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texte Francis Tuzet 2014
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1. an antissement que de la repr sentation Quant la t te d oiseau elle n est pas sans rappeler cette autre figure d homme t te d oiseau de la Sc ne du puits de la grotte de Lascaux Il serait ais d ailleurs de renforcer cette correspondance avec une autre mettant en relation les bois de cerf de Coiffe de foug res ou de Jeune fille au bois avec Le Dieu cornu de la grotte des Trois fr res Georges Bataille a consacr une tude importante aux peintures de Lascaux et dans son analyse de la Sc ne du puits il cite la th se de H Kirchner comparant cette sc ne aux rituels chamaniques des Yakoutes de Sib rie Les oiseaux sont les esprits auxiliaires sans lesquels le chaman ne saurait entreprendre le voyage a rien qui s accomplit tandis qu il est inanim Le chaman en principe participerait lui m me de la nature de l oiseau Il rev tirait parfois un costume d oiseau et la t te d oiseau que porte l homme du puits aurait le m me sens que le costume 3 Sans tre convaincu par cette th se Bataille n en retient pas moins l tranget de la sc ne Inqui tante tranget aussi que celle des dessins de No mie Huard rituel chamanique mise en uvre des forces de la nature absence des corps pr sence d entit s fantomatiques l ments informes en mutation tout concourt orienter le regardeur vers le sentiment paradoxal d un monde insaisissable et pourtant d une unit retrouv e Car l ins
2. 4 Michel Leiris Revue Documents n 6 1929
3. No mie Huard Du dessin comme c r monie Mon c ur est bon mais je suis un monstre Il y a bien des hommes qui sont plus monstrueux que vous et qui le cachent Outre que je suis laid je n ai point d esprit Vous avez l esprit de vous en rendre compte Jean Cocteau d apr s Madame Leprince de Beaumont La belle et la b te 1946 Mais au del de cette antinomie de la forme et du contenu il est une troisi me voie d acc s au champ esth tique de la modernit Rien ne la d signe mieux que le terme d informe dans l acception que lui a donn e Georges Bataille en 1929 l informe est une op ration qui consiste d classer au double sens de rabaisser et de mettre du d sordre dans toute taxinomie afin d annuler les oppositions sur quoi se fonde la pens e logique et cat gorielle forme et contenu mais aussi forme et mati re int rieur et ext rieur etc Dossier de presse de l exposition L informe mode d emploi Centre Georges Pompidou 1996 La nature et l espace sont au c ur du travail de No mie Huard Depuis longtemps son uvre rec le une grande part de myst re qui interroge notre pr sence au monde Dans ses dessins r cents cependant le propos semble se pr ciser la part magique et incantatoire devenir l objet m me du discours v ritable rituel plastique o la narration se fait mythe conte ou l gende Dessins Consid rons trois de ses dessins embl matiques La dune des bois L arbr
4. concerne la question de l informe c est plut t la d finition donn e par Georges Bataille qui pr cisera notre analyse Un dictionnaire commencerait partir du moment o il ne donnerait plus le sens mais les besognes des mots Ainsi informe n est pas seulement un adjectif ayant tel sens mais un terme servant d classer exigeant g n ralement que chaque chose ait sa forme Ce qu il d signe n a ses droits dans aucun sens et se fait craser partout comme une araign e ou un ver de terre Il faudrait en effet pour que les hommes acad miques soient contents que l univers prenne forme La philosophie enti re n a pas d autre but il s agit de donner une redingote ce qui est une redingote math matique Par contre affirmer que l univers ne ressemble rien et n est qu informe revient dire que l univers est quelque chose comme une araign e ou un crachat 1 En 1996 pour son exposition L informe mode d emploi inspir e des r flexions de Bataille le Centre Georges Pompidou d finissait quatre sections L horizontalit oppos e au postulat selon lequel l art s adresse au seul sens de la vision et donc l homme rig face un champ visuel vertical Le battement oppos l exclusion moderniste de la temporalit dans le champ visuel Le bas mat rialisme selon Bataille la possibilit d une mati re brute non conceptualisable r fractaire au sens et la m taphore comme la mise en forme Le conce
5. e de Cocteau Nids _ de la robe La composition s organise en trois entit s la fois compl mentaires et contradictoires formes naturelles v g taux dunes formes construites structures architecturales ou g om triques formes informelles en mutation conglom rats ondulatoires amas convulsifs de t ches massives pointues d chir es ces trois l ments visibles il convient d ajouter un quatri me pour nous essentiel l humain sugg r par l implication de la frontalit par la m taphore de la chaise vide par la m tonymie de la robe Il n y a pas aux dires de l artiste de volont narrative affirm e encore moins de d sir de sens pr tabli L acte cr ateur r side essentiellement dans un travail sur l outil et sur la forme Mais dans ce cas pr cis l outil aussi bien que la forme contredisent les apparences Il y a ici comme une impossibilit de d finir les Choses comme un secret ind chiffrable comme un tabou que l on ne doit pas transgresser L informe Mais revenons la forme L espace donc est pos et dans cet espace conventionnel surgit l innommable le grouillant le rampant le mutant le prolif rant dans cet espace organis surgit l informe Des r f rences s imposent bien s r Dune de Frank Herbert La belle et la_ b te de Jean Cocteau Le ch teau ambulant de Miyasaki car No mie Huard est attentive l iconographie de son poque Mais en ce qui
6. pt d entropie d signant le ph nom ne in vitable et irr versible de la d gradation de l nergie de tout syst me 2 De l informe et du sens Qu en est il alors de l informe dans les uvres de No mie Huard Certes implicitement ses dessins rec lent une importante dimension narrative et polys mique et le choix scrupuleux des titres vient renforcer d ailleurs cet apparent d sir de sens Cependant ses l ments mutants proc dent l vidence de l informe bataillien Horizontalit battement mati re brute entropie autant de concepts sugg r s dans ceux ci qui pour autant qu ils se situent dans le domaine de la repr sentation n en conservent pas moins une haute valeur suggestive et placent le spectateur dans un questionnement existentiel semblable celui visant comparer l univers une araign e ou un crachat L artiste parviendrait elle alors r concilier l informe et le sens C r monie Dans L arbre de Cocteau un petit d tail nous a paru clairant une chaise au dossier habill d une t te d oiseau La pr sence r currente de chaises dans les uvres r centes de l artiste dit assez l importance de cet l ment et son rapport m taphorique la figure humaine absente Autre r currence dans l uvre que ce concept d absence particuli rement pr sent dans Coiffe de foug res Passage et m me dans Nids de la robe o le corps sugg r proc de d avantage de l
7. tar de tous les rituels archa ques des contes des l gendes et des mythologies les uvres de No mie Huard sont des c r monies magiques qui permettent au regardeur de sortir de soi comme le chaman quitte son corps afin de r concilier les forces irr pressibles du r ve et les contingences mat rielles de la raison Je plains les hommes qui n ont pas r v au moins une fois dans leur vie de se changer en l un quelconque des divers objets qui les entourent table chaise animal tronc d arbre feuille de papier Ils n ont aucun d sir de sortir de leur peau et ce contentement paisible troubl par nulle curiosit est un signe tangible de cette insupportable suffisance qui est l apanage le plus clair de la plupart des hommes Sans parler des artifices magiques qui permettraient d accomplir r ellement quoique pour un temps plus ou moins long cette m tamorphose il est certain que rien ne compte en de de ce qui est capable de mettre un homme v ritablement hors de soi qu il s agisse d ingr dients mat riels ou de tout ce qui dans la vie est susceptible d une mani re ou d une autre de cr er un clatant et violent paroxysme 4 Francis Tuzet Mai 2014 1 Georges Bataille Revue Documents n 7 1929 2 Centre Georges Pompidou Communiqu de presse de l exposition L informe mode d emploi 1996 3 Georges Bataille La Peinture pr historique Lascaux ou la Naissance de l art Coll Skira 1955
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