les articles de presse
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1. distinguer le langage litt raire du langage ordinaire Quand elle s y ris que elle est malhabile tablir entre les uvres une hi rarchie de valeur Si l on demande aujourd hui qu est ce que la litt rature l homme moderne sera embarrass pour r pondre cette question Il dira que ce n est ni de la philosophie ni de l histoire ni de la psychologie etc Il ne pourra formuler qu une r ponse n gative Au mieux il par lera de style __ Et pourtant Quoiqu en dise la linguistique la litt rature ne se r duit pas la forme Elle vaut d abord par ce qu elle veut dire Le sens d un texte en demeure l l ment principal C est lui qui entra ne la forme la plus propre l exprimer Cette forme exige certes d tre tudi e mais en tant qu elle est une voie d acc s vers le sens Il est faux que la litt rature soit condamn e ne rien dire quitte le dire bien Dans le pass la litt rature a toujours t le v hicule de grandes id es Au vingti me si cle encore des uvres litt raires majeures celles de Kafka d Orwell de Soljenitsine etc ont su mettre jour des v rit s que sciences et philosophies n avaient pu atteindre Il faut donc r apprendre consid rer la litt rature pour ce qu elle est un langage charg de sens l expression d une pens e la recherche de la v rit C est dans cet esprit que nous allons tenter car il est sans doute temps de le faire de la red finir Au2. raire Une pol mique plus fine utilise mieux que l injure l insinuation Ce proc d consiste sugg rer quelque chose de d sobligeant concernant la personne de celui dont on attaque les id es de telle sorte que ces derni res puissent appara tre comme le simple effet d un d faut d une tare d une anomalie quelconque et perdent ainsi tout prestige
3. ties de l opinion en refusant de hurler avec les loups Ainsi pour r sumer ce texte tend d montrer que con trairement ce que pr tend Sartre le vrai courage et la vraie libert consistent refuser l engagement politique Le texte ironique d monstration indirecte L ironie est un proc d de d monstration indirecte in vent par Socrate cf notre chapitre Aper u de quelques grandes philosophies L ironie en grec eironeia signi fie interrogation consiste feindre la plus grande admiration pour la th se que l on condamne Au lieu de la critiquer on demande son auteur des claircissements destin s en r v ler pr tendument toute la profondeur Comme le corbeau de la fable l auteur de cette th se flatt entreprend de d velopper sa pens e Mais comme celle ci est en r alit fort mal assur e il ne peut qu en r v ler les fai blesses et les contradictions Et par cons quent il proc de lui m me la d molition de ses propres th ories L ironie offre donc celui qui la pratique le d licat plaisir d assister l autodestruction de l adversaire L intervention de l ironiste est infime une feinte admiration un encouragement une nm question faussement na ve et voici l interlocuteur qui se rengorge se pavane et s embrouille sous le regard gogue nard de celui qui l a ainsi attir dans un pi ge Nous allons illustrer cette d finition par un texte de Montesquieu De
4. cours de cet ouvrage nous analyserons les formes traditionnelles sous lesquelles se pr sente la litt rature nous tudierons les grands courants de pens e l int rieur des quels elle s inscrit et nous proposerons des cl s pour quelques auteurs cl s Qu est ce qu un texte litt raire Tout crit n est pas pour autant un texte litt raire Un trait de g om trie se situe en dehors du domaine de la litt rature Ce peut tre aussi le cas d un po me s il est trop mauvais La litt rature ne repr sente donc qu une faible part de ce qui s crit et s imprime Inversement toute litt rature n est pas n cessairement crite il existe encore une litt ra ture orale qui t moigne de ce qu a pu tre la litt rature avant l invention de l criture Pour distinguer les textes litt raires de ceux qui ne le sont pas il existe un certain nombre de crit res 1 Les textes non litt raires sont le v hicule d un sens qu ils peuvent transmettre en totalit Une fois ce sens d li vr le texte peut tre oubli ayant rempli son office il est devenu inutile Par contre les textes litt raires poss dent en plus de leur sens une signification Le propre de la significa tion est qu elle n est pas susceptible d tre isol e du texte qui la supporte Elle n est pas r ductible des signes abstraits ses limites ne sont pas pr cises et son contenu est la fois riche et ind termin C est ainsi qu une lecture attentive
5. d Europe qui font entre eux tant de conventions inutiles d en faire une g n rale en faveur de la mis ricorde et de la piti Montesquieu L Esprit des lois XV 5 Dans un dialogue v ritable dans la vie ou au th tre l ironie consiste poser des questions l interlocuteur et le laisser parler Mais dans un texte non th tral o l auteur par d finition est seul pr sent elle consiste pr ter l ad versaire la r ponse la plus propre ruiner sa th se et pour cela feindre d tre cet adversaire lui m me pour mieux lui sl faire prononcer les paroles qui le condamneront C est ainsi que Montesquieu en r ponse une question suppos e Si j avais soutenir le droit que nous avons eu de rendre les n gres esclaves se fait pour un instant l avocat de l es clavage mais le plaidoyer qu il pr sente est si volontaire ment mauvais qu il quivaut un r quisitoire Montesquieu d montre par l absurde le caract re injustifiable de l esclavage Les deux premiers arguments noncent non des justifica tions morales mais de simples causes on voit que l escla vage est la cons quence d un crime ant rieur le massacre des Indiens d Am rique et des motivations mercantiles des Europ ens le prix du sucre il n en est que plus coupable Quant aux justifications qui viennent ensuite elles sont d avance discr dit es par la place qu elles occupent dans l argumentation une justification
6. en effet ne vaut que si elle pr c de l acte elle devient suspecte si elle le suit on songe au loup de La Fontaine qui ayant tout d abord d cid que l agneau est coupable cherche ensuite de quel crime Il est clair ici que comme dans la fable nous sommes en pr sence d une id ologie fabriqu e pour la circonstance afin de masquer d un voile hypocrite les motifs v ritables des escla vagistes Ces arguments ont ils au moins l effet que l on attend d eux Pas du tout Bien au contraire En voulant l gitimer l oppression laquelle sont soumis les Africains l avocat qui nous parle ici met jour le mar cage de pr jug s de complexes d id es confuses et de pens es inavouables qui composent l aversion des Blancs pour les Noirs par le seul fait de les formuler et de les expo ser ainsi la lumi re de la raison il en fait appara tre le caract re la fois odieux et enfantin en lui faisant prendre conscience de la vraie nature des sentiments racistes il lib re le lecteur comme par une cure psychanalytique de la tenta tion d accepter toute th orie de ce genre Mais il y a plus Ce tr s mauvais avocat utilise des mots rebelles qui se retournent contre lui de lui m me il semble CR voquer les raisons les plus propres condamner sa th se comme si la voix de sa conscience faisait tr bucher son dis cours Tout se passe comme s il essayait de r pondre de plus en plus mal une voix int rieure
7. preuve de courage et de fiert L argumentation de Camus repose presque enti rement sur l opposition des mots engag et embarqu Le mot engag impliquerait que l artiste ait le choix Selon Camus ce n est pas le cas puisque l absence d enga gement est consid r e par les foules comme un engagement contraire au leur Il y a donc pour l crivain deux fa ons de s engager adh rer bruyamment une cause ce qui lui con cilie l appui de la moiti de l opinion et lui ali ne l autre col moiti ou bien s abstenir d adh rer quelque cause que ce soit ce qui lui ali ne la totalit de l opinion Il est clair que ce deuxi me choix est plus dangereux que le premier et que contrairement aux id es re ues c est celui qui exige le plus de courage L crivain se trouve donc dans la m me situation que celle que Pascal assigne l homme devant le probl me de l au del Que l homme s engage pour l existence de Dieu ou qu il refuse de le faire il s engage de toute fa on dans ce domaine l abstention est un choix dire je ne sais pas revient parier que Dieu n existe pas Dans un pareil cas Pascal conseille de faire le choix le moins dangereux c est dire d opter pour l existence de Dieu Mais il est clair qu ici Camus conseille une voie toute contraire faire le choix le plus dangereux ne pas h siter braver l impopularit ni rassembler sur soi les haines convergentes de toutes les par
8. que nous n entendons pas mais qui parlerait de plus en plus fort Quel besoin en effet a t il de prononcer le mot de christianisme alors que c est l justement la doctrine la plus contraire ce qu il veut justifier Quel mauvais g nie le pousse parler de l injustice que l on fait aux Africains N est ce pas l un irr parable aveu Invoquer l indiff rence des princes d Europe n est ce pas souligner leur responsabilit Ainsi des ruines du plaidoyer a surgi un redoutable r quisitoire Les textes pol miques Dans les deux cas pr c dents qu il s agisse d un discours comme celui de Camus ou d un texte ironique comme celui de Montesquieu seules des id es taient en jeu le but de l auteur tait de les d montrer ou de les r futer Mais dans le cas de la pol mique un l ment nouveau vient troubler la rigueur et alt rer l honn tet de la d marche La pol mique en effet est dirig e contre un homme au tant que contre ses id es plus exactement elle cr e un amalgame entre certaines id es et celui qui les pr sente Et c est en essayant de jeter le discr dit sur l homme qu elle tente de r futer sa pens e Comme l indique l origine du mot pol mos en grec signifie guerre la pol mique est un combat o tous les coups sans tre permis sont n anmoins pratiqu s La pol mique grossi re a recours l injure Nous n en parlerons pas car elle se situe en dehors du domaine litt
9. Avant propos Aujourd hui l image de la litt rature est brouill e sa na ture est devenue incertaine Au dix neuvi me si cle la philosophie jadis incluse en elle a conquis son ind pen dance Plus tard le domaine litt raire qui demeurait encore tr s vaste s est trouv peu peu amput par les dissidences successives de l histoire de la r flexion politique de la psy chologie de la sociologie etc mesure que ces disciplines se sont constitu es en sciences autonomes Beaucoup d cri vains modernes intimid s par les savoirs sp cialis s se limitent en s autorisant de l exemple de Proust la peinture de la vie int rieure Ils n osent plus aspirer l universel et ne recherchent d autre v rit que subjective Ob issant au mot de Gide l art est dans la mani re et non dans la mati re ils se consolent de cette d mission en reportant tous leurs efforts sur le style Ils s offrent ainsi sans r sistance l entre prise de normalisation laquelle la linguistique apparue dans la premi re moiti du vingti me si cle se livre sur la litt rature La linguistique est une th orie du langage qui n envisage celui ci que sous l angle de sa forme et de ses structures A la recherche de lois elle est port e consid rer le langage comme s il tait ind pendant de l esprit des tres singuliers qui le parlent Elle laisse chapper l id e l intention de signi fier le sens Elle est par nature peu apte
10. cherche et s offre qui ne la cherche pas Entre les textes litt raires et les autres la fronti re n est pas toujours vidente Dans certains cas limites d terminer si un texte est litt raire ou non rel ve d un jugement de valeur Comment comprendre un texte litt raire En raison de leur sp cificit les textes litt raires deman dent pour tre compris l application d une certaine m thode adapt e leur nature C est cette m thode que nous allons maintenant exposer La d marche qu il faudra suivre d pendra du caract re du texte consid r Examinons donc tout d abord les diff rents types de textes que nous propose la litt rature On peut les r partir entre deux grandes cat gories les textes d monstratifs et les textes po tiques Les textes d monstratifs Nous d signons par ce terme les textes dans lesquels le sens est plus important que la signification Ces textes s adressent l intelligence plus qu au c ur ils cherchent convaincre plus qu mouvoir ils s efforcent d entra ner l adh sion du lecteur par une d marche d apparence ration nelle Mais celle ci n est jamais purement logique car si tel 8 tait le cas le texte ne serait pas litt raire En fait la raison n est dans ces textes que le masque de la passion La pens e qui s y exprime m me si elle pr tend l objectivit reste une pens e personnelle color e par l affectivit de son auteur Nous pouvons citer en exemp
11. ivre qu en sachant vers quel but elle se dirige c est dire apr s avoir lu le texte une premi re fois Qu est ce qu une allusion C est une citation qui n est pas avou e comme telle dans le cas contraire elle serait signal e par des guillemets Faire une allusion consiste glisser dans un texte un mot ou un groupe de mots appartenant express ment un autre texte ant rieur d dans la plupart des cas un autre auteur L allusion a la vertu d voquer toute une pens e voire toute une uvre et d enrichir ainsi le texte dans lequel on l intro duit Elle permet de se faire comprendre en faisant o l conomie de tout un d veloppement on se contente en effet de renvoyer le lecteur un texte suppos connu L allusion exprime beaucoup en disant peu C est une forme de litote qui traduit une r ticence nommer claire ment son objet Par pudeur par crainte ou par timidit elle pr f re le sugg rer de mani re voil e Tout se passe comme si l auteur r pugnait d signer ouvertement ce dont il parle A la limite l omission volontaire d un terme que tout le contexte appelle pourtant peut avoir une valeur allusive ce qui justifie le quatri me point de notre m thode L allusion entend n anmoins tre comprise mais elle ne veut pas l tre de tous elle fait le tri parmi les lecteurs elle ne s adresse qu ceux qui le m ritent c est dire ceux qui ont une cul ture suffisante pour tre valablemen
12. l esclavage des n gres Si j avais soutenir le droit que nous avons eu de rendre les n gres esclaves voici ce que je dirais Les peuples d Europe ayant extermin ceux de l Am rique ils ont d mettre en esclavage ceux de l Afrique pour s en servir d fricher tant de terres Le sucre serait trop cher si l on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves Ceux dont il s agit sont noirs depuis les pieds jusqu la t te et ils ont le nez si cras qu il est presque impossible de les plaindre On ne peut se mettre dans l esprit que Dieu qui est un tre tr s sage ait mis une me surtout une me bonne dans un corps tout noir On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux qui chez les gyptiens les meilleurs philosophes du monde tait d une si grande cons quence qu ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains Une preuve que les n gres n ont pas le sens commun c est qu ils font plus de cas d un collier de verre que de l or qui chez des nations polic es est d une si grande cons quence Il est impossible que nous supposions que ces gens l soient des hommes parce que si nous les supposions des hommes on commencerait croire que nous ne sommes pas nous m mes chr tiens De petits esprits exag rent trop l injustice que l on fait aux Africains car si elle tait telle qu ils le disent ne serait il pas venu dans la t te des princes
13. le certains textes politiques ou philosophiques comme L Esprit des lois de Montesquieu le Contrat social de Rousseau ou L Homme r volt de Camus Parmi les textes d monstratifs nous distinguons plu sieurs types qui se diff rencient par la mani re particuli re dont ils pr sentent ou conduisent leur d monstration Nous tudierons tour tour e Les textes d monstratifs proprement dits e Les textes ironiques e Les textes pol miques e Les articles de presse Le texte d monstratif proprement dit d monstration directe Notre m thode pour comprendre ce type de texte consiste a rep rer le th me b noter la conclusion et la progression c saisir et comprendre les allusions d se demander quels sont les mots attendus par le lecteur mais que pourtant l auteur ne prononce pas e r pondre la question contre qui l auteur crit il 1 Un probl me pineux est pos par la nature de la philosophie Une tradition ancienne l exclut du domaine litt raire Nous pensons que c est tort Quelle que soit sa volont d tre objectif un philosophe n est pas un savant il se hasarde dans un domaine inconnu dans lequel il a pour support principal son intuition derri re le syst me rationnel qu il construit se cachent des jugements de valeur m me si elle s efforce d tre logique et rigoureuse sa pens e reste personnelle et sa vision est subjective C est pourquoi nous classons r solument le
14. ntaire mais plut t d un service militaire obligatoire Tout artiste aujourd hui est embarqu dans la gal re de son temps Il doit s y r signer m me s il juge que cette gal re sent le hareng que les gardes chiourme y sont vraiment trop nombreux et que de surcro t le cap est mal pris Nous sommes en pleine mer L artiste comme les autres doit ramer son tour sans mourir s il le peut c est dire en continuant de vivre et de cr er A vrai dire ce n est pas facile et je comprends que les artistes regrettent leur ancien confort Le changement est un peu brutal Certes il y a toujours eu dans le cirque de l histoire le martyr et le lion Le premier se soutenait de consolations ternelles le second de nourriture historique bien saignante Mais l artiste jusqu ici tait sur les gradins Il chantait pour rien pour lui m me ou dans le meilleur des cas pour encourager le martyr et distraire un peu le lion de son app tit Maintenant au contraire l artiste se trouve dans le cirque Sa voix forc ment n est plus la m me elle est beaucoup moins assur e On voit bien tout ce que l art peut perdre cette constante obligation L aisance d abord et cette divine libert qui respire dans l uvre de Mozart On comprend mieux l air hagard et but de nos uvres d art leur front soucieux et leurs d b cles soudaines On s explique que nous ayons ainsi plus de journalistes que d crivains plus de boy scouts de la peintu
15. permettra toujours de saisir le sens d un mode d emploi ou d un article de loi alors qu on ne sera jamais certain d avoir totalement per u la signification d un po me Le texte litt raire est donc celui que l on conserve et que l on relit 2 Dans un texte non litt raire l auteur s efface derri re ce qu il dit Un texte litt raire au contraire comporte une grande part de subjectivit Il est l expression de la person nalit unique de son auteur 3 Un texte litt raire m me s il est na f et spontan met en uvre consciemment ou non des proc d s artistiques qui sont pour une part l gu s par une tradition et pour une autre part invent s par l auteur du texte Ces proc d s ont c pour effet de donner au texte une structure particuli re qui concourt sa signification 4 Un dernier crit re entre en ligne de compte celui de la qualit Certains textes qui remplissent les conditions cit es ci dessus d finissant les textes litt raires se situent n an moins en dehors de cette cat gorie parce qu ils n atteignent pas un niveau de qualit suffisant Il ne faut pas prendre l intention ou la pr tention pour le fait il ne suffit pas d in tituler un texte po me ou roman pour qu il soit litt raire Inversement certains textes dont les auteurs n avaient aucun souci artistique prennent place par leurs qualit s dans le domaine litt raire La litt rature est une chose myst rieuse qui chappe parfois qui la
16. pudeur est ce par timidit ou n est ce pas justement parce qu il s agit d un mot qui fait peur et que le seul fait de le prononcer porterait malheur Quel est il C est de toute vidence le mot politique Ajoutons le quelques expressions elles en deviennent plus claires S ils parlent de politique les voil critiqu s jadis celui qui n approuvait pas la politique pouvait se taire ou parler d autre chose que de politique cet acte expose aux passions politiques d un si cle qui ne pardonne rien Ce texte comporte t il des allusions Nous en trouvons deux l une et l autre dans une m me phrase embarqu me para t ici plus juste qu engag Engag renvoie de toute vidence Jean Paul Sartre et embarqu Pascal Nous comprenons du m me coup sans plus attendre et sans avoir besoin d expliciter pr alablement ces allusions contre qui Camus crit Il crit contre Sartre Si maintenant nous mettons ensemble les r ponses que nous ont apport es les quatre questions de notre m thode nous comprenons parfaitement le sens du texte alors que Sartre et ses amis pr tendent que s engager est un acte de libert et de courage pour un crivain et que ceux qui ne le font pas renoncent leur libert Camus estime que ceux qui s engagent loin d tre libres c dent aux menaces de la foule ils hurlent avec les loups et que seuls ceux qui ne s enga gent pas politiquement font
17. re que de C zannes et qu enfin la biblioth que rose ou le roman noir aient pris la place de La Guerre et la Paix ou de La Chartreuse de Parme Cr er aujourd hui c est cr er dangereusement Toute publication est un acte et cet acte expose aux passions d un si cle qui ne pardonne rien Albert Camus Conf rence du 14 d cembre 1957 in Discours de Su de Editions Gallimard Commen ons par rep rer le th me Il est clairement indi qu par le titre Quant la conclusion but de la d monstration elle appara t dans la derni re ligne Toute publication est un acte et cet acte expose aux passions d un si cle qui ne pardonne rien Si maintenant nous relisons le texte la lumi re de cette derni re phrase nous en saisissons mieux la progression logique Nous notons tour tour les id es suivantes si les crivains parlent ils sont critiqu s s ils se taisent ils le sont plus encore l crivain et ses contemporains sont embarqu s dans la m me gal re l crivain est solidaire des autres hommes jadis l crivain tait spectateur il regardait dans le cir que les lions d vorer les martyrs mais maintenant il est acteur il se trouve avec les martyrs dans l ar ne en face des lions 2 En lisant ce texte plusieurs reprises on sent que l auteur tourne autour d un mot qui est dans sa pens e mais qu il se refuse prononcer En quelque sorte il le d signe en creux Est ce par
18. s ouvrages philosophiques dans la litt rature Ceci ne pr juge nullement de leur valeur proprement philosophique Avant d appliquer cette m thode un exemple pr cis il nous faut expliquer certains termes Qu est ce que le th me Il circonscrit les limites du probl me pos C est le cadre l int rieur duquel s inscrit la d monstration Il confronte souvent deux notions par exemple la morale et la politique l art et la vie etc Il est souvent indiqu par le titre quand le texte en comporte un mais il ne faut pas s y fier dans tous les cas car il arrive qu il soit trompeur parfois l auteur dis simule dessein le v ritable th me de son texte par un titre anodin par exemple dans l Encyclop die l article Bl d Voltaire traite en r alit de la survivance en un si cle clair de pratiques et de formes de pens e arri r es A d faut d indications donn es par le titre le th me se re conna t ce qu il est le fil directeur du texte auquel il donne son unit c est lui qui est la source des images que le texte comporte ventuellement m me s il reste masqu pendant une grande partie du d veloppement il est n anmoins n cessaire qu il se d voile dans les derni res lignes C est l qu il sera le plus facile de le saisir Qu est ce que la progression C est la succession des diff rentes tapes du raisonnement qui conduit la conclusion On ne pourra donc bien la su
19. t pris t moin par l auteur elle semble illustrer le proverbe A bon enten deur salut C est un langage pour initi s Apr s ces quelques pr cisions nous pouvons maintenant appliquer notre m thode un texte d Albert Camus L artiste et son temps Un sage oriental demandait toujours dans ses pri res que la divinit voul t bien lui pargner de vivre une poque int ressante Comme nous ne sommes pas sages la divinit ne nous a pas pargn s et nous vivons une poque int ressante En tout cas elle n admet pas que nous puissions nous d sint resser d elle Les crivains d aujourd hui savent cela S ils parlent les voil critiqu s et attaqu s Si devenus modestes ils se taisent on ne leur parlera plus que de leur silence pour le leur reprocher bruyamment Au milieu de ce vacarme l crivain ne peut plus esp rer se tenir l cart pour poursuivre les r flexions et les images qui lui sont ch res Jusqu pr sent et tant bien que mal l abstention a toujours t possible dans l histoire Celui qui n approuvait pas il pouvait souvent se taire ou parler d autre chose Aujourd hui tout est chang le silence m me prend un sens redoutable A partir du moment o l abstention elle m me est consid r e comme un choix puni ou lou comme tel l artiste qu il le veuille ou non est embarqu Embarqu me para t ici plus juste qu engag Il ne s agit pas en effet pour l artiste d un engagement volo
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