La réforme de la justice en Haïti ou les affres d`un défi
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1. I v v S A Le Q le pass Plut t que de concevoir et de formuler une politique en la mati re qui serait susceptible de canaliser les diff rentes interventions sur le terrain le Minist re s est engag dans une s rie d actions qui pour importantes qu elles semblaient tre ne pouvaient permettre de saisir la globalit de l entreprise de r forme Ces actions se sont inscrites fondamentalement soit dans un cadre exclusivement normatif proposition d un ensemble de lois sur la magistrature o l assembl e des participants s est r v l e une chambre d ent rinement des projets labor s sans implication des acteurs judiciaires soit dans un cadre fonctionnel rel vement des salaires des magistrats distribution de motocyclettes aux juges de paix etc Dans le premier cas le Minist re a adopt une approche nofrmativiste il s agit essentiellement de changer les normes qui a pour cons quence d escamoter la dimension globale de la r forme et ses relations avec les caract ristiques de l Etat Dans l autre le Minist re a repris son compte un diagnostic spontan il s agit de prendre des mesures concr tes consistant r pondre l urgence et susceptible de produire des r sultats imm diats Le destin de cette approche a t d tre r cup r e des fins de propagande politique car elle c de une vision instrumentale en mettant emphase s2. l existence d une commission de refonte des codes a pu traduire l ambition de d passer la d su tude des normes en vigueur On peut bon droit souligner le caract re parcellaire de ces orientations Mais en d pit de 1 L expression est de Denis Salas Le tiers pouvoir qui la reprend de Marcel Gauchet La r volution des pouvoirs 2 Recueil G n ral des lois et Actes du Gouvernement d Ha ti Linstant DE PRADINE Paris 1866 A durant P donne Lauriel 2eme dition tome I 1804 1808 p 100 Patrick Pierre Louis Std Patrick Pierre Louis est professeur de Droit Constitutionnel et de Philosophie Politique l Universit d Etat d Haiti II dirige galement l Institut pour la D mocratisation de la Justice IDEJUS rattach au R seau des Ongs en Am rique latine et les Cara bes pour la ce fait les ambitions limit es qu elles portaient n ont jamais t suivies d effets Dans la pratique elles n ont eu d autre r alit que le cercle de leur propre assertion et se sont puis es dans l clair de leur nonc Of ce qui se joue partir de 1986 est l expression de l entr e en sc ne de nouveaux acteurs obligeant la pris en compte des revendications formul es en termes de justice D s lors ce ne sont plus les gouvernants qui ont eu lPinitiative ou le monopole du discours sur la justice d velopp des fins d tablissement de la l galit tatique mais b
3. mais pour n avoir pas trouv s inscrire dans une politique publique elle se sera perdue dans le vide strat gique Le pendant de cette analyse consiste dire que les probl mes de justice sont dus l absence de moyens La solution se r sume d s lors s assurer que les infrastructures la bureautique les moyens de communication et de transport supportent les actions des acteurs C est la posture bureaucratique Quand on les met ensemble ces deux postures compl tent bien le sch ma volontariste il s agit de d gager un sujet pour l action et de lui en donner les moyens Le discours du r cent Ministre de la justice promettant d en finir avec l impunit sans relier cette assertion avec des modifications structurelles est de la m me veine et tombe dans les m mes travers Tout rel verait nouveau d une volont instituante Conclusion l avenir de la r forme de la justice dure longtemps Aujourd hui le sentiment unanime d chec indique que le th me de la r forme loin d tre puis s av re incontournable Nul doute qu il va continuer tre exploit Il s agit donc de lui donner une nouvelle actualit et une autre carri re En ce sens il conviendrait de proc der une v ritable rupture pist mologique dans l ordre de la pens e politique du juridique En particulier il faut renouer avec l analyse propos e pat la CPRJD Dans son rapport cette commission in
4. Introduction e recours de plus en plus fr quent au h me de la justice son occurrence obstin ment r currente dans les discours des gouvernants ne risquerait il pas de lui faire perdre son potentiel transformateur Sa reprise oblig e ou syst matique par diff rents intervenants dans le domaine des responsables politiques aux agences de coop ration en passant par cette entit quasi mythique que repr sente aujourd hui la soci t civile pourrait elle conduire sa banalisation Le danger n est pas imaginaire consid rer les usages en cours qui d pouillent substance un th me de sa pourtant particuli rement porteur Parmi ceux qui r fl chissent ou qui travaillent sur la probl matique de la r forme de la justice beaucoup ignorent par provision m thodologique ou par parti pris id ologique les liens entre justice politique justice et Etat de droit justice et d mocratie Nombreux sont ceux qui ne voient dans la r forme de la justice qu un simple effort d adaptation de la norme au fait dans le meilleur des cas ou n y per oivent au pire qu un pur exercice technique de modification de la norme Cette lecture justifie qu on cherche associer des internationaux aux comp tences prouv es des dans l entreprise en question experts experts nationaux mieux impr gn s des r alit s locales Tout se passe ainsi comme si dans l entreprise de la r forme de la justice il ne s agiss
5. ait pas d un rapport au pouvoir f t ce un tiers pouvoir La r forme de la justice en Ha ti ou les affres d un d fi A O Ces attitudes continuent de faire flor s alors que l analyse du cas ha tien n a de cesse de r v ler Pimpossibilit de poser la question de la r forme de la justice dans la distante s r nit ou l obligeante neutralit du discours de la coop ration tant sa crise s nonce toujours au regard de l opinion publique dans des termes qui discr ditent son mode d emploi La r forme de la justice en Ha ti pourra t elle tre ce destin tranquille qu on lui pr pare dans des cabinets minist riels ou dans des bureaux de consultation Peut elle se penser sans tre rapport e la configuration de l Etat l De l id e de la r forme de la justice sa mise en ab me L id e de la r forme de la justice en Ha ti s est install e v ritablement dans le discours so cial partir des ann es 86 comme un des effets de la chute de la dictature des Duvalier et de Pentr e dans la p riode dite de transition vers la d mocratie Pour autant les gouvernants ont prouv tr s t t la n cessit de prise de mesures D j Dessalines le premier chef d Etat ha tien avait tendant une am lioration de la justice d s 1805 produit un plaidoyer en faveur de l arbitrage comme instrument de r solution efficace des conflits Plus pr s de nous sous la dictature m me
6. e justice Le Gouvernement Pr val Alexis dans son bilan de gestion publique allait admettre en f vrier 2001 l chec de ses interventions dans ce secteur Cet aveu partag pourrait tre porteur de promesses pour repenser le syst me de justice Toutefois Punanimit dans le constat d chec ne devrait pas cacher les difficult s Le risque est grand qu nouveau ce constat ne soit r investi dans le discours politique de pures fins de propagande ll Quelle r forme de la justice Chassez la perspective structurelle la politique revient au galop Les propositions du rapport de la Commission Pr paratoire la R forme du Droit et de CPRDJ conception de la r forme articul e en termes la Justice induisaient une structurels Or ce diagnostic n a pas t repris dans les actions du Minist re de la Justice qui s est cantonn dans une approche somme toute traditionnelle et n a pas su op rer de rupture avec 3 Pierre Louis P Emergence de nouveaux sujets de droit le cas ba tien en perspective in L Astr e Revue de Droit P nal et des Droits de l Homme Paris Imprimerie du Rectorat de Paris Sorbonne avril 1999 No 7 4 Cette commission a t mise en place en 1997 par le Minist re de la Justice afin de produire son intention un document de politique g n rale 3 e a D Q x J a LS S 3 TD cf E K Q A 2 D e D Q T amp
7. ien les demandes citoyennes qui ont forc le discours politique officiel s infl chir en int grant la probl matique de la r forme de la justice Pendant quelques ann es le discours officiel par opportunisme politique se donnera comme une simple paraphrase de ce discours revendicatif Pour faire vite on pourrait dire que ces demandes se sont articul es autour de deux axes dont le premier se fonde sur la justice sociale et dont l autre est de nature exclusivement politique renvoyant notamment la n cessit de la mise en place d un Etat respectueux des droits et libert s fondamentaux C est cette deuxi me dimension qui s est d abord cristallis e la surface du discours des dirigeants en raison de sa rentabilit politique imm diate Une Commission Nationale de V rit et de Justice CNVJ a ainsi t mise en place et a produit un rapport dont les conclusions sont autant de recommandations d mocratisation de la justice soulignant la n cessit d une r forme du syst me judiciaire Mais c est surtout la Commission Pr paratoire la R forme du Droit et de la Justice CPRD qui dans son rapport a exprim sans quivoque l impossibilit de d lier la r forme de la justice d une analyse des caract ristiques de PEtat Pourtant deux ans apr s le rapport Justices du PNUD confirmait l chec des diff rentes interventions de la communaut internationale en mati re d
8. sistait sur la n cessit d une r forme de la proc dure p nale en s attaquant la position et au r le des acteurs judiciaires ainsi qu leur statut et donc aux m canismes garantissant leur ind pendance Tout ceci tait nonc dans la tri ple perspective de construire un syst me juridico judiciaire garantiste accessible et efficace La red finition du r le du juge de paix ainsi que du Parquet en vue de leur sortie d une situation d inf odation au pouvoir par la s paration des fonctions juridictionnelles et des fonctions d enqu te et la constitution d un organe de gouvernement de la magistrature constituaient autant d axes dans une entreprise de r forme structurelle Or la conjoncture politique actuelle illustre bien l actualit de ces propositions A souligner la mani re dont le parquet est instrumentalis par le gouvernement l occasion de la crise politique que traverse le pays La mise en mouvement de l action publique contre des membres de l opposition m me maquill e de l galit t moigne des difficult s assurer dans les faits l ind pendance de la magistrature L histoire de la justice en Ha ti n est pas comme certains lont soutenu selon une analyse celle de surgissement ou de son manque mais somme toute na ve son non bien celle de son instrumentalisation qui conduit sa d n gation et sa totale absorption La mise en place des institutions j
9. udiciaires ha tiennes au 18e si cle montre comment le code rural a donn son contenu la fonction d agent politique du juge de paix en en faisant le gardien du r gime du caporalisme agraire En ce sens la r ception du syst me napol onien et son implantation en Ha ti dans le contexte d un Etat construit pour la d fense nationale o la souverainet de l Etat surd termine la souverainet populaire ne fera qu accentuer la tendance inquisitoire en d liant les juges de tout contr le et en les soumettant l ex cutif Si l instrumentalisation du judiciaire ha tien est donc inscrite dans sa naissance sa recomposition doit passer par une d construction de cette g n alogie de la d pendance En ce sens la r forme de la justice risque de durer longtemps et les novateurs feraient bien d avoir la m moire longue 5 De mani re symptomatique le chef du Parquet est d nomm Commissaire du Gouvernement en Ha ti 6 Il s agit notamment de la position soutenue par Gilles Accomando magistrat fran ais dans un rapport pr par pour le compte de la Mission des Nations Unies en Ha ti
10. ur des mesures profitables certains acteurs du syst me Elle produit ainsi une plus value politique mais c est pour an antir le rapport politique structurant IT Radiographie de l absence d une politique publique la posture volontariste L absence d une politique publique en mati re de justice a conduit le Minist re ne pas avoir de prise sur les diff rentes interventions en cours sur le terrain faute de les int grer dans une d marche d ensemble d finie en termes de politique Cette carence a autoris la production d une s rie de diagnostics du syst me juridico judiciaire ha tien qui n ont pas peu contribu parasiter le processus m me de r forme Ces analyses peuvent se regrouper autour de deux approches dominantes D une volontariste repose sur la pens e na ve que le manque de volont politique serait l obstacle la r forme et que par cons quent seul l arriv e la t te du Minist re d une personnalit forte pourrait permettre la mise en branle de la r forme Cette approche se rencontre couramment dans les positions de la communaut internationale dans son souci de trouver un interlocuteur La posture du dernier Ministre de la Justice a pourtant co ncid avec ce profil sans que cela produise des effets d clencheurs d terminants Son attitude par rapport aux diff rents intervenants aura t volontariste dans ses prises de position face la communaut internationale
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