l Etat ne demeure n gative que face aux citoyens autonomes et responsables Pour les autres toutes ces personnes exigent qu on prenne un soin positif de leur bien physique et mo
88. plut t que des libert s qui seraient restreintes PROBL MES CONTEMPORAINS DE L TAT SUBSIDIAIRE 203 par cette pression fiscale toujours n cessaire aux dispenses de la providence ta tique cet gard l Etat providence moderne reste tributaire d une v ritable id ologie d galisation bien loin de repr senter simplement une tentative de garantir tous un minimum de bien tre sans nuire outre mesure la libert entreprendre C est le dilemme entre la subsidiarit et l galit qui a par exemple suscit la querelle allemande entre les n o lib raux et les socio d mocrates lors du vote de la loi sur la jeunesse en 19531 La diff rence entre PEtat subsidiaire et l Etat providence r side dans le fait que les droits subjectifs ne sont pas directement exigibles de l Etat subsidiaire tandis qu ils le sont de l Etat providence Pour l Etat subsidiaire le devoir d ing rence ne correspond pas un droit mat riel subjectif dans tous les cas de figure mais seulement apr s la m diation de l action de la soci t Le seul domaine dans lequel les deux formes d Etat se trouvent en accord sur le point de la subsidiarit est celui de la famille La famille constitue une soci t si naturellement commu nautaire qu ici l Etat providence moderne ne fait pas de difficult agir seulement d une mani re subsidiaire quelles que soient les in galit s psychologiques qui en d coulent L enfant est consid r
89. politiques Alors que beaucoup de penseurs politiques alignent des r flexions au fond d une retraite alors que la plupart des hommes politiques agissent sans fil conducteur ni convictions lui eut la chance de gouverner tout en crivant ce qui vaut pour commencer un cachet d authenticit Mais il fit tout cela sans clat en p re de famille avec un s rieux taciturne et un sens du devoir qui rebute Ses seules sautes d humeur il les r serve pour fustiger la tol rance religieuse caract re 1 La bibliographie d Althusius est assez r duite On se rapportera la th se de J Dagory La poli tique d Althusius Universit de Paris 1963 l article s v re de P Bastid Le juriste allemand Altbu sius a t il t un pr curseur de la R volution fran aise Paris F Didot 1952 20 p au chapitre consacr Althusius dans l ouvrage de P Mesnard L essor de la philosophie politique au XVIe si cle Paris Vrin 1969 l ouvrage de M Villey La formation de la pens e juridique moderne Paris Montchrestien 1975 L uvre ma tresse d Althusius la Polifica a t abr g e et traduite en anglais par F S Carney Londres Eyre et Spottiswoode 1965 48 L TAT SUBSIDIAIRE en somme peu sympathique aux esprits modernes Juriste th ologien universi taire la ville d Emden l appelle comme syndic Dans la lutte pour l autonomie de la ville contre le prince suzerain il fera merveille Il fait
90. poss de de par sa nature la lumi re inn e de la raison qui de ses actes le guide vers sa fin Et s il convenait l homme de vivre solitairement comme il convient beaucoup d animaux il n aurait besoin d tre dirig par aucun principe directeur vers cette fin mais chacun serait soi m me son propre roi mais un seul homme ne pourrait pas par lui m me s assurer les moyens n cessaires la vie Il est donc dans la nature de l homme qu il vive en soci t 2 Somme th ologique XX TI qu 26 art 3 APOLOGIE DE L ACTE LIBRE 39 sa communaut faute d exister vraiment par lui m me Pourtant l homme n est pas biologiquement li la soci t comme la main au corps humain car dans ce cas le citoyen se sacrifierait naturellement pour sa patrie alors qu en r alit seul le citoyen vertueux en est capablet L obligation de faire passer le bien du tout avant celle de la partie devient donc morale alors qu elle tait naturelle avant le p ch Ainsi l id e de l abn gation naturelle ne sous entend pas une participation biologique de l individu au tout mais la tr s haute capacit d amour dont l homme est capable dans la sph re de la gr ce L homme de Thomas d Aquin n est ni indiff renci ni fragment incomplet ni rouage priv de finalit propre mais un cosmos lui seul caract ris par son aptitude Pamour au sens propre vouloir le bien de l autre avant
91. pr ciser concr tement C est pourquoi l Etat a un devoir de prudence au sens ancien du terme il doit valuer judicieusement selon les situations l instant d cisif avant lequel une intervention serait nuisible la libert des parents et apr s lequel sa non intervention serait nuisible la dignit de l enfant Une autre question concerne la d finition du bien de l enfant et plus loin la d termination de l ins tance qui doit en d cider Dans bien des cas l Etat peut s ing rer dans les affaires 1 Par exemple H Barion Die Sozialethische ou J Isensee op cit 3 Mariage et famille en question L volution contemporaine du droit allemand p 22 216 L TAT SUBSIDIAIRE de la famille sans que celle ci ait appel l aide et l instance tatique se trouve ainsi d tentrice de la d finition du bien de l enfant contre les parents eux m mes Le fait que ces situations ne d clenchent pas l indignation d montre que l id e de bien commun existe effectivement dans la soci t individualiste Mais il est vrai que les droits de l enfant peuvent si l on n y prend pas garde servir d alibi une ing rence tatique excessive la Su de actuelle fournit un exemple de ce danger Le droit allemand fixe au devoir d ing rence un crit re n gatif en cas de danger pour l enfant davantage que positif une intervention pour le bien de l enfant laisserait davantage redout
92. que l Etat subsidiaire fait passer le bien 1 L importance de cette non limitation de l intervention virtuelle est rappel e par J Isensee Subsi diarit tsprinzip und Verfassungsrecht p 54 55 propos de la th orie de R Mohl 2 R Herzog Subsidiarit tsprinzip und Staatsverfassung p 416 3 Op cit p 267 268 cet argument vaudrait alors pour bien d autres traits de la constitution autre ment dit toute limite pos e la libert serait anti d mocratique LES CHAMPS D APPLICATION 215 commun avant la libert souveraine de l individu et m me si cette libert fait partie du bien commun il arrive que les deux se contredisent Mais il serait plus juste de dire que l Etat subsidiaire remet en cause l individualisme philosophique ou la d mocratie individualiste et non pas le syst me d mocratique lui m me Ce dernier n a pas t branl par le d veloppement des droits cr ances qui sous entendent pourtant une id e du bien commun m me s ils se justifient ouverte ment par la n cessit de concr tiser les droits individuels Le principe a rang constitutionnel pour les communes allemandes sans appara tre nomm ment dans les Gemeinde Ordnungen il les inspire directement Par exemple l article 75 du Deutschen Gemeinde Ordnung pr cise que la com mune ne peut pas entreprendre ce dont le priv est capable C est sans doute en Bavi re que cette concr tisation est la plus pr cise Les travau
93. que possible autant d autorit que n cessaire pr sume une autorit secondaire de second ordre voire n cessaire par d pit D o l id e qu il faudrait conf rer la libert de l homme individuel la valeur premi re laquelle l autorit ne ferait que s ordonner Chez H Pesch plus encore la finalit sociale est la dignit de l homme que sert le bien commun En ce sens solidarisme et personnalisme se r f rent aux m mes fondements En posant la personne comme pivot central de la soci t le personnalisme ne retourne pas lindividualisme du xrx si cle puisqu il l gitime la dignit de la personne par son rapport Dieu et conf re l individu une dimension transcendante La dignit entendue en ce sens justifie le respect d l homme et les moyens mis en uvre pour contribuer son panouissement y compris l ing rence tatique Le personnalisme repr sente un humanisme au sens o la dimension humaine avec Sa libert pr vaut m me sur toutes les certitudes objectives ou dogmatiques du bien cet endroit la pens e sociale catholique et n o thomiste rencontre la philosophie des droits C est dans ce m me esprit sans d pendance religieuse officielle mais sous l influence affich e de Rerum Novarum et de Quadragesimo Anno que na t le n o lib ralisme allemand d entre deux guerres W R pke pour ne citer que lui s inspire ouvertement du thomisme et de la pens e vaticane
94. r es d l gu es et fond es en raison car ici ce sont elles qui sont de n cessit seconde Mais la conviction que les pouvoirs se d l guent du bas vers le haut seule ment lorsque apparaissent des incapacit s ne r sout pas pour autant la question de savoirs quels pouvoirs doivent tre d l gu s Le probl me du partage des comp tences constitue le probl me principal du f d ralisme justement parce qu il ne repose pas sur une th orie fig e de l attribution des comp tences Etat fait toujours mieux que la soci t ou le priv fait toujours mieux que l Etat Les crit res de la libert d action et de la proximit jouent en faveur des pouvoirs 1 Article 3 de la Constitution f d rale de la Conf d ration suisse du 29 mai 1874 Les cantons sont souverains en tant que leur souverainet n est pas limit e par la constitution f d rale et comme tels ils exercent tous les droits qui ne sont pas d l gu s au pouvoir f d ral J F Aubert dans son Trait de droit constitutionnel suisse p 232 fait remarquer que le mot d l gation doit tre employ au sens d riv En r alit ce ne sont pas les cantons qui d l guent une comp tence la conf d ration c est le constituant f d ral qui la lui affribue Les comp tences appartiennent bien l origine aux cantons mais elles doivent passer par la constitution pour tre d volues la conf d ration 220 L TAT SUB
95. rapidement partiels Si l homme est digne parce qu il est libre que deviennent ceux qui ne parviennent pas assumer la libert Tous les crit res existentiels supposent des capacit s et par l r introdui sent des cat gorisations que justement l id e de dignit r cuse Faute de d couvrir un crit re vraiment objectif ce crit re issu d une transcendance rassure au moins le d sir profond de conf rer la dignit son caract re inali nable et absolument gal L me qui indique le lien Dieu ne se laisse r duire par aucune circons tance physique morale sociale ou historique parce qu elle r fl chit la transcen dance aupr s de laquelle tout devient contingent Il s ensuit que la dignit est gale ou n est pas Ne d pend d aucune qualit ni d aucune d termination Ne se d pr cie pas avec la l chet ou la faiblesse Il n y a pas d chelle de dignit s La valeur de dignit subsume celles de libert et d galit mais ne se r sume pas l une d entre elles La dignit est surd termin e Elle n a pas une seule sp ci ficit Elle n cessite l autonomie de la personne qui entend libert et responsa bilit Mais elle implique en m me temps une vie d cente un travail humanis un minimum d avoir que la libert ne suffit pas toujours acqu rir Les th ories 122 L TAT SUBSIDIAIRE fond es sur une seule de ces valeurs pr tendent absolu ce qui ne l
96. re la r surgence de celle de La Bo tie qui sous tend davantage le probl me de la naissance chez les sujets d une seconde nature plut t que lexistence d une nature tout court Par ailleurs le fait m me de com parer le despote asiatique avec le monarque fran ais devrait interdire toute id e d une diff rence de nature En tout cas qu il soit artifice produit de la civilisation ou d cadence de r gime le despotisme consiste en une suppression de la soci t consid r e l envers comme naturelle et saine Chez Montesquieu et Tocqueville dispara t un fort pr jug historique celui de la diff renciation entre bons et mauvais monarques consid r e comme crit re de la distinction des r gimes Il est vrai que la th orie du despotisme clair vivante tout au long du xvirre si cle incite potter la discussion sur la valeur du prince Mais la querelle avec les voltairiens se trouve d pass e Le despote cesse de se d finir par sa cruaut et son d sint r t pour le peuple par rapport un roi p re de ses sujets parce qu il appara t un nouveau crit re infiniment plus important celui de la confiscation par l Etat des actions individuelles Le bon roi p re de famille providence des peuples adul et appel par Platon par Cic ron et plus tard par Bossuet et tant d autres se trouve rel gu par Tocqueville au 1 L Ancien R gime et la R volution p 184 3 Esprit des lois IIL IX LES D
97. ressemblera une aide de charit mais sera en r alit un d de stricte justice si du moins l on se fonde sur l id e de dignit La justification du devoir d ing rence passe d abord par l affirmation de la dignit gale puis par l id e de bien commun qui suppose le sacrifice partiel de certaines libert s pour la dignit de tous Ces deux id es manent de convic tions thiques et l on peut se demander de quelle mani re il est possible de les imposer tout un peuple et ce que signifie le bien commun dans une soci t individualiste C est la question que poseront les n o lib raux allemands 1 Ibid 136 3 Cf plus bas p 171 et ss 150 L TAT SUBSIDIAIRE D autre part sur la question de la justice et de la charit la pens e des papes demeure parfois confuset C est qu elle refuse de prendre en compte une charit al atoire et apport e au titre de la commis ration telle que l entendent souvent les courants lib raux du x1x si cle Pour elle la charit est un devoir au m me titre que la justice La conviction de porter des valeurs universelles lui interdit de relativiser la notion de devoir ou d inventer un devoir qui ne corres pondrait pas en face un droit ce qu est la charit selon lacception commune C est probablement cette confusion entre la morale et le droit entre l thique et la politique qui va contribuer au d veloppement des doctrines cotporatistes 1 Pa
98. sente un chapitre part Il n enl ve rien l autonomie des communaut s Il ne rend pas le prince arbitrairement puissant ni n indique une id e g n rale d omnipotence tatique Il r v le la pens e d une poque et rappelle les graves querelles religieuses auxquelles les soci t s taient en butte quand Althusius fut syndic d Emden Plus loin il montre que la libert d autonomie r clam e dans la Politica est une libert des moyens et non des finalit s derni res C est seulement au xx si cle que l id e de suppl ance prendra vraiment en compte la libert des finalit s quand la soci t individualiste sera devenue une r alit incontournable Le tyran et la vraie politique L auteur a t souvent consid r comme le plus dangereux des monarcho maques Ce qui explique peut tre cette ombre o le rel guent les si cles suivants Autant que sa description de la soci t souhaitable sa th orie sur le tyran est r v latrice Depuis les Grecs le tyran repr sentait d abord l usurpateur puis le mauvais prince tyran parce qu il saisit un pouvoir auquel il n a pas droit tyran parce qu il gouverne hors de la justice Althusius carte d embl e la pre mi re acception le tyran usurpateur est un ennemi public rien autre On dirait que le nom de l odieux r gime doit tre r serv des crimes plus odieux encore N est tyran que le tyran d exercice tyrannus exercitio Encore cel
99. situation de la personne voque ici non pas un tre narcissique au point de se donner comme pivot du monde mais plut t Antigone l gitim e dans son rappel d un lien sup rieur au lien social La personne est donc vue comme un monde non pas autosuffisant puisque 1 Ibid qu 6o art 5 2 Ibid 3 Ibid T qu 29 art 1 4 Contra Gentiles II 47 5 Ibid 6 Ibid II 48 7 Somme th ologique 1 YI qu 21 att 4 40 L TAT SUBSIDIAIRE ayant besoin de la soci t comme m diation et par ailleurs ordonn Dieu mais comme un monde contenant ses actes et ses fins quoique insatisfait de soi La personne sous entend le d sir d ind pendance et la capacit d ind pendance et si elle n est pas ontologiquement cr atrice de soi elle devient historiquement autocr atrice en se faisant par ses uvres Elle ne cesse d agir et son action volontaire et libre la d finit et la compl te ind finiment L action n est pas ext rieure l tre mais elle concerne l tre lui m me qui se d ploie Priver une per sonne de son acte quivaut donc la d naturer lui confisquer la r alisation de son tre propre La soci t de Thomas d Aquin se d finit partir d une philo sophie de l action une philosophie des actions diversifi es autonomes et multiples Eloge du multiple Comme dans la Politique d Aristote le r le du pouvoir ne consiste pas constituer une unit mais une harmonie
100. son corv able La soci t vit et travaille comme auparavant mais son tre se trouve en amont du contrat et d pendant de lui Elle tire toutes ses caract ristiques du contrat d o la servitude L Etat subsidiaire de Ketteler et de Pie XI sera justement celui qui vient apr s que la soci t soit d j d termin e Naissance de la libert Taine d fend son argument d abord par la nature et par l histoire Chez lui l histoire appara t comme une nature d ploy e Le poids de la nature ne se fait donc sentir pleinement qu travers un devenir social et politique qui la r alise L homme de tous les temps r clame son autonomie et la disposition de soi Il s agit l d une n cessit justifi e par l instinct par un d sir intrins que et inexpliqu Mais cette autonomie prend des formes diverses et ne s exprime pas semblablement toutes les poques Surtout elle se d ploie et se pr cise avec la civilisation Les despotismes anciens s tendaient sur des peuples consentants par tradition ob issants dans l me nous ne sommes pas loin encore une fois de la supposition aristot licienne concernant les peuples de l Orient A la limite de despotisme a pu agir comme un moyen de progression pour une culture tel celui de Pierre le Grand B tir dans la neige et dans la boue de la barbarie informe la serre chaude o la civilisation transplant e comme un arbre exotique v g te et s acclimatera
101. subsidiarit dans l Eglise retrace le r sum historique de ces discussions Nous renvoyons sa bibliographie pour cette question particuli re 212 L TAT SUBSIDIAIRE Le cas ch ant En 1922 le Reichtag allemand vota une loi sur l aide de l Etat la jeunesse Cette loi stipulait que dans le cadre des uvres pour la jeunesse PEtat pouvait intervenir comme dernier recours en cr ant des institutions ou en d veloppant des actions l o le priv s tait av r insuffisant cette poque le d bat ne donna gu re lieu querellel M me si le principe lui m me n tait pas explicitement invoqu dans la loi de 1922 un consensus fort r clamait l aide tatique pour garantir l ducation chaque enfant mais n entendait par l qu une garantie au del de l puisement des efforts individuels ou pour pallier leur n gligence Cette loi fut videmment abrog e par le Me Reich et la question revint l ordre du jour en 1953 Cette fois la loi tait accompagn e d une r solution qui citait nomm ment le principe de subsidiarit et d clarait s en inspirer Ce qui indiquait non pas un changement pat rapport 1922 mais le d veloppement de la pens e th o rique et la pr cision de ses points de rep res Car la nouvelle loi constituait un renouvellement de l ancienne Elle pr cisait que Office pour la Jeunesse devait d abord susciter la cr ation d associations travaillant au bien
102. sur les d boires du lib ralisme et du socialisme le solida risme appara t comme une th orie inachev e Tel quel il ne pouvait demeurer qu une th orie morale loin d tre capable de d boucher sur une solution co nomico sociale D s qu il s agit de pr ciser le moment des interventions ta tiques H Pesch oscille entre la non ing rence fond e sur la confiance que les communaut s r primeront d elles m mes leurs propres abus et une ing rence qui peut laisser penser la re cr ation autoritaire des corps sociaux exsangues Le solidarisme est un appel une soci t vivante non pas un mode d emploi pour la construire Il utilise le principe de subsidiarit comme une norme formelle dont le contenu demeure dans le vague Il exprime un malaise plus qu il imagine Et ce titre il h rite comme le corporatisme des nostalgies de l ancienne soci t L appoint le plus important du solidarisme aux courants qui vont fa onner l tat subsidiaire moderne est sans doute sa philosophie de la finitude Chez certains apologistes de la doctrine sociale et notamment chez un th oricien comme La Tour du Pin s exprimait la certitude d une sorte de soci t parfaite m me si l id e de perfection temporelle est bien peu conforme cette religion L ordre social chr tien tait clos et harmonique si proche d une archi tecture utopique que l on ne s tonne gu re d en voir sortir le salazarisme c
103. t n agit donc pas subsidiairement par rapport l individu car elle n attend pas qu il soit parvenu aux limites de son autonomie pour l aider mais au contraire la soci t au nom d une autre anthropologie cueille l individu au seuil de sa vie professionnelle pour canaliser sa libert personnelle et l organiser rationnellement Ici l id e de communaut et m me de communion prime sur l individu parce 1 F Perroux op cit p 263 L Etat est une contrainte au service d une communion CORPORATISME OU D VIANCE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARIT 167 que la communaut est cens e seule capable de r aliser les valeurs ordre moral Ici comme ailleurs r alisation de valeurs ne va pas sans contrainte et le fait d carter l tatisme au moins au d part dans la th orie vaut comme exorcisme mais non comme garantie Cette pens e peut probablement se comprendre la mani re d une utopie un d bordement de l id al r clamant d informer le r el une irruption triomphante de la morale dans la politique La soci t de La Tour du Pin est rationnelle quoiqu elle se pr tende calqu e sur la nature Elle est rationnelle parce qu elle a d lib r ment d cid de supprimer la libert indi viduelle consid r e comme r volutionnaire pour supprimer galement l injustice sociale ce qui quivaut une r organisation sociale artificielle Les n o lib raux diront au contraire que les indi
104. t organis e en groupes vivants c est dire agissant et ma tres de leurs actions On se demandera d ailleurs plus loin s il n y a pas l une corr lation imp rative et permanente s il peut y avoir jamais une suppl ance de Etat pour une soci t exsangue La suppl ance suppose que les deux instances en contact celle qui donne et celle qui re oit ne soient pas trop loign es l une de l autre relativement leurs fins et leur mode d tre Un g ant ne suppl e pas aux carences d un lilliputien s il ne l crase il le porte mais ne saurait participer ses t ches minuscules Il peut l entretenir enti rement mais non pas lui pr ter main forte l seulement o il en a besoin Il n a pas la vue assez per ante pour distinguer la mesure de ses insuffisances pour trier entre ses capacit s et ses insuffisances C est pourquoi l id e de suppl ance appara t entre des groupes fr res peine 1 Th ories politiques du Moyen Age p 134 APOLOGIE DE L ACTE LIBRE 45 distanc s les uns des autres entre hi rarchies voisines et en un lieu o il n y a pas encore v ritablement d Etat Le Moyen Age d veloppe lid e thomiste de personne de la dignit de la personne vue comme une fin Chaque groupe personne morale demeure gale ment autonome dans son ordre La soci t est une organisation de groupes dont chacun a sa cause finale et se suffit en partie dans le d ploiement de sa p
105. t tr s frapp par la r volte du peuple de Paris Il conna t les tudes du Dr Vuillerm sur le prol tariat ouvrier Il a d fendu au Parlement les premi res lois sociales avec plus ou moins de succ s Et demeure persuad de l inanit de la soi disant autonomie personnelle La description de l homme social se veut ici ontologique Elle voque une r alit fondatrice et c est cette r alit qu il s agit de restaurer apr s un si cle d artificialisme Les hommes appartiennent aux corps avant d appartenir la soci t politique Cet avant n est pas de pr s ance temporelle car tout s orga nise simultan ment mais de priorit ontologique L homme est d une famille d un m tier ou d un village avant d tre d une nation ou encore plus essen tiellement et plus profond ment Les corps interm diaires sous entendent les 154 L TAT SUBSIDIAIRE rapports de quotidiennet d affection de partage sans comptabilit Ils expriment des appartenances trang res l intellect et pour ainsi dire spirituelles non pas au sens mystique mais au sens du simple don qui ne se programme pas La soci t s organise partir de groupes d hommes ciment s par l amiti le don et la soli darit Les rapports juridiques ne sont pas sous estim s mais tenus pour des cautions suppl mentaires de liens d j tiss s hors la volont Le corps inter m diaire ne tire son existence d aucun
106. tait parfois marchand la place des marchands Si l empereur Th ophile devient patron de gal re qui alors r primera les abus auxquels il ne manquera pas de se livrer Les activit s conomiques doivent rester la soci t civile parce qu ainsi demeure au dessus une instance capable d en emp cher les abus injustices de toutes sortes monopoles Plus s tendent les activit s laiss es l Etat plus s tend le champ virtuel de l injustice impunie Le but n est pas de supprimer les injus tices vieux r ve mais de susciter leur contr le et leur interdiction La pens e de l Etat suppl ant est une philosophie des effets pervers et de leur prise en compte Toute action engendre des effets pervers et quel que soit l acteur Il est donc absurde de vouloir supprimer les inconv nients de l action individuelle par l action tatique les abus existeraient encore mais cette fois sans r pression possible La philosophie des effets pervers que l on pourrait appeler r aliste refuse de reconnaitre une seule instance pure Mais elle r clame une instance retir e des affaires distanci e des acteurs qu elle pourra d s lors juger La th orie des trois pouvoirs intervient par apr s pour pr venir par la surveillance r ciproque les effets pervers de ce jugement lui m me L Etat de Montesquieu se contente de peu parce qu il a justement t rig pour prot ger les initiatives sociales et les biens issus du
107. troites limites mais elle poss de pour les concr tiser la souverainet de fait la pr minence et l autorit supr me devant laquelle les autres autorit s se courbent Les mots qui d signent les comp tences du pouvoir supr me sont signifi catifs il r gule il promeut il prot ge il garantit Il pourvoit aux besoins de la sph re publique la paix la police la monnaie Il ne s ing re pas dans les affaires des communaut s Il ne leur fait pas concurrence Pourquoi le ferait il puisqu elles sont capables Lui uvre selon ses propres capacit s Il voit grand et on ne lui demande pas de voir petit Il est juge on ne lui demande pas d tre partie Si le pouvoir supr me de la Politica est n cessaire ce n est pas que la soci t ne pourrait rien faire sans lui Mais elle ne pourrait pas tout faire sans lui Il assume ce qui lui manque Il suppl e ses incapacit s Il vient garantir la concorde et la protection une soci t tumultueuse et d une certaine mani re faible Gr goire de Toulouse disait que la soci t en bonne harmonie ressemblait un orchestre Althusius reprend cette image Le pouvoir qu il imagine est d j l instar de celui de Walras chef d orchestre Sauf sur un point qui afflige les commentateurs modernes dans la soci t du calviniste Althusius inquisition r gne Le pouvoir supr me impose la religion et veille au respect de Dieu Car en ce qui concerne la v rit div
108. vale du temps des riversitates Seule une soci t nantie de groupes interm diaires peut se targuer d tre libre et peu importe le r gime politique si l on r sout la question du r le de l Etat Les lib raux vivaient dans l obsession du self help et c est pourquoi ils r duisaient l Etat son minimum Mais ils g n raient ce faisant l envers de l autonomie une soci t en grande partie d faillante et vou e l appauvtissement individuel pat la trop grande confiance accord e aux capacit s de l individu Le self help se trouve par contre ni th ori quement et non seulement concr tement par le socialisme Il n a exist en r alit qu au Moyen Age l poque o en l absence d Etat central l autonomie pos sible des individus s exprimait dans les groupes La seule soci t vivante est une nostalgie La Tour du Pin fera la m me analyse Droit subsidiaire Faute de pouvoir r instaurer artificiellement une soci t du m me type il convient de r affirmer les principes d organisation par lesquels elle se maintenait Le principe de subsidiarit est une sorte de loi g n rale apte promouvoir un certain ordre Il r clame que chaque incapacit se fasse suppl er sous forme de secours par l instance imm diatement sup rieure c est dire plus labor e et par l plus puissante Ainsi l cole doit se regarder comme auxiliaire de la famille dans la mesure o la famille n
109. voquons la naissance de la libert en Gr ce nous avons ten dance ne voir que la libert de participation Et si nous voquons l invention de la politique en Europe il s agit le plus souvent de la politique comme gouverne ment de la d cision commune la place de la contrainte Ainsi l entend par exemple M I Finley quand il dit que la politique telle que nous l entendons compte parmi les activit s humaines les moins r pandues dans le monde pr moderne Ce fut bien une invention grecque Il faudrait dire aussi que la politique invent e par les Grecs suppose le respect des sph res d action des indi vidus et des groupes parce que le pouvoir vient seulement r pondte des insuf fisances sur le plan des fins il n a pas pour but l galisation sociale comme en Chine la m me poque sur le plan des moyens il ne poss de pas l ensemble des terres comme dans la plupart des pays que les Grecs appellent barbares Libert des actes On ne peut videmment pas d duire de l que les Ath niens auraient d j pos en principe la libert d autonomie des modernes ce qui serait leur pr ter des cat gories issues de notre temps Ils consid rent comme on sait l individu comme une partie du grand tout form par la cit et jugent naturel que la partie se sacrifie au tout pour son propre bien Thomas d Aquin en non ant le principe de totalit ne fera que r nover Aristote Mais il ne fa
110. 1 18 Tocqueville de L Ancien R gime et la R volution Paris M Levy 1856 De la d mocratie en Am rique Paris UGE 1963 Utz Entre le n o lib ralisme et le n o marxisme recherche philosophique d une troisi me voie Paris Beau chesne 1975 Formen und Grenzen des Subsidiarit tsprinzip Heidelberg Sammlung Politeia IX 1956 Der Mythos des Subsidiarit tsprinzip Die neue Ordnung 10 1956 p 11 21 F d ralisme et droit naturel Politeia 1 fasc 2 1948 1949 p 82 87 Staat und Jugendpflege Die nene Ordnung 1956 p 205 212 La doctrine sociale de l Eglise travers les si cles Beauchesne 1970 4 vol Die Geistesgeschichtlichen Grundlagen des Subsidiarit tsprinzip Sammlung Politeia Heidelberg K Verlag 1953 p 7 17 Die Subsidiarit t als Aufbauprinzip der drei Ordnungen Wirtschaft Gesellschaft und Staat Samm lung Politeia Heidelberg K Verlag 1953 p 101 117 Ethique sociale 2 vol Ed Universitaires de Fribourg Suisse 1960 1967 Van der Ven J Trois aspects du principe de subsidiarit Politeia III fasc 1 2 195 1 P 43 47 Organisation Ordnung und Gerechtigkeit Sammlung Politeia Heidelberg K Verlag 1953 p 45 65 Veyne P Le pain et le cirque Le Seuil 1976 Viley M Questions de saint Thomas sur le droit et la politique Paris PUF 1987 Voyame J Le principe de subsidiarit dans la r partition des t ches entre Con
111. 9 juillet 1962 propos de l agriculture en Espagne le gouvernement a fait beaucoup pour l irrigation le remembrement etc mais les r gions concern es doi vent se sentir galement responsables de leur propre d veloppement 4 Pie XII Discours du 1 f juin 1941 sur la question sociale l organisation du travail appartient d abord ceux qui y sont directement int ress s Si ensuite eux ne remplissent pas leur t che ou ne peuvent le faire par suite des circonstances extraordinaires alors il rentre dans les attributions de PEtat d intervenir sur ce terrain 144 L TAT SUBSIDIAIRE r sultat de l uvre personnelle de la libert concr tis e ne valorise pas cette institution au point de la rendre prioritaire par rapport au bien commun L ins tance politique peut dans certains cas nationaliser planifier op rer des p r qua tions financi res entre secteurs ou entre r gions par le biais fiscal si les d s qui libres taient trop grands et dommageables au bien commun De m me si l orga nisation priv e ne suffit pas garantir tous le minimum de bien tre indispen sable une vie digne PEtat doit distribuer des cr ances ponctionnant ainsi l gi timement sur le revenu national Cette intervention contraignante r duit obliga toirement la libert de certains pour garantir la dignit des autres Mais l inter vention acquiert sa l gitimation du fait qu elle a tout mis en uvre pour incite
112. BIEN COMMUN DANS LA SOCI T INDIVIDUALISTE 185 consensus qui r clame un minimum de protection fond en justice pour les membres du groupe social d s lors que celui ci est organis On peut naturelle ment mettre en cause une telle protection et arguer bon droit qu elle engendre des effets pervers non n gligeables Mais peut tre vaut il mieux tenter de limiter les effets pervers plut t que de vouloir supprimer cette protection qui est reconnue par la plupart comme une n cessit vidente Le bonheur individuel passe non seulement par l acquisition du bien tre individuel mais aussi par la certitude d un certain bien tre commun L animal social recherche la soci t des autres non seulement pour en tirer un profit individuel mais aussi parce qu il ne se contente pas de ses finalit s singuli res Et l int r t public qui d finit l ensemble des conditions mises en commun pour permettre chacun la poursuite de sa propre r ussite ne suffit pas Plus loin l id e de bien commun suppose une finalit positive commune Celle ci ne peut se justifier par la raison elle existe parce que les soci t s la recherchent Elle est valide parce qu elle appara t vidente la plupart Il est possible naturellement de traduire cet appel une finalit commune en reliquat de mentalit primitive ou tribale Il faudrait alors au nom d une id e abstraite de l histoire et du progr s enrayer pat la c
113. Esquisse d un ouvrage en faveur des pauvres Paris Bertauld M A Philosophie politique de l histoire de France Paris Didier 1864 Bertrams W Das Subsidiarit tsprinzip ein Mythos Stimmen der Zeit 1955 1956 p 388 390 Vom Sinn des Subsidiarit tsprinzip Orientierung Zurich n 21 1957 p 76 79 Das Subsidiarit tsprinzip in der Kirche Stimmen der Zeit 1956 1957 p 252 267 Beuve M ry H Th orie des pouvoirs publics d apr s F de Vittoria Paris Spes 1928 Bourgeois B La pens e politique de Hegel Paris PUF 1969 Calvez J Y Eglise et soci t conomique Aubier 1959 Cl ment M Mazer et Magistra et le principe de subsidiarit Itin raires n 64 juin 1962 p 14 28 Dagory J La Politica d Althusius th se de droit dactylographi e 1963 David J Streit um das Subsidiarit tsprinzip Orientierung n 2 janvier 1957 p 13 16 Dion G Notion organique de la soci t civile et fonction suppl tive de I Etat selon la philosophie thomiste th se de licence Laval 1943 44 p D rig Verfassung und Verwaltung im Wohlfartsstaat das prinzip des Subsidiarit t Juristenzeitung 1953 p 198 Gide C La solidarit PUF 1932 Gierke O von Th ories politiques du Moyen Age Paris Sirey 1914 Gilson E Le thomitme Paris Vrin 1965 Goyau G Ketteler Partis Bloud 1908 Grisel A Trait de droit administratif Neuch tel Ides et Calendes 1984 Hayek F
114. Etat 1 F Meinecke op cit p 33 C MILLON DELSOL 2 CHAPITRE I I I Apologie de l acte libre Pour les anciens le pouvoir trouve sa l gitimit dans Pinsuffisance des acteurs sociaux mais ne s immisce pas dans les sph res de leurs capacit s La n cessit de pr server ces autonomies m me restreintes trouve sa justification dans un irr pressible besoin de libert besoin d agir par soi m me observ travers l tude des soci t s Mais le caract re imp rieux de ce besoin ne trouve pas encore d explication Pourquoi les hommes sont ils ainsi faits qu ils n ad mettent pas le pouvoir despotique Pourquoi sont ils gouverner et non administrer Aristote a pos la question et y r pond apr s avoir men son terme la comparaison redoutable entre la politique grecque et la politique asia tique les Hell nes sont libres de nature tandis que les barbares ont temp rament d esclaves Conclusion qui semble courte mais humilit de Pesprit par venu jusqu Pimp n trable L argument de la nature permet le repos de la pens e et met fin aux interrogations successives m me s il propose un aboutis sement peu satisfaisant la question pourquoi le pouvoir se doit il de garantir la libert et la diversit sociales Aristote r pond parce que les Grecs ne sauraient pas vivre autrement Thomas d Aquin semble adopter le m me point de vue quand il crit propos
115. G Kollectivmacht und Individualrecht im Berufsverbandswesen Festschrift f r E Molitor 1962 p 236 238 Semaines sociales de France L organisation corporatiste Angers 27 session Lyon E Vitte 1935 Semaines sociales du Canada L E at et les corps interm diaires 39 session Montr al Ed Bellarmin 1965 Simon J La libert civile Paris Hachette 1867 La libert politique Paris Hachette 1867 Smith A Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations Paris Gallimard 1976 Stadler H Subsidiarit tspringip und Foederalismus Universit tsbuchhandlung Fribourg 1951 Stuart Mill J Principes d conomie politique Paris Guillaumin 1873 La libert Paris Guillaumin 1877 Taine H Les origines de la France contemporaine Paris R Laffont 1986 2 vol Talmy R Aux sources du catholicisme social Descl e 1963 Taparelli L Essai th orique de droit naturel Casterman 1883 2 vol Essai sur les principes de l conomie politique Lethielleux 1943 Examen critique des gouvernements repr sentatifs dans la soci t moderne Lethielleux 1905 2 vol De l origine du pouvoir Lethielleux 1896 Thomas d Aquin De Regno Paris Egloff 1946 Somme th ologique Paris Le Cerf 1984 4 vol Contra Gentiles Lethielleux 1950 4 vol 232 L TAT SUBSIDIAIRE Thieme K Foederalismus und Subsidiarit tsprinzip Politeia I fasc 1 1948 1949 p 1
116. L TAT SUBSIDIAIRE Ing rence et non ing rence de l Etat le principe de subsidiarit aux fondements de l histoire europ enne Dar Chantal Millon Delsol PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE Pour Constance ISBN 2 13 043974 B ISSN 0989 4462 D p t l gal 1re dition 1992 janvier Presses Universitaires de France 1992 108 boulevard Saint Germain 75006 Paris INTRODUCTION D histoire politique conomique et sociale de l Europe en ces deux derniers si cles se trouve largement domin e par une question majeure celle du r le de PEtat Les pays europ ens oscillent du lib ralisme au socialisme ou inversement en des all es et venues qui traduisent l incapacit non pas r soudre car que peut on r soudre en ces mati res mais dominer cette question primor diale La s duction exerc e par le marxisme et par le socialisme tatique sur les opinions occidentales jusqu ces toutes derni res ann es s explique en partie par la conviction largement partag e qu il n existerait pas d alterntive au lib ra lisme sinon celle de l tatisme Les d fenseurs de la d mocratie pluraliste s in qui tent de voir le d veloppement des dtoits cr ances engendrer le dirigisme et remettre en cause in luctablement les droits libert s qu il s agissait pourtant de concr tiser L enflure de l Etat providence laisse cioire un processus fatal ten dant de plus en plu
117. La description saisissante de Taine voque longtemps l avance celles d A Zinoviev et les pr somptions de R Aron concernant lhoo sovieticus Des tres rabougris engourdis born s au besoin quotidien et l instinct animal indiff rents au bien public et leur int r t lointain d chus jusqu oublier leurs propres inventions d sapprendre leurs sciences leurs arts leurs industries Toujours chez l auteur des Origines de la France c est l individualisme qui est stigmatis comme cons quence des agissements de l Etat tentaculaire l homme rendu solitaire est atteint d incapacit sociale Une certaine structure sociale voulue et pr par e par un gouvernement est donc rendue responsable de la faiblesse humaine Il suffit que l Etat prive les groupes de leurs initiatives pour rendre les hommes exsangues Quand il veut devenir le ma tre il n a qu briser en amont et les racines poutrissent Ce sont donc des 1 Ibid Il p 88 2 Ibid II p 91 3 Ibid II p 453 SUBSIDIARIT PROGR S ET FIN DE L HISTOIRE 107 habitudes au second degr donc pr caires qu il fragilise et d truit Ici encore PEtat jacobin op re un retour en arri re mais d une autre nature que le pr c dent par la d structuration sociale il ram ne l individu son int riorit stricte ses besognes primaires ses besoins au jour le jour Il biffe en lui l homme social qui s ta
118. La libert d action la proximit entre l acteur et les cons quences de l acte g n rent le bien commun autant que le profit individuel lui m me pouvant servir le bien commun L organisation politique et sociale de Proudhon est domin e par l id e de l Etat subsidiaire Son originalit unique dans l histoire du principe est d en avoir fait le pivot et le centre d une id ologie le moteur d une th orie historiciste S il attend de l organisation f d rative le signal de la f licit uni 1 Ibid p 299 2 Ibid p 302 3 Dans la conf d ration les unit s qui forment le corps politique ne sont pas des individus citoyens ou sujets ce sont des groupes donn s a priori par la nature Principe f d ratif p 546 118 L TAT SUBSIDIAIRE verselle l et la voit comme une sorte de fin de l histoire c est qu il accorde une signification restrictive dans son tendue et non dans son concept l id e de subsidiarit Il con oit le secours davantage organis l int rieur de la soci t qu apport de PEtat la soci t Le secours s tablit chez lui dans un sens plus horizontal que vertical En ce sens on pourrait dire que chez lui les autorit s sociales sont subsidiaires mais l Etat reste suppl ant non pas comme l Etat lib ral parce que la soci t ma pas besoin de secours mais parce qu elle suffit l organiser La soci t agit seulement l o l
119. Le Chapelier abolie la soci t peut se constituer en corps autonomes faut il faire de cette constitution un principe obligatoire ou la laisser l initiative des individus Dans la seconde hypoth se on risque de voir bient t l Etat intervenir d s que les personnes n auront pas pris leurs responsabilit s Mais dans la premi re on s oriente vers une organisation des corps par l Etat lui m me Les discussions autour de cette question laisseront appata tre le corporatisme qui d nature les fondements de la doctrine et ouvrira la voie aux dictatures du xxe si cle Des Etats dans l Etat Il y a loin en effet de la d fense des groupes interm diaires par les pontifes successifs la th orie corporatiste telle que nous la trouvons chez La Tour du Pin et ses successeurs La premi re ne repr sente qu un appel une r organisation sociale spontan e la seconde d veloppe un syst me nouveau visant la fois supprimer politiquement la repr sentation des opinions et conomiquement la concurrence et le libre change L on XIN r clame pour les soci t s priv es le droit l existence et Pon sait ce que cela signifie l poque Il insiste sur leur libert l gitime s administrer elles m mes et sur le devoir de non ing rence de l Etat leur gard Parmi ces soci t s les plus urgentes reconstituer sont sans doute les associations professionnelles qu il appelle la fois syndicats et c
120. Mais il ne s agit pas d un droit abstrait tir d une thique sociale Il s agit d un droit fond sur la capacit d agir sur Pautonomie des uvres cr es Le peuple est souverain parce qu il vit dans des sph res d j souveraines et presque auto suffisantes La participation au pouvoir ne se justifie que par l auto nomie sociale qui est d abord un fait et devient un droit par sa n cessit naturelle Le peuple se donne un pouvoir garant Ainsi pr sent le pouvoir supr me semble faible limit de toutes parts et objet de suspicion incessante Il n en est rien Althusius au contraire le grandit D o tire t il sa majest Il repr sente le dernier chelon de cette soci t toute en superpositions Le seul il est enfin autosuffisant Si du moins sa taille et sa population le lui permettent il assume la derni re garantie qu aucune autre communaut ne saurait offrir la d fense de l ensemble des communaut s Usufruitier pr caire de la souverainet que le peuple lui conf re incapable de lever l imp t sans le consentement des communaut s le prince demeure cependant tout puissant dans le r le qui lui est imparti Il est limit dans ses pr rogatives mais ces pr rogatives sont les plus importantes de toutes Ultime protecteur il use seul du droit de majest L instance publique d Althusius fait peu de chose mais les fait avec puissance et force Ses attributions sont contenues dans d
121. N DANS LA SOCI T INDIVIDUALISTE 177 tique du bien commun pourrait d battre en face d elle avec quelques chances de faire triompher son point de vue Le probl me est que l id e du bien commun issue de la vision de Thomas d Aquin se trouve en face d une situation de fait qui la contredit absolument Or il est difficile de lutter contre une situation surtout quand loin d tre circonstancielle ou temporaire elle appara t depuis des d cen nies comme une sorte de seconde nature quels que soient les inconv nients ou m me les perversit s que certains lui pr tent La diff renciation des consciences a bris l uniformit des soci t s occiden tales Cette uniformit correspondait avec la garantie d objectivit de la v rit unique Cette notion d objectivit a t d truite au cours du processus que l on d signe sous le nom prot iforme de modernit Le droit naturel qui impliquait une objectivit du bien commun a subi des transformations qualitatives et m me s il n a pas enti rement perdu sa signification ancienne ne garantit plus un contenu suffisamment pr cis ni suffisamment vaste pour donner la soci t des finalit s communes Ce n est pas qu il n existe plus dans nos soci t s de valeurs univer selles mais elles sont li es l opinion et non plus une doctrine consid r e comme objective du bien universel L anthropocentrisme an antissant la v rit objective an antit en m
122. P 373 2 M A Bertauld p 203 3 J Stuart Mill La libert p 304 L TAT SUPPL ANT 95 avait reconnu que la subvention aux pauvres constitue un encouragement la paressel mais en m me temps r clamait une aide tatique organis e On peut poser comme principe g n ral que le l gislateur doit tablir une contribution r guli re pour les besoins de l indigence Bien des lib raux vont le suivre sur ce point Mais il y a l une contradiction avec la ligne g n rale de la pens e si du moins l on ne fait intervenir une finalit suppl mentaire justifiant l aide aux pauvres aide la fois anti conomique et synonyme de r gression de autonomie individuelle La r putation qui a t faite au lib ralisme de pr ner cet gard la charit individuelle exclusivement m riterait d tre nuanc e L id e d un Etat r duit ses fonctions de veilleur de nuit et laissant la soci t le soin de se pr occuper enti rement de ses besoins l mentaires soit par l initiative soit par l entraide temporaire appara t mal correspondre ou incompl tement avec les r flexions des lib raux du xrx si cle propos de l assistance Ceux ci r clament que l Etat intervienne dans les t ches d assistance et cette intervention se justifie de deux fa ons D une part le secours la pauvret n entretient pas obligatoirement la paresse s il est bien conduit On trouve cet argument par exemple sous la
123. SIDIAIRE autonomes Mais les crit res de s curit et depuis un si cle de solidarit et d ga lit jouent en faveur de la d volution de comp tences au pouvoir central Le partage est donc question d quilibre L quilibre est changeant les comp tences peuvent passer de main en main selon les besoins du moment Les cantons suisses poss daient leur propre droit civil jusqu en 1911 et leur droit p nal jusqu en 1941 Il est vrai que la tendance est presque toujours la centralisation du fait la fois des guerres successives et du d veloppement de l id al d galit les subventions du Bund aux cantons les plus d munis favorisent l assise de la puissance centrale Mais les aspirations maintenir l autonomie sont galement fortes Les L nder allemands se regroupent pour r soudre des probl mes trop complexes pour une seule collectivit et viter ainsi l ing rence du pouvoir central Dans le m me esprit le l gislateur suisse r clame aujourd hui pour toutes les activit s f d rales une base constitutionnelle pr alable afin d viter les actions dites non contrai gnantes de PEtat aides subventions facultatives qui au xrx si cle cr aient des habitudes n fastes l autonomie Dans un pays comme la Suisse le probl me des comp tences se pose sans cesse Rien n tant fig le principe sert de grille de r f rence pour une r adap tation constante des attributions de comp
124. Thomas d Aquin La soci t est un tout form de parties articul es chacune participant au bien du tout selon ses propres capacit s et requ rant du tout les conditions de sa vie La d finition traditionnelle du bien commun ne se con oit que dans une soci t organique entendant l individu aussi li la soci t que la branche son arbre ou que la main au corps Le tout se trouve videmment valoris par rapport la partie qui se sacrifie lui pour son propre bien Il ne faudrait pas voir l expression d une soci t soit totalitaire o les individus ont t volontaire ment transform s en unit s semblables et interchangeables soit animale o les individus dans la termiti re travaillent au bien tre commun par instinct bio logique Le sacrifice conscient d un homme la guerre ne rel ve pas d un an an tissement personnel dans un Tout sacralis mais vise un bien commun qui contient imm diatement le bien particulier de celui qui se sacrifie il met sa vie en jeu pour apporter la libert ses propres enfants Par ailleurs l individu dans la soci t organique ne saurait tre consid r comme un simple moyen au service du tout puisque la personne est en soi un tout reli Dieu selon ses origines et selon sa destination donc inali nable Le bien commun parmi les conditions du bien tre de la personne contient aussi sa libert au moins dans la mesure o elle ne nuit pas au bien de tou
125. Un consensus existe par exemple pour r primer l usage de la drogue ou pour verser une allocation aux ch meurs ou aux mal lotis de la soci t d abondance ce point qu en 1988 l institution du rmi a fait l objet des campagnes lectorales de tous les candidats alors qu il s agit naturellement d une mesure propre augmenter la fiscalit Le contenu du bien commun r clam par le consensus n est ni neutre ni circonstanciel Il concr tise aujourd hui l id e de dignit telle qu elle appara t la fois dans le christianisme et dans la philosophie des droits Les d bats d id es concernant la soci t par exemple sur l eutha nasie ou sur la la cit n opposent pas partisans et d tracteurs de la dignit gale et inali nable mais expriment les contradictions qui apparaissent quand il s agit de traduire cette valeur dans les actes sociaux L homme contemporain malgr ses pr tentions recr er sa propre morale emprunte sa conception thique sa tradition civilisatrice Les valeurs communes souvent non dites et parfois m me impens es surgissent dans sa notion de la solidarit du respect des faibles ou de l galit ontologique entre les humains quels qu ils soient Ce sont ces valeurs communes qui justifient le devoir d ing rence et interdisent l Etat de demeurer neutre m me devant une soci t individualiste parce que la soci t individualiste elle m me d fend des convi
126. a ne signifie t il pas ce que les Grecs entendaient par l Althusius se moque que le 56 L TAT SUBSIDIAIRE prince soit bon ou mauvais Il ne compte pas sur la moralit royale pour garantir le bon gouvernement Seul le despotisme peut raisonner de cette mani re Ici le pouvoir du prince est si limit que la couleur de son me est presque indiff rente Qui est donc le tyran d exercice C est celui qui brise l autonomie des communaut s qui les emp che d exercer leurs pouvoirs Autrement dit il annihile les sp cificit s il viole les ind pendances il attente au droit de propri t il emp che d agir Cette description du tyran marque avec celle tr s proche de Locke lappa rition d un courant nouveau dans la pens e politique de l Europe Elle permet de bien saisir une th orie originale du bon gouvernement tant il est vrai que l id e du mauvais prince indique en contre jour comment se con oit le meilleur prince Althusius rompt avec la tradition du tyran usurpateur et m chant Il brosse le portrait d un homme qui retire la soci t sa capacit d action et de mouvement Ce faisant il laisse apercevoir le caract re essentiel du bon gou vernement le respect des autonomies sociales leur protection et non pas leur confiscation Ainsi le refus du tyran n indique til pas la d fense d un type pr cis de r gime La description du tyran usurpateur appelait un gouvernement l gitime i
127. a dignit et parce qu elle accepte de vivre les para doxes de la finitude au lieu de vouloir les solutionner Elle se place au del des syst mes dont chacun repose sur une hypertrophie d une certaine cat gorie de la dignit L humanisme des syst mes est parcellaire et borgne Il faut un huma nisme global qui se fonde sur la dignit sous tous ses aspects sans en minimiser aucun et sans en privil gier aucun La certitude de la dignit comme valeur implique des rapports sp cifiques entre l homme et la communaut sociale Dans la mesure o la dignit ne se concr tise pas seulement par la libert NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 125 et l autonomie la communaut sociale et le pouvoir politique ne se verront pas assigner un r le purement n gatif Il ne suffit pas que le pouvoir laisse l homme ma tre de ses uvres propres et conducteur de son destin Il doit encore garantir positivement la dignit qui sous entend une suffisance mat rielle intellectuelle et morale L autorit en g n ral et l Etat en particulier n appara t pas comme une instance n cessaire et mal aim e donc minimale Mais elle joue un r le d harmo nisation et de soutien Elle intervient non seulement n gativement pour viter l anarchie et la guerre mais positivement pour garantir le d veloppement des personnes Mais dans la mesure o la dignit est aussi libert et autonomie ni le pouvoir politique ni la communaut sociale n
128. a libert et l galit au nom d une valeur fon datrice qu il appelle jusfice et qui est la reconnaissance de la dignit 3 On trouve 1 Ibid p 336 2 Ibid p 550 3 Le respect de ma dignit personnelle est la mesure de toutes les libert s publiques Le respect de la dignit personnelle est le principe de toutes les vertus sociales L offense faite la dignit d un peuple est la subversion de toute justice Dans une soci t l autorit est ad quate la justice attendu qu il ne peut pas y avoir dans l Etat de dignit sup rieure la dignit nationale et que la dignit natio nale est la justice m me De a justice 1 p 317 319 SUBSIDIARIT PROGR S ET FIN DE L HISTOIRE 117 chez Proudhon cette id e r pandue chez les thomistes issue de Thomas d Aquin et plus loin d Aristote selon laquelle le d sir de servir le bien commun est naturel L homme en vertu de la raison dont il est dou a la facult de sentir sa dignit dans la personne de son semblable comme dans sa propre personne La justice est le produit de cette facult c est le respect spontan ment prouv et r ciproquement garanti de la dignit humaine Il d montre cette tendance pat l absurde s il n en est pas ainsi si la justice n est pas inn e l humanit alors la soci t est absurde et n existe m me pas comme telle Cette certitude d une solidarit naturell
129. ais leur assurer une d fense et une protection r clam es par la justice Dans la situation concr te de la fin du xix si cle priv e de protection sociale le texte pontifical insiste au contraire sur l obligation l gitime de l intervention ce qui ne l emp che pas den marquer aussi les limites Le principe montre bien son aspect double n gatif et positif de non ing rence et d intervention toutes deux consid r es comme de stricte justice Chacun des deux aspects se trouve davantage mis en exergue quand les circonstances poli tiques entra nent l autre des abus Ce qui laisse comprendre que le principe est un point d quilibre visant assumer une situation thique paradoxale la dignit englobe la libert mais la n cessit de la concr tisation de la dignit contredit parfois la n cessit de r alisation de la libert La subsidiarit repr sente une m thode d action une cl pour d finir la limite de l intervention et de la non ing rence selon le temps et le lieu Car cette limite n est pas invariable mais avance ou recule selon les circonstances L incapacit av r e et le besoin urgent qui sont des crit res mouvants et de surcro t souvent subjectifs annoncent la l gitimit de l intervention qui devient un devoir autant qu elle est un droit L instance ta tique devra alors empi ter sur certaines libert s pour garantir les conditions du bien commun d fini comme le respect d
130. ais seule la cit organe propre ment politique est capable d atteindre l autarcie la pleine suffisance de tout et c est ainsi qu elle se d finit par l autosuffisance synonyme de perfection Ce qui signifie que les groupes plus petits ne sauraient pas eux vivre en autarcie qu ils r clament l appartenance un groupe plus vaste pour l accomplissement de cer taines t ches Si l individu pris isol ment est incapable de se suffire lui m me il en va de m me pour les groupes sociaux Il y a donc une ambivalence chez l indi vidu et le groupe restreint qui se trouvent la fois capables et incapables capa bles de se survivre dans le domaine de leurs activit s propres mais incapables d une zofale suffisance C est bien cette ambivalence que va g rer chaque autorit le village regroupe les familles pour r pondre leurs insuffisances mais en leur 1 Politique I 2 1252 b 10 et ss 2 Ibid 1253 a 25 16 L TAT SUBSIDIAIRE laissant leur domaine de capacit De m me la cit par rapport aux villages Le groupe familial le plus restreint s occupe exclusivement des besoins quotidiens Le village des besoins qui ne sont plus purement quotidiens 2 La cit elle vise une autre finalit encore non plus le vivre mais le bien vivres Ainsi les t ches des diff rents groupes ne se recoupent pas elles se superposent Chaque groupe travaille r pondre aux besoins insatisfaits de
131. alisation gouvernementale et centralisation administrative permet d apercevoir la fronti re entre l action l gitime de l Etat et celle de la soci t La notion de politique appara t restreinte par rapport la notion de gestion et d administration qui r clame elle aussi l intervention d une autorit Les concepts d autorit et d autorit politique divergent Tocqueville est bien le lointain suc cesseur d Aristote qui diff renciait la vraie politique comme gouvernement et l autorit despotique fausse politique comme administration Et aussi le pr curseur des catholiques sociaux qui distingueront qualitativement le gouverne ment des hommes et l administration des choses Celle ci est une technique qui rel ve d une science celui l un art qui rel ve de la prudence L administration concerne la g rance et la maintenance des biens des int r ts particuliers et sociaux Elle r clame l intervention d autorit s propres ces diff rentes sph res Mais il ne s agit que d autorit s organisationnelles Par contre le gouvernement concerne l int r t public d une soci t consid r e comme un tout et r clame une autorit pr cis ment politique c est dire de souverainet et de coercition Il est n ces saire de centraliser l autorit gouvernementale sans quoi le pouvoir faillirait sa mission d ordre et d unit Mais la centralisation administrative revient prendre la politiq
132. alternative entre l Etat tout puissant qui ali ne les libert s et PEtat en retrait qui oublie la dignit il faut que les secours indispensables soient pris en charge d abord par d autres mains que celles de l instance supr me La promotion des corps interm diaires se justifie de deux mani res Les groupes valent la fois comme fin et comme moyen Comme fin parce qu ils permettent seuls l individu d agir compl tement parce qu ils repr sentent le prolongement de l action indi viduelle et ainsi garantissent la possibilit de son perfectionnement Comme moyen parce que seuls les groupes sociaux uvrant au bien commun viteront en m me temps la mis re et l tatisme les deux fl aux contraires Cette question des corps interm diaires va constituer le point d achop pement de la doctrine Les pontifes demeurent d une grande prudence en ce 152 L TAT SUBSIDIAIRE qui concerne leur concr tisation mais certains catholiques se r clamant de la doctrine vont pervertir l id e et ainsi susciter des d naturations qui nuiront au courant tout entier Comme il arrive parfois l id e politico sociale nonc e par L on XII fut r cup r e par un syst me ou par des syst mes de pens e alors m me qu elle avait t rig e contre toutes les syst matisations la fin du xrxe si cle surgit la discussion sur la nature et les pr rogatives des corporationst Un courant domin par Ren de La Tour du Pin r
133. anger s est effac Il faut aussi qu interviennent des facteurs positifs Ainsi la libert se d veloppe en Occident par l influence conjointe du christianisme et des structures f odales Les autres peuples n ayant pas engendr ces aiguillons restent d positaires d une libert non d velopp e d une libert mort n e En d finitive l id e de libert est sans doute naturelle l homme universel mais elle demande tant de conditions pour parvenir existence que sa r alit voire sa possibilit demeure l apanage des Occidentaux L apparition d un Etat second et suppl mentaire reste donc essentiellement li e une culture La notion d autonomie individuelle n appara t qu avec l id e valorisante de personne id e chr tienne Le sujet li Dieu et lui rendant compte de sa vie ramasse ses actes avec soi et apprend la responsabilit personnelle Le rapport personnel de Dieu avec l homme d tache pour la premi re fois l homme de la soci t communaut laquelle il vivait amalgam Par ailleurs l homme de la f odalit se trouve seul et sans d fense d o bient t son sentiment de l honneur et de la puissance personnelle Ce passage de l tat de ruche l tat de libert exprime l closion de l individu face aux contraintes qui pesaient sur lui Par degr s l individu s est d gag et de si cle en si cle il a largi son domaine c est que les deux cha nes qui
134. ans le cadre de la th orie lib rale L assistance tatique est ici un r sidu moral dans un monde domin par la rationalit une intuition de l importance de la solidarit dans une philosophie qui la contredit ou au moins ne l int gre pas la solidarit n a pas de sens pour un homme souverain Il s agit davantage d une charit d Etat que d une justice d Etat et cette charit ne repose sur aucune base Le lib ralisme ne contient aucune id e rappelant ce que le courant chr tien appellera justice sociale Ainsi Passistance institutionnelle ne peut s expliquer que par une volont consensuelle d y pourvoir ou plut t n gativement par une incapacit g n rale supporter la vision de la mis re cette incapacit supporter la mis re des autres est expliqu e psycho logiquement les hommes sont devenus plus sensibles et non par une concep tion objective du bien commun D o le caract re exception et l absence de justification r elle de l intervention Hors la th orie socialiste pour laquelle PEtat est en charge du bien tre de chaque individu on ne saurait justifier que l Etat intervienne positivement en faveur des individus sauf sous entendre que le bien de ceux ci fait partie d un tout reconnu et valoris Mais la soci t lib rale n existe qu en tant que concept vocable conceptuel d signant une addition de fins particuli res L Etat ne saurait donc pr tendre aucune autre
135. ans le savoir Ainsi l autorit publique si peut qu elle exist t se bornait d une part constater le d veloppement des autonomies et d autre part tendre ventuellement son action dans les espaces vides Par la r alit de l histoire l Etat naissait second et suppl tif Paradoxe de la libert et du bien public Hegel ne brosse pourtant pas un portrait louangeur de l Allemagne du tout d but du xix si cle Cette situation de libert ne le contente pas et cela non parce qu il serait partisan d un Etat tout puissant selon la r putation qu on lui fait parfois Dans cet crit non destin tre publi il semble mettre en garde ses contemporains contre le danger qui menace un pays pr cis ment priv d Etat L Allemagne n est plus un Etat Elle ne poss de pas v ritablement d organe souverain apte conceptualiser le bien public voire contraindre au bien public Elle n a ni arm e commune ni finances communes Ses arm es multiples ob issent des chefs multiples Le nombre consid rable des centres de pouvoir rend impos sible une politique d ensemble pr sent rendue n cessaire par la proximit des Etats trangers par la taille imposante des Etats voisins Les pouvoirs diss min s de l empire ne peuvent plus concurrencer efficacement quiconque Face aux colosses tatiques ils sont devenus des pygm es D o l urgence d une unification politique dont la d
136. ant le contrat d une certaine autosuffisance Le contrat est partiel dans son contenu Il n a trait qu ce qui int resse la s curit et la prosp rit communef Il concerne le domaine restreint dans lequel les contractants n ont pu r aliser toutes leurs fins Mais il faut noter que par rapport aux lib raux Proudhon rajoute la prosp rit la s curit ce qui implique une certaine id e du bien commun et une id e de subsidiarit plus que de simple suppl ance Le contrat ne va pas au del cette condition il n enl ve de libert que ce qui est strictement n cessaire l octroi de la s curit 1 Principe f d ratif p 324 2 Ibid p 319 3 Ibid p 317 4 Principe f d ratif p 319 110 L TAT SUBSIDIAIRE et de la prosp rit r clam es Il opprime moins qu il ne sert Mais il ne sert pas seulement les individus mais les individus dans leurs groupes d appartenance Proudhon l appelle f d ration qui signifie une alliance entre des parties non pas gales mais comparables Les parties n engagent pas leur tre m me mais une partie limit e et choisie de leurs actes L auteur ajoute que son contrat poss de un caract re absolument sp cifique il est r el existant historique ment tandis que celui de Rousseau n est qu une fiction th orique En effet le gouvernement f d ratif existe dans certains pays comme la Suisse Il fonc tionne il est viable Le contr
137. antir partout en agissant tr s peu La soci t civile et Etat ne luttent pas Pun contre l autre comme si leurs finalit s taient contraires Mais chacun tente 196 L TAT SUBSIDIAIRE de se saisir de la comp tence dans les domaines qui leur sont communs Le prin cipe de subsidiarit est donc purement formel Il am nage des relations entre les instances Il organise les rapports en fixant des limites qui d ailleurs demeurent flottantes et al atoires Il doit n cessairement se conjuguer avec la prudence au sens aristot licien parce qu il s applique dans un domaine flou qu il a justement pour mission d ordonner et qui ne peut par nature tre ordonn une fois pour toutes par des r gles fixes Ce refus de r server les domaines de comp tences de les figer de telle ou telle mani re est la fois la condition de r alisation du principe et l expression concr te de ses fondements philosophiques Pourquoi ne pas figer les comp tences ce qui simplifierait tellement la vie politique et viterait les arbitraires f cheux et les concurrences d loyales La r ponse est que cette incertitude volon taire peut seule garantir le d veloppement maximal de la libert et le respect maximal de la dignit eu gard aux circonstances qui changent sans cesse Le principe de subsidiarit ne se rattache donc aucune th orie politique ou cono mique Les ordo lib raux disaient concurrence autant que possible planificatio
138. at nuit il au citoyen quand il lui apporte des biens pr confectionn s il diminue son bonheur au lieu de augmenter Le but de la politique est de garantir le d veloppement des facult s et des capacit s non de pourvoir l accumulation des biens La description du fondement de la politique semble ici reprendre la fois les id es dominantes de Thomas d Aquin et de la tradition germanique Mais l id e essentielle de la primaut de Pacte sur le r sultat aura d autres cons quences L acte ne concerne plus les m mes acteurs autrefois il concernait surtout les groupes de la soci t organique ici l individu seul Le sujet du lib ralisme n est une personne qu en tant que tout autonome libre et responsable et non plus en tant que tout autonome participant d une communaut au sens de la participation ontologique des anciens Il ne porte pas en lui l id e de l universel comme le 1 Philosophie politique de l histoire de France p 374 2 Ibid p 375 3 Stuart Mill La libert p 216 4 Essai sur les limites de l action de l Etat p 27 La pens e individualiste au d part de W de Hum boldt a volu par la suite vers un romantisme int grant la valorisation de forces sup rieures individu L TAT SUPPL ANT 89 citoyen de Hegel L individualisme lib ral transforme l loge de la personne et de ses uvres en un loge de l Etat n gatif qui supppl e au sens o il ne fait que suppl
139. at social est une fiction de l giste dans le syst me f d ratif le contrat social est plus qu une fiction c est un pacte positif effectif qui a t r ellement propos discut vot adopt et qui se modifie r guli rement la volont des contractants Entre le contrat f d ratif et celui de Rousseau et de 93 il y a toute la distance de la r alit l hypoth se 1 Le contrat de Proudhon n a pas comme celui de Rousseau vocation explicative ou justificatrice seule ment C est pourquoi il ne peut se permettre de demeurer un mythe Il a vocation l existence D o l int r t de lui conf rer le nom d une organisation politique r elle la f d ration Pour d finir un mode d tre politique c est la forme du contrat qui importe bien plus que le nom du r gime Un contrat dans lequel la soci t s engagerait tout enti re donnerait lieu de multiples sortes de pouvoirs appel s tant t monarchies tant t d mocraties ou r publiques mais toujours oppressifs L qui libre recherch de l autorit et de la libert se trouve donc en aval de l orga nisation gouvernementale Ici comme chez tous les auteurs qui annoncent l id e de subsidiarit la garantie des libert s locales et personnelles compte bien davantage que la forme du r gime Proudhon d ailleurs critique autant la d mo cratie que la monarchie toutes deux rong es par la tentation du centralisme Le probl me politique e
140. at und Jugendpflege p 206 Utz s est longuement int ress cette question notamment dans Formen und Grenzen P 14 49 50 il l voque dans son Ethique sociale I p 192 193 LES CHAMPS D APPLICATION 213 Paide de soi ne concerne pas seulement le d veloppement d une capacit d agir mais la concr tisation d une vision du monde d o son importance capitale Mais il n en va pas de m me dans la plupart des autres domaines de la vie sociale les assurances sant les assurances vieillesse et autres services sont presque id o logiquement neutres C est pourquoi m me si les partisans de l aide de soi ont r clam en Allemagne une intervention minimale de PEtat dans ces domaines ils ont t ici souvent d bord s par l appel l Etat providence Le consensus s curi taire est si fort dans les soci t s modernes que l on ne peut gu re attendre une r a lisation de l Etat subsidiaire au sens strict int grant l aide de soi la plus large possible en ce qui concerne la politique sociale Ici les Etats europ ens restent dominante providentialiste l id e de subsidiarit pouvant servir nuancer voire faire reculer le providentialisme ou proposer une id ologie de rechange quand l Etat providence se d truit comme c est son destin par la paup risation Quant la s curit et aux assurances sociales le citoyen moderne est incapable de penser autrement que par l ai
141. ation Mais ici en France du moins il n ignore pas qu il se heurte ce faisant un irr ductible besoin d autonomie Il sait qu il vole et l on rep re cette lucidit sa mani re de camoufler le vol En r alit il n ignore pas non plus les r elles capacit s des multiples instances sociales S il les touffe c est moins par m pris que par peur Les petits pouvoirs lui font de l ombre Fondamentalement il usurpe les actions pour aplanir la soci t Les hommes align s sont semblables Ils ne se diff rencient que par leurs actes qui seuls d veloppent leurs virtualit s C est ici que le despotisme exotique ou fran ais rejoint Pid al r volutionnaire Le monarque absolu galise pour asseoir son despotisme La R volution engen drera le despotisme pour avoir voulu galiser Dans cet aplanissement l aristo cratie joue un r le de bouc missaire mais elle n est pas de loin seule en cause Ce qui emp che le despotisme de s organiser et ce qui nuit l galit r volution 1 L Ancien R gime p 90 68 L TAT SUBSIDIAIRE naire ce ne sont pas seulement les pouvoirs des grands mais bien plus ce pullu lement de petits pouvoirs diss min s qui refl tent les capacit s diverses D o la critique acerbe de l galit d mocratique dont on peut videmment rep rer la source dans le caract re aristocratique de la pens e des deux auteurs S il est vrai que la situation sociale contribue
142. atives entre les mains d un seul parfois d une oligarchie qui ressemble alors un collectif tyrannique mais en m me temps il accepte de courir les risques inh rents ce pouvoir de risquer la p ren nisation abusive de ce pouvoir Car le plus tonnant dans cette d marche est bien la conscience aigu qu ont les peuples en question du danger encouru Ils ne sacrifient pas leur libert dans l irr flexion mais avec lucidit et sans jamais chapper l inqui tude Ils savent tr s bien que la raison d Etat peut devenir la raison de l Etat et que le pouvoir d exception tend devenir ordinaire C est pourquoi d s l origine ils enserrent le pouvoir d exception dans des lois contrai gnantes visant l emp cher de se d velopper quand dispara t la dure n cessit qui le l gitime Probablement cr e peu apr s la r publique la dictature est une magistrature c est dire une instance l galis e et par cons quent restreinte Elle 1 Pour un Etat la mort qui semble lib rer les individus du ch timent est le ch timent par excel lence Un Etat doit tre constitu en effet de telle sorte qu il dure toujours Il n y a donc pas pour lui comme pour l homme de fin naturelle pour l homme la mort n est pas seulement chose in vitable elle est tr s souvent chose fort d sirable Quand un Etat au contraire vient dispara tre qu il est d truit an anti c est une chelle
143. avenir voire pas de r alit ce qu il pr cise plus loin L anarchie d apr s le t moignage constant de l histoire n a pas plus d emploi dans l humanit que le d sordre dans l univers Si aucun peuple ne peut se passer de gouver nement le probl me politique est le probl me m me de l antinomie soci t Etat Car la soci t d teste le pouvoir comme on peut le constater en Occident chaque poque Elle ne le divinise parfois que par utilit pour en faire accepter plus facilement l autorit qui appara t la fois absurde et n cessaire Cependant longueur de si cles elle tente de le limiter si bien que la politique trouve des peuples occup s selon une jolie formule gouverner leur gouver nement Pourquoi ces deux instances soci t et gouvernement luttent elles avec tant d acrimonie lors m me qu elles sont condamn es vivre ensemble Parce que l autorit et la libert que chacune repr sente respectivement ne sauraient s entendre car elles chassent sur la m me terre Le probl me politique est une sorte de conflit de comp tence D ordinaire on cherche r soudre un conflit par la r duction le combat peut ruiner l un des deux adversaires Ici et par l l anarchisme se trouve remis en cause on ne le peut Car outre qu aucun des deux termes n a de sens priv de Pautre chacun des deux engendre des catastrophes s il dirige seul Par un
144. bat 1 Ch de Koninck De la primaut du bien commun contre les Dersonnalistes p 41 3 Somme th ologique la Iiae qu 21 art 4 3 Ibid p 3 L ID E DE BIEN COMMUN DANS LA SOCI T INDIVIDUALISTE 181 qui oppose les n o thomistes et le personnalisme pose question aux ordo lib raux allemands et les oblige chercher un point de convergence entre les deux points de vue afin de fonder une justification moderne du devoir d ing rence et de la subsidiarit positive Recherche de tierce voie Dans la soci t individualiste le secours subsidiaire est il encore susceptible de validation Ou encore devra t on choisir irr m diablement entre la conception otganiciste et l individualisme priv de finalit s communes Les tentatives de rapprochement sont nombreuses et t moignent de la transformation compl te des id es de l Eglise dans le courant de ce si cle Pour W Bertrams par exemple la doctrine de l Eglise a conserv l id e de bien commun tout en se s parant du principe de totalit L organicisme ancien et le solidarisme moderne conservent ensemble cette id e d un bien de la communaut auquel l individu accepte de se sacrifier ventuellement La diff rence est dans le fondement de ce bien tre commun qui n est plus donn de l ext rieur mais issu de l acceptation pr alable Bertrams fait remarquer que si l on accuse le solidarisme d individualisme l on peut aussi par un glissement
145. bert se double d un besoin de s curit parce que la libert ne se d ploie avec succ s que sous condition de capacit Aujourd hui le Fran ais ressent dans le domaine de la sant un besoin de s curit plus qu un besoin de libert et pr f re l assurance d Etat la libert de choisir sa caisse d assurance ce qui ne veut pas dire qu il ne faudrait pas l inciter davantage de libert et de responsabilit mais ce qui veut dire qu il serait absurde de le contraindre tel qu il est une libert totale cet gard il en d cou lerait probablement plus d effets pervers que de bienfaits Dire que l homme est libre ne suffit pas le d finir C est plut t la dignit qui le d finirait dans la mesure o la dignit inclut la fois la libert le besoin de s curit le besoin d un bien tre mat riel minimal le besoin de consid ration et autres Ces exigences humaines se comprennent de facto Il suffit de vivre pour savoir que l homme est ainsi fait Encore faut il traduire ces exigences en droits si l on veut les concr tiser et l on aboutit au devoir d ing rence li e l id e de bien commun L ing rence de l instance publique se justifie donc par l exigence de la dignit inali nable et gale L instance publique ne garantit pas la dignit elle m me notion soit ontologique soit relevant d une certitude intuitive dont en tout cas les expressions vont bi
146. binisme vient remettre en cause La r volution en ce qu elle a de centraliste constitue un retour en arri re une d gradation Et en m me temps un recul terrorisant puisque l Etat omnipotent vient se substituer des individus ou des groupes rendus ind pendants par l histoire Le pacte originel se trouve trahi puisque l instance politique avait t constitu e uniquement pour r pondre aux besoins insatisfaits En s adjugeant la conduite des uvres au lieu d en pro t ger l accomplissement elle rompt le contrat pass Cette affirmation vi demment ne se justifie que dans la mesure o l homme est cens avoir apport dans le contrat une libert en situation et d j concr tis e une libert nantie des actes de la libert Le contrat r volutionnaire pose au contraire une libert pure ment philosophique et pour ainsi dire virtuelle Le contrat peut tre jug l onin davantage que rompu ambigu t du mot libert transforme en trahison ce qui apparaissait comme progr s Il my a pas en r alit de pacte viol Il y a un pacte confus et mal compris 1 Ibid IL p 83 450 104 L TAT SUBSIDIAIRE R le fluctuant de l Etat Le r le de l Etat doit donc s entendre non pas en soi ou g n ralement mais par rapport aux libert s en situation G n ralement on ne saurait poser aucune pr cision concernant le r le de l Etat sinon une pr cision n gative qui consiste carter les extr
147. ble de conditions sociales qui permettent tant aux groupes qu chacun de leurs membres d atteindre leur perfection d une fa on plus totale et plus ais e Il faut rendre accessible l homme tout ce dont il a besoin pour mener une vie vraiment humaine par exemple nourriture v tement habitat droit de choisir librement son tat de vie et de 142 L TAT SUBSIDIAIRE fonder une famille droit l ducation au travail la r putation au respect une information convenable droit d agir selon la droite r gle de sa conscience droit la sauvegarde de la vie priv e et une juste libert y compris en mati re religieuse Passages oblig s de la libert et du d veloppement individuel ces conditions sont dues selon le m me principe que les droits cr ances comme garan ties souvent mat rielles servant la concr tisation de valeurs essentielles Pout tant les garanties apport es ici par l intervention publique diff rent des droits cr ances sur deux points d une part elles t chent toujours de susciter des capa cit s au lieu de distribuer des acquis pr ts la consommation d autre part elles ne sont pas conf r es selon le principe d galit mais selon le crit re de non capacit ce qui engendrera toute la diff rence entre l Etat providence et l Etat subsidiaire Iacitation et cr ances Susciter les capacit s signifie que l intervention se place en aval de l nergie
148. ble lambeau de libert 2 Il s agit de d tr ner la libert comme cri t re unique de la rattacher d autres valeurs fondements et par l de la rendre plus op rationnelle Paradoxalement la libert ne se r alisera qu en perdant son rang de primaut Ev que et d put de la Di te nationale de Francfort Ketteler r dige les pr misses de ce qui deviendra la doctrine sociale de l Eglise et L on XIII Pappel 1 L ouvrier libre Paris Lecoffre 1898 Pp 70 71 2 La lutte religieuse en Allemagne p 1 9 NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 127 lera son pr curseur Homme politique il s attache la question de linstruction Dans cette discussion concr te les solutions qu il propose expriment une pens e diff rente de celle des lib raux Le probl me de l instruction partie int grante du probl me social laisse appara tre une n cessit l Etat doit intervenir puisque les particuliers sont ici insuffisants la fois en d termination et en moyens Mais l Etat ne doit pas intervenir trop puissamment ni trop habituellement afin de ne pas affaiblir la capacit sociale Les lib raux avaient bien aper u ce paradoxe et l avaient r solu par le caract re exceptionnel rare en tout cas de l intervention Mais Ketteler ne pense pas que la soci t puisse se suffire de cette aide exception nelle il attend de l instance publique un v ritable secours positif tout en suspec tant les risques de la prise
149. branche d activit et par cons quent se soumettre la l gislation en rapport La corporation est libre en ce sens que sa cr ation est laiss e la volont sociale mais elle instaure d s sa cr ation une double contrainte nul ne peut en cr er une autre dans la m me branche et nul n a le loisir de demeurer en dehors d elle Ainsi d finie elle a pour mission tout d abord d organiser le travail afin de s atta quer aux injustices et de prot ger le travailleur contre les m faits de la concur rence Face la th orie du travail libre elle r glemente la production et les prix mais aussi le r gime du travail horaires et salaires et ceci selon le principe de subsidiarit Plus encore elle sert de base la repr sentation des int r ts seule 1 Ibid p 24 2 Ibid 160 L TAT SUBSIDIAIRE repr sentation valable face la repr sentation directe des opinions consid r e comme une nuisance absolue Le syst me politique de La Tour du Pin s inscrit donc la fois contre le lib ralisme conomique dont il vince jusqu l id e de libert du travail et contre la d mocratie politique dont il r cuse l id e de repr sentation des opi nions Outre la nostalgie de l Ancien R gime ce qui le motive dans ces affir mations est la crainte du socialisme tatique auquel il ne voit pas d autre alter native que le corporatisme Aucune des questions ouvri res ne saurait en effet tre r sol
150. c de ces deux exigences contradictoires rend d autant n cessaire une norme organisatrice permettant de mieux attribuer les comp tences au cas par cas C est dans cette optique que la subsidiarit devient dans l Allemagne contemporaine une id e centrale 1 Subsidiarit tspringip und Verfassungsrecht p 32 et ss CHAPITRE X I Probl mes contemporains de l Etat subsidiaire Le terme de subsidiarit fait tellement partie en Allemagne du langage politico social habituel qu il appara t certains auteurs comme une mode au sens p joratif et qu il doit avant d tre d fini pr cis ment tre d barrass des connotations du laisser aller de l habitude ou du sentiment Si le principe a connu un tel succ s en Allemagne c est qu il a t apr s la seconde guerre mondiale le pivot central autour duquel les divers courants adver saires parvenaient un consensus Il r unissait dans un accord g n ral non seule ment les lib raux et les socialistes mais ceux que l on pouvait appeler les pal o corporatistes Il n est donc pas surprenant que cette id e ait pu fasciner une g n ration de juristes et de penseurs de la politique une poque o l Allemagne avait le plus grand besoin d une th orie la fois mod r e et consensuelle Pour tant le principe a t si souvent cit qu il est devenu une sorte de vocable magique destin r soudre l ensemble des probl mes Jusqu l A
151. c les tentatives collectivistes qui ont vu le jour dans quelques villages en Am rique Mais ils ne se donnent gu re la peine d analyser en d tail le fonctionnement de ces syst mes Emile Keller par exemple crit laconiquement La Chine a tent en grand la suppression de la propri t individuelle et a d s arr ter devant l effondrement du travail et de la prosp rit publique 1 Le devoir d ing rence va donc trouver sa justification face au lib ralisme ambiant Le devoir de non ing rence se l gitime non pas en r action contre un r gime connu mais comme garantie d une n cessit humaine fondamentale Le principe de subsidiarit va permettre ce courant de pens e de se glisser entre les deux syst mes de l poque sans conc der ni Pun ni Pautre Ketteler et l h ritage d Althusius G de Ketteler h rite de deux pens es le thomisme et les libert s germaniques Observateur critique de la bureaucratie prussienne il s l ve contre tous les abso lutismes y compris contre les tentations de l absolutisme chr tien Cet homme imp tueux qui a perdu une partie de son nez au cours d un duel troque les aven tures de jeunesse contre les aventures intellectuelles Cherchant situer la libert dans le cadre d une justice qu il va d finir il s loigne des courants politiques et conomiques de son temps La libert garantie par le droit de l poque ne repr sente qu un mis ra
152. ce d Etats Tocqueville dresse la liste interminable de toutes les pr rogatives du gouvernement de l Ancien R gime contr le tatillon de l agriculture et de la production fixation de certains prix r quisition des propri t s organisation de la charit publique dans les moindres d tails L tonnant est cette disproportion entre le caract re particulier voire intime de ces t ches et l ampleur et la distance de celui qui s en pr occupe Une administration gigantesque dirige des centaines de lieux des affaires lillipu tiennes Il y a l quelque chose d insens A coup s r l acteur et l action ne sont pas adapt s l un l autre telle est l id e persistante qui traverse le c l bre ouvrage sur l Ancien R gime Inadaptation inconvenance l acteur en a remplac un autre il s est introduit la place de l autre Sous l Ancien R gime comme de nos jours il n y avait ville bourg village ni si petit hameau en France h pital fabrique couvent ni coll ge qui p t avoir une volont ind pendante dans ses 1 L Ancien R gime D 105 et ss 3 Cf J L Thireau Les id es politiques de Louis XIV PUF 1973 3 Esprit des lois XXII XIV C MILLON DEESOL 3 66 L TAT SUBSIDIAIRE affaires particuli res ni administrer sa volont ses propres biens Alors comme aujourd hui l administration tenait donc tous les Fran ais en tutelle 1 On ne tutellise que l incapable
153. cette incitation ne suffit pas l Etat devra devenir tut laire et distributeur de cr ances Par exemple l Etat devrait tout faire pour que s organisent des asso ciations professionnelles aptes r soudre de leur propre initiative les probl mes de justice dans l entreprise Mais dans un cas de d sorganisation et par cons quent d injustice il imposera lui m me des lois sociales ici pour r duire la dur e du travail ou pour rehausser le salaire minimal selon le crit re du besoinf Cette demande d intervention de l Etat dans le m canisme conomique exprim e d j par R de La Tour du Pin avant Rerum Novarum a t vivement critiqu e par les lib raux de l poque et identifi e une mesure d inspiration socialiste Le juge ment r clame peut tre plus de nuance et vrai dire la doctrine sociale ne rentre sous aucune tiquette Les encycliques d fendent sans rel che la propri t priv e et m me si des courants catholiques ont pu tout au long du xx si cle se rallier franchement l id e d tatisation des moyens de production la doctrine r dig e au Vatican demeurait sur ce point intangible comme d ailleurs elle le demeurait pour condamner le totalitarisme auquel nombre de clercs faisaient acte d all geance Par contre la justification de la propri t priv e comme condition et 1 Lettre de Paul VI du 24 mai 1964 3 L on XII Rerum Novarum 491 3 Par exemple Lettre de Jean XXII du
154. cobin prend sa source dans un contrat l onin Mais plus loin ce contrat west l onin que parce qu il se scelle dans une soci t malade La France contemporaine de Taine trouve ses origines quatre si cles de distance poque o l Ancien R gime a commenc ruiner l organisation socialel Le constat de d molition ressemble celui de Tocqueville les corps interm diaires pro vinces soci t s corporations communes se sont vu retirer par le pouvoir leur utilit et bient t leur raison d tre Priv s de leurs actions ils gardaient leur apparence et souvent leurs privil ges et devaient devenir naturellement objets de haine et de m pris Le contrat jacobin est venu s riger sur cet Etat ruin Taine ne r cuse pas l id e d un pacte politique entre une soci t et un gouver nement Au contraire Mais le danger du contrat jacobin provient de la nature des contractants Un v ritable pacte est celui des Anglais qui lie un gouverne ment des hommes r els et vivants 2 Comment reconna tre un homme r el et vivant A ce qu il porte ses actes et ses uvres avec lui Il appara t en situation et couche sa situation avec lui sur le papier Il signe condition que l Etat prenne en compte sa libert actualis e son autonomie habill e d entreprises de solida rit s d ducation de travaux d j ordonn s Le droit qu on lui conc de est donc d j pour ainsi dire en ordre de marc
155. collegium ou publiques comme la cit toujours elles sont essentiellement poli tiques Chacune n cessite une autorit gouvernante toutes ces autorit s diff rents niveaux sont des autorit s politiques qu il s agisse du s nateur dans la cit du comte dans la province du roi dans le royaume On le voit l autorit souveraine ne diff re pas cet gard qualitativement des autres m me si elle a un sens plus pleinement politique parce qu elle gouverne la communaut totale dot e d autosuffisance La politique ici se d finit par un service de suppl ance On verra plus loin qu elle requiert en plus un secours Elle garantit la paix et la concorde comme chez Dante la m me poque Mais le pouvoir supr me n est pas seul assurer cette protection des fins particuli res Chaque communaut pr te des moyens des actions qu elle n a pas suscit es et suppl e quelque part des incapacit s La construction d Althusius repose sur une grande confiance accord e la force sociale sur un optimisme au sujet des nergies et des solidarit s Elle traduit l image d une soci t existante la soci t germanique o les auto nomies sont si fortes qu elles apparaissent souvent comme des ind pendances 1 Ibid p 12 2 Ibid p 27 58 L TAT SUBSIDIAIRE et o le lieu de la souverainet n appara t pas toujours clairement parce qu un grand nombre d instances peuvent un
156. comme telles Mais l art d emmener la soci t vers un but commun Gouverner c est diriger les hommes associ s vers le bien commun 1 L autorit n est donc subsidiaire qu en ce qui concerne les actes non pas en ce qui concerne les pens es Althusius d crivait d j une soci t dans laquelle le pouvoir ne s ing rait en rien sauf pour poursuivre les h r tiques Il y a l une sorte de paradoxe dans les origines de la pens e de la subsidiarit qui sera relev par les auteurs allemands du xx si cle On ne voit pas pourquoi un individu ou un groupe social consid r comme capable de mener bien son propre destin ne pourrait pas galement laborer ses propres finalit s Naturellement une soci t qui ne serait qu une mosa que de finalit s disparates ressemblerait une anarchie plus qu une soci t Un consensus minimal est donc n cessaire pour mettre en uvre les projets les plus importants mais cela requiert il une d finition du bien commun par le pouvoir central reconnu en charge des valeurs thiques Car qui d finit l thique laquelle tous doivent tendre Et de quel lieu parle t il pour en juger Que reste t il du devoir de non ing rence quand on affirme que le plus grand bien de l homme tant la v rit et l ordre moral la soci t aura sa plus haute perfection lorsque ses membres aussi nombreux que possible conspireront avec la plus grande unanimit et la plus grande fo
157. commun ext rieur On peut le laisser croire et ainsi tomber dans le totalitarisme La communaut des valeurs communes n est donc pas une soci t civile mais une petite association fond e sur l affection et sur le libre choix l int rieur de la grande soci t Elle ne peut s iden tifier la grande soci t que dans le monde holiste et encore en admettant qu aucune conscience singuli re allant l encontre des finalit s communes ne se soit encore lev e Car d s que la soci t holiste commence devoir maltraiter les consciences singuli res pour respecter la communaut des fins l utilisation de la contrainte lui pr te des traits d j totalitaires comme on le voit dans la Potica d Althusius La soci t communaut repose sur l identit des consciences et sur l id e que la diff rence est hors les normes apparent e la folie Elle peut fonc tionner ainsi tant que ces diff rences restent limit es cette condition elle rige un bien commun fond sur les valeurs de la conscience commune lequel justifie le sacrifice des individus implicitement consentants Par opposition la simple association d int r ts repr sente la soci t de l individualisme philosophique Elle est form e d individus en principe autosuffisants mais reli s entre eux par Contrats d int r ts mutuels Elle ne se conna t pas de valeurs communes puisque les indi vidus qui la composent courent chacun leur propre but e
158. concr tiser travers les lois et les comportements L Eglise ne s engage pas dans la d fense d une structure puisque nulle structure ne saurait prendre en charge directement les valeurs dont elle se juge d positaire Elle se contente de d signer les structures dont le fonctionnement contredit les valeurs pos es Sur le plan purement politique son discours n est que n gatif ou presque Le principe de subsidiarit sorte de mod le g n ral de l action sociale peut s appliquer au sein de plusieurs organisations vari es dont la teneur est pratiquement indiff rente Par ailleurs il s applique de diverses fa ons au sein de la m me organisation selon les circonstances Il n impose qu une loi formelle bri vement d crite par Pie XI dans l encyclique Quadragesimo Anno l occasion du quaranti me anniversaire de Rerum Novarum en 1931 On ne saurait ni changer ni branler ce principe si grave de philoso phie sociale de m me qu on ne peut enlever aux particuliers pour les transf rer la communaut les attributions dont ils sont capables de s acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens ainsi ce serait commettre une injus tice en m me temps que troubler d une mani re tr s dommageable l ordre social que de retirer aux groupements d ordre inf rieur pour les confier une collec tivit plus vaste et d un rang plus lev les fonctions qu ils sont en mesure de remplir e
159. contenu syst matiquement labor en tout cas jusqu pr sent Le f d ralisme d fini comme un Etat comprenant en son sein plusieurs collectivit s d apparence tatique 1 exprime le souci de ne laisser PEtat central que les comp tences consenties par les diff rents groupes sociaux interm diaires sans qu il abandonne pour autant les t ches jug es n cessaires au bien commun Les collectivit s en question poss dent la plupart des pr rogatives attribu es ail leurs PEtat hormis la souverainet Le f d ralisme exige donc une soci t 1 S Rials Destin du f d ralisme p 9 218 L TAT SUBSIDIAIRE organique au sens d une soci t structur e en sous ensembles d une organisation articul e et non pas au sens d un ordre d termin d en haut par une vision socio politique globale l image par exemple de l ordre social chr tien de La Tour du Pin Il suppose des instances inf rieures dans leur d pendance l instance souveraine aptes exercer des fonctions politiques majeures dans l ordre des trois pouvoirs de Montesquieu Le syst me f d ral part de l hypoth se que ces instances sont capables d exercer ces fonctions valablement aussi valablement que PEtat souverain lui m me et que par cons quent tant donn leur plus grande proximit par rapport la masse des citoyens elles les exerceront avec plus de pr cision d efficacit et de justice La convic
160. cratie participative C est PEtat respectueux des aufonomies qui appara t en opposition dans le descriptif du despotisme au XVIIIe si cle Peut tre Montesquieu pr sente t il une fausse vision des r gimes asiatiques comme le disait Anquetil Duperron et peut tre m me savait il quel point il jouait d un symbole plus que d une r alit L image qu il s en fait importe davan tage ici que la question de la v rit de cette image La comparaison avec la monar chie louis quatorzi me peut aussi supporter des remises en cause L essentiel reste que la description de l Etat despotique par Montesquieu pose en n gatif la justification moderne de l Etat respectueux des autonomies Il d crit le despote et c est une nouveaut moins comme un roi arbitraire et cruel que comme un voleur des autonomies un usurpateur des initiatives La critique de l Ancien R gime par Tocqueville se fonde sur les m mes interpr tations La monarchie inspir e par Louis XIV a certes remplac les lois par l arbitraire mais l essentiel du reproche tient l tat de la soci t plus qu aux caprices du prince celui ci a 1 Cf A Grosrichard Structure du s rail La fiction du despotisme asiatique dans l Occident classique Le Seuil 1979 2 Cf S Stelling Michaud Le mythe du despotisme oriental Schweizer Beitr ge zur Allgemeinen Geschichte 1960 1961 p 328 346 64 L TAT SUBSIDIAIRE touff les actions de ses sujets L
161. croire que nos contem porains et c est sans doute compr hensible apr s tant d utopies catastrophiques de d ceptions et de d constructions intellectuelles ne rel vent que les argu ments de l exp rience La n cessit de fonder un principe sociopolitique sur le droit naturel ne peut en aucun cas souffrir de cette situation puisque justement le droit naturel tire ses exigences de la r alit humaine m me s il ne doit pas pour autant devenir un positivisme On peut m me affirmer que le moment historique pr sent dans lequel les d sillusions cons cutives la chute des utopies ont engendr un respect instinctif de l homme tel qu il est place dans les conditions les plus salutaires n importe quel d fenseur du droit naturel et par cons quent du principe de subsidiarit A condition videmment qu il fasse preuve d assez de finesse pour apercevoir que son discours sera compris au plus pr s du fait et beaucoup moins sinon plus du tout dans les cons quences th oriques qu il pourra lui m me en tirer C est dans ces circonstances que peut se d velopper actuellement la justification du principe Paradoxe de la libert et de la s curit La conception de l homme dont il s agit ici pose d abord la libert comme une n cessit vidente de soi L homme est libre dans la mesure o il reste propri taire de ses actes et des cons quences de ses actes ce qui inclut la responsabilit dans la mes
162. ctions qui d passent l int r t bien compris de l individu La n cessit d un consensus social pour d finir le contenu du bien commun 188 L TAT SUBSIDIAIRE et donc justifier le devoir d ing rence r sulte ainsi d un constat sociologique et non d une id e de la raison Quels que soient les jugements que l on peut porter sur cet tat de fait la soci t civile ne ressemble absolument plus une famille et ne se reconnait plus aucun bien commun objectif Il faut donc tirer ce bien de l adh sion des individus On aurait tort de reprocher cette conclusion d intro duire une sorte de subjectivisme dans la d finition du bien commun Car si nous devons abandonner le bien commun objectif d s que la grande majorit des acteurs sociaux ne le reconnaissent plus comme tel cela signifie que le bien com mun ancien ne tenait sa l gitimit d j que de l accord social Simplement il s agissait alors d un consensus pour ainsi dire int rioris d une certitude g n rale dont on ne d battait pas Tandis que le consensus actuel surgit d opinions diverses ce qui le rend suspect de relativit Le contenu du bien commun n en est pas devenu davantage relatif mais il est plus volutif parce qu il int gre beaucoup plus rapidement qu autrefois les transformations des mentalit s C est sur le bien commun ainsi justifi et d fini que se fonde le devoir d ing rence aspect positif du principe de subsi
163. d e aux groupes les plus simples ne sous entend aucun jugement de valeur Le souci est avant tout de pr server l autonomie de chaque sph re L autonomie des groupes naturels ou volontaires garantit seule la fois l efficacit et le bonheur de la vie quotidienne Althusius d fend cette autonomie l r side sa principale originalit au del des th ses sur la souverainet et de son calvinisme inquisitorial Autonomies de fait L autonomie des groupes ne se fonde pas sur un quelconque droit de ceux ci disposer d eux m mes Le fait prime le droit Le r alisme d Althusius laisse pr sager celui de Le Play m me s il s exprime dans un si cle si diff rent L auto 50 L TAT SUBSIDIAIRE nomie se fonde sur un donn sociologique l mentaire sur des faits observ s Doit on consacrer les faits comme valeurs Oui s ils traduisent une nature profonde une sorte d ontologie sociale Chaque communaut uvre pour des fins qui lui sont propres Elle n a d ailleurs t cr e que pour cela La famille travaille la protection et l du cation des enfants La corporation au bien tre professionnel de ses membres Imaginer pour elle d autres desseins serait un d voiement de Pesprit Chaque communaut tend organiser les solidarit s entre ses membres et concourt d fendre leurs int r ts collectifs Ces int r ts collectifs ne se confondent pas avec les int r ts individuels de chaque
164. d terminer l orientation des id es il est galement vrai que Montesquieu et Tocqueville ont largement d pass le raisonnement lin aire de la justification de l aristocratie par un esprit de classe d guis Ce que Pon peut peut tre leur reprocher est d avoir sous estim les tares profondes des hi rarchies anciennes noblesse ossifi e et arrogante corpo rations immobiles Ils ont commis l erreur de croire que l on pourrait revitaliser la soci t avec des organes devenus inutilisables Leurs th ories sur l autonomie et sur les hi rarchies sociales valent comme th ories seulement et en aucun cas pour la d fense de ces hi rarchies donn es Leurs propos taient proprement parler inactuels vrais en g n ral au sens o d une certaine mani re l histoire leur donne raison mais inapplicables dans la soci t d alors La R volution a aboli les anciens pouvoirs parce qu ils taient dess ch s et inadapt s Son tort toujours au regard de l histoire a t de tirer de cette abolition une r gle g n rale de nivel lement Tocqueville au del des circonstances nous int resse quand il critique cette r gle g n rale Pour la premi re fois la d mocratie n est plus fustig e comme le lieu du d sordre Depuis Platon jusqu au xvin si cle ses inconv nients d coulaient du trop plein de libert Tocqueville s attaque au fondement m me du r gime l galit L galit recherch e et syst matis
165. d initiative et le probl me de l arbitraire reste malgr tout pos Ces questions viendront tout naturellement s imposer la r flexion des Allemands de l apr s guerre quand le principe s appli quera un Etat concret Justification de l ing rence Une autre question demeure incertaine celle de la justification rationnelle de l intervention tatique dans le cadre du courant chr tien L intervention g n ralis e de Etat se l gitime rationnellement dans le socialisme par la t che d ga 1 Exemple Pie XII Message du 7 mai 1949 148 L TAT SUBSIDIAIRE lisation confi e l instance supr me Ici on peut se demander quel titre PEtat est responsable de la prosp rit publiquel Que la finalit de l Etat soit le salut et la conservation sociale c est une banalit de le dire Mais que signifie la conser vation sociale quel titre ici l individu et le groupe ont un droit leur auto nomie on le comprend ais ment la justification de ce droit provient directement de la pens e thomiste de l tre et de Pacte Mais quel titre l individu et le groupe ont ils droit au secours et l assistance A quel titre l instance tatique a t elle le devoir de secourir d op rer des p r quations artificielles et forc ment contrai gnantes de nationaliser au besoin La r ponse cette question se trouve videm ment dans la notion de bien commun puisque c est en arguant du bien co
166. dans la th orie conomique et sociale de Ordo La question du r le de l Etat est au centre 1 Cf A Utz Ethique sociale I p 217 172 L TAT SUBSIDIAIRE des pr occupations de l cole de Fribourg qui inspirera largement la politique allemande d s apr s l effondrement du nazisme et jusqu nos jours La personne entit libre de son destin pr vaut sur l Etat qui n a pour fonction que de garantir son d veloppement autant spirituel au sens large que temporel L autorit joue donc un r le subsidiaire par rapport la libert La r alit sociologique moderne concr tisant la fin des corps interm diaires et le rejet d une conception sociale organiciste laisse appara tre Etat comme le presque unique d tenteur d autorit aussi le principe de subsidiarit s adapte t il principalement la fonc tion de l instance tatique face l individu L Ord d plore cet individualisme et la massification qui s ensuit mais ne r clame pas pour autant un retour la soci t communaut ant rieure Il r cuse l id e corporatiste qui annihile certaines libert s au nom d un bien commun d fini objectivement et ent rine l individualisme sociologique comme un attribut incontournable de la modernit Il en appelle cependant la constitution d une soci t plus vivante nantie de groupes librement constitu s et d tenteurs d initiatives donc aptes m dhiatiser les relations entre l indiv
167. darit s Ou encore il fait faire au lieu de faire Il oriente les actions de la soci t plus qu il n agit lui m me Tapa relli d veloppe les d tails par lesquels l instance tatique excite la g n rosit au lieu de taxer d une mani re vexatoire encourage par tous les moyens les asso ciations de protection et d assurance au lieu de les cr er lui m me entrave les effets pervers des initiatives individuelles et sociales au lieu d apporter du bien tre pr t consommer Si elle se substitue c est dans les seuls cas d incapacit notoire ou de refus notoire des instances sociales et si malgr cela subsiste un besoin r el Dans une soci t consciente et responsable tous ont en charge le bien commun mais l instance tatique est plus conc rn e encore puisqu elle a en charge le bien commun en dernier recours Elle arrive en dernier lieu mais comble tous les vides L autorit peut exercer trois types d action selon le degr de ling genre utile elle cr e les conditions de l action individuelle elle suppl e les groupes particuliers quand ils ne suffisent pas leur t che dans le cadre de l int r t g n ral elle secourt c est dire qu elle prend en charge directement les entreprises utiles tous mais dont personne ne peut ou ne veut se soucier ce titre elle ne saurait laisser personne priv d un secours indispensable Tout citoyen en d sarroi qui aurait chapp aux aid
168. de Rerum Novarum a sans d savouer la tradition cherch un fondement moderne au bien commun Il lui fallait dans un si cle d individualisme justifier le devoir d ing rence autrement que par le principe de totalit L atmosph re de son temps l a probablement aid dans cette t che le d saveu de la soci t organique n emp chait pas ce moment un appel puissant la solidarit de justice ce qui signifie que l id e de bien commun r apparaissait au sein d une soci t individualiste Le pontife ne cher chait donc pas des fondements artificiels ou invent s pour l gitimer un concept le bien commun dont il ne pouvait plus invoquer le fondement traditionnel le principe de totalit Mais il d couvrait d j l occasion du bouleversement philosophique et social que l id e de bien commun peut trouver ses assises ail leurs que dans la vision organiciste Le principe de totalit va donc appara tre comme un principe circonstanciel vou d crire la soci t d une poque et non la soci t en g n ral Cette partie de la pens e thomiste l id e de la soci t organique va tre d tach e de sa doctrine et rendue al atoire voulue par le temps historique corr lative un contexte L individualisme philosophique du lib ralisme sera rejet parce qu il vince l id e de bien commun et fait de l homme un atome pr t pour la massifi cation l homme reste naturellement
169. de de l Etat et n imagine pas d autre alternative que le lib ralisme classique tel qu il est pratiqu aux Etats Unis Il croit couram ment que l Etat ne peut garantir sans faire lui m me et d autre part que sa garantie en dernier recours introduirait un processus de trop grande in palit Lorsqu un secours social est uniquement subsidiaire ce qui est le cas du RMI en France qui repr sente un compl ment et non un tout c est pour des raisons financi res videntes et non dans un souci de responsabilisation Par contre l application du principe sera importante dans les domaines de politique cono mique et de gestion politique d centralis e Le d bat propos de la loi sur la jeunesse ne concernait pas seulement la validit de l id e subsidiaire mais aussi le probl me juridique de son application Faut il le traduire en droit positif S il le faut peut on le faire Etant donn que le principe r v le un paradoxe entre le devoir de non ing rence et le devoir d ing rence son interpr tation ne donnera t elle pas toujours lieu querelles qu il soit ou non traduit juridiquement Le d bat sur le mot gegebenenfalls signi fiait aussi la n cessit d exprimer clairement l id e subsidiaire Ces derni res ann es la plupart des th oriciens du principe posent la question juridique Constitutionnalisation Avant la question du comment se pose celle du si est il l gitime de c
170. de l action individuelle rend le principe de subsidiarit inefficient puisque l intervention tatique devient d vidence n cessaire partout ou presque partout Ici le principe est utilis comme alibi ou justificatif de l tatisme comme il avait t utilis inverse mais en for ant aussi le concept par le lib ralisme du xrxe si cle pour justifier PEtat n gatif D rive fatale Avec la syst matisation id ologique de l id al corporatif chez Salazar chez Mussolini et galement dans l Allemagne nazie Hitler son arriv e au pouvoir transforme les syndicats en corporations organise dans certains secteurs des corporations de droit public qui sous la tutelle de PEtat contr lent l co nomie et l activit sociale et interdisent la concurrence le courant de pens e proche de la doctrine sociale de l Eglise va tre amen repr ciser et reformuler sa vision des corps interm diaires Un clivage existerait entre deux interpr tations du corporatisme dont l une serait humaniste et l autre totalitaire ici corporatisme d Etat l corporatisme d associationt Cette organisation sociale ne serait pas tenue de devenir dictatoriale puisqu en Suisse en Belgique se d veloppe le r gime de la corporation autonome et facultative F Perroux2 distingue le corpo ratisme s ricio sensu qui fonde des groupes non autonomes mais publics ou semi publics organise l conomie de fa on autoritaire et le corp
171. de se faire des hommes laiss s virtuels par un pouvoir qui les s pare de leurs r alisations Seule la finalit distancie le pouvoir d mocratique du pouvoir despotique mais leurs r sultats sont les m mes L galisation qui tait un moyen pour le despotisme devient une fin pour la d mocratie elle usurpe les uvres particuli res pour niveler Il s agit encore d une usurpation puisqu il y a privation d tre Je vois le gouvernement qui h rite seul de toutes les pr rogatives arrach es des familles des corporations ou des hommes 1 Soci t organis e et in galit Ici comme chez Althusius s exprime un d sint r t affich pour la forme du r gime politique Tocqueville se d fend bien de vouloir justifier telle ou telle forme de gouvernement ou de vouloir proposer un quelconque mod le Car ceci est question de circonstances puisqu il importe seulement que les libert s se concr tisent et la mani re la limite importe peu La libert ne signifie pas exclu sivement choix des gouvernants mais surtout possibilit d aller au bout des actions projet es La libert d autonomie englobe la libert de participation qui appara t comme l une de ses composantes La seconde quand elle est seule port e au pinacle pourrait bien an antir la premi re Ainsi la pens e tocquevillienne pr sente une id e de la libert absolument diff rente de celle de la R volution mais r volutionnaire en s
172. de suppl ance C H A P I T KR E V I L Etat suppl ant Au xxe si cle se d veloppe une id e de la suppl ance de l autorit qui remet en cause celle de Montesquieu et de Tocqueville Les lib raux inaugurent une nouvelle vision de la suppl ance engendr e par le type nouveau de soci t dans lequel cette suppl ance s applique La texture de la soci t joue un r le d cisif dans la d finition donner la suppl ance La naissance du lib ralisme conomique et de son corollaire l individualisme philosophique donne lieu une interpr tation sp cifique de la suppl ance C est chez Locke que na t l id e d autorit suppl tive qui sera d velopp e par le lib ralisme classique de m me que na t chez Althusius la m me poque l id e de suppl ance dont les catholiques sociaux feront la subsidiarit moderne Chez les deux auteurs se trouve la raison fondatrice de la notion de suppl ance il ne suffit pas de conf rer la soci t une souverainet encore faut il savoir quel usage pratique elle peut en faire Le droit des acteurs sociaux est d abord celui de conserver et de d velopper l autonomie de leurs uvres propres Le droit de l autorit gouverner a rapport avec ce droit d autonomie et s organise autour de lui C est pourquoi la question de la forme du r gime passe apr s la question de l tendue des comp tences du pouvoir partir de l les deux th ories politiques diverg
173. del des formes que celle ci peut prendre Chez La Tour du Pin la distinction des diff rents groupes pro fessionnels forme un chapitre de P conomie sociale Les terminologies employ es sont emprunt es celles de l Ancien R gime la fin du xrx si cle presque cent ans apr s la loi Le Chapelier il faut reprendre d anciens vocables pour d signer des groupes qui n existent pas encore v ritablement La forme de ces groupes est indiff rente associations professionnelles en France corpo rations en Allemagne corps d Etat en Autriche Le meilleur des trois syst mes celui qui convient le mieux chaque pays est celui qui s y est tabli le plus facilement il n y a pas disputer l dessus mais consid rer ce qui se produit par l volution historique alors qu elle n est ni touff e ni violent e par les pouvoirs publics mais prot g e et dirig e par eux en vue du bien commun Apr s la loi de 1884 sur les syndicats les d fenseurs des corps interm diaires devaient d battre longtemps sur la question de la nature et des modalit s de 1 Vers un ordre p 179 2 Ibid p 187 3 Ibid p 142 158 L TAT SUBSIDIAIRE 4 cr ation des corps de Mun r clamait des groupements professionnels d ob dience confessionnelle et La Tour du Pin au contraire pr nait en ce domaine la s paration des genresi Mais l essentiel de la discussion surgit ailleurs Puisque d s lors la loi
174. diarit Il n y a donc pas de raison pour abandonner cet aspect du principe sous pr texte que l id e de bien commun a subi des transformations au moins quant ses sources Par ailleurs l aspect n gatif du principe se transforme lui aussi avec la l gitimation de la libert de conscience et de la libert d opinion Le devoir de non ing rence va s appliquer dor navant non seulement aux actes libres et qui se suffisent eux m mes mais galement aux pens es libres La subsidiarit va concerner les finalit s de l action et pas seule ment l action comme telle ce qui engendre une r vision totale des rapports entre la soci t et PEtat L Etat n intervient que dans le domaine strictement n cessaire mais une ing rence sous forme d aide financi re ne signifie pas une ing rence dans les finalit s Les groupes sociaux et les individus demeurent d tenteurs de finalit s Pourtant il faut que ces buts propres ne contredisent pas le bien commun reconnu En Allemagne le probl me a t pos dans les derni res d cennies propos des mouvements de jeunesse subventionn s par l Etat Etat finance t il sous condi tion de tel projet p dagogique correspondant au bien commun ou au contraire finance t il sans condition laissant le projet p dagogique au soin de l association Le principe de subsidiarit s adapte donc une autonomie de plus en plus grande des individus et des groupes Cette autonomie notamment
175. du principe contribue renforcer son sens autant positif que n gatif et l utilise pour poser les fondements d une politique conomique et sociale dans laquelle l exigence de la concr tisation du bien commun n induise pas l Etat providence Pour cela il lui faut repr ciser le principe et analyser ses implications dans la soci t moderne 3 Il est d abord un principe d ordre ou d organisation principe formel ce qui implique avant lui un soubassement structurel Cependant l id e de subsidiarit ne s adapte pas n importe quelle structure Il ne saurait valoir que pour une soci t capable d agir organis e en groupes dynamiques Ceci parce qu il nonce un mode d attribution des comp tences respectives faut il encore que ces comp tences existent Il pr suppose donc non pas une soci t clat e o chacun n a comp tence que pour son bien propre sans intervention de l autorit ni une soci t militaris e o chacun se voit confier une t che pr cise dans un but collectif de par la loi positive mais une soci t dans laquelle les comp tences pour ainsi dire se chevauchent Cela implique d une part que le bien tre de chaque individu soit suffisamment important pour qu une instance ext rieure Passiste l gitimement s il ne peut y parvenir seul d autre part que chaque indi vidu puisse l gitimement agir en vue du bien de tous et ne doive pas utiliser exclusivement son
176. e la capacit des peuples g rer eux m mes leurs affaires varie avec les secours qu ils ont l habitude d attendre La seconde l intervention de l Etat doit prendre garde ses propres effets pervers Il en r sulte que l Etat suppl ant n ob it pas des lois fixes mais qu il d finit son r le selon une g o m trie variable Il doit tenir compte la fois d une situation issue du pass et des r sultats escompt s de ses interventions Savant calcul d quilibre entre les besoins r els et les d faillances futures L initiative individuelle est une habitude autant et plus qu une nature La question de la capacit d action et de la r ussite des actions tient beaucoup l audace et l id e que se fait l individu de cette r ussite m me En r alit les capacit s de l homme sont en g n ral immenses Elles se restreignent par une fatigue de la pens e non par une fatigue des facult s Et cette fatigue de la pens e vient de l id e de l incapacit de la certitude de l impossible qui n est pas la r alit de l impossible mais son illusion Cette illusion peut tre suscit e par le 1 Ibid XXIII XXIX LES D BUTS DE L TAT SUBSIDIAIRE 73 pouvoir lui m me quand il tient ses sujets pour des sots et le leur fait dire couram ment Letronne qui d plore si am rement l abandon dans lequel le gouverne ment laisse les campagnes qui nous les montre sans chemins sans industrie
177. e celui qui se d sint resse du bien public cette perversion d crite par les auteurs anciens lui appartient aussi mais elle ne suffit pas le d crire au moins faut il la pr ciser Le mauvais gouvernement gruge ses sujets est coupable de saisir et d truire les biens du peuple se rend ma tre de la vie des sujets de leurs libert s et de leurs patrimoines ce qui est encore autre chose que d aller contre leur int r t Dans la th orie du despotisme clair le prince peut s approprier les biens et les libert s priv s dans l int r t m me des sujets Ici l int r t des indi vidus est identifi l autonomie de leurs actes r sum s par l id e de pro pri t La description n gative du mauvais chef indique la conception du bon gouvernement quelles que soient sa forme et sa nature il n y a pas que les monarchies pour se pervertir et la perversion ne caract rise pas un r gime mais un exercice de gouvernement il n est pas seulement celui qui travaille l int r t public mais celui qui garantit les uvres priv es La soci t dont il est question ici mesure son bien tre selon ses propres crit res ramasse la moisson de ses talents poursuit ses projets et ses fins propres L autorit ne d termine pas le bien commun de ceux qui lui sont subordonn s elle leur permet de poursuivre la direction qu ils ont lue La pens e de Locke fonde la libert des finalit s q
178. e ci est frapp e d incapacit quant aux moyens de poursuivre ses fins particuli res dont l addition r sult e fait seule l int r t public L id e du devoir d ing rence qui constitue un second sens et fait na tre l id e propre de subsidiarit n est pas strictement l envers de la non ing rence Dit autrement le devoir d ing rence que vont d velopper les n o thomistes ne s identifie pas l intervention de l Etat lib ral en cas d incapacit sociale Le devoir d ing rence impliquera au contraire la vis e d une fin positive sup rieure aux finalit s individuelles accumul es C est pourquoi il n cessitera l existence et l activit des groupes sociaux autant que des individus Hors l activit des groupes sociaux la vis e de cette fin positive ne pourra se concevoir que par l an antissement des libert s 1 Droit l gislation et libert 2 p 168 178 et ss CHAPITRE V TI Subsidiarit progr s et fin de l histoire l poque o le lib ralisme issu de la R volution se trouve remis en cause et o la doctrine de l Eglise n a pas encore affirm pleinement ses th ses la pens e de Taine et celle de Proudhon d notent le d veloppement multiforme de l id e de subsidiarit Les deux personnages ne se ressemblent pas sinon peut tre par leur marginalisation Ils expriment de deux mani res diff rentes la fois la grande inqui tude devant limp ritie des syst mes et l opt
179. e contrats politiques le contrat social ne signifie rien chez Althusius puisque la soci t au sens de lien et de rapports entre les individus existe par nature Il faut des pactes pour que les autonomies subsistent tout en r clamant protection et secours dans les sph res sup rieures Althusius n ignore pas que le pouvoir en g n ral cherche sans cesse d border ses limites L ing rence se voit donc circonscrite par le droit parce qu elle doit demeurer partielle Chaque corps forme avec d autres un corps 52 L TAT SUBSIDIAIRE plus vaste par un contrat discut prement et assorti de mises en garde afin de prot ger en m me temps son domaine de stricte autonomie Il prend une part active au nouveau pouvoir qui se cr e au dessus de lui Il le surveille attentive ment Il le d pose s il le faut La soci t d Althusius est pleine d assembl es de d lib rations et de m fiances Chacun d fend le pr carr de son autonomie Chacun admet la surveillance pour la protection quand encore la d cision vient de lui Mais n accepte jamais l appropriation ni la mise sous tutelle Il y va de l existence m me des corps Car ils ont besoin de s int grer dans des communaut s plus puissantes pour d velopper leur bien tre mais perdent tout d s lors qu une instance sup rieure voudrait les absorber Si les droits de la communaut sont ali n s alors elle cesse tout simplement d existeri Et il serait absurde
180. e contribue grandement l laboration de l id e f d ra tive la soci t de Proudhon est capable non seulement d uvrer pour des int r ts particuliers mais de mener bien sans presque le secours de l Etat des t ches d int r t commun La justice de Proudhon n a rien voir avec l galit math matique puisque sa soci t se d finit par les groupes plus que par les individus5 L galit qui r gne dans la f d ration est une galit devant la loi qui suppose galit des races des classes et des convictions il s agit d une galit en dignit et non pas d un nivellement m me s il faut tendre au rapprochement des fortunes Abolition des privil ges suppression de l esclavage et de cet esclavage conomique qu est le prol tariat ce que r alise la f d ration notamment en Suisse exprime l galit des droits et la concr tisation mat rielle de la dignit humaine non pas l abolition syst matique des diff rences La justice sociale s organise travers l autonomie des groupes sociaux et la mutualit prend la place de la charit Les citoyens peuvent parfaitement en s associant garantir la justice comme concr tisation de leurs dignit s r ciproques Il ne s agit donc pas de confier l Etat l organisation du bien tre Le r gime le plus souhaitable repose sur la confiance que les citoyens group s sauront prendre en charge le bien commun vitant ainsi la centralisation
181. e de subsidiarit appara t comme un produit caract ristique de la culture politique europ enne Il concr tise la place que nous attribuons l Etat en g n ral et l autorit tout court dans l his toire de nos soci t s Les soci t s sont pour nous dot es d une vie propre d o leur autonomie naturelle Elles poursuivent d s leur naissance des fins singuli res L Etat ne se justifie que pour les aider poursuivre ces fins Depuis les origines nous tenons pour principe que l homme est plus vieux que l Etat L instance supr me est issue de la conscience de nos insuffisances mais elle ne nous engendre pas Elle est comme cette machine que nous fabriquons pour soulever des pierres trop lourdes pour nos bras ou pour enregistrer des calculs linfini l o notre m moire vacille Elle nous permet de viser des projets plus labor s et davantage de devenir ce que nous sommes Mais nous n attendons pas qu elle se rende au bal notre place ni qu elle nous dicte nos pens es sur la mort L Europe s est donn des institutions politiques capables d emp cher la puissance publique d abuser de son autorit Dans le domaine politique tous nos efforts intellectuels et institutionnels ont port depuis des si cles sur le pro bl me de la limitation du pouvoir sans pour autant que cette limitation nuise la n cessaire souverainet Cet quilibre assez pr caire a t atteint avec la d mo cratie parlementaire
182. e et naturel C est dans cette perspective que le principe va devenir diff remment la pierre angulaire d un nouveau projet socio politique CHAPITRE X L id e de bien commun dans la soci t individualiste Le solidarisme de H Pesch le personnalisme de J Maritain se nour rissent aux m mes sources que le corporatisme dont La Tour du Pin tr s g l guera directement la d fense Maurras et Massis Mais entre les deux courants appara t une fracture loquente Les adeptes de la corporation vivent nous Pavons vu dans la nostalgie de la soci t organique et c est en voulant la r ins taurer qu ils engendreront des r gimes dictatoriaux Les personnalistes cherchent adapter la doctrine sociale catholique la modernit ce sera au prix d une transformation de la notion de bien commun La libert des finalit s va appa ra tre sur les ruines de l ancien bien commun A partir de ce moment l id e de subsidiarit va prendre une forme nouvelle int grant en totalit la philosophie des droits Quelles que soient les querelles sur l orthodoxie qui s vissent entre ces deux courants il reste que les nouveaux venus contribuent largement fonder le r le de Etat contemporain Ils inspirent les formes actuelles de l Etat subsi diaire m me s ils ont selon certains d natur leurs propres sources pour en arriver l Individualisme et organisation Le solidarisme de L Bourgeois de Ch Gide de H P
183. e l tat ne se l gitime que quand elle est n cessaire 92 L TAT SUBSIDIAIRE en cas d incapacit des individus Sinon ceux ci sauraient dans certaines situations faire leur propre police et l on pourrait alors enlever l Etat les t ches de garantie de la s ret t Mais la suppl ance n a cette signification que dans les domaines qui mappartiennent pas de droit PEtat c est dire d s que l on d passe le lieu de ses attributions essentielles Ces attributions de d fense et de police sont pos es une fois pour toutes et une fois pour toutes enlev es aux individus Le reste seulement pr te discussion Et les l ments de cette discussion laissent penser que le lib ralisme du xrx si cle ne ressemble gu re l image de sa r putation L intervention publique doit certes selon lui demeurer exceptionnelle Mais elle peut se d velopper dans un certain nombre de domaines divers Elle est restrictive parce qu elle concerne la solidarit et seulement l attention aux hommes faibles et aux secteurs faibles au lieu de viser une galisation des hommes par l aide g n rale Mais elle est r elle et dans un cadre d fini non n gligeable L ing rence comme exception L id e de n cessit absolue chez Humboldt rejoint celle de situation exception chez Bastiat Si les socialistes veulent dire que pour des circons tances extraordinaires pour des cas urgents l Etat doit pr parer q
184. e l tait pour le lib ralisme une exception parce que contre nature Elle est exception nelle ou de dernier recours mais pour une autre raison non parce que l aide qu elle apporte ne devrait pas en principe tre apport e mais parce que cette aide a d tre apport e auparavant par les acteurs sociaux eux m mes r unis en groupes agissants Par l interm diaire de l id e de dignit la suppl ance change de signi fication l aide subsidiaire le sera un autre titre et en m me temps d une autre mani re La premi re question pos e par les catholiques sociaux est celle du jugement porter sur la philosophie des droits Pendant plusieurs d cennies la plupart des adeptes de ce courant vont se heurter l id e dominante par une s rie de refus refus des valeurs de libert et d galit consid r es comme des abstractions refus de l individualisme d shumanisant refus de la libert de conscience et nostalgie de la soci t organique de l Ancien R gime Au d but du xxe si cle certains comme les solidaristes vont au contraire tenter de rendre aux valeurs de la philo sophie des droits leur fondement originel qui est la valeur de dignit L harmoni sation de la philosophie des droits et de l id e de dignit chr tienne commenc e avec le personnalisme se r alise au sein de l Eglise il y a seulement deux d cennies En d pit de quelques r ticences r siduelles on peut penser qu il s agit
185. e la dignit de tous et de chacun 1 Paragraphe 572 3 Discours aux cardinaux 20 f vrier 1946 3 Rerum Novarum 442 NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 141 La r alit changeante n a donc pas tre enserr e dans le moule contraignant d un syst me de pens e Mais il convient de l in former par un principe g n ral qui rappelle les exigences la fois ontologiques et thiques La doctrine chr tienne appara t aux antipodes de toute th orie visant une re naturation humaine et sociale Cette prise en charge constante du r el ne tient pas non plus de l oppor tunisme elle rel ve de cette thique sp cifique qui entend le bien comme pro longement de l tre dans l h ritage du thomisme Les r formes sociales et poli tiques n ont pas pour vocation de changer l tre mais d accompagner son per fectionnement Ce perfectionnement lui m me ne se r alise pas selon des tapes conceptualis es par une th orie de l histoire La pens e volontariste peut jouer un r le d encouragement ou induire des tendances mais ne r volutionne pas les soci t s ni les peuples ni n ob it un plan d volution fix par la raison ou une n cessit d volution soi disant d couverte par la raison Face au principe thique qui commande de respecter la dignit avec la libert l tat moral de l individu et de la soci t joue un r le par lui m me Il faut entendre par tat moral non pas la proximit ou la d
186. e ne repr sentait qu un principe n gatif permettant l Etat d intervenir l o la soci t demeurait incapable et dans le seul domaine des conditions du d veloppement individuel Ici il ne signifie plus seulement un compl ment ou un suppl tif mais un secours positif L Etat uvre pour le bien tre social non plus contrec ur ni par excep tion mais naturellement selon des justifications prenant sens dans la politique g n rale L id e de la soci t n est plus la m me La notion de l homme non plus Les auteurs dont il va tre question ici s int ressent surtout et pour certains exclusivement la solution du probl me social Ils ne vont tre amen s r fl chir sur l organisation politique qu travers cette premi re pr occupation Leur ori 126 L TAT SUBSIDIAIRE ginalit consiste l poque dans le fait qu ils rejettent le lib ralisme conomique sans pour autant vouloir favoriser l mergence d un socialisme quel qu il soit Le socialisme qui n a pas encore connu ses r alisations historiques leur appara t dangereux par la perte de libert qu il ne manquera pas d engendrer Ils ne dis tinguent gu re socialisme socialisme utopique et communisme Ils trouvent les exp riences pass es du centralisme dans les r miniscences du Bas Empire romain dans l Ancien R gime d crit par Tocqueville dans le c sarisme napol onien Ils comparent ces exp riences pass es ave
187. e paup risation qui suscite aujourd hui un cri d alarme que l amoindrissement de la libert d autonomie laquelle on ne prend pas garde Les soci t s europ ennes viendront peut tre r clamer un Etat subsidiaire non par d sir d autonomie mais parce que le secours tendu partout finit par s tioler et par nuire ceux l m mes qu il tait cens prot ger Faute de pouvoir conti nuer distribuer des secours sans conditions il faudra bien d limiter des aires de comp tences et r clamer la soci t sa participation au bien commun 1 Esprit des lois V XIV BIBLIOGRAPHIE Althusius J Politica trad anglaise Londres Eyre amp Spottiswoode 1965 Aubert J F Trait de droit constitutionnel suisse Neuch tel 1967 Audouin R Le corporatisme Paris Sedif 1962 Barion H Die Sozialethische Gleichschaltung der L nder und gemeinden durch den Bund Eine konkretisierte Studie zum Subsidiarit tsprinzip Der Staat 3 Band 1964 p 1 39 Barion J Hegels Staatslehre und das Prinzip der Subsidiarit t Die neue Ordnung 1953 P 193 201 279 287 Bastiat F uvres conomiques Paris PUF 1983 Bastid P Le juriste allemand Althusius a t il t un pr curseur de la r volution fran aise F Didot 1952 20 p Baudrillart M H Des rapports de la morale et de conomie politique Guillaumin 1960 Bentham J Trait de l gislation civile et p nale Paris Rey amp Gravier 1830
188. e que s il faut un suppl ant c est que l auteur principal a d montr son incapacit et que par cons quent son suppl ant vaut mieux que lui Le centralisme s ins re en partie dans cette fausse id e Taine veut dire que c est la n cessit de l accom plissement qui appelle le suppl ant et non pas la conviction de son m rite sup rieur On peut appeler l arm e pour conduire les trains parce qu il faut absolument des transports ce qui ne signifie pas que les soldats soient de meilleurs cheminots au contraire les accidents qui en r sultent parfois obligent reconsi d rer le caract re indispensable des transports L incapacit de la soci t pour suivre ses propres fins est rarement intrins que mais presque toujours circonstan cielle temporaire exceptionnelle C est parce qu il agit la place d organisations provisoirement malades que l Etat semble bien portant Pourtant la capacit intrins que des acteurs sociaux n appata t pas inva riable ni toujours donn e Elle d pend quant sa concr tisation de circons tances ext rieures capables de la diminuer ou de la parfaire Surtout elle d pend de son exercice comme un organe humain Imagination responsabilit audace courage se d veloppent par l entra nement et s tiolent par le m susage Ainsi PEtat jacobin finit il par appauvrir et bient t par tarir les capacit s des individus pour les avoir rendues inutilisables
189. e que dans cette optique la valeur essentielle respecter est la dignit fond e en nature ou simplement reconnue comme exigence ind montrable et non l galit fond e en raison Et l on aper oit ici comment l id e de subsidiarit a pu servir de soubas sement en Allemagne non seulement la critique de l Etat totalitaire nazi et de l Etat socialiste r clam par certains courants mais aussi la critique de l Etat providence moderne Le bien commun du n o personnalisme diff re essentiel lement de celui de l Etat providence en ce qu il int gre la libert des individus et des groupes sociaux avant d apporter l aide n cessaire la concr tisation de la dignit cet avant ne signifie pas priorit en valeur mais signifie que la garantie suit l acte et ne le pr c de pas L instance publique vient combler les d ficits mais ne donne pas tous indistinctement avant de savoir qui peut pour voir ses propres besoins avec d importantes nuances analys es plus loin La libert dont il est question ici int gre la responsabilit la ma trise des risques per 202 L TAT SUBSIDIAIRE sonnels et le devoir de d ployer tous ses talents au service de son propre bien tre et aussi du bien tre collectif capacit laborieuse qui s panouit par l effort loin de ressembler cet lan primesautier o la cantonne le sens commun Le d veloppement de toutes les libert s individuelles et s
190. e secours ainsi d fi nies se contredisent La premi re r clame le respect des libert s aussi loin que possible et appelle le devoir de non ing rence de l autorit La seconde l inverse suppose l ing rence de l autorit la fois pour garantir une sorte d unit sociale et pour aider l organisation de liens solidaires La premi re revendique la diver sit reconnue la fois comme essence et comme norme La seconde une com munion v cue comme une fin comme un projet La premi re se nourrit de justice distributive la seconde de justice sociale les deux s autod truisant Le principe de subsidiarit r unit pourtant ces antith ses et les affirme conjointement Il est le lieu d un paradoxe qu il assumera d une mani re sp cifique et il n existe que parce que ce paradoxe existe La compr hension de ce paradoxe requiert la d limitation du domaine du champ dans lequel la subsidiarit veut s appliquer Naturellement il s agit du champ sociopolitique Mais non pas de la politique au sens institutionnel du terme Il ne s agit pas de savoir comment le pouvoir acquiert ou conserve sa l gitimit Ni de discerner quel groupe privil gi peut en droit s attribuer le pou voir ou l obtenir Autrement dit l id e de subsidiarit se situe en dehors de la question du r gime politique et saurait d ailleurs s accommoder de presque tous l exception de ceux qui la r cusent par nature E
191. e social ou cono mique que politique au sens institutionnel C est bien dans le d bat entre le lib ralisme conomique et le socialisme que s exprime pour la premi re fois le prin cipe dans sa d nomination actuelle au milieu du xrx si cle Et l Eglise catholique qui en invente le vocable mais non l id e s en sert dans la recherche d une voie diff rente des deux voies officielles de l poque comme fera l ordo lib ralisme allemand du d but du xxe si cle Aujourd hui tant donn les avatars du mot socialisme et sa prodigieuse propension la m tamorphose il faut bien admettre que ce vocable est devenu impropre l utilisation dans une discussion th orique Le socialisme du xx si cle a d montr son incapacit voquer une signification stable puisque tous les socialismes se diluent in vitablement soit dans le marxisme soit dans l conomie de march apr s une courte p riode de funambulisme Depuis qu il a r voqu sa signification premi re d tatisation des moyens de production et d changes le socialisme est devenu un produit instable au sens chimique du terme Contraint d int grer l conomie de march pour ne pas d fendre les erreurs totalitaires il a litt ralement abandonn le terrain politique pour devenir une sorte de morale en d pit de ses pr tentions occuper le terrain des id es pro prement politiques Dans sa forme moderne il faudrait plut t l id
192. e spirituelle d un peuple libre suffirait toujours retenir cette enflure instinctive de la puissance La suppl ance ne valorise finalement que la soci t ne sert que la soci t tandis qu elle brime le pouvoir en lui interdisant toute enflure excessive alors que l exc s demeure partout et dans tous les temps son id e fixe D o les arguments divers tendant convaincre que l Etat obtient dans ce qui appara t comme son masculation des avantages directs et tangibles c est dire plus concrets que le seul bonheur de gouverner un peuple heureux Si l tat sait s parer le n cessaire du contin gent et se contenter du seul n cessaire il ne risquera plus les r voltes des citoyens exc d s pr ts le rejeter tout entier Par ailleurs il acquerra une force suppl mentaire quoique non visible court terme s il gouverne par le consen tement et non par la force et c est toujours gouverner par la force que de s immiscer dans les affaires priv es au moins Hegel parle t il pour l Allemagne de son temps et Tocqueville n aurait jamais pu avancer un tel argument il arrive que les citoyens soient eux m mes demandeurs d intervention tatique Ainsi l tat se verrait il convaincu de refr ner son d sir de puissance d une part par la crainte des r volutions d autre part et positivement cette fois par la promesse d une autre puissance due la paix int rieure conclue avec la soci t Mai
193. e une sorte de devoir d ing rence visant favoriser le d veloppement des soci t s parti L ID E DE BIEN COMMUN DANS LA SOCI T INDIVIDUALISTE 173 culi res et des individus dans la mesure o ceux ci ne sont pas aptes concr tiser seuls toutes leurs potentialit s ou dans la mesure o ils ont moins de potentialit s que leurs besoins propres n en r clament pour se satisfaire Cela implique un processus de redistribution et il est clair que l instance tatique qui veut se charger d un tel secours et tel est bien le sens du mot subsidiaire doit entraver peu ou prou la libert de ses citoyens pour aider ceux parmi eux qui sont dans l besoin Se pose alors la question de la justification de cette contrainte Le principe dans son acception n gative se comprend de soi et requiert peine qu on le justifie Le d sir humain d autod termination est si ancr dans la mentalit europ enne que la justification ontologique apporte seulement une garantie face aux tentations totalitaires non une d monstration dont personne n a besoin Par contre l acception positive du principe que constitue le devoir d ing rence fait partie de ces n cessit s pressenties mais qui r clament une justification pour s exercer valablement Le caract re paradoxal de cette double n cessit devoir d ing rence et devoir de non ing rence laisse d ailleurs bien comprendre cette diff rence C est parce q
194. ec la crainte persistante des m faits de la libert conomique sans limites les pays occidentaux ont connu les m faits du lib ralisme mais non pas ceux de l galitarisme brutal La seconde est la r alit de l individualisme sociologique qui par nature d veloppe l Etat providence Apr s le d clin des grands syst mes au prochain si cle le d bat politique et social s organisera probablement autour de l antith se entre l Etat providence et l Etat subsidiaire Quoique n e au xIx si cle sous la d nomination actuelle l id e de subsidia rit prend sa source aux origines de la pens e politique europ enne Elle trouve ses fondements la fois dans l esprit grec dans la philosophie chr tienne m di vale et dans la vision germanique de la soci t Depuis Aristote le pouvoir tire sa l gitimit de son r le de suppl ance La soci t ancienne et m di vale est articul e r gie par des contrats et ordonn e par des distributions de comp tences Les acteurs sociaux sont partie prenante dans la r alisation de l int r t public parce qu ils sont cens s la fois capables de cette t che et finalis s elle par la valeur du projet commun Quand l Etat appara t on lui demande de suppl er aux d faillances et de symboliser les finalit s qui sont tous sans se m ler de celles qui sont chacun Le principe de subsidiarit h rite d une philosophie de l action libre qui ne s id
195. el et d s lors non contradictoires avec l id e du bien public qui au d part les niait Les libert s allemandes de La constitution sont anarchiques englu es dans leurs particularit s et d s lors incapables d admettre l mergence au dessus d elles d une souverainet qui les remettrait en cause en tant que parti cularit s mais non pas en tant que libert s et c est l tout l int r t de la vision h g lienne de l Etat Les Allemands consid rent les droits comme antith tiques de l int r t g n ral concret comme des expressions au contraire des singularit s concr tis es C est pourquoi ils ne per oivent l Etat qu en r ducteur des diversit s ils n imaginent pas d autre alternative qu entre l anarchie et le despotisme C est justement contre cette alternative funeste que s l ve Hegel Il veut persuader qu il existe une autre voie un Etat de troisi me type ce qui sera un si cle plus tard le souci de l cole de Fribourg Le d fi n est pas simple relever L Etat du troisi me type n a pas l apanage de la simplicit puisqu il concilie les contraires et encore doit il d montrer qu il est capable d op rer concr tement cette conciliation L Etat est pr sent comme n cessaire une soci t C est donc la soci t qu il faut poser d abord et d crire avec pr cision ses fonctions essentielles non confiscables par l instance souveraine La soci t se d finit par de
196. en au del de ce que peut assurer ou m me comprendre un organisme public mais les conditions la fois mat rielles culturelles et autres de la dignit Il ne s agit pas ici d un apport en conditions dans le sens du lib ralisme classique parce que le but vis est plus intrins que et plus profond que le but vis par le lib ralisme Ce dernier se donnait pour but de garantir la libert de l individu s panouir Aussi lui fallait il mettre sa disposition un ensemble de moyens mat riels en quipements par exemple ou culturels l cole obligatoire qui devaient suffire l obtention par chacun de son bien tre individuel Ici la finalit vis e n est pas la libert mais la dignit La libert fait partie de la dignit mais son d ploiement 7 extenso ne suffit pas la concr tisation de la dignit C est pourquoi appara t un v ritable devoir d ing rence de l instance publique qui se trouve responsable en dernier ressort du bien commun c est dire de la concr tisation de la dignit de chacun non pas indi PROBL MES CONTEMPORAINS DE L TAT SUBSIDIAIRE 20I viduellement et dans l absolu mais en tant qu il est membre du tout social Le fait de rendre l organisme public responsable du bien commun pourrait laisser entendre que l on appelle une socialisation au sens o le socialisme r clame une intervention g n ralis e pour apporter chacun tout ce dont
197. en ce qui concerne les desseins fait d sormais partie du contenu du bien commun qui mesure l ing rence subsidiaire On ne peut pas dire que le principe qui s est d velopp et a toujours t justifi dans le cadre de la philosophie sociale des n o 1 Utz Formen und Grengen p 31 32 66 L ID E DE BIEN COMMUN DANS LA SOCI T INDIVIDUALISTE 189 scolastiques devrait cesser d exister en m me temps que cette philosophie sociale se trouve sans applicabilit parce qu en d saccord complet avec la situation socio logique J Isensee affirme au contraire que non seulement le principe est neutre en ce qu il s applique partout o se pose le probl me de la distribution des com p tences c est dire partout sauf dans la soci t totalitaire o aucune comp tence ni dignit n est attribu e l individu Mais il trouvera naturellement un plus large domaine d application l o les comp tences des individus sont plus larges Ce qui est le cas dans la soci t moderne pluraliste o la croissante ind pendance de pens e des individus pose d autant plus de probl mes qu elle n a pas pour autant contribu supprimer la conviction de la n cessit du devoir d ing rence Au contraire il semble que l individu demande de plus en plus l instance ta tique en termes de protection et de s curit lors m me qu il revendique une auto nomie d actes et de pens e de plus en plus large Le cho
198. end au second rang derri re la dignit qui l englobe Le principe de subsidiarit mis au service de la dignit permet une intervention l gitime au nom de la valeur humaine mais interdit cette intervention de se substituer lindividu quand sa libert suffit Sauvegarder cette valeur Ce serait un abso lutisme dur un v ritable esclavage de l esprit et des mes si PEtat abusait de ce gt g P que j appelle le droit subsidiaire 2 Taparelli et le retour au thomisme Luigi Taparelli avait des raisons personnelles et pr cises de s lever contre la centralisation Il en avait subi directement la contrainte et en l occurrence m me l arbitraire puisqu l ge de seize ans un d cret napol onien lavait nomm cadet Saint Cyr puis l ve l cole militaire de cavalerie de Saint Germain Ces affectations d cid es son insu puis contre sa volont laiss rent dans la famille Taparelli une suspicion ingu rissable face l Etat central la r volution bott e Le jeune Luigi qui s appelait alors Prospero avouait une vocation de pr tre Son p re dut s installer Paris et user de toutes ses relations pour obtenir une d rogation de l empereur Le m rite et l originalit de Taparelli sont d avoir r habilit la pens e tho miste alors tomb e dans l oubli et m me proscrite Cette passion pour la scolas tique lui valut une mise l cart pr cis ment Palerme o
199. end ici que sur le plan des moyens la rigueur d une mani re analogue celle dont Althusius l entendait quoique dans la communaut eccl siale l ensemble des moyens se trouvent troitement li s la finalit commune Cette application reste donc limitrophe Et le personnel de Eglise ne pr ne gu re sa concr tisation hors la soci t civile malgr les nombreux appels qui se font entendre de la part des partisans d une th ologie fond e sur le r le des glises locales Ou alors cette concr tisation ne porte que sur un aspect devenu aujourd hui singulier du principe le devoir de non ing rence en ce qui concerne seulement les moyens de l action Le Code de droit canonique de 1983 qui s y r f re explicitement et maintes reprises exprime autant l unit n cessaire de l Eglise que la question des initiatives la ques La volont de mettre ce principe en pratique dans l ensemble de la vie sociale conomique et politique a tr s vite conduit les Allemands poser le probl me de l expression juridique du principe Il est apparu pr cocement que cette norme g n rale pouvait pr ter des arguments aux d fenseurs de l action autonome mais ne suffisait pas sans concr tisation juridique pour imposer leur point de vue face aux protagonistes de l Etat providence La querelle propos de la loi sur la jeunesse constitue un exemple significatif de cette difficult 1 Le P re J A Komonchak dans La
200. enir la contrainte religieuse ou id ologique Cela n interdit pas certains de croire qu il existe une notion objective du bien commun mais ils devront persuader de leur id e sans plus pouvoir l imposer Ils m neront un combat d arguments pour convaincre de la justesse du contenu qu ils conf rent au bien commun ce qui est peut tre plus difficile mais finalement plus l gitime car ils devront sans cesse justifier int rieurement leur propre th se pour pouvoir la justifier aux yeux des autres et risqueront beaucoup moins qu autrefois de tomber dans les errements de la pens e coutumi re et aveugle L une des cons quences de l individualisme est que Pon ne peut plus imposer sous pr texte que cela est crit ou interdire en arguant que cela ne se fait pas Il faut en permanence justifier et l on peut esp rer raison nablement que cette n cessit d argumentation oblige retrouver les fondements du droit naturel puisque si jamais ce droit existe c est le seul qui puisse tre reconnu par des individus d sormais libres de toute injonction d en haut L observation de nos soci t s am ne penser que les valeurs tir es d un tel consensus ne sont pas capricieuses ni al atoires comme pourrait le croire un nostalgique de la soci t communaut Des traits significatifs se dessinent partir desquels on peut tracer l image du bien commun reconnu dont la concr tisation justifie le devoir d ing rence
201. ent parce que la soci t d Althusius est corporatiste et commu nautaire et celle de Locke d j individualiste La suppl ance d Althusius s applique des autorit s multiples naissant d une multiplicit de corps inter m diaires et merge d une pl iade de contrats politiques pour ainsi dire super pos s les uns sur les autres La suppl ance de Locke s applique PEtat face lindividu 84 L TAT SUBSIDIAIRE Autorit sur demande Pour Locke le pouvoir provient non pas d un droit divin ni d une sup riotit de nature mais de la n cessit manifest e par les acteurs sociaux Les enfants ne sont pas capables de se gouverner eux m mes Les hommes adultes ne suffisent pas garantir entre eux la concorde et la justice D o na t d abord le pouvoir du p re de famille ensuite celui du gouvernement Il n y a donc pas de droit pr alable l autorit Il n existe au pr alable qu une demande d autorit parce qu il y a un besoin d autorit L enfant est nu et faible Il ne poss de aucune autonomie personnelle Sans ses parents il mourra Il n a m me pas la facult de r clamer aide et secours il lui faut toute protection aussit t et sans compromis L autorit paternelle est donc naturelle au sens o le consen tement des enfants est tacite et non pas au sens o cette autorit n aurait pas besoin de consentement Elle n a pas de limite parce que dans ce cas le besoin exp
202. entifie pas l id e moderne de libert d une philosophie de la personne d un loge de la diversit sociale et de la coh sion sociale Il passe c t des id o logies modernes en les critiquant pour leurs exc s et en proph tisant leur d ca dence Au xx si cle il int gre les d veloppements contemporains de la libert C est une sorte de concept achev alourdi par l histoire qu il r sume celle de la question du r le de PEtat CHAPITRE I La notion d insuffisance en politique Nous avons tendance consid rer la cit grecque comme oppressive cause de la contrainte de pens e qui s y exer ait Le proc s de Socrate le chapitre di fiant sur l ducation dans la Politique d Aristote sous entendent un pouvoir pri vateur d autonomie m me dans le cadre d une d mocratie inventive Pourtant si la libert ancienne ne peut s identifier avec la n tre bien des crits politiques grecs d mentent que le pouvoir serait l pour autre chose que pour pallier les insuffisances de la soci t C est cette notion d insuffisance avec les cons quences qu elle engendre qui nous int resse ici La soci t d crite par Aristote se compose de groupes emboit s les uns dans les autres dont chacun accomplit des t ches sp cifiques et pourvoit ses besoins propres La famille est capable de suffire aux besoins de sa vie quotidienne et le village ceux d une vie quotidienne largiel M
203. entifier PEtat providence L id e de subsidiarit nonce une autre solution dans le combat entre l Etat providence et l Etat lib ral si l on entend ici le lib ralisme conomique au sens classique du terme Elle chappe aux crit res de l un et de l autre et fait voler en clats les pr suppos s id ologiques ce qu exprimaient bien les ordo lib raux en disant privatisation autant que possible nationalisation autant que n cessaire La dialectique du possible et du n cessaire rappelle la difficult de conciliation entre la libert d sirable et l ordre n cessaire et mal aim dans la d mocratie Ici elle entend la difficult de concilier la libert d autonomie et l ordre juste qui appara t d sirable au second degr Les valeurs pos es ici ne sont pas rationnelles au sens de la philosophie des Lumi res mais fond es ontolo giquement Le principe de subsidiarit m me s il s applique concr tement dans 12 L TAT SUBSIDIAIRE des structures modernes comme la structure f d rative et chez des nations aujourd hui assez d pourvues d id al religieux ne peut renier ses racines tho mistes la norme thique n y est qu un prolongement de l tre et non un id al abstrait promouvoir dans un sch ma volontariste Il ne s agit pas de poursuivre la concr tisation d un meilleur tre donn pour mod le les hommes doivent devenir ou redevenir libres ou gaux
204. epuis longtemps en Allemagne p ur r clamer la constitutionnalisation du principe La tendance natu relle du citoyen est de rechercher la protection et la tendance naturelle du pouvoir consiste multiplier ses interventions L Etat subsidiaire r clame des efforts de discr tion aux pouvoirs publics d initiative la soci t Par ailleurs il suppose un m canisme complexe et fragile constamment red fini en fonction des capacit s CONCLUSION 227 de libert et des besoins de secours Il appara t ainsi d une certaine mani re contre nature Mais la d mocratie elle aussi se d veloppe l encontre des habi tudes les plus simples L Etat providence repr sente la pente facile comme le des potisme de Montesquieu Pour former un gouvernement mod r il faut com biner les puissances les r gler les temp rer les faire agir donner pour ainsi dire un lest l une pour la mettre en tat de r sister une autre c est un chef d uvre de l gislation que le hasard fait rarement et que rarement on laisse faire la pru dence Un gouvernement despotique au contraire saute pour ainsi dire aux yeux il est uniforme partout comme il ne faut que des passions pour l tablir tout le monde est bon pour cela 1 Il reste que l Etat providence tend par nature la paup risation parce qu ici Penflure du secours correspond l enflure de la puissance politique dans l Etat despotique C est plus cett
205. er deux niveaux soit dans les moyens en aidant une instance particuli re agir soit dans les r sultats en apportant cette instance des biens concrets qu elle n a pas su produire par son action propre En ce sens les lib raux admettent l intervention tatique dans le domaine des conditions l Etat offrant certains moyens d action inabordables aux particuliers La th orie de la subsidiarit r clame de l Etat non seulement les moyens mais aussi les r sultats dans la mesure exclusivement o l aide en moyens n a pas suffi ou ne suffirait pas r soudre le probl me pos C est dire que la premi re aide est pr f rable la seconde celle ci ne repr sentant qu un dernier recours quoique tout aussi n cessaire si le besoin s en pr sente ou encore d au m me titre que la premi re L aide en moyens est pr f rable parce qu elle sert l autonomie et lui permet de se grandir Elle est plus proche de l tre actif que de son avoir acquis Elle maximise l action plus que le r sultat Plus l aide concerne le r sultat plus elle est n gative elle emp che un mal tre plut t qu elle ne d veloppe un bien tre Ou encore elle n engendre qu un bien tre de cons quence elle ne grandit pas l tre puisqu il se grandit par son action elle l emp che seulement de p ricliter ou de mourir Elle n largit pas l autonomie elle pr serve 134 L TAT SUBSIDIAIRE la survie de l
206. er au sens strict de la non ing rence La question du r gime n importe plus au regard de celle du r le de l Etat Les anciens n avaient pas saisi que n importe quel gouvernement peut devenir despotique La v ritable question n est pas dans la forme du gouvernement mais de savoir si l Etat peut tre banquier instituteur s il peut ouvrir des h pitaux faire la charit Ce probl me constitue l interrogation essentielle de l poque absolument nouvelle et mal ou pas tudi s jusqu alors celle de savoir quels objets l intervention du gouvernement peut ou doit s appliquer dans les affaires de la soci t au del des attributions n cessaires L affirmation de l autonomie de l homme a priv le gouvernement de sa l gitimit intrins que diriger Ainsi les droits tatiques restent ils d finir et l urgence de cette d finition ouvre une nouvelle re politique On sait PEtat glouton et captateur Il faut lui confier les t ches de d fense et de s curit qui sont les raisons m mes de son existence Mais lorsqu un gouvernement sort de ces bornes il entre dans une carri re sans limite 3 Cela ne signifie pas qu il faut l emp cher d en sortir Mais plut t d s qu il le fait le surveiller troitement Les lib raux ne disent pas que l Etat doit se contenter restrictivement des fonctions de s ret contraire ment un pr jug fort r pandu Ils savent qu un certain n
207. er le village il ne laisse d autres aucune initiative qui soit sienne et dont il soit capable La notion de capacit et la notion de contrat dominent la Politica Althusius professe une sorte de m pris pour Phomme seul Permite sans feu ni lieu que Pon retrouvera semblablement d crit chez La Tour du Pin Pr curseur de Maurras et c est bien la m me filiation il plaint Phomme nu sa naissance On dirait qu il sort d un naufrage M me adulte il ne vaut rien sans la soci t Assembl s ou plut t entass s ils sont une foule un ramassis une multitude un assemblage un attroupement 1 le tout prof r avec m pris Ils ne peuvent ni se d fendre ni faire valoir aucun droit Aussi la soci t est elle naturelle et n cessaire mais d finie d une certaine mani re 1 Politica d Carney p 34 UNE MULTIPLICIT DE CONTRATS 49 Althusius ne parlera pas de l individu Il n tudie l homme que dans le sein des communaut s o il s int gre Pourquoi d crire un tre sans r alit L ermite est un errement de la nature non un mod le Aussi les droits de l individu dont Locke la m me poque se fait le premier d fenseur n int ressent pas Althusius Cependant le fait qu il raisonne partir des groupes humains et non partir de l homme solitaire n enl ve rien sa contribution aux th ses de la libert d autonomie Sa th orie corporatiste h rite du droi
208. er la libert parce qu ils jouissent de la libert politique Ketteler on le voit plaide pour la libert d autonomie face la libert de participation et rappelle les th mes de Tocqueville L absolutisme est ambitieux et jaloux Pexc s Il veut penser pour tous administrer pour tous agir pour tous instruire et rendre heureux tout le monde Il ne laisse aux autres que le souci de travailler de payer et de faire des lections suivant les proc d s de son lib ralisme Le peuple a seulement le droit de se choisir des ge liers 3 R cus par le nationalisme et par le socialisme le lib ralisme conomique allemand a quitt la sc ne bien avant le fran ais Dans la seconde moiti du xIX si cle l Allemagne est protectionniste et interventionniste Ketteler ne 1 La question ouvri re p 79 122 2 Libert autorit Eglise p 68 3 Ibid p 102 NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 129 regrette pas la libert du laisser faire Il voit chez les deux courants successivement dominants une m me erreur dans l ordre historique de son accomplissement Celui ci engendre celui l et inversement L Allemagne a appris l absolutisme par l influence n faste du droit romain Le lib ralisme moderne h rite de l abso lutisme sous des dehors trompeurs et en m me temps suscite l apparition du centralisme Quelles que soient les tiquettes la v ritable libert a disparu celle de l Allemagne m di
209. er les exc s Cet exemple ne serait pas significatif si l ensemble du droit allemand ne rele vait du m me esprit comme on le verra plus loin propos du f d ralisme L insti tution familiale est celle qui r clame le plus videmment des mesures subsidiaires de par sa nature propre Le cas de l ducation est le seul o m me l Etat provi dence et jusqu l Etat socialiste l europ enne devient un Etat subsidiaire Ici l influence du principe se ressent d une mani re plus concr te Mais les autres parties de la l gislation allemande avancent les m mes arguments concernant d autres attributions de comp tences Nombreux sont les auteurs qui regrettent que le principe ne soit pas davan tage pr cis dans la loi ou constitutionnalis en tant que telt L id e est que la tentation de l Etat providence repr sente une sorte de pente naturelle et que l individu a tendance au xx si cle se d charger sur l Etat lui m me cong ni talement d voreur de comp tences de ses responsabilit s personnelles La cons titutionnalisation du principe permettrait de mettre un frein cette volution qui peut long terme porter pr judice la libert d autonomie linsu des citoyens eux m mes Elle serait une r ponse au probl me que Tocqueville voquait d j propos de la d mocratie brisant sans le savoir les libert s sur lesquelles elle s tait construite Elle pourrait prot ger non seulement
210. er si un pays ne devrait pas attendre d h riter par miracle de l or des Daces avant de distribuer l enseignement universitaire gratuit l ensemble de sa jeunesse L aide tatique ne peut tre offerte que dans la mesure du possible et le possible 1 A Utz Formen und Grengen p 18 206 L TAT SUBSIDIAIRE sert de crit re au n cessaire qui varie extr mement selon les temps et les lieux L instance publique garantira le n cessaire m me si elle n est pas seule y pour voir selon la d finition du moment Les formes prises par l aide seront diff rentes selon le caract re temporaire ou non de la n cessit mais il s agit toujours de la m me finalit Hors les cas exceptionnels o l instance publique doit intervenir avant toute demande et hors la question du crit re du droit subjectif l autre question est celle du moment de l intervention en fonction de l incapacit des acteurs sociaux Cette question caract ristique de l Etat subsidiaire se pose d une mani re cruciale dans un pays comme la Suisse o les comp tences sont largement diffus es dans le corps social et o par cons quent apparaissent les conflits Les conflits in vi tables r clament que soit d termin qui a la comp tence de la comp tence c est dire qui peut juger de l attribution de la comp tence un groupe ou une instance L incapacit demeure un crit re subjectif A partir de quel moment un gr
211. es traditionnellement d volues au priv mais dont l int r t priv rencontre l int r t public Aussi il n est pas question d attribuer d finitivement les comp tences sauf dans certains cas limites les fonctions r galiennes ne peuvent pas pour des raisons videntes tre d volues la soci t A l extr me l Etat et la soci t sont susceptibles l un et l autre d une comp tence virtuelle sans fin R von Mohl posait de cette mani re la comp tence potentielle absolue de l Etat le principe de subsidiarit servant de r gulateur cette comp tence La notion de domaine r serv tant pratiquement cart e les instances sociales et politiques se trouvent face face pour accomplir les m mes t ches en concurrence d une certaine mani re quoique la concurrence de l Etat soit videmment d loyale puisqu elle dispose de moyens quasi infinis et n est pas soumise la loi de la rentabilit Il s agit donc davantage de rivalit entre ces groupes hi rarchis s que de concur rence proprement dite Le principe agit comme un garde fou visant prot ger l instance la plus faible non pas contre l autorit ou contre l Etat mais contre la concurrence de l action de l instance sup rieure Car ce n est pas la pr sence de PEtat qui engendre la suspicion au contraire la soci t a absolument besoin d une instance qui garantisse le bien commun Mais bien plus son action L Etat peut gar
212. es dynasties le peuple fonde la famille consacre les mariages b tit les villes tablit la propri t et l h r dit 1 Dans ces actions primordiales d abord il convient de garantir les libert s et les autonomies La plupart des soci t s tant t n ont aucune garantie ni politique ni conomique tant t n ont que des garanties politiques Or les deux vont de pair Proudhon exprime ici non seulement l conomisme carac t ristique de son temps pr sent chez Saint Simon mais la volont d enraciner la politique dans la vie quotidienne de ne pas la cantonner dans l abstraction des principes r action aux id es r volutionnaires caract ristique aussi de certains courants de pens e de son temps La m fiance vis vis des grands id aux appelle une politique comme organisation des int r ts non pas au sens p joratif mais au sens des soucis de la quotidiennet la f d ration agricole industrielle compl te la f d ration politique Il s agit d un f d ralisme int gral Les groupes sociaux g rent et administrent eux m mes tout ce qui est n cessaire leur vie Le contrat qui concerne donc la fois le domaine politique et le domaine conomique ne r pond pourtant pas la question des limites o commence et o s arr te la comp tence de l autorit Ni la question des crit res de la limite selon quelle norme peut on justifier l action de PEtat Le premier crit re se
213. es priv es devient cr ancier de PEtat De 1 Ibid I p 327 136 L TAT SUBSIDIAIRE m me tout orphelin dont ni la famille ni les groupes ne peuvent se charger devient fils de PEtat Ce langage qui para t naturel aujourd hui tait nouveau au milieu du xix si cle M canisme auxiliaire mais artisan des finalit s L autorit tatique est d crite comme un moyen un m canisme auxiliaire par rapport cet Etat moloch devenu un but une idole que Taparelli rep re d j chez les platoniciens Mais en r alit elle est plus que cela elle d finit les buts elle est promue inspiratrice et gardienne des finalit s Elle se contente de jouer un r le de moyen secondaire pour l obtention de ces finalit s laissant la soci t servir d agent principal Mais elle reste ma tresse de la d finition du bien commun esprit organisateur de sa concr tisation Non seulement PEtat n est pas neutre et ne se contente pas d avaliser les d sirs circonstanciels de la soci t ni de s identifier la pens e ou la mentalit d une poque Mais il gouverne en se r f rant des valeurs thiques et tente d unifer la soci t autour de ces valeurs par l organisation de structures plus que par le discours ou la contrainte Il ne s agit donc pas d un Etat harmonisant les diversit s si du moins l on entend par l les diversit s de pens e et de vision du monde Certes on ne peut pas trouver chez Taparel
214. esch emprunte la doctrine sociale Pessentiel de ses affirmations mais remplace la conception architectonique de La Tour du Pin par la n cessit morale L individualisme moderne a massifi la soci t Lib ralisme et socialisme sont les h ritiers de cette massification La soci t est pourtant ontologiquement organique Mais 170 L TAT SUBSIDIAIRE pour r instaurer ce lien de communaut il faut la moraliser et non la contraindre politiquement Ch Gide parle de faire p n trer la morale dans l conomie politique H Pesch qui d sire fonder une th orie conomique sur la philosophie thomiste reste conomiquement lib ral adepte de la libre concurrence En appelant de ses v ux une soci t organis e il cite la corporation pour exemple et non comme arch type La soci t moderne devra trouver d autres corps pour remplacer les guildes Ces corps seront libres moins de l ser le consommateur au profit du producteur L Etat interviendra selon les n cessit s du bien commun d une mani re subsidiaire La garantie de la confiance sociale est obtenue par la solidarit entre les membres L thique fonde donc les rapports entre les groupes et entre les individus et les groupes Le principe de subsidiarit informe la vie sociale tout enti re permettant de d signer dans chaque circonstance quelle est la part qui revient la libert individuelle d une patt et au bien commun d autre part N lui aussi
215. escription du bien commun est consid r e comme une v rit objective et celui qui la contredirait consid r naturellement comme un idiot ou un h r tique au sens large Chez Althusius et chez Thomas d Aquin la finalisation des actes individuels au bien commun reconnu objectif appara t naturelle L id e moderne de tol rance serait saugrenue l o la v rit unique ne laisse s infiltrer aucun doute C est pourquoi la Politica d Althusius r clame une large autonomie de d cision pour les corps sociaux en ce qui concerne les moyens d agir mais r prime durement quiconque revendi querait une autonomie des finalit s Althusius comme auparavant Thomas d Aquin comme auparavant Aristote valorise la libert d action et au contraire stigmatise comme h r tique la libert des finalit s La sociologie holiste correspond une id e du bien commun non discutable mais int gr profond ment l agir auquel il conf re la seule direction possible Le bien commun despotique Cette soci t caract ris e par la participation de l individu au tout et son int gration naturelle au tout a laiss place l individualisme Il ne s agit pas ici de l individualisme philosophique mais sociologique Non de d crire une th orie anthropologique et plus loin politique mais de d crire une situation sociale et psychologique Si l individualisme n tait qu une th orie la pens e n o scolas L ID E DE BIEN COMMU
216. escription laisse appara tre le r le de l Etat dans ses attributs strictement n cessaires Il se justifie au premier chef par le besoin de d fense ext rieure l Allemagne miett e ne cesse de perdre des territoires et m me en temps de paix tant elle est faible Il doit pallier la faiblesse des petits pouvoirs diss min s Il vient autrement dit pour garantir l autosuffisance la non d pendance par rapport aux autres la capacit de concurrence face aux autres l o les communaut s parses n taient plus autosuffisantes entre autres parce que la taille de PEtat normal avait chang Pour accomplir cette t che il lui faut acqu rir le monopole de certaines d cisions c est dire confis 1 Introduction p 31 2 La constitution de P Allemagne p 168 78 L TAT SUBSIDIAIRE quer son profit une partie des pouvoirs ex cutifs multiples C est justement ce quoi r pugne la soci t allemande Nul peut tre mieux que Hegel n a trac la comparaison entre les libert s anarchiques et les libert s saines vivantes indispensables Le philosophe d I na a un sens aigu du paradoxe de la libert et du bien public et c est en cherchant assumer ce paradoxe qu il en vient d crire un Etat subsidiaire Cette difficult surmont e sans tre jamais r solue car aucun des deux termes ne se trouve dissous laisse surgir des libert s sublim es par la cons cience de l univers
217. et donc leurs deux visions de la suppl ance Pour ce dernier l homme a besoin non seulement de la s ret comme condition mais en plus il ne peut par ses propres moyens individuels acqu rir tout ce qui est n cessaire son bien tre L homme ne confiera au pouvoir politique que la t che de pallier ses inca pacit s Il conservera la direction de tout ce qu il peut assumer lui m me Ce qui implique non seulement une demande d autorit mais videmment un consentement puisqu il y a demande et plus loin un contrat L individu va se priver volontairement de son droit se faire justice ex cuter ses vengeances ou redresser les torts qu on lui porte Ce droit il l abandonne au gouvernementr Autrement dit le pouvoir politique re oit l autorit de punir de ch tier de faire la guerre mais au nom de ses mandants et pour satisfaire leur besoin premier la garantie de leur autonomie Sinon imagine t on que ces hommes qui jouissaient dans l tat de nature de leur libert de se d fendre s en seraient dessaisis pour la laisser se retourner contre eux La sp cificit du contrat de Locke rappelle donc celle des contrats d Althusius Il ne s agit pas d une soumission une instance sup rieure qui promet en change d uvrer au bien public c est dire de remplacer les autonomies impuissantes par une initiative politique dirig e au bien public Mais il s agit de monnayer l instance politique
218. et en ne conservant que son vocable V Giscard d Estaing h ritier d une droite qui se veut orl aniste mais qui a d montr dans le pass proche son attachement tr s fran ais au jaco binisme a r dig en juin 1990 un rapport sur le principe de subsidiarit dans la construction europ enne Ce qui laisse apercevoir l volution des esprits Depuis la Gr ce antique PEtat centralisateur et privateur d autonomie repr sente comme l Etat despotique davantage pour nous une exception qu une habitude sur le long terme La m fiance par rapport l Etat constitue la trame de notre pens e politique L invention sp cifique des contrats marque le refus d oscil ler entre la force brute et l anarchie r manente et le d sir de trouver une voie originale qui ne c de ni l une ni l autre En ce qui concerne les r gimes poli tiques l histoire des tentations despotiques en Europe monarchies hell nis tiques et Empire romain absolutisme du xvrrre si cle totalitarismes du xx si cle raconterait l histoire de nos d viances souvent inspir es par des mod les tran gers aux n tres Dans le domaine socio conomique l histoire des pouvoirs centralis s de l Europe rappellerait des mod les ext rieurs d galisation fond s sur une id e de l Etat cr ateur de soci t par exemple l Etat l giste chinois l Etat inca L Etat providence aujourd hui l uvre dans certaines soci t s eu
219. et les compottements du pouvoir dans certaines circonstances Si ces circonstances avaient t g n rales et universelles si la raison d Etat n tait finalement que la simple raison ordinaire de l Etat ce concept aurait t tautologique par rapport celui de pouvoir politique et n autait pas t invent Le despotisme ne parle pas de raison d Etat parce que toute d cision politique y rel ve de ce que nous appelons raison d Etat Pour forger un concept pareil il fallait bien qu il y eut l une r alit singuli re contraire aux normes de la politique en g n ral Cette r alit singuli re appara t dans les premiers temps de l histoire euro p enne comme une r alit exceptionnelle et cela restera valable jusqu au xvie si cle moment o l id e de raison d Etat prendra un autre essor La raison d Etat rejoint la situation exceptionnelle parce que c est seulement titre excep tionnel que s applique cette raison singuli re certaines conditions rares ou typiques 1 F Meinecke fait remarquer dans L id e de la raison d Etat dans l histoire des temps modernes p 124 et ss que l id e de raison d Etat dispara t pendant la p riode de l absolutisme parce que justement elle semblait naturelle 30 L TAT SUBSIDIAIRE Si le pouvoir n est justifi qu autant qu il est n cessaire et la mesure de sa n cessit alors un pouvoir absolu d passe cette norme et l
220. ette expression de la soci t comme personne morale porteuse de finalit s propres et pour ainsi dire sublim es contient d j l id e de justice sociale qui appara tra au xrx si cle dans le courant thomiste moderne Aucune solidarit ne pourra se justifier si la communaut sociale n est vue comme un tout dont il convient de prot ger la survie et le d veloppement m me parfois au d triment de ses membres mais dans leur int r t indirectement La justification de ce sacrifice est difficile saisir parce que Thomas d Aquin s exprime ici et l sur des plans diff rents Quelle est donc la nature de l obligation qu il y a pour l individu rechercher le bien commun avant le sien propre Est ce une obligation juridique rig e par la loi positive d une soci t d sireuse de durer Est ce une obligation morale dont chacun se ferait un devoir par respect d une loi non crite Est ce une obligation naturelle par laquelle l homme instinctivement se sacrifie sa communaut la mani re du p lican pour sa prog niture Thomas d Aquin semble pencher pour cette derni re affirmation Dans un tout chaque partie aime naturellement le bien commun de ce tout plus que son bien propre et particulier Outre que cette affirmation est peu cr dible concr tement elle rappelle les comparaisons organicistes et laisse penser que l homme serait biologiquement li 1 De Regno 1 ch I Chaque homme
221. eut assurer elle m me la s curit parfaite de ses membres Pour cela elle d pend de la police municipale Cette s curit concourt la perfection de son bonheur Il en va ainsi tous les chelons de la vie sociale Ainsi le corps doit il s en remettre un corps plus large pour pallier ses insuffisances pour combler ses manques Ou plut t car cet appel d autres n est pas vu dans un sens p joratif pour parfaire son uvre Ainsi les familles se regroupent elles en corporations les corporations en cit s les cit s en pro vinces les provinces dans l Etat Ce regroupement successif qui explique l existence de toutes les communaut s sociales mane d une n cessit vitale Il est volontaire et conscient mais non al atoire Il se fonde sur le consentement et le contrat parce qu il na t de la conscience d un besoin qui n est pas total mais partiel Il n est pas question pour la corporation par exemple de confier ses int r ts la cit pour qu elle les g re sa place Mais elle lui confie seulement les uvres qui la d passent et qui sont cependant n cessaires Elle conserve les autres celles pour lesquelles elle se trouve capable D o une pyramide de pouvoirs qui se superposent sans se confondre Une g n alogie d autonomies qui prot gent d autres autonomies plus limit es mais non moins sourcilleuses Le monde symbiotique La soci t se construit par pactes successifs Il s agit d
222. f d ration et cantons Staastorganisation und Staatsfunktionen im Wandel Festschrift Kurt Eichenberger 1982 p 121 129 Walras L Etudes d conomie sociale Paris Pichon 1936 Weil E Hegel et l Etat Vrin 1985 TABLE INTRODUCTION 5 CHAPITRE I La notion d insuffisance en politique 15 I L envers de la raison d Etat 29 III Apologie de Pacte libre 35 IV Une multiplicit de contrats 47 V Les d buts de l Etat subsidiaire 61 VI D Etat suppl ant 83 VII Subsidiarit progr s et fin de l histoire 99 VIII Naissance du devoir d ing rence 119 IX Le corporatisme ou la d viance du principe de subsidiarit 151 X D id e de bien commun dans la soci t individualiste 169 XI Probl mes contemporains de l Etat subsidiaire 191 XII Les champs d application 209 CONCLUSION 223 BIBLIOGRAPHIE 229 ann Imprim en France Imprimerie des Presses Universitaires de France 73 avenue Ronsard 41100 Vend me Janvier 1992 N 37 387 DU M ME AUTEUR Le pouvoir occidental PUF 1985 La politique d natur e PUF 1987 Les id es politiques au XX si cle PUF 1991
223. f pour la s ret il intervient toujours elle introduit dans l action politique un doute majeur par o peut ais ment se glisser l arbitraire En soustrayant la politique aux syst mes elle la rend ses propres interrogations et lui accorde la confiance na ve que d autres accordaient pr cis ment aux syst mes C est bien pourquoi la doctrine sociale retirant leur cr dit aux rationalisations remet l honneur la philosophie pratique prudentielle d Aristote et de Thomas d Aquin Il faudra la politique non pas des hommes clair s comme le voulait le despotisme non pas des serviteurs muets d une th orie mais des hommes prudents c est dire arm s de sagesse humaine sachant uvrer travers les m andres de situations toujours diff rentes et al atoires Le choix des hommes importera d autant plus que les th ories se sont vu retirer leur cr dit En r alit le seul garde fou contre l action tatique doit se trouver dans la volont des groupes eux m mes le partage des comp tences n tant jamais d fi nitivement r gl on peut penser que les groupes jaloux de leur autonomie emp cheront l Etat d abuser de son pouvoir en pr textant de faux besoins Ce genre de querelle est d ailleurs visible aujourd hui dans un pays comme l Allemagne et t moigne de la vitalit des autorit s interm diaires Mais il n est toutefois pas vident que celles ci soient toujours demandeuses
224. ff rant au bien commun Ici l auteur a d une certaine mani re pr vu l volution du xxe si clet Il ne regrette d ailleurs pas ce processus l intervention croissante de PEtat ne correspondra pas la paresse de la soci t mais l immensit de la t che Quant au d veloppement politique des soci t s Taparelli le con oit comme un processus d agr gation au d but de la famille la cit puis de la cit la nation pour aller la nation mondiale et l ethnarchie ou gouverne ment des nations nostalgie de l unit de l apaisement total des conflits Mais en r alit pour lui le v ritable progr s serait le d veloppement de l ordre moral jusqu la perfection et l union de toutes les volont s vers la v rit unique Taparelli est dans ce domaine le pr curseur des corporatismes du xx si cle Situation paradoxale ef principe paradoxal Le principe de subsidiarit pour la premi re fois nonc chez G de Ketteler devient pour la doctrine sociale de l Eglise la v ritable pierre angulaire de la pens e sociopolitique Les papes n intervenaient gu re auparavant sur ces probl mes Dans la 1 Droit naturel I p 299 3 De l origine du pouvoir p 299 NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 139 deuxi me moiti du x x si cle la question sociale devient si imp rieuse qu un certain nombre d hommes politiques chr tiens pressent le Vatican de donner son point de
225. he Il n ali ne rien de ce qu il entretient d j Tandis que l individu laiss par l Ancien R gime n entretient plus rien du tout Le constat r volutionnaire n a pu s adresser un homme nu que parce que Phomme avait t pr alablement d nud Il n a pos une libert abstraite que parce qu elle avait t d r alis e par la monarchie absolue Finalement par le pacte ou le contrat l Etat apparait toujours comme un suppl ment Mais contrac tant avec un individu d tach de ses uvres par de sa seule libert philoso phique l Etat vient combler un n ant c est dire qu il s ins re partout comme le L viathan de Hobbes Taine veut dire que la libert philosophique ne suffit pas obliger l Etat au respect des hommes L Etat est tenu au respect par les entre prises organis es jamais par les id es assen es Contractant avec un individu riche en uvres m me agissant partout l Etat ne viendra plus que combler des manques restreints Il ne peut garantir les libert s que face un ordre qui lui pr existe Ainsi le contrat jacobin est par nature despotiquef Les biens qu il a confis qu s sous forme de choses ou d actes d avoirs ou tres il les redonne 1 Les origines de la France contemporaine II p 454 456 2 Ibid I p 182 et ss 3 Ibid p 187 SUBSIDIARIT PROGR S ET FIN DE L HISTOIRE IOI mais transform s en usufruits Chacun devient son oblig et
226. hui des habitudes mentales Elle suppose si l on veut bien lexa miner de pr s la conviction selon laquelle l initiative priv e de la soci t n est pas capable de poursuivre des t ches de bien commun parce qu elle regarde seu lement ses int r ts go stes et utilise ventuellement une uvre de solidarit comme alibi pour ces m mes int r ts De ce point de vue la pens e jacobine rejoint l argument du lib ralisme classique Elle signifie de surcro t le primat de la valeur d galit sur la valeur de dignit ou l identification de ces deux valeurs Ces fondements restent bien loign s de la pens e n o personnaliste d velopp e en Allemagne qui donne priorit la dignit et la libert sur l galit consid rant l galit comme une cons quence et non comme une fin qui sans suspecter a priori la rentabilit des actions de l Etat comme le fait le lib ralisme classique met l accent sur les effets pervers indirects de cette rentabilit m me qui enfin suppose la soci t tout aussi capable que l instance publique et m me davantage de travailler la poursuite du bien commun la question n tant que d organiser les rapports entre ces deux comp tences La diff rence importante entre les deux pens es laisse comprendre pourquoi l id e de subsidiarit s est d velopp e en Allemagne et en Suisse alors qu elle reste dans l Hexagone totalement inconnue trang re au moins jusq
227. iale afin que l incapable re oive du plus capable une double protection et direction mais de telle sorte que son galit de nature soit toujours reconnue Puissent les puissants et les riches instruits par ces paroles et d autres commentaires des paroles divines reconna tre que leurs serviteurs et les pauvres leurs sont gaux par nature 124 L TAT SUBSIDIAIRE s lectionner la dignit en faire valoir subjectivement une partie plus que l autre et donc la r duire Les droits de 1789 r clamaient la libert et la respon sabilit de Phomme ce qui est une mani re de dire sa dignit Les acteurs sociaux les intellectuels mirent un demi si cle s apercevoir que ces droits de ne suffi raient en aucun cas eux seuls garantir la dignit Et que paradoxalement ils la l saient l o ils auraient d l asseoir Il est extraordinaire que pr s d un si cle s coule entre la loi Le Chapelier et la loi de 1884 sur les syndicats Pour conserver sa dignit ou plut t pour la r aliser l homme a aussi besoin de protection et de s curit La revendication des droits na t en 1848 L Eglise ne choisira jamais ni la libert ni la protection Elle r clame les deux Au xrx si cle elle r clame la protection parce que c est ce dont la soci t manque le plus Au xx si cle elle d fend la libert devant des soci t s esclavagistes ou assist es En Pologne elle d fend l auto
228. ibert se d veloppe dans l histoire humaine non pas seulement comme le combat ternel de deux contraires pr sents l un et l autre dans la nature et incapables de s autod truire mais comme une guerre d tapes programm es aboutissant des conclusions fatales Cette guerre chaos et d sordre dans ses manifestations laisse surgir un sens qui d passe le chaos et le d sordre qui les subsume sous un ordre in luctable La lutte de l autorit et de la libert ne suffit pas d crire l histoire Celle ci signifie travers les avanc es et les d nouements successifs de cette lutte Les deux principes force de s entred chirer sans pouvoir l un ni l autre vaincre s exacerbent et se d ploient chacun pour soi La r volution appara t donc comme la situation la plus naturelle de la soci t d finie comme l exacerbation des extr mes jet s l un contre l autre L histoire avance de r volution en r volution chacune s orga nisant au nom de la libert mais abritant un nouveau despotisme puisque la libert pure ne saurait vaincre pas davantage que l autorit pure Mais ces r vo lutions successives ne laissent pas appara tre une volution lin aire ni une sorte d ternel retour Car l exasp ration des deux principes porte la guerre un paroxysme dont on ne peut imaginer le prolongement ind fini L exc s r p t appelle une explosion qui sera fatale au m canisme et engendrera une n
229. idiarit concerne le r le de l autorit en g n ral et pas seule ment de l autorit de l Etat Elle r clame que dans la soci t aucune autorit ne d borde de sa sph re de comp tences On dira que le plus difficile consiste juste ment d finir cette sph re de comp tences Celle ci est limit e par les comp tences de l autorit dite inf rieure non pas en valeur mais en tendue et en puissance Une autorit quelconque ne doit s exercer que pour pallier l insuffisance d une autorit plus petite Si cette insuffisance est av r e elle a par contre non seulement le droit mais le devoir de s exercer La subsidiarit ram ne ainsi au terme plus connu de suppl ance sans lui tre strictement identifi L autorit suppl e aux d ficiences d un acteur Il s agit de suppl ance au sens d ajouter de compl ter et non au sens de remplacer comme dans l expression suppl er un absent Il s agit donc d une mani re particuli re de concevoir le r le de l autorit en g n ral et sp cialement l autorit politique Le principe est normatif Il indique ce que doit tre l autorit quelle est sa raison d tre quelle exigence elle r pond quelle finalit elle court On peut concevoir l autorit d autres fa ons dont INTRODUCTION 7 l histoire nous fournit des exemples sans nombre ici l autorit a pour fonction de cr er un ordre partir du chaos l d galise
230. idu et l Etat La soci t organique fait place l id e d une soci t organis e dont la n cessit se justifie moins par une vision ontologique que par le d sir d carter la tentation de l tatisme C est ici que le principe reprend une place essentielle parce que l tablissement d une soci t structur e pose la question de la distribution des comp tences Pourtant par rapport Quadragesimo Anno la vision sociale a enti rement chang de visage Il ne s agit plus de fonder le devoir de non ing rence subsidiarit n gative sur la libert de l action comme moyen uniquement en laissant le choix des finalit s l instance sup rieure il ne s agit pas de fonder le devoir d ing rence subsidiarit posi tive sur la finalit du bien commun impos e tous comme v rit priori Le devoir de non ing rence concerne d sormais la n cessit de respecter la libert des finalit s comme celle des actes et des moyens Quant au devoir d ing rence il a perdu ses justifications anciennes et s en cherche d autres La construction de Thomas d Aquin et d Althusius qui tait encore celle de Pie XI a vol en clats Probl me de justification La loi de suppl ance entendue comme simple principe de non ing rence est nous l avons vu commune la pens e chr tienne et la pens e lib rale classique Par contre sous son aspect positif la subsidiarit indique au contrair
231. ien commun sans lequel ses finalit s individuelles ne vaudraient que pour elles m mes contre la soci t Le principe fonde aussi la n cessit du devoir d ing rence et il ne s agit pas pour avoir cart l Etat totalitaire de rap peler le lib ralisme pr c dent surtout en s appuyant sur un concept qui n a pas t forg dans ce but Ce d bat conditionn par les circonstances mais portant sur le fond permet de conclure l impossibilit de d duire du principe que l autorit tatique ou non mais dans la soci t moderne plus g n ralement tatique serait seconde par rapport l homme La subsidiarit dans son acception enti re c est dire apr s les d veloppements qu en a donn s la doctrine des papes n induit pas la secondarit de la soci t par rapport l homme mais la secondarit de l action de la soci t ou de l Etat par rapport l individu L instance tatique est garante du bien commun sans lequel aucun individu ne saurait atteindre convenablement son propre bien tre L autorit n est donc pas secondaire au sens o elle servirait de roue de secours au sens o l on pourrait ventuellement s en passer Par contre son action est subsidiaire et secondaire parce que l accomplissement du bien commun peut passer par l individu et par les groupes sociaux dans un certain nombre de cas que la situation d termine Le courant de pens e allemand d fen seur
232. ies avec un tout Or la partie en tant que telle est quelque chose du tout d o il r sulte que n importe quel bien de la partie doit tre subordonn au bien du tout 2 L dessus J Leclercq La philosophie morale de saint Thomas devant la pens e contemporaine p 303 et ss J Madiran Le principe de totalit 3 Cf J Leclercq op cit p 328 Voir la discussion entre J Maritain et Ch de Koninck et ce propos l ouvrage de ce dernier De la primaut du bien commun contre les personnalistes APOLOGIE DE L ACTE LIBRE 37 fondateur On se demande en effet comment justifier la valeur de la personne ou du groupe social face au pouvoir si la multitude est r gie par la raison d un seul homme c est l surtout le propre de l office du roi Que le roi connaisse donc qu il a re u cet office afin d tre dans son royaume comme l me dans le cotps et comme Dieu dans le monde Le r le de Pinstance politique consisterait servir de cerveau ce corps qui sans elle demeurerait inerte Et la comparaison avec la reine des abeilles corrobore cette certitude la classique comparaison de la soci t humaine avec celle des abeilles d j pr sente chez Platon sous entend la justification d un gouvernement despotique au sens du despote clair plato nicien Le roi seul comp tent gouverne un monde d enfants vers leur bien qu ils ignorent La d finition que donne Thomas d Aquin du gouvernement inj
233. iles IL ch 73 3 Contra Gentiles YII ch 71 42 L TAT SUBSIDIAIRE Sufisance et insuffisance L homme a ceci de singulier qu il est la fois suffisant et insuffisant Il se suffit pour conna tre et pour poser ses propres finalit s gr ce sa raison Mais il ne se suffit pas pour les accomplir et doit pour cela requ rir l aide de la soci t t Cet cart entre les aspirations naturelles et les capacit s fonde et justifie chaque intervention du ou des pouvoirs Mais il s agit d une justification exclusive dans la mesure m me o le pouvoir n a pas de finalit propre il ne se l gitime qu en palliant les insuffisances de ceux qu il gouverne Afin de pr ciser les fron ti res de son intervention se d veloppe une r flexion sur la capacit et l incapacit humaine une r flexion sur l action compar e ses buts Multiple et heureuse de l tre la soci t de Thomas d Aquin est un immense champ d actions Non pas une ruche o tout agir se d ploie dans un seul but fix d avance Mais un territoire encombr par la pluralit des tentatives des checs et des r ussites La soci t vibre de forces agissantes Certaines forces se suffisent et d autres non Certains lans y sont glorieux et couronn s de succ s d autres y demeurent l tat de d sir Tout se complique encore quand on constate que la soci t se compose la fois de personnes physiques et de personnes morales de g
234. imisme fougueux devant Pavenir qui sont les caract ristiques de ce temps D us par la R volution et ses cons quences ils r clament une r partition des comp tences organis e selon une triple certitude le centralisme est r ducteur l individu livr lui m me ne peut rien les hommes group s et passant contrats peuvent presque tout Le contrat l onin de Taine Pour Taine il s agit d examiner les effets de la R volution sur la soci t fran aise et son constat est en g n ral n gatif Taine a l avantage du recul historique parce qu la fin du xixe si cle il peut examiner les cons quences largies du bouleversement Admirateur de Le Play crivant l poque des premi res tentatives de renouveau dans les id es sociales il s attarde clore la p riode r volutionnaire en esquissant des propositions pour lavenir qui seront d velopp es par d autres Sa conception positive de l Etat au del d une critique acerbe et talentueuse du jacobinisme est originale pour son temps et annonciatrice de courants de pens e modernes D tracteur du centralisme il n offre aucun point commun avec les id es lib rales contemporaines Pas d analogie non plus entre lui et les catholiques sociaux qui au m me moment s inspirent du thomisme 100 L TAT SUBSIDIAIRE pour dresser le portrait de l Etat subsidiaire Il puise ses vidences dans l histoire et l exp rience la mani re de Le Play L Etat ja
235. impossible mais surtout parce qu il la tient pour n faste Elle reviendrait en effet briser l autonomie des groupes et des individus Et l autonomie indispen sable se l gitime la fois ontologiquement du point de vue de l individu et socialement du point de vue du bien commun Ontologiquement l homme se d finit par ses uvres qui contribuent au d ploiement de son tre propre La privation de la propri t priv e le d poss dera de son action s par de ses buts il cessera de travailler L argument n est pas seulement d utilit en vue du bien commun pat la crainte de la p nurie qui s ensuivra in vitablement mais 1 On prend en effet tr s peu de soin de ce qui appartient en commun au plus grand nombre chacun se soucie au plus haut point de ce qui lui appartient en propre mais quand il s agit de ce qui appar tient tout le monde on s y int resse bien moins ou seulement dans la mesure de son int r t personnel bid II 3 1261 b 30 35 22 L TAT SUBSIDIAIRE surtout il porte sur la d naturation de l homme ainsi d pouill Le genre de vie qu ils devraient mener est absolument intol rable Dans cette apologie de la propri t priv e Aristote n exprime pas du tout une sorte de philosophie pr individualiste et son argument par exemple ne peut appara tre comme un ant c dent de celui de Locke Il s agit moins de possession d un bien que de po
236. ine il ne s agit plus d accorder l autonomie aux groupes Les coles publiques enseignent la religion Le pouvoir prot ge et d fend syst matiquement les hommes de foi UNE MULTIPLICIT DE CONTRATS 55 S il ne pers cute pas les autres ce n est pas par respect de leur libert mais par r alisme politique l oppression des minorit s engendre l anarchie pr judiciable la soci t tout enti re On va donc supporter les Juifs du bout des l vres mais ils n auront pas de synagogues et vivront en quartiers s par s Cette intol rance affich e rappelle les pires jours du proc s Galil e les exodes de Juifs et toutes les inventions des religions triomphantes Doit on en conclure qu Althusius d fend ce que nous appelons aujourd hui un Etat totalitaire ou plus pr cis ment une dictature religieuse la mani re de celles du xxe si cle Il est certain que l on peut rep rer une filiation certaine d Althusius La Tour du Pin de ce dernier Salazar Cependant Althusius n est pas anti d mocrate et c est bien ce qui le s pare de ses descendants Il croit en la souve rainet populaire Il n imagine pas de l gitimit sans consentement Tout son syst me social d ment la moindre intention de dictature sauf sur le plan religieux L auteur est le fils de son temps la notion de libert de conscience lui demeure trang re L esprit inquisitorial qui souffle presque chaque page de la Politica repr
237. ion correspondait dans les ann es cinquante un puissant d sir de d massification sociale apr s l exp rience du natiomal socialismet Dans la vague de ce courant d centralisateur un certain nombre de th ologiens ont r clam l application du principe dans la structure de l Eglise catholique Pie XII fut le premier tendre le principe de la soci t civile Eglise elle m me dans un discours aux nouveaux cardinaux le 20 f vrier 1946 affirmant que les paroles de Pie XI dans Quadragesimo Anno valent pour la vie sociale tous ses degr s et aussi pour la vie de l Eglise sans pr judice de son organisation hi rarchique Paul VI rappelle aussi l impor tance de l id e de subsidiarit en ce qui concerne la relation entre le Vatican et les glises locales tout en pr cisant qu il ne s agit pas d instaurer ainsi le pluralisme dans l Eglises Les autres pontifes n voquaient pas la question mais elle a t 1 Par exemple C R ther Das Prinzip der Subsidiarit t in der Finanzwirtschaft publi en 1949 L auteur r clame une r forme de Padministration et de la fiscalit dans ce sens dans un crit tr s corpo ratiste et en m me temps tr s agressif contre les folies in luctables de Etat central 2 Doc cath 43 1946 173 3 Synode de 1969 Doc cath 66 1969 1011 LES CHAMPS D APPLICATION 211 d battue tr s longuement depuis Pie XII au cours des divers synodes et ce d bat donne lieu
238. ion qu ils laisseront d autres Ce qui suppose que ces t ches seront devront tre de toute mani re accomplies Et qu elles rel vent de ce fait du m me principe de distribution des comp tences que n importe quelle autre t che individuelle ou sociale Nous trouvons l en bauche l une des id es essentielles qui sera d velopp e plus tard par le catholicisme social La politique rejoint la morale civique l che lon des t ches interm diaires qui pour n tre pas n cessaires absolument Pauto nomie des groupes ressortent cependant d une n cessit seconde au plan de la philosophie de l action Les citoyens non seulement dirigent leurs propres affaires comme ils l entendent mais doivent se pr occuper des t ches d int r t commun aussit t qu ils sont capables d y mettre la main Et cela non par un devoir de charit qui mentre pas dans la politique proprement dite mais pour d velopper au maximum leur rayonnement et leur influence de cellules sociales autonomes Althusius pr cise d j que pour l accomplissement des solidarit s sociales il n est point besoin de socialiser ces t ches La plupart des groupes peuvent travailler privativement dans ce sens gr ce leur imagination et leurs propres talents Le pouvoir supr me s inqui tera seulement de ce que personne ne veut prendre en charge l tendue de son action sera ici fonction de l incapacit des acteurs mais aussi de le
239. ire la primaut de l homme sur la soci t L homme n est pas ordonn la soci t politique selon tout lui m me et tout ce qui est sien Thomas d Aquin a voulu signifier ici que l homme en tant que membre de sa famille en tant qu ami de Dieu n est pas ordonn la soci t politique Mais comme citoyen son bien singulier s ordonne au bien commun de la soci t poli tique Ce serait donc une mauvaise ex g se que celle qui consisterait chercher les racines du personnalisme chez Thomas d Aquin dans ce domaine de la relation personne soci t Pour Ch de Koninck l erreur du personnalisme consiste r p ter le p ch des anges qui ont pr f r la dignit de leur propre personne la dignit qui leur serait venue de la subordination un bien sup rieur mais commun dans sa sup riorit m me La vision anthropocentrique fait appara tre le bien commun comme un bien tranger qui d s lors devient despotique puisqu il ne rencontre jamais totalement le bien particulier Tandis que dans la conception ofganiciste le bien commun demeure pour ainsi dire en osmose avec le bien particulier et l un et l autre ne peuvent se contraindre puisqu ils poursuivent le m me but Cette conception qui d fend la soci t communaut d crite par Thomas d Aquin appara t comme une nostalgie de la soci t holiste que l on peut trouver chez d autres auteurs comme J de Monl on ou M de Corte Ce d
240. ire et d accessoire de n cessaire et de contingent Mais il ne s agit ici encore que de concepts abstraits qui n effacent pas l abstraction du principe Il en vient donc noncer les contours de l action tatique en ce qui concerne l intervention conomique et l intervention sociale Hegel ne pense pas que l instance tatique doive laisser la soci t enti rement libre ni la merci des m canismes internes notamment conomiques La prolif ration des int r ts individuels m me bien compris ne suffit pas constituer l int r t g n ral Ici l id e de suppl ance est bien proche de celle que d veloppera l cole du catholicisme social L Etat n a pas seulement pour mission de combler des vides par exemple de cr er des voies de communication en l absence de rentabilit ou de r sorber les poches de pauvret oubli es Il doit aussi infl chir l action individuelle en fonction de l int r t g n ral notamment en ce qui concerne la politique conomique La notion de suppl ance n implique donc pas exclusivement qu au milieu d un grand nombre de t ches n cessaires les particuliers ou les groupes laissent l tat tout ce que leur incapacit ou leur n gligence a cart Il y a une diff rence de nature entre les uvres des parti culiers attach es l int r t particulier et les uvres de l Etat attach es l int r t g n ral et ceci m me si beaucoup de t ches
241. is e au bien tre per sonnel imm diat ne justifie pas toujours pour eux l aide de l Etat dans le cas o l aide de soi se serait r v l e inefficace Pour savoir quels besoins correspondent des droits subjectifs face l Etat il faut prendre en compte l expression du besoin d abord eu gard l individu et l expression de sa dignit ensuite eu gard la soci t dans laquelle il vit En ce qui concerne l individu l exigence doit r pondre un d ploiement de la personnalit plus qu la satisfaction erratique d un app tit Ce qui semble signifier que l Etat aurait en charge la d finition de la pl nitude d tre de la personne et peut refuser par cons quent de r pondre certaines exigences qu il consid re comme inutiles ou n fastes Ce point de vue d fendant une notion de bien objectif ou en tout cas pr d fini et contraire aux pr suppos s de lindividualisme se concr tise pourtant couramment dans la soci t moderne quand l Etat lutte contre l alcoolisme ou contre la drogue et ces derniers cas bien qu extr mes ne sont pas les seuls o l instance publique prot ge l individu contre lui m me En ce qui concerne l individu dans la soci t linter vention tatique ne r pond pas seulement un manque mais un manque dont le palliatif ne contrevient pas au bien commun La r ponse au besoin individuel ne 1 Par exemple J David Streit um das Subsidiari
242. istance par rapport un id al de vertu mais le degr pr sent de capacit d ployer l tre Dans ses monographies de familles Le Play jugeait la moralit d une famille son degr de responsabilit d ind pendance d intelligence des relations affectives Si cet tat moral se trouve peu d velopp ou encore d grad pour toutes sortes de raisons le principe de subsidiarit devra requ rir davantage d intervention sociale ou tatique C est pourquoi aucune organisation politique ne vaut dans l absolu et par exemple la d mocratie n est d fendable que dans un tat social capable d assumer la libert de participation La libert de participation rentre galement comme toutes les libert s diverses sous la gouverne du principe de subsidiarit elle doit s exercer pleinement pour autant qu elle en ait les moyens et qu elle soit capable de le faire en vue du bien commun L id e de bien commun joue un r le d terminant id e crit re de la validit d une action sociale individuelle ou collective Le bien commun n est pas un tat de bonheur commun Aucun gouvernement n a pour but d apporter le bien tre ou le bonheur Mais il a rapport aux conditions du bonheur Le bien commun comprend l ensemble des conditions de vie sociale qui permettent aux hommes aux familles et aux groupements de s accomplir plus compl tement et plus facile ment Et le bien commun c est dire cet ensem
243. istianisme depuis saint Paul au respect de tous les hommes et l affirmation de leur galit devant Dieu a engendr quantit de th ories visant tablir sur terre une cit parfaite ment conforme cette description ontologique C est de cette mani re que le communisme pr tend parfois prendre sa source chez les p res de l Eglise La tentation du nivellement par l autorit politique afin de r tablir une fraternit originale d truite par on ne sait quelle perversion hante d ailleurs le christia nisme depuis ses origines Il est probable que le marxisme cet gard offre l image d un christianisme d voy et la g o politique montre bien quel point le com munisme fleurit davantage en pays catholique comme s il exprimait une lassitude ou une errance de cette religion Les tentatives de mill narisme galitaire ont ceci d intellectuellement pervers qu elles font l impasse sur la perversion et en m me temps donc sur la libert qui sont les deux facettes d une m me r alit Leurs checs r it r s d montrent par les faits ce que l analyse avait pr vu l existence in vitable du mal et la n cessit de la libert emp chent d organiser ici bas une soci t o l galit en dignit soit exprim e concr tement dans sa pl nitude Cette dignit r elle au plan ontologique devient une valeur normative au plan social c est dire une forme de devoir tre s inscrivant dans tous les
244. it accoutum doubler son propre destin d un destin commun Pour lui avoir enlev son statut de personne autonome il n en a pas fait un tre tendu vers sa communaut mais au contraire un tre go ste priv de distance par rapport ses uvres Il lui a confisqu la fois sa singularit et son sens de l uni versel c est dire tout A rebours l Etat devra jouer un r le inverse s il veut r g n rer la soci t il lui faudra volontairement aider la renaissance des forces sociales Il ne peut recr er lui m me les groupes d initiatives mais il devra encourager la moindre action sociale ind pendantet C est la renaissance des structures qui sera la condi tion primordiale de l entra nement des volont s L organisation sociale repr sente en r alit le seul crit re qui permette de juger les bons et les mauvais gouverne ments La question du r gime n offre qu un int r t secondaire L essentiel est de savoir quel r le joue le pouvoir et ce r le demeure li la vitalit des structures sociales et l efficacit de leurs uvres Il faut que l Etat n agisse pas au del du domaine des incapacit s sociales mais il faut aussi que ces incapacit s ne soient pas si grandes qu elles r clament instinctivement l intervention abusive de la puissance publique L id e de suppl ance est troite et contient l tymologie stricte du mot un remplacement par accident et pour l essentiel non
245. it les autonomies sociales s ing re dans l administration des villes ou des corps intervient dans les d tails de la vie quotidienne des citoyens Sa mani re d agir est exactement semblable celle du pouvoir absolu ordinaire et il est logique que le mot dictature qui servait d signer une magistrature d exception visant prot ger la r publique ait subsum plus tard le pouvoir absolu tout court se d ployant pour son propre compte Le jugement port sur le pouvoir absolu depuis les anciens montre quel point il r pugne potion am re Nous dissocions le salut du bien comme si le salut repr sentait seulement la condition du bien Sous le despotisme le bien n est rien d autre que le salut la situation exceptionnelle est permanente et la raison d Etat est la raison de l Etat Dans l Antiquit le pouvoir d exception nanti de tous les moyens d exception ne semble pas assorti d immoralit non parce que la politique de la puissance serait l gitime en tant que telle mais parce qu elle r pond dans ce cas une dra matique insuffisance sociale Ce pouvoir est pourtant en permanence suspect d une volont virtuelle de nuire et c est bien pourquoi on raccourcit au minimum la dur e de son existence l gale la dur e officielle de la dictature tait de six 1 Thomas d Aquin Contra Gentiles II ch 71 L ENVERS DE LA RAISON D TAT 33 mois mais sa dur e l gitime le moins longtemps possible
246. ituer son r le pourra se d finir avec concision selon le pur mod le souhait Dans l crit de jeunesse sur La constitution de P Allemagne Hegel exprime sous une forme pr cise ses id es sur le r le de l Etat partir des probl mes pos s par la soci t concr te de son temps La situation de l Allemagne est celle d une tradi tionnelle auto organisation Pendant une longue p riode la soci t germanique s est litt ralement pass e des services de l Etat Elle s est d velopp e par elle m me usant de ses propres forces pour r pondre la diversit de ses besoins M tiers et professions religion solidarit entraide toutes ces uvres s organi 1 En ce qui concerne le lien entre la conception sociale organique de Hegel et la communaut sociale chez Aristote cf J Barion Hegels Staatslehre und das Prinzip des Subsidiarit t LES D BUTS DE L TAT SUBSIDIAIRE 77 saient par l initiative des individus qui se regroupaient selon les n cessit s Chaque organisation apparaissait au fur et mesure de son utilit ressentie Ainsi les droits taient des r alit s avant d tre normatifs volution singuli re la plus natu relle quoique la plus originale Les droits d agir n ont jamais t arrach s une instance ni finalement conc d s par un Etat central Ils existaient d abord et l individu tait souverain paisiblement sans lavoir jamais r clam et par cons quent s
247. ividu entendu comme personne C est pourquoi le groupe plus tendu et indirectement li l individu doit jouer un r le subsidiaire par rapport au premier Le groupe plus tendu joue un r le de moyen pour le d veloppement des commuhaut s de proximit La question res tera de savoir si jusqu l individu lui m me la plus imm diate des communaut s la famille doit jouer un r le de moyen Cette communaut s efface effecti vement devant l individu en tout cas dans la plupart des syst mes juridiques modernes europ ens puisque le devoir d ing rence r clame l instance tatique d enlever l enfant sa famille s il n est pas trait ni lev dignement Mais cette primaut de l individu reste nuanc e relativement l adoption par exemple le droit fran ais privil gie la famille par rapport l enfant Si Pacte r alise l tre l autorit quelle qu elle soit commettrait une injustice en privant un tre singulier ou une personne morale de son acte La justification du devoir de non ing rence plonge ses racines dans la philosophie aristot licienne Mais les capacit s de r alisation de l acte ne sont jamais statiques Chaque homme tend en principe se d ployer le plus qu il peut Il le fait en actualisant ses virtualit s de mani re progressive L tre agissant progresse dans l tendue des actions dont il est capable D o l impossibilit de fixer les comp tences e
248. l Ancien R gime la centralisation d mocratique le despotisme oriental ou physiocratique r alisent le nivellement galitaire par l miettement social Un homme seul ne d veloppera pas ou rarement ses capacit s de libert Il demeu rera fier mais nu avec pour tout v tement son essence abstraite d homme libre que lui conf rent les d clarations C est par contre en s associant qu il s l ve l autonomie r alis e et qu il devient v ritablement libre au sens tocquevillien C est aussi l association qui produit l in galit L in galit dans ce sens doit tre accept e et assum e parce qu elle repr sente le seul moyen le passage oblig du d ploiement de la libert autonomie Le despotisme n est ha que parce qu il s applique tant t emp cher ce d ploiement tant t en compenser l inexistence ou les deux la fois selon les cas Toute la th se de Tocqueville tient profond ment sur une affirmation axiomatique les peuples sont plus heureux associ s donc autonomes donc in galitaires qu atomis s par s d une libert abstraite et tronqu e donc soutenus par un Etat tout puissant Toute la question consiste ainsi dans le fait de savoir jusqu o peut aller l autonomie de la libert associ e o commence et o s arr te l intervention de l instance publique Ce probl me surgit d s lors que le meilleur gouvernement chappe aux syst matisations et requiert un
249. l assujettissaient la communaut se sont rompues et all g es En premier lieu les pouvoirs publics ont cess d tre une gendarmerie autour d un culte D autre part gr ce l tablissement du protestantisme la grande Eglise chr tienne s est divis e en plusieurs sectes qui n ayant pu se d truire ont t forc es de vivre ensemble tellement que l Etat m me quand il en pr f rait une a d tol rer les autres Ce d gagement de l individu du sein de la masse indiff renci e est vu comme un progr s selon un mode de pens e caract ristique du xix si cle L Etat charg autrefois de prot ger un homme pu ril et d pendant s est peu peu retir au fur et mesure que l autonomie sociale se d veloppait Il n y a plus de raison pour conf rer la communaut l omnipotence l individu ma plus besoin de s ali ner tout entier il peut sans inconv nient se r server une part de lui m me et maintenant si vous lui faites signer un contrat social soyez s r qu il se r servera sa part 2 L intervention de l Etat r pondait un besoin elle 1 Ibid Il p 76 77 2 Ibid SUBSIDIARIT PROGR S ET FIN DE L HISTOIRE 103 tait vaste cause de l ampleur du besoin L intervention diminue proportion de la possibilit de l individu de se prendre en charge L id e de subsidiarit s exprime ici d abord dans un cadre historique elle concerne les relations de la soci t
250. l omnipotence de PEtat La doctrine de La Tour du Pin se construira en partie contre le c sarisme napol onien Althusius n a jamais connu d Etat tout puissant Il n en imagine m me pas Sa pens e na t du Moyen ge germanique sur lequel elle s enracine Elle a ceci d original qu elle parvient tirer des principes d une r alit naturellement omni pr sente D ordinaire on ne voit pas l importance de ce que l on vit chaque jour On ne ressent la n cessit de la libert que devant un oppresseur Althusius d fend la libert de sa ville face un suzerain Son id e de l autonomie s int gre dans une soci t organique qui ne conna t ni l individu ni PEtat au sens moderne mais seulement la multitude des chelons interm diaires L id e de subsidiarit na t dans la lutte des comp tences entre communaut s L auteur de la Po ica d crit la n cessit de l autorit publique mais par avance il impose des limites ses pr rogatives R le de l Etat Ainsi le probl me de la souverainet prend il chez Althusius une conso nance particuli re Il s oppose Bodin qui tient la souverainet pour un fait et la conc de au seul d tenteur du pouvoir supr me Lui tient la souverainet pour un droit comme apr s lui tous les auteurs r volutionnaires Il la voit d tenue par le peuple entier dont les gouvernants ne seront jamais que les com 1 Ibid p 56 54 L TAT SUBSIDIAIRE missaires
251. l gitime et n a de compte rendre aucune autorit inf rieure il est anupeuthunos Il r sume la politique lui seul parce qu il monopolise l aptitude assurer l ordre et le bien tre Ce qui implique chez Platon la n cessit de rendre le prince vertueux ou de le conserver tel Les voyages chez Denys de Syracuse n ont pas d autre but Rome le souci de la p riode imp riale est d duquer le prince jusqu l his toire de Bo ce dans l empire finissant Ici l tendue du pouvoir n est pas en cause il s tend naturellement partout o s tend la soci t laquelle il s iden tifie puisqu il en garantit l existence mais sa qualit morale A l inverse le pouvoir d crit par Aristote a davantage besoin d tre limit que d tre rendu vertueux C est dans cette limitation intelligente que se concr tise l id al du bon gouvernement Et le chef politique acquiert ses titres de noblesse non pas s il est simplement vertueux qualit utile mais insuffisante mais s il ne s impose pas au del du domaine de n cessit pour lequel il avait t pourvu de l gitimit Ici l tendue du pouvoir par rapport aux besoins reconnus sert de crit re de qualit ou au contraire de corruption La question politique consiste donc en partie en une affaire de contr le de surveillance du pouvoir Depuis Hom re les assembl es sont puissantes Il arrive m me que leurs attrib
252. l gitime au bout du compte Et ce jugement de perversion laisse appara tre en contre jour les caract ristiques du pouvoir sain C est au nom du salut public que le pouvoir peut au Moyen Age abroger les lois coutumi res ou retirer des privil ges une villet ou selon Bodin se passer de l approbation populaire m me si celle ci s exprime ordinairement Cela signifie bien qu un pouvoir de stabilit et d habitude atteint ses buts en respectant les lois les chartes et les autonomies Le pouvoir d exception ne trouve sa l gi timit que parce qu il permet court ou long terme au pouvoir normal de se d velopper nouveau Il ne vise qu servir son contraire et c est bien ainsi que les Romains consid raient la dictature pouvoir illimit propre garantir la permanence d un pouvoir limit L id e m me de raison d Etat signifie qu en Europe le pouvoir absolu est d exception Et la normalit du pouvoir se dessine a contrario dans le r cit des exactions malsaines que le pouvoir d exception peut se permettre de perp trer Le fait m me d avoir s par aussi abruptement la situation exceptionnelle justifiant la raison d Etat de la situation ordinaire rend manifeste le caract re secondaire du pouvoir politique C est sa primaut qu il faut justifier quand elle se trouve n cessaire car elle ne va pas de soi Para doxalement l id e europ enne de raison d Etat r v le le r le second de P
253. la philosophie des Lumi res ne repr sente pas partir du xvne si cle une invention moderne Mais restitue le pass du peuple europ en Il est vrai que l id e de contrat social exprime l mergence d une soci t individualiste typique ment moderne Mais le contrat politique est ancr dans nos traditions Il ne signifie pas que le pouvoir serait artificiel que son existence serait fortuite et par cons quent d battre Mais que le pouvoir n est pas la force permanente dont la soci t tire sa substance mais une instance aux attributions restrictives issue d exigences tri es pour leur importance et al atoire non pas quant son existence mais quant l tendue de ses fonctions La notion d utilit est sp cifique et ne l gitime pas n importe quel pouvoir on pourrait penser qu apr s tout le pouvoir politique est toujours institu en vue d une quelconque utilit Chez les anciens le pouvoir a ceci de particulier qu il se l gitime davantage par un besoin issu de la soci t que par la force seule ou appuy e sur une id e religieuse L id ologie de la puissance est rejet e en politique int rieure et ne trouve de justification que dans la guerre ou l obtention d un empire comme on le voit dans le c l bre discours aux M liens rapport par Thucydide L id e religieuse qui suppose le chef participant d un charisme LA NOTION D INSUFFISANCE EN POLITIQUE 25 divin ou sup rieur d u
254. la sph re imm diatement inf rieure en importance Mais Aristote parle moins en termes de manque d insuf fisance qu en termes de d ploiement et de perfectionnement Il voit la suppl ance du c t positif plus que du c t n gatif La suppl ance vient d ployer un tre plus que combler ses manques Naturellement il s agit de deux aspects de la m me id e comme si l on parle du verre moiti vide ou moiti plein Mais la mani re de voir a son importance Pour Aristote la cit est bien un moyen per mettant l homme de r aliser ses fins Mais en m me temps qu elle pallie des incapacit s elle ouvre l tre une autre dimension Elle lui donne plus qu il ne demande ou plut t elle r pond magnifiquement un besoin impr cis et t ton nant Elle concr tise le besoin en le comblant elle permet d aller au bonheur La finalit sp cifique de la cit d Aristote s tend beaucoup plus loin qu un simple but de suppl ance La soci t civile n est pas une association utilitaire au sens o l on s unit pour obtenir ensemble ce que chacun s par ment ne peut obtenir par exemple la s curit ou la richesse Elle ne r pond pas seulement aux incapacit s mais elle apporte un accroissement d tre Elle n est pas seule ment un moyen en vue de l aboutissement de chaque fin particuli re mais un milieu nouveau dans lequel chaque communaut plus petite et chaque individu peut perfecti
255. les La diff rence essentielle se trouve pourtant dans le fait que l Etat lib ral vise exclusivement au respect de la libert comme capacit indi viduelle de d ployer ses potentialit s pour son propre compte Tandis qu ici Etat a vocation de contribuer concr tiser une dignit ontologique se traduisant ou devant se traduire par un ensemble de droits positifs L Etat a donc pour but comme dans le lib ralisme de respecter l homme tel qu il est ou tel qu il est compris et non de refa onner la soci t la lumi re d un concept Mais la caract ristique humaine essentielle savoir la dignit ne saurait se d velopper enti rement dans l indiff rence ou la simple non ing rence des pouvoirs publics en tout cas l poque moderne Au contraire elle a besoin de la soci t d abord de l Etat en dernier recours pour se r aliser L homme est un tre social ce qui ne signifie pas qu il n existe que par et dans la soci t la dignit est essentielle ment individuelle puisqu elle exprime au d part un lien transcendant de personne 120 L TAT SUBSIDIAIRE personne mais qu il peut viser sa perfection terrestre seulement travers l organisation sociale L intervention tatique correspond non pas une uvre d assistance des indigents ou des incapables mais une uvre normale de d veloppement humain L intervention tatique cesse d tre comme ell
256. li es un besoin traditionnellement reconnu Ath nes Solon fut port au pouvoir parce que la soci t ne parvenait pas r soudre ses querelles internes et parce qu elle tait en train de se dissoudre litt ralement dans les luttes civiles La violence des anciens contre le tyran signifie non seulement la critique de l usurpation mais le refus d une autorit priv e de limites Le tyran prend plus que son d en termes de pouvoir fait plus qu il ne faut r clame plus qu il n est s ant Il tend son autorit des sph res qui ne le concernent pas Il saisit les biens op re une mainmise sur les personnes parfois d place les populations et toujours vince les autorit s plus restreintes m me s il ne va jamais jusqu la 1 La question historique n est d ailleurs pas vraiment r solue Agammenon poss dait il un pouvoir si faible Hom re a pu d crire une poque lointaine la lumi re de la sienne cf G Viachos Les soci t s politiques hom riques PUF 1974 p 111 et ss 3 Iliade chant IX 69 3 Par exemple Diom de Iade IV 370 et ss IX 32 et ss 24 L TAT SUBSIDIAIRE syst matisation du despotisme Ce n est pas l enflure du pouvoir qui indigne les Ath niens propos rent bien Solon la tyrannie c est l enflure du pouvoir sans n cessit r elle sans appel d en bas A preuve le pouvoir fort voire absolu est parfois r clam dans le cas de la dictatu
257. li une critique radicale de la libert de conscience ni une th orie de l unit sociale comme on la trouvera chez La Tour du Pin Il reprend Thomas d Aquin pour affirmer que nul et surtout pas l autorit politique ne peut forcer croire L adh sion de Pesprit ne d pend que de la volont personnelle et l auto rit n a aucun droit l dessus Mais la soci t parfaite serait celle de l adh sion g n rale aux valeurs parfaites Et l autorit ne peut pas ne pas tenter de se diriger vers cette perfection Taparelli a la nostalgie de la soci t chr tienne d avant la R forme Pour lui la R forme a rompu l unit originelle qui tait un fait de vraie civilisation elle a restaur un Etat barbare L Etat subsidiaire guid par le respect de Paction libre r cuse en m me temps les libres finalit s Taparelli se place dans ce courant chr tien qui passera par La Tour du Pin et par Massis pour ne citer qu eux et pour lequel la diversit des fins repr sente un mal tre D o la critique de tout ce qui vise ou seulement a pour cons quence de prot ger ou de d ve lopper les diversit s il est oppos la s paration des pouvoirs et la repr sen tation des opinions qui aboutit l exacerbation et au conflit des diff rences La 1 Droit naturel I p 305 2 Ibid p II p 268 NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 137 politique n est pas l art d harmoniser les diff rences en les assumant
258. lle carte la question du meilleur r gime qui traverse toute notre histoire depuis Hom re par exemple le pouvoir doit il tre un ou pluriel La querelle entre la monarchie Paristo cratie et la d mocratie et la solution sophistiqu e du r gime mixte tr s en vue de Polybe jusqu Bodin ne l int ressent pas Le principe de subsidiarit aborde la question d une autre mani re Il ne se demande pas o se trouve la l gitimit du pouvoir ni comment doit tre com pos le gouvernement mais quelles sont les attributions du pouvoir Jusqu o peut aller l autorit Quel est son r le Ce qui oblige se demander pourquoi le pouvoir est n cessaire et en vertu de quoi et pour quelles t ches L essentiel sera de demander au gouvernement de jouer convenablement son r le face la soci t quelle que soit par ailleurs la forme du gouvernement Evidemment certains gouvernements tel le despotisme ou le totalitarisme emp chent d embl e de poser la question du r le de PEtat puisque l Etat y est tout Mais l ensemble des r gimes n entretiennent pas de rapports oblig s avec le r le quy joue l Etat Une monarchie peut tre absolue et diriger le moindre geste de ses sujets sans les laisser m me penser un moment Elle peut aussi r gner sur une soci t constitu e d autonomies diverses et n utiliser son autorit que dans certains cas jug s n ces saires Une d mocratie quoi qu en pense le sens co
259. lle commence d passer sa simple singularit pour acc der la sph re de l int r t g n ral Ici seulement il peut pour ainsi dire rencontrer l Etat ici peuvent se n gocier et se d terminer les actes propres l individu et ceux propres PEtat en l absence de groupes toute initiative individuelle demeure particuli re aucune n acc de m me pour une part l universel c est dire la d fense de l int r t public de ce que les thomistes appellent le bien commun L Etat qui compte sur les groupes peut au contraire limiter ses interventions au n cessaire c est dire ce qui dans le domaine de l universel ne peut tre accompli par les groupes Il s impose cette limitation parce que ce qu il perd ici en autorit il le regagne en richesse d me il gouverne d s lors un peuple l me riche 1 Ibid p 50 2 Ibid p 51 3 Ibid p 51 4 Philosophie du droit Vrin 1986 p 301 80 L TAT SUBSIDIAIRE Suppl ment d me La question du r le de l Etat r solue par les notions de secondarit et de suppl ance appara t ici d j assortie d un probl me insoluble La n cessit pour l tat de restreindre son autorit rejoint une sorte de n cessit morale et seule une id e morale garantit que l Etat n outrepassera pas son domaine privil gi L instance supr me cherche par nature d velopper sa puissance et on ne voit pas comment la certitude de la richess
260. lle poss de un droit absolu sur ses biens Les associations et les corps publics galement La notion de propri t d passe la simple possession d objets meubles ou immeubles Les hommes et les commu naut s sont aussi propri taires de leurs comp tences de leur travail et de leurs 1 Ibid p 44 2 Ibid p 31 3 Ibid p 48 UNE MULTIPLICIT DE CONTRATS 53 uvres De leur savoir faire De leur imagination De leur aptitude la solidarit Nul ne saurait leur enlever cela On note combien manquent les d tails de l organisation du pouvoir Ce n est pas qu Althusius n en parle pas Le monde symbiotique se gouverne d mocratiquement et aristocratiquement la fois Mais l auteur ne fait pas preuve cet gard de la minutie de certains Il indique la n cessit du consentement de la repr sentation et la n cessit du chef Les assembl es et le chef des ins tances successives se voient accorder des pr rogatives plus que des noms Le chef de la ville en g n ral se fait appeler consul Le pr fet de la province ici un dynaste l un parque ailleurs un gouverneur Cette impr cision laisse voir le peu d importance attribu aux modalit s de la transmission du pouvoir L essentiel r side dans l attribution des t ches Nous dirions aujourd hui dans le r le du pouvoir Le corporatisme d Althusius n est pas n comme celui de La Tour du Pin trois si cles apr s d une r action contre
261. llemagne des ann es cinquante il n a t appliqu nomm ment et syst matiquement que dans les r gimes corporatistes par exemple par Salazar et par Dollfuss Ces applications nous Pavons vu n taient rien d autre que des d naturations mais faute d exem ples il tait difficile de pr ciser ce que pouvait tre dans la soci t moderne une application correcte et conforme l id e La question de la validit En Allemagne depuis plusieurs d cennies l accord est presque g n ral quand il s agit de poser la validit du principe L id e de r concilier la libert de 1 J Isensee op cit P 9 192 L TAT SUBSIDIAIRE chacun et la dignit de tous le devoir de non ing rence et le devoir d ing rence appara t s duisante sauf un totalitaire patent Mais la concr tisation du prin cipe est difficile C est pourquoi certains auteurs le jugent trop vague et r clament des pr cisions tablies ventuellement dans un cadre juridique Mais d autres pensent que trop de pr cision d truirait le principe lui m me lequel ne vaut que parce qu il est adaptable aux circonstances et parce que sa nature est de s y adapter En effet en r clamant qu il soit laiss autant de libert que possible le principe r clame l impr cision comme condition m me de son exercice et comme justifi cation de sa valeur C est parce que l autorit peut se r gler selon les situations sur l tiage de
262. lui de l instruction et celui de l assistance aux d favoris s L id e de progr s subsume la n cessit d un d veloppement de l instruction dans toutes les couches de la population Un peuple qui veut grandir en auto nomie doit chapper l analphab tisme Il est vident qu une partie importante de la population se trouve incapable d assumer elle m me ce besoin d une part parce qu elle n en a pas les moyens financiers mais surtout parce qu elle n en ressent pas la n cessit et par cons quent n est pas en mesure de consacrer cette t che les efforts indispensables Ici PEtat jouera un r le de suppl ance non seulement financi rement et mat riellement mais psychologiquement Par son aide il oriente le citoyen dans le chemin du progr s Il pr te sa volont au del de son argent Il faut que l Etat impose l instruction par une loi afin d aider la r alisation de l histoire cette contrainte doit donc correspondre une aide susceptible d en rendre possible la concr tisation Pourtant cette aide s assortit de conditions pr cises Tout d abord PEtat qui finance l instruction n a pas la dispenser obligatoirement lui m me il peut financer des priv s par Pinter m diaire d une allocation vers e aux familles ou aux coles elles m mes Le 1 J Simon La libert civile p 166 175 2 F Bastiat op cit p 207 94 L TAT SUBSIDIAIRE refus d une direction de l cole pa
263. m ne la terreur et admettent qu il faudra assumer l impecfertion humaine et non la nier Mais ils ne voudraient pas qu une th orie g n rale vienne figer cette imperfection en interdisant d sormais tout espoir de redessiner quelques r ves Comme ce sont les faits qui les ont convaincus et non la raison ils restent tributaires des faits et n admettent au moins dans l tat pr sent des choses que des arguments de facto esp rant sans doute vaguement que des faits futurs changeront la face du monde Les arguments du droit naturel classique peuvent absolument tre d velopp s 198 L TAT SUBSIDIAIRE dans cette situation de conscience fragmentaire mais non antagoniste C est question de traduction et non de compromis Si par exemple nous posons avec le droit naturel ancien que la propri t priv e est un ph nom ne incontournable eu gard la nature de l homme nos contemporains n admettent gu re ce carac t re d in luctabilit et surtout n admettent pas qu on leur impose cette affirma tion m me si Aristote avait d j d montr que c est bien plut t notre exp rience qui nous l impose Mais si nous num rons tous les cas r cents dans lesquels la propri t collective a engendr le malheur g n ralis chacun admettra fort bien l importance de la propri t priv e pour le bien tre individuel et collectif sans vouloir pour autant en tirer une loi universelle Il faut
264. ment calcule t on la r ussite court ou long terme etc Il r clame que la soci t s occupe d elle m me ses diff rents niveaux aussi bien des t ches conomiques organisation du travail humanis que des t ches sociales instruction assurances Il a confiance que le r sultat en sera plus efficace Cela ne signifie pas qu il croit l homme exag r ment puissant rai sonnable ou comp tent Mais il l accr dite de capacit s tr s grandes concernant la quotidiennet concernant la connaissance des situations D o sa m fiance face la libert de participation dont il ne demande pas la restriction Proudhon quoique puissent laisser penser ses invectives n est pas anti d mocrate mais il se situe en dehors de ces cat gories mais la distribution La libert participative devrait tre distribu e travers des organismes vitaux groupes conomiques groupes territoriaux o le citoyen sait de quoi il parle au lieu de concerner seulement l Etat central Ici comme chez les pr c dents d fenseurs de l id e de subsidiarit la proximit de l acteur par rapport au domaine de la d cision est primordiale dans un sens comme dans l autre l acteur proche ne peut sans injustice tre priv de sa d cision l acteur lointain ne peut sans une injustice d une autre sorte tre associ la d cision La libert de Proudhon est situ e li e un autre ordre qu elle m
265. mes L Etat ne doit tre ni rien ni tout Il doit prendre garde d abdiquer et prendre garde d usurper il ne doit tre ni d mis sionnaire ni intrus Explication tautologique le r le de PEtat consiste ne pas renoncer son r le mais ne pas l outrepasser Mais encore Dans cet entredeux rien de s r ni de valable universellement Le r le de l Etat est d vidence fluctuant avec les temps et les lieux D o la n cessit faute de r gle pr cise de tout ramener un principe g n ral qui laissera le choix du jugement dans chaque situation concr te mais indiquera au jugement une ligne de conduite Tel est ce principe pos par Taine dans sa langue harmonieuse Voil donc si l on pourvoit au premier int r t de tous l unique office de l Etat emp cher la contrainte partant ne jamais contraindre que pour emp cher des contraintes pires faire respecter chacun dans son domaine physique et moral my entrer que pour cela s en retirer aussit t s abstenir de toute ing rence indiscr te bien plus et autant qu il le peut sans compromettre la s ret publique r duire ses anciennes exigences ne requ rir qu un minimum de subsides et de services restreindre par degr s son action m me utile ne se r server qu un minimum de t ches laisser chacun le maximum d initiative et d espace abandonner peu peu ses monopoles ne pas faire concurrence aux particuliers se d mettre des fonctio
266. minations PROBL MES CONTEMPORAINS DE L TAT SUBSIDIAIRE 195 Droit naturel et modernit Comme loi d attribution des comp tences il suppose qu il n y ait pas de solu tion de continuit entre les actions de la soci t et celles de l Etat comme c est le cas dans la tradition lib rale et par exemple dans la tradition politique am ri caine On ne saurait parler de ces deux instances s par es la soci t courant exclu sivement ses int r ts particuliers PEtat demeurant le d positaire exclusif de l int r t public Ce dualisme ne s exprime pas seulement dans le lib ralisme clas sique mais aussi quoique avec des cons quences diff rentes dans le socialisme qui juge la soci t civile incapable de travailler avec succ s l int r t public l Etat seul est fiable cet gard les particuliers sont toujours suspect s de travailler m me souterrainement leurs int r ts priv s le socialisme par exemple soup onnera toujours l cole priv e de travailler soit dans un but lucratif soit dans un but id ologique mais non dans l int r t bien compris des enfants Ici au contraire et l on voit clairement que le principe s affirme en dehors des grands syst mes contemporains il faut prendre en compte l existence d un champ d action commun la soci t et Etat La soci t civile peut fort bien se charger de certaines t ches d int r t public et l Etat inversement peut assumer des t ch
267. mme si l homme tait souverain ou auto suffisant On a supprim les groupes afin de le rendre plus libret Faux espoirs plus il est libre et plus il se rend mis rable Ses d ficiences clatent au grand jour Le constat est le m me que chez Marx la libert de 1789 n a pas apport le bonheur escompt parce qu elle n est pas dot e par elle m me des moyens de son panouissement Il faudra int grer la politique un secours quelle que soit son ob dience Le courant marxiste comme Bakounine le pr voyait appellera PEtat Si les groupes ne renaissent pas Etat deviendra tentaculaire Le secours de PEtat face l individu est providentiel parce qu une instance infiniment plus puissante va devoir prendre en charge toute la vie de l individu afin de lui viter les errements de la libert Le secours de l Etat face aux groupes est subsidiaire ce qui signifie la fois secours et secondarit du secours parce qu ici la 1 Maurras soup onnera plus tard la loi de 1791 d avoir cherch non lib rer les travailleurs mais lib rer l Etat le rendre despotique en d nudant l individu face lui Dictionnaire article Corpo rations CORPORATISME OU D VIANCE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARIT 157 distance n est pas si grande entre les deux instances et parce que les domaines de comp tences peuvent se rejoindre La secondarit du secours m tamorphose le ph nom ne du subsidium La providence do
268. mmun ne laisse pas forc ment les initiatives sociales se d ployer librement Il est plus de d mocraties autocra INTRODUCTION 9 tiques qu on croit et il ne suffit pas de voter pour demeurer libre comme Toc queville l a brillamment d montr Le champ d tudes et d application sera donc la dstabuton des comp tences et la question du r gime passera au second plan jusqu tre consid r e parfois comme une affaire de circonstance et d opportunit A la limite les th oriciens de la subsidiarit ne se situent pas seulement en dehors de la question institu tionnelle traditionnelle mais l vincent par la mise en vidence d une autre priorit Si l on consid re l individu ou le groupe social peu lui importe apr s tout d tre gouvern par un roi ou par un pr sident ou par une assembl e de notables il d sire seulement prendre ses d cisions comme il l entend sans qu on vienne le restreindre plus qu il ne faut et s il en a besoin tre aid au nom d une solidarit de patrie Pour cela il lui faut des garanties politiques qui touchent au r le et la fonction des gouvernants plus qu au crit re de leur choix Ainsi l id e de subsidiarit nonce un mode d emploi des attributions de l autorit en g n ral et de l autorit politique en particulier L intuition premi re est ici que la question du r le de l autorit et par compl mentarit du r le des acteu
269. mmun que toutes ces interventions sont effectu es On peut se demander si cette notion thomiste implique l id e d une soci t communaut ce qui justifierait la solida rit intrins que et naturelle des membres d une m me patrie comme l est celle des membres d une m me phratrie Mais la doctrine catholique a soin de ne pas reprendre son compte l id e de la soci t organique ce que d montre son atta chement m me r cent la libert de conscience Par ailleurs le d placement du principe de subsidiarit jusqu la sph re internationale laisse entendre que la solidarit comme devoir ne s impose pas seulement au nom des liens de la com munaut nationale Les probl mes li s aux relations Nord Sud et l endettement du Tiers Monde ont amen les pontifes exprimer des opinions pr cises Pour eux il n y a pas de solution de continuit entre les relations de chaque Etat avec les groupes sociaux et les individus l int rieur d une m me nation et les relations entre Etats l int rieur de la communaut internationale Le principe de subsi diatit doit r gir galement ces derni res relations I autorit universelle 2 a pour mission la fois de ne pas s ing rer dans la politique autonome de chaque peuple et positivement de secourir chaque peuple dans la mesure de ses besoins pour le respect de sa dignit et le d veloppement de ses initiatives Il n appartient pas l aut
270. moment ou un autre la revendiquer pour leur propre compte D o l absence de r elle solution de continuit entre le gouvernement des communaut s et celui du pouvoir surp me Tout est poli tique ou dit autrement la politique n est rien d autre qu une pyramide d ini tiatives sociales et plus qu une comp tence originale une distribution des comp tences Les solidarit s sociales L id e de suppl ance ne suffit pas d terminer les comp tences du pouvoir supr me Celui ci ne doit faire que ce que la soci t ne peut accomplir Mais encore faudra t il dissocier le n cessaire et l inutile Les besoins sont immenses et le seront toujours Jusqu o le pouvoir doit il les satisfaire La soci t ne saurait elle seule organiser financer la d fense militaire Le pouvoir supr me s en chargera donc Mais la soci t ne ramasse pas dans la rue tous les mendiants pour les loger Le pouvoir devra t il s en charger Doit il relever les plus humbles Et si oui au nom de quoi Ici appara t l originalit d Althusius par rapport Locke son contemporain la m me fracture que nous retrouverons au xIx si cle entre les lib raux et les catholiques sociaux Contrairement la soci t individualiste la soci t organique implique une id e op rationnelle du bien commun D s l origine les artisans du principe de subsidiarit introduisent dans la politique une consonance thique que les lib rau
271. munaut de travail Sirey 1938 Pie XI Quadragesimo Anno Ed Saint Michel Pie XII Sur la d mocratie Radio message du 24 d cembre 1944 Office international des uvres de for mation civique Ploncard d Assac J L Etat corporatif l exp rience portugaise La Librairie Fran aise Ponthier J M La subsidiarit en droit administratif Revue de droit public Librairie G n rale de Droit et de Jurisprudence 4 1986 p 1515 1537 L Etat et les collectivit s locales Librairie G n rale de Droit et de Jurisprudence 1978 Proudhon P J De la justice dans la R volution et dans l Eglise Paris Fayard 1988 3 vol Id e g n rale de la R volution au XIX si cle Paris M Rivi re 1923 De Ja cr ation de l ordre dans l humanit Paris M Rivi re 1927 Du principe f d ratif Paris M Rivi re 1959 De la capacit politique des classes ouvri res Paris M Rivi re 1924 Th orie de l imp t Paris Hetzel 1861 Rendtorff T Kritische Erw gungen zum Subsidiarit tsprinzip Der Staat 1962 1 Band p 405 430 Rials S Destin du f d ralisme Librairie G n rale de Droit et de Jurisprudence 1986 Roland Gosselin B La doctrine politique de saint Thomas d Aquin Paris M Rivi re 1928 Roover R de La pens e conomique des scolastiques Vrin 1971 R ther C Das Prinzip der Subsidiarit t in der Finanzwirtschaft Die neue Ordnung 3 1949 p 90 96 Schnorr
272. myst re de la nature nous sommes donc vou s une existence dialectique Il nous faut surmonter les conflits que nous ne pouvons r duire La r solution politique est compromis plus que d signation de valeur ou solution franche Puisque les deux principes sur lesquels repose tout ordre social l autorit et la libert d un c t sont contraires l un l autre et toujours en lutte et que d autre part ils ne peuvent ni s exclure ni se r soudre une transaction entre eux est in vitables Transaction appelle crit re Un troisi me l ment doit intervenir pour d partager les principes bellig rants 1 II p 571 2 Ibid p 573 3 Principe f d ratif p 271 4 Ibid p 324 325 5 Ibid p 288 SUBSIDIARIT PROGR S ET FIN DE L HISTOIRE 109 pour leur accorder chacun un p rim tre d influence Il leur sera sup rieur afin de les soumettre ensemble Cet l ment est le contrat Ce contrat a d abord ceci de particulier que les contractants sont des groupes sociaux constitu s d j nantis d une organisation propre correspondant des libert s des capacit s des droits Il ne s agit ni d individus ni d un groupe informel C est pourquoi Proudhon peut r clamer que les contractants se r servent toujours une part de souverainet plus grande que celle qu ils aban donnent Pour pouvoir se r server cette part de souverainet non pas abstraite mais exprim e en ac
273. n autant que n cessaire Le principe trouve sa justification directe dans ce que la plupart de ses d fenseurs appellent le droit naturel Pourtant cette notion est devenue la fois si confuse et si critiqu e que son utilisation obscurcit le raison nement qu elle est cens e clairer Les partisans du principe invoquent le droit naturel au sens du droit naturel classique des n o scolastiques Pour H Kalk brenner par exemple le principe exprime la fois le devoir de non ing rence et le devoir d ing rence selon le droit naturel que le l gislateur ne cr e pas mais trouve dans la nature et doit garantir parce qu il d crit l ordre humain d j donn en de de la volont constructive Il trouverait directement ses fondements dans la vision de l homme d finie par Aristote et plus loin par Thomas d Aquin un homme social au sens o il trouve la fois ses capacit s et ses droits dans la soci t plus que face elle ou contre elle un homme digne parce que cr par Dieu et finalis Dieu Le probl me est que le langage du droit naturel ancien ne convainc plus gu re nos contemporains Ceux ci en effet le comprennent comme une table d affirmations positives normatives r dig e en lettre majuscules pour l ternit et qui d terminerait nos destins tant que le monde sera monde M me si dans cette pens e il n y a pas de solution de continuit entre l tre et la norme le carac t re la fois s
274. n prince arbitraire on attend que son arbitraire par une bonne fortune de caract re et de circonstances se tourne vers le bien Mais il lui demande de respecter et de garantir la libert Il n attend pas de lui la cr ation artificielle de l unit sociale de la communaut sans divergence comme dans l utopie de Platon mais la conservation de la diver sit dans l harmonie Le pouvoir a pour r le de permettre le bonheur d une diver sit et en ce sens il demeure suppl tif Mais cette suppl ance loin de signifier un simple service aux individus et aux groupes red finit au contraire toute leur finalit L id e de suppl ance n emp che pas la cit d tre le bien supr me de porter la finalit la plus haute Mais les finalit s interm diaires ne disparaissent pas pour autant 1 Ibid 1263 b 29 3 Ibid 1263 a 20 40 8 Ibid 29 4 Regarder une chose comme tant soi quelle sup riorit impossible exprimer cela donne son plaisir ibid 41 42 LA NOTION D INSUFFISANCE EN POLITIQUE 23 La notion d utilit La notion d insuffisance appelle celle d utilit Le pouvoir se l gitime par son utilit face une soci t insuffisante Chacune des deux notions sous entend une qualit partielle Si la soci t est insuffisante cela signifie qu elle g re avec succ s une partie de ses activit s mais sans aller jusqu au bout de ses propres exigences Si le pouvoir est utile il faut e
275. nalit Il reste qu un certain nombre de questions se posent concernant la d finition 1 Cf plus bas p 212 213 8 Formen und Grenzen P 33 204 L TAT SUBSIDIAIRE du besoin et de l aide qui lui correspond A partir de quel moment un besoin donne t il lieu un droit Quelle est la nature de l aide et quel moment l aide sp cifiquement tatique doit elle intervenir Seule la r ponse ces questions permet de comprendre comment se concr tise le principe dans la soci t contem potaine Crit res concrets du devoir d ing rence Quel est le crit re selon lequel un besoin peut exiger une aide institutionnelle Il existe dans chaque soci t un grand nombre de besoins insatisfaits que les individus traduisent facilement en droits subjectifs D autant que le d veloppe ment des droits cr ances peut laisser croire une dette exponentielle de l Etat au fur et mesure qu apparaissent les exigences Mais les d fenseurs du principe ont tendance comprendre le droit subjectif non pas comme un droit de Pindi vidu avant la soci t et face la soci t mais comme un droit dans une certaine soci t Ils sont on l a vu en g n ral d favorables aux th ses de l individualisme philosophique m me s ils ent rinent l individualisme sociologique et l int grent leur vision des choses notamment en ce qui concerne la d finition du bien commun Le besoin au sens d une simple demande final
276. nduit a contrario par la mani re de l usurper La description du tyran injuste et m chant appelait le bon prince en g n ral tout aussi arbitraire et omnipotent que le tyran mais int ress et vou au bien de ses sujets Ici est dit tyran qui conque brise la soci t symbiotique quel que soit le nom dont il se pare l inverse tout gouvernement est bon d s lors qu il respecte la soci t et la forme du gouvernement n a d int r t qu historique ou de circonstance Attach prioritairement la libert d autonomie des groupes Althusius se soucie bien peu des r gimes Il se d marque de ses pr d cesseurs qui distri buaient les r gimes en cat gories et dissertaient sur la valeur de la monarchie ou de la d mocratie Pour lui une fois cart es les formes funestes beaucoup de gouvernements divers permettront de pr server la soci t naturelle Le chapitre sur les Ephores n indique pas une pr f rence pour tel type de magis trature mais un mod le g n ral une situation exemplaire Les Ephores sont appel s tant t praticiens tant t anciens princes ou autres Cela d pend des coutumes de chaque soci t Leur mode d lection varie L essentiel reste que leur charge repose sur le consentement et que leurs pouvoirs n exc dent pas ceux que le peuple leur a transmis la fin de la Po itica Althusius brosse une rapide description des r gimes 1 Ibid p 94 UNE MULTIPLICIT DE CONTRATS 57 t
277. ne mani re ou d une autre ne re oit pas non plus l cho qu elle re oit dans d autres continents la m me poque La seule justification du pouvoir se trouve dans le besoin particulier pour lequel la soci t l appelle Ce qui implique qu il se subordonne une t che pr cise faute de quoi il devient usurpateur et tr s vite s exclut de la cat gorie du politique La politique pour les anciens se d finit pr cis ment par cette subordination L invention de la politique europ enne ce serait cette mani re de dire celui ci gouverne non parce qu il d tient la force non parce qu il repr sente la divinit mais parce que nous avons besoin de son autorit et dans la mesure o nous en avons besoin Nul doute que nous pouvons rep rer ici la racine du principe de subsidiarit l id e de non ing rence signifie une ing rence limit e l utilit circonscrite par les insuffisances sociales La question des limites N cessaire dans son existence le pouvoir se trouve donc al atoire dans son contenu D o la suspicion qui l entoure l gitim pour des t ches partielles il reste exponentiel par nature Instance tout ensemble utile et dangereuse la r flexion porte toujours sur l ampleur du danger encouru mise en rapport avec l ampleur de l avantage escompt ou re u L arsenal juridique de l Antiquit additionne les pr cautions visant viter l enflure du pouvoir sans n cessit reconn
278. ne suffit pas Sinon le bien commun pourrait la rigueur se r soudre dans la notion d int r t public labor 1 Cf plus haut p 141 142 174 L TAT SUBSIDIAIRE par le lib ralisme conditions g n rales gr ce auxquelles chaque individu peut atteindre son propre bien tre Le bien commun est un bien de la communaut enti re par lequel passe le d veloppement de chacun Le bien de chacun et le bien de tous ne sont pas oppos s ni en conflit Pour la doctrine sociale chr tienne le bien de chacun se d finit l int rieur de la soci t Si l on parle de conditions c est ici pour carter l id e de la providence Ni l autorit sup rieure dans le cadre de la soci t organique ou simplement organis e en groupes ni PEtat ne dispensent providentiellement le bien tre ou ses modalit s L ins tance supr me n est pas distributrice de lib ralit s au sens o l Empire romain distribue le pain et les jeux Quand on dit La providence y pourvoira on pense l instance sup rieure qui intervient comme salvatrice et paternelle Elle est dans ce cas l Autre de la soci t et seule fournir les l ments du bien commun l inverse l autorit ici ne fait que garantir le bien commun mais n en porte pas seule la responsabilit et la sauvegarde La soci t tout enti re s emploie au bien commun C est le principe de subsidiarit qui marque la diff rence entre l autorit pro
279. nne tout sans attendre la demande Elle pr side la naissance et se tient l intervenant sans cesse jusqu la mort Chacun demeure dans sa main Tandis qu ici le subsidium est dot d une existence relative non pas superf tatoire il est bien n cessaire Mais cott latif attach la libert dont il ne repr sente que le compl ment La d fense des institutions corporatives r pond n gativement cette jus tification principale il faut organiser les instances interm diaires si l on ne veut t t ou tard se trouver contraint d appeler l instance providentielle Parce qu ils pr c dent et fa onnent litt ralement les individus et pr c dent aussi l Etat les corps acqui rent dans la soci t une importance primordiale L Etat doit respecter leur autonomie La l gislation prot ge en effet les organismes sociaux sans se substituer eux l mais ils n ont pas respecter de la m me mani re l autonomie de individu l individu n est per u qu l int rieur de sa famille et en mati re de d mocratie La Tour du Pin r clamera le vote familial Ils deviendront des Etats dans PEtat Au xrxe si cle la doctrine chr tienne d fend la corporation parce qu elle n imagine gu re d autre mode d organisation A travers la corporation elle ne d fend pas un corps sp cifique auquel elle pr terait des vertus singuli res Mais elle justifie l id e m me d organisation sociale au
280. nomie Au Br sil elle d nonce l injustice Elle interc de pour la dignit l o celle ci se trouve la plus menac e et nuance les droits de tel ou tel parti qui n expriment que des dignit s s lectives Les relations qu entretient l Eglise dans sa r flexion sociale avec les divers syst mes politico sociaux l cartent des clivages traditionnels qui s parent la soci t de libert de la soci t de protection Et cela ne tient pas au fait qu elle repr sente une puissance spirituelle retranch e par nature des pesantes r alit s politiques Parce qu elle ne gouverne pas en tant que telle elle pourrait effecti vement se borner d crire un id al sans jamais devoir ni choisir ni conc der Mais elle ne le fait pas et sa diff rence vient d ailleurs Au contraire elle appara t beau coup plus r aliste que les syst mes auxquels elle s oppose loin de se tenir dans une cit c leste o les choix contraignants n auraient pas de prise Paradoxalement ce sont bien les grands syst mes qui semblent p tris d utopie concernant les capacit s et les d sirs humains alors que la doctrine sociale fond e sur une trans cendance se meut elle dans les sph res les plus concr tes et les plus triviales La pens e chr tienne du xrxe si cle fait clater les cat gories politiques et sociales non parce qu elle serait id ale ou pure mais parce qu l inverse elle avance une d finition compl te de l
281. ns qu ils peuvent remplir aussi bien que lui m me Principe de l action minimale donc mais non pas par rapport aux d sirs d initiative des citoyens par rapport l uvre globale n cessaire l int r t public L Etat ne peut pr tendre qu leurs restes 4 entendus comme restes de l action g n rale reconnue utile La pens e politique de Taine ne rejoint pas celle des lib raux pour lesquels l Etat se voit attribuer une fonction pr cise de gestion de la s curit en dehors de toute notion de besoin social g n ral L Etat de Taine peut intervenir partout car aucune limite d finitive ne lui est assign e Il ne lui demande que d intervenir l o la soci t se trouve incomp tente inint ress e mal outill e absente par volont ou par oubli intrins quement ou temporairement Ainsi non seulement doit il 1 Ibid p 569 2 Ibid p 570 3 Ibid II p 86 4 Ibid p 88 SUBSIDIARIT PROGR S ET FIN DE L HISTOIRE 105 accomplir ses t ches officielles et traditionnelles de l gislateur et de d fenseur mais aussi subventionner se qui s tiole administrer ce qui tombe en friche secourir ce que chacun n glige par omission L Etat appara t non plus assign une t che pr cise et d termin e mais gardien du bien commun en seconde main en quelque sorte la rescousse pour n importe quelle action propice tous L id e de seconde main voque une moindre comp tence Dans to
282. nt l insu de tous sa signification lib rale classique telle qu elle se d veloppait au xrxe si cle Les personnalistes allemands vont au contraire utiliser le principe pour souligner l importance du bien commun m me s ils ne tiennent pas l en tendre au sens strictement thomiste de bien commun objectif et r organisent cette notion autour de la soci t individualiste moderne Ils r affirment la conno 1 L ouvrage de E Link Das Subsidiarit tsprinzip dissertation universitaire datant de 1948 et publi e en 1955 fait Pobjet d une critique tr s vive de A Utz dans l article Der Mythos des Subsidiarit ts prinzip Utz accuse E Link de poser une formule creuse un slogan plut t qu un concept fond et explicite W Bertrams dans Das Subsidiarit tsprinzip ein Mythos Stimmer der Zeit paru en 195 5 1956 revient sur ce d bat en tentant de r concilier les points de vue En 1957 J David dans Particle Streit um das Subsidiarit tsprinzip donne raison sur le fond A Utz tout en explicitant historiquement les raisons de la perte de sens du principe La m me ann e W Bertrams revient propos de cette querelle sur le d bat entre le solidarisme et les partisans du principe de totalit dans Vom Sinn des Subsidiari t tsprinzip PROBL MES CONTEMPORAINS DE L TAT SUBSIDIAIRE 193 tation positive du principe l homme prime sur la soci t seulement en tant qu il poursuit aussi le b
283. nt et de la gestion directe 2 Discours du 10 novembre 1934 prononc lors de l installation des 22 conseils des corporations 8 Discours l Assembl e nationale des corporations le 23 mars 1936 Le fascisme n a jamais voulu faire de l conomie enti re de la nation un monopole d Etat CORPORATISME OU D VIANCE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARIT 163 utilis pour se d marquer du socialisme privateur de libert s individuelles et pour convaincre que l Etat n intervient qu en dernier recours et bon escient pour l int r t g n ral et non par l effet d une id ologie interventionniste Mais le principe est ici d natur en ce sens que le crit re de l ing rence l inca pacit et le besoin aff rent se trouve d plac arbitrairement un niveau tr s bas ou tr s pr coce selon que l on entend une ing rence dans l espace social ou dans le d roulement de l activit Bien s r il est notifi que l Etat intervient seulement en cas d incapacit et de besoin mais cette limite appara t tr s vite puisque l int r t individuel et donc la libert individuelle est consid r comme n faste d s qu il est d tach de l int r t collectif L homme ou le groupe social n est pas proprement parler consid r comme incapable ainsi qu il arrive par exemple dans la th orie du despotisme clair mais sa capacit elle m me lui porte tort Cette d valorisation morale
284. ntendre qu il sert mais secondairement Il apporte un avantage suppl mentaire mais ne cr e pas la soci t qu il renforce La notion d utilit appara t chez Hom re le roi porte sceptre d tenteur de ce que nous appellerions aujourd hui la souverainet face aux multiples rois secondaires est hiss au pouvoir en vue de la guerre m me s il poss de encore certaines attributions du pouvoir th ocratique des anciens ges Il s agit au d part de la seule t che devant laquelle les soci t s demeurent impuissantes Agamemnon est un g n ral en chef Encore ses d cisions sont elles contest es Encore se demande t on si c est bien pour telle guerre qu on l a port au pouvoir Naturel lement le pouvoir d crit par Hom re laisse penser une sorte de f odalit quoique ce mot demeure tr s inexact pour d crire un polycentrisme politique complexel En tout cas il laisse appara tre l id e d un contrat tacite par lequel l autorit supr me conf r e en vue de la guerre n annihile pas les autorit s secondaires Agamemnon estappel le plus roi basileutatos ce qui signifie qu il ne sup prime pas le pouvoir des autres chefs Ceux ci ne lui ob issent que pour la guerre et l assembl e ne se privent pas de le critiquer durement A Rome Tarquin l Ancien fut choisi comme roi pour la d fense ext rieure et Tarquin le Superbe fut chass parce qu il avait outrepass ses pr rogatives
285. nviction prime selon laquelle la soci t tout enti re travaille ou peut travailler au bien commun pos comme finalit derni re quoique non exclu sive Il ne s agit pas de s imaginer na vement que les volont s individuelles oublient par abn gation leurs finalit s propres pour les sacrifier aux finalit s communes Mais toute finalit propre peut ou bien se doubler d un apport au bien commun ou bien servir en m me temps le bien commun si du moins elle est canalis e correctement et organis e dans ce but ce qui est le r le de la loi De cette mani re le pouvoir politique n a ni abandonner l id e du bien commun ou de l une de ses parties par exemple de la justice sociale que la vision d un certain lib ralisme peut conduire abandonner ni le prendre en charge enti rement comme dans le socialisme Il lui suffit de veiller ce que lPensemble des activit s sociales soient tourn es au maximum vers cette finalit supr me et suppl er lui m me les d faillances et les insuffisances cet gard Seule cette certitude de la diffusion de la r alisation du bien commun permet de l gitimer cette intervention partielle auxiliaire de l autorit dans le respect la fois du bonheur g n ral et des libert s particuli res Une fois pos ce principe l intervention de l autorit doit r pondre des r gles plus pr cises tendant ce double respect En effet l intervention peut se concr tis
286. ociales en vue du bien indi viduel et du bien commun est consid r comme un avantage parce qu il s agit d une perfection au sens aristot licien ce qui emp che de d fendre en m me temps une galisation fond e en raison L Etat providence se l gitime moins par le respect de la dignit que par l id al d galit Et c est parce qu il apporte tous des bienfaits gaux avant m me d avoir constat des incapacit s qu il a tendance briser a contrario les libert s Ce n est pas le devoir d ing rence qui touffe les libert s c est le devoir d ing rence finalit galisatrice L aide de l Etat subsi diaire ne cherche pas apporter tous le m me bienfait pour interdire les compa raisons entre ceux qui ont acquis seuls et ceux qui ont obtenu d en haut mais pallier les d ficiences non seulement de l individu mais de la solidarit infra tatique Et plus encore ici l aide de l Etat vise du moins en principe la restau ration des libert s l instance publique entend son propre devoir d ing rence comme n cessaire dans sa finalit mais contingent dans son contenu destin id a lement se rar fier pour autant m me si dans une soci t id ale les individus et les groupes parvenaient seuls concr tiser la dignit de tous PEtat demeurerait le garant indispensable du bien commun L exemple concret le plus significatif de cette diff rence essentielle entre l
287. ombre d uvres d int r t public n cessiteront l intervention de l instance publique Mais ils r clament que ces uvres soient examin es et comptabilis es si l on veut viter les abus C est cet examen qui appelle l id e de suppl ance Progr s des peuples Cette id e comporte d abord ici un sens original de compl ment historique et temporaire L Etat doit suppl er aux faiblesses de l individu mais ces faiblesses sont dues des d faillances circonstancielles elles ne sont pas permanentes elles voluent dans le sens de la diminution Un enfant de douze mois qui com mence marcher re oit des bottines lacets que sa m re doit nouer chaque matin Mais il est rare de voir une m re nouer les lacets d un enfant de dix ans et g n ralement elle l incite se d brouiller seul aussit t qu il s en trouve capable Et l on voit bien que si la m re n avait au d part pris en charge le probl me des 1 J S Mill Principes d conomie politique p 514 2 Ibid p 513 3 F Bastiat uvres conomiques p 210 90 L TAT SUBSIDIA RE lacets Penfant devenu grand demeurerait incapable d accomplir ce geste quoti dien Si par contre d vor e par un amour abusif elle continue de faire elle m me ce que l enfant se trouve d sormais capable de faire elle le transformera en l un de ces vieux b b s tout juste bons agacer leur voisinage et d finitivement irresponsables Sachant
288. omme dictature A l inverse H Pesch pr vient qu il ne faut attendre de la soci t tempo relle aucun paradis ni des structures sociales aucune formule magique Il nourrit 1 La solidarit p 161 L ID E DE BIEN COMMUN DANS LA SOCI T INDIVIDUALISTE 171 des illusions minces et pr voit partout les effets pervers ce qui est peut tre le meilleur moyen d esp rer une r forme sociale avec quelques chances de r a lisation Cette philosophie de la finitude s exprime galement dans le n o lib ralisme allemand et le personnalisme fran ais Lib ralisme et socialisme ayant t rejet s au rang des chim res dangereuses le moment vient o le cor poratisme subit le m me sort Mais cette s paration est difficile parce que le corporatisme tait identifi avec la notion thomiste et essentiellement catholique du bien commun Ce sont donc d une certaine mani re les fondements qu il faut remettre en cause Avec le personnalisme appara t d abord un constat d acceptation puis une justification nuanc e de la soci t individualiste Il ne s agit pas de l indivi dualisme des lib raux classiques mais d un individualisme port par la tradition thomiste ce qui peut sembler une contradiction d tonante et va provoquer d acerbes critiques On peut probablement d celer chez Taparelli au si cle pr c dent les pr misses de cette pens el Son aphorisme concernant la subsidiarit autant de libert
289. ommence pas avec les th ories du contrat ni avec les id es r volutionnaires mais longtemps auparavant Elle montre quel point cette libert est inscrite dans la g n alogie de notre pens e Elle d peint l volution sp cifique de la libert d autonomie travers le passage de la soci t communaut la soci t 10 L TAT SUBSIDIAIRE civile moderne de la soci t holiste la soci t individualiste de la soci t close la soci t ouverte En m me temps en ne posant pas seulement le devoir de non ing rence mais aussi le devoir d ing rence l id e de subsidiarit fonde la libert d autonomie sous un ordre de justice sociale ce qui constitue son paradoxe typique La d mocratie ou plus g n ralement les pouvoirs limit s ou partag s que nous avons invent s depuis plus de deux mill naires r pond la n cessit d harmoniser la libert politique et l ordre s curitaire par une synth se institutionnelle d quilibre pr caire mais enviable Le principe de subsidiarit r pond lui la n cessit de faire cohabiter la libert d autonomie et l ordre juste en r clamant une synth se diff rente portant sur les fonctions d volues au pouvoir supr me et aux pouvoirs en g n ral Les deux synth ses ne s identifient pas ni ne se recoupent forc ment Une d mocratie peut fort bien correspondre avec un Etat providence comme l his toire moderne le d montre chaque jou
290. on du n cessaire englobe plus d avantages et c est pr cis ment de ce n cessaire que l Etat est caution d o son ing rence croissante Les risques aff rents Pinter vention de la puissance publique ne cessent donc d augmenter avec elle et la politique a de plus en plus besoin de se r f rer un crit re de distribution des comp tences afin de ne pas se laisser entra ner des exc s f cheux D une mani re g n rale et depuis que la doctrine sociale existe c est dire depuis L on XIII elle attribue PEtat un r le d terminant et fortement r gu 4 Paul VI Lettre du septembre 1965 2 Mater et Magistra 59 69 146 L TAT SUBSIDIAIRE lateur de l conomie de march Mais et les textes ici d veloppent l argument classique des lib raux moins l Etat se charge des t ches subalternes d autant mieux il uvrera ses t ches propres Que l autorit publique abandonne donc aux groupements de rangs inf rieurs le soin des affaires de moindre importance o se dispersait l exc s son effort elle pourra d s lors assurer plus librement plus puissamment plus efficacement des fonctions qui n appartiennent qu elle parce qu elle seule peut les remplir diriger surveiller stimuler contenir selon que le comportent les circonstances ou l exige la n cessit Que les gouvernants en soient donc bien persuad s plus parfaitement sera r alis l ordre hi rarchique
291. on temps L id e de libert dans la philosophie des droits de l homme ne suffit pas pr server ce que Tocqueville entend par libert Car il s agit d une libert tronqu e parce qu elle s assortit n cessairement d galit Pour obtenir une composition de libert et d galit on prive la libert de ses uvres de ses d veloppements concrets c est la concr tisation de la libert par ses uvres qui suscite l in galit L Etat accom plit ce travail de nivellement Il garantit la libert comme nature tous les hommes naissent libres et gaux en la s parant de ses uvres et c est pourquoi Pun des courants de pens e les plus importants du xvirre si cle appelle le despo tisme clair En r alit le gouvernement id al de la R volution fran aise serait bien le despotismef qui promeut l galit civile pour prot ger la libert naturelle 1 D mocratie en Am rique p 29 2 Ibid p 31 3 D mocratie en Am rique p 177 178 4 Cf par exemple H Pirenne dans Bulletin of the international Committee of historical Sciences Part IL 1929 1930 ou R Etiemble L Orient philosophique au XVII si cle Centre de documentation universi taire 1956 1957 3 vol 70 L TAT SUBSIDIAIRE On sait quel point Voltaire et les physiocrates admiraient la Chine ce que Toc queville ne leur pardonne pas Cette m sinterpr tation de la libert d coule de l individualisme La monar chie de
292. onnaissances pour leurs fins particuli res w Le but de l instance tatique se r sume cr er les conditions 1 Droit l gislation et libert TIJ p 167 180 L TAT SUBSIDIAIRE dans lesquelles les individus peuvent acqu rir leur bien tre ce qui ne veut pas dire qu ils y parviennent mais l Etat ne s occupe pas de cela Le bien commun sous cette signification r duite r sulte d une situation mais ne correspond pas une finalit Le bien commun optimal se trouve de fait r alis quand tous les individus ont t nantis de conditions satisfaisantes pour la course au bien tre Mais il est difficile d identifier cette vue avec celle des personnalistes qui r cla ment que l instance tatique pourvoie au respect de la dignit de chacun donc la concr tisation de son bien tre d fini l avance et non seulement aux condi tions de cette concr tisation Ce que les n o thomistes organicistes reprochent aux personnalistes ce n est pas de r tablir le primat de la dignit humaine face au lib ralisme classique mais de fonder leur th orie sur le primat de la dignit et de la libert individuelles au d triment du bien commun objectif Ce qui leur appara t comme un nouvel individualisme aussi pernicieux que le premier un orgueil de la cr ature regard nocturne aversion de Dieu 1 Ils reprochent aux personnalistes d avoir utilis mal propos certains passages de Thomas d Aquin qui laissaient cro
293. onne lieu des d bats politiques Aujourd hui elle appara t au Parlement europ en Il faut croire que la faillite des grands syst mes de pens e qui privil giaient une seule valeur au d triment des autres rend d sirable et possible une philosophie sociale d adaptation et de r alisme comme elle appelle une politique de la prudence au sens grec c est dire une politique de la finitude rempla ant les politiques de la perfection Toute valeur privil gi e et rationalis e est finalement r ductrice c est ce dont les id ologues repentis viennent de s apercevoir Quand ces derniers n adoptent pas une attitude n gative vis vis de toute valeur une sorte de pyrrhonisme pour viter la perversion des valeurs ils rejoignent sans le savoir l id e aristot licienne et thomiste selon laquelle la norme n est autre que la r alisation de l tre Les efforts entrepris pour rendre aux acteurs sociaux leur autonomie dans les pays occidentaux apr s des p riodes de socialisation ne correspondent pas en g n ral un retour du lib ralisme classique mais une volont de synth se des valeurs divergentes en dehors des sch mas id ologiques post r volutionnaires INTRODUCTION 13 Il reste que l Etat providence s impose surtout dans les pays latins comme un mod le h rit des anciennes syst matisations Et ceci pour deux raisons La pre mi re est la persistance de la valeur d galit conjugu e av
294. onner sa vie c est dire acqu rir un plus grand bonheurt Il s agit non seulement du sens n gatif de suppl ance mais galement du sens positif d apport en qualit et visant une pl nitude Nous trouvons chez le Stagirite le paradoxe de la libert et de l incapacit et aussi l id e du bien commun d passant l addition des biens particuliers ici cette vie parfaite que seule peut permettre la cit Gouvernement domestique et gouvernement politique Le pouvoir politique ne se pr occupe donc pas de diriger les individus jusque dans les d tails sinon il faudrait l accuser de gouverner despotiquement Le mot 1 Ibid 1252 b 13 2 Ibid 1252 b 16 3 Ibid 1252 b 29 4 Ibid I 9 1280 a 30 LA NOTION D INSUFFISANCE EN POLITIQUE 17 despotique ne rev t pas chez les Grecs et notamment chez Aristote le sens vague que nous lui pr tons aujourd hui dans le langage courant Il signifie pr cis ment une certaine forme de pouvoir qui transpose le gouvernement domestique dans le gouvernement politique ce qui d apr s Aristote est une erreur ou une folie en tout cas pour l Europe pr curseur d une th orie diff rentialiste il se demande si les Occidentaux et les Orientaux ne seraient pas de nature diff rente pour que les premiers r clament toujours la libert et pour que les seconds semblent se complaire dans la servitude Le gouvernement domestique recouvre la gestion d un domaine c
295. onomique o travaillent des ouvriers et des esclaves ou bien le gouvernement d une famille par son chef patriarche Le gouvernement domes tique a ceci de particulier que les gouvern s y sont inf rieurs de nature ou provi soirement au chef esclaves et femmes inf rieurs de nature quoique de mani re diverse enfants m les provisoirement inf rieurs tant qu ils n ont pas atteint ge adulte Le chef domestique doit donc g rer les affaires de ses subordonn s enti rement leur place et pour leur bien parce qu ils demeurent incapables de le faire eux m mes de par leur nature inf rieure L esclave par nature Aristote pose la question de l esclave de droit positif ou de guerre ce qui est d j une fa on de remettre en cause l esclavage ne poss de pas autant de raison que les autres hommes une raison incompl te tronqu e C est justement cette insuffi sance qui justifie le despotisme du ma tre l esclave sera plus heureux si le ma tre prend les d cisions pour lui Le despote ma tre de maison justifie son pouvoir total par la n cessit de g rer les affaires d hommes totalement incapables le pouvoir absolu domestique se justifie par une certaine id e de suppl ance totale Si le pouvoir politique en vient tout diriger y compris la vie quotidienne des citoyens s il dirige au del de leurs insuffisances c est qu il tient ceux ci pour des esclaves pour des tres incomplet
296. onstitutionnaliser le principe Et cela ne soul ve t il pas certaines difficult s ou contradictions eu gard la forme du r gime politique en vigueur et la forme 214 L TAT SUBSIDIAIRE du principe lui m me Il faut faire remarquer que la constitutionnalisation d un principe de distribution des comp tences convient davantage au lib ralisme classique qu l ordo lib ralisme ou au lib ralisme social L Etat lib ral classique cherche pr ciser la limite des comp tences de Pinstance publique dans la consti tution pour viter que l instance publique n outrepasse des bornes qui lui ont t assign es objectivement L id e de subsidiarit implique au contraire que l inter vention publique ne se conna t virtuellement aucune borne en tout cas pr ala blement fix e par telle doctrine sociopolitiquet Ce qui ne signifie pas qu elle peut se d ployer partout et sans cesse mais que dans des conditions de n cessit bien d finies elle peut se d ployer dans tous les domaines sans pour autant devenir totalitaire ou dictatoriale Le principe en r alit ne limite pas a priori la comp tence de l Etat mais la conditionne fortement ce qui est tout diff rent Il ne lui pose des limites que selon les situations Par ailleurs l argument a t mis que la constitutionnalisation du prin cipe serait d une certaine mani re anti d mocratique La d mocratie signifie aujourd hui non seulement la libert de
297. ontrainte un instinct social puissant L id e de bien commun qui fonde le devoir d ing rence appara t dans la r alit avant d tre pos e par une thique Elle est une exigence naturelle Elle carte donc d embl e la vision de l individualisme propre au lib ralisme classique comme artificielle L homme est politique et social ou encore il ne poursuit pas seulement des fins propres ses finalit s propres passent bien souvent par des finalit s communes et il lui arrive de poursuivre des finalit s communes pour elles m mes Il faut en d duire comme le souligne J Van der Ven que la soli darit n est pas seulement morale mais ontologique Fonder l id e de bien commun et la solidarit qui en d coule exclusivement sur une thique reviendrait cher cher un dogme ou une vision du monde qu il faudrait imposer tous les indi vidus Ce qui est devenu impossible puisque la diversit des fins emp che de reconna tre des valeurs universelles d j donn es Mais si l id e de bien commun est ontologique elle mane en tant que telle et sans pr juger de son contenu des individus eux m mes quelle que soit leur diversit et se reconna t aussi bien en soci t individualiste 1 F Hayek op cit p 76 2 Dans Trois aspects du principe de subsidiarit 186 L TAT SUBSIDIAIRE Consensus Ceci ne r sout pourtant pas la question Il s agit de savoir quel contenu donner au bien comm
298. opres tandis que les agr gations et les pouvoirs qui les personnifient n ont que des droits d riv s et sa cons quence imm diate Il faut organiser au profit de la libert individuelle des garanties aussi bien contre les pouvoirs secondaires que contre les pouvoirs sup rieurs 2 Cette m fiance vis vis des groupes inter m diaires et le refus de les constituer en personnes morales sujets de droits au m me titre que les individus va fonder l id e lib rale de la suppl ance Seul l individu a des droits premiers qui ne sont ni cons quences ni moyens Ces droits se justifient par le statut de l homme souverain Sa singularit le dis tingue de tous les autres tres et de toutes les unit s form es par la nature et par l artifice Un tre qui ma pas de d sirs et d impulsions lui ma pas plus de caract re qu une machine vapeur Ayant vocation puiser sans cesse dans son nergie vitale pour se d velopper l homme se d finit par ses actes davantage que par des caract ristiques ou des acquisitions W de Humboldt met parti culi rement en vidence l importance de l tre en acte par rapport l avoir L homme consid re comme lui non tant ce qu il poss de que ce qu il a fait t L individu a davantage besoin de d ployer ses forces que de contempler des r sultats tangibles Son bonheur provient essentiellement de Paccomplissement de ses facult s propres Aussi PEt
299. oratisme 2 0 1 Par exemple L organisation corporative dans Semaines sociales de France Angers 27 session Lyon E Vitte 1935 2 Capitalisme ef communaut de travail Corporation et capitalisme Sirey 1938 164 L TAT SUBSIDIAIRE sensu dans lequel les groupes autonomes g rent librement leur production et leur vie sociale Mais il ne pr ne pas exclusivement cette derni re forme qui lui para t trop laxiste par rapport aux exc s de l conomie de march La solution qu il pr conise celle dite de la communaut de travail est assez largement interven tionniste dans le but de limiter le profit de contr ler les prix et en g n ral de placer les m canismes conomiques dans la direction du bien commun D une mani re g n rale on observe que la plupart des adeptes du courant corporatiste et m me ceux qui d fendent un corporatisme soi disant att nu ou non syst matique d rivent peu ou prou leur insu ou non vers l interventionnisme Sur le terrain concret de l histoire politique les gouvernements corporatistes posent th oriquement beaucoup plus de libert qu ils n en donnent semblent parfois rechercher les corps interm diaires autonomes au d part pour finalement les dissoudre dans l Etat bref se trouvent aspir s par la fatalit de l tatisme L Autriche de Dollfuss est partie du principe de subsidiarit d ment compris inspir e par Vogelsang Pun des th oriciens du principe
300. ore le cycle fatal des r volutions Ouvrir une nouvelle re qui s annonce par la confusion de tous les syst mes de pens e tous galement incapables de surmonter l aporie tous semblables parce que reproduisant ind finiment le paradoxe au lieu de le d noncer Le f d ralisme repr sente d une certaine mani re la fin de l histoire politique si l on entend la politique au sens de Machiavel ou de Richelieu Une fois r pandu partout le f d ralisme signifiera la fin de l histoire au sens de la suppression des guerres qui n auront plus de raison d tre Les conflits apais s ram neront la politique des questions organisationnelles A l int rieur le service militaire se r duit celui de la gendarmerie 2 et l ext rieur les nations n ont plus de relations que juridiques Ceci correspond avec l apog e de la libert non pas la totale ind pendance souhait e par le jeune Proudhon mais la libert en acte port e son maximum de capacit dans toutes les sph res sociales Cet loge vibrant ne jette pas Proudhon du c t des lib raux On sait que les nomenclatures le classent chez les socialistes En r alit Proudhon ne saurait tre rang nulle part et se trouve sans doute plus proche des chr tiens sociaux de l poque que de n importe quel autre courant malgr ses critiques vio lentes contre la religion Son syst me sociopolitique sauvegarde toutes les valeurs contraires notamment l
301. orit Eglise Paris Louis Viv s 1862 La lutte religieuse en Allemagne Paris Haton 1875 Die Katholiken und das Reich Keffelers Schriften Il Devoirs des parents et de la famille en pr sence des conditions nouvelles faites aux coles primaires Patis uvre de Saint Paul 1882 Komonchak J A La subsidiarit dans l glise Bulletin du secr tariat de la conf rence piscopale fran aise n 1 janvier 1988 p 1 10 Koninck C de De la primaut du bien commun contre les personnalistes Qu bec Ed de l Universit Laval 1943 In defence of Saint Thomas Laval th ologique et philosophique vol 1 n 2 1945 Kuchenhoff G Staatverfassung und Subsidiarit t Sammlung Politeia Heidelberg K Verlag 1953 p 67 99 La Tour du Pin R de Vers un ordre social chr tien Paris Beauchesne 1907 Leclercq J La philosophie morale de saint Thomas devant la pens e contemporaine Paris Vrin 1955 L on XIII Rerum Novarum Ed Saint Michel Link E Das Subsidiarit tsprinzip Sein Wesen und seine Bedeutung f r die Sozialethik Freiburg Verlag Herder 1955 Locke J Deuxi me trait du gouvernement civil Paris Vrin 1967 Madiran J Le principe de totalit Paris NEL 1963 Maritain J De Bergson Thomas d Aquin Paris Hartmann 1944 Marsile de Padoue Le d fenseur de la paix Paris Vrin 1968 Maugenest D Le principe de subsidiarit et la pens e catholique Professions et en
302. orit de la communaut mondiale de limiter l action que les Etats exer cent dans leur sph re propre ni de se substituer eux Elle doit au contraire t cher de susciter dans tous les pays du monde des conditions qui facilitent non seulements aux gouvernements mais aussi aux individus et aux corps interm diaires l accomplissement de leurs fonctions l observation de leurs devoirs et l usage de leurs droits dans des conditions de plus grande s curit s On peut se demander quelle est l instance arm e ou morale appel e autorit universelle 1 Cf Rerum Novarum 464 Quadragesimo Anno 538 2 Jean XXIII Sur la paix 137 138 3 Ibid NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 149 ou pouvoir public de la communaut mondiale Il s agit d une autorit cons titu e des vouloirs communs et non organis e par la contrainte des pays les plus puissants L auteur de Pacem in Terris cite Ponu en tant qu elle est susceptible de promouvoir dans le monde le respect des droits de l homme tout en souhaitant que cette organisation r ponde mieux dans Pavenir aux probl mes pos s ci encore le devoir de non ing rence face l autonomie de chaque pays se comprend ais ment mais le devoir de secours et de promotion de la dignit qui revient un devoir d ing rence r clame des justifications Le d placement du principe du domaine national au domaine international peur fournir des l ments de r ponse Le devoir d
303. orporations avec une pr f rence pour la corporation g n ratrice de paix sociale parce qu elle est une union verticale alors que le syndicat est une union horizontale Chez Pie XI pr vaut la m me opinion Mais l essentiel reste que Etat se contente d apporter une aide sans succomber la tentation de la prise en charge Plus tard les pontifes qui se succ dent mettent tous l accent sur Pefficacit des groupes priv s face l action de l Etati Les d nominations particuli res s effacent pour laisser place au seul terme g n rique de corps interm diaires 5 M me si la 1 R Talmy Aux sources du catholicisme social p 288 et ss 3 Rerum Novarum 487 3 Quadragesimo Anno 573 582 4 Jean XXII Mater et Magistra 119 5 Paul VI Populorum Progressio 33 Jean Paul TI Le zravail humain p 76 CORPORATISME OU D VIANCE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARIT 159 doctrine pontificale a t au d part tent e de d fendre la corporation elle ne promeut pas le corporatisme comme syst me politico conomique Elle reste influenc e au d but de ce si cle par les divers courants solidaristes et corpo ratistes qui se r clament de son thique Mais ne conf re pas de label cette forme d organisation pr n e par La Tour du Pin m me avant que le corporatisme soit devenu la pierre angulaire de certaines dictatures et le devancier du fascisme En cela elle demeure fid le sa pens e fondamentale qui consiste
304. orporatisme appara t donc comme une fausse route dans la recherche de la troisi me voie entre lib ralisme et socialisme Il s agit d une d natu ration de la soci t des corps interm diaires r clam e par le principe de sub sidiarit Pour que l Etat soit vraiment subsidiaire par rapport aux groupes et pour que les groupes demeurent subsidiaires par rapport aux individus il faudra poser une soci t de groupes libres et volontaires auxquels on attri buera autorit et non pouvoir l poque m me de l chec du corporatisme par son expression dictatoriale c est le courant n o lib ral allemand qui va reprendre son compte le th me de la subsidiarit Ce courant de pens e rejette non pas les corps interm diaires mais les corps rigidifi s et ossifi s et assume la libert individuelle avec tout ce qu elle suppose aussi de cons quences f cheuses qu il s agira de canaliser sans pour autant touffer la libert la base C est la fin des tentations thocratiques l abandon de l ordre moral impos qui permettra de renouveler la recherche d une troisi me voie dans une perspective r aliste et en tentant d assumer le paradoxe libert justice plut t que de le r duire ou de le solutionner On peut dire qu apr s l chec du corporatisme l ordo lib ralisme reprend la r flexion l o F Le Play lavait laiss e dans la soci t vivante seule la famille demeure un corps obligatoir
305. ors qu il sera une finalit pour Mussolini Le gouvernement ne se contente pas d harmoniser les diversit s et de prot ger les droits et la politique au sens aristot licien se veut d pass e il doit unifier les forces sociales vers le bien commun d fini par lui Concernant le bien commun le principal probl me de ce temps est pour Salazar la dignit des travailleurs Le corporatisme succ de Panarchie conomique les corporations organisent 1 Rien ne donne moins de garantie une sage laboration des lois que l improvisation du l gis lateur c est dire que sa d signation livr e aux aventures du suffrage populaire ibia p 412 2 Ibid p 398 CORPORATISME OU D VIANCE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARIT 161 et r gissent la vie du travail de fa on viter les injustices Elles se cr ent libre ment du moins au d but Mais organismes de droit public valid s et prot g s par le gouvernement elles peuvent devenir de v ritables citadelles et servir les int r ts d un groupe par exemple les int r ts des producteurs contre ceux des consommateurs et leur d triment C est pourquoi l Etat doit inter venir afin de maintenir leur cap puisqu il est garant du bien de tous et d emp cher les conflits Nanti d un sous secr tariat d Etat puis en 1949 d un minist re des Corporations le gouvernement portugais s immisce de plus en plus dans la cr a tion et dans la conduite des cor
306. ose Il ne s appar tient plus L tatisation sous entend un vol non pas de Partifice mais de l intime On pourrait s tonner de voir cette pens e aristocratique fonder tout son argument sur la capacit de l homme s entretenir soi m me C est que l opinion moderne est pleine d id es re ues Le courant aristocratique qui s exprime ici ne repr sente pas une exception mais confirme une tradition et l enracine en s oppo sant radicalement au monarchisme absolu Ce dernier se substitue aux acteurs sociaux en arguant qu ils sont sots justificatif philosophique qui cache d autres raisons plus simples et moins avouables Le peuple tait consid r comme sot par Richelieu et par Louis XIV4 comme il l tait aux temps anciens par les l gistes chinois et pour les m mes raisons La pens e aristocratique ne pr juge ni de l imb cillit int grale ni de l intelligence int grale des individus mais pose au vu 1 L Ancien R gime p 79 80 3 Esprit des lois VIT VI 3 De la d mocratie en Am rique D 73 4 L Ancien R gime p 434 Turgot dans le pr ambule d une d claration du roi Les communaut s de campagne sont compos es dit il dans la plus grande pattie du royaume de paysans pauvres igno rants ct brutaux incapables de s administrer LES D BUTS DE L TAT SUBSIDIAIRE 67 de Phistoire des capacit s hi rarchis es selon les hommes les groupes et les situations Ce p
307. oses s exprime toutes les poques et des courants de pens e contemporains tel celui du maurrassisme s attachent d montrer que 1 Thomas d Aquin De Regno I ch XII 2 Ibid Le De Regno parle du roi des abeilles 3 Par ex De Regno I ch III 38 L TAT SUBSIDIAIRE l atomisation des soci t s produit des hommes exsangues et non des hommes simplement diff rents comment d finir un individu sans son environnement familial et social Il se forme en int grant des coutumes et des cultures sans lesquelles il n existerait m me pas Pourtant le s isme de la R volution a bien engendr une soci t encore jamais vue l individu re oit et donne mais ne s estime plus li naturellement Ces liens naturels ins cables que l poque moderne a tranch s sont ceux dont parle Thomas d Aquin propos du principe de totalit Il ne signifie pas par l que l homme serait un simple moyen dont la communaut userait sa guise mais que l homme ne saurait accomplir ses propres fins sinon dans le cadre d une communaut plus vaste Il poss de indivi duellement la capacit de forger son propre destin mais par l interm diaire d une soci t Le principe de totalit indique galement l importance du concept de bien commun et signifie que la soci t est orient e au bien commun avant de pour suivre des fins particuli res Plus encore que chaque homme recherche le bien commun avant le sien propre C
308. oupe devient il incapable d une t che pourtant n cessaire Faut il laisser inter venir l instance sup rieure d s que l incapacit a t constat e de l ext rieur ou d une autre fa on d s que l acteur se dit lui m me incapable c est dire au moment o il r clame l aide Dans le premier cas le risque est une ing rence indue de l autorit sup rieure dans le second le risque consiste dans un appel Paide qui ressemblerait une paresse plut t qu une incapacit Ce qui finalement revient au m me Le danger que repr sente l ing rence du public dans les affaires particuli res provient d une tendance instinctive la fois de l instance publique dominatrice et du priv qui qu te la s curit Pourtant il arrive que l instance priv e soit puis e par des responsabilit s trop lourdes avant de r clamer l ing rence d une protection Cela est vrai aussi bien pour les collectivit s que pour les individus Il s agit donc de veiller ne pas puiser les volont s en laissant aux instances priv es des t ches trop crasantes L importance accord e la libert individuelle ne doit pas occulter les difficult s rencontr es dans l expression de la libert Le besoin de s curit n a rien de m prisable surtout s il esp re non pas se terrer d finitivement dans un lieu tranquille mais obtenir certaines garanties l mentaires pour pouvoir s exposer ensuite dans des aventures
309. ouvelle re Il se produira en quelque sorte un changement de nature une transformation qualitative qui mettra fin l ternelle r volution Cette transformation est in luctable elle nonce d apr s la nature des choses et le jeu des principes w4 1 Ibid p 521 3 Ibid p 547 551 De la capacit politique p 332 3 Principe f d ratif p 395 4 Ibid p 330 SUBSIDIARIT PROGR S ET FIN DE L HISTOIRE 115 Elle proviendra d un d s quilibre entre les forces int rieures de chacun des deux principes conjugu avec la diff rence de nature des deux n cessit s qui les portent L autorit et la libert ne sont pas en effet n cessaires au m me titre Les soci t s ont besoin d autorit pour simplement tre et de libert pour leur bien tre L autorit leur est cong nitale et seule garantit leur permanence La libert est un d sir qui vient plus tard non pas consubstantiel au m me titre mais n cessaire d une autre mani re attach la culture qui se d veloppe A la limite on peut penser qu une soci t peut se passer de libert mais jamais d autorit Faut il croire alors que l autorit finira par dominer dans ce combat perp tuel Non car la libert sans tre strictement n cessaire la p rennit sociale se trouve dot e d une force int rieure beaucoup plus grande que l autorit Dans le cours de l histoire elle ne cesse pas d accro tre ses exigences enco
310. par degr s D une mani re g n rale la demande d auto nomie individuelle repr sente non seulement une id e occidentale mais une conqu te historique de l Occident La soci t antique n a pas eu Ja possibilit de d velopper chez elle le sens de la libert parce que le danger de guerre y tait trop grand obligeant l ob issance totale Au fond c est la barbarie qui l gitime le despotisme L atrocit des guerres rend somptuaire et superf tatoire toute demande d initiative individuelle Une soci t en danger de mort obtemp re et ne r clame pas D o une description des soci t s que nous appellerions holistes partir d une id e de la civilisation primitive Au fond non seulement en Gr ce et Rome mais en Egypte en Chine dans l Inde en Perse en Jud e au Mexique au P rou dans toutes les civilisations de premi re pousse le principe des soci t s humaines est encore celui des soci t s animales l individu appartient la communaut comme l abeille sa ruche comme la fourmi la fourmili re il n est qu un organe dans un organisme Dans la p riode h g lienne d une 1 Ibid XL p 94 95 2 Ibid IL p 76 102 L TAT SUBSIDIAIRE conscience encore nocturne seule la n cessit circonstancielle mais sur longue dur e justifiait une esp ce de servitude Pourtant Pesprit naturel de libert mest pas si fort qu il surgisse et se r alise d s que le d
311. par osmose et naturellement en dehors m me de tout choix volontaire Il s agit d une application concr te de la soci t m di vale parfaite r invent e par la nostalgie de La Tour du Pin Mais l histoire veut que le refus de la repr sentation plurielle et confictuelle engendre imman quablement la contrainte Salazar malgr ses grandes qualit s intellectuelles et humaines se trouve tre la ni me victime du mythe du Grand Inquisiteur Le fascisme de Mussolini exprime de la m me fa on la nostalgie d un retour la soci t organique la soci t communaut Les discours du duce laissent d abord appara tre des contradictions inexplicables en ce qui concerne 1 Discours du Dr Veiga de Macedo ministre des Corporations cit par J Ploncard d Assac L Etar corporatif On reconna t dans ce discours les termes m mes de L on XIII C MILLON DELSOL 6 wa ii 4 p LE 08 T Nas 162 L TAT SUBSIDIAIRE la question du r le de l Etat L inspiration chr tienne est vidente et l vocation du principe de subsidiarit on ne peut plus clairet Par ailleurs le refus th orique de l tatisme est d velopp loisir Dans un discours prononc le 6 octobre 1934 devant les ouvriers de Milan Mussolini pose la question qui aboutit la r ponse corporatiste dans l conomie l int r t collectif prime sur l int r t indi viduel postulat anti lib ral la solution serait donc d tatiser l
312. participation mais aussi la libert d auto nomie c est dire pour chacun la possibilit d agir et de penser selon ses propres fins Dans ce cas la libert ne s arr te que l o commence celle des autres et la concr tisation juridique du principe tendrait par l nonciation des conditions de l ing rence tatique lui fixer des bornes toutes diff rentes valu es sur le crit re du bien commun En cons quence il faudrait choisir selon R Herzog entre une constitution d mocratique et une constitution respectueuse du principe de subsidiarit et c est pourquoi la loi fondamentale allemande ne se r clamerait pas implicitement du principe M me si cet argument a t balay d un trait par J Isensee il appara t pourtant d terminant et contribue la r flexion sur ce sujet En effet la valorisation du bien commun justifie la fixation de limites la libert individuelle qui sont autrement plus importantes que celles de la simple libert des autres Et m me si l on admet que le bien commun mane d un consensus le fait de restreindre la libert individuelle en vue d un bien tre g n ral ou d une solidarit que la majorit des citoyens valorise peut laisser penser un exercice de d mocratie jacobine davantage qu la r alisation d une d mo cratie lib rale ce qui est d ailleurs l argument de certains lib raux face aux politiques sociales fiscalisantes Il est vrai
313. particuliers Car nul ne lui a donn le pouvoir sur les uvres et il ne le poss de donc pas Il ne poss de que ce que les individus lui ont confi le pouvoir d assurer la paix la s ret la concorde dans la soci t par tous les moyens n cessaires fussent ils violents mais l gaux et non arbitraires Il est significatif que Locke r serve la d nomination de politique non pas au gouvernement attach l int r t public mais au gouvernement qui res pecte la propri t au sens large d autonomie des individus Il oppose politique despotique r servant ce dernier titre aux pouvoirs qui nient la soci t civile au lieu de la garantir N est politique que ce qui suppl e aux manques de l tat de nature aux incapacit s de l individu sans se substituer lui dans les domaines o il est capable d agir Le pouvoir despotique gouverne des hommes qui n ont pas de propri t du tout c est dire qui n ont pas d uvres eux Les th o riciens avaient tendance jusque l d finir le despotisme par l arbitraire du commandement et le d tournement de l int r t public au profit de l int r t particulier du gouvernement Locke le d crit davantage comme la confiscation des autonomies ce qui est tout diff rent 1 Ibid p 177 L TAT SUPPL ANT 87 De la m me fa on il distingue l usurpateur du tyrant Le mauvais gou vernement nest pas celui qui s arroge un pouvoir ill gitime Ni m m
314. pas un compl ment aussi large que le manque et quel que soit le manque Car en ce sens l Etat despotique suppl e aussi en compensant tout L id e de suppl ance suppose davantage la participation de l instance publique une uvre pr existante et pr organis e C est ainsi qu elle se distingue de celle du lib ralisme classique Chez Taine il s agit d j de subsidiarit plus que de suppl ance Ici la soci t organis e suscite les secours Chez les lib raux l Etat ne pouvait une soci t individualiste qu apporter des compl ments Conflit et contrat C est le sentiment d un paradoxe irr ductible qui m nera Proudhon l id e de subsidiarit Cette d marche d ailleurs va de soi L Etat subsidiaire vaut pour pr server un quilibre C est toujours la conscience d une antinomie qui 1 Ibid II p 563 108 L TAT SUBSIDIAIRE le promeut Chez Proudhon cette conscience prend un tour angoiss Elle m ne au d part des conclusions sans compromis Plus tard elle cherche des solutions viables et r alistes On se souvient toujours du Proudhon anarchiste mais moins de celui du Principe f d ratif Il faut dire que l imp tuosit du personnage et de son style laissent mal imaginer des solutions d quilibre Dans De la justice Proudhon se demande comment il se fait que la soci t ne puisse se passer de gouvernement Mani re d accorder que l anarchie n a pas d
315. plus attrayantes Le partage des comp tences pourra s organiser soit par un accord entre l instance qui se d charge et celle qui prend en charge soit en laissant l Etat juge des comp tences avec possibilit de recours 1 Cf la distinction entre l aide institutionnelle et l aide solidaire A Utz Formen und Grenzen P 23 et ss 2 Cf cette discussion chez H Kalkbrenner Die rechtliche Verbindlichkeit des Subsidiarit ts prinzip p 530 et ss PROBL MES CONTEMPORAINS DE L TAT SUBSIDIAIRE 207 L intervention tatique est command e en Allemagne par des imp ratifs pr cis connotation juridique On peut citer le principe de proportionnalit qui enjoint l Etat de ne pas intervenir s il doit ce faisant utiliser des moyens qui mettront en cause la finalit vis et Il s agit ici de rappeler le dessein de l action de l Etat qui consiste toujours combler les lacunes de l action des forces sociales pour prot ger une dignit pr sente et une capacit de libert future Le l gislateur envisage les effets pervers propres au devoir d ing rence sachant que la puissance publique comme toute autorit a toujours tendance oublier son caract re de moyen et se prendre elle m me pour fin L valuation prospective des cons quences de l utilisation des forces employ es dans l intervention peut inciter pr f rer la non intervention Le principe d interdiction de l exc s formul
316. porations Il se donne le droit en 1934 de cr er des corporations obligatoires Dot es de pouvoirs importants mais troitement sur veill es ou m me dirig es indirectement par l Etat les corporations exercent des fonctions politiques au sommet et la base non seulement r glent la vie co nomique mais organisent la vie culturelle et l assistance Le syst me portugais se r clame de la doctrine chr tienne et du principe de subsidiarit les grands corps cr s par Etat int grent et disciplinent les organismes qui existaient auparavant mais ne les absorbent pas ni ne se substituent eux dans leur fonctionnement formel 1 Pourtant ici le principe de subsidiarit est enserr dans un syst me de pens e qui d finit pr cis ment les contours du bien commun et r oriente le principe en le d naturant L id e ma tresse de capacit qui dicte la limite de l intervention de l Etat subsidiaire a ici compl tement disparu au profit d une d finition de l homme diff rente De larges pans de la libert individuelle se trouvent ni s pat la crainte des abus n fastes Il s agit d un tatisme sous tendu par une thocratie d un gouverne ment des valeurs morales au d triment de l initiative individuelle Le salazarisme est victime du mythe de la repr sentativit parfaite que l on retrouve chez nombre de dictatures ou de despotismes souvent religieux Il croit que la cor poration repr sente les travailleurs
317. principe th orique Il est de n cessit naturelle Il na t pour ainsi dire longtemps avant d tre pens Le th oricien moderne de la soci t norm ment de mal imaginer une chose pareille Il voudrait que toutes les uvres humaines le langage l association la soci t elle m me manent d un projet organisationnel qui les l gitiment par avance Il cherche une n cessit de l intellect Mais les uvres humaines ob issent plus souvent des n cessit s internes qui nous d plaisent parce que nous ne pouvons pas les ma triser Elles s chappent du dedans et ne rendent compte que de leurs propres exigences La communaut familiale n a pas d autre raison que lincapacit de l homme s panouir seul Hors d elle il meurt Et pas seulement de faim M me s il ne meurt pas physiquement il meurt lui m me s identifie la b te il est sans feu ni lieu L homme est un animal social parce qu il ne devient homme que dans le groupe Il se d finit par une culture et c est la soci t qui lui fait don de la culture L animal peut apprendre quelques tours de foire Mais il vit de l instinct biologique imm morial et sa lign e ma pas d histoire L homme se distingue en ce qu il acquiert une culture qui s accumule et se transforme savoir vivre savoir faire h ritages de la pens e et des sentiments m lang s Les soci t s auxquelles il appartient lui transmettent ce
318. projets normatifs juridiques moraux politiques La soci t avec son cort ge d autorit s et de hi 1 G Walter Les origines du communisme Payot 1975 NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 123 rarchies est naturelle l homme eu gard son essence propre dont la libert fait partie Ce n est pas la soci t politique qui emp che la dignit ontologique de se concr tiser parfaitement mais le mal lui m me qui surgit dans toutes les uvres humaines y compris dans la soci t Le but normatif de toute soci t doit donc tre de tendre r aliser la dignit au mieux de ses possibilit s en luttant contre les perversions qui sont elles aussi au c ur de notre nature La dignit appara t la fois r elle ontologiquement et thique socialement Si la dignit de l homme demeure toujours inchang e m me au sein de la plus grande d ch ance si elle ne risque pas d tre affect e par les d boires exis tentiels on peut se demander pourquoi il est si urgent pour une soci t de la respecter et de la garantir Un certain fatalisme chr tien voulait que la mis re et autres calamit s ne deviennent pas n cessairement un souci pour les gouvernants puisque aucune de ces avanies ne remettrait en cause la grandeur de la cr ature ni sa destination c lestel Concr tisation de la dignit Pourtant cette s paration radicale de la vie terrestre et de la vie spirituelle devient impossible quand la situation du
319. ques elles se caract risent toutes deux par ce pouvoir restrictif laiss au roi qui n y est pas ma tre absolu en toutes choses Agamemnon et le roi spartiate ne re oivent le pouvoir supr me que pour des t ches limit es notamment pour la guerre Tandis que le roi barbare par exemple celui des Perses jouit du pouvoir supr me sur toutes choses l gal du ma tre de domaine ou du chef de famille Il semble donc bien qu ici dans la question du r le attribu au pouvoir s exprime la question la plus fondamentale de la politique D ailleurs Aristote exprime plus loin parlant de la d mocratie rurale qu il consi 1 Ibid VI 8 1321 b 14 3 Ibid III 14 1285 b 30 3 Ibid III 14 1285 a 4 4 Ibid VI 4 1318 b 10 et ss LA NOTION D INSUFFISANCE EN POLITIQUE 19 d re comme la plus parfaite car les agriculteurs repr sentent pour lui la partie la plus saine d une soci t une id e significative concernant ce que le peuple attend prioritairement d un pouvoir politique Les hommes dit il et surtout les travailleurs de la terre sont peu avides des t ches de la d mocratie participative voter prendre part aux affaires publiques Ils pr f rent s occuper de leurs affaires personnelles afin de s assurer une vie confortable Cette assertion peut para tre trange de la part d un Grec de l poque qui par ailleurs valorise la d mo cratie mod r e On pourrait d abord pen
320. quilibrage entre les libert s d ploy es et le pouvoir capable d en viter les exc s Une pens e syst matique ne pose pas le probl me du r le de l Etat celui ci peut y tre tout ou n y tre rien mais Pam pleur de ses services n appelle pas discussion Tocqueville observe autour de lui des constructions r elles ou th oriques o l Etat vise tre tout Il pourrait parce qu il a assez d esprit de r volte et beaucoup d ironie devenir anarchiste Mais son bon sens le lui interdit Il lui faut donc travailler dans la nuance et dans le compromis L Etat suppl tif est le r sultat d un compromis entre des n cessit s paradoxales Variations des sph res d autonomie Montesquieu r clamait d j que l Etat soit secondaire et suppl tif La c l bre th orie des trois pouvoirs repr sente une cons quence de cette vision fondatrice du r le de PEtat On sait que la hantise de l auteur de l Esprit des lois tait d viter 1 L Ancien R gime p 248 249 LES D BUTS DE L TAT SUBSIDIAIRE 71 J les abus de Pinstance souveraine d chapper Penflure naturelle du pouvoir Mais il souhaite galement que l organisation politique permette la soci t d chapper l enflure de l ing rence de PEtat dans les domaines social et cono mique Il est significatif de voir par quels arguments Montesquieu r cuse la prise en main des activit s commerciales par le prince Il a remarqu que le despote
321. r avant de se trouver dans l obligation de faire elle m me Les cr ances sont ici un pis aller et le signe d un chec de l action d incitation Cr ances et galit D autre part Pintervention tatique dans la doctrine sociale se diff rencie de celle de l Etat moderne en ce qu elle dispense des cr ances subsidiaires et non des cr ances gales De m me que l instance tatique n intervient dans le temps qu apr s avoir tent de susciter les autonomies et apr s avoir constat leur inca pacit en tel domaine elle n intervient dans l espace social que l seulement o les autonomies demeurent impuissantes Il s agit donc d un secours choisi et d taill non d un secours g n ralis Alors que l id e de droit cr ance inclut rapi dement une id e d galit qui l gitime une distribution du secours tous sans exception sans consid rer les capacit s de chacun Les droits cr ances finissent par abolir tout effort pour devenir davantage capable et toute pr tention une autonomie venir c est ainsi que s amplifie naturellement l Etat providence et c est bien cela que reproche la doctrine chr tienne au secours massifet g n ralis Par ailleurs elle juge normal que les in galit s au d part soient v cues comme telles condition que le secours d une instance sup rieure permette en m me temps que de combler les manques de susciter le d veloppement de l autonomie exsang
322. r Et l Etat providence repr sente l adver saire principal de l id e de subsidiarit comme l Etat despotique repr sente l adversaire de la d mocratie L Etat subsidiaire parvient ses fins harmoniser la libert d autonomie et un ordre social juste par la maintenance et le d ve loppement d une soci t form e d autorit s plurielles et diversifi es c est dire en r cusant l individualisme philosophique Le seul moyen de concilier les deux valeurs du paradoxe consistera dans la d fense des libert s in galement d ploy es mais toutes d ploy es au maximum de leurs capacit s et accepter que l ordre juste soit garanti par les libert s elles m mes dans la mesure de leur efficacit l autorit politique garantissant positivement ce qu elles n ont pu accomplir La certitude premi re des partisans du principe est que toute soci t atomis e engendre l Etat providence si elle r clame un ordre juste On ne saurait la fois sauvegarder la libert la justice et l individualisme Pour mettre fin l aporie c est l individualisme qui doit tre remis en cause Il ne s agit pas de r cuser la soci t moderne telle que n cessairement elle est mais de plaider pour une soci t vivante du moins organis e si elle n est plus comme auparavant organique C est pourquoi la notion de subsidiarit s applique toutes les autorit s diverses qui se sub rdonnent et se superposent e
323. r duite comme si le monde entier p rissait et s ab mait R publique I1 XXII 32 L TAT SUBSIDIAIRE poss de deux caract res pour ainsi dire contradictoires elle est la fois pouvoir absolu et pouvoir temporaire Ce qui laisse bien comprendre son paradoxe elle est indispensable comme pouvoir absolu et d test e comme telle Potion am re L id e de situation exceptionnelle l gitimant un pouvoir exceptionnel apparait d s nos origines li e l id e m me de pouvoir politique li e comme un envers double lendroit Nous rencontrons cette id e dans l Antiquit puis partir de la Renaissance peu d velopp e au Moyen Age parce que le Moyen Age ne conna t pas l Etat stricto sensu m me si elle repr sente toujours le contraire de la politique ordinaire Pour un chef de cit s opposer si ce mest momen tan ment en raison de quelque n cessit ce que les sujets accomplissent leur t che serait contraire au sens d un gouvernement humain Elle enjoint l Etat de se livrer des t ches anormales et c est travers ces descriptions qu merge en pleine lumi re ce que sont les t ches normales ou naturelles de l Etat Dans les cas de situation exceptionnelle depuis Antiquit jusqu nos jours l instance publique non seulement s arroge pour un temps les pouvoirs des magistrats sup rieurs ou des chambres ou des divers organes repr sentatifs mais il annihile son prof
324. r ou de concr tiser n importe quel syst me abstrait Le fait de lui conf rer un r le de suppl ance sous entend une vision politique et sociale sp cifique Face aux diverses conceptions de l autorit celle ci suppose la rel gation de l autorit au second rang mais qu il ne faudrait pas traduire par n importe quelle secondarit Subsidiaire signifie aussi secondaire mais non pas al atoire L auto rit n est pas la r serve comme cette troupe de r serve dont on esp re ne pas se servir Elle est une suppl ance dont la soci t a toujours besoin mais dont elle a plus ou moins besoin en fonction de ses insuffisances Trois id es compl men taires se conjuguent pour exprimer l id e de subsidiarit L autorit est seconde en ce qu elle ne tire sa n cessit que du besoin d une autre instance Elle n a pas de finalit propre et n existe pas pour elle m me mais concourt au d veloppement social Par l elle prend rang de moyen Mais elle est moyen oblig non superf tatoire Il ne s agit donc pas de la croire seconde au sens o l on pourrait s en passer L autorit est suppl tive parce qu elle a pour premier r le de pallier les insuffisances de la soci t mais sans uvrer sa place dans les domaines o elle se suffit Elle justifie d abord son existence par l existence du besoin de l instance sociale Enfin l autorit joue un r le subsidiaire au sens de
325. r exemple Paul VI Allocution du 27 mars 1968 C est aux relations internationales que s ap plique maintenant la justice sociale mais plus loin il s agit d une loi de charit CH A PIT RE I X Le corporatisme ou la d viance du principe de subsidiarit Il reste que le principe ne se concr tise pas dans mimporte quelle soci t Il a t question jusqu pr sent de ing rence et de la non ing rence de l Etat Mais une soci t compos e d une multitude d individus solitaires face l Etat ne conna trait jamais que l Etat tout puissant ou l Etat en retrait Si l on veut imaginer une soci t totalement individualiste celle ci avouerait une incapacit totale et PEtat s il veut suppl er y suppl erait tout c est dire qu il ne s agirait plus de suppl ance La notion d aide subsidiaire suppose des autonomies et des initiatives qui ne sauraient tre le fait des individus mais seulement des individus regroup s organis s et solidaires L id e de capacit s applique aux groupes autant et plus qu aux hommes Le devoir de non ing rence et de secours s applique aux groupes vis vis des hommes et des autres groupes autant qu l Etat lui m me Pour chapper au dilemme f cheux entre le lib ralisme et le socialisme la doctrine sociale r clame une soci t non plus organique comme celle d Althusius mais vivante c est dire tiss e de groupes autonomes Pour fuir l
326. r l Etat alli la conscience de la n cessit de Paide tatique rejoint l id e moderne de bon scolaire allocation vers e directe ment aux familles et vitant ainsi une intrusion tatique L id e lib rale concer nant l intervention de l instance publique dans ce domaine s organise autour de la notion de subsidiarit L Etat n a pas financer l instruction de tous les enfants car il n ob it pas un principe d galisation mais de suppl ance des manques Les classes cultiv es et ais es veulent et peuvent subvenir seules ce besoin D ailleurs le financement g n ralis accro t les in galit s au lieu de les restreindre puisqu il offre un superflu ceux qui sont d j largement pourvus du n cessaire C est seulement des autres que l Etat doit s occupert et il magit qu en cas de vacance L obligation d ducation est impos e d abord au p re de famille et subsidiairement l Etat et en cas de besoin reconnu Quand la soci t en g n ral est si arri r e qu elle ne pourrait pas ou ne voudrait pas se procurer les moyens convenables d ducation en pareil cas la puissance publique ayant choisir entre deux maux peut suppl er les coles et les universit s de m me qu elle peut faire Poffice des compagnies par action dans un pays o l entre prise priv e n existe pas sous une forme qui lui permette d entreprendre de grands ouvrages d industrie Mais en g n
327. ra t encore comme le couronnement d un ordre qui lui pr existe et qu il nie non pour le d truire mais pour lui apporter un suppl ment d tre Apr s Althusius c est probablement chez Hegel qu appara t la notion la plus stricte et pour ainsi dire la plus pur e de l Etat subsidiaire Et ceci parce que nous nous trouvons toujours en Allemagne devant une soci t presque priv e d Etat vivant et agissant par ses propres forces depuis des si cles Aussi l id e de secondarit et de suppl ance prend elle tout son sens et rien de plus que son sens Tocqueville et Taine d crivent sous leur regard des soci t s priv es de leurs ressorts internes par la centralisation abusive La suppl ance appara t donc fauss e par la demande exigeante d une soci t affaiblie L Etat devra accomplir avant de devenir ce que l on attend de lui des t ches superf tatoires n cessit es par les mauvaises habitudes prises et une t che d ducation voulue par les circonstances L id e de secours d urgence peut difficilement se concr tiser quand la faiblesse sociale est telle que tout devient urgent et il est malais de d finir l exception quand l exception provisoirement au moins est devenue la r gle La soci t d crite par Hegel d montre a contrario sa force et son ind pendance Ici PEtat est une notion neuve alors que chez Tocqueville il fallait revitaliser la soci t Et parce que l Etat est const
328. raditionnels monarchie aristocratie d mocratie Chacun poss de ses avantages et ses inconv nients La monarchie forme la plus ancienne h rit e du gouver nement divin s enlise facilement dans les complots La d mocratie conduit videmment l anarchie laristocratie aux querelles Il ne s agit pas de privi l gier Pune ou Pautre Toutes peuvent gouverner la soci t symbiotique condition de se donner des limites institutionnelles Contrairement Bodin Althusius ne professe aucun m pris Pencontre du gouvernement mixte Ce sujet d ailleurs ne constitue pas Pessentiel de son discours Il en parle pour sacrifier la tradition A P poque un th oricien politique ne saurait omettre de disserter sur les formes de gouvernement Mais pour lui la v ritable poli tique mest pas l La politique mest pas le fait du prince mais de toute la soci t Quand politique et soci t se confondent nous autres modernes voyons l un totali tarisme ouvert ou cach le pouvoir s immis ant partout La Politica d crit exactement le contraire La politique est l art de l association des hommes dans le but d tablir de cultiver et de conserver entre eux le lien social Ainsi m importe quel groupe association ou communaut agit d j politiquement puisqu il s attache d fendre un int r t commun tout en prot geant les auto nomies de ses membres Les communaut s peuvent tre priv es comme le
329. ragmatisme voire cet esprit d opportunit ouvre la voie aux th ories non syst matiques du r le de PEtat L galit fin et moyen Outre les justifications par lincapacit intrins que des sujets le despote avance des raisons d agir et propose des compensations propres faire oublier ses intrusions Mais au del sa mani re de gouverner a des causes profondes correspondant la nature de son gouvernement Les raisons avanc es tiennent aux erreurs commises dans la gestion des particuliers Toute gestion a ses d faillances Le monarque s en empare comme d alibis puissants Il guette les maladresses des pouvoirs sociaux Profitant de linertie de celui ci de P go sme de celui l pour prendre sa place s aidant de tous leurs vices n essayant jamais de les corriger mais seulement de les supplanter il avait fini par les remplacer presque tous en effet par un agent unique l inten dant Au lieu de soutenir les initiatives afin de les relever s il le faut il profite de l inattention et de la faiblesse pour usurper Est ce l pr ter au despote un cynisme exag r Non sans doute puisqu il laisse d lib r ment aux sujets l apparence des pouvoirs anciens et va jusqu leur offrir en contrepartie des libert s sans usage ainsi celle de discuter de probl mes abstraits comme s il se moquait Certes le pouvoir tend ses actions par nature et son instinct vise toujours plus de domin
330. rait celui qui regarde l ampleur de la t che accomplir et son objet Il semble naturel que chaque individu r gisse ce qui concerne Pindi vidu que chaque groupe social r gisse ce qui le concerne en tant que tel que le gouvernement r gisse les affaires seulement communes De cette fa on personne ne perdra son autonomie Mais ici mest rien r solu O s arr te ce qui concerne seulement l individu et le groupe o commence ce qui a trait l ensemble de la nation La pr cision n a fait qu en appeler une autre 1 De la capacit politique p 215 112 L TAT SUBSIDIAIRE Le dernier crit re au del duquel on ne saurait en trouver un autre est celui de la capacit Tout ce que peut ex cuter l individu en se soumettant la loi de justice sera donc laiss l individualit tout ce qui d passe la capa cit d une personne sera dans les attributions de la collectivit Il s agit donc prosa quement d observer l action r ussie capacit est aptitude r ussir Il s agit de regarder d abord si l entit concern e par le besoin se trouve apte le combler partir de l s impose la non ing rence ou l ing rence d une autre autorit Encore faut il pr ciser que Proudhon croit les instances et les groupes sociaux capables d une large autonomie et encore faut il pr ciser laquelle car l id e de capacit comporte une part de subjectivit qu est ce que r ussir com
331. ral pour elles le maintien purement n gatif de la s ret ne peut suffire 1 La charit individuelle pallie les indigences temporaires PEtat est le tuteur naturel de ceux qui en manquent Il organise par ses services ou ici chez Humboldt par les services d centralis s des communes l orphelinat des enfants abandonn s prend les d cisions la place des ali n s surveille les parents dont l ducation est d fectueuse et subventionne les incapables S Mill r clamait les m mes mesures Ici PEtat n est pas n gatif par principe mais il refuse d tre positif par principe Il ne traite pas tous les citoyens la m me aune mais selon l aune du besoin La fronti re de son intervention ob it des circonstances non pas fond es sur l opportunisme ou l arbitraire mais trac es selon le principe de la suppl ance Cependant la tendance persistante de cette pens e reste une m fiance envers l intervention parce qu elle pose comme vidence que l intervention tatique est la pente de la facilit et que l intervention de nature incline au despotisme des comp tences 4 A cet gard l histoire de lPEtat providence ne lui donne pas tort Ainsi loin de juger ill gitime l aide de l Etat elle s ing nie l assortir de conditions draconiennes pour r pondre d avance ses exc s in luc tables On se demande cependant au nom de quoi l Etat serait ainsi en charge de la soci t dans les ca
332. ral si le pays renferme un nombre suffisant de personnes capables de donner l ducation sous les auspices du gou vernement ces m mes personnes pourraient et voudraient donner une ducation galement bonne sur la base du principe volontaire s il tait entendu qu elles seront assur es d une r mun ration tablie par une loi rendant l instruction obli gatoire et garantissant l assistance de l Etat ceux qui seraient incapables de la payer La question de l assistance aux d favoris s est plus d licate Cette aide ne contribue pas au progr s du peuple et ne comporte qu une finalit pour ainsi dire morale Le probl me se pose donc de savoir si l assistance d veloppe lauto nomie des plus pauvres ou au contraire la r duit en se substituant eux le m me souci appara t aujourd hui dans l organisation du Revenu Minimum d Insertion qui se veut de son propre terme capable d encourager et de d velopper les capacit s d autonomie Le fait m me que cet additif l assistance demeure le plus souvent un v u pieux montre bien son caract re d alibi servant pour ainsi dire justifier l assistance Une assistance vers e sans cette contrepartie ou bien se trouve vivement critiqu e par les partisans de la responsabilit individuelle ou bien aboutit rapidement un diff rentialisme g n rateur de m pris J Bentham 1 Smith Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations
333. ralisation de ses incapacit s Politique et administration Tocqueville r clame PEtat sain une lucidit et une abn gation qui demeu rent peut tre au del des forces humaines S il se trouve confront une soci t faible il lui faut la fois secourir fortement pour pallier les d faillances multiples et favoriser de l autre main les moindres initiatives encore existantes Conserver l individu le peu d ind pendance de force d originalit qui lui restent le relever c t de la soci t et le soutenir en face d elle tel me para t tre le premier objet du l gislateur dans l ge o nous entrons Il faudrait que dans une situation de r les renvers s l Etat suscite le rel vement d une soci t qui en principe cons titue le seul rempart contre sa naturelle excroissance Tocqueville doit bien se 1 L Ancien R gime p 245 2 D mocratie en Am rique p 360 8 Ibid p 367 74 L TAT SUBSIDIAIRE douter de l irr alit de cet espoir puisqu il promet aux d mocraties futures une aggravation de centralisation M me si les mod les ne sont pas exportables la soci t am ricaine reste l exemple de l organisme demeur vivant face la centralisation d mocratique une image enviable malgr ses d fauts av r s C est partir de la description de l Am rique et non en figurant un id al que Tocqueville d peint le r le souhaitable de PEtat La diff rence entre centr
334. rannie quelque aversion qu on lui voue n opprime jamais autant qu un despotisme Les Grecs de l poque avaient connu bien des tyrans qui gouvernaient en vauriens et rem pla aient les lois par l arbitraire mais qui taient bien trop occup s par les plaisirs du tr ne pour perdre leur temps quadriller toutes les activit s de la cit Leurs exactions taient d sagr ables et parfois terrorisantes mais en g n ral jamais assez syst matiques pour tre rig es en principe Les tyrans d ailleurs n avaient sauf exception gu re de principes mais surtout des passions Les Grecs par contre n avaient jamais t opprim s par des despotes capables de sacrifier leurs loisirs l organisation m thodique de l esclavage C est pourquoi m me ceux qui avaient voyag en Orient par exemple H rodote ou X nophon percevaient g n ralement assez mal l emprise du despote asiatique sur le commerce et sur la 1 Ibid 15 20 20 L TAT SUBSIDIAIRE terre et le contr le jaloux qu il exer ait sur les activit s sociales par l interm diaire de ses fonctionnaires affid s Cet aspect restait probablement trop tranger leurs mentalit s et de ce fait incompr hensible C est bien pourtant ce qu Aris tote a devin quand il parle du roi oriental et quand il affirme que certaines tyran nies n avaient pas retir aux citoyens quelque chose qui ressemble une libert fondamentale Lorsque nous
335. rantie de l autonomie sociale et le seul rempart contre le despotisme politique ou conomique Pour chapper inconv nient classique de cette m diation c est dire l emprise des despotats locaux il faut que la m me loi de distribution des comp tences s applique dans chaque sph re Les ateliers sur le plan conomique les communes sur le plan politique jouissent du maximum d autonomie possible D s qu ils ne suffisent plus assurer leurs propres besoins ils s associent entre eux par libres contrats afin d acqu rir davantage de puissance L Etat f d ral n appara t que comme un mandataire plac sous la main de ses commettants et dont le pouvoir varie leur gr 3 On le mandate l o l on a besoin de lui Pas de pr jug quant au domaine ni l tendue de son ing rence sauf le moins possible Encore le moins possible peut il signifier une intervention assez large en cas de n ces sit Par exemple il doit cr er les entreprises d utilit publique faute d un autre cr ateur aventureux mais loin de devenir entrepreneur il les laissera ensuite aux soins de la soci t t dans la mesure du possible R solution des apories historiques La confiance qu accorde Proudhon au syst me f d ral appara t totale et tonnante Il est persuad que cette organisation r sout toutes les difficult s que soul ve l accord de la libert et de l autorit 5 Tous les exc s seront
336. rce la possession de la souve raine v rit et du Bien absolu En r alit si l on d veloppe jusqu son terme l id e de finalit sociale chez Taparelli on s aper oit que la libert accord e aux corps sociaux reste bien limit e La libert d agir signifie seulement la capacit de se mouvoir dans la vie selon une nature vertu pr alablement d finie Il ne s agit pas tant de r clamer le d ploiement le plus large possible des autonomies que de s assurer qu elles tendent vraiment au bien commun dans son sens moral Pour moi si je devais me mettre la merci d un ma tre et que j eusse choisir entre deux gouvernements l un constitutionnel dot de toutes sortes de libert s artificielles mais sans conscience l autre r gime absolu mais ayant gard son organisme et sa hi rarchie naturelle et servi par des ministres et des fonctionnaires franchement catholiques je le d clare c est ce dernier que je pr f rerais confier mon sort Nous nous trouvons comme plus tard avec le corporatisme face une pens e id aliste qui croit s opposer aux d viances du pouvoir par la vertu rig e en principe de gouvernement Pour avoir banni la libert abstraite de la r volution Taparelli finit par pr f rer la morale la libert L autorit politique n a donc pas pour vocation de diminuer ou m me de 1 Ibid I p 308 2 De l origine du pouvoir p 299 3 Ibid p 311 138 L
337. re et encore et l on a l impression qu elle n arr tera jamais de grandir Chaque r vo lution apporte des libert s nouvelles qui s additionnent mais ne se suffisent jamais La R forme r clame le libre examen La R volution fran aise appelle une constitution Le xrx si cle parle de d centralisation L autorit ne cesse pas de reculer par concessions successives Pourtant elle demeure n cessaire m me si elle est de plus en plus mal aim e La solution du conflit se trouve dans l invention d un syst me capable de faire cohabiter les deux contraires l autorit minimale n cessaire la conservation sociale et la libert maximale r clam e par le d veloppement de la civilisation Ce syst me n a pu parvenir plus t t r alisation parce que la force int rieure du principe de libert coextensive la culture n tait pas encore son terme La pens e de Proudhon est pro gressiste comme celle de la plupart des crivains sociaux du xrx si cle Comme eux il a rompu avec la pens e diff rentialiste d Aristote qui se poursuit jusqu Montesquieu Il ne croit pas que certains peuples courent par nature la libert et d autres l autorit Il voit le f d ralisme comme Pavenir oblig de tous les peuples dans l ordre du tempst Il reste se demander pourquoi le f d ralisme repr sente une avanc e qualitative la premi re et la derni re et une sorte de fin de l histoire au sens o
338. re romaine de l aisymn tie grecque si une n cessit pressante le l gitime L autorit politique r pond une vacance diff rente selon les cas Il se l gitime par une utilit stricte et en vue de la solution du probl me qu elle sous tend Cela implique une dissociation t t conceptualis e entre les t ches d volues au pouvoir souverain et celles conserv es par la soci t Cela implique une distri bution coutumi re des t ches diverses et corr lativement d autorit s diverses dans des sph res sociales hi rarchis es selon l ampleur de ces t ches Les attributs traditionnels du pouvoir politique dire la loi la faire ex cuter lever l imp t faire la guerre ne sont pas obligatoirement d volus au pouvoir souverain d autres autorit s plus restreintes peuvent s en charger et ne les lui d l guer qu en cas de besoin Cela suppose l id e pr coce de contrat car c est bien ainsi qu il faut comprendre le choix d un roi chef de guerre ou porte chance Son autorit ne lui vient pas d en haut mais d en bas de la soci t qui le promeut Encore celle ci ne lui conf re t elle qu une part d autorit charge pour lui de l utiliser pour s acquitter de l uvre concr tement assign e S il choue ou si la tentation tr s humaine lui vient d accro tre abusivement sa puissance il peut tre relev par l instance qui l a choisi L id e de contrat politique d velopp e par
339. relatives l int r t g n ral peuvent tre support es par les groupes Et PEtat suppl e non pas math matiquement mais qualitativement Il transforme les actions en m me temps qu il les compl te Ou encore il apporte un compl ment d me en m me temps qu un compl ment de quantit C est en ce sens qu Hegel peut affirmer que la libert individuelle se trouve grandie nantie d un sens suppl mentaire si elle se d ploie dans une soci t gouvern e par une instance souveraine L Etat permet l individu de d passer le stade de la libert singuli re visant aux seuls int r ts singuliers Il d veloppe ainsi pleinement la conscience et le souci de l universel qui s exprimait d j mais imparfaitement dans les groupes porteurs d int r t g n ral Pr cis e de la sorte l id e de suppl ance tatique chez Hegel permet d intro duire et de mettre d j en pleine lumi re la diff rence fondamentale entre la sup 82 L TAT SUBSIDIAIRE pl ance chez les lib raux et la subsidiarit dans le courant catholique social Ces deux courants vont utiliser le m me concept de suppl ance pour d finir le r le de l Etat mais en des sens diff rents Cette diff rence s exprime non pas seulement dans la quantit des t ches compl mentaires n cessaires qui d coule d appr ciations diverses en ce qui concerne la limite des incapacit s sociales mais surtout dans la nature m me de l uvre
340. rim est illimit Le p re doit gouverner l enfant dans ses app tits dans ses actes et dans ses acquisitions enti rement Cependant cette autorit aux attributions tr s vastes se trouve limit e dans le temps d o sa sp cificit Aussit t l enfant devenu adulte l autorit du p re cesse par la disparition de la n cessit qui la justifiait Si comme il arrive dans certaines familles le p re conserve alors un pouvoir r el sur ses enfants ce pouvoir ne provient plus que de leur consentement conscient ici ils lui r clament ou lui laissent un atbitrage dont ils ont besoin et ce moment le pouvoir du p re se met res sembler au pouvoir politique Le pouvoir du p re est donc fondamentalement suppl tif il suppl e leur manque d aptitude et d intelligence dans l art d administrer leur propri t il faut savoir qu ici comme ailleurs par propri t j entends celle que l homme a sur sa personne et non pas seulement sur ses biens 2 Le pouvoir politique diff re en ce qu il n est pas naturel c est dire allant de soi et fond sur l instinct mais artificiel c est dire construit volontairement et fond sur un contrat Pourtant il ressemble au pouvoir paternel en ce qu il est encore suppl tif il r pond un manque il vient assouvir un besoin Dans l tat de nature l homme se trouve impuissant mais pas de la m me mani re que Penfant Car il sait survivre seul et cette a
341. rincipe de subsidiarit chez Taparelli repose donc d abord sur une certitude tr s thomiste de l importance de Pacte qui parfait l tre Elle repose aussi sur une compr hension sp cifique du bien commun Il s agit moins de la d finition du bien commun que de la reconnaissance des sph res o il se poursuit et se concr tise Lib ralisme et socialisme croient l un et l autre que les groupes particuliers ne visent qu au bien particulier ne poursuivent que des finalit s individualis es ou priv es diff rentes de celles du bien g n ral voire contraires celui ci partir de l chacune des deux th ories tire une conclusion concernant le r le de l Etat selon l id e qu elle se fait du bonheur personnel et social Le lib ralisme pense que le pouvoir politique doit se contenter d un bien commun sous forme de r sultat car le bonheur s obtient pour chaque groupe et 1 Lorsque Taparelli parle de la soci t en g n ral il entend par l P autorit sociale Droit naturel I p 403 2 Ibid I p 296 NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 133 chaque individu par la poursuite exclusive des fins particuli res Le socialisme attribue au contraire au pouvoir politique un r le d ing rence dans les affaires de la soci t parce qu il pense que le bonheur s identifie la concr tisation d un bien commun que la soci t ne peut elle m me r aliser d aucune mani re Ici au contraire la co
342. rop ennes est un ersatz du mod le socialiste Il correspond la concr tisation d un concept d galit issu en partie de l id al d mocratique Si bien que comme Tocqueville lavait d montr avec talent la d mocratie qui fonde un Etat restreint sur le plan institutionnel engendre paradoxalement un Etat tentaculaire sur le plan socio conomique Le principe de subsidiarit se heurte l Etat providence non parce qu il r cuse l id e d galit mais parce qu il la donne comme r sultat issue de la garantie d Etat en dernier recours et non comme la finalit derni re du projet politique Dans son acception positive il ne r cuse pas la n ces sit d une certaine galisation sociale Concr tiser la dignit de chacun signifie en effet op rer une redistribution partielle des biens et services Mais l ing rence d Etat ne repr sente qu un moyen de recours dans cette redistribution Contraire ment ce qui se passe avec l Etat providence ici l galisation ne doit pas contri buer diminuer la libert d autonomie mais doit au contraire appara tre comme une uvre de la libert d autonomie Toute la soci t sera mise contribution pour r aliser le projet commun Afin de ne pas tomber dans une vision id aliste de la g n rosit humaine tout service librement rendu au bien commun sera privil gi par rapport aux actions visant au simple profit individuel L palisation relative en service
343. ropre perfectiont L unit du tout ne repr sente pas une abstraction mais une r alit mystique Le corps social ne subsume les individus que par interm diaire des groupes il ne peut donc les absorber puisque les finalit s ind pendantes r sistent et agissent pour leur propre compte Les actions du pouvoir politique ne peuvent tre l gitim es que par les besoins du corps social dont il reste le serviteur Cesse t il de garantir les conditions de cette unit d ordre il devient ill gitime Il est un rouage indispensable pour l accomplissement d une uvre qu il n a pas programm e mais qu il conceptualise partir d l ments ext rieurs lui Le Moyen Age n accorde gu re au pouvoir politique qu un r le de pacifi cation et d unification parce que l Eglise accomplit dans la soci t certaines t ches indispensables et suppl e aux carences les plus voyantes jouant dans la plupart des sph res sociales le r le de secours que Pon confiera plus tard PEtat Ainsi c est l Eglise qui en premier lieu appara t comme groupe subsi diaire Non seulement elle intervient dans la vie sociale mais elle est donn e par certains auteurs pour susceptible d intervenir l gitimement dans le pouvoir politique si le prince de l heure se trouve incapable ou d faillant Ce pouvoir indirect n intervient qu en cas de n cessit reconnue c est dire en cas de p ril politique et spirituel Il indique qu une
344. roupes d hommes o les vouloirs sont li s et unis mais o valent aussi les notions de suffisance et d insuffisance Le r le du pouvoir consiste d abord d chiffrer les capacit s et les incapacit s Tout ce qui est capable de parvenir de soi son but doit pouvoir y courir sans interm diaire Une aide sans besoin reconnu devient superf tatoire pire encore elle d nature l action et rend son acteur exsangue en le sous estimant Cette affirmation vaut la fois pour la personne physique et pour la personne morale Chaque groupe se suffit soi pour certaines fins qui le concernent et r clament des moyens adapt s ses capacit s Une seule famille dans une seule maison suffira bien certains besoins vitaux comme par exemple ceux qui se rapportent aux actes naturels de la nutrition de la g n ration et des autres fonc tions de ce genre dans un seul bourg on se suffira pour ce qui regarde un seul corps de m tier Chaque groupe demeure ma tre de ses fins en s adonnant certains actes propres par lesquels il existe et se d veloppe Une autorit plus haute serait ici mal propos d intervenir Par contre chaque homme ou groupe d hommes exprime en certains points 1 De Regno I ch I 3 De Regno I ch I APOLOGIE DE L ACTE LIBRE 43 des insuffisances de moyens au regard de besoins n cessaires ou de fins sp cifiques le r le des pouvoirs consistera pallier ces manques singuliers apr
345. rporations furent r ta blies par Pie XI avec le Moztu Proprio du 14 mai 1852 Il serait faux de dire comme La Tour du Pin que seul l esprit r volutionnaire et individualiste inspire la suppression des corps la fin du xve si cle Les corps entravent des libert s d action qui sauraient tre g n ratrices de bien commun Ils sont devenus absur dement tut laires et contraignants L id e de subsidiarit qui se d veloppe tout au long du xix si cle contredit la corporation et la divergence entre les pontifes et le courant chr tien fondateur du corporatisme appara t tr s t t Vision sociale utopique en d crivant une libert situ e le principe de sub sidiarit pose l existence de la libert individuelle m me si ses capacit s d extension varient avec les circonstances historiques et g ographiques Il pose aussi le d veloppement de la libert individuelle comme un bien en g n ral c est dire comme un processus susceptible d accro tre tant le bien de tous que le bien tre individuel A l inverse le corporatisme pense que la libert individuelle est ind fendable parce que d ploy e elle ne produit que de mauvais fruits C est pourquoi il juge normal d encadrer les individus dans les groupes qui d cident et assument les responsabilit s leur place Pour les corporatistes l homme n acc de la capacit de libert et de responsabilit qu l int rieur du groupe social Ici la soci
346. rs publics ne r alisent pas ce que sont m me de faire les individus et les groupes mais requiert cette intervention lorsque les individus et les groupes sont incapables de r aliser les objectifs d termin s qui sont n cessaires pour le bien commun ou lorsqu ils ne sont pas dispos s se soumettre dans la juste mesure aux exigences de l int r t g n ral Il est vident que ce crit re de capacit reste subjectif ainsi que le crit re du besoin Les circonstances entrent en ligne de compte pour les d finir Le besoin est naturellement plus vaste dans une soci t sophistiqu e et complexe le seuil en de duquel on ne peut plus consid rer que la dignit de l homme est respect e varie d un lieu et d un temps l autre La soci t complexe suscite une plus large intervention de l instance publique ph nom ne que Jean XXII appelle la socialisation et dont il admet qu il r duit le champ de libert des individus mais qu il consid re apparemment comme in luctable ph nom ne orienter vers un bien mais que l on ne peut gu re esp rer supprimer Plus la soci t devient complexe plus se d veloppent les petites injustices sur le terreau des libert s Mieux vaut une ing rence tatique raisonnable que l acceptation d injustices r p t es souvent dues au d veloppement de l conomie de march Plus la soci t se civilise plus elle r clame de biens et d assurances sa d finiti
347. rs sociaux serait la principale et l originelle question politique L Europe vit depuis plus de deux mill naires c est dire depuis le d but de son histoire sur une conception politique d finie par Aristote art de gouverner des hommes libres Le gouvernement et la libert ont tendance s autod truire et c est pourquoi la politique est un art command par la vertu de prudence donc une affaire d quilibre et de compromis entre des n cessit s adverses Mais entendre dans cette d finition seulement l id e que le gouverne ment doit se faire ob ir par l adh sion et non par la contrainte ou sous entendre la seule libert de participation serait de courte vue Libert signifie aussi la capacit de vaquer ses propres affaires quand du moins celles ci n int ressent pas la soci t enti re En posant la question de cette fa on l id e de subsi diarit semble face la libert de participation d fendre ce que nous appelons la libert d autonomie C est bien en effet de cela qu il s agit mais il ne s agit pas uniquement de la libert d autonomie au sens moderne au sens individualiste L id e de subsidiarit r clame de l autorit supr me qu elle ne s ing re pas dans l autonomie des groupes sociaux l poque o la soci t est constitu e de groupes et pas encore d individus Elle relate aussi l histoire de la libert d autonomie qui ne c
348. rsonne est ordonn e la communaut en ce qui concerne les finalit s de l action Dans le personnalisme la communaut est ordonn e la personne sous les deux aspects Le principe de subsidiarit se concr tise aussi dans le domaine des fins On le voit c est apparemment la question de savoir laquelle de la personne ou de la soci t ordonne l autre qui constitue le point de rupture entre les deux pens es La th orie organiciste ne diff rencie pas l homme de sa communaut sinon spirituellement Le personnalisme oppose l homme l Etat pour faire de l Etat un moyen et de l homme une fin C est ce que signifient les n o lib raux allemands quand ils disent que l homme est plus vieux que l Etat Dans ces conditions on peut se demander ce qui diff rencie v ritablement le personnalisme du lib ralisme classique et c est instaurer une identit entre eux que s attachent les adversaires n o thomistes du personnalisme parfois dans des intentions pol miques Faisant remarquer que dans la soci t moderne le bien commun mest pas connaissable et que d ailleurs sa conceptualisation ne ferait que viser la contrainte de l individu les lib raux admettent seulement une notion minimale de l int r t public justifiant l ing rence d Etat Selon Hayek par exemple la contrainte n est justifi e qu en vue de procurer ce cadre dans lequel tous pourront mettre en uvre leurs capacit s et leurs c
349. rt conomique ironie de l histoire si l on pense que l cole de La Tour du Pin venait de r habiliter Thomas d Aquin et vouait la pens e du Moyen ge un v ritable culte Cette l gitimation de la corpo 1 Cf R de Roover La pens e conomique des scolastiques Vrin 1971 166 L TAT SUBSIDIAIRE ration par l absence de juridiction comp tente et sa vocation paralyser le d ve loppement du progr s conomique expliquent que tout naturellement elle d cline notamment en France et en Angleterre d une part avec la naissance de instance tatique et d autre part avec la mont e de l industrialisme Quand il supprima les corporations dans les Etats pontificaux Pie VII r suma l argument g n ral de sa d cision dans le Mozu Proprio de 1807 Une organisation qui entrave un aussi haut degr le g nie de l industrie et qui tend restreindre et diminuer le nombre des fabricants des artisans et des vendeurs ne para t point entrer dans le plan des r formes auquel pour le bien public nous avons soumis l ancienne l gislation de PEtat de mani re qu aucune profession ne soit priv e Pavenir de cette libert qui seule peut tre efficace pour encourager et accro tre la perfection des produits et faire r gner partout cette mulation qui au grand avantage des consommateurs et du peuple se produit dans les transactions d pendant de la libre concurrence des ouvriers et des vendeurs les co
350. s famille commune Etat province exprime une admiration pour l ancienne soci t organique La diversit hi rarchis e de la soci t constitue la seule garantie d un d ploiement des libert s face l Etat Tocqueville est moins attach la forme des instances interm diaires qu leur existence Si les corps naturels ont disparu il convient den inventer d artificiels Dans la d mocratie galitaire priv e d autorit s tra ditionnelles des associations viennent les remplacer gr ce elles la d mocratie am ricaine parvient r sister la centralisation La libert concr te ne saurait se survivre et se d velopper que par et dans l organisation sociale Au plus haut niveau elle se concr tise dans le f d ralisme o apparaissent clairement le para doze et l unit r alis e de la libert et de la suffisance Les Etats de l Union peu vent maintenir leur autonomie mais sans acc der en m me temps la suffisance c est dire la garantie de l autoconservation y compris par les armes Ils n acc dent cette suffisance que par le gouvernement central d pourvu de toute autre fonction Celui ci conditionne la vie des provinces en les stabilisant mais ne dispense pas la vie C est un d fenseur et non un artisan Sous son ombre les autonomies se d veloppent avec d autant plus de vigueur qu elles ne se soucient pas de leur protection Une le on de choses Il serait cour
351. s nier la d mocratie elle m me L id e de subsidiatit s inscrit dans cette probl matique inqui te Elle vise d passer l alternative entre le lib ralisme classique et le socialisme centralisa teur en posant diff remment la question politico sociale Elle l gitime philoso phiquement les droits libert s et revient aux sources des droits cr ances suppos s avoir t d tourn s de leur justification premi re Elle parvient l accord viable d une politique sociale et d un Etat d centralis en payant cet assemblage pata doxal de deux renoncements elle abandonne l galitarisme socialiste au profit de la valeur de dignit elle abandonne l individualisme philosophique au profit d une soci t structur e et f d r e L id e de subsidiarit ne recueille gu re d cho chez les modernes Elle rappelle un principe de droit administratif donc rel gu dans les manuels tech niques Plus g n ralement elle est connue par les sp cialistes et les amateurs de la doctrine sociale de l Eglise elle a rev tu sa forme actuelle au xrx si cle dans un 6 L TAT SUBSIDIAIRE contexte sociologique et politique qui n est plus Elle r pondait des n cessit s de circonstances d o sa tonalit apparemment tr s historique Plus tard elle a subi des avatars sans gloire Ce qui a contribu encore la rel guer dans les pla cards des pens es anciennes voire des vieilles erreurs Nous voudrion
352. s La personne n est donc pas ni e mais englob e dans le tout selon l id e de participation au sens thomiste Cependant elle ne tient son auto 176 L TAT SUBSIDIAIRE nomie r elle que de son lien Dieu dans la soci t elle ne saurait jamais tre r ellement autonome puisque la soci t reste organique L Dumont a montr que d une mani re analogue dans une soci t holiste comme celle de l Inde l individualisme surgit dans l aventure spirituelle pendant que le m me individu demeure socialement incorpor aux rouages du groupe et des groupes C est ici m me que la notion n o scolastique du bien commun engendre des d bats critiques et suscite par son inad quation l tat sociologique des soci t s modernes l apparition du personnalisme Le bien commun entendu en ce sens sous tend d vidence une soci t holiste r cusant l autonomie de la personne l int rieur du tout social L homme singulier ne choisit pas le contenu du bien commun ni par cons quent celui de son bien propre Le bien commun est d ter min par une doctrine ext rieure non pas au sens o elle serait impos e d en haut ou par contrainte mais au sens o elle mane d un consensus interne largement partag mais qui n a pas t reconnu par chaque individu singuli rement Les finalit s individuelles rejoignent naturellement les finalit s sociales sans cart av r Ceci n est possible que parce que la d
353. s et l on 1 Discours sur la constitution Convention nationale s ance du 10 mai 1793 Moniteur universel 13 mai 1793 p 363 Fuyez la manie ancienne des gouvernements de vouloir trop gouverner laissez aux individus laissez aux familles le droit de faire ce qui ne nuit pas autrui laissez aux communes le pouvoir de r gler elles m mes leurs propres affaires en tout ce qui ne tient point essentiellement l admi nistration de la r publique rendez la libert individuelle tout ce qui n appartient pas naturellement l autorit publique et vous aurez laiss d autant moins de prise l ambition et l arbitraire 3 D apr s Lincoln Le but l gitime du gouvernement est de faire pour la soci t ce dont celle ci a besoin mais qu elle ne peut pas du tout accomplir ou ne peut pas accomplir aussi bien travers ses capacit s individuelles Dans tout ce que les gens peuvent accomplir aussi bien pour eux m mes et indi viduellement le gouvernement n a pas s ing rer 3 J M Ponthier La subsidiarit en droit administratif P 1530 pour la premi re fois cit e en 1901 dans une d cision du Conseil d Etat Dans ce cadre le terme reste technique ils agit de l adjectif courant et non de l nonciation du principe CONCLUSION 225 ne peut s emp cher de penser que le socialisme sans l Etat providence finirait par s identifier l ordo lib ralisme peut tre son insu
354. s finalit s essentielles La soci t humaine est constitu e de soci t s particuli res naturelles ou artificielles volontaires ou non mais toutes n cessaires la r ali sation du bien commun qui est la seule fin de la soci t g n rale L autonomie de ces groupes ressort de leur ad quation respective une finalit qui leur est propre L autonomie d une personne physique ou morale repr sente le lien entre son tre et sa finalit le moyen pour l tre de s accomplir et en ce sens priver un tre de son autonomie revient non seulement l amputer mais le d truire car l tre priv de sa finalit intrins que n existe m me pas il demeure pour ainsi dire virtuel La soci t repr sent e par le pouvoir souverain et les soci t s parti culi res entretiennent des rapports d aide r ciproque chacune selon ses possibi lit s Le tout doit venir en aide la partie et la partie au tout c est dire que la partie ne dispara t pas dans le tout et que le tout ne doit pas absorber la partie dans son unit L autorit politique peut se trouver amen e secourir des groupes particuliers en difficult mais les groupes se trouvent en charge du bien commun surtout en cas de vacance du pouvoir central La substitution en cas de n cessit ne s op re donc pas forc ment du haut vers le bas mais r ciproque ment La pens e de Taparelli est pr f d raliste La d fense argument e du p
355. s incapables d assumer leurs propres affaires A t il raison de les prendre pour tels Cela d pend des peuples En ce qui concerne les Occidentaux s rement pas crit le Stagirite puisqu ils sont gaux et libres de nature Il faut traduire ils sont capables de mener leur destin comme ils l entendent Le pouvoir politique n a donc aucune raison de conduire leur destin leur place Il doit au contraire les aider r aliser leur fin les aider se suffire puisqu ils ne se suffisent pas enti rement Pour Aristote le r le du pouvoir consiste finalement accompagner l action sociale pour la d ployer au del de ses propres performances Dans une soci t d hommes libres assumer les t ches qui d passent la capacit des individus et des petits groupes dans une soci t d esclaves administrer la totalit de la vie des sujets insuffisamment raisonnables La diff rence entre la politique comme art de gouverner des hommes libres et l conomie gestion et administration tient 18 L TAT SUBSIDIAIRE la diff rence de capacit et de statut ontologique des sujets L esclave a besoin d un tuteur tandis que l homme libre a ceci de particulier qu il s appartient lui m me On ne peut donc sans injustice le d poss der de soi Les t ches qu Aristote attribue au pouvoir politique dans la soci t libre consistent en des t ches de d fense ext rieure de police et de maintien de l ordre de
356. s li s un devoir de l instance sup rieure m me si ce devoir est seulement de garantie intervention en dernier recours mais n ces saire La soci t doit ses membres la protection de ses biens et la garantie de sa subsistance Elle organise pour cela une certaine p r quation en tout cas une redistribution qui d une certaine mani re contraint la libert des plus capables Cette contrainte se justifie par la solidarit qui ne se d fend pas d tre une notion morale L Etat nous l avons dit est oblig de prot ger tous les droits donc si les membres dont nous parlons n ont pas perdu le droit de vivre PEtat doit le leur garantir Je ne comprends pas comment Say a pu douter de cette obli gation Si leurs maux dit il ne r sultent que de l infirmit de notre nature on ne voit pas ais ment pourquoi les institutions seraient tenues de les r parer Comment On ne voit pas ais ment Qu est ce donc qu une soci t humaine N est ce pas une r union d hommes qui conspirent ensemble pour attendre le bien commun et par cons quent m est elle pas un secours un appui contre les maux communs Or quels maux sont plus communs que ceux qui r sultent de notre nature seule Ath nes elle m me au dire de Cantu avait sa taxe sur les pauvres Quelle honte un chr tien un homme civilis vivant au sein du chris tianisme n a pu apercevoir cette obligation de charit qu a su reconna tre le paga
357. s longuement r fl chi On peut dire sans exag rer que l id e de raison d Etat n avait plus de secret pour eux Ce qui laisse bien voir quel point diff raient dans leur esprit la politique ordinaire et la politique extraordinaire et quel point cette politique extraordinaire devait par sa nature demeurer une exception Le pouvoir absolu se justifiait pour eux par une n ces sit absolue L instance supr me demeurait li e l utilit qui Pavait l gitim e au d part Mais l accroissement de l utilit appelait accroissement de l autorit Ou encore l insuffisance de la soci t r gler ses probl mes devenait alors si cruciale qu elle n cessitait un secours accru de la part du pouvoir Le caract re temporaire des pouvoirs exceptionnels marquait bien qu ils devaient rester li s l utilit exceptionnelle qui les avait fait na tre Evoquer l id e de salut c est nommer la pr sence du danger Non pas d un petit danger habituel ou courant mais d un p ril dramatique susceptible de remettre en cause Pavenir de la soci t Il est admis que s il faut sauver une soci t les moyens ne comptent pas Car cette finalit ne se compare en impor L ENVERS DE LA RAISON D TAT 31 tance aucune autre Un homme peut pr f rer par exemple son honneur sa vie c est dire refuser de donner sa propre vie un statut de fin en soi Une soci t ne le peut Car si elle p rit alors plus rien n
358. s de l go sme qui d bouchent tr s vite sur la soumission volontaire On ne saurait taxer cette vision sociale de statisme parce que toute la vie de Ketteler de de Mun de La Tour du Pin se passe dans les parlements r clamer des lois nouvelles visant g n rer davantage d initiative autant que davantage de bien tre Mais toute leur uvre exprime un sentiment vivace des limites de l action humaine Aussi ne sont ils pas pr ts accepter le moindre sacrifice pr sent pour une am lioration venir r cus e d embl e comme hypoth tique Ketteler en d pit de son admiration pour Lassalle rejette la proposition de celui ci de transformer l ouvrier en chef d entre prise gr ce aux subventions de l Etati ce qui serait provoquer un tatisme pr sent en vue d un plus grand lib ralisme futur De m me ils ne croient pas l efface ment progressif de l intervention de l instance publique par le d ploiement in luctable des autonomies S ils r clament davantage d intervention c est qu ils n estiment pas la situation pr sente temporaire mais durable et ainsi propre tre r form e tout de suite telle qu elle se pr sente en fonction de besoins r els et non d volutions imaginaires La situation pr sente est pour Ketteler la cons quence d un absolutisme ignor On se r volte contre un absolutisme qui se sait Mais la question politique a t mal pos e Les Europ ens croient poss d
359. s difficiles En r alit tant donn la finalit sociale du lib ralisme cette justification n existe pas vraiment ou plut t elle g t dans un reste impens et refus de la pens e ancienne La finalit derni re de la soci t est le d veloppement maximal de chaque individu Tout autre but demeure un moyen en vue de cette fin g n rale Ainsi PEtat se destine uniquement garantir la s ret parce que la s ret est passage oblig du d veloppement individuel L Etat n a pas apporter un bien tre positif car de cette mani re il porterait atteinte la marche des destins personnels vers leur accomplissement Si l Etat d roge cette r gle pour assister les faibles c est par un devoir d riv et second voire contradictoire avec la th orie dans son ensemble La notion de n cessit rappelle le caract re d urgence d exception de l action tatique positive Surtout crit Humboldt que l Etat n intervienne pas en fonction de l yfi it Car l id e d utilit engendrera des besoins ind finis 1 Op cit p 222 2 Ibid p 145 3 Principes p 531 532 4 S Mill op cit p 520 L TAT SUPPL ANT 97 et PEtat finalement interviendra partout Mais son action doit se justifier par la n cessit seule le caract re indispensable du secours Autrement dit PEtat emp che certains citoyens de sombrer dans la mis re nue Cette uvre d exception ne trouve pas de l gitimation r elle d
360. s et en biens au titre de la justice sociale sera la m me qu avec l Etat providence puisque l Etat subsidiaire se fait un devoir de compl ter le 226 L TAT SUBSIDIAIRE secours dont la libert ne s est pas rendue capable Mais la diff rence est que l Etat subsidiaire n galise pas les libert s d actions en les persuadant de se d velopper au contraire au maximum de leurs capacit s quitte orienter leurs finalit s par des lois appropri es L Etat providence a coutume de se poser en champion de la justice sociale ce qui constitue son argument d cisif On peut ainsi se demander pourquoi il rejette l Etat subsidiaire puisque celui ci fait en sorte que la m me justice soit rendue en dernier ressort par d autres moyens Il faut croire que l id ologie de l Etat providence r clame au del de la justice sociale et de l galit des services et dans le non dit une galit des actes et des initiatives Le secours apport par l Etat providence ne se l gitime pas seulement par cette croyance aujourd hui d pass e selon laquelle l Etat fait mieux que la soci t Mais plus profond ment pat la pr f rence accord e au secours d une instance anonyme qui exclut la dif f rence parce qu elle distribue tous sans discrimination et qui exclut la reconnais sance parce qu officielle et lointaine En r alit la vraie justification de l Etat provi dence n est pas le besoin de secours mais ce d
361. s il n est pas s r que le pouvoir supr me soit naturellement r ceptible ce genre de chantage la r volte comme l histoire l a si souvent montr sa volont de puissance oblit re plut t les avertissements Le pouvoir avance court terme et d instinct ce ne sont pas des sommations qui l arr tent mais des forces Par ailleurs il n est pas s r que le pouvoir sache bien quoi utiliser cette puissance due la confiance d une population libre Car son principal but consiste d velopper son autorit et il ne le peut qu au d triment de la soci t elle m me Ainsi la puissance de l Etat suppl tif finirait par tourner vide puisque 1 La constitution P 44 2 Ibid p 54 LES D BUTS DE L TAT SUBSIDIAIRE 81 la suppl ance le priverait de sa finalit la plus concr te m me inavou e Les arguments de restriction de l intervention demeurent faibles hors l argument thique dont l insuffisance dans cette sorte de domaine est d montr e L nonciation de l id e de suppl ance vise poser une limite th orique fond e sur une conception de l homme et de la soci t l action de PEtat Mais c est une id e absolument impr cise Dire que l Etat ne doit intervenir que dans le cadre de l insuffisance individuelle ou sociale en g n ral n indique pas les bornes de cette insuffisance notion bien subjective Hegel tente de pr ciser ces bornes par les concepts de n cessa
362. s le contrat Elle le multiplie En le multipliant elle lui te son caract re abstrait et symbolique Elle le vulgarise Elle l incarne dans le temps de l histoire La subsidiarit est donc affaire de structures sociales avant d tre affaire de pouvoir politique Elle na t dans les relations entre les individus et les groupes et dans les relations entre les groupes eux m mes Chaque autonomie se d ve loppe autant qu elle le peut et r clame secours quand elle en a besoin Chaque autorit porte assistance quand il est n cessaire mais seulement quand il est n cessaire On ne peut passer directement des individus l Etat parce qu une grande partie de la libert de l individu ne peut se d velopper que par Pinter m diaire des groupes Priv de ces groupes il devra abdiquer entre les mains de l Etat une part de libert beaucoup plus grande pour obtenir le m me secours La soci t des corps substitue donc au seul contrat mythique une multi tude de contrats r els L autorit n y est pas unique Mais une multitude d auto 156 L TAT SUBSIDIAIRE rit s particuli res non souveraines par rapport celle de l Etat s insinuent dans tous les interstices o la libert se trouve insuffisante l autorit ne se d finit jamais que comme la r ponse un besoin qui correspond une d fi cience de la libert D une mani re g n rale l autorit est r duite son minimum elle n appara t que l o
363. s libert s en actes L loge des libert s et des diversit s par Hegel n a pas pour but de rappeler seulement l utilit de la libert mais son caract re spirituel Le caract re utile rentable des intiatives priv es se double d une qualit de plus grande justice Le m me argument sera d velopp par les lib raux tout au long du si cle l extension du secteur priv diminue les d penses obligatoires et permet au parti culier de ne d penser que pour ses propres int r ts Mais la l gitimit de l auto nomie se fonde sur des crit res autrement plus profonds l autonomie d un peuple est la fois son esprit et son bonheur S il peut s adonner aux t ches de proximit tout ce qui le concerne l individu d veloppe non seulement ses capacit s et ses connaissances mais sa force spirituelle Il concr tise sa dignit il r alise litt ralement sa valeur propre D o son bonheur comme d ploiement de l tre et satisfaction de ce d ploiement LES D BUTS DE L TAT SUBSIDIAIRE 79 Ainsi l Etat centralisateur se voit il attribuer un reproche plus grave que celui de mauvais entrepreneur ou de gaspilleur de biens il arrache P me de la nation Tout se passe comme s il prenait les hommes pour des choses dans le pr jug fondamental selon lequel un Etat est une machine un seul ressort qui communique son mouvement l infinit des autres rouages toutes les insti tutions que la soci
364. s montrer ici rebours que cette id e est la fois neuve et importante D abord elle sous tend nombre de politiques europ ennes actuelles parfois nomm ment ailleurs l insu de leurs acteurs Les f d ralismes europ ens s en r clament express ment Le Parlement europ en travers les discours de ses dirigeants r clame que le principe de subsidiarit soit pos en principe fonda teur de la politique europ enne de lavenir Et toutes les tentatives engag es ici ou l pour faire reculer l Etat providence d centralisations r gionales largis sement du m c nat responsabilisation des citoyens dans le domaine de la sant ou de l ducation agissent en son nom m me s il n est pas pour autant nomm Par ailleurs la subsidiarit repr sente plus loin que ce principe nonc par Ket teler puis par Pie XI une id e politique et sociale sp cifiquement europ enne port e depuis les origines par toute notre tradition Dans le vocabulaire latin le subsidium signifie une r serve et plus concr te ment une troupe de r serve un appoint en cas de besoin Le secours vient combler un manque Il ne s exerce pas sans l appel d un besoin Ce n est pas secourir que de venir proposer une aide superflue On secourt celui qui ne se suffit pas Mais cela ne signifie pas le remplacer On tire de l eau celui qui se noie il ne s agit pas ensuite de le porter une fois sur la berge L id e de subs
365. se passant presque de l Etat Dans la pens e chr tienne au contraire le principe de subsidiarit ne pourra appara tre comme une solu tion parce qu appliqu l Etat autant qu aux autorit s sociales il g rera un quilibre instable et toujours remis en cause 1 Principe f d ratif p 361 3 De la capacit politique p 213 215 3 Principe f d ratif p 361 CHA PIT RE V I I I Naissance du devoir d ing rence La sp cificit du catholicisme social est qu il va fonder le devoir d ing rence de l Etat sur une autre valeur que celle d galit Jusqu alors toutes les th ories et en g n ral les utopies qui r clamaient l intervention de l instance publique le faisaient au nom de l galisation sociale Les n o thomistes qui apparaissent au xixe si cle r cusent les socialismes comme infantilisations politiques menant l esclavage par le nivellement S ils posent un devoir d ing rence c est partir de l id e de dignit Cette valeur forme le pivot de la pens e sociale de l Eglise Il s agit d autre chose que de libert ou d galit lesquelles sont rel gu es au second rang La vision n o scolastique du r le de l Etat ne finalise pas l Etat une t che de r g n ration sociale comme celle du socialisme mais ressemble davantage celle du lib ralisme qui attribue l Etat une finalit de simple respect des dispositions individuelles et socia
366. secours positif qui peut aller au del des strictes insuffisances cette fonction demeure la plus diffi cile justifier et fut depuis le xtx si cle largement controvers e En effet l auto rit ne se contente pas de boucher les trous Mais elle garantit en quelque sorte un suppl ment d me si l on veut bien entendre par l les moyens du bonheur le plus complet dont Aristote disait qu il n tait possible que dans la cit On peut se demander dans une soci t individualiste ce qu aujourd hui peut bien signi fier ce bonheur suppl mentaire qui justifiera l intervention de l autorit tatique au del de la stricte suppl ance nous avons souvent le sentiment qu aucun bonheur ne saurait exister en dehors de celui que l on se forge dans la famille ou dans l association volontaire de proximit Ce bonheur a quelque rapport avec l id e de bien commun au sens o nous ressentons une joie particuli re vivre dans une soci t o les plus faibles sont non seulement sauv s de la mis re mais respect s o le patrimoine commun est sauvegard et renouvel o la r puta tion du chef de l Etat l tranger est grande En d autres mots o l autorit se pr occupe non seulement de garantir le bien tre de chacun mais de travailler la pl nitude de la soci t entendue comme communaut 8 L TAT SUBSIDIAIRE On aper oit aussit t que l id e de suppl ance et l id e d
367. ser qu il s agit l d une constatation de circonstance le rve si cle ath nien est une p riode de repli sur soi o l indivi dualisme croissant du citoyen gouvernant l engage ren cler aux affaires publi ques ce qui nuit au r gime traditionnel et favorise l arriv e au pouvoir des d ma gogues Mais Aristote ne pose pas cette constatation avec regret ni n en pr voit les cons quences f cheuses Au contraire il nonce ce fait sociologique dans le cadre de la d mocratie la plus parfaite laquelle paradoxalement importerait moins la participation populaire Les citoyens sont ici naturellement moins atta ch s la libert participative qu un pouvoir politique respectueux des affaires priv es La preuve en est qu autrefois on supportait ais ment les tyrannies comme aujourd hui on endure les oligarchies du moment qu elles n emp chent pas les citoyens de travailler et ne leur enl vent pas ce qui leur appartient 1 L vocation d une tyrannie supportable dans l ambiance ath nienne de haine imm moriale contre ce r gime et apr s une description de la royaut despotique convenant des peuples esclaves c est dire en aucun cas aux Grecs est significative Outre une critique des exc s d mocratiques elle laisse penser que la v ritable garantie de la libert serait moins dans la participation au pouvoir que dans la possibilit de poursuivre des fins priv es A cet gard la ty
368. sid r es comme valeurs fonda mentales le principe peut jouer un r le normatif en incitant l attribution de comp tences qui prendraient en compte ces deux valeurs c est par exemple le r le qu il joue dans la doctrine de l Eglise au d but du xx si cle D une mani re g n rale il est toujours normatif au sens o la perfection n est jamais nulle part pleinement r alis e et au sens o les actions entreprendre dans une soci t posent toujours et au cas par cas le probl me de la r alisation la meilleure par rap port des valeurs d fendre Le principe rappelle ces valeurs qui forment son soubassement mais surtout formule un type d organisation des comp tences apte concr tiser ces valeurs le mieux possible Principe de structure sociale norme ou principe de droit norme d organi sation principe de mesure des buts politiques principe d ordre ou de comp tence le principe de subsidiarit a re u en Allemagne depuis ces derni res d cennies un grand nombre de d finitions formelles qui t moignent la fois de l embarras des analystes et de la richesse de ses d terminations Tr s g n ralement le principe est consid r comme une loi d attribution des comp tences fond e sur le droit naturel 1 H Kalkbrenner dans Die rechtliche Verbindlichkeit des Subsidiarit tsprinzip p 518 a dress un catalogue impressionnant et certainement non encore exhaustif de ces diverses d no
369. sme a t invent pour des peuples enfants et ne convient plus des peuples adultes L ignorance et l obscurantisme appellent un gouvernement tout comp tent L irresponsabilit un gouvernement responsable Une moralit courte et embryonnaire exige des punitions rudest Les hommes n ont pas toujours t capables de se gouverner eux m mes et certaines poques leur faiblesse tait si grande que l Etat devait suppl er tout La libert n appara t donc pas comme une qualit essentielle que des situations auraient camoufl e que des despotismes injustifi s auraient rendue inop rante Mais comme une qualit virtuelle apte se concr tiser dans des situations et la fragilit de laquelle le despotisme aurait l gitimement rem di quand elle tait dans l enfance La libert ne se conquiert pas sur les tyrans mais elle s apprend elle m rit et se d veloppe par l exp rience et l closion de la culture L Etat accompagne cette volution plus la 1 M H Baudrillart Des rapports de la morale et de l conomie politique p 383 2 W de Humboldt Essai sur les limites de l action de l Etat p 248 L TAT SUPPL ANT 9I capacit de libert augmente plus il doit diminuer son intervention Sa suppl ance varie avec l histoire Le r le de PEtat n est donc pas question de principe mais de circonstances historiques Par contre dans une p riode d termin e les attri butions d vol
370. social Mais l individualisme sociologique sera reconnu comme une donn e incontournable de la modernit autour de laquelle il faudra reconstruire l id e de bien commun C est dans cette probl ma tique que se situent la pens e vaticane du xxe si cle le solidarisme l ordo lib ra lisme allemand le personnalisme chr tien et une partie de la pens e allemande n o lib rale contemporaine Il s agit donc de d finir la soci t humaine entre ces deux p les que sont la soci t communaut de l organisme et la soci t association d int r ts de la th orie du contrat social Dans la soci t communaut les subjectivit s ne concourent pas fonder les valeurs communes L individu se d ploie dans la collectivit dont les buts lui restent ext rieurs La participation de l individu la communaut est naturelle Si elle devenait artificielle on se trouverait alors soit devant une communaut choisie fond e sur l amour ou l amiti soit devant une communaut de contrainte Mais la communaut fond e sur lamour ne peut s identifier aucune soci t civile on ne peut parier valablement que tous les membres d une soci t civile qui sont n s dans cette soci t par le hasard et non par la volont accepteront 1 Cf Die Geistesgeschichtlichen Grundlagen des Subsidiarit tsprinzips L ID E DE BIEN COMMUN DANS LA SOCI T INDIVIDUALISTE 183 par amour r ciproque de se sacrifier un bien
371. sprinzip und Focderalismus p 40 2 Ce qui am ne Utz d velopper une th orie du progr s des peuples qui rappelle celle des auteurs du xrx si cle et notamment celle de Taparelli un gouvernement centralis peut se justifier chez des peuples peu capables de libert afin de les y duquer par ailleurs le d veloppement incessant de la libert d autonomie dans la soci t moderne pourrait conduire dans lid al un Etat f d raliste mondial F d ralisme et droit naturel p 82 et ss 222 L TAT SUBSIDIAIRE sation f d rale implique une philosophie de la finitude dans laquelle les para doxes humains peuvent tre compris endoss s am nag s mais n ont aucune chance d tre dissous tant donn l imperfection cong nitale de la nature Cer tains pensent que l Europe pourrait se constituer dans le cadre du f d ralisme L application de l id e subsidiaire pourrait permettre de prendre en charge les diversit s les plus contraires sans nier ni r cuser les solidarit s d Etat Et ceci parce que cette id e est fond e sur l acceptation de la soci t plurielle mais en un sens plus profond que celui entendu par la d mocratie non seulement diver sit des opinions mais diversit des capacit s d actions et des performances la fois individuelles et sociales 1 K Thieme Foederalismus und Subsidiarit tsprinzip C ONCLUSION Tel qu il se pr sente aujourd hui le princip
372. ssaire pr sence oblige poser par avance les conditions de sa naissance ou de sa renaissance Chez Althusius l id e de subsidiarit apparaissait d j dans l organisation de la soci t constitu e Ici elle concerne davantage le r le de Etat par rapport la soci t La description de PEtat subsidiaire s nonce d abord en n gatif L Etat subsidiaire se per oit travers la r alit de son contraire Il n est pas un fait model par la nature et sans y penser mais une conqu te de Pesprit Il appara t comme le r sultat d une recherche t tonnante apr s les d boires d un Etat trop faible ou apr s les exc s d un Etat trop fort Quand il fa onne le concept de sou verainet Bodin ne r ve pas de remplacer la soci t parpill e du Moyen Age par une soci t soumise Il ne r clame au pouvoir souverain que d exercer les pr rogatives n cessaires et brosse le pan gyrique avant Montesquieu des corps interm diaires Mais c est la monarchie absolue qui succ de aux th ories de la souverainet M me s il n y a pas l de lien causal il y a pour ainsi dire un lien de facilit voire de fatalit Un Etat respectueux de la soci t est plus malais cons truire qu un Etat tout comp tent Montesquieu n avait peut tre pas tort de dire que le despotisme repr sente la pente naturelle l issue la plus simple LES D BUTS DE L TAT SUBSIDIAIRE 63 Nouvelle d finition du despotisme
373. ssession d un acte Il s agit plus loin d un acte qui grandit l individu en tant qu il est en soci t preuve la finalit sociale qu Aristote assigne au fruit du travail la propri t est priv e mais l usage commun Cette insistance sur le partage n ces saire du r sultat fait appara tre le Stagirite comme le pr curseur du catholicisme social du xrx si cle par l interm diaire de Thomas d Aquin Ren de La Tour du Pin a largement d velopp cette id e de l usage commun Ce partage ne se justifie pas moralement mais par un simple besoin de nature Aristote a bien saisi l origine du communisme de Platon cet amour du genre humain qui existe chez l homme c t de l go sme Le sentiment d sint ress sera satisfait si l usage est rendu commun L homme est la fois heureux de poss der et heureux de partager Ces deux esp ces de bonheur sont ontologiques des expressions de l tre Il ne s agit donc de priver l individu ni de l accomplissement de ses uvres ni de la possibilit de les distribuer La propri t priv e r pond la fois l exigence d autonomie et exigence du bien commun qui sont pourtant paradoxales Aristote se refuse de l gitimer l autonomie de l acte sans le finaliser d une certaine mani re au bien commun Ainsi l auteur de la Politique ne demande pas seulement au pouvoir d tre juste tel est le v u que forme le sujet du despote D u
374. st de promulguer des structures qui emp chent le centra lisme de se d velopper sinon la libert se trouvera rapidement absorb e par l autorit C est ce qui arrive lorsque l Etat se m le de tout De fondateur il se fait man uvre il n est plus le g nie de la collectivit qui la f conde la dirige et l enrichit sans lui imposer aucune g ne c est une vaste compagnie anonyme aux six cent mille employ s et aux six cent mille soldats organis s pour tout faire et qui au lieu de venir en aide la nation au lieu de servir les citoyens et les communes les d poss de et les pressure 1 Ibid p 138 2 Principe f d ratif p 329 SUBSIDIARIT PROGR S ET FIN DE L HISTOIRE III Primat de la quotidiennet Il n est pas seulement question ici de remettre en cause la centralisation politique mais aussi l conomique Proudhon cherche la libert dans tous les domaines Il fustige autant l Etat providence que le despotisme politique On a tort de s occuper prioritairement de la libert politique celle de choisir et d organiser les gouvernements Les fonctions politiques apparaissent au contraire comme des sous fonctions par rapport aux fonctions conomiques et sociales Car avant de l gif rer d administrer de b tir des palais des temples et de faire la guerre la soci t travaille laboure navigue change exploite les terres et les mers Avant de sacrer les rois et d instituer d
375. st pas en m me temps partie Or les corporations finissent in vitablement par confondre les deux aspects public et priv de leurs fonctions et bient t asservissent leurs t ches r glementaires leurs int r ts propres Il est naturel que le monopole du bien commun dans un secteur quand il est confi un corps priv se trans forme en monopole d int r t priv d guis sous l alibi du bien commun C est ce que La Tour du Pin avait refus de consid rer parce qu il tait persuad que l ordre moral ainsi r alis moraliserait toute la soci t C est ce qu aper oit imm diatement Salazar et ainsi doit il en tant que repr sentant de l instance tatique organiser une contrainte publique visant viter le d tournement des finalit s Le corporatisme de Salazar peut justifier son m pris du m canisme du 168 L TAT SUBSIDIAIRE march et de la concurrence par une anthropologie qui m conna t les effets b n fiques de la libert individuelle et pratiquement l existence de cette libert en dehors du pur concept Et de ce point de vue il n encoure pas de critique objec tive puisqu il faut pour le remettre en cause partir d une autre anthropologie Mais il ne peut chapper sa contradiction interne au fait que parti d une r volte contre l tatisme il retombe dans l tatisme par c cit devant la r alit d une soci t soumise aux effets pervers et jamais moralement pure Le c
376. stoire Les deux histoires diff rent absolument Quant au r le de l Etat les deux auteurs expriment des id es analogues mais chacun raisonne partir d une situation diff rente Un certain nombre de valeurs leur sont communes ainsi que l image qu ils laborent de la soci t souhaitable il ne s agit pas d un id al mais de la r alisation d une soci t dans l histoire Partant de deux r alit s contraires ils effectuent deux chemins inverses pour aboutir des r sultats comparables La France sort de deux si cles de forte centralisation Il faut restreindre les pouvoirs de l Etat dans le but de rendre vie une soci t malade et c est l impor tance de cette nergie vitale qu il s agit de l gitimer A quoi s occupe Tocqueville L Allemagne l inverse se trouve puis e par une anarchie caus e par l enflure des particularismes tel est le diagnostic de Hegel L Allemagne a besoin d un Etat qu elle ne poss de pas encore Mais pour le faire accepter une soci t habitu e l ind pendance il faut justifier la possible coordination de cette ind pendance et de la puissance de l Etat A quoi s efforce Hegel D o deux raisonnements qui se croisent le premier partant de la l gitimation des autonomies le second de la n cessit du compl ment tatique ce qui revient finalement r clamer une libert organis e par des voies diverses Le Fran ais d crit dans une langue litt
377. t l atmosph re g n rale de son bien tre ce que les lib raux appellent les conditions Quant au bien tre lui m me l Etat y suppl e par exception en cas de n cessit urgente et regret La capacit de l individu se suffire est en principe totale ou plut t virtuellement totale puisqu elle marche historiquement vers sa totalit pendant que l Etat a vocation se dissoudre Les groupes organis s sont suspect s de forger des int r ts priv s mal fiques l int r t g n ral int r ts corporatistes selon Pacception contemporaine et p jorative du mot L id e d un bien commun objectif r aliser peut servir d alibi ces int r ts locaux et go stes et rel ve comme le dit aujourd hui Hayek d une vision d pass e de la soci t tribale Le lib talisme fait l conomie des groupes parce qu il a une id e tr s haute de la capacit de l individu et traduit la libert en souverainet individuelle D o ses difficult s non pas admettre une intervention tatique en faveur des indigents mais surtout justifier rationnellement cette intervention quand elle s av re n cessaire Il semble au premier abord que l id e de suppl ance s exprime dans son expression la plus nette travers le lib ralisme classique Mais elle ne rev t ici que son seul sens n gatif de non ing rence l Etat ne s ing re pas dans les affaires de la soci t civile sauf si cell
378. t et de d lais et l int rieur de chaque atelier les individus se trouvaient d s lors int ress s l uvre commune aussi bien intellectuellement que p cuniairement Le refus du taylorisme se fondait exactement sur les m mes raisons que le refus de l Etat socialiste pour les penseurs de Ordo Le but tait de rendre chaque individu le maximum de ses capacit s d agir et de le lier au dessein commun autrement que par la contrainte par un int r t de proximit L uvre de Dubreuil n appartiendrait qu aux fantaisies de l histoire de la pens e du travail si elle n avait si bien port ses fruits L organisation en ateliers auto nomes fut concr tis e dans nombre d entreprises et l on s aper oit que le b n fice en libert et en autonomie humaine co ncide avec une rentabilit conomique plus grande Aujourd hui cette organisation a d autant plus de succ s dans les pays occidentaux depuis que nous nous sommes aper us que les Japonais cham pions de la rentabilit agissent d une mani re analogue avec les cercles de qualit Il est vident que l on ne peut adapter ce syst me n importe quelle entreprise mais il fonctionne correctement dans de nombreuses unit s de fabri cation et a d montr son applicabilit Par ailleurs les Allemands ont tudi la concr tisation du principe dans toutes les sph res de la vie sociale et ceci d s l apr s guerre Cette volont d extens
379. t de leur assigner des fronti res ce qui quivaudrait briser les lans ou d crire th oriquement les virtualit s l avance ce qui est impossible Il faut au contraire laisser aux libert s toute latitude de se d velopper au maximum de leur force selon les circonstances La subsidiarit appara t comme un principe formel dont le contenu varie avec le temps L exemple le plus explicite de cette amplification du contenu est l apparition de la libert des finalit s M me sans s abandonner la sacralisation du progr s on constate que la capacit de libert s largit avec la diss mination de la culture ou sa g n ralisation avec l galisation des statuts Si 1 Philosophische Begr ndung des Subsidiarit tsprinzip p 25 et ss 200 L TAT SUBSIDIAIRE la perfection de l tre est dans l ampleur de son acte propre il faut traduire en perfectionnement l accroissement de la libert d autonomie aussi bien en richesse par l acquisition de la libert de pens e qu en tendue chez une popula tion de plus en plus importante Le principe de subsidiarit r clame que chacune des actualisations de la libert se d veloppe au maximum selon les capacit s circonstancielles des agents La libert peut aussi d truire Non pas seulement au sens o elle peut anni hiler la libert des autres mais au sens o elle peut par le jeu des cons quences d truire son propre agent Le besoin de li
380. t me rationnel ce qui revient finalement au m me Issue d Aristote de la scolastique du Moyen Age germanique l id e de subsidiarit marque de son empreinte les divers moments de notre pens e politique Robespierre lui m me s y r f re en 1793 Elle fonde la d mocratie am ricaine Pr sente et reconnue dans les pays germaniques depuis le d but de ce si cle elle r appara t aujourd hui en France la faveur de deux v nements diff rents l v nement id ologique que constitue depuis deux ou trois d cennies la diffusion d une pens e d centralisatrice dans un pays traditionnelle ment centraliste l v nement historique de la naissance de l Europe par laquelle l influence de nos voisins contribue remettre en cause nos anciennes habitudes Jusqu ici le terme qui nous occupe n appelait en fran ais qu une signification technique il n est d ailleurs pas relev dans les dictionnaires courantss Mais l mergence de l institution europ enne pose le probl me majeur de la coexistence d instances autonomes et souveraines sous le m me dessein commun La question de l attribution des comp tences incite les artisans du projet europ en se tourner vers l id e de subsidiarit qui pourrait permettre de guider la r flexion cet gard Ce qui explique que le principe resurgisse tout r cemment des mus es o il avait t rel gu Le socialiste J Delors le d fend dans ses discours europ en
381. t tsprinzip 2 Par exemple J M Van der Ven Trois aspects du principe de subsidiarit p 46 PROBL MES CONTEMPORAINS DE L TAT SUBSIDIAIRE 205 doit pas sacrifier outre mesure le bien tre g n ral En r sum PEtat mest pas une roue de secours ou une bonne tout faire et le devoir d ing rence n a pas pour but de r soudre les probl mes divers qui g nent l individu dans sa marche au bonheur Avant de r pondre aux exigences il faut examiner la question de leur l gitimit sous ces deux points de vue Par ailleurs il peut arriver que l intervention doive pr c der la demande pr c dant ainsi m me l initiative priv e qui pourrait la satisfaire En effet le principe affirme que l aide de soi individuelle ou collective doit tenter de r pondre la demande et l instance publique n intervient qu en dernier lieu Mais cela ne signifie pas que l initiative priv e a toujours et seulement priorit dans le temps Laisser l aide de soi aller jusqu l puisement de ses ressources peut se r v ler infiniment nuisible la libert long terme Le devoir de non ing rence ne se justifie pas par une m fiance instinctive de l intervention tatique m me si les partisans du principe sont conscients des effets pervers inh rents cette inter vention mais par la n cessit de prot ger la libert et la responsabilit indi viduelles Il peut arriver que l aide de soi puise la capacit
382. t auparavant proscrite Les conditions sous lesquelles il r clame l ing rence de l Etat ne peuvent gu re recevoir de d finitions objectives Pinca pacit la n gligence le besoin pressant sont des crit res flottants d pendant des situations La caract ristique essentielle du principe est sa flexibilit sans laquelle il n aurait pas de raison d tre puisqu il instaure un quilibre Il ne saurait donc en aucun cas se tigidifier par exemple prescrire juridiquement un domaine de comp tences r serv es il sous entend au contraire qu il n y a pas de comp tences r serv es Sa formulation juridique peut permettre d viter la fois les exc s de l ing rence et les lacunes de la non ing rence en laissant ouverte la possibilit d en appeler la loi en cas de conflit Son application au quotidien rel ve de la connaissance exacte de chaque situation cet gard le principe ne peut s appli quer directement mais seulement guider les appr ciations des agents politiques et sociaux Dans les lois allemandes et suisses l id e de subsidiarit appara t moins comme une norme de droit que comme une atmosph re une sorte de toile de fond une r f rence implicite Elle inspire enti rement le syst me f d ral F d ralisme Le syst me f d ral repr sente l expression concr te du principe formel qui nous occupe Il en est le contenu le plus significatif et le plus labor Et m me probablement le seul
383. t et faux de pr senter l Etat h g lien comme une instance de simple protection des libert s Car PEtat h g lien n est pas innocent en ce sens qu il ne se contente pas pour ainsi dire d tre comme celui de Thomas d Aquin ou d Althusius ou de Tocqueville Il a vocation historique r concilier l universel et le particulier et cet gard ne saurait simplement se suffire assumer sous son glaive les diversit particuli res m me en leur imprimant son ordre Il est autre chose et bien plus que le gouvernement des particularit s puisqu il les transforme en les gouvernant les fait passer un nouveau stade de l histoire universelle 1 D mocratie en Am rique p 205 2 Ibid p 100 101 76 L TAT SUBSIDIAIRE Pourtant l Etat ne transforme pas la soci t au sens d une re naturation comme chez Rousseau ou chez Marx Il int gre bien les particularit s comme telles con ues par rapport lui comme l autre Mais il leur permet d acqu rir la conscience de l universel qu elles n auraient pu acqu rir sans lui parce qu elles demeuraient englu es dans leurs singularit s D une mani re analogue le bien commun thomiste conscientise et transfigure les particularit s sans les d truire et prolonge leur finalit sans la d placert L Etat h g lien prend un sens original parce qu il fait partie d un syst me de pens e autosignifiant dont il repr sente le point culminant Mais il appa
384. t germanique comme Locke h rite des traditions anglaises Individu ou groupe il s agit toujours de poser la primaut de la soci t face l Etat ou de la libert face l autorit en g n ral La soci t d Althusius ressemble ces poup es russes qui s embo tent La famille constitue la plus restreinte des communaut s Viennent ensuite la cor poration la cit et la province Nous nous trouvons encore dans un sch ma atistot licien Tous ces cercles se superposent sans se confondre Le plus grand englobe le plus petit sans le dissoudre H ritier syst matique du logicien Ramus Althusius les classe par genres et par esp ces Cat gories fastidieuses nanties d un nom barbare les communaut s symbiotiques Mais l essentiel reste la des cription de leur naissance et la justification de leurs pr rogatives Les groupes symbiotiques les plus naturels pr c dent les autres non pas dans le temps mais vitalement de la m me mani re que tous les groupes pr c dent l Etat La famille pr existe La corporation vient apr s Puis la cit Et ainsi de suite Il ne s agit pas d une description historique car en r alit tous existent la fois depuis toujours Mais de priorit s ontologiques La cor poration ne justifie son existence que parce que la famille en a besoin La cit ne justifie son existence que parce que les m tiers en ont besoin De m me pour la province et Etat Cette sorte de priorit accor
385. t ne consid rent l asso ciation que comme un moyen leur permettant de conqu rir moins difficilement leur propre bien tre La notion de bien commun n existe donc pas dans cette association sauf la d finir comme la somme des bien tres individuels r sult e des efforts individuels et des contrats r ciproques Mais le bien commun n y existe pas comme finalit ni comme vision d un bien tre g n ral et subsumant les particularit s Le souci des courants de pens e dont il est question ici est de faire appara tre une troisi me image sociale qui ne soit pas un compromis bancal entre les deux autres mais un mod le adapt l homme tel qu il est utilisable comme norme dans la mesure o la description de l homme individuel et social permet de d gager une notion de droit naturel et fid le la r alit moderne La disparition de la soci t holiste oblige rejeter la communaut organique moins de l entendre dans la contrainte Mais la certitude que l homme est un tre social oblige aussi vincer l id e qu il n agit et ne s associe que par int r t individuel 1 Cf par exemple A Utz Die Subsidiarit t als Aufbauprinzip der drei Ordnungen Wirtschaft Gesellschaft und Staat ou H Hengstenberg Philosophische Begr ndung des Subsidiarit tsprinzips 184 L TAT SUBSIDIAIRE Source de l id e de bien commun Dire que l homme est un tre social signifie qu il se d veloppe
386. t non seulement PEtat L Etat ne repr sente que l autorit superlative qualitativement diff rente des autres parce qu in vestie de la souverainet soumise aux m mes devoirs de r serve que les autres mais un devoir de secours plus grand parce qu englobant tous les secours qui n ont pas t port s avant lui Dans l histoire la subsidiarit est un principe d organisation sociale qui devient par extension un principe d organisation poli tique L extension de cette id e refl te le primat ontologique de la soci t sur PEtat r sum par l ancien adage germanique L homme est plus vieux que INTRODUCTION IT l Etat Naturellement la r alit moderne fait que l id e de subsidiarit s applique aujourd hui davantage PEtat qu aux instances sociales proprement dites Mais elle ne se justifie pas dans un pays domin par la simple dichotomie individu Etat ici ou bien le d sir d un ordre juste installe l Etat providence ou bien l indiff rence l ordre juste si la justice sociale n a pas de l gitimation comme chez Hayek rel gue la notion de subsidiarit dans sa d finition n gative de non ing rence comme chez les lib raux du xrx si cle Le probl me pos ici est donc politique mais il ne s agit pas de la probl ma tique despotisme pouvoir partag ou limit mais de la probl matique Etat lib ral Etat providence Le lieu du discours est donc davantag
387. t opprimer Il le ferait sans doute de bonne foi entendant le bien commun d fini par lui m me partir de sa doctrine comme le r el bien tre du peuple que celui ci ne reconna t plus Et deviendrait semblable tous les gouvernements despotiques de l histoire traitant leurs sujets en personnes pu riles ici les supposant d voy es par des doctrines malsaines L homme est plus vieux que l Etat Tl est donc devenu impossible dans la situation actuelle des soci t s modernes de revendiquer encore l id e de bien commun au sens ancien Le bien commun s est transform en une notion discutable que l on a peine d crire et dont il est difficile de d limiter des contours acceptables par tous Faire sortir cette notion du flou o elle se cache et vouloir en pr ciser objectivement le contenu et le fin c est confondre la soci t civile avec une famille et le gouvernement avec un p re Alors que l apparition de la soci t individualiste a cr une diff rence qualitative entre la famille et la cit qui dans la soci t holiste fonctionnaient sur le m me mode D sormais le gouvernement ne peut plus jouer le r le de p re parce que les personnes revendiquent la libert de choisir leurs finalit s On peut se demander d s lors si la moindre id e du bien commun est encore possible Et en cons quence au nom de quoi l on pourrait bien l gitimer le devoir d ing rence C est cette contradiction que
388. t par ailleurs tre d volus aux groupes sociaux mais lorsque ceux ci s av rent d ficients La ques tion de savoir jusqu quelle hauteur il doit combler ces manques est r solue par une id e d j semblable l id e de justice sociale du xrx si cle L Etat qui doit tous les citoyens une subsistance assur e la nourriture un v tement convenable et un genre de vie qui ne soit point contraire la sant Pourtant Montesquieu insiste sur le caract re temporaire de cette intervention une incapacit sociale accidentelle r clame un secours tatique exceptionnel Pour Tocqueville de la m me mani re le r le de PEtat consiste suppl er aux incapacit s mais il importe d apercevoir quel point ces incapacit s sont variables Elles diff rent avec les peuples et les poques et surtout leurs varia tions tiennent aux interventions m mes de l instance tatique Chaque fois que l Etat agit la place de la soci t l o cette derni re pourrait ou aurait pu agir son uvre s interpr te positivement court terme et n gativement long terme D un c t il apporte un secours n cessaire de l autre il d shabitue les individus de se secourir eux m mes Ainsi son action est elle auto entra nante et s auto perp tue par nature en cr ant au fur et mesure son propre besoin Cette observation engendre deux conclusions l une sociologique l autre politique La premi r
389. table et normatif du droit naturel les effraie L id e de subsidiarit 1 Par exmeple E Link Das Subsidiarit tsprinzip p 96 et ss J Isensee Subsidiarit tsprinzip und Verfassungsrecht p 21 et ss Utz Formen und Grengen des Subsidiarit tsprinzip p 47 et ss 2 Die rechtliche Verbindlichkeit des Subsidiarit tsprinzip p 528 PROBL MES CONTEMPORAINS DE L TAT SUBSIDIAIRE 197 qui entre autres r v le cette norme peut appara tre ainsi comme un principe d ob dience strictement chr tienne adapt seulement une vision du monde reli e une transcendance Ceci m me si le discours chr tien du droit naturel a toujours affirm en se r f rant notamment Aristote qu il pouvait se d velopper aussi bien en dehors d une pens e religieuse organis e Cette situation doit elle convaincre de jeter le droit naturel dans les mus es de l histoire Elle pourrait en tout cas d courager de vouloir encore chercher le d finir le respecter et le concr tiser dans la mesure o le consensus moderne s y refuse Dans la m me perspective que celle de l id e de bien commun objectif il serait impossible d imposer une soci t individualiste un concept normatif r cus par l ensemble du corps social Il faudrait donc abandonner l id e de subsi diarit au moins momentan ment si l on devait s apercevoir qu elle ne peut tre justifi e que par la vision de l homme n o scolastique
390. tant l omnicomp tence Il poss de lui aussi un domaine d attribution pr cis dans lequel il excelle et que personne ne saurait lui contester Mais partout ailleurs quand il doit remplacer par stricte n cessit il agit moins bien parce qu il emprunte la finalit des autres Toute finalit humaine et sociale s assortit d une proximit L acte est le prolongement de l acteur et d finit son existence L acteur aime son acte tout simplement parce qu il s aime lui m me Il engage dans son acte ses facult s les plus intimes et les plus fortes non seulement le talent et la connais sance mais lamour la pers v rance la patience l imagination Ainsi inces samment la m re pense son enfant le savant sa science l artiste son art l inventeur son invention le philanthrope ses fondations Faraday l lec tricit Stephenson sa locomotive M Pasteur ses microbes M de Lesseps 1 Ibid TI p 87 106 L TAT SUBSIDIAIRE son isthme les petites s urs des pauvres leurs pauvres Tandis que PEtat sera toujours mauvais ducateur m c ne insuffisant pi tre savant et ainsi de suite C est qu il agit de loin avec des moyens videmment rigides et peu adapt s sans pouvoir mettre la t che une tincelle d esprit C est pourquoi les activit s tatiques de suppl ance doivent demeurer les plus temporaires et les plus r duites possible On aura tendance croir
391. te l nergie tous les int r ts toute l esp rance d un peuple Avec le fascisme id e corporatiste en arrive son point extr me de syst matisation et ne ressemble plus que d une mani re tr s lointaine la d fense des corps interm diaires autonomes et assumant les t ches d int r t g n ral hors le regard de l instance gouvernementale Le principe de subsidiarit semble 1 Par exemple Discours sur la loi des corporations du 13 janvier 1934 Lorsque P conomie indi viduelle s av re inintelligente inexistante ou insuffisante c est alors et seulement alors que PEtat inter vient Je citerai cet exemple frappant l Etat seul par la puissance de ses moyens peut arriver bonifier les marais pontins Ou Discours l Assembl e nationale des corporations le 15 mars 1937 L Etat intervient selon les r glements de la Charte du travail sur les points o l int r t public l emporte il intervient aussi lorsque l initiative priv e est d faillante car celle ci a des limites qui ne peuvent tre fran chies que par la force politique et conomique de l Etat Ou encore Charte du travail du 21 avril 1937 article IX L intervention de l Etat dans la production conomique a lieu seulement lorsque l initia tive priv e vient manquer ou se montre insuffisante ou lorsque les int r ts politiques de l Etat sont en jeu Cette intervention peut rev tir la forme du contr le de l encourageme
392. tences Mais cette r f rence n est pas elle m me une loi une indication seulement Les cantons doivent conserver la ma trise de toutes les actions dont ils sont capables De multiples probl mes se posent ensuite Les cantons diff rent grandement de taille et de population Les uns peuvent offrir leur population des services importants les autres non Faut il donc que l Etat f d ral prenne en charge sur l ensemble du territoire cer tains services parce qu interdits aux cantons les plus d munis Faut il qu il ne subventionne que ces derniers cantons auquel cas les cantons pauvres paie raient leur mise niveau d un abandon partiel de leur autonomie Les Suisses tentent de favoriser les actions communes et les solidarit s entre cantons avant de susciter l intervention de la Conf d rationt La question de l quilibre entre l autonomie et le bien tre dispens d en haut reste toujours pr sente faut il par exemple que l action cantonale soit au moins aussi efficace que celle de la Conf d ration ou peut on admettre un certain d ficit d efficacit eu gard au gain en autonomi Le syst me f d ral correspond une pens e de la voie moyenne Il veut r pondre aux besoins contradictoires et pour cela il faut une organisation souple qui permette de d lib rer au fur et mesure Le f d ralisme est directement inspir de la pens e politique aristot licienne et thomiste tout en int grant
393. tes encore faut il que ces actes existent avant le contrat qu ils aient pour ainsi dire fait la preuve de leur r alit Les contractants sont des soci t s organis es chefs de famille communes cantons provinces ou Etats qui concluent le pacte par besoin de garantir et de prot ger leur auto nomie et d assurer leur s curit r ciproque et g n rale La finalit du contrat rappelle donc celle de Locke mais elle apporte en plus une sorte de caution de sa r alisabilit En effet le contrat ne saurait tre synallagmatique et commu tatif comme le r clame Proudhon que si tous les contractants sont capables de l action dont ils revendiquent la conservation Et il est tr s important de v rifier cette capacit sinon le contrat devient de pure bienfaisance lorsque par l ineptie ou l idol trie des sujets le prince est sollicit s emparer de l autorit et se charger des sujets inhabiles se gouverner et se d fendre comme un berger de son troupeau La critique du pouvoir fort de l autorit gouverne mentale excessive commence par une critique de l inertie sociale La bienfaisance d Etat cons quence de l inertie sociale an antit la capacit et la libert Proudhon vince l Etat providence d s l abord en r clamant que les contractants apportent suffisamment dans la balance pour ne pas devoir tout r clamer Ce qui revient fonder le contrat sur les groupes possesseurs av
394. tion La soci t est r gie par le principe de totalit l De prime abord l id e du bien commun semble exclure l autonomie de la soci t et privil gier le r le du pouvoir Le principe de totalit affirme que la partie d un tout doit tre ordonn e ce tout avant d tre ordonn e elle m me Elle d pend du tout dont elle tire sa vie et trouve sa finalit dans le tout On conna t l importance des compa raisons otganicistes dans la description de la soci t et ceci depuis l Antiquit jusqu aux th ories modernes du contrat qui inaugurent une nouvelle mani re de penser la soci t Comme Aristote Thomas d Aquin utilise largement cette comparaison qui n est videmment pas innocente puisqu elle sous entend l id e du sacrifice l gitime des finalit s particuli res aux finalit s communes La m ta phore du corps humain selon laquelle l Etat ou le prince repr senterait le cerveau d une soci t compos e de membres divers mais li s implique la d pendance totale des membres Il est donc naturel que cette m taphore significative ait suscit des controverses chez les modernes d fenseurs du thomisme Le person nalisme naissant issu en grande partie d un renouveau du thomisme semblait se trouver pris au pi ge du principe de totalit et remis en cause par son propre 1 Op cit I D qu 58 art 5 Tous ceux qui vivent dans une soci t sont avec elle dans le m me rapport que des part
395. tion d un d veloppement du pouvoir des groupes qui peuvent la limite devenir de v ritables despotats est compens e par la certitude que la soci t jouira d un secours efface et positif mais en partie hors d une tutelle anonyme Contrairement ce qui se passe dans l id e centraliste ici une tutelle de proximit est pr f r e une tutelle d Etat Ketteler n est pas ignorant des effets pervers des mesures qu il r clame et les reconna t dans l histoire Les ma trises anciennes taient d voy es et auraient d tre r organis es Mais il cherche le compromis le plus acceptable dont la caract ristique premi re est de devoir s tablir dans la r alit pr sente et sans 1 La question ouvri re et le christianisme p 24 v R te nu 128 L TAT S BSIDIAIRE tenir compte d volutions esp r es et escomptables Les chr tiens sociaux se s parent des lib raux en ce qu ils ne croient pas au progr s dans le sens d une avanc e ind finie vers une plus grande autonomie Ils comptent sur un d velop pement circonstanciel de l autonomie humaine gr ce une transformation des structures et aussi par des lois interventionnistes Mais ils n attendent aucune am lioration de l homme La pens e de la finitude limine Pespoir de perfection Le mal s exprime dans la vie sociale notamment par la paresse devant le travail et la l chet devant les responsabilit s deux forme
396. tion de cette capacit ne provient pas d une r flexion th orique mais de l exp rience pratique Le f d ralisme est n par la coalition d instances sociales qui avaient d montr leurs capacit s se gouverner comme on d montre le mouvement en marchant et qui se sont donn un Etat souverain pour garantir leur s curit en Am rique du Nord en Suisse Lorsque l inverse un Etat vocation historiquement jacobine remet une grande partie de ses pouvoirs la soci t constitu e en groupes il op re une d centralisation mais ne cr e pas de f d ration La caract ristique de la f d ration consiste en ce que les comp tences des groupes sont en g n ral pr alables donc garanties par un contrat au moment de la cr ation de l Etat central et non pas accord es avec ce que cela suppose de pr carit par un Etat central qui s en dessaisit comme dans la d centralisation Cela ne signifie pas qu aucun f d ralisme ne saurait dans l avenir voir le jour partir d un Etat central puissant Mais ce processus serait infiniment plus difficile mener son terme que le processus inverse parce que les capacit s suppos es au d part ne doivent pas tre th oriques Ou rationnelles mais pratiques Dans l id e de subsidiarit qui sous tend le f d ralisme les libert s avec les capacit s qui les concr tisent ne sont pas pos es en th orie mais en situation M me si elles existent virtuellement dans
397. tisme mais entre les finalit s sociales et leur r alisation Il concourt 1 J Maritain De Bergson Thomas d Aquin p 232 2 J Leclercq op cit p 189 190 3 De Regno I ch XII 4 Ibid APOLOGIE DE L ACTE LIBRE 4I la perfection de la soci t dans toutes ses manifestations aussi bien dans sa totalit qu en chacun de ses membres Mais si Pon consid re l id e de perfection telle qu elle s entend ici concourir une perfection ext rieure suppose une t che de serviteur et non de cr ateur Car perfection ne signifie pas chez Thomas d Aquin comme chez Aristote l invention d un bien mais le d ploiement de l tre La diff rence entre l tre et sa perfection n est pas de nature Ainsi le pouvoir se met il au service de finalit s qu il n labore pas mais assume comprend et unifie La perfection de chaque personne consiste dans le d veloppement de toutes ses facult s exprim es en actes La perfection de la soci t tout enti re est le d veloppement de ses diversit s vivantes Le gouvernement ne saurait donc conceptualiser une perfection diff rente de celle que chacun selon son tre s est lui m me assign e Mais son but est d assurer d accro tre ou de conserver la perfection des tres dont il a la charge t On objectera que du lieu o il se trouve et investi de la puissance le pouvoir pourrait sans doute tenter de sauver la soci t d une partie de la corruption qui
398. toute soci t elles ne peuvent se mat rialiser que par l effort et un sens de la responsabilit acquis par l histoire On ne d cr te pas le f d ralisme comme on d cr te une dictature Il faut que la libert concr te existe d j ce qui appara t comme une contradiction puisque justement si Etat est centralis c est que les libert s d agir ne sont pas v ritablement d velopp es Le f d ralisme allemand d apr s guerre a pu s instituer parce qu au del de la phase totalitaire du IIIe Reich la soci t allemande poss dait une longue tradition d autonomie r gionale On pourrait imaginer un Etat vocation historique providentialiste ou jacobine cr ant un f d ralisme non par une d marche volontariste mais par une sorte de lassitude et apr s une longue p riode de d sagr gation pendant laquelle les groupes interm diaires renaissants auraient pu forger leurs libert s concr tes LES CHAMPS D APPLICATION 219 en profitant de la faiblesse et de la pauvret inh rentes tout Etat jacobin sur le long terme L histoire des f d ralismes rejoint l histoire philosophique du principe de subsidiarit L id e de secondarit et de suppl ance pr c de l id e de secours En Am rique du Nord c est pour repousser le danger indien et faire face la concur rence hollandaise que les colonies s unissent en 1643 puis en 1684 L union r pond une urgence que les autonomies ne peuvent r soudre C est
399. tre cr dit d un accord massif et pas seulement de l accord de ses propres lecteurs Par ailleurs si l opinion peut se tromper c est par rap port des valeurs qu elle ne reconna t pas quand elle se trompe mais qui seront reconnues par la post rit Dire que l opinion se trompe c est juger lopinion d une poque par rapport aux valeurs reconnues par une autre poque Avant 1933 l opinion dominante dans les pays europ ens tait favorable Peug nisme et l antis mitisme avait droit de cit au m me titre que nimporte quelle opinion Des soci t s chr tiennes par le pass ont t x nophobes ou ont d fendu la guerre sainte la mani re d un dogme ce qui nous para t absurde aujourd hui Bien des valeurs reconnues objectivement dans une soci t communaut peuvent appa ra tre plus tard comme des anti valeurs Il my a pas que lopinion qui soit incons tante les valeurs objectives le sont aussi en tout cas dans leur concr tisation qui nous int resse ici Il serait donc assez contradictoire de condamner pour rela tivisme une recherche du bien commun par consensus en arguant du mod le de la soci t communaut En tout cas la d termination du contenu du bien commun par un consensus L ID E DE BIEN COMMUN DANS LA SOCI T INDIVIDUALISTE 187 demeure l unique possibilit notre disposition dans l tat de diversit o nous nous trouvons Nous n avons pas d autre choix sauf rev
400. treprises juillet sep tembre 1985 Mayeur J M Catholicisme social et d mocratie chr tienne Paris Le Cerf 1986 Meinecke F L id e de la raison d Etat dans l histoire des temps modernes Droz 1973 Mesnard P L essor de la philosophie politique au XVT si cle Vrin 1969 Messner J Freedom as a principle of social ordner An essay in the substance of subsidiarity function The Modern Schoolman Saint Louis Missouri janvier 1951 p 97 110 Michel S La notion thomiste du bien commun Paris Vrin 1932 Montesquieu De Pesprit des lois Paris Ganier 1941 2 vol BIBLIOGRAPHIE 231 Mueller F The principle of subsidiarity in the christian tradition The American Catholic Sociological Review Chicago 1943 p 144 157 Mulcahy R The economies of Heinrich Pesch New York Henry Holt amp Company 1952 Munch I von Staatliche Wirtschafthilfe und Subsidiarit tsprinzip Juristenzeitung 1960 p 303 306 Mussolini B L Etat corporatif Florence Valecchi 1938 Nawiasky H Sfaatsiebre V erlagsanstalt Benziger K ln 1945 1955 3 vol Nell Breuning O von Zur Sozialreform Erw gungen zum Subsidiarit tsprinzip Stimmen der Zeit 1955 1956 p I II Paul VI Populorum Progressio Cahiers de l actualit religieuse et sociale Les questions sociales de notre temps Ed Saint Michel Pavan P La sussidiarita come principio della struttura sociale Politeia I 1950 p 7 17 Perroux F Capitalisme et com
401. tte culture par osmose Sans elles il n existerait m me pas ou seulement comme un animal au regard vide ou extasi mais sans m moire Il n est donc pas membre d une soci t politique civile aux instances lointaines mais membre organique de plusieurs soci t s qui le nourrissent diff remment Tout jeune il appartient d j des cercles enchev tr s Il n a que faire de la grande soci t laquelle il appartient aussi sans doute mais au del du quotidien et par un effort d abstraction Dans le pass il n en prenait conscience que quand il devait partir la guerre Ainsi la soci t r unit elle les groupes et non les hommes Car aucun homme ne saurait se d finir sans ces groupes d o il tire sa substance La soci t politique devient une organisation de familles de groupes professionnels de villages et d associations de toutes sortes On dira que ces groupes n existent que par les hommes qui les composent et qu travers ces organes formels la soci t finalement se compose d une multitude d individus les seuls concrets Mais la culture sous toutes ses formes se transmet dans les corps interm diaires CORPORATISME OU D VIANCE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARIT 155 et nulle part ailleurs Elle ne se transmet ni par la naissance ni l inverse par une d cision de palais mais par des relations quotidiennes au sein des structures sociales Celui qui poss de une essence d homme n acc
402. ture salazariste La Tour du Pin d signe deux adversaires principaux l tat tentaculaire qu il appelle c sariste et le lib ralisme issu de la R volution C est entre ces deux contraires que va na tre le corporatisme qui r sulte d une conception caract ristique de la libert humaine Le c sarisme ou socialisme apporte l esclavage L Etat qui agit la place de la soci t la paralyse et l assassine L autorit ne doit s exercer que l o la libert demeure insuffisante L auteur reprend l aphorisme de Taparelli Libert autant que possible autorit autant que n cessaire Encore faut il discerner l espace dans lequel la libert est possible Pour La Tour du Pin la libert individuelle existe tr s peu voire pas du tout Elle n est qu un leurre de r volutionnaires pour cette raison qu il n y a pas d individus Cette n gation ne vise pas seulement la libert de conscience qui est un pur concept mais aussi la libert d action Dans la r alit l homme ne saurait agir qu travers les groupes C est pourquoi la libert s arr te aux corporations et aux familles Dans leur domaine professionnel les corporations n ont jouer de r le subsi diaire que pat rapport aux familles L individu n a aucune capacit agit seul si on lui pr te cette capacit on le voue la mis re La Tour du Pin qui a particip comme officier aux v nements de la Commune a
403. u il part de la certitude erron e qu un groupe priv garantira 1 Op cit p 154 2 C est particuli rement net dans le compte rendu d j cit des Semaines sociales de France R P Delos fait P loge de Mussolini p 326 et M Pr lot p 365 370 Une phase autoritaire sera n cessaire si Pon veut construire un ordre corporatif 3 L Etat et les corps interm diaires Semaines sociales du Canada 39 session Montr al Editions Bel larmin 1965 CORPORATISME OU D VIANCE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARIT 165 lui seul le bien commun valeur publique et s aper oit tr s vite que m me si les priv s peuvent participer la r alisation du bien commun seule l instance supr me peut la garantir en dernier recours Pour avoir conf r au d part un pouvoir trop grand aux corps il doit plus tard d velopper d une mani re exponentielle le pouvoir de l Etat qu il s agissait de r duire Il est victime comme tant d autres th ories du paradoxe des cons quences Le corporatisme repr sente donc une d naturation de la soci t des corps interm diaires et en g n ral un d voiement du principe de subsidiarit Inter pr tation fauss e de Phistoire m di vale provoqu e sans doute par le malaise profond du xrx si cle qui fait appara tre le Moyen Age aux yeux de certains comme un ge d or vision sociale fond e sur un id al r aliser et une incapacit d assumer la r alit de la libert
404. u ici nos mentalit s Le jacobinisme n est d ailleurs pas seul en cause Il est naturel qu entre le pays du colbertisme et celui des anciennes libert s germaniques un foss se soit creus quant la d finition moderne du r le de l Etat La pens e politique comme Part et la litt rature puise dans les arch types de l histoire CHA PITRE X I I Les champs d application Le principe ainsi d fini vaut dans tous les domaines de la vie sociale o se pose un probl me d attribution des comp tences Il ne concerne pas seulement le r le de l Etat mais le r le de chaque autorit N importe quel groupe humain l image de la soci t politique peut int grer l id e de subsidiarit Il est clair que la pens e de la soci t organique h rit e d Aristote et si pr sente chez Althusius ne constitue pas seulement l histoire du principe mais sa forme La reconnais sance moderne de la soci t individualiste n emp che pas de comprendre les groupes sociaux comme des soci t s en miniature o se pose le probl me de l attribution des comp tences parce que tous y travaillent un but commun L une des applications les plus significatives du principe dans un groupe humain particulier est peut tre celle que pr conisait Hyacinthe Dubreuil dans l entreprise au milieu de ce si cle Ouvrier m tallurgique et autodidacte ce novateur tout fait inconnu commen a par une r flexion sur la condition o
405. udrait pas voit non plus le citoyen antique comme un homme la fois nanti du droit de vote et administr jusqu au d tail par le gouvernement qu il a choisi Le citoyen antique en fait de libert d autonomie selon nos crit res modernes n est priv que d une partie de sa libert de conscience si l on peut se permettre cette formule restrictive visant comparer et non juger La contrainte que le gouvernement doit exercer d apr s les anciens sur l ducration et sur les m urs est une cons quence de l emprise de la communaut plus que de l Etat lui m me qu il ne faudrait pas 1 L invention de la politique Flammarion 1983 p 89 2 Ibid 2 1253 a 18 et ss 3 Ibid livre VIII LA NOTION D INSUFFISANCE EN POLITIQUE 2I consid rer comme une instance ext rieure la soci t La preuve en est que cette contrainte se rel che au rve si cle laissant appara tre un pr individualisme fustig par exemple par D mosth ne En r alit le citoyen grec b n ficie d une libert tr s grande libert de travailler de commercer d entreprendre de parler en toute s curit en un mot de vivre tout court En ce qui concerne la libert d autonomie le citoyen grec serait comparer l homme libre du Moyen Age europ en davan tage qu consid rer comme un anc tre du sujet d un quelconque totalitarisme La soci t antique n appara t pas atomis e comme celle de l ternel despotisme
406. ue en Gr ce les lois sur le tyrannicide favorisent l rection de statues pour les meurtriers des mauvais chefs pendant qu une coutume av r e interdit qu on dresse la statue des chefs m me glorieux au moins jusqu au rve si cle C est que comme Aristote lavait montr le prince d tenteur de l autorit supr me nanti d autorit face aux autorit s restreintes ne poss de aucune comp tence singuli re sinon celle de talents humains reconnus Il ne rel ve pas d une humanit sup rieure comme chez les autres peuples chez lesquels des diff rences de nature existeraient entre le chef et ses sujets diff rence seule capable de l gitimer la royaut absolue Il men est pas chez nous comme chez les habi tants de l Inde o selon Scylax les rois ont une sup riorit nettement marqu e sur leurs sujets En Gr ce o les hommes sont gaux c est dire tous gale ment capables de gouverner l existence du pouvoir est n cessaire mais son attri bution contingente D o deux cons quences le partage du pouvoir et la restric 1 Aristote Politique VIL 14 1332 b 20 2 Ibid III 16 1287 a 20 25 26 L TAT SUBSIDIAIRE tion de son r le l utilit qu on lui pr te L id e d galit autant que l id e de libert est fondatrice de la pens e d un pouvoir suppl ant au lieu comme on le trouve ailleurs d un pouvoir cr ateur de soci t Les ventuels caract res sacr
407. ue Celui auquel on cache ses incapacit s ne fera jamais rien pour leur porter rem de Pour les tenants du principe de subsidiarit l galit importe moins que la concr tisation de tous les pouvoirs l actualisation de toutes les forces L instance tatique suppl era donc aux d ficiences par souci de la dignit de tous mais la diff rence restera marqu e entre ceux qui vivent de leur propre initiative et ceux qui attendent et re oivent un secours ext rieur Il est vident que la certitude d une galit absolue des hommes en tant que cr atures de Dieu NAISSANCE DU DEVOIR D ING RENCE 145 engendre chez les catholiques une acceptation plus ais e des in galit s sociales alors qu une pens e la que cherchera promouvoir l galit dans le seul domaine sa port e le domaine temporel et social et ceci surtout chez les Fran ais pour lesquels le souci d galit constitue une sorte d obligation mentale Sans l galit en dignit les diff rences deviennent plus difficilement supportables car elles prennent un tour qui peut devenir excessif et m me diabolique C est pourquoi Tocqueville expliquait le nivellement r volutionnaire par l effacement de Pesprit religieux L intervention de l Etat se trouve donc limit e par l autonomie r elle et possible des individus mais multipli e par les besoins issus d une incapacit de l autonomie Le principe de subsidiarit exige certes que les pouvoi
408. ue la libert s auto l gitime que l autorit au contraire ne s autol gitime pas Dans la vision n o scolastique et germanique de la subsidiarit la n cessit de l ing rence tait fond e sur la vision d une soci t communautaire ordonn e au bien commun Le devoir d ing rence suppose que le secours apport par les autorit s sup rieures ou par l Etat r ponde un devoir de justice et non de charit L ing rence en question n appata t ni facultative ni discr tionnaire mais elle dif s exercer dans la mesure des moyens tant que le bien tre minimal de tous n est pas atteint La justice se d finissant comme un d faut il encore l gitimer ce d ou r pondre la question en vue de quoi cela m est il d La justice commu tative et la justice distributive repr sentent toutes deux des changes quoique de nature diff rente Tandis que la justice l gale de Thomas d Aquin la justice sociale de Taparelli supposent un d sans contrepartie Le secours est d celui qui en a besoin simplement du fait qu il est un homme Et ce d justifie de priver un autre d une partie de ses biens le secours ne saurait se distribuer qu au d triment du contribuable Cette affirmation sous entend l id e de bien commun primant et d passant le bien tre particulier Le bien commun dans les textes pontificaux se d finit comme un ensemble de conditions l Mais l nonciation des conditions
409. ue pour une gestion des hommes et de leurs affaires confondre le gou vernement avec une administration Une soci t peut organiser elle m me ses int r ts Elle attend de PEtat qu il gouverne seulement la pluralit des organi sations Du moins tel est le principe lorsque cette soci t n a pas perdu la connais sance ni la comp tence de ses affaires Ce qui est le cas en Am rique Cette diff renciation revient marquer nouveau la b ance entre la politique science et la politique art et en r alit ranimer la vieille querelle entre Platon et Aristote Confondre politique et administration signifie poser sur la politique la marque du syst me scientifique de sa certitude in branlable de sa technicit La politique n est pas une gestion parce qu elle chappe la science en gouvernant des libert s La soci t am ricaine excelle encore en pouvoirs d initiative en ce sens que 1 Ibid p 68 69 LES D BUTS DE L TAT SUBSIDIAIRE 75 Pindividu n a pas ptis l habitude de r clamer le secours de l Etat sauf en cas d exception et en dernier ressort Il met toutes ses forces se sauver lui m me jugeant l aide comme un compl ment presque par d anormalit Il en va ainsi chaque chelon chacun consid rant qu il poss de assez de ressources pour se suffire au moins dans ses t ches de proximit La description par Tocqueville des niveaux hi rarchis s o se d ploient les comp tence
410. ue que moyennant ce r gime ou par l intronisation du socialisme d Etat Toutes propositions positives et justifications n gatives qui permettent d tablir une filiation vidente et probablement un lien direct non seulement avec le salazarisme mais aussi avec le fascisme italien La subsidiarit paravent de l tatisme Le d but du xx si cle est marqu par un courant d id es puissant et multi forme r agissant contre les m faits de la libert individuelle d brid e L anarchie conomique r sulte pour lui de la vacance dommageable des autorit s centrales Mais cet anti lib ralisme ne se range pas forc ment dans le camp socialiste L id e corporatiste va donc constituer sa seule issue jusqu ce que naisse un courant proche dans la critique mais diff rent dans ses propositions positives celui des n o lib raux allemands h ritiers des m mes convictions mais d fen seurs du principe de subsidiarit contre le corporatisme C est donc bien la question du statut des corps interm diaires et corr lativement de la vraie subsidiarit qui forme le n ud central de la d finition d une troisi me voie Salazar se dit ouvertement anti d mocrate anti parlementaire anti lib ral pour PEtat corporatif Au d part il ne s agit pas d une proclamation tatiste ou totalitaire mais d un refus de la lutte ouverte des int r ts individuels L tatisme sera ici une cons quence al
411. uelques res sources secourir certaines infortunes m nager certaines transitions mon Dieu nous serions d accord cela s est fait nous d sirons que cela se fasse mieux Ces deux id es de n cessit et d exception doivent tre r unies pour permettre l intervention de l Etat hors de ses sph res habituelles Les n cessit s courantes sont prises en charge soit par l Etat pour la s ret soit par l individu pour le bien tre quotidien Mais il faut une situation de gravit pour justifier un boule versement dans les attributions Car si l Etat intervient dans le domaine d attri bution de la soci t il entrave la libert de deux mani res en emp chant ceux qu il secourt d apprendre se secourir eux m mes et en privant les autres d une partie de leur propri t Il atteint ici aux uvres de la libert l la libert en acte Il d nature donc son but unique qui consiste garantir et prot ger partout la libert Il faut donc une utilit caract re indispensable pour qu il d roge sa propre finalit Si l exception tendait devenir la r gle il y aurait alors change ment de la finalit de l Etat et l on se trouverait sous un gouvernement diff rent Dans tous les cas le crit re de la n cessit exceptionnelle notion sub 1 J S Mill Principes P 351 2 Op cit p 43 3 Op cit p 112 113 L TAT SUPPL ANT 93 jective demeure le consentement de la soci
412. ues l Etat sont pr cises et deviennent question de principe contrairement ce que penseront les partisans de l Etat subsidiaire Car la capacit d autonomie ne varie pas vraiment dans une soci t d termin e les individus tant suppos s gaux mais dans chaque soci t au cours du temps La suppl ance de l Etat se justifie pour compenser le d faut des Lumi res Des peuples jeunes dit Stuart Mill incapables encore de produire concurrence de leurs besoins doivent travailler dans le cadre d une politique conomique volontariste Mais cette suppl ance est toujours limit e dans le temps de par la certitude du progr s ind fini L Etat attendra que ce peuple acqui re davantage d esprit d initiative puis se d sengagera Il jouera de surcro t un r le d ducateur p dagogue autant qu acteur afin d acc l rer le d veloppement des capacit s de son peuple Suppl er n implique pas de combler passivement les vides et n a pas seulement pour but de sauvegarder malgr les insuffisances individuelles un bien tre minimal Suppl er ne signifie pas exclusivement compl ter un avoir ni garantir des r sultats mais enrichir les tres par la p dagogie de l autonomie En France m me malgr le progr s des Lumi res un certain nombre d individus ne savent pas encore se suffire eux m mes L Etat doit donc y recourir Ces individus sont consid r s par la pens e lib rale comme des invalides sociau
413. uestion politique majeure du r le de l Etat Elle le fait dans un esprit enti rement diff rent de celui qui inspire la pens e fran aise sur le m me sujet Fortement influenc s par le 1 A Grisel Trait de droit administratif suisse p 348 Le principe de proportionnalit invite l Etat employer des moyens adapt s ses buts Il requiert donc entre les moyens et les buts un rapport pertinent ad quat convenable Ainsi con u il pose la question du e soit des modalit s de l action tatique Il sc distingue d s lors du principe de subsidiarit qui subordonne les interventions des collec tivit s publiques la carence des administr s et soul ve la question de lob soit de l opportunit de l acti vit tatique 2 M Hoffmann Becking dans Die Begreuzung p 448 et ss a retrac quelques discussions juridiques qui ont eu lieu au sujet des rapports entre l interdiction de l exc s et le principe de subsidiarit 208 L TAT SUBSIDIAIRE jacobinisme les politiques et juristes fran ais partent souvent de l hypoth se que l Etat fait mieux que le priv principe de rentabilit et qu il a pour mission d aplanir les in galit s dont h rite la soci t conomie de march et la soci t tout court Cette hypoth se souterraine se situant dans le non dit et parfois dans l impens developpe rarement ses justifications Elle repose sur l histoire et fait partie aujourd
414. ui va aboutir une id e largie de la suppl ance au xIx puis au xx si cle si les hommes sont non seulement capables d agir mais de d ter miner leur propre vision du monde l autorit devra s effacer la fois devant leurs actes et devant leurs buts Elle fonde aussi l id e de suppl ance de l instance tatique face aux individus isol s attribuant ainsi l autorit et aux libert s des comp tences sp cifiques Les droits premiers Chez Tocqueville cest l inqui tude devant la dissolution des groupes sociaux qui oblige poser la question du r le de l Etat Chez les lib raux du xIxe si cle l loge de l individu fonde la m me question Le lib ralisme a tendance suspecter dans le d veloppement des groupes la naissance de despotats parti culiers et c est bien pour cela qu il avait lutt pour combattre les corporations 1 Ibid p 191 Tout comme l usurpation consiste exercer un pouvoir auquel un autre a droit la tyrannie consiste exercer le pouvoir au del de son domaine l gitime 2 Ibid p 193 3 Ibid p 203 88 L TAT SUBSIDIAIRE ce que signifiait au d part le laisser faire Seul l individu est sujet de droits l Etat n a que des devoirs et les groupes des droits d riv s Le juriste Bertauld dans une tude de la pens e lib rale publi e en 1864 r sume assez bien cette pens e On oublie trop qu il n y a que les individus qui ont des droits pr
415. un si aucune valeur objective ne se d tache de la soci t individualiste sinon l id e la v rit bien confuse que le bonheur de chacun passe aussi par le bonheur de tous Dans une soci t qui ne reconna t pas de valeur objective laquelle chacun devrait se subordonner sous peine d appara tre soit comme un h r tique soit comme un faible d esprit selon que cette valeur serait religieuse ou id ologique au sens de l id ologie totalitaire apparaissent tout de m me un certain nombre de valeurs communes auxquelles l ensemble des individus mais non la tota lit adh rent naturellement et par libre choix La soci t individualiste n en est pas pour autant incapable de d terminer le contenu du bien commun dont elle ressent la n cessit Mais ce contenu se d finit par consensus et non par une d ter mination ext rieure Il faudra tirer les valeurs communes de opinion des membres de la soci t Cette solution peut sembler dangereuse et s attire un reproche en v rit justifi c est illusion de croire que l opinion est toujours droite Elle peut courir son propre malheur L Europe n a pas oubli comment les Allemands ont pl biscit Hitler ses d buts On peut r pondre que tout d abord il ne s agit pas d opinion majoritaire mais d opinion g n rale car un gouvernement m me lu d mocratiquement ne peut jamais imposer une mesure importante concernant le bien commun sans
416. un certain pouvoir charge pour elle de s en servir pour garantir les autonomies insuffisamment puissantes Les hommes sortent ainsi de l tat de nature qui constitue un tat de guerre larv e non pas pour obtenir la 1 Ibid p 122 et ss 86 L TAT SUBSIDIAIRE paix tout prix mais pour en finir avec la pr carit de leur vie pour assurer la p rennit de leurs uvres Le gouvernement loin de les priver de leur libert la leur grandit au contraire en la rendant stable de fragile qu elle tait Et la libert de Locke ne traduit pas seulement celle de choisir ses gouvernants ou de consentir leur ob ir Elle implique la capacit de mener sa vie de disposer de ses biens et d uvrer en vue de desseins individuels Elle implique galement et cela est nouveau le choix des opinions et des convictions personnelles sur le plan religieux puisque dans la Lettre sur la tol rance Locke refuse au gouver nement le droit de se m ler de la vie spirituelle de ses sujets L autonomie humaine englobe donc pour la premi re fois la libert des finalit s autant que celle des moyens Non seulement dans le cadre des actions comme chez Althusius mais aussi dans le domaine de la pens e l instance publique n a pas remplacer les individus Du mauvais au bon gouvernement Le r le du pouvoir politique se voit donc restreint dans des limites pr cises Il n a pas uvrer mais prot ger les uvres des
417. ur indiff rence et de leur paresse Ces consid rations indiquent le lieu de divergence avec le lib ralisme qui ne tardera pas appara tre en Europe et qui se trouve d j en germe dans la th orie contemporaine de Locke Le r le de suppl ance conf r Pautorit ne r sout pas le probl me de la d limitation des besoins insatisfaits Si le pouvoir ne doit inter venir que dans la mesure des insuffisances et l o se trouve une n cessit sur quels crit res fonder l insuffisance et la n cessit La th orie lib rale trouvera les limites de la n cessit dans la description du salut de la soci t sa s ret Ici le domaine de la n cessit est beaucoup plus large puisqu elle inclut le bien tre de tous et de chacun Le souverain est protecteur au sens aussi o il secourt dans la mesure de ce qui manque au bien tre Cela inclut une id e sp cifique du bien commun qui sera d velopp e plus tard Cela implique que les communaut s sociales ont d j accompli une grande partie des t ches de solidarit sinon le 1 J Dagory op cit p 104 Go L TAT SUBSIDIAIRE r le subsidiaire proprement dit conf r l autorit supr me la transformerait en Etats providence ce qui n est en aucun cas la pens e d Althusius et ce qui par ailleurs d naturerait le caract re sp cifique de ce r le subsidiaire Pour que naisse l id e de subsidiarit il faut que la soci t soit porteuse d une volont
418. ure o il peut d ployer ses propres capacit s et dans la mesure o il est ma tre de son destin Cette libert s entend comme un droit parce que l homme se d nature en la perdant et ici l argument de la raison est rejoint par celui de l exp rience historique Par ailleurs elle ne s entend pas seulement comme prove nant d un agent individuel mais provenant aussi de communaut s de but organis es par plusieurs agents individuels En ce sens les associations soit naturelles comme la famille soit de choix et de contrat comme n importe quel groupe social exigent PROBL MES CONTEMPORAINS DE L TAT SUBSIDIAIRE 199 leur libert d action la fois au sens d un d sir et au sens d une n cessit intrin s que La libert des individus et des groupes se justifie en droit parce qu elle tend la r alisation d une uvre singuli re ou collective et parce que l uvre continue l tre et contribue le grandir Plus une uvre se trouve proche de l tre plus elle justifie sa libert s accomplir Dans cette optique H Hengs tenberg indique que le groupe le plus communautaire c est dire le plus proche de l homme a pr s ance sur celui qui l est moins sa libert est pour ainsi dire prioritaire Il pr cise qu il ne faut pas voir entre ces groupes une diff rence de valeur mais une pr s ance de fonction Le groupe le plus communautaire assure plus directement la r alisation de l ind
419. uste despotique ou tyrannique semble appuyer encore sa mani re de voir Il d crit le gouvernement injuste comme celui qui poursuit sa finalit propre et non pas le bien de toute la soci t A l inverse le gouvernement juste se d finit comme celui qui gouverne en vue du bien commun Le fait de donner comme seul crit re de l gitimit du pouvoir au sens non de la l gitimit histo rique mais de la l gitimit intrins que et philosophique la poursuite du bien commun justifie imm diatement m importe quel despotisme clair Thomas d Aquin ne fait pas de diff rence ici entre un gouvernement dirig au bien commun d une soci t sans autonomie et un gouvernement dirig au bien commun d une soci t d hommes libres Le principe de totalit r v le probablement deux significations dont l une est circonstancielle et l autre fondamentale De la soci t la notion de personne Il indique d abord l tat d esprit d une poque poque de ce que L Dumont appelle la soci t holiste Il s int gre dans Pesprit de la soci t communautaire trang re l individualisme moderne Depuis l Antiquit et jusqu aux th ories du contrat social l homme n est d fini que par rapport au groupe dans lequel il na t et gr ce auquel exclusivement il se d veloppe Consid r comme la fois d pendant et solidaire il se dess che si on l exile de ses amarres Naturelle ment cette vision des ch
420. utes ces t ches o il doit intervenir comme substitut l Etat travaille videmment moins bien Un d panneur ne saurait que bricoler L entreprise de PEtat co te un quart de plus et rapporte un quart de moins que si elle est conduite par un parti culier 1 A fortiori l Etat centralisateur qui s immisce partout multiplie les erreurs et les n gligences et finit par d truire les outils qu il s est adjug s Le pays devient une vaste d solation avec ses dettes impay es ses coles et ses h pitaux d grad s La raison de ce r sultat s offre d elle m me celui qui g re n est pas fait pour cet office L argument de la finalit et de la proximit vient poser des vidences techniques rappeler que l uvre politique et sociale doit se plier aux exigences de n importe quel travail humain Un outil produit de l utilit pour la fin laquelle on l a programm et non pas pour une fin arbitrairement d cid e Un homme est infiniment plus efficace s il travaille la finalit qu il s est lui m me assign e et pour laquelle il a go t et comp tence La finalit est restrictive la comp tence galement La division sociale des t ches produit une infinit de groupes la fois appropri s dans leurs domaines pr cis et impropres dans tous les autres L Etat n chappe pas cette r gle Son r le de suppl ance g n ralis e dans tout ce qui concerne l int r t public ne lui conf re pas pour au
421. utions largement LA NOTION D INSUFFISANCE EN POLITIQUE 27 d velopp es finissent par susciter cette d cadence de l autorit dont nous trouvons la description inqui te chez Platon chez D mosth ne chez Cic ron Dans la pens e aristot licienne l exc s de pouvoir marque l abandon pur et simple de la cat gorie politique Le pouvoir repr sente une arme double tranchant un rem de qui peut devenir un poison s il est administr sans prudence Et ceci parce qu il ne d signe pas une instance toujours diffusive de bien et dont le d veloppement exponentiel engendrerait le d veloppement exponentiel du bien mais un outil l utilit pr cise et apte servir dans certaines conditions CHAPITRE I I L envers de la raison d Etat On peut se demander a priori en quoi l id e de raison d Etat concernerait l id e d un pouvoir suppl ant En effet elle est son antith se exacte L id e de raison d Etat implique que l Etat peut se prendre lui m me pour une fin c est dire utiliser tous moyens sa convenance pour se conserver lui m me y compris consid rer la soci t comme un moyen Or c est justement l mergence de cette id e depuis Antiquit qui laisse appara tre en m me temps la certitude essentielle fondamentale de la secondatit du pouvoir Les Europ ens ont forg le concept de raison d Etat parce qu il correspondait une r alit particuli re r v lant les agissements
422. utonomie s appelle libert Il vaque ses travaux suffit ses besoins et acquiert ses biens propres Mais lautosuffisance compl te lui manque cette autarcie qui consisterait 1 Deuxi me trait p 116 2 Ibid p 176 L TAT SUPPL ANT 85 pouvoir se d fendre lui m me d fendre sa famille et ses possessions contre des agresseurs Il manque donc de puissance pour garantir son ind pendance totale Bien s r il se d fend si on l attaque et se rend justice soi m me Mais il ne peut pas toujours ex cuter ses d cisions de justice or qu est ce qu un droit que la force ne garantit qu moiti La jouissance de son autonomie demeure pr caire parce que sa force ne suffit pas la prot ger Il a donc besoin d une autorit politique non pour lui procurer les biens n cessaires sa vie mais pour lui garantir la stabilit des biens qu il sait se procurer lui m me La conceptualisation du contenu de cette diff rence entre ce que l homme est capable de faire vivre d une mani re autonome et ce qu il est impuissant faire garantir par la force cette autonomie fonde ce qui deviendra la suppl ance chez les lib raux classiques Ici l homme est capable d assumer tout ce que son bien tre requiert mais non pas la condition de la p rennit de ce bien tre la s ret Ce sont l tendue de la capacit et ses modalit s qui distingueront le lib ralisme du catholicisme social
423. uvri re Pour lui le probl me ouvrier venait davantage que d un manque d allocations ou d un salaire peu lev du caract re contraignant du travail et du manque de consid ration qui s y attachait On pourrait dire que pr cocement Dubreuil avait attir l attention sur le fait que les conditions de travail appelaient aussi des droits autant que la r mun ration du travail Mais il ne s agissait pas seulement des conditions mat rielles au sens de l hygi ne ou de la s curit des b timents Dubreuil passa sa vie explorer le probl me de la libert et de la responsabili sation du travail r clamant qu l int rieur de l entreprise aucun individu ne soit priv de la t che qu il pouvait accomplir au maximum de ses capacit s C est ainsi qu il d fendit l atelier autonome d entreprise association de salari s charg e d une uvre pr cise et jouant un r le de sous traitance par rapport la direction g n rale Il s agissait l de r cuser une vision massifiante de l entreprise et de la C MILLON DELSOL 8 210 L TAT SUBSIDIAIRE r organiser en soci t vivante anim e par des p les de volont et de d cisions communes Dubreuil travaillait dans le m me sens que R pke et l ordo lib ra lisme allemand quoique dans une sph re particuli re de l activit sociale Les ateliers autonomes taient responsables d une op ration compl te astreinte des imp ratifs de quali
424. ux m mes L objet naturel de toute intervention en mati re sociale est 140 L TAT SUBSIDIAIRE d aider les membres du corps social et non pas de les d truire ni de les absorber Il ne s agit pas seulement de l action de l Etat mais de celle de toute autorit quelles que soient sa taille et sa port e Commentant Quadragesimo Anno Pie XII pr cise que toute autorit sociale est par nature subsidiaire 2 Le respect de l autonomie doit s entendre partout o il y a relation entre autorit et libert ce qui est la seule garantie pour pr server le plus de libert possible partout o elle s exprime Cette description reste pourtant incompl te puisqu elle insiste seulement sur la n cessit de ne pas entraver l autonomie des personnes et des groupes La d finition de Pie XI est la plus connue notre poque parce qu elle correspond une situation sociale domin e par l Etat providence Elle a t nonc e au moment du d veloppement des dictatures europ ennes Elle doit tre compl t e par celle de L on XIII Assur ment s il arrive qu une famille se trouve dans une situation mat rielle critique et que priv e de ressources elle ne puisse d aucune mani re s en sortir par elle m me il est juste que dans de telles extr mit s le pouvoir public vienne son secours car chaque famille est un membre de la soci t Ce n est point l empi ter sur les droits des citoyens m
425. videntielle apportant tout une soci t faible et une soci t travaillant tout enti re au bien commun Dans cette derni re le bien tre parti culier ne se r alise pas en dehors du bien commun auquel il apporte sa contri bution et dont il re oit en partage Il va de soi que dans cette optique le bien commun ou l panouissement de tous consid r s ensemble et non s par ment a davantage de valeur que le bien particulier d un seul Sa valeur tient ce qu il est plus parfait et sa perfection tient de sa communicabilit t Il englobe les biens divers et les conditionne Le bien commun dans la soci t holiste La pens e thomiste et n o scolastique ne pose donc pas le bien commun comme une notion thique ou du moins elle ne devient thique puis politique qu une fois valid son fondement ontologique Le bien commun n est pas seulement un id al atteindre issu d une doctrine ext rieure la r alit sociale et d taillant les modalit s d une soci t na tre Il ne s agit pas par exemple de dire que l homme tant un loup pour l homme il doit apprendre la solidarit et int grer la n cessit du bien commun dans la recherche de son bien particulier 1 Ch de Koninck De la primaut du bien commun p 8 L ID E DE BIEN COMMUN DANS LA SOCI T INDIVIDUALISTE 175 A l inverse le bien commun est un concept de la soci t naturelle et concr te issu d une anthropologie Il signifie que l
426. vidus ont besoin de leur libert que cette libert est g n ratrice d injustices et que l id e de subsidiarit vise justement traquer les effets pervers de la libert sans supprimer ni elle ni eux Il est patent que durant toute la p riode consid r e les pontifes cherchent solutionner la question sociale par une suite de compromis tandis que le courant corporatiste sacrifie une partie importante de la libert pour un bien plus grand Ou soi disant tel car le syst me tenu pour d sirable suscite lui aussi des cons quences n fastes et r introduit par ailleurs les injustices qu il avait pour but de supprimer Cons quences devant lesquelles les corporatistes apparaissent frapp s de c cit Le corporatisme demande des groupes priv s d exercer le pouvoir r gle mentaire en principe conf r l Etat de fa on traquer Pinjustice sociale au plus pr s de sa source sans faire intervenir l instance tatique dont Ping rence est insupportable Mais l attribution de pouvoirs publics des groupes priv s requiert un pr suppos de moralit peu propre la r alit sociale les groupes en question devront utiliser leurs pouvoirs strictement en vue du bien commun L attribution des m mes pouvoirs la seule instance publique ne requiert pas ce pr suppos utopique si l Etat n est pas charg au surplus de t ches finalit s particuli res Le juge augmente ses chances de demeurer quitable s il n e
427. vue officiel Ainsi L on XMI publie t il en 1891 l encyclique Rerum Novarum Le texte et les id es qui s en d gagent forment le fondement de la pens e vaticane du xx si cle ce sujet Le principe quoique non explicitement nomm y appara t comme cadre et comme condition des possibilit s de la politique pro mue L Eglise ne se permet pas de vanter telle ou telle organisation politique et sociale encore moins de d crire l une ou l autre comme la seule souhaitable En principe elle ne se pr occupe des affaires temporelles que pour proposer une morale et n ignore pas que la politique n a pas pour but d imposer une morale Mais si elle se cantonnait dans le domaine de la stricte morale elle se contenterait de donner des conseils de charit et de justice particuli re Elle d passe ce stade en d finissant des principes politiques et sociaux tir s de sa vision de l homme Ce faisant elle n a pas le sentiment de proposer un ordre sp cifique tranger au monde non chr tien Car sa vision de l homme pouse une tradition occidentale et rassemble les conceptions m di vales et celles des droits de l homme au moins quant leurs fondements L id e de la dignit de la personne correspond un consensus thique en dehors m me de toute foi religieuse Le principe de subsi diarit appara t comme une m thode d action sociopolitique permettant de res pecter le mieux possible la valeur de dignit et de la
428. x des hommes que la nature aurait oubli de m rir demeur s infantiles au milieu d une soci t d hommes souverains Comme en ce qui concerne le secours de charit l instruction obligatoire ne vaut que temporairement parce que la soci t ne voit pas encore clairement ses propres int r ts Un optimisme sans faille sur les capacit s humaines rend l action de l Etat toujours provisoire et la pose en attente d un d ploiement toujours plus grand des capacit s Il est donc naturel que cette action demeure dans le principe extr mement limit e puisqu elle risque dans l exc s de ralentir le cours de l his toire de retarder l av nement d un peuple vraiment libre Ces limites forment la mati re principale de la r flexion politico conomique Le caract re suppl tif de l Etat ne se d finit pas pr cis ment par l intervention 1 Principes P 492 2 J Simon La libert politique p 309 Le patronage a t bon quand la soci t tait dans l enfance il n est que dangereux aujourd hui parce qu il entretient la mis re force de la soulager Il faut Paban donner sans le maudire partout o il s applique aux valides ceux l s ils souffrent peuvent et doivent se sauver eux m mes il faut le conserver pour les impuissants et les incurables de m me que dans la vie politique il faut prot ger l enfant et laisser l homme lui m me L intervention de la charit comme celle d
429. x fustigeront Chez Althusius appara t d j ce devoir civique moral plus que politique ou juridique puisqu il n est assorti d aucune sanction au moins d aucune sanction visible Les citoyens doivent participer dans la mesure de leurs moyens certaines t ches communes devoir d Etat auquel le souverain ne peut les contraindre Il peut para tre na f pour un auteur politique d imaginer que les hommes accompliront leur devoir social pour ob ir leur seule conscience On ne construit pas une politique sur une morale Pourtant la signification de la th se d Althusius porte plus loin et demeure plus politique qu on ne le croit au premier abord En pr nant la solidarit sociale il ne r clame pas aux communaut s de s occuper des affaires de tous de prendre en charge par exemple la pauvret afin d viter que la soci t ne devienne pour certains un enfer Ce qui serait manquer tota lement de r alisme et Althusius n a rien d un marcheur l toile La finalit de UNE MULTIPLICIT DE CONTRATS 59 ces t ches de solidarit est tout autre un manquement de la part des acteurs sociaux cet gard entra nerait leur remplacement par une instance plus puissante Leur n gligence engendrerait un d veloppement abusif d autorit s sup rieures que tout leur effort porte pr cis ment restreindre En se soustrayant ce devoir moral ils se priveront eux m mes d une partie de leur capacit d act
430. x sophistiqu s qui ont t entrepris pour savoir si le principe s exprimait et de quelle mani re dans les textes juridiques montrent quel point l id e subsidiaire domine les rapports institu s entre l Etat et les L nder entre l Etat et les communes entre les com munes et les personnes physiques et morales Il s agit d une id e implicite d ve lopp e travers ses applications juridiques concr tes m me si on ne la trouve p s proprement parler sous sa forme th orique L article 6 de la Loi fondamentale de la RFA est par exemple significatif en ce qui concerne la distribution des comp tences entre l Etat et la famille Il pr cise que l ducation des enfants appartient en propre aux parents sous forme d un droit fondamental Pourtant PEtat peut intervenir dans cette ducation dans certaines conditions pr cises qui sont la d faillance ou la n gligence des parents Cette intervention est vue non seulement comme un droit mais comme un devoir l instance tatique jouant un r le de gardien et de garant non pas de compl ment al atoire Le r le des parents se justifie par la proximit vidente de l agent et de Pacte accomplir et par cons quent par leur droit la libert d autonomie le r le de l Etat par le droit des enfants l ducation La question qui surgit est videmment celle de la limite partir de laquelle l intervention se justifie limite que le droit ne peut gu re
431. xrx si cle oblige l Eglise r fl chir la question sociale On commence croire pour la premi re fois que certaines struc tures sociales peuvent amenuiser les individus au point de leur faire perdre toute apparence d humanit La description du prol tariat est concomitante chez Marx et chez les catholiques sociaux et suscite chez ces derniers une analyse nouvelle Chaque homme est destin accomplir son but propre en d veloppant le maximum des forces qui lui ont t donn es par la nature Si la soci t l aide dans cette voie au lieu de le restreindre il n en sera pas pour autant plus digne mais il aura concr tis cette dignit il aura transform cette qualit ontologique en qualit existen tielle L panouissement de l essence en existence sans contradiction ni emp che ment est le d sir profond de chacun et garantit en partie son bonheur Les droits n expriment rien d autre que certains aspects chaque fois diff rents de la dignit Leur s lectivit peut les rendre inhumains Poser tel ou tel droit revient 1 Par exemple Jonas d Orl ans De Institutione La cali II 22 Migne vol 106 Il faut veiller ce que ceux qui commandent ne s imaginent pas que l inf riorit hi rarchique de leurs sujets tient une inf riorit naturelle En effet la Providence divine a voulu qu un homme puisse tre inf rieur un autre non par sa nature mais au point de vue de la dignit soc

L`État subsidiaire - Académie des sciences morales et politiques

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